Quartier l!bre - Quartier Libre
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Quartier l!bre [ ] Vol. 18 • numéro 9 12 janvier 2011 www.quartierlibre.ca Le journaL indépendant des étudiants de L’uniVersité de MontréaL • QuartierLibre.ca roit ét àD Ma ison Dre ven ble à on nég ocia 1$ n campus société-Monde culture Du rugby chez Mathieu bock-côté : cynisme les carabins ? penser la droite chez les cinéphiles
Quartier l!bre éDito réDactrice Des plans ! en chef Leslie Doumerc redac@quartierlibre.ca chefs De PuPitre caMpus : Charles Lecavalier campus@quartierlibre.ca sous la moquette société/Monde Patrick Bellerose societemonde@quartierlibre.ca cuLture Christine Berger On peut en faire des choses avec une piastre. tripotée d’étudiants blogueurs qui ont investi partie des 3,5 millions de Québécois qui ont culture@quartierlibre.ca une maison pour couvrir la ville sous toutes pris de bonnes résolutions le 1er janvier der- PhotograPhie Dévorer un hot-dog à la Belle Province, inves- ses facettes. L’aventure s’est terminée en nier. Peut-être faites-vous aussi partie des 3,4 De la une tir dans un bibelot inutile au Dollarama, télé- novembre dernier, mais on peut encore lire millions d’ingrats qui les ont abandonnées Romain Meffre et Yves Marchand charger le titre If I were President : My le fascinant récit de leurs pérégrinations dans dès la première semaine. Journalistes Haitian Experience de Wyclef Jean sur iTunes le Detroit Blog (detroit.blogs.time.com). Et Vincent Allaire Charlotte Biron ou… devenir propriétaire d’une villa à maintenant, qui va prendre le relais ? C’est pourquoi, pour son numéro de Anh Khoi Do Détroit. À ce prix-là, offrez-vous tout le pâté de Pourquoi pas notre chère université ? reprise, Quartier Libre a décidé de vous Jean-Simon Fabien maisons ! Sauf que tout « incroyable mais Pourquoi ne pas investir une partie des pro- décomplexer. Vous n’avez pas arrêté de Justin D. Freeman vrai » apporte son lot de conditions. Dans ce fits enregistrés par la vente du pavillon 1420, fumer ? La doctorante Fany Guis vous décul- Julie Godin Grégory Haelterman cas-ci, il faudra agir en bon propriétaire et boulevard Mont-Royal, pour offrir à ses pen- pabilise en pointant du doigt les absurdités Tiffany Hamelin s’engager auprès des banques et agences sionnaires un camp d’expérimentation à liées à la diabolisation de la cigarette (p. 6). Victor Klein immobilières à retaper ladite baraque qui Détroit ? Cette Motown qui agonise après Vous avez une pile de dossiers administra- Gabriel Laurier n’est souvent qu’un tas de ruines. L’idée der- avoir été un des poumons économiques des tifs à envoyer qui traîne depuis bien trop Renaud Manuguerra-Gagné Laure Martin-Le Mével rière ces tarifs alléchants : repeupler le États-Unis, inspirerait les étudiants en longtemps sur votre bureau ? Vous verrez Édith Paré-Roy centre-ville et redorer la vie de quartier de sciences humaines. Cette cité en ruine d’une que le temps est relatif, et qu’aux Alvaro Salvagno Détroit, une ville délabrée qui n’est plus que beauté dramatique épinglerait les étudiants Philippines, les victimes du massacre de Philippe Teisceira-Lessard l’ombre d’elle-même depuis la descente aux en art. Cette mégapole qui rétrécit alors que Maguindanao devront attendre encore et illustrateurs enfers de l’industrie automobile aux États- toutes les autres villes du monde s’agrandis- encore pour que justice leur soit faite (p. Melki Melgarejo Unis. Comme l’affirme François Jacob, assis- sent, constituerait un cas pratique d’urba- 11). Vous fuyez déjà vos travaux de début de Alexandre Paul Samak tant-réalisateur du film Détroit ville sauvage nisme sur lequel pourraient plancher les étu- session pour vous ruer dans les salles obs- correcteurs : « Il faut avoir un esprit de survivant pour diants en aménagement. Un bien joli terrain cures ? Nos cinéphiles vous livrent les Arthur Lacomme François Lauzon aller vivre à Détroit, mais en même temps de jeu pour tout le monde, non? grands crus pour 2011 (p. 17). c’est un milieu hyper stimulant ! » (p.10). infograPhie Alexandre Vanasse En ce début 2011, vous sentez-vous l’âme d’un Parlant de faire des plans sous la moquette Après tout, il serait bête de ne pas profiter Zirval design aventurier-propriétaire-bricoleur ? (variante pessimiste de l’expression « plans pleinement de cette dernière année avant la Publicité sur la comète » : faire des projets sur des fin du monde. Accès-Média (514-524-1182) En tout cas, l’aubaine a inspiré l’équipe du hypothèses souvent peu vraisemblables), www.accesmedia.com TIME Magazine, rejointe par une belle mon auriculaire me dit que vous faites le Slie d oUMerC Directrice générale Marie Roncari directeur@quartierlibre.ca iMPression à ProPos De la une & Distribution Hebdo-Litho Les photographes romain Meffre et Yves Marchand s’intéressent aux ruines depuis 2001. ils affectionnent la singula- Pour nous JoinDre rité des édifices historiques, en particulier ceux érigés aux XiXe et XXe siècles. ils ont parcouru la France, d’où ils sont Tél. : 514-343-7630 originaires, puis la belgique, l’angleterre, l’espagne et l’italie. en 2005, ils explorent détroit, qui sera le sujet de leur Courriel : info@quartierlibre.ca première exposition. L’image de la une représente la William Livingstone House, réalisée par l’architecte albert Kahn Site Web : www.quartierlibre.ca en 1893 pour le riche banquier William Livingstone. sa façade s’est effondrée en 2007 et elle fut démolie quelques mois Quartier Libre est le journal plus tard. des étudiants de l’Université de Montréal publié par Les Publications du Quartier Libre, une corporation sans but lucratif créée par des étudiants en 1993. Bimensuel, Quartier Libre est soMMaire distribué gratuitement sur tout le campus de l’Université de Montréal et dans ses environs. CAMPUS • Les professeurs qui vendent des livres p. 4 • Un vaccin contre la grippe p. 5 • Qui est Jean Brillant ? p. 5 • Son tirage est de 6 000 copies. Équité salariale à l’UdeM p. 5 • Pourquoi arrêter de fumer ? p. 6 • Un recteur, ça coûte cher p. 6 • Du rugby à l’UdeM p. 7• nos bureaux sont situés au : 3200, rue Jean-Brillant SoCiété-Monde • Achetez une maison à Détroit pour 1 $ p. 10 • Quelle justice pour le massacre de Maguindanao (Local B-1274-6) C.P. 6128, succ. Centre-Ville, p. 11 • Boom immobilier à La Mecque p. 11 • Les travailleuses du sexe revendiquent leurs droits p. 12 • Bataille de pirates dans le Montréal (Québec) H3T 1N8 Quartier Libre est membre de cyberespace p. 12 • Mathieu Bock-Côté : polémiste conservateur p. 13 • CUltUre • Poulet virtuel p. 14 • Peu de la Presse universitaire canadienne (PUC/CUP) bédéistes et de photographes pour le concours Sur la route p. 14 • Montréal, moustaches et t-shirts p. 15 • Le beat de 2011 p. 16 dépôt légal : • L’Ours avec nous, et sa croustille chaude p. 16 • Cinéma, de Québec à Hong-Kong p. 17 • 2011 et ses animaux qui parlent dans Bibliothèque nationale du Québec les films p. 17 • En exclusivité, le premier Sudoku 2011 p. 18 • Délire urbain p. 18 • Le courrier de Gina la rousse p. 19 • Deux Bibliothèque nationale du Canada ISSN 1198-9416 bandes-dessinées p. 19 Tout texte publié dans Quartier Libre peut être reproduit avec mention obligatoire de la source. procHaine parution Page 13 Page 15 26 janvier 2011 Page 6 procHaine toMbée 18 janvier 2011 Quartier l!bre • Vol. 18 • numéro 9 • 12 janvier 2011 • Page 3
Photo :Myeyessees caMPus • Des professeurs qui vendent leurs livres • Pas de quoi faire fortune Est-ce normal qu’un professeur puisse demander à l’ensemble de ses étudiants d’acheter un livre qu’il a lui-même écrit et pour lequel il touchera des droits d’auteur ? Alors que des étudiants s’étonnent de cette pratique, les professeurs banalisent le procédé. e prof a dû refaire sa du livre, ce n’est pas avec ça que Professeure de droit de l’entre- permettrait une plus grande flexi- «L cuisine avec ça» se moquait, écœuré, l’un des étudiants sondés par l’on fait de l’argent », dit-il sans réserve. prise, elle indique donner l’en- semble des droits d’auteur qu’elle touche sur son livre didactique à bilité quant aux matières ensei- gnées et un angle identique à celui du cours. Sans encourager formellement les professeurs qui publient aux PUM à faire acheter leur ouvrage par leurs Quartier Libre. En effet, de nom- Selon Me Morin, la rédaction d’un des œuvres de charité. « J’ai déjà étudiants, il continue tout de même breux étudiants s’étonnent de cette livre n’est pas une entreprise pro- un salaire », explique-t-elle. Le Selon Me Morin, la publication est de croire que ce sont les auteurs pratique où un professeur ayant la fitable. « Investir une centaine montant des ristournes qu’elle aussi une occasion d’ajouter sa eux-mêmes qui feront décoller les charge de centaines d’étudiants d’heures dans l’écriture d’un obtient pour la vente des livres contribution à la réflexion discipli- ventes de leur ouvrage. « De exige l’achat obligatoire d’un bou- livre, ce n’est pas rentable. C’est s’élève à quelques centaines de dol- naire. manière très générale, les auteurs quin écrit par lui-même. Mais les bien plus profitable de travailler lars chaque trimestre. sont les meilleurs promoteurs de professeurs reçoivent-ils vraiment pour mes clients », explique Les témoignages des professeurs leur livre. Cela ne s’applique pas beaucoup d’argent de leurs ventes celui qui facture normalement Alors, sont confirmés par Antoine Del seulement aux professeurs, mais de livres? Selon les principaux inté- 100 $ pour une heure de consul- pourquoi écrire ? Busso, directeur général des à tous les auteurs qui savent bien ressés, la réponse courte est non. tation. Presses de l’Université de Montréal parler de leur livre », dit-il. La longue aussi. « Le bassin d’ouvrages dispo- (PUM). La maison publie plusieurs Le chargé de cours indique qu’au- nible est quand même assez res- livres signés par des professeurs de Quant au pactole, M. Del Busso fait Alexandre Morin, auteur de deux cun de ses étudiants ne s’est opposé treint », dit Geneviève Dufour, qui l’institution et ses acheteurs sont en éclater toute illusion en rappelant la ouvrages sur le droit constitution- à l’achat d’un ouvrage qu’il avait lui- affirme qu’elle aurait dû deman- grande partie étudiants. petitesse du marché québécois. «Si nel, chargé de cours et avocat, ne même écrit. « En plus, je ne les der à ses étudiants de se procurer un ouvrage des PUM est vendu à croit pas que les professeurs qui force pas à acheter mon livre, je deux livres distincts si elle ne Combien reçoivent les auteurs ? plus de 1 000 exemplaires, on publient le font pour la ristourne leur suggère de l’acheter», soutient pouvait pas compter sur le sien, « Comme tous les autres auteurs, considère que c’est une très sur la vente des ouvrages. Ses livres Me Morin. Le droit moderne des entre- ils touchent un droit d’auteur sur bonne vente. » affichent des prix de vente de 60 et prises (74,95 $). Pour un pro- le prix de vente. Ça peut varier 70 $. « Compte tenu du nombre Pas de gros lot non plus pour sa fesseur, écrire soi-même l’ou- entre 6 et 10 %, un peu plus dans PhiliPPe d’heures investies dans l’écriture collègue Geneviève Dufour. vrage de référence du cours certains cas », dit M. Del Busso. teiSCeirA-le SSArd Page 4 • Quartier l!bre • Vol. 18 • numéro 9 • 12 janvier 2011
caMPus JEAN-SIMON • L’ U d e M e t s e s p a v i l l o n s • e x P e r t- c o n s e i l Jean brillant, héros de guerre L’INFLUENZA EST à NOS PORTES Roger Gaudry, Marie Victorin, Maximilien Caron, André Aisenstadt : ces noms vous sont fami- la grippe saisonnière liers ? Ils identifient des immeubles présents sur le campus de l’UdeM. Mais tous les pavillons ne sont pas faits égaux. Certains laissés pour compte n’ont pas de nom propre : ils sont tout pourrait nuire simplement connus par leur adresse civique. Cette semaine, nous nous intéressons à deux à vos études pavillons se trouvant sur la rue Jean-Brillant : le 3200 et le 3744. aviez-vous que le Centre de santé et de consultation psychologique Voici un récit inspiré de la vie de Jean récompense, il doit recevoir une Croix militaire en septembre. Mais retrouver une fois encore à l’hôpital, loin de l’action. S de l’Université de Montréal (CSCP), auquel vous contribuez par les frais SAE (service aux étudiants), offre chaque année le service de vaccination contre la grippe saisonnière, virus maléfique qui pourrait Brillant. faut-il encore qu’il survive à la réduire à néant vos ambitions de A + et de palmarès du doyen ? Génial ! bataille d’Amiens… une pensée qu’il Un sifflement suivi d’une détonation Mais il est trop tard : la période de vaccination de 2010 avait lieu du 22 au Des claquements répétitifs emplis- met rapidement de côté. met fin à ses réflexions. Un canon 24 novembre de 9 heures à 17 heures et coûtait 20 $. sent l’air. Deux soldats allemands d’artillerie de quatre pouces tire de mitraillent les combattants ennemis Le lendemain, un autre combat. Des plein fouet sur son unité. Sans Rassurez-vous. Les étudiants âgés de 60 ans et plus ainsi que les asthmatiques qui viennent d’apparaître devant eux. coups de baïonnettes transpercent hésiter, Jean décide de charger. À tra- et les autres malades chroniques pourront se faire vacciner gratuitement au En ce mois d’août 1918, ils ont les corps. Les explosions de grenades vers les sifflements des obus et la CLSC Côte-des-Neiges le 15 janvier et le 12 février. Les autres peuvent aussi comme mot d’ordre de défendre la ne cessent de retentir. Finalement, la fumée des explosions, il court. Il se faire vacciner à la clinique Diamant (5885, chemin de la Côte-des-Neiges) ville d’Amiens coûte que coûte. Ils poussière retombe. Jean est content. court pour ses camarades. Il court pour la modique somme de 25 $, sur rendez-vous seulement. savaient qu’une attaque se préparait, Ses deux pelotons viennent de pren- pour sa famille. Il court pour le mais pas si vite… Ils mitraillent dre 150 prisonniers et 15 mitrail- Canada. Il court pour l’Empire bri- Pour les braves qui affronteront la terrible maladie, l’expert-conseil a donc. Que peuvent-ils faire d’autre ? leuses. Il porte la main sur sa tempe. tannique. Sa course se fait soudaine- aussi décidé de vous aider à mieux soigner votre grippe pour éviter de com- Le sang ne ment pas : blessure à la ment plus difficile. Une douleur aigüe promettre l’atteinte des objectifs susmentionnés. Une ombre surgit soudain. Quelques tête. traverse son ventre. « Continuer, il secondes et s’en est fini des deux faut continuer », doit se dire Jean Grippe ou rhume ? Allemands. Ils ne sauront jamais qui Ce n’est pourtant pas le moment de Brillant, qui s’écroule finalement Bon avant toute chose, clarifions nos concepts: vous toussez, vous morvez? est leur assassin. Ils ne sauront jamais lâcher. Jean se rappelle les histoires pour ne plus jamais se relever. Fin Vous n’avez pas la grippe. Je sais. C’est moche. Mais vous pouvez assister qu’il a 28 ans, qu’il est né dans la val- de sa jeunesse: son grand-oncle était abrupte. aux cours. L’influenza n’a rien à voir avec ces symptômes de bonne femme lée de la Matapédia au Québec, et dans la milice de Rimouski, son (c’est pourquoi on parle de grippe d’homme d’ailleurs). Courbatures, fris- qu’il se nomme Jean Brillant. arrière-grand-père avait servi sous le Il ne saura jamais qu’il recevra la sons, sueurs froides, toux sèche, migraines, fatigue et fièvre dans le tapis, général Cornwallis, même l’ancêtre Croix de Victoria « pour bravoure et voilà ce que vous réserve ce virus maudit. Et oubliez ça. Vous serez cloué Jean Brillant est lieutenant pour le des Brillant au Canada, Olivier Morel zèle infatigable dans l’accom- au lit pour un bon cinq jours (délai normal de «remise sur pied»). 22e bataillon, la seule unité d’infan- de La Durantaye, était dans le régi- plissement de son devoir ». terie canadienne-française à com- ment de Carignan-Salières. Le lieu- Soulagement des symptômes battre lors de la Première Guerre tenant Brillant poursuit donc sa Il ne saura jamais qu’une rue au flanc Croyez-le ou non, la fièvre est votre amie. Elle vous aide à vous débarras- mondiale. marche. du Mont-Royal sera baptisée en son ser du virus de l’influenza. Ne cherchez pas à l’enrayer par des méthodes honneur. draconiennes comme des bains de glace ou des douches froides : ces Soufflant devant les deux cadavres, Depuis deux ans qu’il est en France, techniques feront certes diminuer votre fièvre, mais ils la feront également Jean se rappelle qu’il a déjà vécu si- il a passé des mois dans les tranchées Il ne saura jamais que les nombres remonter de manière importante (et vous ne voulez pas ça). Rester plu- tuation semblable. Trois mois aupa- sans voir un ennemi. « On a hâte de 3200 et 3744 seront associés à tôt en pyjama, bien à l’aise, avec des compresses tout en vous assurant de ravant, il avait réussi à tuer, encore voir les “boches” », avait alors écrit jamais à son nom pour des milliers boire plus de 3 litres d’eau (pas de bière, surtout) par jour. seul, quatre ennemis en plus d’en le militaire à sa famille. Il en était d’étudiants montréalais. capturer un autre vivant. Blessé, il même tombé malade de ne pas Pour la toux, rien ne sert de se gaver de sirop: ça goûte le vieux plancher était revenu au combat. Comme bouger. Pas question pour lui de se VinCent AllAire de pin et de toute façon c’est dispendieux (rappelez-vous que les sirops ne guérissent pas). L’expert-conseil suggère plutôt, pour apaiser votre gorge, que vous vous concoctiez un bon bouillon Campbell (fait avec amour depuis 1869). Ça descend bien dans le gorgoton et la chaleur du liquide équité salariale n’est pas assez intense pour faire grimper votre fièvre, souvenez-vous-en! Grippe saisonnière et études à temps plein Fini l’iniquité salariale à l’UdeM! En effet, l’Université et Sylvie Goyer, coordonnatrice du comité d’équité salariale Manquer des cours pour cause de « clouage au lit grippal » n’est pas un le Syndicat des employé-es de l’Université de Montréal du SEUM, se dit satisfaite des résultats obtenus : « Il y a péché. Votre expert-conseil, diplômé de pastorale en 1991, vous l’assure. (SEUM) se sont entendus sur la façon de mettre fin à la eu de nombreux déboires, mais il est bien qu’on soit Si vous êtes malade en début de session, ce n’est pas grave. Les premières discrimination par la rémunération le 1er décembre der- arrivé à une entente qui a permis de conscientiser le séances ne servent généralement qu’à la présentation du plan de cours et nier. On prévoit ainsi qu’une nouvelle entente sera conclue monde sur la discrimination. Régler de tel dossier à une « mise à niveau » du groupe-classe. Si vous avez à être malade, entre l’UdeM et le SEUM au cours de l’année 2011. contribue à créer une société plus juste. » disons que cette semaine et la suivante seraient bien vues de votre part. Plus de 1 400 personnes, surtout des femmes occupant De son côté, le recteur Guy Breton applaudit : « Un Par contre si vous avez d’autres plans de gestion grippale, voici deux der- des emplois à prédominance féminine, recevront un ajus- exemple probant de collaboration entre un syndicat niers conseils : tement salarial du taux horaire allant de 0,1 % à 16,8 %. et l’Université dans la promotion de l’égalité en milieu 1) Pour être blindé, assurez-vous d’être en bon terme avec un preneur de Les paiements seront rétroactifs en date du 21 novembre de travail. » notes assidu dans chacun de vos cours ; 2001. Sur 146 emplois à prédominance féminine, 2) Utilisez la clinique sans rendez-vous du CSCP pour vous faire prescrire sans 96 recevront un correctif. Selon Sylvie Goyer, l’affaire n’est toutefois pas close: «Les frais une mixture qui saura vous remettre sur pied rapidement. Et qui a dit préjugés reviennent assez vite. Il va falloir que que des jours de convalescence ne pouvaient pas devenir de longues séances Le SEUM estime que l’écart salarial entre les emplois à l’Université et les représentants du syndicat soient très de lecture, question de prendre de l’avance sur les travaux de session? prédominance féminine et masculine était d’environ vigilants pour maintenir le règlement. » 0,90 $ l’heure. La semaine prochaine, nous verrons pourquoi «Carabins» est un nom qui Des vérifications devront être effectuées tous les cinq ans ne répond pas aux exigences postmodernes du sport universitaire. Les litiges entourant le dossier perdurent depuis 1996 pour s’assurer que le système institutionnel n’a pas avec le dépôt d’une plainte en discrimination fondée sur généré d’autres situations discriminatoires. Cette chronique n’est pas une présentation de Résolution 2011 en gros. le salaire devant la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. GABriel lAUrier J eAn-SiMon FABien Quartier l!bre • Vol. 18 • numéro 9 • 12 janvier 2011 • Page 5
caMPus TêTE chercheuse Qui veut la peau de ma cigarette ? Fany Guis est étudiante au doctorat en sociologie à l’UdeM. Sa thèse porte sur « le tabagisme comme fléau sanitaire : la médicalisation de la consommation de tabac ». La chercheuse démystifie ainsi la croisade populaire antitabac. dance à faire la chasse à tout ce qui peut être jours autant. Il n’y a pas de justice en matière bientôt plus fumer que chez soi. Regardez New Photo :BrutaPesquisa La cigarette est-elle encore sexy ? mauvais: le gras, les drogues et puis évidem- de santé publique. York: le tabac est interdit dans les parcs. C’est ment le tabac. On pousse les gens à faire du quand même le comble de l’hystérie. Qui peut sport. Aujourd’hui, la santé n’est plus un moyen Q. L. : Comment expliquez-vous que le croire qu’une cigarette peut être plus nocive d’arriver à rendre sa vie plus agréable mais un tabac soit autant pointé du doigt par ou irritante que les gaz qui s’échappent d’un but en soi. L’individu est devenu l’entrepreneur rapport à l’alcool ? gros 4x4 qui roule quelques mètres plus loin? de son propre corps: se maintenir en bonne La chasse au fumeur est tout simplement inté- santé reflète du coup sa réussite sociale. F. G. : Toutes les sociétés ont une drogue de ressante pour l’industrie pharmaceutique. Il y prédilection qui varie selon le modèle cultu- a 1,3 milliard de fumeurs à travers le monde, Q. L. : Qu’est-ce que cette tendance rel. C’est ce qu’on appelle une constante c’est un énorme marché de substituts divers. illustre ? anthropologique. L’apparition du tabac dans le monde occidental est relativement récente. Q. L. : Est-ce que cette pression psycho- F.G. : C’est l’aboutissement de l’individua- Ça fait tout juste 500 ans, alors que l’alcool logique fonctionne partout dans le lisme et l’avènement du narcissisme : il faut existe chez nous depuis plus de 5 000 ans. monde ? plaire. Être désirable implique une bonne forme physique, une dentition parfaite, etc. Le tabac a été un formidable laboratoire mar- F. G. : Non ! Alors que le prix du tabac vient Évidemment, ça ne colle pas tout à fait à la keting dans les années 1920. Aujourd’hui, les tout juste d’augmenter de 6 % en France, les description du fumeur type. Celui-ci serait plu- mêmes techniques de « valorisation sociale » fumeurs sont toujours plus nombreux. Pire tôt associé à une espèce de « gros dégueu- sont employées dans l’autre sens par les lob- encore, c’est une nouvelle fois chez les plus lasse » : pensez à Serge Gainsbourg. bies antitabac. Une personne qui arrête de faibles qu’on le remarque. Alors que les chô- fumer devient en quelque sorte maîtresse de meurs étaient 43,5 % à fumer en 2005, ils sont En se focalisant sur les méfaits du tabac, on son destin : sa force de caractère arrive à aujourd’hui 49,6 % ! Celui qui est dans une Quartier Libre : Interdiction de fumer cherche à responsabiliser le consommateur vaincre sa tabacomanie. La cigarette n’est plus situation précaire n’a pas peur des méfaits à dans les lieux publics au Québec et pour finir par le culpabiliser. Certains arrê- aussi glamour et sensuelle qu’autrefois. Les long terme quand il ne sait même pas quelle même en voiture en Nouvelle-Écosse si tent, ravis de l’approbation générale, mais normes sociales ont changé et nos incons- sera sa situation à la fin de l’année. Cela dit, un mineur est à bord, on a l’impression d’autres continuent, toujours un peu plus cients s’impriment de nouveaux préceptes. le cas de la France est assez isolé dans les que le tabac est devenu l’ennemi numéro pointés du doigt. On remarque toutefois que, pays occidentaux. Partout dans les pays riches un de la société moderne. Pourquoi ? dans les catégories socioprofessionnelles les Q. L. : Quelle porte de sortie reste-t-il la consommation baisse. Je ne sais pas si on plus basses, il n’y a pas ou peu d’améliora- pour les fumeurs qui s’assument et ne peut vraiment établir un lien entre franco- Fany Guis: La santé publique est devenue un tion : ce sont les plus nantis qui profitent veulent pas arrêter ? phones, mais il est vrai que, de manière géné- thème central de nos sociétés. La population davantage des mesures mises en place. rale, les Québécois fument plus que les autres vieillit, mais ce n’est pas nécessairement de F. G. : Je ne pense pas qu’il en reste vraiment: Canadiens. vivre longtemps qui intéresse les gens, c’est Les plus vulnérables, les jeunes, les femmes, à chaque fois on revient avec des lois plus ridi- Propos recueillis p ar plutôt de rester jeune longtemps. On a ten- les Autochtones et les pauvres, fument tou- cules les unes que les autres; on ne pourra J UStin d. FreeMAn la rectrice de concordia démissionne udith Woodsworth, rectrice de l’Université Concordia. Le 29 septembre, Michael Di Grappa, vice- J Concordia, a quitté son poste en plein milieu de mandat pour des raisons personnelles le 22 décembre dernier. Elle recevra tout de même la recteur aux services, démissionnait à son tour. L’ASFA (Arts and Science Federation of Associations) se les recteurs, s o n t- i l s t r o P Pay é s ? somme de 703 500 $, ce qui équivaut à deux ans de dit perturbée par la taille de l’indemnité de départ de la Le recteur de l’udeM, gagne-t-il un salaire trop élevé ? il salaire. rectrice, alors que les étudiants doivent faire face à une gagne près de deux fois plus que le premier ministre du augmentation des droits de scolarité et que les budgets Son prédécesseur, Claude Lajeunesse, avait lui aussi quitté de l’Université sont constamment réduits. Québec, mais moins que le recteur de l’université McGill. Le son poste en milieu de mandat en octobre 2007 à la salaire accordé au recteur de l’udeM a augmenté de 40 % demande du conseil des gouverneurs de l’Université. «Le Aaron Green, président de l’ASFA, ne considère pas que depuis 2005. cette année, il gagnera ainsi 365 000 $. Conseil des gouverneurs de l’Université Concordia a l’ancienne rectrice a quitté son poste pour des raisons salaire pour l’année 2009 ($ ca) rejeté l’ancien président parce ce qu'il considérait personnelles: «Je ne crois pas qu’elle a choisi de démis- qu’il avait un comportement erratique et arrogant », sionner. Je pense qu’elle s’est fait demander de démis- premier ministre du canada, stephen Harper . . . . 315 000 affirme Justin Giovannetti, rédacteur en chef du journal sionner. » premier ministre du Québec, jean charest . . . . . . . 175 000 étudiant The Link. L’ex-recteur a reçu un million de dol- Québec lars pour la peine. L’actuel vice-recteur aux relations extérieures, Bram université de Montréal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 339 000 Freedman, occupera le poste de recteur jusqu’à ce qu’un université McGill . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 369 000 Les quatre derniers mois du mandat de Mme Woodsworth recteur par intérim soit nommé. La nomination d’un nou- université concordia . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 350 000 ont été marqués par une série de démissions. Kathy veau recteur permanent devrait prendre de « six mois à université d’ottawa . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 395 000 Assayag, vice-rectrice responsable de la relation avec les un an » selon le porte-parole de l’Université Concordia, université de toronto . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 340 000 diplômés, avait démissionné le 8 septembre pour des Chris Mota. (Charles Lecavalier) raisons personnelles. Elle était reconnue comme étant la Source : Journal de Montréal meilleure bailleresse de fonds de l’histoire de l’Université Source : The Link (thelinknewspaper.ca) (tiffany Hamelin) Page 6 • Quartier l!bre • Vol. 18 • numéro 9 • 12 janvier 2011
caMPus s P o rt •Vent de fraîcheur au CEP SUM • Du rugby chez les carabins ? En moins de deux ans, l’équipe de rugby de l’UdeM s’est hissée parmi les meilleures équipes universitaires. Pourtant, elle n’est pas dûment reconnue par l’Université. Les choses pourraient toutefois changer pour cette équipe, et pour bien d’autres, avec le projet de politique globale du sport, déposée en décembre au conseil d’administration du CEPSUM. reddy Noumeyi travaille création de clubs sportifs à l’inté- On n’a pas travaillé si fort pour former maintenant », explique d’équipements et de locations de F depuis maintenant un an et demi à mettre sur pied l’équipe de rugby. Et ça rapporte. Sur rieur des Carabins : « Pour l’ins- tant, au CEPSUM, il n’y a rien entre les services aux étudiants et rien. Et puis pour le sentiment d’appartenance et le dynamisme de la vie étudiante, c’est très enri- M. Noumeyi. Manon Simard soutient qu’elle salles d’entrainement. » Les joueurs n’ont pas un accès libre les cinq matchs de la saison, ses le soutien aux équipes sportives chissant pour les étudiants et «entend de bonnes choses » du aux salles d’entraînement du CEP- joueurs ont remporté quatre vic- officielles. » Ceux-ci pourraient l’Université. » côté de l’équipe de rugby. C’est SUM. L’équipe doit donc payer pour toires. Leur plus grand succès ? « Le ainsi bénéficier de l’expertise du d’ailleurs pourquoi elle tient que ses joueurs puissent s’entraîner match gagné contre les Redmen de CEPSUM en matière de logistique. dynamisme étudiant autant à la politique globale du dans des infrastructures adaptées. McGill, une équipe contre laquelle « Lorsqu’on envoie une équipe en sport. « Si une année, un groupe Les entraîneurs travaillent quant à aucune université francophone ne compétition, il faut penser au Il y a tout un chemin parcouru d’une dizaine de personnes très eux de façon purement bénévole. En s’était imposée depuis 30 ans », logo, à l’uniforme, au finance- depuis les débuts de l’équipe de motivées met en place quelque devenant Carabins, l’équipe de rugby annonce fièrement M. Noumeyi. ment. Ça demande du temps et de rugby, alors qu’elle ne comptait que chose, il y a toujours le risque bénéficierait du soutien administratif l’énergie », dit Mme Simard. six joueurs. Aujourd’hui, 65 ath- que ces étudiants terminent de l’UdeM. Un enjeu important selon Actuellement, l’équipe de rugby fait lètes, étudiants à HEC Montréal, à la leurs études ou qu’ils s’y désin- M. Noumeyi : « Si l’équipe est recon- partie des Spartacus, une fédération Pas pour tout de suite Polytechnique et à l’UdeM, s’entraî- téressent. On veut assurer une nue comme Carabins, cela lui per- sportive qui regroupe des clubs nent deux fois par semaine au parc continuité aux projets des étu- mettra de faire appel à du finan- sportifs non reconnus par les Du même souffle, Manon Simard dit Kent. diants. » cement pour recueillir des fonds.» Carabins. Mais elle souhaite inté- qu’elle ne sait pas quand les Carabins grer les Carabins. La directrice des pourront accueillir des clubs sportifs Freddy Noumeyi a aussi mis en Situation difficile « Ce n’est pas fini, tant que ce programmes sportifs des Carabins, comme l’équipe de rugby. « La poli- place un réseau de recrutement. n’est pas fini », disait l’ineffable Manon Simard, nuance toutefois les tique a été très bien accueillie par Plusieurs centres d’entraînement En attendant d’être accueillie par Yogi Berra, gérant des Yankees de espoirs des joueurs de rugby: « Il les membres du conseil d’adminis- ont été implantés dans différents les Carabins, l’équipe de rugby doit New York. Il y a toujours de l’espoir n’y aura pas d’ajout aux équipes tration, mais passer de la parole lieux stratégiques comme les se débrouiller comme elle peut. et la balle est maintenant dans le des Carabins pour les prochaines aux actes, c’est une autre histoire. Cégeps de Laval et de Trois-Rivières. « On fonctionne avec un budget camp du conseil d’administration années. » Elle ajoute que la poli- Ça va prendre des ressources. » « Ce sont des joueurs franco- de 4000 $. Chaque joueur paye du CEPSUM. tique globale du sport, déposée en phones. Quand ils vont aller à 100 $ par session, résume M. décembre au conseil d’administra- Elle dit aussi que le projet lui tient l’université, ils vont se tourner Noumeyi. Il s’agit essentiellement lAUre MArtin-le MéVel tion du CEPSUM, permettrait la beaucoup à cœur. « Il faut le faire ! vers l’UdeM, d’où l’utilité de les de frais de déplacement, d’achats et ChArle S leCAVAlier Université d’Ottawa Faculté des arts Maîtrise en sciences de l’information • D’immenses possibilités de carrière dans les services d’information, les communications, les nouvelles technologies et plus encore • Programme bilingue ouvert aux titulaires d’un baccalauréat de quatre ans ou l’équivalent dans n’importe quelle discipline • Deux spécialisations : politique de l’information ou gestion des services d’information • Trois cheminements : cours seulement, cours et stage coop • Jumelage avec des députés ou cours et thèse • Formation sur le parlementarisme • Mission d’étude à l’étranger Étudier en sciences de l’information, • Collaboration aux activités de l’Assemblée nationale c’est réseaulument l’avenir! Pour information : Claire Dumais 418 528-8194 • 1 866 DÉPUTÉS • cdumais@assnat.qc.ca www.fondationbonenfant.qc.ca Renseignements : www.esi.uOttawa.ca » Quartier l!bre • Vol. 18 • numéro 9 • 12 janvier 2011 • Page 7
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société-MonDe • Détroit • De l’herbe sur le bitume On présente souvent Détroit comme un mourant dont on a débranché le respirateur mais qui tarde à rendre l’âme. Et si la principale ville du Michigan se relevait peu à peu ? Et si sa résurrection passait par une cure de jeunesse riche en fibres vertes ? Portrait de Détroit, conjugué au passé, présent et futur. Photo :dyooy.coM de l’âge d’or à l’âge de ruines Détroit a déjà été hot. Dans les années 1950, la ville était la quatrième plus grosse métropole des États-Unis et les usines automobiles tournaient à plein régime, ce qui vaut à la ville le surnom de Motown (contraction de Motor Town). Les élites pensaient même y organiser les prochains Jeux olympiques. Et puis, un sortilège s’est abattu sur la cité maudite. Les émeutes raciales de 1967 ont fait fuir les Blancs de la classe moyenne en banlieue et la descente aux enfers de l’industrie auto- mobile américaine dans les années 1980 a fait mal aux Big Three. Ford, Chrysler et General Motors ont ensuite délocalisé leur production en Asie. Récemment, la crise des subprimes est venue couronner le déclin déjà bien entamé de la ville. En une demi-décennie, Détroit est devenue un enchevêtrement de terrains vagues, de friches industrielles et d’autoroutes où les supermarchés sont inexistants et les dépanneurs sont surnommés stab and grab («poignarde et prends»). La ville, clas- sée comme l’une des plus dangereuses des États-Unis, enregistre aujourd’hui un taux de chômage qui avoisine les 50 %. repeupler détroit La ville attire surtout des indépendants, par- ticulièrement les micro-entrepreneurs, les François Jacob a été l’assistant-réali- blogueurs, les journalistes et les artistes. Il y sateur de Florent Tillon sur le docu- a des maisons immenses transformées en mentaire Détroit ville sauvage. ateliers ou en studios d’enregistrement. Pendant quatre mois passés sur place Comme il n’y a pas de circulation aux alen- en 2009, l’équipe a suivi en direct l’ef- tours, les conditions de son sont bonnes et fondrement de General Motors et la on peut faire des barbecues à l’extérieur. mort de Michael Jackson, le petit gars Pour faire la fête, c’est génial. Les maisons de Motown. Sillonnant la ville à vélo et ont d’immenses jardins. Tu ne te retrouves squattant à droite à gauche, les pas à trente dans un 4 ½ avec les voisins qui de Motown à FarmVille cinéastes ont rencontré et filmé les râlent et les policiers qui arrivent passé résidants. minuit. « Ils ont arrêté de cultiver la terre pour faire des voitures. Maintenant, ils ne peuvent pas les manger, donc peut-être qu’ils créeront à nouveau des fermes », Quartier Libre : La ville est-elle aussi Détroit est aussi une ville séduisante pour les dit, dans le documentaire Détroit ville sauvage, un vieux rasta qui cultive ses fantôme qu’on le prétend ? jeunes qui veulent faire un retour à la terre légumes aussi bien que son sens de l’humour. Il est membre de The Greening of sans perdre la ville. Ils considèrent Détroit Detroit, une association qui soutient l’exploitation de plus de 1 200 potagers indi- François Jacob : Attention ! Oui, la ville est en comme une ville à la campagne où il fait bon viduels pour promouvoir la culture de produits locaux auprès des communautés. situation de faillite et il reste seulement 20 % vivre, où les loyers sont bas et où il y a de l’es- de l’activité qu’il y avait avant. Mais Détroit pace. Depuis plusieurs années, ces micropotagers fleurissent sur les terrains vagues de reste une grosse ville. Il y a autant d’activité Détroit. Certains investisseurs ont rapidement flairé le potentiel de la ville qui qu’à Ottawa, mais dispersée sur un terrain Q. L. : Il paraît qu’à Détroit, on peut compte plus de 100 kilomètres carrés de terrains en friche, soit environ 30 % de dix fois plus grand. La ville est immense et acheter une belle maison pour 5000 $? sa surface totale (l’équivalent de la surface d’une ville comme San Francisco). John c’est bien là le problème [NDLR : Détroit est Hantz, un des derniers grands financiers de la ville, a la folie des grandeurs. Il y plus vaste que les villes de San Francisco, F. J. : Oui, il y a même des agences immobi- a trois ans, il a imaginé la création de Hantz Farm, la plus grande ferme urbaine Boston et Manhattan réunies]. Il y a un lières qui proposent des maisons à 1 $ si on du monde, au cœur de la cité. Exit tracteurs, on parle ici d’une ferme ultramoderne, énorme réseau d’infrastructures à entretenir, s’engage à les retaper ! Des gens quittent la alliant les technologies les plus avancées en matière d’agriculture avec notamment de même que les routes et les transports en ville et donnent leur maison à une associa- des serres chauffées au compost et des cultures hors-sol. commun, tout ça avec une population et des tion qui la revend, sous condition que vous revenus de taxes en chute libre. C’est fasci- agissiez en bon propriétaire et que vous L’ambition est noble : permettre à Détroit de produire sa propre nourriture et évi- nant, les gens roulent à 100 à l’heure sur des contribuiez à redorer la vie de quartier. ter ainsi la dépendance des grandes villes modernes aux transports de denrées. autoroutes avec de l’herbe et des nids-de- Le tout aurait également l’avantage de créer des emplois pour la population poule ! Du coup, en vivant dans leurs nouvelles locale. bâtisses, les gens deviennent des bricoleurs Q. L. : En 50 ans, Détroit est passée de ou des fermiers. Il y a une concentration Mais le projet compte aussi ses détracteurs. Certains y voient une démarche pure- 2 millions à 900 000 habitants. Qui ose incroyable de gens entreprenants, dyna- ment spéculative, tandis que d’autres s’interrogent sur sa rentabilité, son impact s’y installer aujourd’hui ? miques et innovateurs. Ils ne rêvent pas écologique et ses retombées pour les résidants. « Leur idée est d’aller chercher d’intégrer une grosse entreprise, mais ils des criminels dans les prisons et de leur donner des jobs à 6 $/h pour travailler F. J. : C’est clair qu’avec la réputation de la créent plutôt leur propre univers. Ils sont dans les champs 12 heures par jour. C’est ça, pour eux, l’intégration sociale », ville, il faut avoir une bonne raison pour fascinants. dit l’assistant-réalisateur François Jacob. venir ! Il y a des gens qui refont leur vie là- bas. On a rencontré un photographe qui C’est sûr qu’il faut avoir un esprit de survi- Pour l’heure, le projet est dans les cartons car la compagnie n’a pas encore obtenu galérait à New York où la concurrence est vant pour aller vivre à Détroit, mais en même l’autorisation d’acheter de larges portions de terrains publics afin d’y développer rude. À Détroit, il gagne bien sa vie et il a un temps, c’est un milieu hyperstimulant ! une agriculture commerciale. Mais si John Hantz réussit son coup, Détroit rede- loft gigantesque dans un immeuble Art déco viendra sûrement un grand centre d’attraction. des années 1920. le Slie d oUMerC Page 10 • Quartier l!bre • Vol. 18 • numéro 9 • 12 janvier 2011
société-MonDe • Analyse • Massacre aux Philippines : la justice se fait attendre Le procès sur le massacre de 57 personnes aux Philippines en novembre 2009, dont 32 jour- nalistes, s’est ouvert l’automne dernier. Mais les procédures risquent d’être longues : les témoins à entendre sont nombreux et plusieurs ont été assassinés avant même le début des audiences. e 23 novembre 2009, survenait aux Junior) ont planifié ce geste six jours aupara- reste encore un très long chemin avant que Pour les familles des victimes, le nouveau pré- L Philippines un des pires massacres de journalistes de l’histoire. Ce jour- là, 57 civils (dont 32 journalistes) ont été sau- vant lors d’un repas avec des invités. Pour sa part, Rainier Ebus, policier témoin des meurtres, affirme que 40 des assassinats sont justice soit faite», confiait Harry Roque, avo- cat représentant treize des familles de journa- listes au journal La Croix en septembre. sident représente un espoir. Avant son élec- tion, Aquino III a assuré son soutien aux familles des victimes. « Quand “Noynoy” vagement assassinés alors qu’ils allaient pré- imputables à Andal Ampatuan Junior. Par [surnom d’Aquino III] est venu ici, il m’a senter la candidature d’Esmael Mangudadatu contre, les membres du clan Ampatuan nient Plusieurs sources affirment également que les promis qu’il irait jusqu’au bout. Je lui fais au poste de gouverneur dans la province de leur implication dans ces meurtres. avocats du clan Ampatuan, au nombre de 80, confiance», a racontée Myrna, veuve du jour- Maguindanao. Les victimes ont été décapitées, font systématiquement obstruction pour retar- naliste Alejandro Roblando, au journal Le les femmes, violées, et les corps retrouvés der les procédures. « Les avocats tentent de Monde en septembre dernier. dans une fosse commune à quelques kilo- « Nous n’avons même ralentir le rythme de la justice en déposant mètres de la ville de Shariff Aguak. Plusieurs des recours devant d’autres cours », révélait Mais Aquino III aura beaucoup à faire, témoins affirment que le clan au pouvoir, celui pas eu le temps de finir Prima Jesusa Quinsayas, une autre avocate qui puisque les clans comme celui des Ampatuan des Ampatuan, est à l’origine de la tuerie. Ces le récit du premier représente des familles de journalistes, à sont très nombreux aux Philippines. Les gou- derniers auraient craint d’être délogés et de Reporters Sans Frontières en août. vernements précédents ont dû composer avec perdre le contrôle de leur territoire. témoin, et nous estimons cette réalité et certains se sont acoquinés avec avoir 500 témoins Pendant ce temps, les témoins tombent les clans plutôt que de les combattre. En Les Ampatuan sont réputés pour être des sei- comme des mouches. Selon Human Rights outre, les allégations de corruption sont fré- gneurs de la guerre: ils entretiennent des liens à entendre. » Watch, cinq des témoins-clés ont déjà été quentes lors d’élections aux Philippines. étroits avec certains politiciens et ils font régner HarrY roQue assassinés et la protection accordée aux la terreur au sein des populations locales. Qui Avocat représentant treize autres témoins est insuffisante. Au milieu de tout cela, la population se des familles de journalistes. plus est, ils sont armés et s’imposent sur leur retrouve coincée et intimidée, comme l’ex- «coin de pays». À l’heure actuelle, plusieurs Benigno Aquino iii : plique Philip Alston, rapporteur spécial aux des meurtriers demeurent en liberté et on un espoir, un nouveau règne Philippines pour l’ONU, au quotidien La annonce déjà que le procès qui s’est ouvert en Croix : « Dans une société pauvre où la septembre dernier pourrait s’éterniser. À l’heure actuelle, 196 personnes sont sur le Depuis le massacre, l’échiquier politique a dépendance envers la communauté est banc des accusés. Parmi elles se trouvent au changé, notamment à la présidence du pays. forte et la mobilité géographique très limi- le procès moins cinq des membres de la famille L’ancienne présidente, Gloria Arroyo, qui tée, les témoins sont spécialement vulné- Ampatuan ainsi que les membres de l’armée aurait « fricoté » avec le clan Ampatuan pour rables quand ceux qui sont chargés d’assu- Depuis le début des audiences, deux témoins privée à la solde de la famille. Un aussi grand obtenir des votes « illégaux » lors des élec- rer leur sécurité et ceux qui sont accusés de ont fait des révélations-chocs sur les événe- nombre d’accusés constitue une première pour tions de 2004, a été défaite le 10 mai dernier meurtres sont les mêmes. Celui qui veut ments. Le premier, Lakmudin Saliao, ancien le système judiciaire philippin, déjà très sur- en faveur de son rival, Benigno Aquino III, fils préserver son espérance de vie ne témoigne domestique du clan Ampatuan, a révélé que chargé. «Nous n’avons même pas eu le temps de Corazon Aquino. Cette dernière a rétabli la pas dans une enquête pour meurtre. » le patriarche du clan Ampatuan (Andal de finir le récit du premier témoin, et nous démocratie en 1986 après l’exil du dictateur Ampatuan Sénior) et son fils (Andal Ampatuan estimons avoir 500 témoins à entendre. Il communiste, Ferdinand Marcos. J Ulie Godin • Boum immobilier • la Mecque des riches ême si de nombreuses personnes cueil de l’aéroport de Jeddah, quant à elle, Photo :MeshaloBeidallah M crient à l’embourgeoisement de La Mecque, l’Arabie Saoudite retape sa Ville sainte pour accueillir un passera de quinze à trente millions de voya- geurs en 2012. nombre croissant de pèlerins musulmans, qui Étant donné le taux de croissance annuel de sont une manne pour son économie au même 1,7 % de la population musulmane mondiale, titre que le pétrole. le gouvernement saoudien y voit une occasion pour réduire la dépendance de son économie En 2010, La Mecque a accueilli cinq millions nationale envers le pétrole. Or, plusieurs crai- de pèlerins, dont 1,8 million d’étrangers pro- gnent que le patrimoine culturel de la ville soit venant de 181 pays. C’est une hausse de 20,5 % détruit et que toute cette richesse aille à l’en- par rapport à l’année précédente selon les contre de l’égalité des pèlerins à La Mecque. autorités saoudiennes. À ce rythme, La Mecque Par exemple, le journaliste Mahmoud Sabbagh pourrait accueillir 20 millions de pèlerins en constate avec tristesse la « manhattanisation » 2020, d’après une étude de la Saudi British de la Ville sainte, tandis que des dignitaires Bank. Des chaînes hôtelières, des construc- religieux font le pari que ce renouveau archi- teurs et le gouvernement investiront au total tectural permettra d’attirer davantage de pèle- 26,78 millions de dollars dans la construction rins. Encore faudrait-il que ces derniers soient d’au moins 130 tours d’hôtel ou de résidences pleins aux as. de luxe autour de la Grande Mosquée où se réunissent les pèlerins musulmans. Depuis Anh K hoi d o 2003, le prix du mètre carré est passé de 42,59 $ à 133900 $. Une nuitée dans une suite Sources : Le Figaro (France), CBS (États-Unis), peut coûter jusqu’à 16650 $. La capacité d’ac- Bloomberg et Al-Jazeera Quartier l!bre • Vol. 18 • numéro 9 • 12 janvier 2011 • Page 11
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