TRANSFORMER L'ÉCONOMIE INFORMELLE - Commerce agricole - N 188 | Mars - Mai 2018 - CGSpace
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FINANCEMENT INTERVIEW FEMMES ET COMMERCE Les business angels donnent Dr Benjamin Kwasi Addom : Sur la route de la formalisation des ailes aux agripreneurs pourquoi les TIC sont essentielles en Afrique de l’Est à la transformation agricole N°188 | Mars - Mai 2018 spore.cta.int Commerce agricole TRANSFORMER L'ÉCONOMIE INFORMELLE Le développement agricole et agroalimentaire analysé et déchiffré
Briefings de Bruxelles sur le développement Sensibiliser la communauté du développement ACP-UE depuis 2007 aux défis agricoles et ruraux d’aujourd’hui www.bruxellesbriefings.net Les Briefings de Bruxelles sont une initiative du CTA et de ses partenaires : la Commission européenne (DG DEVCO), le Secrétariat ACP, le Comité des Ambassadeurs ACP et la confédération CONCORD.
SOMMAIRE ÉDITORIAL N°188 Favoriser l’amélioration TENDANCES 4 | Financement : les business angels donnent des ailes aux agripreneurs de la productivité PRODUCTION AGRICOLE 8 | L’agriculture caribéenne à l’épreuve du changement climatique et de la rentabilité 9 | Madagascar vise l’autosuffisance en riz en 2020 Michael Hailu, directeur du CTA Dans les pays ACP, l’impact du changement ENVIRONNEMENT 10 | De nouvelles applis pour mieux climatique sur l’agriculture est dévastateur. connaître son sol Confrontés à des sécheresses, des inondations, 11 | Quand le soleil fait tourner des ouragans et d’autres phénomènes climatiques les pompes à eau extrêmes, beaucoup d’agriculteurs se retrouvent dans une situation critique. L’agriculture sur l’île RECHERCHE 12 | Des “super-semences” caribéenne de la Dominique a été entièrement pour les réfugiés en Ouganda ravagée après le passage de l’ouragan Maria en 2017 13 | Mobilisation contre (lire p. 8). En Afrique australe, des sécheresses récurrentes ont affaibli le légionnaire d’automne le rendement de certaines cultures de base, comme le maïs et le riz. Le NUTRITION & SANTÉ Cap a récemment fait la Une des médias pour être la première ville au 14 | Au Sénégal, la radio dicte le menu monde à imposer des restrictions sévères à sa population afin d’éviter 15 | En Haïti, les bons d'achat profitent les pénuries d’eau potable. Les agriculteurs ont accepté de déverser à l'économie l’eau retenue dans les barrages privés et de restreindre son usage pour l’agriculture. ÉCONOMIE BLEUE 16 | Pacifique : l’aquaculture se développe À l’échelle mondiale, l’agriculture consomme 70 % de l’eau douce 17 | Un engrais à base d’algue accessible. Malgré des avancées, il faut déployer davantage d’efforts pour gérer efficacement l’utilisation des ressources en eau. Par exemple INTERVIEW en adoptant des innovations et des pratiques agricoles climato- 18 | Benjamin Addom : l’agriculture de demain repose sur les données intelligentes. De nombreux agriculteurs reçoivent aujourd’hui des prévisions météorologiques et des informations sur le climat local via leur téléphone portable, ce qui les aide à faire des choix éclairés pour 21 | Dossier savoir quand planter et récolter les cultures, ainsi qu’à prendre des mesures préventives face aux aléas climatiques. Économie informelle : Améliorer la résilience des agriculteurs, en augmentant la productivité un terreau fertile pour l’agriculture et la rentabilité, est l’un des objectifs clés de la nouvelle stratégie du CTA pour 2018-2020. Le projet phare du CTA en Afrique australe 33 | Économie offre aux agriculteurs un ensemble de solutions climato-intelligentes, telles que des semences résistantes à la sécheresse, des assurances climatiques indicielles et des services d’information rapide sur le climat. 34 | CHAÎNES DE VALEUR La filière riz, prometteuse L’association de connaissances traditionnelles et scientifiques afin de pour les jeunes entrepreneurs favoriser l’adaptation aux changements climatiques fait aussi partie de l’intervention du CTA (lire l’ouvrage récent Indigenous Knowledge Systems 36 | COMMERCE and Climate Change Management in Africa). Caraïbes : harmoniser les mesures Le CTA est l’un des chefs de file du mouvement de transition vers une sanitaires et phytosanitaires agriculture de précision pour les petits producteurs des régions ACP. 38 | BUSINESS Dans son entretien avec Spore (p. 18), Ben Addom, en charge des TIC au En Ouganda, le bon filon CTA, cite plusieurs exemples d’actions concrètes en la matière. de la citrouille Dans ce numéro, nous mettons également à l’honneur les développements innovants d’entrepreneurs d’Afrique et des Caraïbes. 39 | FINANCE Le soutien aux jeunes entrepreneurs, à la création d’emplois et au Au Ghana, les agriculteurs font moins peur aux banques développement d’entreprise restera un aspect essentiel de la stratégie du CTA pour les trois prochaines années. 40 | PUBLICATIONS PHOTO DE COUVERTURE : © TRADEMARK EAST AFRICA SPORE 188 | 3
TENDANCES F I N A N C E R L ’A G R O - I N D U S T R I E Les business angels donnent des ailes aux agripreneurs Ces “investisseurs providentiels” comblent un manque en fournissant du capital et un mentorat à des entreprises qui peinent à obtenir des financements par les canaux traditionnels. Yassir Islam A vec sept Africains sur dix liés, d’une Au Rwanda, la start-up agricole Kigali Swaziland. Après avoir travaillé dans façon ou d’une autre, à l'agricul- Farms, spécialisée dans les champi- une entreprise sociale spécialisée dans ture, il est deux ou trois fois plus gnons, offre aux exploitations agricoles la commercialisation des produits des efficace d’investir dans ce secteur que dans familiales de nouveaux débouchés pour artisans locaux, elle a cherché à repro- d’autres pour réduire la pauvreté. Hélas, un produit très nutritif. L’entreprise est duire le modèle dans le secteur de les agriculteurs africains sont souvent devenue numéro 1 de la vente de substrat l’agriculture. En 2010, elle et son mari mal intégrés dans les chaînes de valeur, ils de pleurote et de la production de cham- ont investi leurs économies dans le lan- n’ont pas suffisamment accès à l’exper- pignons frais et s’engage à acheter la cement de la start-up Black Mamba, qui tise technique ou aux marchés et peinent production des agriculteurs qui achètent produit des sauces chili et des chutneys à trouver des capitaux. Parmi eux, de son substrat. Mais les débuts ont été à base de produits locaux. En 2014, ils nombreux candidats agripreneurs, ainsi difficiles, explique Laurent Demuynck, ont obtenu d’une banque swazie un prêt que des micro- et petites et moyennes l’agripreneur qui a lancé cette start-up qui les a aidés à couvrir leurs frais de entreprises (MPME), se trouvent dans un en 2010. Les banques locales hésitent en fonctionnement. Ils n’avaient pas grand- entre-deux : trop grands pour obtenir des effet à financer les exploitations agricoles chose de concret à offrir en garantie à la microcrédits, trop petits pour accéder aux et leurs taux d’intérêt peuvent atteindre banque, mais la qualité de leur business crédits ou aux capitaux des institutions 16 %. L’homme d’affaires a fini par rece- plan a convaincu l’établissement de leur financières. Selon la Banque mondiale, 22 voir une subvention de 200 000 euros accorder un prêt à un taux de 4 % plus des 40 millions de MPME africaines, tous de la DEG, un organisme qui finance une prime de risque, habituellement secteurs confondus, n’auraient pas accès, et soutient les entreprises du secteur réservée aux clients solvables. “Les ou pas suffisamment, aux services de privé dans les pays en développement entreprises plus grandes, plus normales, financement. Il est par conséquent crucial pour promouvoir une croissance écono- bénéficient de conditions plus avanta- d’investir dans ces entreprises, y compris mique durable. Ce financement a ouvert geuses, avec des primes de 1 %, voire dans celles de taille intermédiaire, pour la voie à plusieurs autres subventions de – 2 %. Les petits comme nous paient stimuler la productivité agricole et créer et investissements “sociaux”. “Sans ce plus”, regrette Claudia Castellanos. Elle de l’emploi. capital de démarrage, je n’aurais jamais et son mari prévoient de rembourser pu atteindre plus de 1 700 petits agricul- leur prêt d’ici avril 2018. “C’est affreuse- Faire preuve de créativité teurs, créer des emplois ou continuer à ment cher, on a vraiment failli y passer.” En Afrique, une nouvelle série de développer mon entreprise”, reconnaît En 2014, Black Mamba a également dispositifs créatifs émerge pour remé- Laurent Demuynck. reçu une subvention de 25 000 euros dier aux problèmes de financement des L’agripreneuse Claudia Castellanos a du fonds d’investissement marketing de entreprises en phase de démarrage. rencontré des difficultés similaires au la Banque mondiale, ce qui lui a permis 4 | SPORE 188
© BLACK MAMBA 21 des 30 agriculteurs qui fournissent Black Mamba en piments sont des femmes. d’obtenir la certification FSSC 22000 candidats entrepreneurs ne disposent qui risquent de faire capoter les projets (Food Safety System Certification) de son pas souvent des compétences requises des entreprises agroalimentaires en site de production. Cette certification, pour constituer des dossiers de demande manque de capitaux. basée sur les normes ISO et reconnue de subvention ou de prêt, ou suivre des Selon Sheena Raikundalia, en poste par la Global Food Safety Initiative, qui procédures complexes de compte rendu. chez IntelleCap, une société qui crée réunit de nombreux acteurs du secteur, des entreprises sociales et les aide à lui a ouvert des marchés partout dans le Portrait d’un business angel développer leur activité pour attirer des monde. Black Mamba a aussi pu acheter Les business angels, aussi appelés investisseurs, “les business angels afri- des équipements, dont une chambre angels, sont des personnalités aisées qui cains sont généralement des hommes et froide et un entrepôt frigorifique. À investissent dans des start-up dans l’es- femmes d’affaires qui ont réussi et qui l’équilibre en 2016, l’entreprise est poir de tirer profit de leurs actions une souhaitent apporter leur aide en retour. désormais promise à la rentabilité (voir fois les entreprises arrivées à maturité. Ils ne veulent plus faire ponctuellement l’encadré). Ils s’associent parfois à des opérations de des dons de bienfaisance, mais investir Les parcours de Kigali Farms et financement mixte, mais ils ont plutôt dans des entreprises appelées à gran- Black Mamba résument les défis que l’habitude d’investir en leur nom propre. dir et à avoir un impact positif sur la les start-up doivent relever pour atti- Comme les business angels investissent société”. rer des investisseurs et convaincre les leurs propres deniers, ils proposent Idris Bello, qui se décrit comme banques, sans lesquels il est impossible généralement des conditions de finan- un “afropreneur”, a cofondé The de développer leur activité. Ces jeunes cement plus favorables et plus souples Wennovation Hub (lire sur le site de Spore, entreprises doivent souvent faire preuve que la plupart des banques et autres ins- Canaliser les investissements vers l’agrobu- de créativité dans l’utilisation de nou- titutions financières. De plus, ils peuvent siness : https://tinyurl.com/ycrwutj2). veaux mécanismes de financement très bien se passer du processus onéreux Selon lui, les business angels existent de pour composer avec ce que diverses de montage de dossiers et de rapports longue date en Afrique, mais ils avaient institutions leur concèdent. De plus, les qu’exigent les organismes financiers et coutume d’investir dans des secteurs › SPORE 188 | 5
TENDANCES Black Mamba : la start-up qui pimente › moins risqués, comme l’immobilier, le pétrole et l’extraction minière. Depuis l’agrobusiness swazi quelques années, ils commencent à envisager des investissements “d’im- Les sauces chili de la start-up Black Mamba ont beau être vendues en petites pact” ou des investissements “sociaux” bouteilles, elles ont un sacré punch. dans des entreprises du secteur de l’agri- Black Mamba a établi un partenariat commercial avec Guba, une ONG locale qui fait culture durable, de l’énergie verte et des la liaison avec les agriculteurs du secteur. Ce qui prime pour Guba, c’est la sécurité services de base à un prix abordable, alimentaire. Son objectif est donc de faire en sorte que les producteurs cultivent comme l’éducation et la santé. des denrées alimentaires et qu’ils aient aussi une activité rémunératrice. Guba achète directement les récoltes aux producteurs. Black Mamba vérifie la qualité des “Les business angels africains produits avant d’en prendre livraison. Guba forme les agriculteurs à des techniques de production respectueuses de normes de qualité strictes et garde en contrepartie une sont souvent des hommes et des petite partie des récoltes pour financer ses activités. Black Mamba a choisi de travailler avec des produits bio, ce qui implique des prix femmes d’affaires qui ne veulent plus élevés dans toute la chaîne de valeur. Ceci bénéficie aussi aux agriculteurs : le prix de leur production est fixé par un contrat annuel sur la base des prix du marché pas faire des dons de bienfaisance, augmentés d’une marge pour produits bio pouvant aller jusqu’à 30 %. mais investir dans des entreprises Des agriculteurs sont formés à la permaculture, puis font profiter leur communauté de ces techniques. Ils ont aussi pu investir dans des canalisations d’eau et des clôtures. On appelées à grandir et à avoir un compte 21 femmes parmi les 30 agriculteurs du réseau de la start-up. “Nous voulons travailler avec des femmes, car ce sont elles qui paient les frais de scolarité. Elles sont impact positif sur la société.” aussi plus préoccupées par le bien-être de leur famille”, explique Claudia Castellanos, cofondatrice de Black Mamba. Idris Bello a lui-même investi à “Nous voulions être sûrs d’avoir un impact durable sur les communautés avec plusieurs reprises dans l’agriculture, lesquelles nous travaillons avant d’étendre notre réseau à d’autres agriculteurs. Leur notamment en 2016, dans Rashak, une faire gagner 1 dollar de plus par jour n’est pas le seul but recherché : nous voulons raffinerie nigériane d’huile de palme. que Black Mamba soit rentable pour tout le monde”, poursuit Claudia Castellanos. “En plus d’injecter les capitaux requis L’entreprise s’est fixé l’objectif de constituer un réseau de 80 agriculteurs d’ici 2022 pour acheter des équipements et des et a commencé à faire connaître son modèle dans d’autres pays d’Afrique où il serait générateurs, nous transférons des tech- possible d’ouvrir les marchés à de petits agriculteurs qui cultivent des produits à haute nologies et mettons notre expertise de valeur ajoutée. Pour cela, il faut des investisseurs. gestion au service du développement de Claudia Castellanos a rencontré Bo Masole et Zee de Gersigny par l’intermédiaire de la l’activité”, explique-t-il. Rashak travaille plateforme ACRE, une organisation spécialisée dans l’assistance technique et l’appui avec un groupe de 25 petits agriculteurs aux entreprises rurales susceptibles de se développer. Elle compte sur l’aide des deux à qui elle achète leur production pour femmes pour établir un business plan qui séduise des investisseurs. “Pour des business éviter l’intervention d’intermédiaires. angels, Black Mamba illustre bien les investissements d’impact qu’il est possible de Les agriculteurs ont créé une coopé- faire en Afrique”, conclut Zee de Gersigny. rative et ont accès à divers dispositifs, notamment de crédit. L’entreprise a le mérite de créer de l’emploi et d’aider les agriculteurs à stocker leur récolte. tout en ayant un impact social. C’est le Investir dans des entreprises Comme les cultures sont saisonnières, meilleur moyen de les amener à changer de femmes le stockage postrécolte donne aux agri- d’état d’esprit et à abandonner l’idée du Bo Masole et Zee de Gersigny ont créé culteurs la possibilité d’échapper aux ‘soit l’un, soit l’autre’.” en 2016 la société Victus Global Capital bas prix pratiqués à la fin des récoltes Des forums et des plateformes de finan- Ltd (VGC) qui investit dans des entre- et de s’assurer un revenu toute l’année. cement voient le jour partout en Afrique. prises dirigées par des femmes ou dont Pour Rashak, la prochaine étape sera de En 2012, Idris Bello a fondé avec plusieurs l’actionnariat est majoritairement fémi- proposer d’autres avantages aux agricul- associés le Lagos Angels Network (LAN) nin afin de contourner les difficultés que teurs et à leur famille, notamment dans avec le soutien technique du programme les Africaines rencontrent lorsqu’elles le domaine de l’éducation et de la vulga- infoDev. Le réseau LAN a réussi à séduire essaient d’obtenir des capitaux. risation agricole. une génération plus jeune de Lagotiens Bo Masole, qui a une longue expérience désireux d’investir et d’aider des entrepre- dans le secteur de l’agroalimentaire et Relever le défi de la visibilité neurs à lancer leur activité. Il compte plus de la production alimentaire, explique : “Les investissements d’impact im- d’une quarantaine de membres et a donné “Nous pouvons fournir l’expertise pliquent un défi de visibilité à plusieurs lieu à la création de l’Africa Business requise et nous avons aussi des débou- égards”, estime Idris Bello. “Nous devons Angels Network, qui soutient les réseaux chés sur des marchés locaux et régionaux montrer aux investisseurs potentiels, dw’investisseurs à leur création et cherche et des accords avec de nombreux distri- preuves à l’appui, qu’un investissement à intéresser davantage d’investisseurs “aux buteurs.” Elle poursuit : “Les débouchés peut générer un rendement financier possibilités offertes en Afrique”. commerciaux, le renforcement des 6 | SPORE 188
capacités et le financement sont les trois angels. Comme le ratio risque-rentabilité Zuckerberg dans la start-up technolo- piliers du développement des PME. Se des investissements dans des PME est gique nigériane Andela ont montré aux contenter de financer les entreprises assez élevé, combiner financement, investisseurs locaux qu’investir dans des ne suffit pas, car c’est oublier les deux expertise technique et apports garantis start-up était tout à fait sensé. autres piliers. Il faut découvrir comment d’investisseurs institutionnels peut aussi En Afrique de l’Est, rappelle Sheena travailler sur les deux autres piliers avant encourager des business angels réticents Raikundalia, “les business angels sont en d’injecter des capitaux.” à s’aventurer dans les investissements grande partie des expatriés”. Le Somali Pour engranger des résultats, admet sociaux. AgriFood Fund a ainsi recueilli plus de Bo Masole, il faut “comprendre toute la 800 000 euros via la diaspora soma- chaîne de valeur et, donc, aller voir aussi “En plus d’injecter les capitaux lienne (voir Spore, L’agriculture, un marché ce qui se passe du côté des petits agricul- d’avenir pour la diaspora). Les locaux qui teurs”. VGC analyse ainsi la situation des requis pour acheter des s’associent pour investir attirent aussi petits exploitants qui approvisionnent les investisseurs étrangers, car ils les entreprises agroalimentaires, notam- équipements et des générateurs, connaissent les coutumes locales et ment leurs intrants, leurs coûts, la taille peuvent ouvrir des portes. de leur exploitation et leurs moyens de nous transférons des technologies De nouveaux réseaux de business subsistance, pour mesurer les impacts et mettons notre expertise de angels apparaissent dans toute l’Afrique, sociaux. mais leur modèle d’investissement ne Zee de Gersigny a créé en Afrique de gestion au service du suffira pas pour combler le manque de nombreux fonds qui avaient coutume capitaux et de crédits dont souffrent les d’investir dans le secteur de la finance développement de l’activité.” MPME. Les business angels commencent ou de l’immobilier (centres commer- toutefois à s’intéresser aux start-up et ciaux, bureaux, etc.). “Avec Victus, Attirer les investisseurs providentiels aux entreprises de taille intermédiaire. nous espérons créer en deux ans un Faire venir des business angels che- Ils leur permettent d’accéder aux formes fonds d’investissement de 40 millions vronnés de pays plus développés traditionnelles ou mixtes de finance- d’euros qui investira entre 20 000 euros encouragerait des business angels afri- ment une fois bien implantées. Surtout, et 8 millions d’euros dans les entre- cains à suivre leur exemple et à se ils apportent la preuve que cette nou- prises”, s’enorgueillit-elle. Le fonds sera lancer dans les investissements sociaux, velle forme de financement associée à constitué à 80 % par des investisseurs estime Idriss Bello. Ainsi, la visite sur- trois ingrédients cruciaux – le mentorat, institutionnels, surtout d’Afrique du Sud, prise du fondateur de Facebook, Mark la gestion et l’engagement social – ouvre et à 20 % par des particuliers très fortu- Zuckerberg, à Lagos en 2016, et l’in- de nouvelles voies pour transformer nés et leur famille, les fameux business vestissement de la Fondation Chan l’agriculture en Afrique. Le sommet africain des business angels offre l'opportunité aux entrepreneurs d'avoir accès à des investisseurs providentiels en phase de démarrage. © AFRICA BUSINESS ANGELS NETWORK SPORE 188 | 7
PRODUCTION AGRICOLE En 2017, l’ouragan Maria a ravagé le secteur agricole de la Dominique. © TOMÁS AYUSO/WWW.IRINNEWS.ORG STRATÉGIES INTELLIGENTES L’agriculture caribéenne à l’épreuve du changement climatique Après le passage destructeur de l’ouragan Maria, en septembre 2017, la Dominique et Barbuda s’attellent à “reconstruire, mais en mieux” leurs secteurs agricoles afin d’en renforcer la résilience. Natalie Dookie A u lendemain de l’ouragan Maria, agricole”, explique Daniele Barelli, spé- en septembre 2017, la Banque cialiste de la réduction des risques de mondiale, l’Union européenne et 160 MILLIONS D'EUROS catastrophe dans les Caraïbes et point les Nations unies ont évalué à 160 mil- Le montant des pertes agricoles en Dominique focal Urgence à la FAO. “La région doit lions d’euros les pertes dans le secteur après le passage de l’ouragan Maria également procéder à un recensement agricole en Dominique. agricole, le dernier datant de plus de 15 La FAO a d’abord mobilisé 565 000 ans dans la plupart des pays, et recueillir euros à des fins d’intervention d’ur- pêche. Les agriculteurs seront également et gérer des données historiques sur la gence et, en partenariat avec le ministère formés aux techniques de production récurrence des catastrophes naturelles de l’Agriculture et de la Pêche de la agricole climato-intelligentes, à l’accès et sur la production agricole des cinq à Dominique, plus de 4 000 foyers ont reçu aux marchés et à la nutrition. dix dernières années. Cette base de réfé- des intrants agricoles tels que semences, De plus, la FAO a défini, en coordi- rence faciliterait l’évaluation de l’impact plants, réservoirs d’eau, outils, engrais, nation avec le ministère dominicain des catastrophes naturelles et permet- aliments pour animaux et matériel pour de l’Agriculture et de la Pêche, des trait de recommander des mesures de abris d’animaux. Des projets d’urgence domaines prioritaires pour la réhabili- préparation, d’atténuation des risques et ont également été mis sur pied pour tation à long terme du secteur agricole. de relèvement pour soutenir le secteur.” réhabiliter le secteur de la pêche, touché “Le déblaiement des routes et des terres à hauteur de 2,4 millions d’euros, en agricoles reste indispensable pour per- Reconstruire l’île de Barbuda fournissant des filets de pêche, des sys- mettre à de nombreux agriculteurs Le secteur agricole d’Antigua-et-Bar- tèmes de réfrigération et du matériel de du pays de reprendre leur production buda a aussi subi des dommages, estimés 8 | SPORE 188
à 400 000 euros. Avant la catastrophe, SÉCURITÉ ALIMENTAIRE Barbuda avait adopté un “concept d’île verte” qui privilégie les sources d’énergie alternatives, comme le solaire et l’éo- lien, les serres intelligentes, l’agriculture Madagascar vise biologique, la mécanisation, l’utilisation efficace des ressources hydriques et la valorisation des produits agricoles par la l’autosuffisance transformation et le conditionnement. Un modèle de système hydroponique est ainsi en cours d’installation dans la plus en riz en 2020 grande école secondaire de l’île, la Sir McChesney George Secondary School, Le pays a doublé sa production en quelques avec le soutien de l’Institut interaméri- années grâce à l’adoption de nouvelles techniques cain de coopération pour l’agriculture, le Caribbean Agricultural Research and et de semences améliorées. L’île doit devenir le Development Institute et d’autres parte- “grenier de l’océan Indien”. naires. Ce système devrait être 10 à 18 fois plus productif que les méthodes agricoles conventionnelles et fournira au moins Mamy Andriatiana 30 % des produits alimentaires du pro- L gramme alimentaire de l’école. L’initiative permettra aux élèves d’acquérir une es agriculteurs de Madagascar adoptent des variétés améliorées de riz expérience pratique du fonctionnement mieux adaptées au réchauffement climatique. Avec l’utilisation, entre du système et assurera à l’échelon natio- autres, d’une variété népalaise appelée “Tsipolatra” ou “Chromrong Dan”, nal des formations à la construction et au la production de riz du pays est passée de 2,5 tonnes à 4,8 tonnes par hectare fonctionnement de celui-ci. entre 2008 et 2014, d’après la Banque mondiale. Entre 2013 et 2017, les impor- tations ont reculé de 400 000 tonnes à 300 000 tonnes. “À ce rythme, le pays Soutenir le relèvement espère une autosuffisance en riz (5 millions de tonnes) à l’horizon 2020, en Un autre projet de la FAO, mené réduisant de 10 à 20 % ses importations annuelles”, d’après l’ancien ministre de sur l’île de la Grenade, en Jamaïque l’Agriculture Roland Ravatomanga. et à Saint-Vincent-et-les Grenadines, Par ailleurs, un projet d’irrigation et de gestion de l’eau, financé par la Banque évalue actuellement la possibilité de mondiale, a fourni à 6 600 agriculteurs des services de drainage et d’irrigation proposer une assurance contre les améliorés. De même, 2 500 hectares ont pu être cultivés avec des technologies risques agricoles. “Nous avons aussi améliorées. Résultat : le rendement moyen des sites irrigués a plus que doublé, fourni une assistance technique à jusqu’à 5,2 tonnes par hectare. l’élaboration de propositions de pré- Sur les hauts plateaux de l’île, la culture du riz irrigué a fait passer les ren- paration aux risques au Guyana et à dements de 2,5 tonnes à 4,5 tonnes par hectare au terme d’un projet de cinq Saint-Christophe-et-Niévès en vue de ans financé par le gouvernement japonais. Le Projet d’amélioration de la pro- l’accès au Fonds vert pour le climat, ductivité rizicole associe la riziculture intensive avec des fumures organiques qui investit dans le développement à (mélange de bouse de bovins, de pailles de riz et de compost) à l'utilisation de faibles émissions et résilient face au petits matériels agricoles (sarcleuse, batteuse) à la portée des petits paysans. changement climatique”, explique Madagascar fait néanmoins partie des “vingt pays vulnérables” au change- Lystra Fletcher-Paul, coordonnatrice ment climatique et doit composer avec la plus grande fréquence de cyclones sous-régionale de la FAO pour les en Afrique. En 2017, après une © MAMY ANDRIATIANA Caraïbes. “Alors que la plupart des pays sécheresse à l’origine de pertes des Caraïbes ne sont pas de grands émet- agricoles estimées à 166 mil- teurs de gaz à effet de serre, l’impact des lions d’euros, le gouvernement changements climatiques les a touchés a demandé le soutien de la extrêmement durement.” Banque mondiale pour adapter C’est pourquoi la FAO, la CARICOM et son irrigation. Première étape : ses partenaires des Caraïbes élaborent développer de nouveaux une stratégie régionale d’intervention standards pour les systèmes d’urgence ainsi qu’un plan d’action pour d’irrigation, plus résistants le secteur agricole axé sur les principaux aux cyclones, et rendre leur défis de la coordination, des données et application obligatoire. Douze des communications. Objectif : être prêts Sur les hautes terres de Madagascar, un suivi des barrages et canaux d’irrigation avant le début de la prochaine saison des cultures et de nouvelles techniques devraient ont déjà été réhabilités ou mis ouragans, en juin 2018. améliorer les rendements. à niveau dans six régions. SPORE 188 | 9
ENVIRONNEMENT © SOILCARES TECHNOLOGIES De nouvelles applis pour mieux connaître son sol Au Kenya, des applis mobiles et des appareils de détection portatifs fournissent aux agriculteurs des informations sur le sol de leur exploitation. Un plus pour choisir les bonnes cultures. Un appareil manuel d’analyse du sol permet à plus de 2 900 agriculteurs Justus Wanzala de déterminer avec précision les propriétés de leur sol et leurs besoins en nutriments. A u Kenya, des agriculteurs utilisent une application cessé de diminuer. Grâce à l’introduction de ces deux nouvelles mobile qui les aide à déterminer si leur sol est adapté à cultures, les rendements obtenus par Daniel Kobia ont presque diverses cultures. Cette technologie, baptisée LandInfo doublé. “L’économie kényane est basée sur l’agriculture, mais et lancée au Kenya en 2015 par le Réseau d'études sur la nous sommes confrontés à l'insécurité alimentaire. L'adoption politique technologique en Afrique, minimise les pertes liées d'une telle innovation peut réduire la pauvreté et assurer une à une connaissance insuffisante de la composition du sol en alimentation appropriée aux habitants”, s’enthousiasme-t-il. renseignant sur les cultures à privilégier. Par ailleurs, l’appli, Par ailleurs, dans le cadre du projet Scanning for Success de téléchargeable gratuitement sur smartphone, offre des infor- la fondation SoilCares, plus de 2 900 petits exploitants agricoles mations actualisées sur les tendances climatiques, dont la du Kenya ont bénéficié d’une autre technologie qui leur fournit température, les précipitations, la capacité de stockage de l’eau en 10 minutes des informations pratiques sur les sols. Cet appa- et l’aridité du sol reil portatif se connecte à un smartphone via Bluetooth et Le réseau LandInfo, qui collabore avec le dépar- génère un rapport sur l'état du sol et ses besoins en tement américain à l’agriculture (USDA) et le CTA, 2 900 nutriments. Le scanner utilise des capteurs optiques permet aux agriculteurs d’interpréter les données petits agriculteurs proche infrarouge et se connecte à la base de don- dans le contexte des conditions locales et de les kényans ont reçu nées SoilCares Global Soil pour déterminer avec utiliser pour sélectionner les cultures et gérer des appareils précision les propriétés du sol telles que le pH, les l'utilisation des terres. “Cette appli innovante d’analyse des matières organiques et la teneur en NPK (azote, donne aux agriculteurs les moyens de s’adapter au sols phosphore, potassium). Ce dispositif permet aux changement climatique”, affirme Edith Mosop, agri- agriculteurs d'épandre le bon type et les bonnes quan- cultrice et agente de vulgarisation agricole dans le comté tités d’engrais en fonction de la composition du sol, ce qui de Nakuru, dans la vallée du Rift. améliore les rendements, réduit le coût des engrais et limite les Grâce à l’appli, Patrick Ng'ang'a, un agriculteur du comté dommages environnementaux. Le projet propose également de Meru, dans le centre du pays, a pu déterminer le meilleur une formation sur l'échantillonnage et la fertilité des sols, ainsi moment pour planter et obtenir de bonnes récoltes pendant la que l'utilisation d'engrais. “Nous sommes convaincus que, petite et la grande saison des pluies. “J’ai pu me baser sur des pour combler le déficit alimentaire, il faut d’abord remédier prévisions météorologiques précises pour sélectionner chaque aux manques de connaissances”, explique Christy van Beek, année les cultures idéales pour ces deux saisons.” directrice de la fondation SoilCares. “C'est pourquoi nous Daniel Kobia, lui aussi agriculteur dans le comté de Meru, avons développé une série de supports d’information [sous a bénéficié d’une formation à l’utilisation de l’application en forme de brochures] sur l'analyse et l’échantillonnage des sols, 2016. LandInfo lui a permis d’identifier le sorgho et le mil l’application d’engrais, la fertilité des sols et les connaissances comme des cultures idéales pour son exploitation de 2 hec- de base en science des sols. Nous espérons que ces documents tares. Ces deux céréales remplacent avantageusement la renforceront la capacité de nos partenaires et les aideront à culture du maïs et des haricots, dont les rendements n’avaient partager l'information avec les agriculteurs.” 10 | SPORE 188
ÉNERGIE RENOUVELABLE Un serment Quand le soleil fait sur les passeports La politique du paradis tourner les pompes à eau insulaire des Palaos Au Mozambique et au Rwanda, dans les zones de LES PALAOS, dans l’océan Pacifique, ont lancé une politique d’immigration unique sécheresse et d’inondations, des systèmes d'irrigation en imposant aux visiteurs de faire le alimentés par l’énergie solaire réduisent l'utilisation de serment de “préserver et protéger (…) ce magnifique archipel”, pour les jeunes combustibles fossiles. générations du pays. Cette politique a été introduite en décembre 2017 et, Rita Vaz da Silva et Aimable Twahirwa dans les deux semaines qui ont suivi, le serment des Palaos avait déjà été signé A par 6 000 visiteurs et tamponné sur leur u Mozambique et au Rwanda, des d'eau.” Près de deux ans après la fin de passeport. pompes solaires permettant une ce projet, “plus de 10 000 habitants ont Depuis 1993, le niveau de la mer au irrigation durable changent peu encore facilement accès à l’eau, même en large de l’archipel augmente chaque à peu la vie de petits agriculteurs. Au période de sécheresse”. année de 9 mm. Le tourisme est accusé Rwanda, cette technologie est utilisée Ce projet à faible intensité de car- d’avoir abîmé les plages et endommagé dans les savanes et les zones maréca- bone permet de ne plus utiliser de les récifs coralliens du pays. Cette geuses de l'est du pays, en proie à des combustibles fossiles pour pomper l’eau mesure récente s’inscrit dans le cadre sécheresses récurrentes. Au Mozambique, et encourage une agriculture de conser- du programme du président Thomas ces systèmes fournissent à neuf commu- vation climato-intelligente – plantation de Remengesau visant à stopper “notre nautés, victimes de sécheresses graves et cultures résistantes à la sécheresse, créa- réchauffement planétaire apocalyptique”. prolongées et de crues soudaines, de l’eau tion de pépinières horticoles et utilisation propre à la consommation humaine mais de nouvelles techniques de transformation aussi pour l’agriculture et l’irrigation. agricole. De nouvelles activités devraient Plan°C est une initiative internatio- être lancées tout au long de l'année 2018. nale qui vise à atténuer les changements Douze autres communautés, choisies par Biomasse climatiques au Cap-Vert, à São Tomé et le gouvernement mozambicain, devraient Príncipe et au Mozambique. Le projet bénéficier de cette initiative jusqu'en 2020. L’énergie des déchets PACA (Plan d’action pour l’adaptation des Au Rwanda, une initiative pilote d’irri- communautés), qui a été mis en œuvre gation solaire et durable, mise en œuvre AU KENYA, des unités de centrales au Mozambique entre 2013 et 2016, a “mis depuis novembre 2017 par le Conseil électriques mobiles sont alimentées par à l’abri des changements climatiques” les rwandais de l’agriculture et la FAO, couvre des coquilles de noix de macadamia, communautés bénéficiaires, auparavant 1 300 hectares de zones marécageuses et des épis de maïs, des coques de café, vulnérables, selon Inês Mourão, coor- bénéficie à plus de 580 agriculteurs. Une de la bagasse et des résidus de culture. dinatrice générale du projet. “L'eau est partie de l'énergie excédentaire générée Avec 18 kg de coquilles de noix de pompée d'une rivière ou d'un petit ruis- par les pompes est transférée au réseau macadamia ou 32 kg d’épis de maïs, les seau voisin et alimente des citernes, des national et utilisée pour l’éclairage des unités de biomasse peuvent produire abreuvoirs et des réservoirs de stockage maisons et des écoles de la région. jusqu’à 10 kW d’électricité et 40 kW Gerard Munyeshuri Gatete, qui cultive d’énergie thermique par heure. Dans le © INÊS MOURÃO/CAOS des haricots dans le district de Nyagatare, comté de Muranga, une coopérative irrigue son exploitation de 8 hectares de productrices de mangues profite de avec une pompe solaire qui puise l'eau ces installations pour sécher ses fruits à 60 mètres de profondeur pendant les en atténuant la détérioration due au périodes de sécheresse ; 163 000 euros séchage au soleil : la vapeur surchauffée ont été alloués à l’achat subventionné produite par la centrale transforme de pompes pour les agriculteurs. Gerard 300 kg de mangues fraîches en 20 kg de Gatete et sa famille ont payé 25 % du coût mangues séchées en 6 heures, contre de cette technologie qui pompe environ 48 heures pour le séchage au soleil. 3,5 m³ d'eau par heure. Auparavant, “le Selon Village Industrial Power, la start-up rendement était d’environ 1 tonne de hari- américaine qui a conçu ces unités, les L’irrigation solaire a fourni un accès à l’eau cots par hectare, mais aujourd'hui nous agriculteurs pourraient ainsi multiplier par à plus de 10 000 personnes au Mozambique. récoltons presque le double”. dix la valeur de leurs récoltes. SPORE 188 | 11
RECHERCHE variétés communes de haricots. “Ces HARICOTS BIOFORTIFIÉS variétés de haricots ont été mises au point de façon conventionnelle sur de Des “super-semences” nombreuses années, en combinant des sources de fer de la banque de gènes du CIAT avec du matériel génétique adapté pour les réfugiés localement”, explique le Dr Wolfgang Pfeiffer, directeur général du dévelop- pement de produits du programme en Ouganda HarvestPlus, basé au siège du CIAT, en Colombie. “Le processus permettant de trouver les variétés les plus riches en fer, puis de s’assurer qu’elles résistent aux De nouvelles variétés de haricots, créées pour résister au conditions rigoureuses de notre envi- changement climatique, renforcent la sécurité alimentaire ronnement, comme la sécheresse, est relativement long.” des petits agriculteurs et des réfugiés sud-soudanais Selon les estimations, l’Ouganda en Ouganda. accueille 1,4 million de réfugiés, pour la plupart originaires du Soudan du Sud. Le pays fournit à ces réfugiés des terres où ils peuvent vivre et cultiver, favori- Sophie Reeve sant ainsi leur autosuffisance. En 2017, la FAO a chargé un grand producteur E commercial de fournir aux camps de n Ouganda, des variétés de haricots Seize variétés différentes ont d’abord réfugiés 21 tonnes de nouvelles varié- à haut rendement et résistantes à été évaluées en fonction de leur ren- tés de semences avec un rendement la sécheresse et aux maladies per- dement potentiel, de leur capacité jusqu’à trois fois supérieur à celui des mettent à des petits agriculteurs et à plus à accumuler les micronutriments et variétés locales. “Au lieu d’acheter des d’un million de réfugiés sud-soudanais des préférences des cultivateurs. Cinq suppléments coûteux, les communautés d’accroître leur production et de nourrir variétés – trois à croissance buisson- peuvent désormais acquérir et cultiver leur famille. nante et deux à croissance grimpante ces variétés de haricots afin d’améliorer Les semences résistantes “NAROBEANS” – ont répondu à tous les critères. Elles la nutrition et de réduire l’anémie, en ont été mises au point par l’Alliance ont ensuite été testées dans six régions sachant qu’elles obtiendront une récolte panafricaine de recherche sur le agroécologiques d’Ouganda, avant d’être malgré la sécheresse”, explique Stanley haricot, l’Organisation nationale de sélectionnées et distribuées. Nkalubo, chef d’équipe et semencier à recherche agricole et d’autres parte- Une large partie de ces semences l’Institut national ougandais de recherche naires internationaux, afin de lutter proviennent de la banque de gènes sur les ressources agronomiques. contre la malnutrition et l’anémie dans du Centre international d’agriculture Les “super”-haricots sont prisés pour le pays. tropicale (CIAT), qui héberge 37 000 leur cuisson rapide, leur goût supérieur et leurs qualités de résilience climatique. De plus, les cultivateurs ougandais enre- gistrent un bénéfice de 0,28 à 0,6 €/kg (1 200 à 2 500 UGX/kg) en les vendant aux négociants. “Sur un demi-hectare, on obtient presque 250 kg, contre 40, 50 ou 70 kg avec les variétés locales”, se réjouit Charles Latiego, cultivateur dans le district de Gulu. “De plus, les nou- velles variétés sont très faciles à cuire et permettent de ne pas gaspiller trop de carburant.” Des entreprises semencières comme Pearl Seeds Limited commencent à pro- © GEORGINA SMITH/CIAT duire les variétés NAROBEANS. “En une saison, nous vendons 250 à 300 tonnes de haricots. Il y a tant de demande que nous fonctionnons selon le principe du premier arrivé, premier servi”, indique En Ouganda, les consommateurs apprécient les NAROBEANS pour leur cuisson rapide, Richard Masagazi, directeur général de leur goût supérieur et leurs qualités de résilience face au climat. Pearl Seeds Limited. 12 | SPORE 188
Génétique NOUVELLE TECHNOLOGIE Vaincre la rouille noire Mobilisation contre EN SÉQUENÇANT le génome de l’agent pathogène responsable le légionnaire d’automne de la rouille noire, des chercheurs australiens ont identifié des indices Alors que le papillon invasif continue d’infliger des dégâts génétiques qui indiquent si ce considérables aux exploitations agricoles africaines, de champignon peut ou non vaincre les gènes résistant à la rouille des nouvelles stratégies visant à en limiter la propagation et à cultures qu’il touche. La rouille noire en combattre les effets obtiennent des résultats. est l’un des agents pathogènes les plus néfastes pour les cultures © CABI de céréales, surtout pour le blé. Benson Rioba et Alex Miller Cependant, l’identification du signe L génomique qui indique la résistance au Sr50 – un gène résistant à la a technologie de répulsion- rouille introduit dans des variétés attraction (“push-pull”) est déployée de blé – rend possibles des tests en Afrique pour combattre le ADN rapides sur des échantillons légionnaire d’automne, un espèce enva- infectés. Ainsi l’on saura s’il faut hissante originaire d’Amérique du Sud pulvériser des fongicides coûteux ou qui a gagné 43 pays. Quelque 35 millions si la rouille noire sera vaincue par les d’hectares de champs de maïs sont infec- gènes résistants. tés ou risquent de l’être. Le légionnaire d’automne, dont les larves dévorent les plants en quelques jours, peut parcourir 100 km en une nuit et pondre 1 000 œufs en 10 jours. Riz sauvage Cependant, des techniques de lutte 140 000 agriculteurs africains ont adopté la contre le papillon sont prometteuses : technologie “push-pull” pour protéger leurs Comparer l’introduction de végétaux autour cultures contre le légionnaire d’automne. des champs pour les attirer hors des les génomes cultures, ainsi que l’intercalage de “La technologie push-pull s’avère être plantes répulsives dans les cultures l’une des méthodes les plus fiables car L’INTERNATIONAL RICE RESEARCH pour les éloigner ou les repousser. elle repose sur des techniques natu- INSTITUTE (IRRI) a séquencé le Desmodium intortum, ou “herbe à élé- relles”, affirme le Dr Saliou Niassy, du génome de sept variétés de riz phant”, est un répulsif efficace qui Centre international de physiologie sauvage. Publiée dans Nature permet de piéger les œufs du légion- et d'écologie des insectes. En Afrique, Genetics, cette étude présente des naire d’automne. 140 000 agriculteurs ont déjà adopté ressources génétiques qui comparent Mary-Lucy Oronje, chercheuse cette technologie et 150 000 autres ont le génome des variétés sauvages agricole au Centre for Agriculture été formés à utiliser correctement les et de deux variétés cultivées et qui and Bioscience International (CABI), semences concernées. livrent des informations sur les gènes reconnaît qu’il n’est toutefois pas facile Le CABI a lancé un nouveau projet de utilisés par les plantes pour résister d’acheminer les semences des végé- lutte contre le légionnaire d’automne, aux parasites, prospérer dans des taux répulsifs jusqu’aux agriculteurs. basé sur une triple approche de défense, environnements hostiles et produire Par ailleurs, des variétés de semences détection et défaite. La technologie d’abondantes quantités de grain. Le adaptées au climat sont nécessaires push-pull constitue le volet “défaite” riz représentant 20 % des calories pour permettre aux plantes de survivre de cette stratégie et peut, selon Trevor consommées par jour dans le monde, dans des environnements plus arides. Nicholls, PDG de CABI, “offrir une pro- cette avancée permettra d’intensifier Néanmoins, les agriculteurs qui ont tection à long terme” et aider à reprendre les efforts pour développer de introduit la technologie au Kenya, en le contrôle des cultures. nouvelles variétés pouvant “améliorer Tanzanie et en Ouganda font état d’une les cultures en les dotant des réduction de 86 % des dommages et Pour plus d’informations, découvrez caractéristiques privilégiées par les d’une baisse de 82,7 % en moyenne du le guide technique : Fall Armyworm in Africa: agriculteurs et les consommateurs”, nombre de larves de légionnaire d’au- A Guide for Integrated Pest Management indique Ruaraidh Hamilton, de l’IRRI. tomne par plant. (en anglais) - https://tinyurl.com/y9jw9poy SPORE 188 | 13
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