UNE APPROCHE PLUS COMMERCIALE - Coopératives nouvelle génération Le développement agricole et agroalimentaire analysé et déchiffré - CGSpace
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JEUNES INTERVIEW CACAO Une nouvelle énergie Reeta Roy : les jeunes, moteurs Une culture rentable pour l’agriculture africaine de la transition agricole africaine pour les producteurs malgaches N°184 | Mars – Mai 2017 spore.cta.int Coopératives nouvelle génération UNE APPROCHE PLUS COMMERCIALE Le développement agricole et agroalimentaire analysé et déchiffré
Données Probantes et Dialogue pour de meilleurs résultats en Agriculture et en Sécurité Alimentaire Le Panel Malabo Montpellier est constitué par un groupe d’experts agricoles internationaux qui orientent les choix des politiques visant à accélérer le progrès vers la sécurité alimentaire et nutritionnelle en Afrique. Le Panel est conjointement établi par le Bureau Afrique de l’Ouest et du Centre de l’Institut International de Recherche sur les Politiques Alimentaires, l’Université de Bonn et l’Imperial College de Londres. Dr Ousmane Badiane Dr Karim El Aynaoui Co-Président OCP Policy Center Institut International de Recherche sur les Politiques Alimentaires Professeur Lisa Sennerby Forsse Académie Royale de l’Agriculture et de la Professeur Joachim von Braun Sylviculture de Suède Co-Président Centre de Recherche pour le Développement Professeur Sheryl Hendriks (ZEF), Université de Bonn Université de Pretoria Dr Adebisi Araba Professeur Muhammadou Kah Centre International pour l’Agriculture Université ADA de Baku Tropicale Dr Agnes Kalibata Tom Arnold Alliance pour une Révolution Verte en Institut des Affaires Internationales et Afrique Européennes Dr Wanjiru Kamau-Rutenberg Professeur Noble Banadda Femmes Africaines dans la Recherche Université de Makerere Agricole et le Développement Dr Patrick Caron Nachilala Nkombo Groupe d’Experts de Haut Niveau sur la ONE Campaign Sécurité Alimentaire des Nations Unies Ishmael Sunga Sir Gordon Conway Confédération Sud-Africaine des Imperial College de Londres Syndicats Agricoles Professeur Gebisa Ejeta H.E. Tumusiime Rhoda Peace Université de Purdue Ancien Commissaire de l’Union Africaine www.mamopanel.org @MamoPanel MamoPanel
SOMMAIRE ÉDITORIAL N°184 Promouvoir les jeunes TENDANCES 4 | Jeunes : une nouvelle énergie pour l’agriculture africaine entrepreneurs en agriculture PRODUCTION AGRICOLE Michael Hailu, directeur du CTA 8 | Exploiter le manioc 9 | Culture in vitro en Jamaïque Pour rendre l’agriculture plus productive, profitable et durable, il est indispensable d’attirer des jeunes ENVIRONNEMENT 10 | Jacinthe d’eau : talentueux vers le secteur et de tirer parti de leurs aubaine environnementale énergie et innovations. Avec 70 % de jeunes Africains 11 | Les serres en bambou ont la cote vivant dans des zones rurales et plus de 50 % de la population des pays ACP âgée de moins de 30 ans, il est crucial que RECHERCHE davantage de jeunes s’engagent partout dans les chaînes de valeur 12 | Insectes, alimentation animale agricoles pour faire face aux enjeux socio-économiques du continent. du futur ? 13 | Riz : partenariat afro-coréen Les efforts du CTA doivent donc dans une large mesure s’attacher à appuyer et promouvoir l’entreprenariat des jeunes dans l’agriculture. NUTRITION ET SANTÉ Le chômage des jeunes, qui sont chaque année 10 à 12 millions 14 | Améliorer la qualité et à entrer sur le marché du travail africain, est un défi majeur que la consommation du lait au Rwanda l’agriculture pourrait relever. Celle-ci est de plus en plus perçue comme 15 | WHYFARM : les plus jeunes un secteur offrant un avenir prometteur aux jeunes des pays ACP et une pour la sécurité alimentaire voie pour stimuler la croissance rurale. Dans l’interview de ce numéro de Spore, Reeta Roy, présidente et directrice générale de la MasterCard ÉCONOMIE BLEUE 16 | Des satellites contre la pêche illicite Foundation, souligne à quel point il est important d’aider la jeunesse 17 | Aide aux pêcheurs somaliens africaine à transformer le secteur agricole du continent. Les agro-entreprises et l’entreprenariat présentent un fort potentiel INTERVIEW pour augmenter les opportunités d’emploi des jeunes et réduire la 18 | Reeta Roy : les jeunes, moteurs migration campagnes-villes. L’analyse et les reportages de la rubrique de la transition agricole africaine Dossier mettent en avant des coopératives de nouvelle génération plus axées sur l’agroalimentaire et plus attrayantes pour les jeunes entrepreneurs. 21 | Dossier Parallèlement, les TIC contribuent à moderniser l’agriculture, améliorer l’efficacité des chaînes de valeur, offrir de nouvelles COOPÉRATIVES NOUVELLE GÉNÉRATION Une approche plus commerciale opportunités d’emploi et attirer plus de jeunes vers le secteur. Les jeunes agriculteurs qui mettent leurs outils et compétences en TIC au service de leurs entreprises agricoles ont généralement de meilleurs rendements, 33 | Économie revenus et statuts sociaux. Il est ainsi vital de faciliter l’accès aux TIC et d’améliorer la connectivité haut débit en milieu rural pour attirer les jeunes entrepreneurs vers l’agriculture. Ces efforts doivent 34 | CHAÎNES DE VALEUR s’accompagner d’un renforcement accru des capacités d’utilisation des Chaîne du froid : renforcer le maillon faible TIC, adapté au développement des agro-entreprises. Le CTA appuie plusieurs initiatives visant à distinguer et encourager des jeunes 36 | COMMERCE et start-ups qui innovent dans les TIC dans tous les pays ACP, pour Pacifique : bio à l’horizon qu’ils puissent développer des services viables au bénéfice du secteur agroalimentaire. 38 | BUSINESS J’ai été ravi de participer au Sommet Young Africa Works à Kigali, Cacao caribéen : de la fève à la tablette au Rwanda, en février 2017 et de constater l’enthousiasme et l’énergie des jeunes entrepreneurs participant à la conférence. Nombre d’entre 39 | FINANCE eux ont reçu l’aide du CTA pour transformer leurs idées en entreprises Partager les risques : prospères et nous avons le plaisir, dans ce numéro de Spore, de mettre en un objectif difficile pour 2017 lumière quelques-unes de ces réussites. 40 | PUBLICATIONS Photo de couverture : © Joerg Boethling/Alamy Stock Photo SPORE 184 | 3
TENDANCES A G R I C U LT U R E A F R I C A I N E Les jeunes, moteurs de la transformation L’Afrique a la population la plus jeune du monde. Cette jeune main-d’œuvre pourrait stimuler l’innovation en agriculture et la transformer, mais 72 % des jeunes Africains vivent avec moins de 1,85 € par jour. Olivia Frost et Pius Sawa C haque année, 11 millions de Lors du Sommet, les jeunes ont pu – ainsi que des données satellitaires jeunes Africains entrent sur le échanger sur leurs réussites en matière et météorologiques et les chiffres du marché du travail, mais ils sont d’emploi, de sécurité alimentaire, de marché – pour évaluer la solvabilité et nombreux à ne pas trouver d’emploi. valeur ajoutée et aussi de lutte contre le recommander des prêts aux institutions Le continent est confronté à une double changement climatique. financières. La cofondatrice Rita Kimani crise du travail : le manque d’emplois déclare : “Notre modèle consiste à aider pour la jeunesse et l’augmentation du Déverrouiller l’agrofinance les institutions financières à évaluer les nombre de jeunes cherchant du travail. L’une des plus grandes difficultés pour risques, ainsi que la capacité et la volonté L’agriculture, plus important secteur les jeunes est d’accéder aux finance- des agriculteurs de rembourser leurs d’emploi en Afrique, offre toutefois des ments ; les jeunes entrepreneurs ont emprunts, tout en veillant à ce que les opportunités en termes d’emploi et de besoin de nouvelles ressources pour produits proposés par les banques leur prospérité économique. faire croître leurs projets. Selon Brian conviennent.” Plus de 3 000 agriculteurs “Le secteur agricole devrait créer Bosire, fondateur de UjuziKilimo, qui kényans collaborent actuellement avec 8 millions d’emplois stables d’ici 2020 et offre des informations agricoles précises FarmDrive, qui a appuyé pour 125 000 € jusqu’à 14 millions si son développement aux petits agriculteurs, “les jeunes ne de prêts en 2016. est accéléré”, explique Ann Miles, direc- peuvent offrir les garanties nécessaires, trice des programmes, de l’inclusion j’espère voir les banques proposer de La transformation par la technologie financière et des moyens de subsistance meilleurs modèles pour financer les Les jeunes compétents sur le plan des jeunes à la MasterCard Foundation, activités des jeunes”. numérique sont encouragés à intégrer qui a hébergé le second Sommet Young Bien que l’agriculture emploie 65 % la technologie dans l’agriculture et la Africa Works à Kigali, Rwanda, les 16 et de la population africaine et représente moderniser. Au Kenya, 90 % des jeunes 17 février 2017. “L’agriculture doit être 32 % du PIB, moins de 1% des prêts utilisent leurs téléphones portables dans une des priorités des plans de dévelop- bancaires sont consacrés à ce secteur. leurs pratiques agricoles. Les jeunes pement pour le continent si l’on veut Sans accès au crédit, les jeunes sont qui travaillent au très innovant iHub du assurer un avenir prospère aux jeunes incapables d’acheter des intrants de Kenya, un espace permettant de créer et Africains.” qualité ou d’investir pour accroître pro- partager des idées dans la communauté Pour se développer, le secteur agricole duction et rendements. Il existe toutefois technologique, sont devenus grâce aux doit utiliser davantage les outils, tech- une entreprise, FarmDrive, qui aide les TIC moteurs du développement tech- nologies et pratiques modernes afin de jeunes à accéder au crédit en utilisant nologique. Les deux principales innova- promouvoir l’entreprenariat des jeunes. des informations sur les agriculteurs tions d’iHub sont M-Farm – qui indique 4 | SPORE 184
© IDRIS ADENIYI/IITA La production agricole est primordiale Accéder à une information vitale pour les revenus des jeunes en Afrique. les prix du marché aux producteurs (par le biais d’applications ou de SMS) et les Farmerline, une entreprise sociale qui développe des plateformes web et applications met en relation avec des acheteurs – et mobiles sur des données agricoles, est une jeune équipe d’entrepreneurs en pleine iCow, qui offre aux éleveurs des infor- croissance basée au Ghana. L’entreprise envoie des SMS et messages vocaux sur mations adaptées, dont les prix du bétail divers sujets, prévisions météorologiques, prix des marchés, nouvelles techniques et les soins vétérinaires. agricoles, applications de produits agrochimiques et financements, aux agriculteurs et UjuziKilimo utilise aussi la message- pêcheurs, dans leur langue locale. rie SMS interactive pour relier les agri- Alloysius Attah et Emmanuel Owusu Addai, deux diplômés de l’Université des sciences culteurs entre eux, et des capteurs pour et technologies Kwame Nkrumah, ont créé Farmerline lorsqu’ils ont reçu en 2012 un prix saisir les données pédologiques et agri- de 560 € au concours Mobile Web Ghana Apps Competition, organisé par la Fondation coles afin de leur envoyer des conseils en World Wide Web. Alloysius a souligné, au Sommet Young Africa Works, que “la vision temps réel sur les engrais nécessaires, la de l’entreprise est d’apporter des informations permettant l’autonomisation des lutte contre les ravageurs, les marchés, agriculteurs des zones les moins connectées du Ghana”. Depuis sa création en 2013, etc. Cette entreprise n’emploie que des Farmerline a bénéficié de l’appui d’initiatives du CTA comme Apps4Ag et Top 20 des jeunes : “Personne n’a plus de 30 ans, ma innovations, ce qui a l’aidée à atteindre plus de 200 000 petits producteurs africains. conviction est que les jeunes apportent des compétences diverses et beaucoup de nouvelles idées”, souligne Brian Bosire. Pour soutenir les innovations des entrepreneurs et soutenu la création de concours, qui permet d’obtenir des sub- jeunes en matière de TIC et leur esprit produits et start-ups dans le domaine des ventions et des investissements pour d’entreprise, le CTA a lancé en 2013 le TIC, comme FarmDrive. Pitch AgriHack ! élargir les services offerts. En 2016, Programme AgriHack Talent, qui a impli- est un nouvel élément du programme 152 start-ups ont participé au projet pilote qué plus de 600 jeunes innovateurs et – une formation intensive suivie d’un Pitch AgriHack !, dont UjuziKilimo. Surmonter les obstacles “Nous avons constaté que le nombre de jeunes activement Selon une analyse récente des obs- tacles sexospécifiques influant sur les impliqués dans des entreprises génératrices de valeur ajoutée moyens de subsistance des jeunes, augmentait et que la majorité (plus de 70 %) étaient des femmes.” réalisée par le think tank britannique Overseas Development Institute (ODI), › SPORE 184 | 5
TENDANCES › l’une des principales difficultés limi- tant la réussite des jeunes femmes “Il faut transmettre des méthodes de culture respectueuses de agripreneurs est l’inégalité d’accès aux l’environnement et réduisant les émissions de carbone à la prochaine ressources indispensables, terres, finan- cements et services d’information. Alesia génération pour qu’elle devienne agent du changement dans son Ofori Dedaa, diplômée de la MasterCard Foundation, pense que les efforts natio- environnement et améliore ses moyens de subsistance.” naux pour atteindre les objectifs de développement durable permettront croissance à faible intensité en carbone et fondatrice de Sustainable Agriculture de surmonter ces obstacles. Elle a ainsi sont nombreux à s’associer aux dialogues Tanzania (SAT). “Il faut transmettre des notamment “constaté que le nombre de nationaux et mondiaux cherchant des méthodes de culture respectueuses de jeunes activement impliqués dans des solutions, à s’impliquer et agir”, explique l’environnement et réduisant les émis- entreprises génératrices de valeur ajou- Sithembile Ndema Mwamakamba, direc- sions de carbone à la prochaine généra- tée augmentait et que la majorité (plus teur des programmes sur l’agriculture tion pour qu’elles deviennent les agents de 70 %) étaient des femmes”. climato-intelligente du Réseau pour du changement dans leur environnement “La transformation de l’agriculture l’analyse des politiques sur l’alimenta- et améliorent leurs moyens de subsis- africaine permet une émancipation des tion, l’agriculture et les ressources natu- tance.” SAT est un réseau de formation femmes et des jeunes”, souligne Pilirani relles (FANRPAN). agricole qui a autonomisé presque 1 Khoza, fondatrice de la Bunda Female Selon S. N. Mwamakamba, la créa- 000 jeunes depuis 2011 et travaille actuel- Students Organisation (BUFESO), qui aide tivité des jeunes est précieuse pour la lement avec 33 groupes de jeunes dans les étudiants défavorisés à l’Université recherche de solutions innovantes au tout le pays. Les groupes reçoivent des d’agriculture et des ressources naturelles changement climatique. Au Ghana, par formations en agriculture écologique et/ de Lilongwe, au Malawi. Préoccupée par le exemple, des jeunes ont fabriqué des ou élevage de volaille, ainsi qu’en trans- manque de femmes dans l’enseignement cadres de bicyclettes en bambou, sou- formation et valorisation des aliments, en supérieur, elle a créé la BUFESO pour vent primés : les émissions de dioxyde compétences commerciales et en déve- donner aux jeunes femmes les moyens de carbone sont réduites de 70 % et loppement de l’esprit d’entreprise. “Ces de poursuivre des études scientifiques et l’initiative contribue à réhabiliter les activités extra-agricoles sont très lucra- agricoles en finançant partiellement leurs forêts locales. La Bamboo Bike Academy, tives pour les jeunes”, confirme Janet frais de scolarité et autres charges. Elle a hébergée par la Bamboo Bike Initiative, Maro. également créé un Programme étudiants propose aussi des cours sur la fabri- diplômés-agricultrices sur le changement cation et la mécanique des bicyclettes Engager le secteur privé climatique qui associe des exploitantes pour donner aux jeunes et aux femmes Le secteur privé joue un rôle essen- agricoles à des diplômés pendant un mois les moyens de créer leurs propres petites tiel pour inciter les jeunes à travailler et leur permet de se former à l’utilisation entreprises. dans l’agriculture. Selon le Dr Eleni de technologies climato-intelligentes. “L’enthousiasme et l’énergie de la Gabre-Madhin, directrice générale et “Les jeunes sont de plus en plus jeunesse sont au cœur de l’élaboration fondatrice de la première pépinière et conscients des difficultés et opportunités de mesures d’atténuation du change- plateforme pour les jeunes agripre- liées à la nécessaire transition vers une ment climatique”, explique Janet Maro, neurs en Éthiopie, blueMoon, 90 % des Les jeunes ouverts au numérique sont prêts à intégrer la technologie dans leurs pratiques agricoles. © JAKE LYELL/ALAMY STOCK PHOTO 6 | SPORE 184
emplois sont créés par le secteur privé Résorber le chômage des jeunes en Afrique. Dans le cadre de son pro- gramme de pépinières d’entreprises de Grace Wanere a été la première finaliste © ILLUME FOR THE MASTERCARD FOUNDATION quatre mois, blueMoon met en relation du concours du meilleur blog sur de nouvelles agro-entreprises inno- les jeunes et l’agriculture (YoBloCo), vantes et des hauts dirigeants et chefs qui vise à sensibiliser la jeunesse et d’entreprises du secteur privé éthiopien. améliorer ses capacités en matière de “Nous devons encourager les jeunes à développement agricole et rural dans voir grand et à créer des entreprises évo- les pays ACP. “À la demande générale, lutives qui puissent absorber les millions nous avons commencé à proposer de jeunes entrant chaque année sur le des formations entre agriculteurs aux marché du travail”, précise-t-elle. gens qui voulaient en savoir plus sur les En Ouganda, KadAfrica, une entre- entreprises agroalimentaires décrites sur le blog”, explique-t-elle. L’initiative Youth prise de transformation du fruit de la Agro-Environmental, qu’elle a fondée, développe des livres électroniques sur diverses passion, utilise la culture fruitière pour entreprises et a reçu en 2013 un prix de l’innovation de Google pour ses efforts dans aider les filles de 14 à 20 ans ayant aban- le secteur agricole. donné l’école à devenir des moteurs Grace Wanere a pour ambition de voir l’agriculture traditionnelle de subsistance se économiques dans leurs communau- transformer en agrobusiness. Son organisation axée sur les communautés cible tés. L’entreprise achète 100 % des fruits essentiellement les jeunes chômeurs kényans. “L’avenir de notre économie est entre qu’elles produisent au prix du marché les mains de la jeunesse”, souligne‑t-elle. “Sans l’énergie, l’innovation et la passion et les revend au secteur privé ; elle traite des jeunes, l’industrie agricole est condamnée.” L’initiative a déjà touché plus de avec 20 acheteurs locaux réguliers et 1 000 jeunes entre 18 et 35 ans, dont la plupart ont participé à la formation entre deux compagnies d’exportation basées à agriculteurs sur l’agrobusiness. Kampala. Plus de 1 600 jeunes filles ont jusqu’à présent participé au programme de six mois qui porte sur des formations pratiques, l’accès à la terre, les semences de la jeunesse. “L’adoption et la mise en Restless Development, affirme toute- de qualité, les intrants agricoles, l’ap- vigueur de la Charte africaine de la jeu- fois que l’écart entre jeunes et décideurs pui technique, l’esprit d’entreprise, etc. nesse représentent une étape importante doit encore être comblé pour permettre La culture de ce fruit leur rapporte en puisque les pays africains s’engagent aux jeunes de participer pleinement à moyenne 66 € par mois. “À la fin du à mettre en œuvre des politiques glo- l’élaboration des politiques. “Il est grand programme, elles peuvent retourner à bales et intersectorielles pour les jeunes, temps que les décideurs cessent de nous l’école, créer leur propre entreprise ou avec leur participation active”, explique considérer comme des bénéficiaires”, cultiver le fruit de la passion. La forma- S. N. Mwamakamba. a-t-il déclaré au Sommet Young Africa tion les aide à gérer et investir”, affirme Les organismes régionaux s’intéres- Works de 2017. “Pensez à nous comme Eric Kaduru, fondateur et directeur géné- sant aussi toujours plus aux politiques des participants à la réflexion sur les ral de KadAfrica. pour la jeunesse, la plupart des pays politiques, à leur conception et à leur africains s’efforcent de faire participer mise en œuvre.” S. N. Mwamakamba Mise en œuvre des politiques les jeunes aux processus politiques et convient que “les stratégies d’incitation Au cours des dix dernières années, les décisionnels. Au Ghana, la politique de la politique agricole actuelle doivent décideurs africains ont adopté un vaste nationale pour la jeunesse a pour princi- être ajustées pour favoriser le dévelop- éventail de politiques pour aider les pal objectif de promouvoir l’engagement pement et l’engagement de la jeunesse jeunes. En 2006, les États membres de des jeunes dans l’agriculture moderne. dans l’agriculture, non pour les découra- l’Union africaine (UA) ont mis en œuvre Une des clés de cette politique est le ger. Les pays africains ont besoin d’ins- le premier projet africain de politiques programme des jeunes dans l’agriculture truments stratégiques visant à changer nationales efficaces pour la jeunesse. (YIAP), qui leur permet d’acquérir des la perception de l’engagement des La Charte africaine de la jeunesse, qui tracteurs, semences, engrais, produits jeunes dans l’agriculture, notamment reconnaît que les jeunes sont des par- agrochimiques, moissonneuses et ser- par la formation supérieure”. tenaires et représentent une condition vices commerciaux avec des prêts sans Pour se développer, le secteur agricole essentielle du développement durable, intérêt. Les jeunes participants reçoivent doit faire appel à des outils, technologies a été signée par 42 États membres et aussi des formations et équipements et pratiques modernes pour promouvoir ratifiée par 38 d’entre eux. Cela a lancé de base pour se lancer dans la trans- l’esprit d’entreprise chez les jeunes. Et si une “décennie pour la jeunesse et le formation, la valorisation et la vente. le Sommet Young Africa Works a contri- développement”, permis l’approbation Depuis son lancement en 2009, YIAP a bué à démontrer que des initiatives en 2008 d’une feuille de route sur 10 créé des emplois agricoles pour plus de intéressantes et novatrices apparaissent ans pour la mise en œuvre de la Charte, 150 000 jeunes. çà et là, il reste encore beaucoup à faire et favorisé un dialogue constant sur les Francis Arinaitwe, président des pour que les jeunes puissent réaliser leur politiques ; en 2011, le thème du Sommet jeunes d’une paroisse du district de potentiel dans des systèmes agroalimen- de l’UA a accéléré la responsabilisation Mayuge, en Ouganda, et bénévole pour taires productifs et durables. SPORE 184 | 7
PRODUCTION AGRICOLE La transformation des épluchures de manioc en aliments pour animaux pourrait créer près de 100 000 emplois au Nigeria. © IHEANACHO OKIKE/ILRI VALORISATION Exploiter le manioc Une technique permet de transformer les épluchures notamment des épluchures et des tubercules trop petits, qui sont jetés. de manioc en aliments pour animaux, créant de Le séchage et calibrage des épluchures nouveaux marchés pour l’élevage au Nigeria. fournit une source prête-à-l’emploi et durable de fourrage et pourrait aussi améliorer les revenus des femmes en Afrique de l’Ouest. La demande en aliments pour ani- Sophie Reeve maux à base d’épluchures de manioc a été stimulée au Nigeria grâce à de mul- U tiples essais qui ont mis en évidence la ne technique de transforma- qualité nutritive des produits. Fort de ces tion des épluchures de manioc résultats prometteurs, Niji Foods, une frais en produits d’alimentation entreprise de transformation du manioc animale de qualité a été développée au qui a participé à ces essais, installe Nigeria. Des chercheurs sont parvenus à actuellement trois unités de transfor- réduire le temps nécessaire pour sécher mation d’épluchures de manioc. En par- ces épluchures abondantes et bon mar- 750 tenariat avec l’ILRI, Niji Foods formera ché de trois à un jour, voire à six heures personnes, femmes et hommes, seront 750 personnes, femmes et hommes, dans certains cas. Le mélange sec qui en formées à la transformation des épluchures à la transformation des épluchures de résulte est aéré, séché au soleil et trié de manioc par Niji Foods manioc et à la gestion d’entreprise, avec, en fonction de différents calibres pour à la clé, la création d’emplois à long l’alimentation d’animaux comme les animale commercialisable, avec à la clé terme. L’organisation confiera en outre ruminants ou la volaille. Grâce à cette quelque 100 000 emplois potentielle- une partie de la propriété à au moins technique mise au point par l’Institut ment créés. trois groupes de femmes. Le directeur de international de recherche sur l’élevage Au Nigeria, près de 3 millions de programme à l’ILRI, le Dr Acho Okike, (ILRI), environ 50 millions de tonnes ménages (85 % de femmes) produisent explique : “Ce produit, actuellement d’épluchures actuellement gaspillées chaque année 50 millions de tonnes considéré comme un déchet, coûtera, chaque année pourront être transfor- de manioc, ce qui génère aussi environ à poids égal, deux fois moins cher que mées en un produit d’alimentation 14 millions de tonnes de sous-produits, le maïs, une réelle charge économique 8 | SPORE 184
en moins pour le secteur de l’alimen- POMMES DE TERRE tation animale.” M. Okike poursuit en expliquant que ce nouveau processus “pourrait permettre de dégager environ 2 millions de tonnes de maïs pour la Culture in vitro consommation humaine, ce qui contri- buera à renforcer les efforts nationaux pour la sécurité alimentaire”. en Jamaïque Au Cameroun, un forum régional La Jamaïque investit dans la multiplication in vitro de pays d’Afrique centrale a été mis en place afin de faciliter le dialogue et de semences de pomme de terre en vue d’accroître les échanges sur la valorisation de la la production et de réduire les importations. culture du manioc. Le forum biennal organisé par le CTA et la Plateforme sous-régionale des organisations pay- Stephanie Lynch sannes d’Afrique centrale vise à réunir L les acteurs et institutions concernés par la chaîne de valeur du manioc pour exa- a multiplication in vitro de semences de pomme de terre de première miner les défis et les opportunités liés génération à l’aide de la culture tissulaire est sur le point de démarrer à la culture de manioc. Vincent Fautrel, dans trois laboratoires nouvellement équipés en Jamaïque. Le Fonds coordinateur senior du programme d’investissement social jamaïcain (JSIF) a confirmé être en mesure de pro- “Chaînes de valeur agricoles” au CTA, duire 4,8 millions de microtubercules de pomme de terre par an, dans des explique : “Le manioc a longtemps été laboratoires situés au Conseil de la recherche scientifique, à la Station de associé à la pauvreté rurale alors qu’il recherche Bodles et à l’Université de la Caraïbe du Nord. peut être un réel outil de transformation Le JSIF met en œuvre ce projet dans le cadre d’un programme national de économique.” Il appelle ainsi la région développement de la pomme de terre irlandaise financé par le gouvernement à investir davantage dans cette culture (130 000 euros), en vue de réduire la dépendance vis-à-vis des importations qui a permis d’augmenter la production de semences de pomme de terre. Actuellement, en Jamaïque, 90 % d’entre agricole au Ghana et au Nigeria. elles sont importées. Souvent, il s’agit de semences de 5e ou 6e génération, porteuses de maladies et avec de faibles rendements agricoles. La multipli- cation in vitro est l’une des manières les plus fiables d’éviter la propagation “Ce produit, actuellement de maladies, qui peuvent affecter les récoltes de plus de 2 000 cultivateurs considéré comme un déchet, jamaïcains de pommes de terre. Les semences de première génération produites dans les laboratoires seront coûtera, à poids égal, deux fois vendues aux agriculteurs locaux et exportées en Europe, ce qui contribuera à améliorer les rendements, à renforcer l’autosuffisance de la Jamaïque, à moins cher que le maïs.” créer de nouveaux emplois et à stimuler les recettes en devises étrangères. Le coût de la production locale de microtubercules s’élève à environ 1,32 million Cinq cent soixante-trois parcours d’euros, tandis que leur importation coûte 2 millions d’euros. Le programme agronomiques – au Nigeria et en prévoit de produire suffisamment de semences pour la demande locale de Tanzanie – ont été réalisés par l’African pommes de terre d’ici 2020. Cassava Agronomy Initiative (ACAI) afin de résoudre des questions en rap- © GLOBAL CROP DIVERSITY TRUST port avec les engrais à recommander, les meilleures techniques de plantation et la culture intercalaire, afin de per- mettre la culture du manioc pendant toute l’année. À l’aide des résultats de ces parcours, les chercheurs s’emploient à mettre au point des outils d’aide à la décision afin d’améliorer les rendements du manioc et les moyens d’existence des petits producteurs. Le projet de l’ACAI entend formuler des recommandations qui pourraient être adoptées à grande échelle sur le continent. Plus d’informations du CTA sur le manioc : http://bit.ly/2lfziFS Culture de pommes de terre in vitro SPORE 184 | 9
ENVIRONNEMENT © OLIVIER DE SOUZA JACINTHE D’EAU Aubaine environnementale L’une des plantes aquatiques les plus envahissantes au monde est aussi une opportunité de développement des espaces lacustres et fluviaux du Bénin. Claude Biao C e n’est pas un hasard si les populations de l’agglomé- ration lacustre de So-ava, à 35 km au nord de Cotonou, ont surnommé la jacinthe d’eau du nom évocateur de “togblé” (le pays est gâché en langue fon). En effet, dix pieds de cette plante aquatique peuvent en produire jusqu’à 800 000 en moins d’un an. Or si elle est redoutée pour ses propriétés envahissantes, la jacinthe d’eau (Eichhornia crassipes) est deve- nue une véritable aubaine pour nombre d’habitants de So-ava, à 35 km au nord de Cotonou (Bénin). L’histoire de ce revirement Collectrices de jacinthe d’eau pour Green Keeper, à So-ava (Bénin) commence lorsque David Gnonlonfoun et Fohla Mouftaou s’aperçoivent des nombreuses propriétés de la jacinthe d’eau. Adanhoun, responsable des collectrices de jacinthes de So-Ava, En effet, la structure spongieuse de sa fibre en fait un excellent pour qui cette activité est devenue la principale source de reve- absorbant, sans compter son utilité pour la fertilisation des sols nus, témoigne : “Le travail est certes difficile ; la collecte de la et pour l’alimentation des lapins, en raison de sa forte teneur en plante et son séchage nécessitent beaucoup d’efforts. Cependant, nitrates. Ainsi, en s’inspirant de l’usage positif qu’en fait l’entre- les revenus générés par cette activité me permettent de joindre prise mexicaine Tema (croisée au détour de leurs recherches), les deux bouts et de scolariser mes enfants. En outre, ce que pour lutter contre les marées noires et dépolluer les barrages fait l’entreprise participe à l’amélioration et l’assainissement de notamment, les deux associés ont mis en place une entreprise, notre cadre de vie. En effet, la jacinthe constitue un obstacle à la Green Keeper, destinée à sa récolte et à sa transformation. navigation et à la pratique de la pêche sur nos eaux.” Outre la consolidation de l’ancrage social de l’entreprise de Une entreprise écologiquement David Gnonlonfoun et Fohla Mouftaou, les résultats témoignent et socialement responsable de la pertinence d’une telle stratégie. Trois ans après sa créa- Pour réaliser sa mission, Green Keeper s’appuie sur une tion, Green Keeper Africa utilise chaque mois 500 tonnes de main-d’œuvre de 400 personnes dont les deux-tiers jacinthe dont elle tire 200 tonnes de fibres dépolluantes sont des femmes. Ce parti pris s’appuie sur la struc- utilisées essentiellement dans le nettoyage indus- ture socio-économique des villages lacustres de triel des hydrocarbures. Elle commence ainsi à se la zone de So-ava où les femmes sont les prin- 500 t positionner comme une entreprise qui compte cipales actrices de la chaîne de production, de jacinthe d’eau dans ce domaine. En effet, un an après sa créa- prenant part à la pêche et s’occupant presque sont transformées tion, Green Keeper Africa a décroché son premier exclusivement de la vente des produits halieu- chaque mois par contrat important de nettoyage industriel avec tiques dérivés. Green Keeper. la filiale béninoise du suisse Oryx. Mais David “Nous avons formé les femmes à la collecte et Gnonlonfoun et Fohla Mouftaou ne s’en cachent au séchage de la jacinthe. Elles livrent ensuite les pas : à terme, il s’agira de se lancer dans la conquête plantes séchées à la compagnie qui en évalue la qualité de l’Est où le marché nigérian suscite leur convoitise. Et et les paie en fonction des quantités livrées”, explique Exhaussé pour cela l’entreprise peut aussi compter sur ses partenaires Hounsa-Totin, responsable des approvisionnements chez Green dont la société coopérative SENS (Solidarités Entreprises Keeper. Pour une rémunération qui est passée - l’entreprise Nord-Sud), un fonds d’investissement basé à Dassa-Zoumè, étant devenue rentable - de 100 francs CFA (0,15 euros) aux à 200 km au centre du Bénin, qui apporte formation et appui débuts de l’entreprise à 400 francs CFA (0,60 euros) par sac de financier aux PME promouvant le développement durable 10 kg, elles collectent et sèchent les jacinthes d’eau. Rosaline dans les secteurs de l’agriculture et de l’énergie. 10 | SPORE 184
A G R I C U LT U R E C L I M A T O - I N T E L L I G E N T E Eau Les serres en bambou Optimiser la ressource DANS SON PLAN d’action 2017 des ont la cote ministres de l’Agriculture, le G20 s’est engagé à protéger les réserves d’eau mondiales. Le plan demande ainsi Au Nigeria, le bambou est utilisé comme aux États membres d’encourager les investissements publics et privés alternative durable pour la construction dans la conservation, la protection et de serres à un prix abordable. l’utilisation durable de l’eau, notamment dans la gestion de l’eau et les systèmes d’irrigation. Toutefois, la stratégie a pour Oluyinka Alawode objectif premier d’intégrer l’utilisation et la gestion durables de l’eau dans les L politiques agricoles, de promouvoir les es agriculteurs nigérians utilisent Le bambou fait l’objet d’une forte pratiques agricoles innovantes et la lutte des serres en bambou pour proté- demande au Kenya et en Tanzanie. En contre le gaspillage. Le G20 a conçu ce ger leurs cultures des événements revanche, son usage n’est guère répandu plan d’action pour soulager les réserves climatiques imprévisibles. Depuis 2015, au Nigeria, d’où son coût peu élevé d’eau mondiales, de plus en plus sous GCity Farm Venture Nigeria Ltd – une qui permet de l’utiliser pour fabriquer pression suite à l’augmentation de la société nigériane privée – a fait appel à des serres. Une serre en bambou de population et au changement climatique. l’expertise kényane pour installer plus de 0,05 ha coûte 820 000 NGN (2 466 €), 80 serres en bambou dans différents États soit environ la moitié du prix d’une Pour en savoir plus (en anglais du pays. Ces serres sont utilisées pour la serre en métal de dimensions similaires uniquement) : https://tinyurl.com/ld9tgup culture de poivrons, tomates et légumes (1,5 million NGN, soit 4 511 €). à feuilles par des producteurs souhaitant Le bambou peut également être recyclé stabiliser leurs revenus agricoles. ; après 4 à 10 ans, à la fin de la durée de vie GCity a confirmé son intention de d’une serre, le bambou peut être utilisé poursuivre l’installation de serres en comme compost pour améliorer la struc- bambou dans le pays afin de répondre ture du sol et réduire l’érosion. En outre, à une demande toujours plus forte. “Les contrairement au bois et au métal, le Foncier bambous sont originaires du Nigeria et bambou n’a pas tendance à se déformer en le pays est sans conteste de plus en plus fonction du climat. L’approvisionnement Un site dédié conscient de la nécessité d’en planter en bambou auprès d’agriculteurs locaux, davantage”, explique Njeru Barnabas, à proximité des sites d’installation, per- LA FONDATION Reuters, liée à l’agence cadre chez GCity Farm Venture. met de diminuer les frais de transport et de presse internationale du même l’empreinte carbone. nom, a lancé un site Internet consacré Dans un contexte de changement aux droits fonciers dans le monde. Le © OLUYINKA ALAWODE et d’instabilité climatiques, les serres site PLACE (Property, Land, Access, permettent aux producteurs de proté- Connections, Empowerment) entend ger leurs cultures contre une saison des regrouper la première équipe mondiale pluies trop abondante ou en retard grâce de journalistes sur le sujet. En Afrique, à un système d’irrigation goutte-à-goutte. 90 % des droits fonciers ne sont pas Ces serres facilitent également la lutte enregistrés. Une situation qui conduit contre les maladies et les nuisibles, à des crises silencieuses, comme comme les mineuses des tomates (Tuta l’explique à Jeune Afrique Monique Villa, absoluta), qui, en 2016, ont gravement présidente de la fondation Reuters : “Le réduit les rendements en tomates dans déni de certains droits fondamentaux de nombreux États du pays. Les tomates conduit à l’exploitation, il peut détruire cultivées sous serre ont un rendement les moyens de subsistance et engendrer annuel plus élevé et régulier que les des conflits.” Si certains articles tomates cultivées en plein air, amélio- évoquent expulsions et spoliations, le rant les revenus des producteurs (hors site présente aussi des expériences pleine saison, le prix des tomates peut réussies pour garantir l’accès à la terre. Cultiver les tomates dans une serre en augmenter de 800 %). Ces serres en bambou permet aux producteurs de pallier bambou offrent ainsi un très bon retour Pour en savoir plus (en anglais l’imprévisibilité des précipitations. sur investissement. uniquement) : www.thisisplace.org SPORE 184 | 11
RECHERCHE INSECTES subsaharienne. La très bonne santé de ces Alimentation animale secteurs offre aux petits exploitants une bonne occasion d’augmenter leurs reve- nus. Cependant, la demande en aliments du futur ? pour animaux de qualité augmente éga- lement. Ces aliments représentent 60 à 70% des coûts de production et le coût élevé des poissons d’argent entrant dans Des chercheurs est-africains ont identifié des insectes leur fabrication est rédhibitoire. Le potentiel du marché des aliments pouvant intervenir dans la fabrication d’aliments pour pour animaux à base d’insectes a été éva- animaux plus nutritifs que les farines de poisson. lué avec l’aide de fabricants d’aliments du secteur privé ; des entretiens avec des petits exploitants ont montré que 91 % des éle- veurs de volaille et 85 % des pisciculteurs souhaitent utiliser des aliments à base d’insectes. Le projet INSFEED a alors formé Sophie Reeve plus de 75 éleveurs et jeunes agripreneurs à l’élevage de masse d’insectes. Cet éle- A vage est basé sur des techniques durables, u Kenya et en Ouganda, une initia- d’écologie des insectes, icipe, au Kenya, et accessibles et rentables, comme la récolte tive de recherche multi-bailleurs à l’Université de Makerere, en Ouganda, des mouches bleues du genre Calliphora, développe actuellement des ali- ont identifié 16 espèces bien plus riches une espèce abondante localement. ments pour animaux à base d’insectes en protéines brutes, en acides gras Pour remplacer seulement 5 % de la aux qualités nutritionnelles supérieures, polyinsaturés, en flavonoïdes, en vita- farine de poisson utilisée dans les ali- garants d’un élevage de volailles et de mines et en minéraux que les farines de ments pour volaille fabriqués au Kenya, poissons durable, sûr et rentable. Les poisson utilisées actuellement dans les pas moins de 32 000 tonnes d’insectes chercheurs qui participent au projet aliments pour la volaille et le poisson. secs seraient nécessaires. Il est donc “Intégration d’insectes aux aliments L’élevage de volaille et la pisci- essentiel d’associer les jeunes agripre- pour la volaille et le poisson en Afrique culture comptent parmi les secteurs neurs à la production de ces volumes. Au subsaharienne” (INSFEED) mené par le agroalimentaires à la plus forte crois- Kenya, un projet de recherche – the Metro Centre international de physiologie et sance dans de nombreux pays d’Afrique AgriFood Living Lab – aide des jeunes à lancer leur propre entreprise, et, parmi eux, beaucoup s’intéressent à l’élevage © ICIPE d’insectes. Depuis 2015, des formations ont ainsi permis à 35 jeunes d’élaborer des projets d’entreprise de qualité afin d’attirer les financements de banques et d’institutions de microfinance. Le Dr Dorothy Nakimbugwe, en charge du projet, explique : “C’est vraiment fabu- leux d’entendre le public manifester son enthousiasme et son intérêt dans des émissions de radio locale. Nombreux sont les auditeurs qui demandent où se procu- rer des insectes pour l’élevage.” Au Kenya, suite au succès d’une série de réunions visant à encourager l’utili- sation d’insectes dans les aliments pour bétail, le Comité national de l’alimen- tation du bétail a préparé et publié en janvier, aux fins d’examen public, un projet de réglementation pour l’utilisa- tion d’aliments à base d’insectes. Son homologue ougandais planche, quant à lui, actuellement sur l’amendement à la Seize espèces d’insectes sont élevées et récoltées, parmi lesquelles réglementation sur l’alimentation ani- les “mouches soldats noirs” (ou BSF, Black Soldier Flies). male, qui inclut désormais les insectes. 12 | SPORE 184
Biosécurité RIZ Partenariat pour la formation Partenariat afro-coréen LE PARTENARIAT Australie-Afrique Le Centre du riz pour l’Afrique (AfricaRice) et la pour la biosécurité végétale facilite le transfert de compétences en République de Corée produisent de nouvelles variétés matière de conception, exécution de riz afin d’accroître la production en Afrique. et gestion de la biosécurité végétale à destination des personnels d’institutions publiques de dix pays africains. La formation initiale de six semaines a été suivie © BUSANI BAFANA par 15 participants, en Australie. Busani Bafana Outre les compétences techniques D requises, elle a aussi abordé la communication avec le public et es chercheurs d’AfricaRice pro- la sensibilisation des politiques, duisent actuellement des variétés essentielles pour le succès à à haut rendement et résistantes long terme de la biosécurité. au stress, dont les variétés de type Tongil Les 15 personnes formées en coréen, dans le cadre d’une initiative en Australie forment désormais, en faveur de plus de 35 millions de petits Afrique, 30 nouveaux participants exploitants de 20 pays africains. Dans sélectionnés en 2016. le cadre de l’Initiative afro-coréenne sur l’alimentation et l’agriculture en Afrique, le Centre soutiendra également – en partenariat avec l’Administration de Des variétés améliorées de riz sont développement rural de la République déterminantes pour aider les petits de Corée – la multiplication de semences agriculteurs à augmenter leur productivité. et la diffusion des cultivars nouvelle- “Triple S” ment produits. Grâce à l’utilisation d’une technique de production innovante, le des grains de qualité supérieure. Elles Multiplication des partenariat devrait développer et distri- permettront d’améliorer la produc- buer bien plus rapidement de nouvelles tion de riz en étendant les zones et les patates douces variétés de riz en Afrique. périodes de culture du riz”, explique Le riz est, après le maïs, la deuxième Baboucarr Manneh, du Centre régional UNE TECHNIQUE de multiplication source d’apport calorique en Afrique d’AfricaRice au Sénégal. radiculaire des plants permet mais la production n’est pas suffisante Pour accélérer le développement et aujourd’hui de remédier à la pour répondre à la demande, toujours la distribution de ces variétés de riz pénurie de plants de patate plus importante. À lui seul, le Nigeria en Afrique, les chercheurs utiliseront douce en améliorant la production a importé 17 millions de tonnes de riz une technique innovante, la “culture des agriculteurs d’Éthiopie, du sud-asiatique et américain au cours de d’anthères”, qui ramène à un an le Kenya, d’Ouganda et de Tanzanie. ces cinq dernières années. Après la crise temps nécessaire au développement Développé par les chercheurs du du marché céréalier en 2008, le Nigeria d’une nouvelle variété, alors qu’il faut Centre international de la pomme a fait de la culture du riz, dont le prix du habituellement trois ans environ pour de terre (CIP) et baptisé “Triple S” sac a doublé en 2016, une priorité. développer une lignée fixe. “Pour pro- (sand, stockage, sprouting ou Les variétés de type Tongil coréen duire des anthères, nous excisons des “sable, stockage, germination”), ce peuvent produire jusqu’à 8 tonnes par bourgeons de fleurs encore fermés les système permet aux agriculteurs hectare de riz blanchi, un rendement organes mâles qui renferment le pollen de stocker les racines de patate quatre fois supérieur au rendement et, à l’aide de techniques spécialisées, douce dans le sable pendant moyen des agriculteurs africains. nous les transformons – in vitro – en la saison sèche, de les planter Certaines variétés supportant des tem- jeunes plants”, explique B. Manneh. “La dans des lits de semis six à huit pératures peu élevées, la riziculture fixation de plants provenant d’anthères semaines avant la saison des pourra être étendue aux zones de haute n’exige pas une propagation sur plu- pluies et de produire suffisamment altitude d’Afrique de l’Est et australe. sieurs générations, ce qui réduit le temps de plants à mettre en terre une fois “Ces nouvelles variétés devraient se nécessaire au développement de nou- que les pluies commencent. caractériser par un rendement élevé et velles variétés de riz.” SPORE 184 | 13
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