Des hauts et débats CONSULTATION CITOYENNE - Le magazine de l'EJT É - Ecole de Journalisme de Toulouse

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ÉDITION DE FÉVRIER 2019
   Le
    Lemagazine
      magazine de
               del'EJT
                  l'EJT

   CONSULTATION CITOYENNE

Des hauts
et débats
Des hauts et débats CONSULTATION CITOYENNE - Le magazine de l'EJT É - Ecole de Journalisme de Toulouse
Le Grand débat : dernière
               vitrine du gouvernement ?
                                                                         15 janvier,

                                                               15 mars, les dates du Grand

                                                 débat national sont fixées. La transition écologique, la fis-

                                         calité et les dépenses publiques, la démocratie et la citoyenneté, l’organi-

                                   sation de l’État et des services publics. Ce sont les quatre thèmes retenus par le gou-

                               vernement. Deux mois de consultation citoyenne : l’inédit suffit-il à réjouir des citoyens lassés

                           ? Lassés de voir que l’ancien monde n’a qu’illusoirement été mis à la retraite. Lassés que la définition

                        même de la démocratie soit galvaudée. Lassés que le président de la République concentre autant de pou-

                       voir en son titre. Sacré De Gaulle. En somme, l’idée est séduisante. Le peuple l’exige, le peuple l’obtient. Quid

                     d’un tel effort de l’exécutif sans le mouvement des gilets jaunes ? Tendre la main est honorable, à condition qu’elle

                     ne soit pas glissante. Une consultation quitte ou double, à moins que la transparence ne fasse place à l’opacité
 Édito

                    politique. Bien que le Grand débat ne fasse pas l’unanimité chez les révoltés jaune fluo, il apparaît comme la bouée

                     de sauvetage d’un président à deux doigts de se noyer avant les européennes de mai 2019. Pour autant, il ne

                       faudra pas décevoir. Pour espérer regagner la confiance des français, il ne faudra pas s’en servir comme d’une

                        simple vitrine. Au risque qu’elle soit brisée comme il en est coutume par les temps qui courent. Les maîtres

                           mots : mettre en oeuvre. La France n’a pas oublié le dernier référendum sur le traité européen de 2005

                               rédigé à partir de la Constitution européenne de Valéry Giscard d’Estaing. Avant le vote, l’ancien

                                   président déclarait : « C’est une bonne idée d’avoir choisi le référendum, à condi-

                                         tion que la réponse soit oui. » Le grand débat aussi est une bonne idée.

                                                 À condition que la réponse soit celle d’un chef de l’Etat

                                                                       enfin à l’écoute.

                                                                                            Capucine ROUAULT et Clément TERAHA

               Directeur de publication Pierre GINABAT Directrice de rédaction Virginie PEYTAVI
              Rédactrice en chef Capucine ROUAULT Rédacteur en chef adjoint Clément TERAHA
      Secrétaires de rédaction Aurore BRIFFOD, Maud CAZABET, Marine CLETTE, Guilhem DORANDEU, Alia DOUKALI,
                                          Margarita GOVORINE, Rébecca-Alexie LANGARD
     Chefs de rubrique      Marine DAYSSIOLS, Corentin DEBUIRE, Arnaud DÉCHELOTTE, Camille DUCROCQ, Sandra FAVIER,
                                                   Axel GAMBARACCI
                        Chef de la     photographie Sarah COULET Illustrations Mandi HESHMATI

                                                         Numéro ISSN 1958-850X

2 - Trajectoires - Février 2019
Des hauts et débats CONSULTATION CITOYENNE - Le magazine de l'EJT É - Ecole de Journalisme de Toulouse
4-9               Occitanie
                     DOSSIER : les disparités locales
                             du Grand débat

           10 - 15           Toulouse
                     COMMERCE : Baisse du rideau
                           pour l’Hippodrome
Sommaire

           16 - 19           France
                     POLITIQUE : La laïcité de 1905
                                 en débat

           20 - 23           Monde
                     AFRIQUE : Passage aux urnes
                            et partis islamistes

           24 - 27           Sport
                      CRUNCH : les XV de la Rose
                           reçoivent les Bleus

           28 - 31           Culture
                     MUSIQUE : « La night» de Quentin
                                Paronneau

           32                BDébat
                                                        Trajectoires - Février 2019 -   3
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GRAND                                                                        débat
                                                                                   écart

                                     Deux mois pour « transformer les colères en solutions ». Le 13 janvier,
                                      le président a annoncé la tenue d’un Grand débat national. Depuis le
                                  15 janvier, et jusqu’au 15 mars, les citoyens sont invités à exprimer leurs
                                    propositions et idées sur le site internet granddebat.fr et lors de débats
                                       locaux. Cette consultation inédite s’articule autour de quatre grands
                                  thèmes : la fiscalité et les dépenses publiques, l’organisation de l’État et
                                     des services publics, la transition écologique et enfin la démocratie et
                                  la citoyenneté. Les contributions doivent déboucher sur des réalisations
                                                       concrètes d’ici le mois d’avril selon le gouvernement.
                                                          En Occitanie, voici comment s’organise le débat…

4 - Trajectoires - Février 2019
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Dossier n

« Crever des abcès »
    à Argelès-sur-Mer
EXPRESSION. La commune de 10 000 habitants, non loin de Perpignan, organisait sa toute
première réunion publique ce lundi 4 février, dans le cadre du Grand débat national.
Une initiative appréciée des participants mais boudée par la jeunesse.

D
               es chaises disposées en arc de Michalak-Guimber, très active tout au                          n’y avait pas d’effet ping-pong entre les
               cercle et des micros, nul doute long de la réunion. Elle regrette que cet                     idées. Nous étions tous en cercle, chacun
               qu’Argelès-sur-Mer se prépare à échange se fasse dans la crise, parce qu’il                   disait ce qu’il avait à dire, sans être raillé
               débattre. La commune organise y a des problèmes. Cécile Canguilhem,                           par le public. » Ce soir, la majorité de
son tout premier débat, en lien avec la l’une des plus jeunes de l’assemblée,                                l’assemblée avait les tempes grisonnantes.
grande concertation nationale, lancée le composée de 120 citoyens, s’est contentée                           Un citoyen l’a d’ailleurs fait remarquer
13 janvier par Emmanuel                                                        d’écouter. « Je ne suis pas   pendant le débat : « Ne faudrait-il pas faire
Macron.                                      « On nous a donné                 en colère, je suis inquiète   une réunion spéciale jeunes ? Je m’étonne
Au menu de ce soir, deux                                                       pour notre avenir, nos        qu’il n’y en n’ait pas ce soir. Comment les
thèmes, sur les quatre                       la possibilité de nous conditions de vie, notre                 intéresser ? » Sans avoir la réponse, du
retenus par le gouverne-                     exprimer, nous avons planète, confie-t-elle. Je                 moins pour l’instant, l’Élysée a pris la
ment : « fiscalité et                                                          suis venue par curiosité      mesure du problème. Le président de la
dépenses publiques » et                      repris la parole »                et je suis surprise de la     République s’est rendu à Étang-sur-Arroux
« organisation de l’État et                                                    pertinence des                (Saône-et-Loire) jeudi 7 février, pour
des services publics ».                                      interventions. » Une idée partagée par le       associer la jeunesse au Grand débat. Il a
Le maire, Antoine Parra, est le premier à professeur de droit, qui avoue : « J’ai                            échangé avec 1 000 jeunes du Morvan.
prendre la parole. « Rien ne nous est accepté d’animer ce débat pour me faire                                À Argelès, tout le monde loue ce nouvel
imposé mais proposé. Je n’ai qu’un rôle de ma propre opinion. Et au final, le discours                       e s p a c e d ’ex p re s s i o n , l e s h a b i t a nt s
fa c i l i t at e u r, a l o r s j e va i s m’é c a r t e r, n’est pas différent de ce que j’entends. Il y   apprécient cette démocratie participative.
souligne-t-il. Je suis là pour créer un lieu a de grandes similitudes entre les revendi-                     Mais ce qu’ils espèrent avant tout, c’est
où vous puissiez débattre, échanger. » cations sur les ronds-points et celles                                d’être entendus. Un citoyen s’est porté
L’édile restera tout au long du débat, sans exprimées ce soir. »                                             volontaire pour prendre en note la séance.
p a r t i c i p e r. D e u x p e r s o n n e s p o u r                                                       Les notes seront regroupées avec les
animer : Gérard Broc, conciliateur de Une jeunesse absente                                                   propositions de la prochaine réunion, puis
justice, et Didier Baisset, professeur de du débat                                                           synthétisées par les deux conciliateurs.
droit. Ils sont là pour distribuer la parole Catherine Vinas, probablement la plus                           Elles seront ensuite affichées en mairie.
et superviser la réunion. Chaque citoyen timide de la soirée, a osé se lever pour                            Les doléances doivent aussi être envoyées
se lève et avance ses propositions, le parler au micro d’un sujet qui lui tient à                            à la sous-préfecture de Céret, pour, ensuite,
micro circule de main en main. Bernadette cœur, les personnes en grande précarité.                           en théorie, remonter plus haut.
Michalak-Guimber tonne : « Je me lève « J’ai aimé la forme, c’est-à-dire que ce
comme une femme en colère. » L’ancienne n’était pas un débat. Chacun s’écoutait, il                                                             Lise DUSSAUT
fonctionnaire lit presque sa « liste à la
Prévert », préalablement écrite sur une
feuille. Suppression du Sénat, allocations
familiales dès le premier enfant, retour de
l’ISF (impôt de solidarité sur la fortune),
plafonnement du prix des maisons de
retraite, renationalisation des autoroutes…
Pendant deux heures, les participants
égrènent leurs doléances.

Des interventions
très « pertinentes »
À la fin du débat, les avis sont
globalement positifs. « Cette initiative a
permis de crever des abcès. On nous a
donné la possibilité de nous exprimer, nous
avons repris la parole », ressent Bernadette          Réunion publique dans le cadre du Grand débat à Argelès-sur-Mer. © Lise DUSSAUT

                                                                                                                          Trajectoires - Février 2019 -             5
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n Dossier

 RÉACTIONS
 Le Grand débat                          Banlieue :
                                         en périphérie
 vu par les maires
 Jean-Paul
 Fournier, maire
 Les Républicains

                                         du débat
 de Nîmes
 (Gard, 151 000
 habitants) :
 « Nous
 n’organisons
 pas le Grand                            SOCIÉTÉ. Le Grand débat national souffre d’un manque de
 débat. Nous laissons des salles         participation dans les banlieues. Dans les quartiers de la
 à disposition des Nîmois. Depuis
                                         Reynerie et du Mirail, le dispositif de la consultation peine à
 décembre, j’ai beaucoup échangé
 avec les gilets jaunes et mis en        répondre aux attentes des habitants.
 place un cahier de doléances
 numérique car la demande était trop
 importante. »

                       René Révol,
                       maire La France
                       insoumise
                       de Grabels
                       (Hérault, 8 200
                       habitants) :
                       « Les Grabélois
                       ont deux
                       attitudes face
 au Grand débat : y participer sur la
 plateforme sans être d’accord avec      Marché dans le quartier de la Reynerie. © Sarah COULET
 le cadre ou le rejeter totalement.

                                         A
 Nous organisons une assemblée                     ussi inattendu qu’insaisissable,           beurre. » Celle qui a vu se succéder quatre
 citoyenne le 13 février, en marge de              le mouvement des gilets jaunes             présidents à la tête du pays, n’a plus rien à
 la consultation nationale. Le cahier              cristallise la colère d’une France         attendre de la politique de la ville : « Je n’ai
 de doléances est rempli : le pouvoir              qui se sent déconsidérée voire             plus envie de voter, les réformes de Macron
 d’achat sur différentes formes, la      méprisée par le pouvoir politique. Proches           m’ont déçue. » Même constat pour Hugo en
 perte de proximité des services         de ces revendications mais pourtant à                recherche d’emploi : « Le Grand débat est
 publics et le référendum d’initiative   l’écart des ronds-points, les banlieues              une perte de temps, c’est seulement pour
 citoyenne (RIC) couvrent la majeure     restent silencieuses. À Toulouse, sur                nous endormir. »
 partie des propositions. »              l’immense place de la Reynerie circulent
                                         sans se croiser les jeunes et les personnes          Un dispositif mal adapté
 Eric Ménassi,                           âgées. Boucherie, boulangerie, épicerie              aux banlieues
 maire Parti                             générale se succèdent ainsi que la mairie            Cramponnés à un scooter, deux jeunes
 socialiste                              du quartier. Dans le cadre du Grand débat            hommes zigzaguent entre le square et les
 de Trèbes (Aude,                        national, l’espace municipal occupe une              tours de béton. Aux abords du marché,
 5 600 habitants) :                      place centrale dans la participation des
 « Depuis un mois,                       citoyens. Sans surprise pour les résidents,
 nous avons mis                          l’engouement démocratique tant attendu
 en place un cahier                      par le gouvernement est en berne dans
 de doléances.                           leur banlieue où s’expriment surtout
 Il est très peu utilisé, nous n’avons   déception et résignation. Latifa s’agite,
 qu’une dizaine de contributions.        pochette en main remplie d’une myriade
 La fiscalité, le pouvoir d’achat et     de papiers administratifs. « Dans les
 l’équité sociale sont les principaux    quartiers on a une parole silencieuse »
 thèmes qui ressortent. Avec             fulmine-t-elle. Il y a trois ans Latifa était
 l’attentat de mars 2018, la démarche    au chômage : « J’ai écrit une lettre à la
 du Grand débat est passée au            mairie de Toulouse et au président Macron
 deuxième plan. »                        pour leur évoquer ma situation et je n’ai
                                         eu aucune réponse ! Je compte pour du                Hafida, habitante de la Reynerie. © Sarah COULET

6 - Trajectoires - Février 2019
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Dossier n

Centre social de la Reynerie. © Sarah COULET

Nasser n’habite plus le quartier depuis                  de la politique traduit un malaise profond            y a encore des citoyens, des associations
quarante ans mais continue d’y faire ses                 dans ces zones où les problèmes                       qui, avec leur bonne volonté, tentent
courses. « Le Grand débat c’est du vent, ici             d’insécurité, de chômage, de logement ou              d’améliorer le quotidien de ces oubliés et de
les habitants ont peur de prendre la parole,             d’insertion sociale sont plus préoccupants            contrer l’exclusion à travers des initiatives
ils craignent de ne pas savoir s’exprimer »              qu’ailleurs. « Le Grand débat ? J’en ai               citoyennes. Malika Baadoud, directrice de
précise le retraité. Dans le quartier, les               vaguement entendu parler à la télé mais je            l’association L’école et Nous dans le quartier
résidents ignorent l’existence du dispositif             ne peux pas vous en dire plus… » Hafida,              du Mirail fait partie de ces personnes qui
des cahiers de doléances. « On ne va pas se              habitante de la Reynerie n’y a encore pas             n’ont pas baissé les bras. « Dans notre zone,
le cacher, ici il n’y a pas beaucoup de                  participé. Pourtant, cette mère de famille en         rien n’avait été mis en place » déplore-t-elle.
participation » confie un agent de la                    a gros sur le cœur. « Je vais bientôt partir          Suite à la demande de plusieurs citoyens,
m u n i c i p a l i t é . D a n s l e c a d re d e l a   d’ici. Je paye trop de taxes pour mon                 elle a décidé d’organiser, conjointement
consultation nationale, les mairies se                   logement et je ne me sens plus en sécurité le         avec le maire du quartier, une réunion dans
limitent à un rôle de « facilitateur » par la            soir. Je vais me rapprocher de mon travail. »         le cadre du Grand débat. « Nous avions déjà
mise à disposition des locaux. Elles ne                                                                        un cahier de doléances, mais ce n’était
peuvent pas initier les débats. Même                     Les associations en dernier                           certainement pas suffisant pour répondre
constat auprès des centres sociaux du                    recours                                               aux problématiques des habitants. » Pour
quartier qui assurent avant tout une                     Beaucoup n’ont pas la chance d’avoir un Malika, les moyens mis en place pour
mission de « veille sociale ». Les                       emploi comme Hafida. « Ceux qui ne favoriser la consultation nationale ne sont
professionnels du centre social de la                    travaillent pas sont encore moins intéressés pas suffisants dans les banlieues : « Ce n’est
Reynerie constatent que « les habitants sont             par ce débat » explique-t-                                            pas adapté aux quartiers
confrontés à des problèmes d’alimentation                elle. Près d’une épicerie de             « Dans notre                 populaires. Ce n’est clairement
et d’apprentissage de la langue française ».             rue, Latifa, parle avec des                                           pas dans l’habitude des
Ces problématiques sont loin des thèmes                  grands gestes pour évacuer               zone, rien n’avait riverains de faire ce type de
suggérés dans le Grand débat.                            sa frustration : « Je me                 été mis en                   démarches. » Dans ces zones
                                                         désintéresse de tout ça car                                           périphériques, le Grand débat
Des problématiques                                       aujourd’hui il faut que je               place »                      peine à mobiliser ceux qui
éloignées du débat                                       pense plus à moi… » Cette                                             n’ont plus la force de se
« Croyez-vous que les gens d’ici s’y intéressent         résignation, on la retrouve partout, entre les battre, ceux qui ont perdu la volonté,
vraiment ? » lance Malik, un riverain du                 t o u r s H L M , l e b i t u m e , l e s c e nt re s comme Hafida, Nasser, Latifa, Hugo ou
quartier. Ici, l’abstention au premier tour              commerciaux abandonnés, les marchés de Malik.
des dernières élections présidentielles a                rue et les logements sociaux qui façonnent
dépassé les 40 %. Cette méfiance vis-à-vis               le paysage des quartiers prioritaires. Mais il              Mérième STITI et Nicolas LAPLUME

                                                                                                                        Trajectoires - Février 2019 -       7
Des hauts et débats CONSULTATION CITOYENNE - Le magazine de l'EJT É - Ecole de Journalisme de Toulouse
n Dossier

« Les moyens
n’ont pas été mis
en œuvre »
INTERVIEW. Directrice du think tank « Décider ensemble », Marion Roth pointe les faiblesses
du Grand débat national, notamment l’oubli des quartiers populaires.
Les moyens mis à disposition pour le Grand               Dès lors, ces Français seront plus présents           trop là-dessus, on en a oublié les banlieues.
débat sont-ils suffisamment adaptés,                     dans le Grand débat. Il faut angler les               Ce n’était pas forcément intentionnel.
notamment dans le cadre des quartiers                    concertations pour avoir une
populaires ?                                             communication plus efficace. En                       Dans le compte-rendu des cahiers de
Les moyens n’ont pas complètement été                    l’occurrence, l’État ne s’appuie pas assez sur        doléances, la localisation et la situation
mis en œuvre. Certains Français sont                     les relais idoines comme les centres sociaux          sociale du citoyen ne seront pas indiquées.
absents, ceux qui sont éloignés des services             ou encore les associations.                           Cela pose-t-il problème ?
publics, qui maîtrisent peu la langue… Pour                                                                    Le principe du Grand débat, c’est d’arriver à
eux, il faut mettre en place un certain type             Pourquoi dans les dispositifs mis en place,           produire des visions communes.
de dispositif. Il doit être plus adapté pour             ces problématiques là n’ont pas été prises            La richesse de tout projet participatif
les amener à participer. Là, ce n’est pas du             en compte ?                                           est d’effacer les individus dans l’intérêt du
tout fait. Comment va-t-on les chercher ?                Il existe des techniques pour mobiliser les           collectif. Néanmoins, on devrait utiliser
Comment s’assure-t-on que l’ensemble                     citoyens. Cependant, les chercheurs ne                cette concertation nationale pour dégager
s ’e x p r i m e ? D a n s c e d i s p o s i t i f d e   trouvent pas de solution quant à la                   des statistiques, pour savoir quelle partie de
consultation citoyenne, chacun a le pouvoir              participation des quartiers populaires. Dans          la France ou catégorie de la population a
d ’ o r g a n i s e r u n e r é u n i o n . L’ É t a t   le Grand débat, le gouvernement n’a même              été oubliée. Il faut s’assurer que tous les
n’accompagne pas suffisamment. C’est aux                 pas eu à l’esprit la question des banlieues.          moyens ont été mis en œuvre, même si
associations de trouver des locaux                       Il y a eu tout un emballement autour des              le citoyen n’a pas envie de participer.
disponibles. Les informations accessibles                gilets jaunes. Ils sont cette France qui ne
sur le site internet sont incomplètes. Les               s’est jamais fait entendre, cette France                          N. LAPLUME, A. MARCHAND
fiches thématiques et territoriales sont                 périphérique, périurbaine. En se focalisant                                       et M. STITI
assez lacunaires. Pourtant, ce sont ces
renseignements qui vont permettre aux
citoyens de participer. On a maximum
quatre pages par thème pour cadrer le
débat. Au vu de la largeur du débat, c’est
assez superficiel.

Que faut-il faire dans les banlieues pour
favoriser le débat ? Faut-il passer par les
centres sociaux ?
Les occupants des banlieues
sont sursollicités. En règle générale, ce sont
des territoires où il y a beaucoup de choses
qui se passent au niveau de la démocratie
participative (conseil citoyen, conseil de
quartiers…). Ces consultations ne sont pas
toujours bien menées et ne se
traduisent pas par des politiques publiques.
Finalement, l’impact de la participation de
cette partie de la population est assez
faible. Si on veut mobiliser des publics
absents, il faut passer par des structures
qui leur sont proches, qui vont savoir
comment leur parler, qui vont les connaître.             Marion Roth directrice du think tank «Décider ensemble» © DR

8 - Trajectoires - Février 2019
Des hauts et débats CONSULTATION CITOYENNE - Le magazine de l'EJT É - Ecole de Journalisme de Toulouse
Dossier n

Midi-Pyrénées :
la concurrence
                                                                                                                                     © Sarah COULET

des plateformes
NUMÉRIQUE. En lançant leur propre plateforme de débat, les gilets jaunes occitans
pointent les limites du Grand débat national et remettent en cause son efficacité.

P
        allier le manque de démocratie du            autoroutes sont les propositions qui arrivent      mis en ligne le 30 janvier sur le même
        Grand débat . Une coordination               en tête.                                           modèle que les sites régionaux, ainsi que sur
        régionale de gilets jaunes, à l’échelle de                                                      celui de la page officielle du Grand débat
        Midi-Pyrénées, a mis en ligne le             Le « Vrai débat » national                         national. C’est la start-up française,
20 janvier sa propre plateforme participative.       La plateforme est réservée aux sympathisants       Cap Collectif, qui les a développés. Aucune
« Le Grand débat ne répond pas à la demande          qui résident en Midi-Pyrénées. La Réunion a        date n’a été fixée pour la fin de collecte des
citoyenne », déplorent les administrateurs. Il       été la première à lancer cet outil participatif,   contributions sur la plateforme de Midi-
manque selon eux trois conditions                    suivie de Provence-Alpes-Côtes d’Azur, de la       Pyrénées. Un dépouillement public et des
essentielles à la tenue d’un vrai débat              Bretagne, de l’Île-de-France et de la Nouvelle     débats sur les sujets qui ont le plus
national : un engagement politique sur la            Aquitaine. Les administrateurs des six             divisé sont d’ores et déjà prévus.
prise en compte des propositions, une                plateformes se sont associés pour lancer une
indépendance du débat et l’intégration des           plateforme nationale. Le « Vrai débat » a été                               Camille DUCROCQ
citoyens comme acteurs de la prise de
décision politique. Ils regrettent que le choix
des questions posées soit définis à l’avance,            Comment participer au Grand débat national ?
ce qui vient « limiter le choix des sujets qui
mériteraient pourtant à nos yeux d’être                  - En ligne : sur le site granddebat.fr, chaque citoyen peut partager ses
débattus », estime l’un des organisateurs. Sur           propositions et répondre à une dizaine de questions pour chaque thème.
cette plateforme, chacun peut ainsi aborder
la thématique qu’il souhaite. Les participants           - Par voie postale : les contributions peuvent être envoyées à Grand Débat
sont ensuite invités à voter et à donner leur            National BP 70.164 - 75326 Paris CEDEX 07.
avis pour chaque proposition. Il est également
possible de proposer actions à mener et idées            - En participant à une réunion d’initiative locale : la liste des débats organisés
pour l’organisation du mouvement. Moins de               dans chaque région est disponible sur le site internet du Grand débat.
trois semaines après le lancement du site, près
de 1 300 contributions ont été déposées par              - En organisant une réunion d’initiative locale : citoyens, élus, institutions, orga-
les quelque 500 participants. La lutte contre            nisations à but lucratif ou non peuvent en faire la démarche. L’organisateur doit
l’évasion fiscale, le rétablissement de l’impôt          s’enregistrer sur granddebat.fr afin de déclarer la réunion, ou en téléphonant
sur la fortune (ISF), le référendum d’initiative
                                                         au 0 800 97 11 11 (Numéro Vert).
citoyenne (RIC) et la nationalisation des

                                                                                                                   Trajectoires - Février 2019 -    9
Des hauts et débats CONSULTATION CITOYENNE - Le magazine de l'EJT É - Ecole de Journalisme de Toulouse
n Toulouse

L’Hippodrome perd
du galon

Le supermarché Casino est fermé définitivement depuis le 3 février. © Gauthier DELOMEZ

CENTRE COMMERCIAL. Le site de l’Hippodrome voit ses magasins fermer les uns
après les autres. Prix inadaptés aux clients du quartier, insécurité constante et surfaces
commerciales inadéquates sont autant de raisons de ces départs en chaîne.

I
   ls ne seront restés que deux ans et demi.           commercial pousse les propriétaires à mage car je ne me suis jamais sentie mena-
   Ce l u n d i 4 fé v r i e r, d a n s l a zo n e     quitter les lieux rapidement. Le responsable cée. » Ce sont davantage les employés et les
   commerciale de l’Hippodrome, entre les              de la boutique Zeeman, aux tarifs pourtant agents de sécurité qui sont ciblés.
   quartiers de la Cépière et Bagatelle, les           bas, demandera probablement une Le 27 novembre dernier, le responsable du
clients se font discrets. Casino, l’une des            r e n é g o c i a t i o n d e s o n l o y e r e n Leader Price voisin se faisait poignarder à
plus grandes enseignes du centre, avec                 avril : « Officiellement,                                            quatre reprises au dos et
Decathlon et Chaussea, arbore depuis le 3              nous ne quittons pas
                                                                                          « Le souci est aussi à la jambe par des clients.
février un panneau « Fermeture définitive »            encore la zone, mais nous                                            À cause d’une boîte de
sur sa devanture.                                      restons dans l’attente             une question d’atti-              chocolats. « Le souci est
Entre un commerce de proximité trop cher               d’une négociation du bail                                            aussi une question d’atti-
pour les riverains et trop éloigné des                 et de nouveaux venus
                                                                                          tude et de respect.» tude et de respec t »,
habitants du centre, personne n’y trouvait             pour faire vivre le site. »                                          avance Audrey. De son
son compte. Dans les allées presque vides                                                                côté, elle affirme avoir récemment vu une
de Chaussea, Audrey, une employée, affirme             Une sécurité inefficace                           personne voler « des articles à trois euros, le
que son enseigne pourrait leur emboîter le             Autre problèmatique pointée : le sentiment jour de la fermeture du Casino ».
pas à la mi-mai. « Ce n’est pas étonnant, les          d’insécurité qui règne sur le site. Et ce ne Les salariés sont contraints de surveiller leur
prix ne sont pas adaptés. Casino en est un             sont pas forcément les clients qui en clientèle et sont débordés, obligeant les
très bon exemple », estime-t-elle. Devant ses          pâtissent le plus. Jennifer, qui se rend sou- marques à recruter davantage, comme
4200 m2, Decathlon paraît aussi bien vide.             vent dans le centre commercial, n’était pas chez Chaussea. Quant à la direction du
L e m a n q u e d ’a f f l u e n c e a u c e n t r e   au courant de ces fermetures : « C’est dom- centre commercial, elle a choisi d’appeler

10 - Trajectoires - Février 2019
Toulouse n
des agents de sécurité en renfort. Depuis
un peu moins de deux semaines, des                   Le e-commerce toujours en hausse
maîtres-chiens surveillent les lieux avec
                                                     La baisse d’attractivité des centres commerciaux peut également s’expliquer par
deux bergers allemands, attachés et
muselés. Yazid est en renfort depuis quatre          l’augmentation continue du commerce en ligne. Cette semaine, la Fédération
jours. Il est persuadé qu’un centre                  e-commerce et vente à distance (Fevad) a publié son bilan 2018. L’année dernière,
commercial n’a pas sa place dans le quartier         les Français ont dépensé plus de 90 milliards d’euros sur Internet. Le e-commerce
de la Cépière : « Les policiers n’arrivent           enregistre encore une nette progression : 13,4 % par rapport à l’année dernière.
même pas à pénétrer dans le quartier.                Mais contrairement aux premières idées reçues, les manifestations des gilets
Comment voulez-vous qu’un agent fasse                jaunes n’auront pas profité au commerce en ligne, qui a enregistré un « fléchis-
mieux ? » Dans cette banlieue de Toulouse
                                                     sement de la croissance » au mois de décembre. Toujours selon le rapport de la
où la population est majoritairement issue
de l’immigration, le lien social est, selon lui,
                                                     Fevad, la valeur du panier moyen est en baisse. Aujourd’hui, le montant moyen des
plus facile à tisser.                                transactions s’établit à 60 €. Une décroissance amorcée en 2012, qui traduit une
Face aux multiples plaintes, la direction a          évolution des comportements des acheteurs : ils achètent des produits du quoti-
également changé la société de sécurité.             dien, en moins grosse quantité et plus régulièrement (1,5 milliard de transactions
Yassin, l’un des membres de cette nouvelle           soit une hausse de 20,7 %). La Fevad prévoit que le commerce en ligne dépasse
entreprise, estime que le mal est déjà fait.         les 100 milliards d’euros de chiffre d’affaires d’ici la fin de l’année.
Mais l’apport de renfort a permis de garan-
tir une certaine stabilité : « Forcément, plus
on est, mieux c’est. »
                                                   conviendrait davantage à la clientèle. « Des    démarches nécessaires pour garantir la
La mairie à la manœuvre                            négociations sont en cours mais pour l’ins-     pérennité du site de l’Hippodrome. Pour
contre une fermeture totale                        tant, il n’y a rien de franchement concret »,   J e a n -J a c q u e s B o l z a n , c e s d é p a r t s
Si Casino a déjà fermé, et que Decathlon,          explique l’élu. Le site peine à trouver de      s’expliquent aussi par des sur faces
Chaussea ou encore Générale d’Optique              nouvelles marques en raison du départ           commerciales trop grandes, aux loyers trop
menacent de lui emboîter le pas, la plupart        précipité de ses plus grosses enseignes.        élevés par rapport aux prix affichés en
des repreneurs ne sont pas encore connus.          Casino, par exemple, avait assuré six mois      magasin. Sur ce point, la municipalité
Jean-Jacques Bolzan, adjoint au maire de           auparavant qu’il se maintiendrait dans le       affirme avoir réglé le problème avec le
Toulouse en charge du commerce, ne parle           centre commercial. La direction a surpris       gestionnaire foncier.
pour l’instant que d’un seul potentiel can-        en annonçant son départ en janvier,
didat dans l’alimentaire. Plusieurs sources        effectif dès le mois suivant. Devant le fait                                   Sandra FAVIER
s’accordent sur Lidl, plus discount, qui           accompli, la mairie n’a pas pu faire les                             et Geoffroy JACQUESON

L’attractivité renouvelée
du centre-ville toulousain
ÉCONOMIE. De nouvelles                             l’Hippodrome attire uniquement les habi-        La campagne de recrutement à Toulouse
                                                   tants du quartier, les autres préférant les     est également lancée. Dr. Martens est la
enseignes, comme Uniqlo
                                                   rues pavées du centre. Après Primark et         seconde enseigne réputée à ouvrir bientôt
et Dr. Martens, ouvriront                          Søstrene Grene à l’automne dernier, Uniqlo      une boutique à Toulouse, sa troisième
au printemps prochain                              ou encore Dr. Martens ont annoncé leur          ville d’implantation hors Paris. La marque
                                                   ouverture prochaine.                            britannique installera son magasin de
et viendront renforcer                             Uniqlo viendra donc compléter l’offre           46 m2 rue Saint-Rome, en plein cœur du
l’attractivité du centre-ville                     urbaine dès le 21 mars 2019. L’enseigne         centre-ville.
                                                   japonaise inaugurera ici sa deuxième            Le local, pensé par un studio d’architectes
de Toulouse.
                                                   boutique        dans       l’agglomération      reconnu de Manchester, arborera une
                                                   toulousaine, après celle de Blagnac. 1 200      fresque intérieure réalisée par un artiste

S
     i les fermetures se succèdent au              m2 et quatre étages de magasin, situés à        local. L’ensemble des collections sera pro-
     centre commercial de l’Hippodrome,            deux pas du Capitole, dans la rue du            posé à la vente. Notamment les lignes
     les nouvelles enseignes se multiplient        Poids-de-l’Huile. L’entreprise annonce,         Vegan et Originals. Rendez-vous le 8 mars
dans le coeur de la Ville rose. Une abon-          dans un communiqué, « un petit-déjeuner,        2019 pour l’ouverture officielle.
dance qui tend à éloigner les consomma-            des animations japonaises et encore d’autres
teurs des pôles commerciaux. À la Cépière,         cadeaux » pour son ouverture officielle.                                           Sandra FAVIER

                                                                                                           Trajectoires - Février 2019              - 11
n Toulouse

Gilets jaunes :
la détresse
des commerçants
COMMERCE. Après trois mois de mobilisation des gilets jaunes, les commerçants
toulousains sont exaspérés par la situation et accusent une baisse de leur chiffre d’affaires
de 20 à 70 %. Une situation qui ne peut plus durer.

O
«            n en a marre ! » C’est le cri de colère
             de Sabine, vendeuse du magasin
             Blanc de Falaise, boutique de
             puériculture à Saint-Georges.
Depuis le début des manifestations, cette
commerçante dénonce l’ambiance qui pèse
sur le centre-ville tous les samedis où les
casseurs se mêlent aux manifestants. « Les
clients ne viennent plus, ils ont peur. Ils ne
veulent pas prendre de risque avec leurs
enfants. » Une baisse de fréquentation pour

                                                                                                                                                                  © Sarah Coulet
Sabine et ses collègues qui déplorent une
perte de chiffre d’affaires de 20 %.
Le magasin Blanc de Falaise n’est pas le seul
dans ce cas. Dans le centre-ville, le quartier
                                                         Les commerçants toulousains demandent de l’aide à la Chambre de commerce de Toulouse.
des Carmes est également touché : « J’ai perdu
entre 15 et 40 % de mon chiffre d’affaires », se         où il y a eu le plus de casse. À la limite, la         réductions XXL en cette fin de période de
désole Elena, propriétaire de la droguerie               manifestation, cela ne dérange pas. Le pro-            soldes. Un moyen de tourner la page.
Mar ty Roubichou. Comme plusieurs                        blème c’est la casse. »                                Nombreux sont les commerçants résignés et
commerçants de la rue des Changes, elle n’a                                                                     démobilisés face à cette situation : « On veut
pas pu honorer certaines de ses commandes                Des aides de la mairie et                              juste travailler dans les meilleures conditions
et a dû revoir à la baisse sa masse salariale : « Nous   de la Chambre de commerce                              et obtenir des aides », conclut Hervé.
travaillons avec 85 % de fournisseurs français et        Pour venir en aide aux commerçants, la mairie          Des aides financières compliquées à apporter,
ce mouvement paralyse tout un pan de                     a mis en place un grand plan d’aide, incluant la       comme l’explique Jean-Jacques Bolzan : « Nous
l’économie française. »                                  gratuité des transports pour permettre aux             pouvons proposer des exonérations des droits
Malgré ces complications, les commerçants                Toulousains de venir faire leurs achats en             de place ou des droits de terrasse, mais cela ne
se refusent à tout amalgame : « Nous faisons             décembre dernier. « C’est bien, mais ce n’est          concerne que quelques commerces. L’idée est
la part des choses entre les manifestants et les         pas assez », déplore Hervé, en charge d’une            aussi de les aider à organiser des braderies, des
casseurs qui ne revendiquent rien », explique            boutique de prêt-à-porter féminin.                     étalages, des évènements qui serviraient à
Régis, gérant d’un magasin de luxe, rue                  Pour alerter l’opinion publique et notamment           l’ensemble des commerces. » Elena, de la
Alsace-Lorraine. Il a vu la vitrine de son               la préfecture, la Chambre des commerçants              droguerie Marty Roubichou ne se fait pas
enseigne détruite. « Un groupe de jeunes s’est           toulousains a lancé une action coup de poing.          d’illusion : « Les aides n’interviendront pas avant
agglutiné autour du magasin et en deux coups             Sur les devantures, on peut apercevoir des             le mois de juillet-août et plusieurs commerçants
de masse a brisé la vitrine. Nous sommes                 banderoles « Commerces à vendre ». « Près              et artisans vont fermer avant. » En effet,
montés à l’étage avec les clients mais nous              d’un commerce sur deux est dans une situation          90 dossiers ont été déposés à la Chambre de
avons eu très peur », ajoute Sophie, vendeuse            critique et nous souhaitons des aides de la part       commerce et d’industrie.
présente lors de l’incident.                             des collectivités et de la Chambre de                  Des dossiers de redressement fiscal pour des
Cette casse, c’est aussi ce que regrette                 commerce », commente Jean-Marc Martinez,               commerçants qui n’espèrent qu’une chose : la
Jean-Jacques Bolzan, adjoint au maire de                 président de la Chambre des commerçants.               fin du mouvement et le retour des clients.
Toulouse en charge du commerce : « L’impact              Affichées dès le mois de janvier, ces banderoles
est très important. Toulouse est l’une des villes        se raréfient aujourd’hui, laissant place aux                                    Timothé ROUVIÈRE

12 - Trajectoires - Février 2019
Toulouse n

Bouche B :
une enseigne fast-good
DÉCOUVERTE. Magret, foie gras ou reblochon, la nouvelle enseigne de restauration
Bouche B propose une dizaine de burgers faits maison à base de produits locaux,
dans le quartier des Carmes.

                                                      banquier il y a encore quelques années. C’est         Samaran. « Nous avons un choix très large avec
                                                      une vocation, bien éloignée de son ancienne           onze burgers différents, dont un végétarien. »
                                                      vie. En 2013, il lance son premier food truck.        Le Bouche automne, composé d’une généreuse
                                                      « C’était il y a cinq ans. J’étais le premier à       tranche de bœuf, d’un morceau de poitrine
                                                      Toulouse et le succès a été rapide », se souvient-    fumée et d’oignons confits sauce aux
                                                      il. Fort de sa réussite, Geoffroy Moulas a alors      champignons est celui qui se vend le mieux.
                                                      décidé de troquer son camion, devenu trop             « Il est vraiment très savoureux » commente
                                                      étroit, pour un véritable restaurant. « Les clients   Mathieu, un ancien client du food truck déjà
                                                      que nous avons pu fidéliser pendant ces cinq          revenu goûter aux spécialités de l’enseigne. «
À l’heure du déjeuner, les cuisiniers s’activent. ©
Sarah Coulet
                                                      dernières années sont restés. On est complets         Même à 13 € le burger, on n’est vraiment pas
                                                      tous les jours et on tourne à plein régime depuis     déçus parce qu’on sait que la qualité et la

I
  l est 11 h 20 et derrière le comptoir du            une semaine. »                                        quantité sont là », explique Mathieu.
  restaurant Bouche B, la tension se fait                                                                   À 13 h, c’est le pic d’affluence. De table en table,
  sentir. Il faut encore couper les oignons,          Des produits locaux                                   les arrivées et les départs s’enchaînent. « C’est
  faire bouillir les rondelles de courgettes,         À l’intérieur du restaurant, les briques se           comme ça tous les jours jusqu’à 14 h, puis cela
surveiller la cuisson des steaks hachés et            mêlent à l’acier et au bois du comptoir à             se calme un peu jusqu’à 19 h. Mais on ne va pas
dresser les dernières tables. Ouvert depuis le        manger, qui rappelle l’esprit food truck. La          s’en plaindre », sourit Geoffroy Moulas. Il faut
30 janvier dernier, Bouche B connaît un               force de Bouche B tient en la qualité de ses          dire que la jeune équipe a encore du pain sur
engouement certain. Geoffroy Moulas, le               aliments 100 % Sud-Ouest. Le pain est livré           la planche car Bouche B propose ses burgers
gérant, jongle entre les fourneaux et la              par la boulangerie Cyprien, la viande vient du        jusqu’à 23 h tous les jours de la semaine.
supervision des préparatifs. À 32 ans, ce             boucher Marty du quartier des Carmes de
Toulousain à la carrure de rugbyman, était            même que le foie gras acheté à la Maison                                       Claire ECKERSLEY

Aéroport : quelle suite ?
ÉCONOMIE. L’actionnaire                               décision intervient après quatre ans de re-           1,1 milliard d’euros (contre 795,5 millions
principal de l’aéroport                               lations tumultueuses entre les actionaires            en 2015). Des résultats probants qui
                                                      privés et publics, et notamment l’État, qui           devraient pencher en faveur du groupe
Toulouse-Blagnac, le groupe                           détient 10,1 % du capital.                            chinois. Il espère tirer 500 millions
chinois Casil, compte se                              En novembre 2018, la Cour des comptes                 d’euros de la vente.
désengager à la surprise                              avait émis un avis négatif sur l’acquéreur.           Malgré le prix, les candidats à la
                                                      En cause : le manque d’expérience en                  reprise se pressent. Parmi la dizaine de
générale. Les candidats                               matière de gestion aéroportuaire, le                  prétendants, quatre Français dont Vinci,
à la reprise sont attendus                            manque de transparence financière                     Eiffage ou encore Edeis, en charge de
en février.                                           et ses liens avec la puissance publique               l’aéroport Toulouse-Francazal. Les groupes
                                                      chinoise.                                             étrangers comme Ardian et l’Australien
Après avoir acquis en avril 2015 49,9 %               Entre 2015 et 2019, l’aéroport, qui                   Macquarie ont aussi leur chance dans ce
des parts de l’aéroport Toulouse-Blagnac,             envisage d’atteindre les 10 millions                  dossier. Le processus de vente ne devrait pas
pour la somme de 308 millions d’euros,                de passagers en 2019, a connu une                     intervenir avant l’été 2019.
le groupe Casil Europe a annoncé le 3 fé-             augmentation de son chiffre d’affaires de
vrier la mise en vente de ses parts. Cette            40 %. Il est par ailleurs valorisé à près de                                   Timothé ROUVIÈRE

                                                                                                                      Trajectoires - Février 2019 -         13
n Toulouse

Vers un monde
sans cancer ?
SANTÉ. Jean-Emmanuel Sarry est chercheur au Centre de recherches en cancérologie de
Toulouse (Oncopole). À l’occasion de la journée mondiale contre le cancer, lundi dernier, le
docteur revient sur les découvertes de son équipe en matière de traitement des leucémies
aiguës myéloïdes.

Vous travaillez sur les cas de rechute                de la leucémie. Mais cette affirmation a été        à une carrière dans une grande université
dans les leucémies aiguës myéloïdes                   rejetée par nos travaux. En travaillant sur des     américaine. J’ai décidé de tout quitter pour
(LAM). Quel est l’objectif de vos                     souris, nous avons montré que les cellules          rejoindre le centre de recherches de
recherches ?                                          souches leucémiques sont bien détruites par         Toulouse en 2010.
La pathologie sur laquelle je travaille est à         la chimiothérapie. Nous nous sommes éga-            La ville possède l’un des rares pôles français
ce jour incurable. Il s’agit du cancer du sang        lement aperçus qu’un autre type de cellules         à être aussi performant en hématologie, qui
et de la moëlle le plus répandu, à l’origine          leucémiques résistait aux traitements et était      est ma spécialité, et se hisse à un très bon
de 3 500 nouveaux cas chaque année en                 à l’origine des rechutes. Pour empêcher cette       n i ve a u i nt e r n at i o n a l e n re c h e rc h e
France.                                               récidive, nous avons identifié une molécule         fo n d a m e nt a l e . J ’a i é g a l e m e nt re ç u
Sans traitement, cette leucémie est                   que nous testons actuellement sur des sou-          d’importants financements de la région
mortelle. Grâce à la chimiothérapie, 80 %             ris et qui se révèle être extrêmement efficace.     Occitanie et de la fondation Toulouse Cancer
des patients survivent, mais dans deux cas                                                                Santé pour poursuivre mes recherches.
sur trois, ils rechutent quelques mois après          Quand démarreront les essais cliniques              Ce soutien m’a permis de construire une
la guérison. Seuls 30 % des patients survivent        à Toulouse ?                                        équipe, puis de nous installer. Aujourd’hui,
dans les cinq ans suivant la reformation              Nos patients toulousains devraient bénéficier       nous avons fait des découvertes qui ont été
des cellules cancéreuses. Mon équipe de               des essais cliniques à partir de 2020.              publiées dans de prestigieuses revues inter-
18 chercheurs toulousains étudie donc les             En associant la molécule découverte à la            nationales et nous avons même déposé des
rechutes afin de comprendre les causes                chimiothérapie, le taux de survie des patients      brevets.
de la résistance de cette leucémie aux                pourrait passer de 30 % à 60 %. Si nous arri-
médicaments. L’objectif étant de développer           vons ensuite à développer une autre molécule                                         Justine CLAUX
de nouveaux traitements pour éradiquer la             n’ayant plus besoin d’être associée à la
maladie et empêcher les rechutes.                     chimiothérapie, ce qui réduirait la toxicité
                                                      pour le patient, nous pourrions atteindre les
Après huit années de recherches,                      90 % de survie à cinq ans. À terme, l’idée est
qu’avez-vous découvert ?                              que ces leucémies deviennent curables.
Ce que nous avons découvert en étudiant les
rechutes est révolutionnaire ! Pendant une            Vous avez quitté les États-Unis pour
trentaine d’années, les scientifiques tenaient        Toulouse. Qu’est-ce qui vous a séduit
les cellules souches cancéreuses pour respon-         dans la Ville rose ?
sables des récidives. Ils les pensaient résistantes   À l’époque, je pilotais un projet de recherche
à la chimiothérapie et donc à l’origine du retour     sur les LAM à Philadelphie et je me destinais

   Les cancers en Occitanie
   Depuis 2004, le cancer est la première cause de mortalité prématurée sur le territoire
   français.
   En 2017, 400 000 nouveaux cas de cancers ont été diagnostiqués et 150 000 décès
   liés aux cancers ont été rapportés.
   La région Occitanie (5,8 millions d’habitants) enregistre 33 487 nouveaux cas dia-
   gnostiqués de cancer chaque année et 14 165 décès.
   Une situation régionale relativement favorable par rapport au reste de la France.
   En cause : un diagnostic plus précoce et une prise en charge plus efficace.
   Sources : bilan 2017 de l’Institut national du cancer (INCa), Cartographie des cancers en France par
   Santé publique France (janvier 2019).
                                                                                                                                    © Jean-Emmanuel SARRY

14 - Trajectoires - Février 2019
Toulouse n

Loi sur la
                                                                                                                          EN BREF
                                                                                                                         Toulouse en rouge
                                                                                                                         (et jaune)

prostitution :                                                                                                           Mardi dernier, des milliers
                                                                                                                         de manifestants ont
                                                                                                                         investi les rues au nom

pas d’abrogation
                                                                                                                         de la « convergence
                                                                                                                         des luttes ». À Toulouse,
                                                                                                                         ils étaient entre 8 500
                                                                                                                         et 12 000 à avoir
                                                                                                                         répondu à l’appel de
                                                                                                                         la CGT, associée pour
JUSTICE. Le Conseil constitutionnel a tranché : vendredi 1er février,                                                    la première fois aux
                                                                                                                         gilets jaunes. Retraités,
la loi de 2016 pénalisant les clients de prostitution est jugée conforme                                                 lycéens, fonctionnaires et
à la loi fondamentale.                                                                                                   salariés ont défilé entre
                                                                                                                         Saint-Cyprien et la place
                                                                                                                         Arnaud-Bernard.
                                                                     naissance de la prostitution avaient déposé
                                                                     une question prioritaire de constitutionnali-
                                                                                                                         Des plantes vertes
                                                                     té. Celles-ci exigeaient l’abrogation de la loi
                                                                                                                         high-tech contre
                                                                     de 2016 pénalisant financièrement les clients
                                                                                                                         la chaleur
                                                                     de prostitution.
                                                                     Cette mesure controversée était jugée               La start-up Urban
                                                                     dangereuse pour les femmes et portait               Canopee a annoncé la
                                                                     atteinte à la « liberté d’entreprendre » et à la    première expérimentation
                                                                     « liberté sexuelle » selon ses détracteurs.         française de ses
                                                                                                                         canopées végétales.
                                                                     Une reconnaissance                                  Dès avril 2019,
                                                                     symbolique                                          de grandes structures
                                                                      « En rejetant les arguments de ces associa-        composites viendront
                                                                      tions, le Conseil constitutionnel a reconnu        habiller la place Jean-
                                                                      que la prostitution est une violence et non un     Diebold, à Saint-Cyprien.
                                                                      métier, explique Marylise. La décision du          L’évapotranspiration des
                                                                      conseil est une reconnaissance symbolique,         plantes et leur ombre sur
                                                                      qui va permettre à la société d’aller de l’avant   100 m2 permettront
                                                                      pour l’égalité entre les femmes et les             de lutter contre les fortes
                                                                      hommes. »                                          chaleurs à Toulouse.
                                                                      Zita Tugaye, une des plus anciennes béné-

D
           ans la petite salle de l’Amicale du
                                                      Les bénévoles
                                                                      voles de l’Amicale a suivi de près le débat
                                                                                                                         « Dessine-moi
                                                            fêtent la
           Nid, l’heure est à la fête. Sur la table,     décison du   face aux juges : « Très franchement, je ne
                                                                                                                         Toulouse » fait
           les piles de formulaires et les dos-
                                                             Conseil
                                                                      pensais pas qu’on aurait une chance de gagner
                                                                                                                         polémique
                                                     constitutionnel.
           siers de suivi des personnes issues              © Claire  cette bataille. La partie adverse avait 12 avo-
                                                       ECKERSLEY                                                         Depuis 2018, « Dessine-
du milieu de la prostitution ont été remplacés                        cats contre cinq pour nous et puis ce n’était
                                                                                                                         moi Toulouse » porte des
par un apéritif copieux. Marylise, une mili-                          pas n’importe quelles associations, il y avait
                                                                                                                         projets urbains innovants.
tante de l’association, est chargée de débou-                         Médecin du monde et le Planning familial.          À Compans, cinq
cher le champagne.                                                                     Ce n’était pas joué d’avance. »   candidatures ont émergé
Ce soir-là, comme tous les             « La prostitution est une                       Pour les militantes, il s’agit    pour transformer le
premiers mardis du mois, les                                                           plus d’un sentiment de sou-       site du Palais des Sports,
bénévoles de l’Amicale du              violence et non un métier » lagement que d’une véritable                          dont celle de Toulouse
Nid, antenne régionale de                                                              victoire. La lutte continue.      Business School (TBS).
l’association.                                                        Avec le suivi de plus de 70 femmes, l’équipe       L’association Compans-
Le Mouvement du Nid - qui défend l’abolition                          de bénévoles est constamment sous tension.         Arcabbe dénonce un
de la prostitution - se réunissent pour faire le                      Et les vraies victoires sont souvent fragiles.     « projet invasif », servant
point sur l’avancée des dossiers.                                     Sur 70 prostituées suivies par l’association,      uniquement les intérêts
Plus nombreuses qu’à l’ordinaire cette fois,                          seules cinq ont définitivement cessé de            de l’école. Les autres
les bénévoles fêtent la décision du Conseil                           vendre leurs services.                             candidats se sont retirés
constitutionnel. En effet, le 12 novembre 2018,                                                                          devant un « concours
plusieurs associations militant pour la recon-                                                 Claire ECKERSLEY          joué d’avance ».

                                                                                                                  Trajectoires - Février 2019 -   15
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