PLAIDOYER POUR UNE TECHNOLOGIE RESPONSABLE - ASSOCIATION STOP 5G

 
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ASSOCIATION STOP 5G

PLAIDOYER POUR
UNE TECHNOLOGIE
 RESPONSABLE
-PLAIDOYER POUR UNE TECHNOLOGIE RESPONSABLE-

REMERCIEMENTS

L’association STOP 5G tient à remercier les personnes et les organisations suivantes :

Schutz Vor Strahlung
Jura Non 5G, STOP 5G Glâne, 5G Moratoire pour la Suisse, Fribourg 4G suffit, L'ARRA (qui
souscrit au texte des deux pages d'Introduction), les associations et collectifs romands et
suisses allemands locaux, les citoyens et citoyennes qui nous soutiennent et font entendre
leurs voix ;

Tous les contributeurs et les contributrices, en Suisse ou à l’international, qui ont eu l’amabilité
de se prêter à l’exercice de l’écriture de ce premier plaidoyer, afin de nourrir le débat et ouvrir
les perspectives des problématiques liées au développement de la 5G dans notre pays, et
dans le monde ;

Mais aussi : Sébastien Jaccard, Chris Gautschi, Laurent, Jorge, Fanny, Christine, Jeanne,
Daria, Bruno, Chantal, Geneviève, Béatrice et tant d’autres.

Au nom de l’Association STOP 5G,
Louisa Diaz

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     TABLE DES MATIERES

1. INTRODUCTION ................................................................................................................... 4

2. EDITH STEINER

     Dr. en médecine, membre du directoire des MfE ................................................................. 7

3. ENRICO STURA

     Dr. en biophysique moléculaire, Ingénieur électrique ....................................................................... 13

4. MATHIEU GENOUD

     Paysan – Membre Uniterre ..................................................................................................... 16

5. DOMINIQUE BOURG

     Professeur de philosophie, spécialiste des questions environnementales......................... 25

6. CAROLINE V.

     Technicienne assurance chômage en France, Collectif stop linky 5G France .................. 29

7. CLARICE FERRAZ

     Professeure adjointe, chercheuse associée du Groupe d'Economie de l'Energie................ 35

8. LARA PIZURKI

     Dr. en biologie, journaliste scientifique .................................................................................. 42

9. GABRIEL DORTHE

     Dr. en philosophie et STS ...................................................................................................... 46

10. DAMIEN BONFANTI

     Maire de la ville de Lancy, Genève ........................................................................................ 51

11. RAPHAËL MAHAIM

     Dr. en droit de l’environnement, avocat, Député au Grand Conseil VD ................................... 57

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INTRODUCTION

Début 2019, la Confédération a vendu des concessions 5G aux opérateurs, sans aucun débat
démocratique et en sachant que le conseil des Etats, haute chambre parlementaire fédérale,
avait refusé par deux fois l’augmentation des valeurs limites de rayonnement permettant le
déploiement effectif de cette technologie.

Cette mise devant le fait accompli a poussé la population suisse à s’interroger et à s’opposer
à cette technologie au sujet de laquelle plus de 170 éminents scientifiques indépendants
avaient lancé l’alerte quelques mois auparavant. La même année, la Confédération a mandaté
un groupe de travail ad hoc, au travers de l’Office fédéral de l’environnement (OFEV), afin
d’étudier la faisabilité et l’impact du déploiement de la 5G.

Sur ses 21 membres, on comptait seulement deux médecins mais quatre représentants des
opérateurs. Dans son rapport, publié en novembre 2019, le groupe de travail a admis qu’il ne
disposait pas de compétences scientifiques pour évaluer l’impact biologiques du
rayonnement. Par ailleurs, le rapport a fait l’impasse sur les impacts écologique et énergétique
de la 5G, qui n’entrait pas dans le mandat du groupe de travail.

Une vingtaine de scientifiques se sont d’ailleurs mobilisés en dénonçant auprès de la
Confédération la faible qualité dudit rapport, rendu avec six mois de retard.

Depuis lors, les mises à l’enquête pour l’installation de nouvelles antennes 5G, ou la
modification d’antennes existants en antennes 5G, ont explosé. En raison des particularismes
cantonaux, certaines communes suisses omettent de mettre la modification d’antennes
existantes à l’enquête. Il en résulte que les citoyens découvrent souvent par hasard que le
mat voisin de leur habitation émet en 5G.

Le véritable chantage au « progrès technologique » auquel est confronté le peuple suisse, lié
à d’évidents conflits d’intérêts, s’est cristallisé ces derniers mois au travers d’une association
nouvellement créée, « Chance 5G », largement financée par l’association suisse des
télécommunications (ASUT). Cet organisme de lobbying regroupe 76 personnalités, dont 3
partageant la présidence, issues du monde industriel et néo-libéral.

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En marge, le président de la commission fédérale de la communication (COMCOM), s’est
directement adressé au Conseil Fédéral, manœuvrant ainsi à la manière d’un lobbyiste. Son
but est d’augmenter les valeurs limites à 11.5V/m et de séparer le calcul par opérateur, ce qui
peut multiplier par 4 le rayonnement total des installations actuelles, le portant à près de 20
V/m. Pour rappel, le Conseil de l’Europe préconise des valeurs-limites inférieures à 0,6 V/m,
et 0,2 V/m dans les habitations.

Le déploiement de la technologie 5G supposerait également une modification conséquente
du paysage urbain : il faudra ériger des antennes relais tous les 150 mètres environ, y compris
sur des monuments historiques, pour faire de la 5G un outil de communication efficient.

A quelle fin ? Question d’efficience, à l’aube de la multiplication des objets connectés et du
concept de la « smart city ».

En outre, nous nous interrogeons également sur la surconsommation prévisible d’appareils
électroniques en tout genre, au regard des manifestations pour le climat, de l’appel à la
sobriété numérique, et de l’agenda 2050 de la Confédération. Et de manière plus large, la
question de l’extraction des minerais, leur transformation et l’acheminement de ces appareils
dans notre pays interroge, au lendemain de l’Accord de Paris.

Dans le calcul de l’efficience énergétique promise par les opérateurs, ne sont pas pris en
considération ces questions cruciales, dont dépendent l’avenir des générations futures. Au
surplus, la souveraineté et la protection des données sensibles et personnelles inquiètent
également. Le principal fournisseur d’antennes est actuellement Huwei, qui est pour l’instant
techniquement en avance sur ses concurrents. Or, cette entreprise appartient à 99% au parti
communiste chinois.

Ajoutons encore que la Suisse a subi de nombreuses attaques et piratages informatiques ces
dernières années. Ceci n’est pas pour rassurer quand on sait que la multiplication des objets
connectés et des nouvelles applications transfèrera bien plus de données personnelles.
Quiconque souhaiterait menacer notre pays, et ce faisant, notre économie, n’aurait alors qu’à
paralyser notre système numérique.

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Après les scandales liés au tabac, à l’amiante, au glyphosate, aux pesticides, au téflon, et
plus récemment au chlorothalonil, il est nécessaire de faire appliquer le principe de précaution
afin d’éviter une nouvelle catastrophe sanitaire et environnementale.

Malheureusement, nous constatons que la stratégie des opérateurs est de semer le doute au
sujet des impacts de leur nouvelle technologie, malgré un nombre élevé d'études scientifiques
montrant les impacts biologiques et sanitaires des ondes de la téléphonie mobile.

Les autorités sont quant à elles prises en étau entre l’intérêt de la population à disposer du
meilleur état de sante qu’il est possible d’atteindre, et qui constitue un droit humain inaliénable,
et l’intérêt des opérateurs et des acteurs du Big Data, qui pourraient gagner des milliards de
francs par année grâce au déploiement de la 5G.

La bonne question à se poser est celle de la véritable utilité, ainsi que de l’empreinte sanitaire
et écologique de cette nouvelle technologie à laquelle près d’un Suisse sur deux s’oppose.
En l’absence de débat démocratique, c’est par le biais de nos plumes que nous souhaitons
porter le débat sur la place publique.

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                                      EDITH STEINER

 Edith Steiner, Dr en médecine., est membre du directoire des MfE et dirige les groupes de

    travail des MfE « Champs électromagnétiques et santé » et « Réseau de conseil en

  médecine environnementale ». Elle est membre du « groupe consultatif d’experts pour le

rayonnement non ionisant » (BERENIS) et du groupe « Téléphonie mobile et rayonnement »

                                          de l’OFEV

          Cet article est paru pour la première fois dans l’ÉCOSCOPE 2/20, la

          revue spécialisée des Médecins en faveur de l’Environnement (MfE)

              LE PRINCIPE DE PRECAUTION POUR LA TELEPHONIE MOBILE

Des valeurs limites d’antenne garanties pour la 3ème fois

Les opérateurs attaquent les valeurs limites des installations de téléphonie mobile qui gênent
leur juteux marché, toujours combattu, avec succès, par les MfE qui prônent le principe de
précaution.

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Le principe de précaution s’applique aussi à la Loi fédérale sur la protection de
l’environnement : pour protéger les personnes, il limite les émissions dans la mesure « que
permettent l’état de la technique et les conditions d’exploitation et pour autant que cela soit
économiquement supportable ».

La première extension des réseaux mobiles a été accélérée à la fin des années 90. En même
temps, le Conseil fédéral (CF) lançait la consultation sur la nouvelle « Ordonnance sur la
protection contre le rayonnement non ionisant » (ORNI) le 16/2/1999. Elle devait ancrer la
protection préventive, surtout pour les installations de téléphonie mobile rayonnantes. Une
règlementation était urgente. Le DETEC recommandait même d’appliquer le projet
d’ordonnance aux demandes de permis de construire des antennes de téléphonie mobile1.

Une protection insuffisante

En 1998, « La commission internationale pour la protection contre le rayonnement non
ionisant », ICNIRP, une association privée, publiait des recommandations de valeurs limites
(VL) qui tout au plus préviennent les lésions tissulaires liées à un fort échauffement dû à une
brève exposition. À l’époque déjà, des études scientifiques montraient d’autres effets néfastes
au-dessous de ces valeurs2 qui ne satisfont donc pas au principe de précaution.

Malgré la résistance d’organisations sanitaires et environnementales – dont les MfE – et de
cantons et communes, le CF a intégré les VL de l’ICNIRP dans son ordonnance, toujours
considérées comme des VL d'immission partout où des personnes peuvent se trouver. Par
ailleurs, il a défini des dites VL d'installation pour la protection préventive limitant le
rayonnement autorisé émis par chaque mât de téléphonie mobile dans des « lieux à utilisation
sensible » (LUS : par ex. chambres à coucher, séjours, chambres de malade, salles de classe
et certaines aires de jeu). L’ORNI est entrée en vigueur le 1er février 2000.

La lutte pour le principe de précaution

Pour les MfE, cette protection était insuffisante : notre engagement obstiné s’est concrétisé
dans des commissions, auditions parlementaires, prises de position, procédures de
consultation, avec des communiqués de presse, exposés, actions de sensibilisation pour des
VL plus faibles, une planification coordonnée de l’infrastructure de réseau, une recherche
indépendante et une information transparente de la population.

1
    Art. 11 al. 2 LPE
2
    Crochets = références bibliographiques, en ligne : www.aefu.ch/ecoscope/steiner_références

                                                                                                 8
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Dans un sondage représentatif de 2004, 5 % des sondés indiquaient souffrir de symptômes
dus à la téléphonie mobile3. Les MfE ont été de plus en plus sollicités par des personnes
auxquelles nous proposons, depuis 2007, un service de conseil en médecine
environnementale4.

En 2007, le débat sur le lancement de la 3G (UMTS) a été houleux. Le « Forum Mobil », une
structure de lobby des opérateurs de téléphonie mobile, s’est adressé au corps médical en se
voulant rassurant. Et, en parallèle, une étude suisse soulignait que les études financées par
l’industrie montraient nettement moins d’effets sanitaires du rayonnement que celles au
financement indépendant5.

Depuis 2009, les MfE sont membre du « groupe d’accompagnement aide à l'exécution du
RNI », créé par le CF, et, depuis 2014, du « groupe consultatif d'experts RNI » (BERENIS) de
l’Office fédéral de l'environnement (OFEV).

Les indices de risques sanitaires se multiplient

Depuis 2000, les indices selon lesquels la téléphonie mobile est néfaste pour la santé sont
indéniables. Le Programme national de recherche « Rayonnement non ionisant -
Environnement et santé » (PNR 57, 2007–2011) a constaté des effets biologiques dus au
rayonnement du téléphone portable qui ne s’expliquent pas par le modèle d’action thermique
à la base des recommandations de l’ICNIRP de 19996. L’enquête portant sur l’exposition
d’alors au rayonnement de la population a montré un décuplement par rapport à avant 7.
L’Office fédéral de la santé publique (OFSP) et l’OFEV ont, certes, exigé des recherches
supplémentaires8. Elles ont été très limitées. Toutefois, des études internationales cas-
témoins ont montré un risque accru de tumeur cérébrale lors de l’utilisation intense du
portable.

En plein dans l’essor du smartphone, le Centre international de Recherche sur le Cancer CIRC
classifiait, en 2011, le rayonnement de téléphonie mobile comme « potentiellement
cancérigène»9. Il recommandait des modules mains-libres et des SMS plutôt que le portable

3
  International Commission on non-ionizing radiation protection
4
  https://www.bafu.admin.ch/bafu/fr/home/themes/electrosmog/info-specialistes/mesures-contre-l-electrosmog/telephonie-
mobile--aides-a-lexecution-de-l-orni.html
5
  https://www.bafu.admin.ch/bafu/fr/home/themes/electrosmog/newsletter-du-groupe-consultatif-dexperts-en-matiere-de-rni--
ber/le-groupe-consultatif-dexperts-en-matiere-de-rni--berenis-.html
6
  Réseaux de téléphonie mobile adaptés aux exigences du futur ; Rapport et analyse de la situation du CF en réponse aux
postulats Noser (12.3580) et du Groupe libéral-radical (14.3149) (25/ 2/2015), https://www.bakom.admin.ch/bakom/fr/page-
daccueil/l-ofcom/organisation/bases-legales/dossiers-du-conseil-federal/reseaux-de-telephonie-mobile-adaptes-aux-exigences-
du-futur.html
7
  Motions 16.3007 Garantir le plus rapidement possible la modernisation des réseaux mobiles et 18.3006 éviter l'effondrement
des réseaux mobiles et assurer l'avenir numérique du pays.
8
  Markus N. Durrer: Rezept für einen strahlungsarmen Mobilfunk. OEKOSKOP 2/19, p. 10.
9
  https://www.bafu.admin.ch/bafu/fr/home/themes/electrosmog/dossiers/rapport-groupe-de-travail-telephonie-mobile-et-
rayonnement.html

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à l’oreille. L’OMS s’est dit préoccupée par l’utilisation accrue de la téléphonie mobile par les
adolescents et enfants.

Des réseaux adaptés à l’avenir sans hausse des VL d'installation

Impassible, le lobby de la téléphonie mobile contestait le principe de précaution avec les VL
d'installation. L’enjeu financier était de taille : en 2012, il achetait les concessions pour la 4G
(LTE) mises aux enchères par la Confédération pour un milliard de CHF. Suite à cela, un
contrôle du cadre juridique a été exigé au Parlement, tout comme de l’ORNI et de ses VL. En
2015, le CF consignait : le nombre d’études sur le rayonnement est trop faible et des atteintes
à la santé ne sont pas exclues. Mais il n’y a pas urgence à modifier le cadre juridique.

Une solution transitoire bon marché

Le lobby remettait le couvert : deux interventions au Parlement exigeaient l’assouplissement
du niveau de protection. Sans VL plus élevées, il était impossible d’introduire la nouvelle
norme 5G, la Suisse passait à côté de l’avenir numérique du pays. Notre argumentation «
n’est pas nécessaire techniquement et n’est pas sans risque sanitaire » mais a convaincu. Le
Parlement a refusé des VL plus élevées, en novembre 2016 et en mars 2018.

Elles auraient permis de couvrir les espaces intérieurs avec l’Internet, à peu de frais, via des
antennes extérieures très puissantes – au détriment de la protection sanitaire. Mais ce
concept est désuet. Car pour traverser les murs, les antennes ont besoin de jusqu’à 90 % de
leur puissance d'émission (cf. contribution Zbornik, p. 9 du n° 2/2020 de l'Ecoscope). Et pour
atteindre ces antennes, la puissance d’émission des smartphones, tablettes et ordinateurs
portables doit être élevée. Ces deux conditions exposent fortement et inutilement les
personnes au rayonnement, à l’intérieur et l’extérieur des bâtiments.

La nouvelle astuce : la hausse cachée des VL

En février 2019, les opérateurs ont payé 350 millions de CHF pour les concessions 5G. La 5G
doit d’abord utiliser la fréquence 3,5 gigahertz. Ceci permet, certes, un Internet plus rapide,
mais il faut près de 12 fois plus de puissance d'émission pour la couverture généralisée prévue
de la Suisse, intérieurs inclus. C’est pourquoi une nouvelle technologie d’antennes a été
développée (cf. OEKOSKOP 2/19).

Pour ces dernières, le débat porte non pas sur le fait que c’est la puissance maximale qui doit
respecter la VL d'installation, mais une valeur moyenne. C’est comme si, sur les routes, ce
n’était pas la vitesse maximale qui était valable, mais une vitesse moyenne que l’on peut

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dépasser tant que l’on est régulièrement en-dessous de celle-ci. Si, soudainement, une valeur
moyenne s’applique, cela équivaut à une hausse indirecte de la VL.

Antennes adaptatives – Comment les mesurer ?

Les antennes adaptatives cherchent des utilisateurs ayant besoin de données et concentrent
leur puissance d'émission très dynamiquement dans leur direction, qui change toutes les
millisecondes. L’intensité du faisceau de rayonnement (beams) atteint des valeurs de crête
élevées. Ceux qui sont « touchés » par ces faisceaux sont temporairement exposés à un
rayonnement supérieur à celui des antennes conventionnelles.

Avec l’adjudication des fréquences 5G aux opérateurs et le nouveau passage dans l’ORNI, la
Confédération place les cantons et les communes dans une insécurité juridique : ils devaient
statuer sur les demandes de permis de construire pour les antennes adaptatives, sans
disposer d’aide à l'exécution, de méthodes de mesure, d’évaluation et de contrôle. Jusqu’à ce
qu’il en existe de telles, les antennes adaptatives doivent être traitées comme les
conventionnelles. À titre provisoire, leur puissance maximale d'émission doit respecter la VL,
et non une valeur moyenne calculée théoriquement. Mais cette histoire de moyenne n’est pas
encore définitivement réglée.

Rapport Téléphonie mobile et rayonnement

En 2018 et 2019 un groupe de travail « Téléphonie mobile et rayonnement », mandaté par la
Confédération, et auquel ont participé les MfE, a compilé des faits sur la téléphonie mobile et
la 5G, et a cherché des recommandations sur les extensions possibles du réseau mobile en
tenant compte des questions de protection et d'exploitation. En parallèle, le débat sur la 5G
ne cessait de s’amplifier : le nombre de recours contre les demandes de permis de construire
pour les antennes 5G s’est apparenté, de fait, à un moratoire, adopté aussi par certains
cantons de Romandie. Diverses interventions parlementaires ont posé des questions et des
exigences au CF. Et tous attendaient le rapport « Téléphonie mobile et rayonnement » du
groupe de travail. Mais ses membres ne sont pas parvenus à définir une position commune.
Leur seul consensus a porté sur la nécessité de la prévention et des mesures
d’accompagnement. Les MfE ont refusé et refusent tout type de hausse des VL et réclament
un meilleur niveau de protection pour les riverains d’antennes.

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La lutte pour la prévention continue

En se basant sur ce rapport et en réponse à la résistance massive de la population, des
cantons et des communes, le CF a décidé en avril 2020 10 : pour l’heure, les VL restent
inchangées, même pour la 5G. En outre, toutes les mesures d’accompagnement11 proposées
doivent être mises en œuvre. Nous nous réjouissons de ce succès, mais il y a encore du
travail. Il s’agit maintenant de mettre en place une prévention cohérente pour donner un cadre
à ces mesures. Nous avons, à ce sujet, rédigé la Charte des MfE « Téléphonie mobile et
rayonnement » (au milieu du cahier).

Références

Vous trouverez les références bibliographiques en ligne : www.aefu.ch/ecoscope/steiner_références
info@aefu.ch
www.aefu.ch > themes > réseau de conseil

10
  https://www.bafu.admin.ch/bafu/fr/home/themes/electrosmog/communiques.msg-id-78857.html
11
  Harmonisation et simplification de l’exécution ; monitoring de l’exposition ; Information et sensibilisation de la population ;
promotion de la recherche dans le domaine de la téléphonie mobile et la santé ; service de consultation de médecine
environnementale sur le RNI ; plate-forme d’échange « Téléphonie mobile du futur »

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                                      ENRICO STURA

               Docteur en biophysique moléculaire, Ingénieur électrique,

                                       TEMOIGNAGE

Pourquoi je me suis intéressé aux radiations non ionisantes ? A la base, je suis ingénieur
électrique, quelqu’un qui a focalisé ses études sur les champs électromagnétiques dans les
milieux physiques, notamment dans les télécommunications et dans les champs
électromagnétiques.

Aussi, avec un parcours inhabituel, j’ai fait un doctorat en biophysique moléculaire, ce qui est
rare. Comme le fait de prendre le chemin de la biophysique, qui normalement est le chemin
du biologiste et d’autres spécialisations. J’étais le seul ingénieur électrique dans ce
département et ce, pendant ces quatre ans.

Et là, j’ai eu l’opportunité de mettre en relation les deux sujets, les champs électromagnétiques
et comment ils entrent en interaction sur les acides nucléiques (DNA et RNA) et les protéines.

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On était dans les années 2000, au début du déploiement de la 3G, et on commençait à
observer si avec 6V/m il existait une dangerosité. On considérait alors que le système
biologique ne contenant pas de métaux, il ne devrait pas être touché par des champs
électromagnétiques, vu que notre corps ne contient pas de métaux et que par conséquent, il
ne devrait pas y avoir d’interactions.

Nous avons constaté au travers de nos expériences, qu’il n’en était rien. En effet, puisque la
plupart de nos molécules sont « polaires », lorsqu’un champ magnétique nous touche, il va y
avoir des interactions et des effets qui vont de ce fait « déranger » le mécanisme naturel de
fonctionnement des cellules.

Vu que notre système biologique a été mis au point avec une évolution de plusieurs millions
d’années, on peut considérer qu’on a appris à faire face aux champs électriques et
magnétiques présents naturellement dans l’environnement, notamment le champ magnétique
terrestre, ou les radiations lumineuses, qui étaient effectivement présents pendant notre
évolution.

Les champs magnétiques artificiels sont apparus très tard dans l’évolution, dans les 200
dernières années, ce qui est très peu par rapport aux millions d’années d’évolution. Et ces
changements d’environnement, avec l’arrivée des champs électromagnétiques, n’a pas
permis à l’être humain de s’adapter.

Dans le cadre de mes recherches, j’ai pu vérifier et reproduire en laboratoire le travail d’autres
scientifiques qui ont démontré des interactions visibles et souvent négatives des radiations
non-ionisantes sur notre système de fonctionnement.

Avec ces premières démonstrations, il semblerait qu’une partie de la population veuille nier
cela, notamment des personnes ayant des intérêts économiques, car ils y verraient un danger
pour leurs affaires, dès lors que les radiations non-ionisantes seraient considérées comme
nocives.

Et il y a aussi le risque qu’une partie de la population, ne trouvant pas la raison de certains de
leurs problèmes (de santé), projette sans raisons précises leurs maux aux rayonnement non-
ionisant (RNI).

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Ce que nous pouvons faire aujourd’hui, devant ce constat, n’est de notre point de vue pas
quelque chose d’inacceptable. Nous ne souhaitons pas « tout couper » ou stopper le progrès.
Nous pouvons nous engager à minimiser notre exposition aux RNI, minimiser l’exposition de
la population avec des intentions responsables, et ce, de deux façons :

1. Le signal : aujourd’hui le signal est autorisé jusqu’à 6V/m. On ne peut pas nier les effets
démontrables de cette valeur et prétendre l’augmenter avec une l’exposition qui est déjà très
élevée, car c’est déjà une valeur nuisible. La proposition des entreprises concernées,
d’augmenter ces limites, est à éviter absolument.

2. Volume de données : la 5G vise à fournir plus de volumes de données par secondes, et
probablement ces données seront utilisées sans vrais besoin (publicité, applications non
optimisées pour la minimisation des transferts, objets connectés...), et on arrivera vite à
consommer ce que l’on gagne en efficience. On aura plus, donc on utilisera plus, en exposant
d’avantage toutes les personnes. Comme par exemple en train, où l’on expose aussi toutes
les personnes voisines à nous.

En définitive, si au niveau des standards (décibels, vitesse, etc.), on impose des normes qui
ne sont pas exagérées, on devrait pouvoir faire de même pour les RNI, et arriver ai nsi à
polluer moins en terme d’« électrosmog ».

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                                Paysan – Membre d’Uniterre

       NUMERISATION DE L’AGRICULTURE : LA NOUVELLE GENERATION DE

                                     DEPENDANCES ?

Dans ce texte il ne s’agira pas de savoir si on est « pour ou contre » la technologie en
général, ou l’une ou l’autre nouveauté technique en particulier. Le propos est plutôt de
participer à la réflexion sur le type de technologies que l’on souhaite développer pour
l’agriculture et la façon dont nous définissons ce qu’est une « avancée » technique ou
technologique, au-delà de la vision évolutionniste et linéaire du « progrès technique »
selon le modèle capitaliste industriel. Ce texte part d’expériences, d’analyses et de
partages au contact de collègues paysan.ne.s.

Portrait du secteur agricole en quelques mots

Aujourd’hui encore, 75 % de la nourriture mondiale est produite sur 30 % des terres arables
par plus de 90 % du milliard de paysan.ne.s mondiaux pratiquant une agriculture
agroécologique vivrière. L’immense majorité de cette production n’est pas ou peu mécanisée
et réalisée sans aucun accès à la numérisation. La production industrielle globalisée occupe
une majorité des terres agricoles mais ne représente qu’un petit quart de la nourriture humaine

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mondiale et moins de 10 % des paysan.ne.s. Leaders dans ce secteur, les quelques
entreprises agroalimentaires d’intrants, de négoce, de transformation et distribution contrôlent
l’immense majorité du marché mondial alimentaire12. Ce sont elles qui dictent les conditions
socio-économiques des 90 % de petits paysan.ne.s qui, par leur immense capacité productive,
sont au cœur de la lutte contre la faim, mais par leur incapacité à générer un rapport de forces
favorable, font partie des communautés les plus vulnérables à souffrir de la faim.

Ainsi, malgré les promesses répétées, le modèle alimentaire industriel semble incapable de
répondre aux énormes défis auxquels le système alimentaire mondial est confronté depuis
des années : aggravation de la faim et répétition des crises alimentaires mondiales,
changements climatiques, perte de biodiversité, pollutions et augmentation du CO2
atmosphérique. Au contraire, il est responsable de la péjoration de la situation.

L’évolution techniques agricole

La machinerie agricole adaptée aux besoins des paysan.ne.s est indispensable à l’agriculture
parce qu’elle rend le travail plus facile, voire même le rend simplement possible. Le progrès
technique, l’adaptation aux nouveaux besoins et les innovations dans ce domaine sont très
importants et bienvenus.

L’agriculture n’a cessé de se « moderniser » depuis la domestication des plantes et animaux.
Jusqu’à très récemment, ces évolutions portaient avant tout sur des questions de pratiques
agronomiques et culturales. Mais depuis la « révolution industrielle », vers 1850, l’évolution
technique est avant tout une évolution « machiniste ». Dès ce moment en effet, la
prépondérance des machines et de leur évolution deviennent centrales dans les travaux
agricoles et dans l’orientation de l’évolution du secteur dans les pays occidentaux. Les
nouveaux besoins d’écoulement des produits du secteur industriel naissant en sont l’une des
principales raisons.

Au cours du XXe siècle, déjà sous couvert d’amélioration des conditions de travail et de
modernisation, le secteur agricole a permis de soutenir ou réorienter le secteur industriel,
surtout militaire, à la sortie des guerres mondiales. D’abord entre deux guerres avec l’arrivée
des intrants et des pesticides pétrochimiques (anciennement gaz et armes de combat) puis,
au sortir de 1945, par la mécanisation du travail de la terre par les tracteurs (anciens tanks et
véhicules militaires). On a ainsi remplacé les engrais de fermes et les techniques

12
   Voir le dossier « Agropoly » de Public Eye :
https://www.publiceye.ch/fileadmin/doc/Agrarrohstoffe/2014_PublicEye_Agropoly_Brochure_thematique.pdf

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agronomiques naturelles par des produits industriels de synthèse et le travail humain ou
animal par l’énergie du pétrole. Depuis un quart de siècle, se sont les biotechnologies (OGM
et autres chimères) qui ont été au centre des recherches et des plans de modernisation de ce
type d’agriculture. Ces évolutions ont certes permis des gains directs et à court terme sur les
rendements bruts de quantité produite à l’hectare mais avec les effets néfastes que l’on sait
sur l’environnement, la biodiversité cultivée et naturelle, la qualité des produits et la santé des
consommateur.ice.s, les conditions socio-économiques des paysan.ne.s et leur dépendances
envers le complexe pétro-chimique industriel.

Quelles techniques pour quel système alimentaire ?

On peut concevoir qu’il existe un certain potentiel dans l’utilisation de certaines technologies
agricoles numériques notamment en matière de communication, de conseil et d’échange de
connaissances. Mais il est nécessaire que ces voies de communication servent à préserver
et renforcer la souveraineté paysanne. Une plate-forme de communication ou de conseil
dominée par une entreprise comme Syngenta, Microsoft ou John Deer est très dangereuse.
Et globalement, la complexité et le verrouillage des technologies numériques agricoles fait
qu’elles ne sont pas conçues pour permettre aux agriculteur.ice.s d’être pleinement maîtres
de leur outil de travail, bien au contraire.

Sur le fond, il est important de ne pas se laisser intimider par la technologie. Si la numérisation
sert celles.eux qui la contrôlent – donc, jusqu’à présent, les diverses multinationales, les
paysan.ne.s devraient formuler leurs propres exigences et règles afin de choisir quelle place
lui donner. Et il est très important qu’ille.s participent et se réapproprient le développement
techniques futur au moins pour exiger que l’agriculture non-numérique puisse perdurer et
qu’elle ne soit pas désavantagée.

L’orientation technique ou technologique future conditionnera le modèle alimentaire de
demain. Souhaite-t-on généraliser le modèle occidental ou permettre à l’agriculture paysanne
de réaliser son potentiel nourricier, écologique et social ? Entrer dans l’ère numérique, c’est
faire le choix de la première proposition.

Être paysan.ne.s par chez nous

Être paysan.ne c’est avant tout être capable d’agencer et maîtriser une somme de savoirs et
de techniques issus de connaissances accumulées par l’expérience de terrain de générations
paysan.ne.s. Prendre le temps d’observer et de s’adapter aux conditions pédoclimatiques.
Apprendre à reconnaître des maladies et soigner le vivant dans sa diversité. Échanger et
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tester des savoir-faire, des outils ou des variétés paysannes. S’organiser et prendre part aux
marchés pour défendre des prix équitables. Tout comme se confronter aux conditions
météorologiques et travailler avec elles en toutes saisons, du matin au soir. Qu’on se rassure
d’ailleurs, on possède de bonnes bottes et marcher dans la boue est le signe, rassurant, que
toute la terre agricole n’a pas encore disparu sous le béton!

Mais depuis son entrée dans l’ère industrielle et machiniste, le métier d’agriculteur.ice est de
plus en plus tourné vers les nécessités d’une agriculture entrepreneuriale et managériale. Et
il continue de se resserrer sur une définition étroite d’opérateur.trice de solutions techniques
pensées en amont et sans connexion avec les réalités particulières de chaque ferme.

Dès lors, il est de moins en moins évident de produire écologiquement alors qu’on nous
pousse toujours plus dans l’intensification, pour « rester compétitifs » sur des marchés
libéralisés. Surtout que les prix à la production ne cessent de baisser, ne laissant que peu
d’option à part l’augmentation des quantités pour générer des sous. En même temps, il faut
toujours travailler plus pour faire réussir des cultures de variétés modernes bientôt toutes
brevetées qui répondent plus à une standardisation des méthodes et des produits finis qu’à
la variabilité des conditions locales. Et cette standardisation réduit la biodiversité cultivée, ce
qui complique la gestion des nuisibles.
Ceux-ci sont d’ailleurs de plus en plus destructeurs à mesure que les surfaces de
monocultures grandissent et se généralisent.

Mais plus encore, ce qui est profondément difficile en agriculture depuis sa modernisation
technicienne et sa globalisation, c’est de travailler seul.e, isolé.e sur des domaines de plus en
plus vastes, en concurrence avec ses voisin.e.s et ses collègues du monde entier. C’est la
dévalorisation sociale et économique. C’est se sentir démuni.e.s face aux injonctions de
conseils qui dénigrent nos savoir-faire et expertise de terrain. C’est le sens perdu d’un travail
déshumanisé que les jeunes générations hésitent à embrasser. C’est justifier toujours plus de
la qualité de notre travail pour répondre à des normes administratives calquées sur des
procédés de moins en moins en phase avec nos pratiques paysannes. C’est être dépendant
du bon vouloir des politiques et de l’agro-alimentaire qui orientent les options culturales pour
les besoins de marchés mondialisés qu’ils contrôlent et sur lesquels nous n’avons plus
d’emprise. C’est de voir le.a voisin.e, incapable de continuer de travailler à perte, et crouler
sous les dettes, arrêter son activité ou, pire, mettre fin à ses jours.

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La numérisation : Quelle révolution par quels révolutionnaires ?

On nous dit que l’agriculture de demain n’aura rien à voir avec ce sombre tableau. « Smart »
(intelligente), high-tech, connectée, précise et rationnelle, elle serait LA réponse aux défis
sociaux, environnementaux et sanitaires auxquels est confrontée l’agriculture une fois mise
au service des paysan.ne.s, du climat et de la qualité de notre nourriture. Ses promoteur.ice.s
nous promettent même l’avènement d’une « révolution numérique » du secteur pour, enfin, lui
faire pleinement profiter de la modernité, lui qui fut si souvent à la traîne sur la voie de
l’inéluctable progrès technique.

N’est-ce pas surprenant, pour ne pas dire douteux, que cell.eux qui prétendent libérer les
paysan.ne.s de la « pénibilité » de leur travail et qui portent le projet « révolutionnaire » de la
numérisation de l’agriculture soient des ingénieur.e.s, des informaticien.ne.s et autres
technocrates qui, à priori, sont tout sauf expert.e.s de ces tâches agricoles ?! Que savent-illes
au juste des difficultés de ce travail de production primaire pour asséner le discours selon
lequel il faudra bien s’adapter au nouveau régime technologique ou disparaître ?

Promue par le même paysage d’acteurs ayant historiquement favorisé la standardisation et
l’artificialisation de l’agriculture, la « smart agriculture » qui découlera de la « révolution
numérique» n’a en fait rien de très « révolutionnaire ». Déjà, cela fait près de 20 ans que des
robots de traite, des étables à commande numérique, des tracteurs équipés d’ordinateurs et
connectés au GPS sont utilisés. Mais surtout, sur le fond, elle s’inscrit dans la suite logique
des modernisations techniciennes continues amorcées il y a bientôt 200 ans dans un contexte
d’industrialisation du secteur en Occident.

Renforcer les dépendances

Loin d’être conçues pour atténuer les difficultés du secteur, la numérisation de l’agriculture
représente une offre technique et technologique coûteuse et complexe sur laquelle les
paysan.ne.s n’ont quasi aucune emprise. Ces nouvelles technologies généreront de nouvelles
dépendances des producteur.ice.s et artisan.ne.s agricoles aux firmes qui dominent
historiquement le marché. La généralisation de ces nouvelles techniques « hétéronomes»13
leur permettant avant tout de tenter de sauver un modèle de production bien mal en point
dans lequel leur emprise serait encore renforcée.

13
     Qui imposent les lois d’un autre groupe social, leurs manières de faire, leur rapport au monde et aux autres

                                                                                                                    20
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Le futur hightech tant vanté est ainsi d’abord au service de la poursuite de l’agrandissement
des exploitations, du renforcement de l’orientation d’une infrastructure agricole toujours plus
capitalisée et de productions agro-industrielles toujours plus spécialisées.

C’est un modèle d’innovation qui institutionnalise un partage des tâches entre scientifiques et
équipementiers chargé.e.s de concevoir les innovations, vulgarisateur.ice.s chargé.e.s de les
diffuser, et agriculteur.ice.s censé.e.s les adopter, qu’importe leurs effets socio-économiques.

Ainsi, si « progrès » il devait y avoir avec ce type d’agriculture « intelligente », il paraît plus
résider dans celui de l’aliénation et la « hors-solisation » du travail de la terre que dans
l’amélioration des conditions socio-économique de la paysannerie. Bien loin de la
souveraineté technologique paysanne, à même d’envisager pour l’avenir, une agriculture
sociale, paysanne et écologique.

Cultiver la numérisation

Nous pensons que la « smart-agriculture » est donc avant tout défendue dans une perspective
de concurrence internationale et de positionnement sur un marché mondial de la robotique
agricole estimé à 20 milliards de francs en 2020, et qui devrait atteindre les 75 milliards de
francs dans un avenir proche14. Dès lors, aucun État ne souhaite prendre du retard dans la
conversion de l’agriculture nationale à la robotique agricole afin de pouvoir lancer quelques
rares champion.ne.s industriel.le.s capables de prendre part à cette course aux profits. Le
centre de compétence en agriculture de la Confédération, Agroscope, ne dit rien d’autre : « le
but est d’augmenter la compétitivité de l’agriculture suisse grâce aux technologies de smart-
farming». Ainsi, sur la Swiss Future Farm, Agroscope « étudie comment les nouvelles
technologies peuvent être employées dans l’agriculture suisse pour en tirer le maximum de
bénéfices15 ». Au vu de l’orientation du projet, les bénéfices pour les paysan.ne.s semblent
bien secondaires comparé aux rendements escomptés pour les actionnaires16!

Il est compréhensible que l’attrait pour ces nouveaux marchés pousse l’État à conclure des
partenariats public-privé (avec entre autre les plus grands acteurs agro-industriels tel que
Fenaco17) pour investir dans ces secteurs. Surtout que la Suisse met depuis longtemps un
point d’honneur à se positionner en leader mondial de l’innovation technologique. Mais là

14
   Voir le projet français « Agriculture Innovation 2025 » pour comprendre les enjeux de la numérisation du secteur agricole en
Europe (https://agriculture.gouv.fr/sites/minagri/files/rapport-agriculture-innovation2025.pdf).
15
   Voir le dossier dédié ici : https://www.agroscope.admin.ch/agroscope/fr/home/themes/economie-technique/smart-
farming.html
16
   L’équipe de la ferme étant composée de 2 ingénieurs en machinerie et technologie agric ole assistés d’un collaborateur
scientifique du centre de compétence agricole cantonal… Cherchez les paysan.ne.s !
17
   https://www.fenaco.com/fr/artikel/fenaco-et-yasai-investissent-dans-lagriculture-verticale

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encore, l’attention semble plus portée sur les bénéfices pour les investisseur.e.s et les startup
technologiques que pour les producteur.ices…

Et comme pour les OGM18, l’imposition de cette nouvelle modernisation se fait en parallèle
d’une démarche de création de l’adhésion et d’acceptation publique. Agroscope
reconnaissant que : « des facteurs de contrainte psychiques se font toutefois de plus en plus
sentir. Il s’agit souvent de barrières mentales, car les agricultrices et les agriculteurs ne se
sentent pas en phase avec les nouvelles technologies ou parce qu’ils-elles sont dépassé-e-s
par leur utilisation. » Heureusement : « la « Swiss Future Farm » peut contribuer à supprimer
ces barrières »19 !

La majorité des paysan.ne.s sont bien conscient.e.s que continuer sur cette voie technicienne
ne fera qu’accélérer leur disparition et approfondir la crise économique, écologique et sociale
que traverse l’agriculture. Et ce surtout vu l’ambition d’extension de cette approche prédatrice
aux agricultures vivrières du monde (à travers, par exemple, les programmes «d’aide au
développement»)20.

Rentabiliser l’accaparement des savoirs libres

Pour parachever la dépossession, les machines « numériques » sont remplies de capteurs
qui collectent et génèrent une grande quantité de données. Celles-ci alimentent les bases de
données des entreprises qui gèrent ce « big-data ». C’est là un des buts productifs sous-jacent
majeur de ces dispositifs technologiques21. Ces données sont en effet valorisables par les
industries qui équipent les agriculteurs, et qui cherchent là de nouveaux leviers de croissance
via le développement des applications et des programmes brevetés, qui sont ensuite revendus
aux agriculteur.ice.s ou éventuellement mis à la disposition d’un.e investisseur.e bientôt seul.e
à même de pouvoir racheter des fermes. C’est une forme de privatisation des savoirs paysans,
une marchandisation de l’accumulation de connaissances nécessaires aux bonnes pratiques.
Et une nouvelle dépendance pour les agriculteur.ice.s envers des multinationales qui ont déjà
fait la preuve de leur peu d’égard quant à l’avenir de la paysannerie.

Pourtant, ces données doivent être clairement reconnues comme des savoirs paysans qui
doivent être protégés. Leur protection est d’ailleurs un élément central de la Déclaration des

18
   Tout un volet du programme du PNR 59 sur l’avenir des OGM en Suisse devait définir comment générer l’acceptation de ces
technologies dans la population. Des expériences sur les marchés et dans les fermes ont été menées pour tenter de lever les
freins au développement des OGM (http://www.snf.ch/SiteCollectionDocuments/Programmsynthese_NFP59_F.pdf )
19
   https://www.swissfuturefarm.ch
20
   Voir l’article « L’aide au développement privatisée » du Courrier du 28 mai 2020.
21
   Voir la très bonne émission de France Cultures sur la « smart agriculture » : https://www.franceculture.fr/emissions/terre-
terre/apres-le-smartphone-la-smart-agriculture

                                                                                                                           22
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Nations Unies sur les droits des paysan.ne.s et des autres personnes travaillant dans les
zones rurales (UNDROP)22 que la Suisse a signé en 2018.

Il nous semble ainsi nécessaire de s’opposer à cette nouvelle vague d'accaparement des
ressources, d'extraction des richesses et d'exploitation du travail, portées par l'industrie
agroalimentaire prônée au travers de la numérisation de l’agriculture et relayée au plus haut
niveau23. La restructuration des systèmes alimentaires vers une plus grande concentration du
pouvoir et des chaînes de valeur encore plus mondialisées ayant déjà largement fait les
preuves de ses échecs ! Demandons-nous aussi quels prix nous devrons payer pour des
aliments issus de startups d’ingénieur.e.s, dont les salaires sont 6 fois supérieurs à celui des
paysan.ne.s qu’illes auront remplacé?

Promouvoir la souveraineté technologique paysanne24

Globalement, les évolutions techniques et innovations qui amélioreront les conditions socio-
économiques des paysan.ne.s sont celles que ces personnes trouveront « émancipatrices ».
C’est-à-dire, celles que l’on peut s’approprier, réparer, partager, qui permettent de gagner en
compétences et en autonomie (aussi collective) dans nos pratiques et nos choix. Les
techniques et processus qu’Ivan Ilich nomme « conviviales »25 et qui répondent aux besoins
concrets des agriculteur.ice.s, et notamment des jeunes générations s’installant sur des
modèles remplissant les critères d’une agroécologie paysanne qui n’a rien à voir avec
l’ambition techno-industrielle de L’État.

Dans nos régions, cela passe par une remise au centre des paysan.ne.s dans la conception
de leur ferme comme outil de travail au service d’une alimentation saine et résiliente. Par une
innovation comprise comme la mise au point d’outils et techniques adaptées, accessibles,
plutôt souvent low-tech (tout en nécessitant un savoir-faire humain élevé), dans le cadre de
démarches créatrices participatives qui sont en elles-mêmes source de réappropriation des
savoirs et usages.
Si nous souhaitons innover, plutôt que de poursuivre la fuite en avant technologique,
promouvons la souveraineté technologique paysanne, mettons en œuvre les principes de
l’UNDROP et basons nos systèmes alimentaires sur les valeurs de la souveraineté
alimentaire!26

22
   Disponible en version illustrée ici : https://viacampesina.org/fr/illustrations-droitspaysans/
23
   Voir l’opposition paysanne au futur sommet des Nations Unies sur les systèmes alimentaires de 2021 :
http://www.csm4cfs.org/wp-content/uploads/2020/10/FR-Open-Call-on-UN-Food-Systems-Summit-12-October-2020-1.pdf
24
   Se référer à l’excellent travail fait par l’Atelier paysan pour promouvoir ce concept et développer des techniques et outils
paysans libres : https://www.latelierpaysan.org/Plaidoyer-souverainete-technologique-des-paysans
25
   Voir une définition ici : https://www.ekopedia.fr/wiki/Outil_convivial
26
   https://uniterre.ch/fr/thematiques/souverainete-alimentaire pour un aperçu en Suisse.

                                                                                                                                  23
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