Des hauts et débats CONSULTATION CITOYENNE - Le magazine de l'EJT É - Ecole de Journalisme de Toulouse
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ÉDITION DE FÉVRIER 2019 Le Lemagazine magazine de del'EJT l'EJT CONSULTATION CITOYENNE Des hauts et débats
Le Grand débat : dernière vitrine du gouvernement ? 15 janvier, 15 mars, les dates du Grand débat national sont fixées. La transition écologique, la fis- calité et les dépenses publiques, la démocratie et la citoyenneté, l’organi- sation de l’État et des services publics. Ce sont les quatre thèmes retenus par le gou- vernement. Deux mois de consultation citoyenne : l’inédit suffit-il à réjouir des citoyens lassés ? Lassés de voir que l’ancien monde n’a qu’illusoirement été mis à la retraite. Lassés que la définition même de la démocratie soit galvaudée. Lassés que le président de la République concentre autant de pou- voir en son titre. Sacré De Gaulle. En somme, l’idée est séduisante. Le peuple l’exige, le peuple l’obtient. Quid d’un tel effort de l’exécutif sans le mouvement des gilets jaunes ? Tendre la main est honorable, à condition qu’elle ne soit pas glissante. Une consultation quitte ou double, à moins que la transparence ne fasse place à l’opacité Édito politique. Bien que le Grand débat ne fasse pas l’unanimité chez les révoltés jaune fluo, il apparaît comme la bouée de sauvetage d’un président à deux doigts de se noyer avant les européennes de mai 2019. Pour autant, il ne faudra pas décevoir. Pour espérer regagner la confiance des français, il ne faudra pas s’en servir comme d’une simple vitrine. Au risque qu’elle soit brisée comme il en est coutume par les temps qui courent. Les maîtres mots : mettre en oeuvre. La France n’a pas oublié le dernier référendum sur le traité européen de 2005 rédigé à partir de la Constitution européenne de Valéry Giscard d’Estaing. Avant le vote, l’ancien président déclarait : « C’est une bonne idée d’avoir choisi le référendum, à condi- tion que la réponse soit oui. » Le grand débat aussi est une bonne idée. À condition que la réponse soit celle d’un chef de l’Etat enfin à l’écoute. Capucine ROUAULT et Clément TERAHA Directeur de publication Pierre GINABAT Directrice de rédaction Virginie PEYTAVI Rédactrice en chef Capucine ROUAULT Rédacteur en chef adjoint Clément TERAHA Secrétaires de rédaction Aurore BRIFFOD, Maud CAZABET, Marine CLETTE, Guilhem DORANDEU, Alia DOUKALI, Margarita GOVORINE, Rébecca-Alexie LANGARD Chefs de rubrique Marine DAYSSIOLS, Corentin DEBUIRE, Arnaud DÉCHELOTTE, Camille DUCROCQ, Sandra FAVIER, Axel GAMBARACCI Chef de la photographie Sarah COULET Illustrations Mandi HESHMATI Numéro ISSN 1958-850X 2 - Trajectoires - Février 2019
4-9 Occitanie DOSSIER : les disparités locales du Grand débat 10 - 15 Toulouse COMMERCE : Baisse du rideau pour l’Hippodrome Sommaire 16 - 19 France POLITIQUE : La laïcité de 1905 en débat 20 - 23 Monde AFRIQUE : Passage aux urnes et partis islamistes 24 - 27 Sport CRUNCH : les XV de la Rose reçoivent les Bleus 28 - 31 Culture MUSIQUE : « La night» de Quentin Paronneau 32 BDébat Trajectoires - Février 2019 - 3
GRAND débat écart Deux mois pour « transformer les colères en solutions ». Le 13 janvier, le président a annoncé la tenue d’un Grand débat national. Depuis le 15 janvier, et jusqu’au 15 mars, les citoyens sont invités à exprimer leurs propositions et idées sur le site internet granddebat.fr et lors de débats locaux. Cette consultation inédite s’articule autour de quatre grands thèmes : la fiscalité et les dépenses publiques, l’organisation de l’État et des services publics, la transition écologique et enfin la démocratie et la citoyenneté. Les contributions doivent déboucher sur des réalisations concrètes d’ici le mois d’avril selon le gouvernement. En Occitanie, voici comment s’organise le débat… 4 - Trajectoires - Février 2019
Dossier n « Crever des abcès » à Argelès-sur-Mer EXPRESSION. La commune de 10 000 habitants, non loin de Perpignan, organisait sa toute première réunion publique ce lundi 4 février, dans le cadre du Grand débat national. Une initiative appréciée des participants mais boudée par la jeunesse. D es chaises disposées en arc de Michalak-Guimber, très active tout au n’y avait pas d’effet ping-pong entre les cercle et des micros, nul doute long de la réunion. Elle regrette que cet idées. Nous étions tous en cercle, chacun qu’Argelès-sur-Mer se prépare à échange se fasse dans la crise, parce qu’il disait ce qu’il avait à dire, sans être raillé débattre. La commune organise y a des problèmes. Cécile Canguilhem, par le public. » Ce soir, la majorité de son tout premier débat, en lien avec la l’une des plus jeunes de l’assemblée, l’assemblée avait les tempes grisonnantes. grande concertation nationale, lancée le composée de 120 citoyens, s’est contentée Un citoyen l’a d’ailleurs fait remarquer 13 janvier par Emmanuel d’écouter. « Je ne suis pas pendant le débat : « Ne faudrait-il pas faire Macron. « On nous a donné en colère, je suis inquiète une réunion spéciale jeunes ? Je m’étonne Au menu de ce soir, deux pour notre avenir, nos qu’il n’y en n’ait pas ce soir. Comment les thèmes, sur les quatre la possibilité de nous conditions de vie, notre intéresser ? » Sans avoir la réponse, du retenus par le gouverne- exprimer, nous avons planète, confie-t-elle. Je moins pour l’instant, l’Élysée a pris la ment : « fiscalité et suis venue par curiosité mesure du problème. Le président de la dépenses publiques » et repris la parole » et je suis surprise de la République s’est rendu à Étang-sur-Arroux « organisation de l’État et pertinence des (Saône-et-Loire) jeudi 7 février, pour des services publics ». interventions. » Une idée partagée par le associer la jeunesse au Grand débat. Il a Le maire, Antoine Parra, est le premier à professeur de droit, qui avoue : « J’ai échangé avec 1 000 jeunes du Morvan. prendre la parole. « Rien ne nous est accepté d’animer ce débat pour me faire À Argelès, tout le monde loue ce nouvel imposé mais proposé. Je n’ai qu’un rôle de ma propre opinion. Et au final, le discours e s p a c e d ’ex p re s s i o n , l e s h a b i t a nt s fa c i l i t at e u r, a l o r s j e va i s m’é c a r t e r, n’est pas différent de ce que j’entends. Il y apprécient cette démocratie participative. souligne-t-il. Je suis là pour créer un lieu a de grandes similitudes entre les revendi- Mais ce qu’ils espèrent avant tout, c’est où vous puissiez débattre, échanger. » cations sur les ronds-points et celles d’être entendus. Un citoyen s’est porté L’édile restera tout au long du débat, sans exprimées ce soir. » volontaire pour prendre en note la séance. p a r t i c i p e r. D e u x p e r s o n n e s p o u r Les notes seront regroupées avec les animer : Gérard Broc, conciliateur de Une jeunesse absente propositions de la prochaine réunion, puis justice, et Didier Baisset, professeur de du débat synthétisées par les deux conciliateurs. droit. Ils sont là pour distribuer la parole Catherine Vinas, probablement la plus Elles seront ensuite affichées en mairie. et superviser la réunion. Chaque citoyen timide de la soirée, a osé se lever pour Les doléances doivent aussi être envoyées se lève et avance ses propositions, le parler au micro d’un sujet qui lui tient à à la sous-préfecture de Céret, pour, ensuite, micro circule de main en main. Bernadette cœur, les personnes en grande précarité. en théorie, remonter plus haut. Michalak-Guimber tonne : « Je me lève « J’ai aimé la forme, c’est-à-dire que ce comme une femme en colère. » L’ancienne n’était pas un débat. Chacun s’écoutait, il Lise DUSSAUT fonctionnaire lit presque sa « liste à la Prévert », préalablement écrite sur une feuille. Suppression du Sénat, allocations familiales dès le premier enfant, retour de l’ISF (impôt de solidarité sur la fortune), plafonnement du prix des maisons de retraite, renationalisation des autoroutes… Pendant deux heures, les participants égrènent leurs doléances. Des interventions très « pertinentes » À la fin du débat, les avis sont globalement positifs. « Cette initiative a permis de crever des abcès. On nous a donné la possibilité de nous exprimer, nous avons repris la parole », ressent Bernadette Réunion publique dans le cadre du Grand débat à Argelès-sur-Mer. © Lise DUSSAUT Trajectoires - Février 2019 - 5
n Dossier RÉACTIONS Le Grand débat Banlieue : en périphérie vu par les maires Jean-Paul Fournier, maire Les Républicains du débat de Nîmes (Gard, 151 000 habitants) : « Nous n’organisons pas le Grand SOCIÉTÉ. Le Grand débat national souffre d’un manque de débat. Nous laissons des salles participation dans les banlieues. Dans les quartiers de la à disposition des Nîmois. Depuis Reynerie et du Mirail, le dispositif de la consultation peine à décembre, j’ai beaucoup échangé avec les gilets jaunes et mis en répondre aux attentes des habitants. place un cahier de doléances numérique car la demande était trop importante. » René Révol, maire La France insoumise de Grabels (Hérault, 8 200 habitants) : « Les Grabélois ont deux attitudes face au Grand débat : y participer sur la plateforme sans être d’accord avec Marché dans le quartier de la Reynerie. © Sarah COULET le cadre ou le rejeter totalement. A Nous organisons une assemblée ussi inattendu qu’insaisissable, beurre. » Celle qui a vu se succéder quatre citoyenne le 13 février, en marge de le mouvement des gilets jaunes présidents à la tête du pays, n’a plus rien à la consultation nationale. Le cahier cristallise la colère d’une France attendre de la politique de la ville : « Je n’ai de doléances est rempli : le pouvoir qui se sent déconsidérée voire plus envie de voter, les réformes de Macron d’achat sur différentes formes, la méprisée par le pouvoir politique. Proches m’ont déçue. » Même constat pour Hugo en perte de proximité des services de ces revendications mais pourtant à recherche d’emploi : « Le Grand débat est publics et le référendum d’initiative l’écart des ronds-points, les banlieues une perte de temps, c’est seulement pour citoyenne (RIC) couvrent la majeure restent silencieuses. À Toulouse, sur nous endormir. » partie des propositions. » l’immense place de la Reynerie circulent sans se croiser les jeunes et les personnes Un dispositif mal adapté Eric Ménassi, âgées. Boucherie, boulangerie, épicerie aux banlieues maire Parti générale se succèdent ainsi que la mairie Cramponnés à un scooter, deux jeunes socialiste du quartier. Dans le cadre du Grand débat hommes zigzaguent entre le square et les de Trèbes (Aude, national, l’espace municipal occupe une tours de béton. Aux abords du marché, 5 600 habitants) : place centrale dans la participation des « Depuis un mois, citoyens. Sans surprise pour les résidents, nous avons mis l’engouement démocratique tant attendu en place un cahier par le gouvernement est en berne dans de doléances. leur banlieue où s’expriment surtout Il est très peu utilisé, nous n’avons déception et résignation. Latifa s’agite, qu’une dizaine de contributions. pochette en main remplie d’une myriade La fiscalité, le pouvoir d’achat et de papiers administratifs. « Dans les l’équité sociale sont les principaux quartiers on a une parole silencieuse » thèmes qui ressortent. Avec fulmine-t-elle. Il y a trois ans Latifa était l’attentat de mars 2018, la démarche au chômage : « J’ai écrit une lettre à la du Grand débat est passée au mairie de Toulouse et au président Macron deuxième plan. » pour leur évoquer ma situation et je n’ai eu aucune réponse ! Je compte pour du Hafida, habitante de la Reynerie. © Sarah COULET 6 - Trajectoires - Février 2019
Dossier n Centre social de la Reynerie. © Sarah COULET Nasser n’habite plus le quartier depuis de la politique traduit un malaise profond y a encore des citoyens, des associations quarante ans mais continue d’y faire ses dans ces zones où les problèmes qui, avec leur bonne volonté, tentent courses. « Le Grand débat c’est du vent, ici d’insécurité, de chômage, de logement ou d’améliorer le quotidien de ces oubliés et de les habitants ont peur de prendre la parole, d’insertion sociale sont plus préoccupants contrer l’exclusion à travers des initiatives ils craignent de ne pas savoir s’exprimer » qu’ailleurs. « Le Grand débat ? J’en ai citoyennes. Malika Baadoud, directrice de précise le retraité. Dans le quartier, les vaguement entendu parler à la télé mais je l’association L’école et Nous dans le quartier résidents ignorent l’existence du dispositif ne peux pas vous en dire plus… » Hafida, du Mirail fait partie de ces personnes qui des cahiers de doléances. « On ne va pas se habitante de la Reynerie n’y a encore pas n’ont pas baissé les bras. « Dans notre zone, le cacher, ici il n’y a pas beaucoup de participé. Pourtant, cette mère de famille en rien n’avait été mis en place » déplore-t-elle. participation » confie un agent de la a gros sur le cœur. « Je vais bientôt partir Suite à la demande de plusieurs citoyens, m u n i c i p a l i t é . D a n s l e c a d re d e l a d’ici. Je paye trop de taxes pour mon elle a décidé d’organiser, conjointement consultation nationale, les mairies se logement et je ne me sens plus en sécurité le avec le maire du quartier, une réunion dans limitent à un rôle de « facilitateur » par la soir. Je vais me rapprocher de mon travail. » le cadre du Grand débat. « Nous avions déjà mise à disposition des locaux. Elles ne un cahier de doléances, mais ce n’était peuvent pas initier les débats. Même Les associations en dernier certainement pas suffisant pour répondre constat auprès des centres sociaux du recours aux problématiques des habitants. » Pour quartier qui assurent avant tout une Beaucoup n’ont pas la chance d’avoir un Malika, les moyens mis en place pour mission de « veille sociale ». Les emploi comme Hafida. « Ceux qui ne favoriser la consultation nationale ne sont professionnels du centre social de la travaillent pas sont encore moins intéressés pas suffisants dans les banlieues : « Ce n’est Reynerie constatent que « les habitants sont par ce débat » explique-t- pas adapté aux quartiers confrontés à des problèmes d’alimentation elle. Près d’une épicerie de « Dans notre populaires. Ce n’est clairement et d’apprentissage de la langue française ». rue, Latifa, parle avec des pas dans l’habitude des Ces problématiques sont loin des thèmes grands gestes pour évacuer zone, rien n’avait riverains de faire ce type de suggérés dans le Grand débat. sa frustration : « Je me été mis en démarches. » Dans ces zones désintéresse de tout ça car périphériques, le Grand débat Des problématiques aujourd’hui il faut que je place » peine à mobiliser ceux qui éloignées du débat pense plus à moi… » Cette n’ont plus la force de se « Croyez-vous que les gens d’ici s’y intéressent résignation, on la retrouve partout, entre les battre, ceux qui ont perdu la volonté, vraiment ? » lance Malik, un riverain du t o u r s H L M , l e b i t u m e , l e s c e nt re s comme Hafida, Nasser, Latifa, Hugo ou quartier. Ici, l’abstention au premier tour commerciaux abandonnés, les marchés de Malik. des dernières élections présidentielles a rue et les logements sociaux qui façonnent dépassé les 40 %. Cette méfiance vis-à-vis le paysage des quartiers prioritaires. Mais il Mérième STITI et Nicolas LAPLUME Trajectoires - Février 2019 - 7
n Dossier « Les moyens n’ont pas été mis en œuvre » INTERVIEW. Directrice du think tank « Décider ensemble », Marion Roth pointe les faiblesses du Grand débat national, notamment l’oubli des quartiers populaires. Les moyens mis à disposition pour le Grand Dès lors, ces Français seront plus présents trop là-dessus, on en a oublié les banlieues. débat sont-ils suffisamment adaptés, dans le Grand débat. Il faut angler les Ce n’était pas forcément intentionnel. notamment dans le cadre des quartiers concertations pour avoir une populaires ? communication plus efficace. En Dans le compte-rendu des cahiers de Les moyens n’ont pas complètement été l’occurrence, l’État ne s’appuie pas assez sur doléances, la localisation et la situation mis en œuvre. Certains Français sont les relais idoines comme les centres sociaux sociale du citoyen ne seront pas indiquées. absents, ceux qui sont éloignés des services ou encore les associations. Cela pose-t-il problème ? publics, qui maîtrisent peu la langue… Pour Le principe du Grand débat, c’est d’arriver à eux, il faut mettre en place un certain type Pourquoi dans les dispositifs mis en place, produire des visions communes. de dispositif. Il doit être plus adapté pour ces problématiques là n’ont pas été prises La richesse de tout projet participatif les amener à participer. Là, ce n’est pas du en compte ? est d’effacer les individus dans l’intérêt du tout fait. Comment va-t-on les chercher ? Il existe des techniques pour mobiliser les collectif. Néanmoins, on devrait utiliser Comment s’assure-t-on que l’ensemble citoyens. Cependant, les chercheurs ne cette concertation nationale pour dégager s ’e x p r i m e ? D a n s c e d i s p o s i t i f d e trouvent pas de solution quant à la des statistiques, pour savoir quelle partie de consultation citoyenne, chacun a le pouvoir participation des quartiers populaires. Dans la France ou catégorie de la population a d ’ o r g a n i s e r u n e r é u n i o n . L’ É t a t le Grand débat, le gouvernement n’a même été oubliée. Il faut s’assurer que tous les n’accompagne pas suffisamment. C’est aux pas eu à l’esprit la question des banlieues. moyens ont été mis en œuvre, même si associations de trouver des locaux Il y a eu tout un emballement autour des le citoyen n’a pas envie de participer. disponibles. Les informations accessibles gilets jaunes. Ils sont cette France qui ne sur le site internet sont incomplètes. Les s’est jamais fait entendre, cette France N. LAPLUME, A. MARCHAND fiches thématiques et territoriales sont périphérique, périurbaine. En se focalisant et M. STITI assez lacunaires. Pourtant, ce sont ces renseignements qui vont permettre aux citoyens de participer. On a maximum quatre pages par thème pour cadrer le débat. Au vu de la largeur du débat, c’est assez superficiel. Que faut-il faire dans les banlieues pour favoriser le débat ? Faut-il passer par les centres sociaux ? Les occupants des banlieues sont sursollicités. En règle générale, ce sont des territoires où il y a beaucoup de choses qui se passent au niveau de la démocratie participative (conseil citoyen, conseil de quartiers…). Ces consultations ne sont pas toujours bien menées et ne se traduisent pas par des politiques publiques. Finalement, l’impact de la participation de cette partie de la population est assez faible. Si on veut mobiliser des publics absents, il faut passer par des structures qui leur sont proches, qui vont savoir comment leur parler, qui vont les connaître. Marion Roth directrice du think tank «Décider ensemble» © DR 8 - Trajectoires - Février 2019
Dossier n Midi-Pyrénées : la concurrence © Sarah COULET des plateformes NUMÉRIQUE. En lançant leur propre plateforme de débat, les gilets jaunes occitans pointent les limites du Grand débat national et remettent en cause son efficacité. P allier le manque de démocratie du autoroutes sont les propositions qui arrivent mis en ligne le 30 janvier sur le même Grand débat . Une coordination en tête. modèle que les sites régionaux, ainsi que sur régionale de gilets jaunes, à l’échelle de celui de la page officielle du Grand débat Midi-Pyrénées, a mis en ligne le Le « Vrai débat » national national. C’est la start-up française, 20 janvier sa propre plateforme participative. La plateforme est réservée aux sympathisants Cap Collectif, qui les a développés. Aucune « Le Grand débat ne répond pas à la demande qui résident en Midi-Pyrénées. La Réunion a date n’a été fixée pour la fin de collecte des citoyenne », déplorent les administrateurs. Il été la première à lancer cet outil participatif, contributions sur la plateforme de Midi- manque selon eux trois conditions suivie de Provence-Alpes-Côtes d’Azur, de la Pyrénées. Un dépouillement public et des essentielles à la tenue d’un vrai débat Bretagne, de l’Île-de-France et de la Nouvelle débats sur les sujets qui ont le plus national : un engagement politique sur la Aquitaine. Les administrateurs des six divisé sont d’ores et déjà prévus. prise en compte des propositions, une plateformes se sont associés pour lancer une indépendance du débat et l’intégration des plateforme nationale. Le « Vrai débat » a été Camille DUCROCQ citoyens comme acteurs de la prise de décision politique. Ils regrettent que le choix des questions posées soit définis à l’avance, Comment participer au Grand débat national ? ce qui vient « limiter le choix des sujets qui mériteraient pourtant à nos yeux d’être - En ligne : sur le site granddebat.fr, chaque citoyen peut partager ses débattus », estime l’un des organisateurs. Sur propositions et répondre à une dizaine de questions pour chaque thème. cette plateforme, chacun peut ainsi aborder la thématique qu’il souhaite. Les participants - Par voie postale : les contributions peuvent être envoyées à Grand Débat sont ensuite invités à voter et à donner leur National BP 70.164 - 75326 Paris CEDEX 07. avis pour chaque proposition. Il est également possible de proposer actions à mener et idées - En participant à une réunion d’initiative locale : la liste des débats organisés pour l’organisation du mouvement. Moins de dans chaque région est disponible sur le site internet du Grand débat. trois semaines après le lancement du site, près de 1 300 contributions ont été déposées par - En organisant une réunion d’initiative locale : citoyens, élus, institutions, orga- les quelque 500 participants. La lutte contre nisations à but lucratif ou non peuvent en faire la démarche. L’organisateur doit l’évasion fiscale, le rétablissement de l’impôt s’enregistrer sur granddebat.fr afin de déclarer la réunion, ou en téléphonant sur la fortune (ISF), le référendum d’initiative au 0 800 97 11 11 (Numéro Vert). citoyenne (RIC) et la nationalisation des Trajectoires - Février 2019 - 9
n Toulouse L’Hippodrome perd du galon Le supermarché Casino est fermé définitivement depuis le 3 février. © Gauthier DELOMEZ CENTRE COMMERCIAL. Le site de l’Hippodrome voit ses magasins fermer les uns après les autres. Prix inadaptés aux clients du quartier, insécurité constante et surfaces commerciales inadéquates sont autant de raisons de ces départs en chaîne. I ls ne seront restés que deux ans et demi. commercial pousse les propriétaires à mage car je ne me suis jamais sentie mena- Ce l u n d i 4 fé v r i e r, d a n s l a zo n e quitter les lieux rapidement. Le responsable cée. » Ce sont davantage les employés et les commerciale de l’Hippodrome, entre les de la boutique Zeeman, aux tarifs pourtant agents de sécurité qui sont ciblés. quartiers de la Cépière et Bagatelle, les bas, demandera probablement une Le 27 novembre dernier, le responsable du clients se font discrets. Casino, l’une des r e n é g o c i a t i o n d e s o n l o y e r e n Leader Price voisin se faisait poignarder à plus grandes enseignes du centre, avec avril : « Officiellement, quatre reprises au dos et Decathlon et Chaussea, arbore depuis le 3 nous ne quittons pas « Le souci est aussi à la jambe par des clients. février un panneau « Fermeture définitive » encore la zone, mais nous À cause d’une boîte de sur sa devanture. restons dans l’attente une question d’atti- chocolats. « Le souci est Entre un commerce de proximité trop cher d’une négociation du bail aussi une question d’atti- pour les riverains et trop éloigné des et de nouveaux venus tude et de respect.» tude et de respec t », habitants du centre, personne n’y trouvait pour faire vivre le site. » avance Audrey. De son son compte. Dans les allées presque vides côté, elle affirme avoir récemment vu une de Chaussea, Audrey, une employée, affirme Une sécurité inefficace personne voler « des articles à trois euros, le que son enseigne pourrait leur emboîter le Autre problèmatique pointée : le sentiment jour de la fermeture du Casino ». pas à la mi-mai. « Ce n’est pas étonnant, les d’insécurité qui règne sur le site. Et ce ne Les salariés sont contraints de surveiller leur prix ne sont pas adaptés. Casino en est un sont pas forcément les clients qui en clientèle et sont débordés, obligeant les très bon exemple », estime-t-elle. Devant ses pâtissent le plus. Jennifer, qui se rend sou- marques à recruter davantage, comme 4200 m2, Decathlon paraît aussi bien vide. vent dans le centre commercial, n’était pas chez Chaussea. Quant à la direction du L e m a n q u e d ’a f f l u e n c e a u c e n t r e au courant de ces fermetures : « C’est dom- centre commercial, elle a choisi d’appeler 10 - Trajectoires - Février 2019
Toulouse n des agents de sécurité en renfort. Depuis un peu moins de deux semaines, des Le e-commerce toujours en hausse maîtres-chiens surveillent les lieux avec La baisse d’attractivité des centres commerciaux peut également s’expliquer par deux bergers allemands, attachés et muselés. Yazid est en renfort depuis quatre l’augmentation continue du commerce en ligne. Cette semaine, la Fédération jours. Il est persuadé qu’un centre e-commerce et vente à distance (Fevad) a publié son bilan 2018. L’année dernière, commercial n’a pas sa place dans le quartier les Français ont dépensé plus de 90 milliards d’euros sur Internet. Le e-commerce de la Cépière : « Les policiers n’arrivent enregistre encore une nette progression : 13,4 % par rapport à l’année dernière. même pas à pénétrer dans le quartier. Mais contrairement aux premières idées reçues, les manifestations des gilets Comment voulez-vous qu’un agent fasse jaunes n’auront pas profité au commerce en ligne, qui a enregistré un « fléchis- mieux ? » Dans cette banlieue de Toulouse sement de la croissance » au mois de décembre. Toujours selon le rapport de la où la population est majoritairement issue de l’immigration, le lien social est, selon lui, Fevad, la valeur du panier moyen est en baisse. Aujourd’hui, le montant moyen des plus facile à tisser. transactions s’établit à 60 €. Une décroissance amorcée en 2012, qui traduit une Face aux multiples plaintes, la direction a évolution des comportements des acheteurs : ils achètent des produits du quoti- également changé la société de sécurité. dien, en moins grosse quantité et plus régulièrement (1,5 milliard de transactions Yassin, l’un des membres de cette nouvelle soit une hausse de 20,7 %). La Fevad prévoit que le commerce en ligne dépasse entreprise, estime que le mal est déjà fait. les 100 milliards d’euros de chiffre d’affaires d’ici la fin de l’année. Mais l’apport de renfort a permis de garan- tir une certaine stabilité : « Forcément, plus on est, mieux c’est. » conviendrait davantage à la clientèle. « Des démarches nécessaires pour garantir la La mairie à la manœuvre négociations sont en cours mais pour l’ins- pérennité du site de l’Hippodrome. Pour contre une fermeture totale tant, il n’y a rien de franchement concret », J e a n -J a c q u e s B o l z a n , c e s d é p a r t s Si Casino a déjà fermé, et que Decathlon, explique l’élu. Le site peine à trouver de s’expliquent aussi par des sur faces Chaussea ou encore Générale d’Optique nouvelles marques en raison du départ commerciales trop grandes, aux loyers trop menacent de lui emboîter le pas, la plupart précipité de ses plus grosses enseignes. élevés par rapport aux prix affichés en des repreneurs ne sont pas encore connus. Casino, par exemple, avait assuré six mois magasin. Sur ce point, la municipalité Jean-Jacques Bolzan, adjoint au maire de auparavant qu’il se maintiendrait dans le affirme avoir réglé le problème avec le Toulouse en charge du commerce, ne parle centre commercial. La direction a surpris gestionnaire foncier. pour l’instant que d’un seul potentiel can- en annonçant son départ en janvier, didat dans l’alimentaire. Plusieurs sources effectif dès le mois suivant. Devant le fait Sandra FAVIER s’accordent sur Lidl, plus discount, qui accompli, la mairie n’a pas pu faire les et Geoffroy JACQUESON L’attractivité renouvelée du centre-ville toulousain ÉCONOMIE. De nouvelles l’Hippodrome attire uniquement les habi- La campagne de recrutement à Toulouse tants du quartier, les autres préférant les est également lancée. Dr. Martens est la enseignes, comme Uniqlo rues pavées du centre. Après Primark et seconde enseigne réputée à ouvrir bientôt et Dr. Martens, ouvriront Søstrene Grene à l’automne dernier, Uniqlo une boutique à Toulouse, sa troisième au printemps prochain ou encore Dr. Martens ont annoncé leur ville d’implantation hors Paris. La marque ouverture prochaine. britannique installera son magasin de et viendront renforcer Uniqlo viendra donc compléter l’offre 46 m2 rue Saint-Rome, en plein cœur du l’attractivité du centre-ville urbaine dès le 21 mars 2019. L’enseigne centre-ville. japonaise inaugurera ici sa deuxième Le local, pensé par un studio d’architectes de Toulouse. boutique dans l’agglomération reconnu de Manchester, arborera une toulousaine, après celle de Blagnac. 1 200 fresque intérieure réalisée par un artiste S i les fermetures se succèdent au m2 et quatre étages de magasin, situés à local. L’ensemble des collections sera pro- centre commercial de l’Hippodrome, deux pas du Capitole, dans la rue du posé à la vente. Notamment les lignes les nouvelles enseignes se multiplient Poids-de-l’Huile. L’entreprise annonce, Vegan et Originals. Rendez-vous le 8 mars dans le coeur de la Ville rose. Une abon- dans un communiqué, « un petit-déjeuner, 2019 pour l’ouverture officielle. dance qui tend à éloigner les consomma- des animations japonaises et encore d’autres teurs des pôles commerciaux. À la Cépière, cadeaux » pour son ouverture officielle. Sandra FAVIER Trajectoires - Février 2019 - 11
n Toulouse Gilets jaunes : la détresse des commerçants COMMERCE. Après trois mois de mobilisation des gilets jaunes, les commerçants toulousains sont exaspérés par la situation et accusent une baisse de leur chiffre d’affaires de 20 à 70 %. Une situation qui ne peut plus durer. O « n en a marre ! » C’est le cri de colère de Sabine, vendeuse du magasin Blanc de Falaise, boutique de puériculture à Saint-Georges. Depuis le début des manifestations, cette commerçante dénonce l’ambiance qui pèse sur le centre-ville tous les samedis où les casseurs se mêlent aux manifestants. « Les clients ne viennent plus, ils ont peur. Ils ne veulent pas prendre de risque avec leurs enfants. » Une baisse de fréquentation pour © Sarah Coulet Sabine et ses collègues qui déplorent une perte de chiffre d’affaires de 20 %. Le magasin Blanc de Falaise n’est pas le seul dans ce cas. Dans le centre-ville, le quartier Les commerçants toulousains demandent de l’aide à la Chambre de commerce de Toulouse. des Carmes est également touché : « J’ai perdu entre 15 et 40 % de mon chiffre d’affaires », se où il y a eu le plus de casse. À la limite, la réductions XXL en cette fin de période de désole Elena, propriétaire de la droguerie manifestation, cela ne dérange pas. Le pro- soldes. Un moyen de tourner la page. Mar ty Roubichou. Comme plusieurs blème c’est la casse. » Nombreux sont les commerçants résignés et commerçants de la rue des Changes, elle n’a démobilisés face à cette situation : « On veut pas pu honorer certaines de ses commandes Des aides de la mairie et juste travailler dans les meilleures conditions et a dû revoir à la baisse sa masse salariale : « Nous de la Chambre de commerce et obtenir des aides », conclut Hervé. travaillons avec 85 % de fournisseurs français et Pour venir en aide aux commerçants, la mairie Des aides financières compliquées à apporter, ce mouvement paralyse tout un pan de a mis en place un grand plan d’aide, incluant la comme l’explique Jean-Jacques Bolzan : « Nous l’économie française. » gratuité des transports pour permettre aux pouvons proposer des exonérations des droits Malgré ces complications, les commerçants Toulousains de venir faire leurs achats en de place ou des droits de terrasse, mais cela ne se refusent à tout amalgame : « Nous faisons décembre dernier. « C’est bien, mais ce n’est concerne que quelques commerces. L’idée est la part des choses entre les manifestants et les pas assez », déplore Hervé, en charge d’une aussi de les aider à organiser des braderies, des casseurs qui ne revendiquent rien », explique boutique de prêt-à-porter féminin. étalages, des évènements qui serviraient à Régis, gérant d’un magasin de luxe, rue Pour alerter l’opinion publique et notamment l’ensemble des commerces. » Elena, de la Alsace-Lorraine. Il a vu la vitrine de son la préfecture, la Chambre des commerçants droguerie Marty Roubichou ne se fait pas enseigne détruite. « Un groupe de jeunes s’est toulousains a lancé une action coup de poing. d’illusion : « Les aides n’interviendront pas avant agglutiné autour du magasin et en deux coups Sur les devantures, on peut apercevoir des le mois de juillet-août et plusieurs commerçants de masse a brisé la vitrine. Nous sommes banderoles « Commerces à vendre ». « Près et artisans vont fermer avant. » En effet, montés à l’étage avec les clients mais nous d’un commerce sur deux est dans une situation 90 dossiers ont été déposés à la Chambre de avons eu très peur », ajoute Sophie, vendeuse critique et nous souhaitons des aides de la part commerce et d’industrie. présente lors de l’incident. des collectivités et de la Chambre de Des dossiers de redressement fiscal pour des Cette casse, c’est aussi ce que regrette commerce », commente Jean-Marc Martinez, commerçants qui n’espèrent qu’une chose : la Jean-Jacques Bolzan, adjoint au maire de président de la Chambre des commerçants. fin du mouvement et le retour des clients. Toulouse en charge du commerce : « L’impact Affichées dès le mois de janvier, ces banderoles est très important. Toulouse est l’une des villes se raréfient aujourd’hui, laissant place aux Timothé ROUVIÈRE 12 - Trajectoires - Février 2019
Toulouse n Bouche B : une enseigne fast-good DÉCOUVERTE. Magret, foie gras ou reblochon, la nouvelle enseigne de restauration Bouche B propose une dizaine de burgers faits maison à base de produits locaux, dans le quartier des Carmes. banquier il y a encore quelques années. C’est Samaran. « Nous avons un choix très large avec une vocation, bien éloignée de son ancienne onze burgers différents, dont un végétarien. » vie. En 2013, il lance son premier food truck. Le Bouche automne, composé d’une généreuse « C’était il y a cinq ans. J’étais le premier à tranche de bœuf, d’un morceau de poitrine Toulouse et le succès a été rapide », se souvient- fumée et d’oignons confits sauce aux il. Fort de sa réussite, Geoffroy Moulas a alors champignons est celui qui se vend le mieux. décidé de troquer son camion, devenu trop « Il est vraiment très savoureux » commente étroit, pour un véritable restaurant. « Les clients Mathieu, un ancien client du food truck déjà que nous avons pu fidéliser pendant ces cinq revenu goûter aux spécialités de l’enseigne. « À l’heure du déjeuner, les cuisiniers s’activent. © Sarah Coulet dernières années sont restés. On est complets Même à 13 € le burger, on n’est vraiment pas tous les jours et on tourne à plein régime depuis déçus parce qu’on sait que la qualité et la I l est 11 h 20 et derrière le comptoir du une semaine. » quantité sont là », explique Mathieu. restaurant Bouche B, la tension se fait À 13 h, c’est le pic d’affluence. De table en table, sentir. Il faut encore couper les oignons, Des produits locaux les arrivées et les départs s’enchaînent. « C’est faire bouillir les rondelles de courgettes, À l’intérieur du restaurant, les briques se comme ça tous les jours jusqu’à 14 h, puis cela surveiller la cuisson des steaks hachés et mêlent à l’acier et au bois du comptoir à se calme un peu jusqu’à 19 h. Mais on ne va pas dresser les dernières tables. Ouvert depuis le manger, qui rappelle l’esprit food truck. La s’en plaindre », sourit Geoffroy Moulas. Il faut 30 janvier dernier, Bouche B connaît un force de Bouche B tient en la qualité de ses dire que la jeune équipe a encore du pain sur engouement certain. Geoffroy Moulas, le aliments 100 % Sud-Ouest. Le pain est livré la planche car Bouche B propose ses burgers gérant, jongle entre les fourneaux et la par la boulangerie Cyprien, la viande vient du jusqu’à 23 h tous les jours de la semaine. supervision des préparatifs. À 32 ans, ce boucher Marty du quartier des Carmes de Toulousain à la carrure de rugbyman, était même que le foie gras acheté à la Maison Claire ECKERSLEY Aéroport : quelle suite ? ÉCONOMIE. L’actionnaire décision intervient après quatre ans de re- 1,1 milliard d’euros (contre 795,5 millions principal de l’aéroport lations tumultueuses entre les actionaires en 2015). Des résultats probants qui privés et publics, et notamment l’État, qui devraient pencher en faveur du groupe Toulouse-Blagnac, le groupe détient 10,1 % du capital. chinois. Il espère tirer 500 millions chinois Casil, compte se En novembre 2018, la Cour des comptes d’euros de la vente. désengager à la surprise avait émis un avis négatif sur l’acquéreur. Malgré le prix, les candidats à la En cause : le manque d’expérience en reprise se pressent. Parmi la dizaine de générale. Les candidats matière de gestion aéroportuaire, le prétendants, quatre Français dont Vinci, à la reprise sont attendus manque de transparence financière Eiffage ou encore Edeis, en charge de en février. et ses liens avec la puissance publique l’aéroport Toulouse-Francazal. Les groupes chinoise. étrangers comme Ardian et l’Australien Après avoir acquis en avril 2015 49,9 % Entre 2015 et 2019, l’aéroport, qui Macquarie ont aussi leur chance dans ce des parts de l’aéroport Toulouse-Blagnac, envisage d’atteindre les 10 millions dossier. Le processus de vente ne devrait pas pour la somme de 308 millions d’euros, de passagers en 2019, a connu une intervenir avant l’été 2019. le groupe Casil Europe a annoncé le 3 fé- augmentation de son chiffre d’affaires de vrier la mise en vente de ses parts. Cette 40 %. Il est par ailleurs valorisé à près de Timothé ROUVIÈRE Trajectoires - Février 2019 - 13
n Toulouse Vers un monde sans cancer ? SANTÉ. Jean-Emmanuel Sarry est chercheur au Centre de recherches en cancérologie de Toulouse (Oncopole). À l’occasion de la journée mondiale contre le cancer, lundi dernier, le docteur revient sur les découvertes de son équipe en matière de traitement des leucémies aiguës myéloïdes. Vous travaillez sur les cas de rechute de la leucémie. Mais cette affirmation a été à une carrière dans une grande université dans les leucémies aiguës myéloïdes rejetée par nos travaux. En travaillant sur des américaine. J’ai décidé de tout quitter pour (LAM). Quel est l’objectif de vos souris, nous avons montré que les cellules rejoindre le centre de recherches de recherches ? souches leucémiques sont bien détruites par Toulouse en 2010. La pathologie sur laquelle je travaille est à la chimiothérapie. Nous nous sommes éga- La ville possède l’un des rares pôles français ce jour incurable. Il s’agit du cancer du sang lement aperçus qu’un autre type de cellules à être aussi performant en hématologie, qui et de la moëlle le plus répandu, à l’origine leucémiques résistait aux traitements et était est ma spécialité, et se hisse à un très bon de 3 500 nouveaux cas chaque année en à l’origine des rechutes. Pour empêcher cette n i ve a u i nt e r n at i o n a l e n re c h e rc h e France. récidive, nous avons identifié une molécule fo n d a m e nt a l e . J ’a i é g a l e m e nt re ç u Sans traitement, cette leucémie est que nous testons actuellement sur des sou- d’importants financements de la région mortelle. Grâce à la chimiothérapie, 80 % ris et qui se révèle être extrêmement efficace. Occitanie et de la fondation Toulouse Cancer des patients survivent, mais dans deux cas Santé pour poursuivre mes recherches. sur trois, ils rechutent quelques mois après Quand démarreront les essais cliniques Ce soutien m’a permis de construire une la guérison. Seuls 30 % des patients survivent à Toulouse ? équipe, puis de nous installer. Aujourd’hui, dans les cinq ans suivant la reformation Nos patients toulousains devraient bénéficier nous avons fait des découvertes qui ont été des cellules cancéreuses. Mon équipe de des essais cliniques à partir de 2020. publiées dans de prestigieuses revues inter- 18 chercheurs toulousains étudie donc les En associant la molécule découverte à la nationales et nous avons même déposé des rechutes afin de comprendre les causes chimiothérapie, le taux de survie des patients brevets. de la résistance de cette leucémie aux pourrait passer de 30 % à 60 %. Si nous arri- médicaments. L’objectif étant de développer vons ensuite à développer une autre molécule Justine CLAUX de nouveaux traitements pour éradiquer la n’ayant plus besoin d’être associée à la maladie et empêcher les rechutes. chimiothérapie, ce qui réduirait la toxicité pour le patient, nous pourrions atteindre les Après huit années de recherches, 90 % de survie à cinq ans. À terme, l’idée est qu’avez-vous découvert ? que ces leucémies deviennent curables. Ce que nous avons découvert en étudiant les rechutes est révolutionnaire ! Pendant une Vous avez quitté les États-Unis pour trentaine d’années, les scientifiques tenaient Toulouse. Qu’est-ce qui vous a séduit les cellules souches cancéreuses pour respon- dans la Ville rose ? sables des récidives. Ils les pensaient résistantes À l’époque, je pilotais un projet de recherche à la chimiothérapie et donc à l’origine du retour sur les LAM à Philadelphie et je me destinais Les cancers en Occitanie Depuis 2004, le cancer est la première cause de mortalité prématurée sur le territoire français. En 2017, 400 000 nouveaux cas de cancers ont été diagnostiqués et 150 000 décès liés aux cancers ont été rapportés. La région Occitanie (5,8 millions d’habitants) enregistre 33 487 nouveaux cas dia- gnostiqués de cancer chaque année et 14 165 décès. Une situation régionale relativement favorable par rapport au reste de la France. En cause : un diagnostic plus précoce et une prise en charge plus efficace. Sources : bilan 2017 de l’Institut national du cancer (INCa), Cartographie des cancers en France par Santé publique France (janvier 2019). © Jean-Emmanuel SARRY 14 - Trajectoires - Février 2019
Toulouse n Loi sur la EN BREF Toulouse en rouge (et jaune) prostitution : Mardi dernier, des milliers de manifestants ont investi les rues au nom pas d’abrogation de la « convergence des luttes ». À Toulouse, ils étaient entre 8 500 et 12 000 à avoir répondu à l’appel de la CGT, associée pour JUSTICE. Le Conseil constitutionnel a tranché : vendredi 1er février, la première fois aux gilets jaunes. Retraités, la loi de 2016 pénalisant les clients de prostitution est jugée conforme lycéens, fonctionnaires et à la loi fondamentale. salariés ont défilé entre Saint-Cyprien et la place Arnaud-Bernard. naissance de la prostitution avaient déposé une question prioritaire de constitutionnali- Des plantes vertes té. Celles-ci exigeaient l’abrogation de la loi high-tech contre de 2016 pénalisant financièrement les clients la chaleur de prostitution. Cette mesure controversée était jugée La start-up Urban dangereuse pour les femmes et portait Canopee a annoncé la atteinte à la « liberté d’entreprendre » et à la première expérimentation « liberté sexuelle » selon ses détracteurs. française de ses canopées végétales. Une reconnaissance Dès avril 2019, symbolique de grandes structures « En rejetant les arguments de ces associa- composites viendront tions, le Conseil constitutionnel a reconnu habiller la place Jean- que la prostitution est une violence et non un Diebold, à Saint-Cyprien. métier, explique Marylise. La décision du L’évapotranspiration des conseil est une reconnaissance symbolique, plantes et leur ombre sur qui va permettre à la société d’aller de l’avant 100 m2 permettront pour l’égalité entre les femmes et les de lutter contre les fortes hommes. » chaleurs à Toulouse. Zita Tugaye, une des plus anciennes béné- D ans la petite salle de l’Amicale du Les bénévoles voles de l’Amicale a suivi de près le débat « Dessine-moi fêtent la Nid, l’heure est à la fête. Sur la table, décison du face aux juges : « Très franchement, je ne Toulouse » fait les piles de formulaires et les dos- Conseil pensais pas qu’on aurait une chance de gagner polémique constitutionnel. siers de suivi des personnes issues © Claire cette bataille. La partie adverse avait 12 avo- ECKERSLEY Depuis 2018, « Dessine- du milieu de la prostitution ont été remplacés cats contre cinq pour nous et puis ce n’était moi Toulouse » porte des par un apéritif copieux. Marylise, une mili- pas n’importe quelles associations, il y avait projets urbains innovants. tante de l’association, est chargée de débou- Médecin du monde et le Planning familial. À Compans, cinq cher le champagne. Ce n’était pas joué d’avance. » candidatures ont émergé Ce soir-là, comme tous les « La prostitution est une Pour les militantes, il s’agit pour transformer le premiers mardis du mois, les plus d’un sentiment de sou- site du Palais des Sports, bénévoles de l’Amicale du violence et non un métier » lagement que d’une véritable dont celle de Toulouse Nid, antenne régionale de victoire. La lutte continue. Business School (TBS). l’association. Avec le suivi de plus de 70 femmes, l’équipe L’association Compans- Le Mouvement du Nid - qui défend l’abolition de bénévoles est constamment sous tension. Arcabbe dénonce un de la prostitution - se réunissent pour faire le Et les vraies victoires sont souvent fragiles. « projet invasif », servant point sur l’avancée des dossiers. Sur 70 prostituées suivies par l’association, uniquement les intérêts Plus nombreuses qu’à l’ordinaire cette fois, seules cinq ont définitivement cessé de de l’école. Les autres les bénévoles fêtent la décision du Conseil vendre leurs services. candidats se sont retirés constitutionnel. En effet, le 12 novembre 2018, devant un « concours plusieurs associations militant pour la recon- Claire ECKERSLEY joué d’avance ». Trajectoires - Février 2019 - 15
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