Reinventer le financement agricole

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Reinventer le financement agricole
Reinventer le
financement
agricole

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                                     FIn4Ag
                                     Juillet 2014

  Dans cet ouvrage:
  ■ Financement par récépissé
    d’entrepôt
  ■ Tony Elumelu – une vision pour
    l’Afrique
  ■ L’ascension des banques
    africaines
  ■ Les fonds comblent les lacunes
    dans la chaîne de valeur
  ■ L’assurance sur les cultures
    s’enracine
Reinventer le financement agricole
Le commerce ACP
analysé et décrypté
http://agritrade.cta.int

    dernières
Les der                            commerce
        nières informations sur le commerce
agricole et la pêche ACP-UE
Reinventer le financement agricole
Table des matieres
                                            2   Avant-propos
                                                Par Jonathan Bell, rédacteur en chef, TXF.
                                            3   L’ascension des banques africaines
                                                Les banques locales financent une part plus importante de l’agriculture africaine et
                                                utilisent leurs propres fonds pour avoir un impact plus en aval sur la chaîne de valeur.
                                            10 Les fonds comblent les lacunes dans la chaîne de valeur
                                                Les banques de développement et les fonds privés trouvent de nouvelles méthodes
                                                pour pallier les manques qui touchent les chaînes de valeur agricoles et que les
                                                banques commerciales ne peuvent ou ne veulent pas financer.
                                            14 Le financement par récépissé d’entrepôt arrive à maturité
                                                Le financement par récépissés d’entrepôt se développe en Afrique avec l’expansion
                                                des places d’échange de produits et l’introduction progressive de récépissés
                                                électroniques.
                                            19 Le Cocobod ghanéen donne le ton
                Jonathan Bell
                Editor-in-chief
                                                Le mécanisme de financement annuel de l’Office ghanéen du cacao fournit des
 jonathan.bell@txfmedia.com                     pistes qui pourront être suivies par les autres producteurs africains.

                 Helen Castell              22 Réfléchir de façon innovante pour pallier le manque de
          Special report writer                données nécessaires à l’obtention d’un crédit
  helen.castell@txfmedia.com                    L’accès des agriculteurs au financement et aux services s’améliore rapidement grâce
                                                aux téléphones mobiles et à Internet, ainsi qu’à des programmes d’assistance innovants.
                    Dan Sheriff
          Managing director                 25 Tony Elumelu: Une vision pour l’Afrique
    dan.sheriff@txfmedia.com
                                                L’entrepreneur Tony Elumelu partage sa vision pour l’agriculture africaine, notamment
               Dominik Kloiber                  le rôle croissant des banques locales et l’avenir des échanges commerciaux de
          Commercial director                   produits agricoles de base.
dominik.kloiber@txfmedia.com
                                            29 Les négociants, le maillon fort
                 Max Carter                     Les négociants en matières premières (hors combustibles et métaux) contribuent à
Product development director                    amener l'argent là où il est le plus utile dans les chaînes de valeur agricoles.
   max.carter@txfmedia.com
                                            32 Les activités à valeur ajoutée améliorent les perspectives
                James Petras
      Chief technology officer                 des agriculteurs des îles du Pacifique
  james.petras@txfmedia.com                     La croissance des activités à valeur ajoutée fait évoluer le secteur agricole dans de
                                                nombreuses îles du Pacifique. Nous nous intéressons ici aux évolutions qui ont lieu en
                    Katy Rose                   Papouasie-Nouvelle-Guinée (PNG).
            Head of marketing
      katy.rose@txfmedia.com                34 Le sursaut de l’agriculture
                                                Les gouvernements doivent établir un cadre juridique qui apporte un soutien aux
              Hesham Zakai
          Content manager
                                                agriculteurs et aux négociants, mais qui donne également aux banques la confiance
 hesham.zakai@txfmedia.com                      suffisante pour prêter.

               Mailing address:             37 Le bétail – plus qu’une marchandise
                             TXF                Des projets pionniers aident les éleveurs et les négociants en bétail à accéder au
              Canterbury Court                  financement et à se positionner sur des marchés d’exportation en pleine croissance.
               Kennington Park
               1-3 Brixton Road             40 Le retour à l’essentiel de BASIX
                         London                 Institution indienne de microfinancement établie de longue date, BASIX est un modèle
                        SW9 6DE.                d’apprentissage par l’expérience.
       Tel: +44 (0) 20 3735 5180
                                            42 La protection a un prix: l’assurance sur les cultures
              Registered office:
                    TXF Limited                s’enracine
           7-10 Chandos Street                  Les projets pilotes développent de nouveaux produits d’assurance pour les agriculteurs
                       London                   qui les aident à améliorer leur stabilité économique et les rendent plus rentables.
                     W1G 9DQ.
                                            47 Le système SYFAAH en voie de déploiement en Amérique
         Registered in England & Wales.
                                               latine et en Afrique
                                                                                                                                           1
               Registered No: 08421624

                      © TXF Limited 2014
                                                Le système de financement et d’assurance agricole en Haïti, destiné à favoriser
                                                l’accès au microfinancement pour les petits exploitants, semble prêt à être étendu à
      Copying without permission of the
                 publisher is prohibited.       l’Amérique latine et à l’Afrique.

                                                                                                  www.txfnews.com/special/Fin4Ag
Reinventer le financement agricole
Reinventer le financement agricole

                               Avant-propos
        Par Jonathan Bell,     En tant que partenaire médiatique du CTA,           produits le long de la chaîne de valeur. Afin
       rédacteur en chef,      TXF est fière de participer à l’élaboration de      de tirer profit de cette expertise, certaines
                     TXF       ce rapport spécial sur le financement de            banques mondiales cherchent également
                               l’agriculture pour la conférence historique         à acquérir des participations dans les ban-
                               Fin4Ag de Nairobi. Ce rapport s’intitule            ques africaines ou à s’associer à celles-ci.
                               ‘Repenser le financement agricole’ car                 Déjà bien présent en Amérique latine
                               c’est exactement ce qu’il faut faire, d’une         et dans certaines régions d’Asie, le finance-
                               part pour garantir que les producteurs, les         ment par récépissés d’entrepôt progresse
                               négociants et les autres parties prenantes          à grandes enjambées sur le continent
                               de la chaîne de valeur agricole ont accès           africain. Des pays comme l’Éthiopie ont
                               au financement, et d’autre part pour s’as-          ouvert la marche dans la création des
                               surer que l’environnement financier est fa-         places d’échange de produits, et d’autres
                               vorable aux intérêts des producteurs et leur        États entendent bien leur emboîter le pas
                               procure, à un coût raisonnable, les services        en fondant leurs propres places. Par
                               financiers dont ils ont besoin.                     ailleurs, les systèmes modernes de récépis-
    Jonathan Bell, rédacteur      Ce rapport cherche à souligner certains          sés électroniques font une percée dans
    en chef à TXF
                               des défis et des perspectives qui se présen-        plusieurs nations. Nous analyserons dans ce
                               tent aux producteurs, aux négociants, aux           rapport les dispositions prises par les dif-
                               banques et aux autres acteurs financiers au         férents pays pour mettre ce système en
                               sein d’un secteur à l’évolution rapide. À           œuvre et nous observerons comment les
                               l’heure où la technologie mobile, les places        banques, les producteurs et les négociants
                               d’échange de produits et les nouveaux               peuvent résoudre des défis persistants
                               outils de financement révolutionnent l’agri-        comme la fraude et le vol de récolte.
                               culture dans les pays d’Afrique, des                   Nous espérons que vous trouverez les
                               Caraïbes et du Pacifique, il est temps pour         articles et les entretiens de ce rapport in-
                               les banques commerciales internationales,           téressants et instructifs, et que certains des
                               les assureurs et les gestionnaires de               sujets abordés dynamiseront la mise en
                               garanties de reconsidérer la situation.             place des bons outils de financement pour
                                  Dans ce rapport, nous observerons l’as-          les personnes qui en ont le plus besoin. Le
                               cension     des    banques      commerciales        travail réalisé par le CTA et d’autres organ-
                               africaines dans le secteur du financement           isations continue de jouer un rôle crucial
                               du commerce et de l’agriculture. Quand les          dans la transformation du domaine du fi-
                               banques internationales se sont retirées du         nancement de l’agriculture. L’avenir des
                               continent lors de la crise financière, les ac-      solutions de financement agricole dans les
                               teurs locaux et régionaux ont décidé de             pays d’Afrique, des Caraïbes et du Paci-
                               pallier les manques. Les banques locales ont        fique est sans aucun doute plus prometteur
                               déjà prouvé qu’elles pouvaient faire cava-          qu’auparavant. Toutefois, c’est seulement
                               lier seul en montant des syndications de            à travers la formation continue, l’éduca-
                               grande ampleur pour financer le secteur de          tion, l’innovation, la persévérance et une
                               l’énergie. Dans le domaine agricole, elles          véritable méticulosité sur le terrain que l’a-
                               utilisent leurs filiales locales et leur connais-   griculture africaine pourra réaliser pleine-
2                              sance du terrain pour contribuer au finance-        ment son potentiel et jouer un rôle clé pour
                               ment des intrants agricoles et des flux de          assurer la prospérité dans la région. ■

    www.txfnews.com/special/Fin4Ag
Reinventer le financement agricole
En lumière Banques africaines

L’ascension
des banques
africaines
Les banques africaines jouent un rôle mo-        de l’OMC. Davantage de banques locales           Les banques locales
teur dans le financement des agriculteurs,       et régionales ont investi dans le com-           financent une part
des négociants et des produits agricoles         merce, comblant partiellement le vide
                                                                                                  plus importante de
de base du continent. En injectant plus          laissé par le retrait des banques mondiales
                                                                                                  l’agriculture
d’argent local dans le système, elles ont un     depuis la crise financière.
                                                                                                  africaine et utilisent
impact plus en aval sur la chaîne de                Toutefois, les financiers sont devenus
                                                                                                  leurs propres fonds
valeur, même si elles estiment que le fi-        plus sélectifs et se concentrent davantage
                                                                                                  pour avoir un impact
nancement direct des agriculteurs reste          sur les clients bien cotés, privant plus en-
un défi. Par ailleurs, les banques interna-      core les plus petits négociants de fonds         plus en aval sur la
tionales acquièrent des participations           pourtant si nécessaires.                         chaîne de valeur.
dans les entreprises locales dans le but de         “L’Afrique   peut    se    financer   elle-
tirer profit de leur réseau de distribution et   même,” affirme Hiren Singharay, respons-
de leur expertise sur le terrain.                able régional des syndications, EMEA, pour
   Les banques africaines ont un énorme          Standard Chartered. “Il y a cinq ans de
rôle à jouer dans le financement agricole        cela, pas une seule banque nigériane
et leur développement dans ce domaine            n’avait traversé le Congo à l’est. Aujour-
est “inévitable”, affirme Richard Wangwe,        d’hui, toutes les grandes banques nigéri-
responsable de l’agriculture à la banque         anes l’ont fait. Et il y a cinq ans, à
Stanbic d’Ouganda.                               l’exception de Stanbic, aucune banque
   Le rôle croissant des banques africaines      sud-africaine n’avait traversé la rivière
dans le financement du commerce a été            Limpopo au nord. Aujourd’hui, elles sont
reconnu par le Groupe d’experts de               partout.”
l’OMC sur le financement du commerce                Après la crise financière, certaines ban-
lors de la réunion qui s’est tenue fin avril.    ques internationales de financement du
   Le groupe a conclu que les banques            commerce se sont retirées d’Afrique, lais-
africaines s’étaient montrées plus à même        sant un vide en termes de financement.
de syndiquer de grands accords de fi-            “Elles ont continué à financer leurs
nancement du commerce, essentielle-              meilleurs clients – tels que Cocobods et So-
ment dans le domaine des produits de             nangols – mais pas les acteurs plus mod-
base, sans soutien externe, affirme Marc         estes   et   moyens,”   explique    Edward
Auboin, conseiller de la Division de la          George, responsable de la recherche sur                                   3
recherche économique et des statistiques         les produits agricoles de base à la banque

                                                                                   www.txfnews.com/special/Fin4Ag
Reinventer le financement agricole
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                                                                          est de suivre ses clients existants lorsqu’ils
                                                                          font des incursions dans le continent, ex-
                                                                          plique-t-il. “Ils entrent en Afrique et nous les
                                                                          suivons dans des régions et dans des
                                                                          secteurs où ils se sentent bien.”
                                                                             Les banques du continent doivent aug-
                                                                          menter leur présence sur les exploitations
                                                                          afin de pénétrer la chaîne d’approvision-
                                                                          nement à la base, ajoute Zhann Meyer. La
                                                                          prochaine étape pour la banque consiste
                                                                          à identifier les pays ayant mis en place des
                                                                          politiques gouvernementales propices
                                                                          ainsi que les acteurs d’entreprise aux-
                                                                          quelles elle pourrait apporter son aide
                                                                          pour développer l’industrie.
                                                                             Les banques locales, y compris les
                                                                          crédits fonciers publics, ont toujours
                          Richard Wangwe à Stanbic Bank Uganda            détenu une part de marché dominante
                                                                          en Afrique du Sud en matière de finance-
                          panafricaine Ecobank. “Il y a suffisamment      ment agricole, explique John Hudson, re-
                          de liquidités dans le monde, mais pas pour      sponsable de l’agriculture à Nedbank.
                          l’Afrique.”                                        Ceci étant dit, Nedbank ne s’est vrai-
                                                                          ment intéressée à l’agriculture qu’il y a
                          Un mandat de développement                      cinq ou six ans, lorsque la crise financière
                          La plupart des banques sud-africaines ont       a permis de mieux apprécier les revenus
                          une stratégie de développement en               qu’elle pouvait générer comparé à
                          Afrique, explique Zhann Meyer, respons-         d’autres catégories d’actifs, précise-t-il.
                          able du financement des produits agri-             L’agriculture, les produits agricoles de
                          coles de base en Afrique à la Nedbank           base et, plus récemment, les actifs immo-
                          Capital. “La question n’est pas de savoir si    bilisés tels que la terre et l’infrastructure ont
                          nous allons le faire – nous devons le faire,”   soudainement commencé à attirer des in-
                          affirme-t-il. “C’est quelque chose que nos      vestissements. L’agriculture est revenue
                          actionnaires attendent – travailler dans        “au goût du jour”, explique John Hudson.
                          l’environnement africain et aider le conti-     La banque compte maintenant une
                          nent à se développer.”                          équipe agricole dédiée qui travaille main
                             La mission de Nedbank pour l’Afrique         dans la main avec les agriculteurs com-

                          Richard Wangwe, Stanbic Bank
                          d’Ouganda: “Les banques africaines ont
                          un énorme rôle à jouer dans le
                          financement agricole et leur
                          développement dans ce domaine est
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                          inévitable.”

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merciaux en Afrique du Sud.
   Chez Barclays, bien que l’équipe
chargée de l’Afrique soit basée à Johan-
nesburg, “nous avons reçu pour mandat
de travailler à travers toute l’Afrique et
d’aller là où nos clients vont,” explique le
responsable du financement structuré du
commerce et des produits agricoles de
base, Francois Visagie.

Liquidités africaines
En Afrique, entre 85 et 95 millions de mé-
nages    ont    maintenant        un      revenu
disponible d’au moins $5,000. “L’argent est
là et cet argent va aller dans les fonds de
pension, dans les banques et dans les
fonds communs de placement,” déclare
                                                   Edward George à Ecobank
Hiren Singharay. “Il y a pas mal de liquidités
dans le système, et cela peut permettre            profit leur expertise et leur bilan plus solide
de financer le secteur de l’agriculture.”          en utilisant les relations bancaires ré-
   “Les banques africaines prennent des            gionales, les réseaux de distribution et les
initiatives et se “mouillent”, un peu plus”,       connaissances locales, explique Edward
affirme Edward George. Par exemple, dans           George.
un accord de $500 millions qu’Ecobank a               “De nombreuses banques multina-
conclu l’année passée pour Orion Oil,              tionales ne veulent bien souvent pas avoir
“tout l’argent provenait des banques               des opérations sur le terrain [en Afrique],
africaines.”                                       car elles sont coûteuses, mais elles veulent
   Il faudra peut-être du temps pour               y faire des affaires”, précise-t-il. “Si vous êtes
réaliser la même chose dans l’agriculture          une banque régionale, vous pouvez
– essentiellement en raison de la longueur         obtenir de l’argent à ce niveau et vous
plus importante des chaînes de valeur et           avez la présence physique sur le terrain.”
des volumes physiques plus importants qui             Ecobank a conclu une alliance avec
sont en jeu dans les produits agricoles de         Nedbank en Afrique du Sud ainsi que des
base – mais l’énergie est une première             partenariats avec Barclays Africa, ABN
étape    importante,      affirme-t-il.   “Cela    Amro et Citi. “Nous les aidons à faire des
prouve que les banques africaines pren-            affaires dans les marchés qui les in-
nent plus d’initiatives et qu’elles peuvent        téressent, mais où elles ne jouissent d’au-
mettre en commun leurs capitaux.”                  cune présence,” affirme Edward George.
                                                      Nedbank a jusque fin novembre 2014
Partenariats et acquisitions                       pour convertir un prêt de $285 millions ac-
Les banques internationales concluent              cordé à Ecobank en 2011 en une prise de
également davantage de partenariats                participation, et élargir la participation à
avec les banques africaines – et dans cer-         pas moins de 20%. Elle détient également
tains cas, elles les rachètent –, ce qui con-      MBCA Bank au Mozambique et, au mois
stitue un moyen moins risqué d’étendre             de juin, elle a racheté une part de 36.4%
leur présence sur le continent.                    du Banco Unico du Mozambique pour un
   Les partenariats permettent aux ban-            montant de $24.4 millions.                                             5
ques internationales de mieux mettre à                Rabo Development (Rabo) a égale-

                                                                                        www.txfnews.com/special/Fin4Ag
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                          ment emprunté la voie de l’acquisition
                          pour étendre sa présence en Afrique. Sur
                          ces neuf dernières années, elle a investi
                          dans cinq banques locales, à savoir la Na-
                          tional Microfinance Bank (NMB), la Zambia
                          Commercial National Bank, la Banco Terra
                          au Mozambique, la Banque Populaire du
                          Rwanda (BPR) et plus récemment la DFCU
                          Bank en Ouganda.
                             En prenant des parts minoritaires sub-
                          stantielles, généralement aux alentours de
                          40%, Rabo obtient également le droit d’in-
                          staller sa propre direction – habituellement
                          le PDG, le responsable de la gestion des
                          risques et le responsable des services aux
                          particuliers – dans les banques dans
                          lesquelles elle investit. Par l’intermédiaire
                          de l’unité consultative de Rabo, RIAS, elle     Francois Visagie à Barclays/ABSA
                          leur fournit également une assistance
                          technique et des solutions de réduction         représentation au Nigeria, “en Afrique de
                          des risques. “Ce qui est important c’est        l’Est et du Sud nous sommes partout où
                          que nous ne sommes pas un investisseur si-      nous devons être.”
                          lencieux ou passif,” explique Hans Bo-             Stanbic est présente dans 17 pays à
                          gaard, responsable de l’agro-industrie.         travers l’Afrique subsaharienne et elle est
                             RIAS conseille également d’autres ban-       en passe d’élargir son réseau de filiales au
                          ques sur la manière de mettre en œuvre          Rwanda et au Congo, confie Richard
                          leur stratégie de financement agricole.         Wangwe.
                          Parmi ses clients citons la Cooperative            En plus de son réseau de filiales sud-
                          Bank of Oromea d’Éthiopie, la Develop-          africaines et de son partenariat avec
                          ment Bank of Ethiopia et la Chase Bank du       Ecobank à travers l’Afrique de l’Ouest et
                          Kenya.                                          l’Afrique centrale, Nedbank possède un
                             En juin, Rabobank a également ouvert         bureau au Kenya.
                          une filiale à Nairobi desservant des clients       “C’est véritablement la raison d’être
                          actifs dans les produits agricoles de base.     d’une banque régionale en Afrique,” ex-
                                                                          plique Edward George. “Il s’agit d’être
                          Distribution et évaluation des risques          présent sur le terrain et d’être en mesure
                          “Les banques locales ont un avantage:           de mettre les réseaux dont la banque dis-
                          elles sont présentes sur le terrain, proche     pose au service du commerce et des ac-
                          de la communauté agricole primaire,” dé-        tivités des entreprises internationales et
                          clare Francois Visagie. “Les liquidités         des banques multinationales.”
                          nécessaires peuvent être déboursées via            La présence locale aide également à
                          le réseau bancaire normal.”                     réaliser une évaluation des risques précise.
                             “Nous avons des filiales à travers le con-      “Si vous êtes une banque locale, vous
                          tinent et nous sommes donc plutôt consid-       avez une perception différente du risque
                          érés comme une banque locale dans la            du pays, car vous êtes là-bas depuis de
                          plupart des marchés,” affirme-t-il. Bien que    nombreuses années,” explique Edward
6                         sa présence en Afrique de l’Ouest soit lim-     George. “Cela peut arriver qu’un pays ait
                          itée au Ghana et à un bureau de                 une mauvaise réputation, mais vous savez

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exactement comment y faire des affaires.”
   “Vous avez également une bien                  La connexion ABSA
meilleure perception du risque de con-
                                                  Bien que Barclays joue un rôle quasi
trepartie, car vous faites peut-être des af-
                                                  local en Afrique, principalement par le
faires avec une contrepartie depuis 20
                                                  biais son réseau hérité de la Banque
ans,” ajoute-t-il. “Vous pouvez immédiate-
                                                  ABSA, elle apporte quelques avan-
ment vous porter garants pour eux. Cela
                                                  tages internationaux, déclare le re-
est extrêmement utile pour les banques
                                                  sponsable du financement structuré
multinationales.”
                                                  du commerce et des produits agri-
   “Les banques africaines ont un avan-
                                                  coles de base, Francois Visagie. En plus
tage en ce sens qu’elles ont des relations
                                                  d’être sur le terrain, elle est capable de
sur le terrain. Cela vous procure un certain
                                                  fournir des fonds à des acheteurs et né-
confort”, convient Zhann Meyer. “Envoyer
                                                  gociants et elle dispose d’un éventail
un e-mail à un client ou consulter son site
                                                  plus sophistiqué d’instruments finan-
web     n’offrira   jamais   la   même   vue
                                                  ciers avec lesquels structurer les ac-
d’ensemble du client que si la banque
                                                  cords. Elle tire également profit d’une
peut aller dans ses locaux ou visiter ses
                                                  clientèle internationale. Son partenar-
opérations,” fait-il remarquer.
                                                  iat avec Ghana Breweries, par exem-
   Avoir du personnel dans le pays pro-
                                                  ple, est partiellement le fruit de relations
cure également aux banques des infor-
                                                  existantes avec sa filiale Diageo.
mations cruciales qui leur permettent
d’évaluer et de gérer les risques spéci-
fiques à mesure qu’ils se présentent,
ajoute-t-il. Par exemple, “maintenant que       systèmes de plantation satellite qui sont
le Nigeria a déclaré la guerre contre le ter-   liés à des acheteurs bien établis, explique
rorisme, comment cela affectera-t-il les ré-    Richard Wangwe, en ajoutant que ce sys-
gions agricoles où opèrent les petits           tème a été relativement fructueux dans
exploitants?”                                   les secteurs de la canne à sucre, de l’hor-
                                                ticulture et du café.
Canaliser les fonds pour les                       Les banques africaines doivent tra-
agriculteurs                                    vailler davantage avec les organisations
Les banques locales montrent également          non gouvernementales (ONG) et les insti-
l’exemple en matière d’octroi de crédits        tutions de microfinance (MFI) pour les
aux petits exploitants, affirme Hiren Sing-     aider à développer des produits pouvant
haray. La Equity Bank Kenya, par exemple,       être proposés dans des régions plus ru-
peut accorder un prêt à un agriculteur 10       rales, affirme-t-il. Elles peuvent également
minutes après qu’il soit entré dans ses lo-     aider les agriculteurs de subsistance à
caux et elle a retiré jusqu’à 25% de rende-     commercialiser leurs opérations.
ment sur le capital sur les cinq dernières         Nedbank se focalise sur le financement
années. “Il y a beaucoup d’argent à se          des négociants de produits d’exportation
faire dans ce secteur. Mais cela exige une      à travers l’Afrique, en soutenant leurs ef-
connaissance locale et d’être sur le ter-       forts d’”intégration en amont”, de soutien
rain,” précise-t-il.                            technique aux petits exploitants auxquels
   Une des façons dont les banques lo-          ils achètent des produits et de développe-
cales peuvent aider à faire circuler l’ar-      ment d’activités de transformation à plus
gent le long de la chaîne de valeur tout en     forte valeur ajoutée sur le continent en in-
démentant la perception que l’agriculture       vestissant dans les filatures de coton, les                           7
est une activité risquée est de financer les    usines de broyage et d’autres installations

                                                                                    www.txfnews.com/special/Fin4Ag
Reinventer le financement agricole
Reinventer le financement agricole

                          de transformation, explique Zhann Meyer.
                             “Les petits agriculteurs représentent un
                          sérieux défi,” même pour les banques
                          présentes au niveau local, convient-il.
                          L’absence de modèle de propriété fon-
                          cière dans la plupart des pays africains fait
                          que vous ne pouvez pas adopter une ap-
                          proche de base en utilisant la terre
                          comme garantie,” explique-t-il. La vente
                          parallèle est un risque trop important pour
                          nous.
                             “Il ne s’agit donc pas de prêter directe-
                          ment aux petits agriculteurs,” ajoute-t-il,
                          mais plutôt de “faire appel à un gestion-
                          naire de contrats pour traiter avec les
                          agriculteurs et gérer le portefeuille en
                          notre nom.”
                             La BPR de Rabo Development finance
                          les intrants pour les coopératives du riz au     Zhann Meyer à Nedbank Capital
                          Rwanda sur la base des contrats d’achat
                          conclus avec ICM Australie, qui a investi        meilleure police possible.”
                          dans une entreprise conjointe d’usinage             Barclays Africa s’est alliée au secteur
                          de riz dans le pays.                             privé pour faciliter les flux de fonds de la
                             Un autre modèle que les banques ne            chaîne de valeur vers les agriculteurs de
                          rechignent pas à financer est le “noyau          subsistance au Kenya et au Ghana. Dans
                          agricole commercial,” affirme Zhann              le cadre d’un projet, des petits agriculteurs
                          Meyer. Dans ce cas de figure, un agricul-        ghanéens ont fourni des céréales à
                          teur commercial loue ses terres et passe         Ghana Breweries, qui soutenait en retour
                          un contrat avec des agriculteurs et les ap-      les agriculteurs avec des intrants. Barclays
                          provisionne en semences, insecticides et,        décomptait alors les sommes dues sur le
                          s’ils sont mécanisés, en diesel. Si l’agricul-   bilan de la brasserie.
                          teur commercial a également une ca-                 En finançant des intermédiaires qui
                          pacité     de     transformation,     l’autre    fournissent aux agriculteurs les outils pour
                          avantage pour lui est d’augmenter le ren-        démarrer une pratique agricole durable,
                          dement.                                          “vous pouvez en réalité diriger la chaîne
                             Le Kenya est un acteur de premier plan        jusqu’à l’agriculteur primaire,” explique
                          en termes d’amélioration de la bancabil-         Francois Visagie.
                          ité des coopératives, en particulier à tra-         L’agriculture représentant 64% de la
                          vers ses initiatives visant à encourager         main-d’œuvre de l’Afrique, “la meilleure
                          l’obligation de paiement collectif, fait re-     chose que nous puissions faire en tant que
                          marquer Zhann Meyer. Cela confère aux            banques locales ou internationales est
                          banques une entité juridique et les agricul-     d’aider à fournir une formation aux
                          teurs deviennent débiteurs obligataires.         agriculteurs de subsistance,” affirme-t-il. “Si
                          Aussi: “Si vous décidez en tant que petit        vous pouvez améliorer les qualifications de
                          agriculteur de vendre votre culture en par-      ces personnes pour qu’ils envisagent les
                          allèle, cela met en péril l’accès aux fonds      choses sous un angle plus commercial,
8                         de la coopérative. Donc ils se contrôlent        l’Afrique pourrait devenir le grenier alimen-
                          les uns les autres, ce qui constitue la          taire du monde.” ■

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                                    développement

au
a ummonde
     onde de       agricole et rur
                   agricole
                   notamment :
                                   al, concernant
                               rural,  concernant

l’innovation
l’innovation       œIC
                   œ   CT4Ag
                         T4Ag
                   œE-agriculture
                   œ   -agriculture
                   œPo
                   œ   olitique
                         litique des
                                 des TIC
                                     TIC
                   œCrrowdsourcing
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                        @ict_updatee
Reinventer le financement agricole

                                Les fonds comblent les lacunes
                                dans la chaîne de valeur
           Les banques de       Par définition, les institutions de finance-    “Nous      souhaitons       contribuer     au
        développement et        ment du développement (IFD) sont depuis         développement de ces programmes de fi-
            les fonds privés    toujours à l’avant-garde en matière de fa-      nancement agricole.”
                 trouvent de    cilitation des transactions sur les marchés        La FMO et l’IDH ont déjà récolté $50
                                émergents. Afin d’attirer les banques à la      millions. Leur programme entend viser
      nouvelles méthodes
                                table des discussions, elles utilisent leurs    quelques produits agricoles spécifiques
             pour pallier les
                                propres liquidités, leur note quasi sou-        cultivés par les petits exploitants, notam-
              manques qui
                                veraine ou leur volonté de prêter à long        ment le café, le cacao, le coton et l’huile
     touchent les chaînes
                                terme. Aujourd’hui, les IFD éprouvent de        de palme. Ce choix amènera le pro-
       de valeur agricoles
                                nouvelles stratégies et de nouvelles struc-     gramme à travailler principalement en
       et que les banques       tures afin d’obtenir des financements pour      Afrique de l’Est, en Amérique centrale et
         commerciales ne        les petits agriculteurs et les petits com-      en Indonésie, précise Landheer.
             peuvent ou ne      merçants qui en ont le plus besoin.                L’argent sera utilisé pour préfinancer les
     veulent pas financer.                                                      intrants des agriculteurs et pour leur fournir
                                Passer par les commerçants                      une assistance financière à moyen et à
                                La banque de développement néer-                long terme en finançant la replantation
                                landaise    Nederlandse      Financierings-     des arbres.
                                Maatschappij voor Ontwikkelingslanden              La   FMO     travaille   également      au
                                (FMO) met actuellement en place un pro-         développement des relations avec les
                                gramme de financement en collaboration          banques locales dans les marchés émer-
                                avec la Sustainable Trade Initiative (IDH)      gents. Elle entretient des relations solides
                                néerlandaise afin de financer les agricul-      avec la National Microfinance Bank (NMB)
                                teurs en passant par les gestionnaires de       de Tanzanie. L’année dernière, elle a
                                la chaîne d’approvisionnement. Une pre-         obtenu et partiellement financé un prêt
                                mière transaction devrait bientôt être con-     de $65 millions destiné à soutenir les crédits
                                clue avec un négociant de premier plan          accordés par la banque au secteur privé,
                                et des discussions sont en cours avec           y compris les petites et moyennes entre-
                                plusieurs autres commerçants, d’après           prises (PME) de l’agro-industrie.
                                Marjolein Landheer, directrice de l’agro-in-       Fournir aux banques locales la liberté
                                dustrie, de l’alimentation et de l’eau.         de pouvoir prêter même pour de longues
                                   “Nous ne pouvons pas fournir de petits       durées fait partie des avantages que peu-
                                prêts isolés aux agriculteurs,” explique-t-     vent apporter les IFD, affirme Landheer.
                                elle. Cependant, en faisant passer les fonds       “Parfois, si l’IFD fournit un crédit à long
                                par les gestionnaires de la chaîne d’ap-        terme, les banques locales sont aussi da-
                                provisionnement (p. ex., les commerçants),      vantage disposées à repousser leurs limites
                                la FMO peut “progresser dans la chaîne          et à accorder un financement,” explique-
                                de valeur comme jamais auparavant.”             t-elle. “Par exemple, elles accepteront plus
                                   Bien que les commerçants financent           volontiers de repousser l’échéance d’un
                                déjà partiellement leurs fournisseurs en leur   crédit de trois à cinq ans si elles savent
                                procurant des semences ou des engrais,          qu’une autre partie s’est engagée, qui
10                              ce processus reste “assez limité dans la        plus est pour une durée encore plus
                                plupart des cas,” explique Mme Landheer.        longue.”

     www.txfnews.com/special/Fin4Ag
En lumière Fonds d’investissements

Viser le long terme                                vergure pour réaliser une opération struc-
Le manque de financement à long terme              turée à destination du commerce des pro-
est en effet l’un des principaux défis qui se      duits de base, explique Nazeem Noordali,
posent dans le domaine de l’agriculture,           directeur général de la finance d’entre-
explique Paola Bazan, responsable senior           prise et des financements structurés.
des investissements auprès de la Banque               La SIFC négocie actuellement avec
interaméricaine       de    développement          plusieurs banques du marché européen
(IADB).                                            qui “ont besoin d’un partenaire fiable”
   De par sa nature, l’agriculture a besoin        dans les marchés émergents et qui sont at-
d’investissements à long terme pour fi-            tirées par le statut de créancier privilégié
nancer l’entretien des terres et soutenir la       de la SIFC, ajoute-t-il. Les actionnaires de
continuité de la productivité des récoltes.        la banque sont des gouvernements mem-
Toutefois, de tels investissements sont rela-      bres et les antécédents de son portefeuille
tivement rares dans la majorité des pays           de financement commercial structuré sont
d’Amérique latine et des Caraïbes, ob-             excellents, observe-t-il.
serve-t-elle.                                         En plus d’évaluer comment les produits
   “Pour répondre à ce problème, la                financiers islamiques traditionnels peuvent
banque entend fournir des financements             être appliqués à l’agriculture, la SIFC pro-
à long terme au secteur privé,” explique           duit des versions conformes à la sharia à
Bazan.                                             partir de structures déjà largement util-
   Parmi les principaux projets agro-indus-        isées.
triels soutenus par la IADB, on peut citer un         Noordali ajoute que la SIFC a déjà con-
prêt de $92 millions à l’intention du com-         clu plusieurs opérations de financement
plexe CAIASA pour le secteur du soja en            des      importations    pour    l’agriculture
Uruguay, un crédit de $80 millions à l’inten-      africaine sur le modèle du principe is-
tion de l’entreprise Adecoagro pour la             lamique de la Mourabaha, en Côte
transformation des terres, l’installation de       d’Ivoire, au Burkina Faso, au Mozambique,
rizeries, le secteur du biogaz et l’installation   en Gambie et au Sénégal. En outre, la SIFC
de logettes dans le secteur laitier en Ar-         devrait avoir lancé sa première opération
gentine, ainsi qu’un financement de $10            d’actualisation islamique dans la région
millions destiné à la société Agricorp pour        du Golfe ou en Indonésie d’ici le qua-
les secteurs du riz et des haricots au             trième trimestre 2014.
Nicaragua. Le portefeuille de la IADB
dédié à l’agro-industrie est supérieur à           Assistance technique
$600 millions et ne cesse de croître.              La pérennité est un élément essentiel dans
                                                   la mission de la majorité des IFD. Comme
L’innovation dans le monde islamique               elles, la FMO et la IADB tiennent résolu-
Les banques de développement utilisent             ment à inclure l’assistance technique pour
davantage de structures de financement             les agriculteurs dans leurs programmes de
innovantes pour apporter des fonds au              financement agricole.
secteur agricole. Par ailleurs, elles tirent          L’Organisation des Nations Unies pour
profit de la solidité de leur notation finan-      l’alimentation et l’agriculture (FAO) colla-
cière pour mobiliser les fonds d’autres ban-       bore actuellement avec l’Organisation
ques.                                              des Nations Unies pour le développement
   Au cours du dernier trimestre de l’an-          industriel (ONUDI) et la Banque africaine
née, la Société islamique de financement           de développement (BAD) afin de rassem-
du commerce (SIFC) entend monter une               bler $25 millions pour mettre en place un                            11
syndication internationale de grande en-           mécanisme d’assistance technique à des-

                                                                                      www.txfnews.com/special/Fin4Ag
Reinventer le financement agricole

                           tination de l’agriculture commerciale et            valeur dans son ensemble,” dit-il. À travers
                           du développement de l’agro-industrie en             cette    approche,       les   organisations
                           Afrique, explique Calvin Miller, responsable        chercheront comment renforcer les mail-
                           senior et chef de groupe pour l’agro-in-            lons les plus faibles comme la commercial-
                           dustrie et la finance.                              isation et l’entreposage des produits
                              “Nous essayons de montrer combien il             agricoles, au lieu de seulement se concen-
                           est important d’envisager la chaîne de              trer sur la production. ■

                            Les fonds privés apportent des ressources complémentaires
                             Aux institutions de financement du                d’investissement ont besoin de renfort de
                             développement s’ajoute un nombre                  la part des pouvoirs publics et des bailleurs
                             croissant de fonds privés destinés à              de fonds, sous la forme de politiques,
                             l’agriculture, aux produits agricoles et au       d’infrastructures ou de renforcement des
                             financement commercial. Ces fonds                 capacités, rappelle Miller.
                             contractent des crédits auprès                         Le fonds IIG Trade Finance est
                             d’investisseurs qui sont sensibles au             largement dédié à l’agriculture en
                             potentiel du secteur agricole et qui              Amérique latine et se dit dans une
                             possèdent parfois des connaissances dans          situation “tout à fait confortable” en
                             ce domaine. En investissant par                   termes de prise de risque. Ce fonds
                             l’intermédiaire des fonds, les investisseurs      n’hésite pas non plus à innover.
                             évitent d’avoir à passer par des comités               En novembre 2013, IIG Trade Finance a
                             de crédit et de devoir se soumettre aux           réalisé sa première opération de titrisation
                             exigences relatives au capital                    de prêts non bancaires destinés au
                             réglementaire qui limitent parfois leur           financement commercial de l’agriculture
                             marge de manœuvre.                                et des produits agricoles en Amérique
                                  Les investissements du secteur privé         latine. La structure issue de l’opération a
                             sont de plus en plus destinés au secteur          émis $220 millions d’obligations adossées à
                             agricole, constate M. Miller de la FAO, qui       des prêts (CLO) qui ont été structurées et
                             est également le fondateur de MicroVest,          administrées par IIG, puis placées par
                             une gamme de fonds d’investissement               Deutsche Bank Securities.
                             d’une valeur de $250 millions destinée aux             Bien que les banques restent de loin les
                             PME et aux microfinancements.                     protagonistes dans le secteur du
                                  Au moment même où la presse mettait          financement commercial, les fonds
                             en avant le risque de pénuries alimentaires       comme IIG jouent un rôle important en
                             dans le monde, la crise financière a              finançant des commerçants de petite et
                             dynamisé l’attractivité des fonds                 moyenne taille, observe l’associé directeur
                             d’investissement pour des investisseurs de        David Hu.
                             plus en plus frileux, précise-t-il.                    Suite à l’émission des CLO, par
                                  Pour les investisseurs sensibles au          exemple, plusieurs négociants
                             potentiel de l’agriculture, les fonds             multinationaux sont entrés en contact
                             permettent d’effectuer des investissements        avec IIG. Même si le coût était, au final,
                             relativement simples sans prendre trop de         trop élevé pour lui, un négociant européen
                             risques, ajoute Miller. En rassemblant les        de premier plan l’a introduite auprès de
                             investisseurs et les investissements, les fonds   ses propres fournisseurs, soit précisément
                             contribuent à atténuer les risques. Le            au maillon de la chaîne de valeur auquel
                             service de supervision assuré par l’équipe        la banque IIG considère pouvoir apporter
                             de gestion du fonds rassure également les         de la valeur.
                             investisseurs quant à leur engagement                  Ainsi, même si des fonds comme IIG
                             dans un pays ou un secteur dans lequel ils        sont peu susceptibles de prendre la place
                             n’ont pas d’expérience pratique.                  des banques dans le financement de
                                  Cela étant, les investisseurs privés         sociétés comme Glencore, les gros
                             peuvent se montrer plus réticents à investir      négociants restent des partenaires
                             auprès d’organisations de petits                  précieux et des sources de clients
                             exploitants au cours des périodes de              potentiels. “Les acheteurs de produits
                             troubles politiques. Parce qu’ils visent les      agricoles du groupe ABCD sont de bons
                             maillons les plus difficiles à atteindre sur la   partenaires pour le financement des
12                           chaîne de valeur et afin de mieux attirer         exportations sur les marchés émergents,”
                             les investisseurs privés, certains fonds          affirme Hu.

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Reinventer le financement agricole

                               Le financement par
                               récépissés d’entrepôt
                               arrive à maturité
        Déjà florissant en     Le financement par récépissés d’entrepôt          trepôt, de nombreux négociants commer-
       Amérique latine et      se développe rapidement, ce qui permet            ciaux n’auraient pas suffisamment de
             dans certaines    aux petits négociants et aux agriculteurs         garanties pour respecter les exigences des
         régions d’Asie, le    plus importants ou aux coopératives               banques étant donné les énormes quan-
         financement par       d’obtenir des financements immédiats              tités de céréales qu’ils gèrent, assure
                               tout en protégeant leurs produits et si pos-      Richard Wangwe, responsable de l’agri-
                  récépissés
                               sible en négociant de meilleurs prix.             culture à la Stanbic Bank, en Ouganda.
              d’entrepôt se
                                  Cependant, d’énormes obstacles de-                Ce type de financement est partic-
             développe en
                               meurent. S’ils ne sont pas bien gérés, les        ulièrement utile pour les petits négociants
               Afrique avec
                               entrepôts demeurent vulnérables à toute           qui pourraient avoir du mal à emprunter,
           l’expansion des
                               une série de risques, du vol ou de la fraude      concède Chris Scott, responsable du
       places d’échange        à l’infestation par les insectes. Bien que l’u-   développement des entreprises au sein de
              de produits et   tilisation d’un gestionnaire de garanties         Drum Commodities, un gestionnaire de
              l’introduction   rende les banques plus susceptibles de            garanties disposant de 18 filiales en Afrique
             progressive de    concéder des crédits, ces gestionnaires ne        pour toute une série de produits, des noix
                  récépissés   sont pas encore suffisamment nombreux             de cajou, du cacao et du café au poisson
             électroniques.    en Afrique.                                       congelé, au tabac et aux engrais.
                                                                                    Dans de nombreux cas, “les banques
                               Les points positifs                               nous ont dit que certaines personnes n’au-
                               “Le principal avantage d’un récépissé             raient accès au financement qu’au
                               d’entrepôt est qu’il résout toute une série       moyen de la mise en place de ce type de
                               de problèmes d’un seul coup,” affirme Ed-         structure et uniquement dans la mesure
                               ward George, à la tête de la recherche sur        où l’entreprise de gestion des garanties
                               les produits agricoles de base à Ecobank.         confère plus de poids et d’autorité au sys-
                                  Tout d’abord, les cultures sont pro-           tème de récépissés d’entrepôt.”
                               tégées. Il s’agit là d’une question centrale         “La présence d’un tiers qui supporte le
                               en Afrique, où l’on estime que 20% à 40%          risque de défaut limite les risques pour la
                               des récoltes pourrissent avant d’atteindre        banque,” explique-t-il.
                               le marché.                                           Et même pour des négociants ou des
                                  Il s’agit également “d’un excellent            exportateurs plus importants qui ont déjà
                               moyen pour l’agriculteur d’obtenir des fi-        accès au financement, le fait que les ban-
                               nancements,” ajoute-t-il. “Il s’agit d’un in-     ques puissent utiliser les produits entre-
                               strument financier pouvant être échangé.          posés comme garantie signifie que le
                               Mais il peut également servir de garantie         financement par récépissés d’entrepôt
14                             pour l’obtention d’un prêt.”                      n’entame pas leur plafond d’emprunt
                                  Sans financement par récépissés d’en-          sans garantie, ajoute Makiko Toyoda, à la

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En lumière Récépissé d’entrepôts

tête du programme mondial de finance-           poudre et personne ne voudra plus
ment par entreposage de la International        acheter de récépissés d’entrepôt.”
Finance Corporation (IFC). “Les banques            “Les entrepôts doivent respecter de
peuvent déplacer le risque du bilan de          multiples exigences de qualité, de la pro-
l’emprunteur vers le produit lui-même.”         preté à la façon dont les produits sont en-
   Le risque étant plus faible pour les ban-    treposés,” précise-t-il.
ques, celles-ci peuvent prêter à des taux          La fraude est également une question
plus attractifs.                                centrale. Selon Edward George, en Inde
   Le financement par récépissés d’entre-       par exemple, on estime que $1.5 milliard
pôt renforce également le pouvoir de né-        de récépissés d’entrepôt frauduleux ont
gociation des agriculteurs. S’ils ne sont pas   été émis ces 10 dernières années.
satisfaits du prix proposé directement sur         “Au final, tout dépend de la qualité du
l’exploitation, ils peuvent apporter leur ré-   gestionnaire de garanties et de la mise en
colte à l’entrepôt le plus proche et l’y con-   place de toutes les vérifications et contre-
server jusqu’à ce qu’une meilleure offre se     vérifications d’usage,” ajoute-t-il. “Il y a des
présente tout en obtenant un “paiement”         dizaines de manières de frauder un entre-
instantané sous forme de prêt, précise Ed-      pôt, et les fraudeurs imaginent sans cesse
ward George.                                    de nouveaux stratagèmes.”
   Les places d’échange de produits par-
ticipent au système en fournissant des prix     Heureusement, les gestionnaires de
transparents que les agriculteurs peuvent       garanties sont là
vérifier sur leur téléphone, note Makiko Toy-   “Le défi majeur pour les banques de fi-
oda. Auparavant, les prix du marché étaient     nancement, c’est la validation de ces
un “trou noir pour les petits exploitants”.     récépissés d’entrepôt,” affirme Chris Scott.
                                                “Obtenir un papier qui déclare qu’une
Les obstacles                                   quantité X de produits est entreposée
Le système de financement par récépissés        dans un lieu donné, c’est une chose. Mais
d’entrepôt ne fonctionne que si les entre-      pour que cela ait un poids et que l’on
pôts sont suffisamment grands et renta-         puisse s’en servir comme garantie pour
bles, explique Hans Bogaard, à la tête du       obtenir un prêt, il faut s’assurer que le
département d’agro-industrie de Rabo            récépissé d’entrepôt n’a pas été griffonné
Development. Si les coûts d’entreposage         au dos d’un paquet de cigarettes.”
et de financement d’une culture sont plus            “On peut s’y prendre de diverses
élevés que l’augmentation du prix que l’a-      manières. On peut s’assurer que l’entre-
grégateur pourrait obtenir pour sa récolte      prise a du poids et pignon sur rue, avec de
s’il attendait, il n’aura pas recours à l’en-   bons    antécédents        et   de     bonnes
treposage.                                      références,” poursuit-il. “On peut égale-
   Le bon fonctionnement du système             ment employer un tiers, tel que Drum
dépend également des gestionnaires              Commodities, comme gestionnaire de
d’entrepôts, qui sont chargés de la bonne       garanties. Il se rendra dans l’entrepôt, véri-
conservation des produits.                      fiera que le produit est bien là dans la
   “La valeur d’un récépissé d’entrepôt         quantité correspondante et qu’il est con-
est celle de sa garantie,” note Edward          venablement entreposé. Les récépissés
George. “Si vous achetez un récépissé           d’entrepôt seront donc émis au nom du
d’entrepôt pour 5,000 tonnes de maïs et         négociant comme garanties contre l’ob-
qu’au moment de les récupérer elles sont        tention de prêts auprès des banques.”
pourries ou ne sont pas toutes là, la nou-         La IFC travaille avec des entreprises de                           15
velle se répandra comme une traînée de          gestion de garanties dans les pays qui ne

                                                                                     www.txfnews.com/special/Fin4Ag
Reinventer le financement agricole

                           sont pas encore dotés d’un système offi-        comprenaient pas le système et n’ont pas
                           ciel de récépissés d’entrepôt. Pour Makiko      pratiqué un marketing agressif. Elles ont
                           Toyoda, ces entreprises sont “essentielles”     préféré “suivre l’ancien système attentiste,
                           dans les pays en transition, par exemple de     laissant les agriculteurs venir entreposer
                           nombreux États d’Afrique de l’Ouest. En         leurs cultures,” explique-t-il.
                           Tanzanie, même si un système de récépis-           Deux entrepôts ougandais sont cepen-
                           sés d’entrepôt est en place, les banques        dant gérés dans une optique commer-
                           continuent à utiliser les gestionnaires de      ciale    et   connaissent         un   “succès
                           garanties pour certaines affaires.              retentissant,” précise Richard Wangwe.
                                                                              Stanbic déduit également les récépis-
                           Intervention gouvernementale et                 sés d’entrepôt hors Uganda Commodity
                           risques liés aux prix                           Exchange pour les entreprises exportatri-
                           Tout cela entraîne bien entendu des             ces de céréales de pays voisins ou celles
                           risques que les gestionnaires de garanties      qui vendent aux brasseries et aux minoter-
                           ne peuvent contrôler.                           ies. “Les résultats sont excellents,” souligne-
                              L’emprunteur       d’une   réserve     de    t-il. La banque a jusqu’à présent financé
                           céréales financé par Hans Bogaard au            plus de $12 millions grâce à cette méth-
                           Kazakhstan a refusé de vendre après la          ode. Si l’on compare, dans le cadre du
                           chute des prix. “Votre emprunteur doit          marché d’échange, les deux entrepôts
                           aussi respecter ses obligations. S’il ne vend   privés ont permis l’octroi de $6 millions de
                           pas, il n’y a pas de liquidation des céréales   financements.
                           et l’argent ne rentre pas,” déclare-t-il.          Afin que les agriculteurs bénéficient
                           Dans ces cas de figure, les banques ont         pleinement du financement par récépis-
                           besoin de bons contacts afin de trouver un      sés d’entrepôt, la constitution de coopéra-
                           agent pour vendre rapidement la récolte.        tives est essentielle, affirme Makiko Toyoda.
                              Un autre risque est l’interférence gou-      Elle précise que même avec un récépissé
                           vernementale. En Tanzanie par exemple,          d’entrepôt, il est difficile pour des agricul-
                           l’an dernier, le gouvernement a fixé un prix    teurs individuels d’obtenir un financement
                           minimum pour le marché de cajou, pré-           auprès des banques.
                           cise-t-il. Ce prix était trop élevé pour les       Les banques locales ont également
                           acheteurs et les banques se sont retrou-        besoin de renforcer leurs compétences,
                           vées avec des stocks de noix de cajou im-       ajoute-t-elle. En plus du financement des
                           possibles à vendre.                             transactions ou des produits, elles doivent
                              Le succès ou l’échec d’un système de         mettre en place un cadre de gestion des
                           financement par récépissés d’entrepôt           risques et former du personnel. Dans cer-
                           peut également dépendre de qui con-             tains pays africains, la IFC propose un pro-
                           trôle les entrepôts: le secteur public ou le    gramme de formation, mais les banques
                           secteur privé.                                  demeurent peu enclines à investir dans de
                              Selon Richard Wangwe, en Ouganda             nouvelles méthodologies. “Nous les en-
                           l’absence d’esprit d’entreprise au sein des     courageons à consentir cet investisse-
                           coopératives d’agriculteurs qui gèrent des      ment,” souligne-t-elle. “Leur effort sera
                           entrepôts est problématique. Lorsque le         récompensé après un ou deux ans.”
                           système de financement par récépissés
                           d’entrepôt a été lancé en collaboration         Places d’échange de produits et
                           avec l’Uganda Commodity Exchange,               récépissés électroniques
                           des coopératives se sont vues confier la        Pour plus d’efficacité, le financement des
16                         gestion d’une série d’entrepôts à travers le    récépissés d’entrepôt doit généralement
                           pays. Cependant, nombre d’entre elles ne        s’accompagner d’une place d’échange

     www.txfnews.com/special/Fin4Ag
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