Un conseiller fédéral à l'auberge Entretien avec Esther Hilfiker An App a day keeps the doctor away ?
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Le magazine de la No 3 Société des Médecins juin 2018 du Canton de Berne Sujets de cette édition Un conseiller fédéral à l’auberge Entretien avec Esther Hilfiker An App a day keeps the doctor away ? doc.be 03/2018 Editorial 1
Progrès technologique et professions libérales – une contradiction ? Il y a déjà un bon moment que les patientes et patients ont commencé à surveiller leur santé à l’aide d’applis mobiles. Apparemment, le m édecin ne sert plus qu’à entériner le traitement déjà décidé pour pouvoir se le faire rembourser par la caisse maladie. Ou bien pour ce qu’on a ppelle une seconde opinion. Quelles sont, de ce fait, les conséquences du progrès technologique pour le corps médical libéral ? C’est un fait que la numérisation fera partiellement apparaître de nouveaux modèles économiques qui modifieront la conception classique de toutes les professions libérales. Mais pour maîtriser avec succès la numérisation, l’automatisation ne suffit pas à elle seule. Il faut parvenir à mieux intégrer les patients en s’aidant des moyens de communication modernes, à les aborder plus directement et ainsi à développer ensemble un nouveau standard de collaboration. Se rapprocher des patients signifie que de nouvelles formes de publicité et de rencontre seront possibles. L’organisation de réunions adéquates permettrait aux nouveaux patients de se confronter à l’expérience et l’opinion positive de la patientèle. Dans ce cas, « Put yourself in the client’s shoes » pourrait signifier que le médecin de premier recours organise pour les patients existants et potentiels une série de Meetup, c’est-à-dire des séances d’information à intervalles réguliers portant sur des sujets de santé actuels. Vous me pardonnerez qu’exceptionnellement, je ne m’attarde pas sur la légalité de telles manifestations, car les évolutions de ce genre ne pourront être stoppées. Or, un point est capital : le domaine-clé de la compétence médicale re- quise, qui ne repose pas seulement sur un savoir théorique mais surtout sur l’empathie et l’expérience, n’est absolument pas touché par les évo- lutions mentionnées, ou seulement de manière marginale. De ce fait, le progrès technologique et l’industrialisation de processus reproductibles représentent certes un mal nécessaire. Toutefois, en y regardant bien, cette nécessité relève du domaine administratif et ne représente donc pas de danger pour les professions libérales et l’exercice d’une m édecine libérale en toute âme et conscience. Thomas Eichenberger, docteur en droit Secrétaire de la Société des Médecins du Canton de Berne 2 doc.be 03/2018 Editorial
Contenu DOCUPASS – le dossier pour les dispositions personnelles 4 La politique risque de détruire ce qui fonctionne bien Avec le dossier DOCUPASS pour les dis- positions personnelles, Pro Senectute consultation de Pro Senectute du canton Berne ou en le commandant par mail, La nouvelle présidente de la SMCB, propose une solution globale reconnue téléphone ou sur la boutique en ligne. Esther Hilfiker, veut promouvoir le pour tous les domaines susceptibles dialogue. d’être régis par un tel document, des Pro Senectute se tient à votre disposition directives anticipées au testament. Le pour remplir les formulaires et répondre 7 Un conseiller fédéral à l’auberge DOCUPASS vous permet de consigner individuellement tous vos besoins, de- à vos questions. Entré par hasard en politique au niveau mandes et souhaits en lien avec la ma- T 031 924 11 00 national, Ignazio Cassis est aujourd’hui ladie, la dépendance, la fin de vie et le info@be.prosenectute.ch ministre des Affaires étrangère de la décès. Saisissez vous aussi cette op- www.be.prosenectute.ch Suisse. Médecin ou homme politique, il portunité et formulez en temps utile vos s’agit d’appréhender les attentes et dispositions personnelles ! Vous trouve- l’état d’esprit. rez de plus amples informations sur le DOCUPASS dans le prospectus ci-joint 9 Le compte à rebours a commencé : en 2020, le DEP ou sur le site www.docupass.ch. doit être prêt Vous pouvez vous procurer le DOCUPASS 2018 est une année décisive pour pour CHF 19.– dans tous les bureaux de l’introduction du dossier électronique du patient : il y va de la mise en œuvre concrète au sein des communautés de référence. 11 Précisions concernant le DEP D’autres exemples d’améliorations à propos la Stratégie Cybersanté Suisse 12 Le sucre : une douce tentation Nous mangeons trop de sucre, ce qui nous rend malades. Différents acteurs veulent réduire la consommation de sucre – mais comment ? 16 An App a day keeps the d away ? octor Mentions légales Le nombre d’applis santé ne cesse de croître. Quels sont les dangers, les doc.be, organe de la Société des Médecins du opportunités de cette évolution ? Canton de Berne ; éditeur : Société des Médecins du Canton de Berne, Postgasse 19, 3000 Berne 8 / 18 Une distinction pour la passion paraît 6× par an ; responsable du contenu : comité directeur de la Société des Médecins du La pathologiste Yara Banz élue Teacher Canton de Berne ; rédaction : Marco Tackenberg, of the Year 2018. Simone Keller et Markus Gubler, service de presse et d’information de la SMCB, Postgasse 19, 21 Préparer la troisième phase de la vie en toute sérénité 3000 Berne 8, T 031 310 20 99, F 031 310 20 82 ; tackenberg@forumpr.ch, keller@forumpr.ch, La fondation Pro Medico propose aux gubler@forumpr.ch ; annonces : Simone Keller, médecins libéraux des modèles de keller@forumpr.ch ; conception / layout : Definitiv prévoyance attractifs et adaptés aux Design, Bern ; impression : Druckerei Hofer besoins. Bümpliz AG, 3018 Berne ; photo de couverture : Martin Bichsel doc.be 03/2018 Quoi de neuf ? 3
La politique risque de détruire ce qui fonctionne bien Présidente de la Société des Médecins du Canton de Berne depuis bientôt 100 jours, Esther Hilfiker veut des structures permettant aux femmes de s’engager ainsi qu’une discussion sur la politique de la santé qui n’oublie pas l’utilité. Interview : Marco Tackenberg et Simone Keller, Vous êtes en fonction depuis bientôt service de presse et d’information 100 jours. Comment avez-vous vécu ce Photo : Martin Bichsel début ? Pour moi, cette nouvelle fonction est excitante et doc.be : Vous êtes présidente de la SMCB je suis par conséquent également excitée. Bien depuis mars dernier. Qu’est-ce qui vous a des choses se sont avérées comme je l’attendais, incitée à vous engager sur cette voie ? puisque j’avais déjà travaillé sur la plupart des dos- Esther Hilfiker : Pour moi, l’attrait de cette mis- siers comme vice-présidente. Ce qui est nouveau, sion réside dans le fait qu’on peut faire bouger les c’est que j’ai la direction ; j’ai pu toutefois au pré- choses. L’aspect politique corporative est un élé- alable évaluer en gros ce que cela signifie. Mais je ment essentiel, non spécialisé, de notre travail qui n’aurais pas envisagé que de nombreux groupes de gagne de plus en plus en importance puisque nous, travail attendent que la SMCB soit toujours repré- les médecins, nous retrouvons de plus en plus sou- sentée par la présidente. J’essaie de m’opposer à vent au cœur de la politique. Je pense par exemple cette tendance car la présidence n’est pas une fonc- aux diverses propositions de loi au niveau tant can- tion à plein temps. Au comité de direction, nous tonal que fédéral. A chaque session sont discutées formons une équipe. Nous travaillons ensemble et des interventions ayant trait à la politique de la nous voulons le faire savoir à l’extérieur. santé pour lesquelles nous nous engageons à diffé- rents niveaux, ce qui nous permet de faire bouger un peu les choses. Le dernier exemple est le pro- « La notion de solidarité gramme d’assistanat au cabinet. Nous ne pouvons se perd de plus en plus en obtenir de tels résultats qu’en tant qu’association, qu’équipe. politique. » Et personnellement ? Personnellement, deux aspects m’ont motivée à Une chose qui m’a également surprise, c’est le m’engager : premièrement, à chaque réunion, j’ap- court-termisme : parfois sans annonce préalable, prends quelque chose ; c’est un formidable enrichis- des sujets complexes doivent être discutés et des sement et cela élargit mon horizon. Deuxièmement, solutions présentées immédiatement. Je ne trouve j’ai en moi un peu d’esprit compétitif. Je veux me pas cela correct ni sérieux. En revanche, j’ai été prouver que j’en suis capable. agréablement surprise des nombreux retours posi- tifs et encourageants que j’ai reçus après mon élec- tion. Je me rends compte que l’on est bienveillant à mon égard ; cela me conforte et me motive. 4 doc.be 03/2018 Interview
Esther Hilfiker n’est pas Comment abordez-vous la fonction de et les spécialistes qu’entre les jeunes médecins qui une combattante solitaire : présidente de la SMCB ? Sur quels axes débutent leur carrière et les médecins plus âgés. « Je suis certes à la tête mettez-vous l’accent ? de l’association, mais j’ai La ligne directrice de mon action est le bien-être La promotion des femmes tenait parti une bonne équipe motivée des patientes et patients, c’est ma priorité absolue. culièrement à cœur à votre prédécesseur derrière moi. Au comité C’est pourquoi je porte une attention particulière à Beat Gafner. Vous engagez-vous aussi de direction, nous travaillons une haute qualité de la prise en charge avec un ser- dans cette voie ? ensemble. » vice médical de base fort mais aussi une médecine La féminisation de la médecine est un fait ; la ma- spécialisée et universitaire, là où elle est nécessaire. jorité des diplômés sortants sont déjà des femmes. Je suis présidente de tous les médecins du canton Je pars du principe que nous ressentirons cette ten- de Berne, des spécialistes autant que des médecins dance également dans la politique corporative. Il de premier recours. est essentiel que les femmes soient représentées au sein de l’association professionnelle. Nous devons adapter nos structures de sorte que les femmes « Lorsque les discussions puissent s’engager. Il conviendrait que la politique qui n’aboutissent pas, corporative ne soit pas éternellement une tâche supplémentaire, mais qu’elle puisse en partie être il faut savoir tirer un trait. » exercée en lieu et place de l’activité professionnelle. Ce n’est possible que si l’engagement en politique corporative est rémunéré équitablement. Mais pour Vous arrivez à le concilier ? ce qui est du recrutement de nouveaux membres du Je suis consciente que je me trouve dans un champ comité de direction, les premiers critères seront de tensions et que les deux côtés m’observent de toujours pour moi la qualification et l’intérêt pour façon critique. J’espère avoir un petit avantage du la cause, et non le sexe de la personne. fait que je suis moi-même spécialiste et que je dis- pose d’un bon réseau. Mais cela reste une tâche qui Quels sont selon vous vos points forts que n’est pas aisée. vous pouvez apporter dans cette fonction ? J’apporte une nouvelle conception, une conception Que voulez-vous changer au sein de féminine. Les femmes fonctionnement différemment, la SMCB ? se comportent autrement avec les gens et sont plus Je souhaite atteindre une plus grande solidarité entre enclines à se remettre en question. Elles sont plus les médecins. Moi-même, je me conçois comme une sensibles, notamment lorsque quelque chose ne va jeteuse de ponts qui recherche et promeut le dia- pas. Un autre point fort est que je suis très focalisée. logue : autant entre les médecins de p remiers recours Je n’aime pas les discussions sans fin où l’on tourne doc.be 03/2018 Interview 5
Esther Hilfiker est la première en rond. Lorsque les discussions n’aboutissent On dirait que vous êtes une combattante femme à la tête de la SMCB pas, il faut savoir tirer un trait. J’en suis c apable. solitaire. depuis sa fondation il y a plus On pourrait le penser, mais j’aime bien travailler de 200 ans. A votre avis, quels sont les actuels défis en équipe. Autrefois, j’ai joué au volleyball. Mais, en termes de politique de la santé dans le en tant que médecin avec des horaires irréguliers canton de Berne ? et des plans de service fixes, on devient un jour ou La notion de solidarité se perd de plus en plus en l’autre un combattant solitaire. politique. Le canton de Berne s’obstine à pour- suivre une politique d’économies dont profite prin- cipalement la majorité qui est en bonne santé. De même, on oublie parfois de discuter de qualité et Nouveaux membres du comité de direction d’utilité. La politique risque de détruire ce qui fonc- Lors de l’assemblée des délégués du 15 mars 2018, deux tionne. Car nos patients sont très satisfaits de notre nouveaux membres ont été élus à l’unanimité au comité de système de santé. Certes, il coûte plus cher qu’autre- direction de la Société des Médecins du Canton de Berne. fois, mais nous nous portons mieux aussi. Les gens deviennent de plus en plus âgés. Aujourd’hui, prati- Le Dr François Moll est le nouveau vice-président de la quement plus personne ne meurt d’un infarctus. La SMCB. Il est titulaire d’un titre de médecin spécialiste en stratégie du canton en termes de santé ne traduit psychiatrie et psychothérapie. M. Moll a un cabinet privé à pas ces avancées médicales. Mais nous ne pouvons Bienne et s’engage depuis 2008 comme président du cercle pas nous soustraire au progrès de la médecine ! médical Bienne-Seeland. Depuis 2012, il représente le cercle médical Seeland au sein du comité de direction de la SMCB. Outre votre engagement dans la politique corporative, vous travaillez aussi comme Le Dr Doris Zundel-Maurhofer représentait jusqu’à présent radiologue. Vous reste-t-il encore du temps l’Association des pédiatres et médecins de premier recours pour votre vie privée ? de Berne VBHK au sein du comité de direction de la SMCB Je prends le temps nécessaire pour ma vie privée (sans droit de vote). Elle vient d’être élue représentante du parce que je le veux et que j’en ai besoin. Des CM Emmental. Elle est spécialiste en médecine interne gé- activités communes avec mon partenaire et le sport nérale. Chargée d’enseignement en médecine de premier me tiennent particulièrement à cœur. Je suis pas- recours à l’université de Berne, Mme Zundel-Maurhofer a sionnée de jogging. J’ai toujours mes chaussures de un cabinet de groupe à Bätterkinden. jogging avec moi quand je suis en voyage. Le jog- ging me permet de me déconnecter et de reprendre des forces. Ce qui est bien avec le jogging, c’est que je peux en faire seule et quand cela me convient. 6 doc.be 03/2018 Interview
Un conseiller fédéral à l’auberge En mars, Beat Gafner présidait sa dernière r éunion du comité de direction. Pour cette occasion particulière, il avait invité le conseiller fédéral Ignazio Cassis. Texte : Marco Tackenberg et Sandra Küttel, cliniquement, avaient besoin de médicaments, service de presse et d’information mais il n’y avait pas de médecine pour les multiples Photos : Martin Bichsel difficultés de la vie quotidienne. » L’actuel ministre des Affaires étrangères renonça à l’époque à une A la Société des Médecins du Canton de Berne, on place de formation postgrade dans une clinique ne manque pas d’aplomb. Il peut par exemple lui ORL de Zurich. Il opta pour une place à l’Institut venir l’idée d’inviter un conseiller fédéral à une réu- de médecine sociale et préventive de l’université de nion du comité de direction à l’auberge Schönbühl. Lausanne où il obtint son doctorat. Il y a plus d’une dizaine d’années, le ministre de l’Intérieur de l’époque, Pascal Couchepin, s’était Médecin cantonal au Tessin hasardé dans la grotte des ours. Lors de la réunion A l’âge de 35 ans, un nouveau défi professionnel de mars de cette année, c’est le conseiller fédéral se présenta : Ignazio Cassis posa sa candidature Ignazio Cassis qui a répondu à l’invitation de notre pour le poste de médecin cantonal à Bellinzone. président. Il est vrai que le ministre des Affaires Il était l’unique candidat dans le canton à dispo- étrangères se trouvait en terrain connu. Depuis ser des formations continues requises. Et aussi le de nombreuses années, les sympathies sont ré- seul sans soutien politique. C’est pourquoi il a été ciproques. L’actuel conseiller fédéral a participé élu, malgré une faible expérience professionnelle. plusieurs fois par le passé à des journées de ré- Durant onze ans, Ignazio Cassis fut donc médecin flexion de la SMCB. En 2009, celui qui était alors cantonal au Tessin. Un défi, car « il n’existe pas de conseiller national nous avait fait l’honneur de ve- manuel didactique pour les médecins cantonaux », nir aux festivités du bicentenaire de notre société comme le souligne le conseiller fédéral. Venant de à Berthoud. Les présidents de la SMCB Schlup et l’université, le jeune médecin était habitué à tra- Gafner échangeaient régulièrement avec Ignazio vailler sur la base de données probantes. Mais en Cassis durant toutes ces années. tant que médecin cantonal, il se retrouvait dans un univers fonctionnant totalement différemment. Il Accompagné de son assistante personnelle, Anna lui fallut adapter sa façon de penser. Fazioli, et de son chauffeur, le conseiller fédéral Ignazio Cassis a retracé son parcours en politique. Son entrée dans la politique national fut le fruit du En 1987, il obtenait à la fin de ses études de méde- hasard : le président cantonal du PLR m’a appelé cine l’examen d’Etat à Zurich. Fin des années 1980, et déclaré carrément que les autres partis avaient il commença à s’occuper de malades atteints du des médecins sur leurs listes du Conseil national et SIDA. Il proposait des consultations VIH à Lugano qu’il en fallait également un pour le PLR. Ignorant et constata l’importance de la dimension sociale tout d’une campagne électorale, Ignazio Cassis ac- de la médecine : « Les patients étaient malades cepta. Il ne fut certes pas élu en 2003, mais arriva doc.be 03/2018 Réunion du comité de direction de mars 2018 7
Ignazio Cassis, c onseiller premier des « viennent-ensuite », ce qui lui permit deux professions, la prévention occupe une place fédéral : « Nous devons d’entrer au Conseil national en 2007. Dix ans plus centrale : il s’agit de prévenir les problèmes avant nous défaire de l’idée que tard, l’Assemblée fédérale l’élisait au gouverne- qu’ils ne surgissent. Mais le travail de prévention quelqu’un résoudra les ment. Sa carrière professionnelle prenait ainsi une est ingrat. Pour Ignazio Cassis, administrer une pi- p roblèmes à notre place. autre direction. lule est souvent plus apprécié que lutter contre les C’est à nous à le faire. » causes. Dans les deux professions, il s’agit d’appré- Beaucoup moins de liberté hender les attentes et l’état d’esprit. Dans quelle mesure l’actuelle fonction d’Ignazio Cassis se distingue-t-elle de l’activité d’un « mili- Conseils cien » en politique corporative ? En tant que conseil- Quels conseils le conseiller fédéral Ignazio Cassis ler fédéral et ministre des Affaires étrangères, je peut-il donner aux médecins engagés dans la po- suis moins libre de mes mouvements, déclare-t-il. litique corporative, lui qui connaît aussi bien les « Quand j’étais parlementaire de milice, je pouvais organisations de milice que la politique hautement exercer différentes fonctions. En tant que chargé professionnalisée ? Comment parvenir à faire d’enseignement à l’université, fonctionnaire d’asso- valoir ses causes ? ciation et président d’un groupe parlementaire, je me déplaçais avec le sac à dos et je travaillais dans Pour le ministre des Affaires étrangères, le travail le train. Mon bureau, c’était la Suisse entière ! » politique est semblable sur un point à l’activité Même dans sa fonction de ministre des Affaires de médecin : au début, on procède à une analyse étrangères, il n’oublie pas les sujets de politique in- précise du problème. En médecine, le diagnostic térieure tels que les dépenses de santé et la révision s’établit aussi après l’anamnèse. Vient ensuite la de Tarmed. Selon Ignazio Cassis, chaque conseiller première question : qui est vraiment compétent ? fédéral doit se pencher sur tous les sujets du gouver- Puis la deuxième question : comment nous impli- nement lors des réunions hebdomadaires. quer dans le processus de réalisation ? Nous devons nous défaire de l’idée que quelqu’un résoudra les En politique, un placebo a parfois la même fonc- problèmes à notre place. C’est à nous à le faire. Nous tion qu’en médecine, estime le conseiller fédé- avons besoin de personnes actives et qualifiées pour ral. Selon lui, on peut prétendre qu’une mesure les différents organes. La troisième question que est absolument inefficace, si elle est présentée de nous devons nous poser est la suivante : qui est apte manière crédible, elle peut entraîner un effet po- à organiser le processus opérationnel ? Pour ce faire, sitif. Les conseillers fédéraux comme les médecins il faut des collègues compétents, des personnes qui doivent répondre aux attentes. Ils ont pour mis- connaissent notre travail quotidien et pas des fonc- sion de résoudre les problèmes et d’éliminer les tionnaires. Enfin, n’oublions pas que les processus troubles – avec des pilules ou bien des lois. Dans les doivent être coordonnés et surveillés. 8 doc.be 03/2018 Réunion du comité de direction de mars 2018
Le compte à rebours a commencé : en 2020, le DEP doit être prêt Lors du Forum Swiss eHealth à Berne, le secteur de la santé a discuté de la situation à propos de la mise en œuvre de la LDEP d’ici 2020. Cela se concrétise. Texte : Benjamin Fröhlich, service de presse soient connectés au système. Tous les hôpitaux de et d’information la région ainsi que la plupart des foyers médicalisés Photo : zVg sont désormais membres d’eHealth Südost. Dans le secteur ambulatoire, ils sont encore peu nombreux 2018 est une année décisive pour l’introduction du à avoir adhéré. Afin de rendre la communauté dossier électronique du patient (DEP) : il y va désor- de référence plus attrayante pour les médecins, il mais de la mise en œuvre concrète au sein des com- est maintenant possible d’adhérer sans obligation munautés de référence. En 2015, les parlementaires d’utiliser le DEP. de la Confédération adoptaient la loi fédérale sur le dossier électronique du patient (LDEP). Cette der- Une enquête auprès des membres a en effet révélé nière oblige les hôpitaux et les foyers médicalisés que pour nombre d’entre eux, le DEP n’est pas le à tenir des DEP, tandis que les médecins exerçant processus le plus important d’eHealth. Les partici- dans le secteur ambulatoire ainsi que les patients pants à l’enquête considèrent l’envoi et la réception peuvent encore choisir s’ils veulent passer au DEP. de e-rapports comme beaucoup plus importants, suivis des e-transferts. Le DEP n’arrive qu’en troi- Les réseaux DEP ne sont pas organisés au niveau sième position. national mais régional, ce qui, jusqu’à présent, est très bien accueilli. Chaque région forme ainsi un C’est la raison pour laquelle la mise en place laboratoire fédéral et les bons modèles peuvent d’eHealth Südost se concentre sur les processus être exportés d’une région à l’autre. B2B (business to business), c’est-à-dire des pro- cessus entre les différents prestataires, l’introduc- Les médecins grisons sont plus critiques tion du DEP n’étant que la deuxième priorité. On que leurs hôpitaux espère ainsi améliorer petit à petit l’échange de Lors du Forum eHealth, Richard Patt du canton données et rallier les médecins du secteur ambu- des Grisons a expliqué comment un réseau hospi- latoire à la communauté de référence. Toutefois, talier répond à la LDEP et met sur pied un système beaucoup de médecins de premier recours sont DEP d’ici 2020. critiques. Ils n’y voient aucune plus-value pour eux, mais seulement une charge supplémentaire. R. Patt est chargé de la constitution de la commu- nauté de référence eHealth Südost. Comprenant Les patients genevois sont plus lents les cantons de Glaris et des Grisons, cette région que leur région se caractérise par un réseau très ramifié de petits Adrien Schmid, responsable du secrétariat hôpitaux de vallée. Spécialement face à une telle d’eHealth Suisse, a, quant à lui, souligné l’impor- structure, il est capital que l’ensemble des acteurs tance de la constitution des régions eHealth. Pour doc.be 03/2018 Dossier électronique du patient 9
Les cantons sont le moteur lui, l’organisation au sein des régions est essentielle. Eviter les traitements inutiles, du DEP, tandis que Actuellement, on a connaissance de onze commu- assurer les urgences les médecins sont les plus nautés de référence, la Confédération ayant reçu Lukas Golder de gfs.bern peut confirmer que la po- critiques. Ces derniers dix demandes d’aide financière. Les préparatifs qui pulation n’a toujours que très peu connaissance du redoutent des conséquences ont déjà eu lieu ont révélé que des améliorations DEP, comme le révèlent les enquêtes menées début et des frais imprévisibles. techniques sont nécessaires dans de nombreuses 2018. Cependant, la disposition à ouvrir un dossier régions. L’important est que les régions mettent électronique du patient augmente. L’étude identifie maintenant les travaux internes en route. Le mieux d’ailleurs les nombreuses applis santé comme étant est de commencer avec la certification et d’adapter la source d’une plus grande réceptivité vis-à-vis du en revanche les dispositions d’exécution plus tard. DEP. Toutefois, les patients ne souhaitent pas par- tager leurs contenus avec n’importe qui, mais en Selon A. Schmid, il ne faut pas s’attendre à une premier lieu avec leur médecin. Ils ont également à intégration rapide des patients dans le système ce sujet des exigences claires, comme par exemple eHealth. Lancée dès 2014, la communauté de ré- un fichier des rendez-vous en ligne. férence de Genève comptait 31 600 patientes et patients en 2017. Certes, ce chiffre correspond à L’enquête de gfs.bern met aussi en lumière ce qui a 800 nouvelles adhésions par mois, mais ne repré- déjà été évoqué plusieurs fois dans doc.be : les can- sente qu’une petite partie de la population (à peine tons sont le moteur du DEP, tandis que les méde- 16 % des 500 000 habitants). Pour Adrien Schmid, cins sont les plus critiques. Ces derniers redoutent cela tient avant tout au fait que, la plupart du temps, des conséquences et des frais imprévisibles. Tant les gens prennent connaissance du DEP au cours les médecins que les patients affichent cependant d’un traitement alors que dans la société on en les mêmes attentes en termes d’utilité : éviter les parle à peine. Mais comme il n’existe pas de pres- traitements inutiles et avoir les informations et l’in- criptions concernant le degré d’intégration des pa- frastructure nécessaires en cas d’urgence. tients aux communautés de référence d’ici 2020, la lenteur du ralliement des patients ne pose toutefois Le présent article a été rédigé dans le cadre d’une pas de problème. coopération entre doc.be et le Swiss Dental Journal SSO. En outre, ajoute A. Schmid, Genève a enquêté sur les motifs conduisant les patients à adhérer à la com- munauté. La principale raison était l’accès à leurs propres données, suivie d’un espoir d’une meilleure coordination des prestataires de traitement. 10 doc.be 03/2018 Dossier électronique du patient
D’autres précisions concernant le DEP Comme annoncé dans la dernière édition (doc.be 2/18), vous trouverez ci-après d’autres exemples d’améliorations ou de précisions obtenues au comité consultatif eHealth Suisse à propos du rapport « Stratégie Cybersanté Suisse 2.0, 2018–2022 ». Texte : Beat Gafner, comité de direction Les auxiliaires tels que les assistants médicale soient intégrés dans les filières de la SMCB et comité consultatif eHealth au cabinet médical ou les aides en de formation de toutes les professions de la Suisse pharmacie ont-ils également accès santé et transmises dans le cadre de forma- aux contenus du DEP ? tions continues. » Comment dédommager les Avant : « Oui. Les professionnels de la s anté Après : « Dans le cadre de leurs compétences professionnels de la santé pour peuvent faire appel à de tels auxiliaires et en concertation avec les organismes de leur travail relatif au DEP ? pour pouvoir traiter les données et les do- formation responsables, la C onfédération Avant : « … Ces charges ne peuvent pas non cuments dans le DEP. » et les cantons veillent à ce qu’eHealth ainsi plus être refacturées à la charge de l’AOS, Après : « Oui. Les professionnels de la santé que les questions d’application pertinentes mais doivent être facturées au patient ou à peuvent faire appel à d’autres personnes en fonction du groupe professionnel concer- la communauté de référence du patient. » pour pouvoir traiter les données et les do- nant l’utilisation de données médicales nu- Après : Idem ! Mais tout de même, la ques- cuments dans le DEP. Ces personnes sont mériques soient intégrés dans les filières de tion des mesures incitatives peut être dis- définies à l’art. 101 CO comme des ‹ auxi- formation de toutes les professions de la cutée sans tabou au sein du comité consul- liaires ›. » santé et abordés dans le cadre de formations tatif eHealth Suisse. A ce sujet, il est fait continues et de perfectionnement. » référence à l’étude de KPMG « Modèles Dans quelles mesures l’utilisation possibles d’organisation et de financement des formats d’échange qui seront Avant : « Dans le cadre de leurs compé- de communautés et de communautés de ré- définis dans l’annexe 4 de l’ODEP-DFI tences, la Confédération et les cantons s’em- férence – Recommandation pour le secteur est-elle obligatoire ? ploient à ce que davantage de professionnels public – Création d’une structure incitative Cette question concerne les formats avec des connaissances approfondies en in- appropriée dans le secteur ambulatoire ». d’échange déjà développés qui ne prennent formatique médicale soient formés (par ex. pas encore en compte les bases qui viennent filière master en informatique médicale). » Une base légale est-elle requise pour d’être définies. Après : « Dans le cadre de leurs compétences, l’utilisation secondaire des données « Les modèles adaptés aux traitements dé- la Confédération et les cantons s’emploient du dossier électronique du patient coulent des formats d’échange recomman- à ce que les professionnels requis pour la (par ex. évaluation anonyme pour la dés au niveau national et à développer à mise en œuvre du dossier électronique du gouvernance du système de santé) ? l’avenir et s’inscrivent par étapes dans le patient soient formés. » Avant : « Oui, car l’utilisation secondaire droit d’exécution relatif à la loi fédérale sur des données du dossier électronique du le dossier électronique du patient (annexe 4). Puissent ces exemples vous montrer à quels patient n’est pas stipulée dans la LDEP. » Le groupe de travail « Formats d’échange » niveaux et autour de quelles questions Après : Idem ! Tout de même, selon l’OFSP, dirigé par eHealth Suisse élabore la straté- complexes les parties intéressées, à savoir les conditions concernant l’utilisation se- gie de base et se penche également sur les les cantons et leurs SCM, la CDS, l’OFSP, condaire vont être réexaminées en détail. formats d’échange qui ne font pas partie du l’OFS, le DFI, eHealth Suisse, les sociétés DEP. » d’informatique et de logiciels, les sociétés d’exploitation et les fournisseurs de plate- D’autres exemples formes tels que LA POSTE, Swisscom Avant : « Dans le cadre de leurs compétences, Health AG, AD Swiss / Health Info net, la Confédération et les cantons veillent à ce etc., débattent si possible entre elles de ma- qu’eHealth et les bases de l’informatique nière coordonnée. doc.be 03/2018 Dossier électronique du patient 11
Le sucre, cette douce tentation Le sucre nuit à la santé. La montée de l’obésité incite de plus en plus de pays à prendre des mesures pour réduire la consommation de sucre. Santé publique Suisse a organisé le 26 avril 2018 un symposium pour discuter de ces mesures. Texte : Rahel Brönnimann, service de presse la consommation de sucre ? Ils jouent d’abord la et d’information carte de l’éducation, afin de renforcer les compé- Photo : iStockphoto tences en matière d’alimentation de la population. Ils veulent aussi améliorer le contexte et faciliter Quels que soient les chiffres disponibles utili- un choix sain, grâce à des menus équilibrés dans les sés pour le calculer ou l’estimer, le résultat reste cantines par exemple. le même : nous consommons beaucoup trop de sucre. Selon les recommandations de l’Organi- Moins de sucres cachés sation mondiale de la santé, la part du sucre dans En matière de réduction de la consommation de l’apport quotidien d’énergie ne devrait pas dépas- sucre, la Suisse mise principalement sur des ac- ser 5 % pour préserver sa santé. Pour un adulte cords volontaires avec l’industrie. En effet, la quan- souvent assis durant la journée, cela représente tité de sucre consommée peut être réduite en modi- environ 25 g de sucre. Or, nous en consommons fiant la composition des produits alimentaires. En en moyenne quatre fois plus. L’Office fédéral de signant la Déclaration de Milan en 2015, plusieurs la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires entreprises suisses se sont engagées à réduire la te- (OSAV) estime la consommation quotidienne de neur en sucre des yogourts et des mueslis. Et les sucre en Suisse à 110 g par jour et par personne. Or, premiers résultats sont là : la part de sucres ajoutés cette forte quantité de sucre rend malade. Caries, dans les 461 yogourts évalués a diminué de 3 % en obésité, diabète, goutte, hypertension et maladies moyenne à 16,2 g par pot. Cela représente toujours cardiovasculaires, toutes ces pathologies sont liées plus de quatre morceaux de sucre ajoutés par pot à une consommation excessive de sucre. C’est en moyenne, certains pots de 180 g en contiennent pour cela que les organisations de santé et l’OSAV même plus de huit morceaux. Toutefois, plusieurs veulent réduire la consommation de sucre. Mais ce nouveaux yogourts affichent nettement moins de n’est pas une mince affaire. En effet, la production sucre que la moyenne, une évolution réjouissante de sucre est un secteur économique important, en du point de vue de la promotion de la santé. Suisse également, et l’industrie agroalimentaire n’a aucun intérêt à utiliser et à vendre moins de sucre. Mais comment les consommateurs peuvent-ils De plus, le sucre est un symbole d’affection, nous dénicher ceux contenant moins de sucre dans les l’utilisons pour nous récompenser et faire des ca- longs rayons des supermarchés remplis de toutes deaux. Qu’il s’agisse du gâteau d’anniversaire, des sortes de yogourts ? Car même en prenant le temps biscuits de Noël ou des lapins de Pâques en choco- de comparer la liste des ingrédients sur les yo- lat, le sucre joue un rôle essentiel dans quasiment gourts, encore faut-il savoir reconnaître les sucres toutes les fêtes. Qu’entreprennent donc les gouver- « cachés ». Certains producteurs évitent le mot nements et les acteurs de la santé pour diminuer « sucre » en utilisant les sous-catégories saccharose 12 doc.be 03/2018 Colloque consommation de sucre
Anniversaire, Pâques ou ou glucose, ou encore listent des ingrédients tels Plusieurs participants au symposium demandent Noël : quand on fête quelque que le sirop d’érable ou le jus de pomme concentré, à l’industrie agroalimentaire des mesures spéci- chose, on trouve beaucoup en grande partie composés de sucre. C’est pourquoi fiques pour mieux protéger les enfants. Nathalie de sucre sur la table. Barbara Pfenninger, de la Fédération romande des Farpour-Lambert plaide entre autres pour un consommateurs FRC, exige un étiquetage clair, en marketing raisonnable et le renoncement aux pro- couleur, de la quantité de sucre des produits. messes publicitaires mensongères. Les aliments riches en sucre ne devraient pas être vendus en tant Les boissons, véritables bombes à sucre qu’aliments sains. En outre, il faudrait renoncer à Les boissons sucrées ont un taux de sucre extrême- placer ces produits à la hauteur des yeux des en- ment élevé. Leur consommation et la prise de poids fants dans les magasins pour mieux les vendre. sont étroitement liées, comme le montrent 97 % des 30 études réalisées ces trois dernières années sur le sujet. Certains pays, régions ou villes tentent à présent d’endiguer la consommation de sucre en taxant les boissons sucrées. Là où ce type d’impôt est déjà en place depuis un certain temps, les effets sont visibles. A Mexico, Berkeley et Philadelphie, le profil de consommation a changé. La population y consomme moins de boissons sucrées et plus d’eau. Depuis 2017, la Catalogne, le Portugal, San Francisco, Seattle, l’Irlande et l’Afrique du Sud ont également mis en place un impôt sur le sucre. Nathalie Farpour-Lampert, médecin aux Hôpitaux universitaires de Genève, rappelle toutefois aussi la grande consommation de jus de fruits dans cer- tains pays. Le jus de fruits passe pour une boisson saine alors qu’il regorge de sucre : un demi-litre de jus de pomme contient quatorze morceaux de sucre. Si moins de boissons sucrées sont consom- mées au profit des jus de fruits, le problème n’est donc pas réglé. La boisson à privilégier est l’eau. Les organisations de santé recommandent de rem- placer par jour au maximum une portion de fruit par deux décilitres de jus de fruits. doc.be 03/2018 Colloque consommation de sucre 13
L’effet du sucre sur notre Ce qui est en revanche difficile, c’est de reconnaître tous les aliments qui contiennent du sucre. Alors organisme qu’il est clair que les bonbons, les boissons et pâtis- series sucrées en contiennent, on s’y attend moins Photo : màd dans les sauces toutes prêtes et les pizzas surgelées. Les nombreux noms derrière lesquelles du sucre se Une interview de Bettina Wölnerhanssen, Dr med., cache compliquent également les choses. Le meil- responsable par interim, St. Clara Forschung AG, leur moyen d’éviter les sucres dits « cachés » est de St. Claraspital Bâle préparer ses repas soi-même. Cela prend certes plus de temps, mais en fin de compte, on sait ce que Bettina Wölnerhanssen, notre corps a-t-il l’on mange. besoin du sucre de l’alimentation ? Notre organisme a effectivement besoin de sucre. Le type de sucre que nous consommons Les globules rouges (érythrocytes), par exemple, fait-il une différence pour l’organisme ? ne peuvent pas fonctionner sans glucose. Mais Le fructose est-il par exemple plus sain nous n’avons pas besoin de sucre dans l’alimenta- que le saccharose ? tion. Par chance, nous pouvons produire le glucose Le sucre double saccharose est rapidement trans- nous-mêmes, à partir de différents substrats des formé par l’organisme en fructose et glucose, pre- aliments, tels que l’amidon, la graisse ou les pro- mière étape de son métabolisme. Une consomma- téines. L’homme moderne (Homo sapiens) existe tion extrêmement élevée de fructose n’entraîne depuis 100 000 ans et l’espèce s’est admirablement pas d’augmentation de la glycémie, contrairement développée sans sucre. Le sucre ne fait partie de au glucose. Le fructose augmente en revanche les notre alimentation quotidienne que depuis 150 à lipides sanguins et n’a, contrairement au glucose, 200 ans. C’est un produit de luxe qui ne nous est pratiquement pas d’effet rassasiant. Certaines absolument pas indispensable. études indiquent même que le fructose stimulerait l’appétit. Une consommation excessive régulière La consommation de sucre est-elle com- tant des sucres simples glucose et fructose que du mandée par notre tête ? Pouvons-nous gérer sucre double saccharose est néfaste pour plusieurs notre envie de sucre par l’autocontrôle ? organes. Favoriser un sucre par rapport aux autres Les mécanismes de régulation de l’appétit et de la n’a donc aucun sens. En principe, il faudrait dimi- satiété dans l’organisme sont complexes. C’est im- nuer la consommation de tous les sucres. La ten- portant, car l’organisme s’efforce de toujours main- dance actuelle de remplacer le saccharose par du tenir un équilibre – ni trop ni trop peu d’énergie. fructose est d’ailleurs une mauvaise idée, car le De même, le niveau de glycémie doit rester dans fructose s’avère particulièrement néfaste. une fourchette étroite. La plupart des processus impliqués sont inconscients, seule une petite partie Les édulcorants sont-ils une option ? est consciente et peut être influencée de manière Autrement dit, le Coca-Cola zero est-il ciblée. Cela ne signifie pas pour autant qu’il soit im- meilleur pour notre organisme que possible de limiter volontairement sa consomma- le Coca-Cola ? tion de sucre. C’est difficile au début, mais de plus La consommation de sucre doit être réduite, sans en plus facile par la suite. Lors d’une consomma- aucun doute. Le remplacer par d’autres substances tion importante, les papilles gustatives de la langue au goût sucré qui sont moins nocives est une pos- s’habituent à l’alimentation sucrée et s’émoussent. sibilité pour se rapprocher de ce but. Cependant, En réduisant le sucre, voire en y renonçant complè- certaines études sur les édulcorants artificiels tement pendant quelque temps, on constate que les soulèvent des questions et une consommation mets sucrés paraissent tout à coup beaucoup plus chronique de grandes quantités devrait au moins sucrés. On est plus rapidement rassasié de sucre et être considérée comme critique. Il serait éventuel- s’en passer devient plus facile. lement plus judicieux d’utiliser une large palette de différents édulcorants, mais aussi de recourir 14 doc.be 03/2018 Colloque consommation de sucre
plus souvent à des substances naturelles telles que Pourquoi faut-il particulièrement protéger l’inuline, le xylitol ou l’érythritol. En principe, il les enfants ? faudrait réduire la part des aliments au goût sucré Les enfants dépendent de nous, ils mangent ce que sans essayer de simplement remplacer le sucre. nous leur proposons. Or, ils supportent moins de sucre que les adultes, car le volume de leur corps En conclusion, un verre d’eau est préférable tant est bien plus faible, mais aussi parce qu’ils y sont au Coca-Cola zero qu’au Coca-Cola. Mais si je bien plus sensibles en raison des hormones de dois choisir entre ces deux derniers, je prendrai la croissance. Parallèlement, ils sont très réceptifs à version zero, car les effets néfastes du sucre ne font la publicité, ce qui est largement exploité. Public aucun doute. cible de choix, ils sont courtisés de tous les côtés. Certains dégâts dus à la consommation de sucre, Que signifient les produits terminaux de comme les caries ou les PTG, perdurent toute la glycation (PTG), qu’indiquent-ils ? vie. Nous avons une grande responsabilité et nous Quand une protéine baigne dans du sucre, les devons en faire plus pour protéger les enfants. groupes « sucre » se lient spontanément à la proté- ine et forment des complexes stables appelés PTG Le présent article a été rédigé dans le cadre d’une (ou AGE en anglais, pour advanced glycation en- coopération entre doc.be et le Swiss Dental Journal dproducts). Ces liaisons peuvent limiter la fonction SSO. de la protéine. Or, notre corps est constitué de pro- téines qui baignent régulièrement dans du sucre, le glucose sanguin. La formation de PTG est en soi un processus normal du vieillissement. Cependant, si la glycémie est souvent élevée, plus de PTG s’ac- cumulent dans l’organisme, ce qui est à éviter. Le collagène, important pour l’élasticité de la peau et des vaisseaux sanguins, par exemple, est particu- lièrement abîmé par ces liaisons avec le sucre. Une hyperglycémie sur la durée se paye donc par un vieillissement prématuré de la peau et des parois des vaisseaux. Le sucre est-il une drogue ? Le sucre est une substance psychoactive qui par- tage quelques propriétés avec certaines drogues. Sa consommation stimule les récepteurs de la do- pamine du cerveau tout comme d’autres drogues. PD Dr. Bettina Wölnerhanssen De plus, des symptômes de sevrage apparaissent Depuis 2016, Bettina Wölnerhanssen, docteur et privat- quand une personne ayant précédemment consom- docent, mène des recherches cliniques au St. Claraspital de mé beaucoup de sucre y renonce soudain complète- Bâle. Elle a suivi des études de médecine à l’université de ment. Des changements de dépendance sont aussi Bâle et obtenu son titre de médecin spécialiste en chirurgie décrits, comme des alcooliques qui se rabattent sur en 2010. Ses recherches portent principalement sur les mé- le sucre. Pendant la prohibition, la consommation canismes de l’appétit et de la satiété, l’obésité et la chirurgie de sucre aux Etats-Unis a fortement augmenté. bariatrique ainsi que sur le sucre et les succédanés du sucre. Contrairement aux autres drogues, il n’y a toutefois pas d’effet direct visible, la personne ne ressent pas d’effet d’ivresse. doc.be 03/2018 Colloque consommation de sucre 15
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