Une période de transition - RBC Wealth Management

 
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Une période de transition - RBC Wealth Management
Février 2020

       Une période
       de transition
       Pour les actions américaines,
       l’année qui commence se
       déroulera sous le signe de la
       modération, de la turbulence et
       du changement. Quelles seront les
       conséquences pour les stratégies
       de placement ?

       Lori Calvasina | Page 4

  Rapport spécial                      Actions mondiales                     Titres mondiaux à revenu fixe     Devises
  Davos 2020 :                         Un mouvement haussier                 Les plans les mieux conçus        Dollar américain :
  enjeu planétaire                                                           tournent souvent mal              en hausse

Voir les déclarations importantes et obligatoires sur les analystes qui ne sont pas américains à la page 29.
Produit le 4 février 2020 à 12 h 29 (HE) ; diffusé le 4 février 2020 à 13 h 30 (HE)

Les produits de placement et d’assurance offerts par l’intermédiaire de RBC Gestion de patrimoine
ne sont pas assurés par la FDIC ou un autre organisme du gouvernement fédéral ; ils ne constituent
pas un dépôt ni ne confèrent quelque autre obligation à une banque ou l’une ou l’autre de ses
filiales, et ils ne sont pas garantis par une banque ou l’une ou l’autre de ses filiales. Ils comportent
des risques d’investissement, y compris la possibilité de perdre le capital investi.
Une période de transition - RBC Wealth Management
Perspectives
        mondiales
      Février 2020

                                        Table des matières
                                        4         Une période de transition
                                        Les actions américaines ont fortement progressé pendant plus d’un an. Lori Calvasina,
                                        chef, Stratégie sur actions américaines de RBC Marchés des Capitaux, SARL, nous dit
                                        pourquoi les marchés devraient réduire la cadence et produire des gains se rapprochant
                                        des moyennes historiques. Elle donne ses impressions sur les difficultés posées par les
                                        valorisations aux États-Unis, explique si les possibilités sont plus intéressantes dans les
                                        autres marchés et indique où trouver des occasions alors que des changements s’opèrent sur
                                        les marchés américains.

                                        8         Davos 2020 : enjeu planétaire
                                        Le 50 Forum économique mondial a consacré le rôle décisif de la confiance dans la cohésion
                                              e

                                        d’un monde de plus en plus divisé. Dave McKay, chef de la direction, RBC, fait part de
                                        dix constats tirés du forum de Davos 2020.

                                        16 Actions mondiales : un mouvement haussier
                                        Que ce soit à cause de l’éclosion du coronavirus ou de la politique américaine, les marchés
                                        boursiers font face à une course semée d’embûches qui devrait entraîner des accès de
                                        volatilité. Mais à notre avis, ils pourront progresser pendant le reste de l’année et offrir par
                                        le fait même des rendements totaux intéressants.

                                        20 	Titres mondiaux à revenu fixe : les plans les mieux conçus
                                                  tournent souvent mal
                                        Nous croyions qu’en assouplissant leur politique monétaire en 2019, les banques centrales
                                        pourraient rester sur la touche en 2020, mais l’apparition d’une nouvelle série de craintes au
                                        sujet de la croissance mondiale les porterait presque assurément à reprendre le collier.

                                        Les coulisses des marchés
                                        3         Position de RBC en matière de placements

                                        16        Actions mondiales

                                        20        Titres mondiaux à revenu fixe

                                        24        Devises

                                        25        Marchandises

                                        26        Principales prévisions

                                        27        Feuille de pointage du marché

                                        Sauf indication contraire, toutes les valeurs sont en dollars américains et établies au 31 janvier 2020, à
                                        la clôture du marché.

2   Perspectives mondiales | Février 2020
Une période de transition - RBC Wealth Management
Aperçu mondial des
   catégories d’actif

                                               Position de RBC en matière
Opinions sur les actifs mondiaux
                                               de placements
Catégorie     Opinion                          Actions
d’actif
              —           =          +         • Après les gains records enregistrés en 2019 dans un contexte où l’économie mondiale a
                                                 donné des signes de reprise grâce à l’assouplissement de la politique monétaire des banques
Actions                                          centrales et à l’apaisement des tensions commerciales, l’émergence du coronavirus à la fin
                                                 de janvier a donné aux investisseurs en actions mondiales une bonne raison d’encaisser
Titres à                                         leurs bénéfices.
revenu fixe                                    • Pourtant, il est loin d’être certain que les effets de l’épidémie sur la croissance mondiale
                                                 seront durables. Le consommateur américain demeure en bonne posture, les bénéfices
                                                 publiés par les sociétés jusqu’à présent sont encourageants et l’Europe continue de montrer
           Rendement          Rendement          des signes de stabilisation de la croissance. À notre avis, tout recul de l’économie chinoise
           anticipé           anticipé           devrait entraîner davantage de mesures de relance.
           inférieur à        supérieur à
           la moyenne         la moyenne       • Par conséquent, tant que les risques de récession sont loin devant, nous maintenons une
                                                 pondération neutre en actions et croyons que ces titres enregistreront des rendements
                                                 modérés en 2020.
Voir la section « Explication des
opinions » pour plus de détails                Titres à revenu fixe
Source : RBC Gestion de patrimoine             • Le taux des obligations du Trésor américain à dix ans, qui sert de référence, est confiné
                                                 dans une fourchette de 1,5 % à 2,0 % depuis quelque six mois. Toutefois, un autre épisode
                                                 de craintes concernant la croissance mondiale et la ruée vers les valeurs refuges ont ramené
                                                 les taux à l’extrémité inférieure de la fourchette. Nous croyons que le taux à dix ans pourrait
                                                 tomber en dessous du creux historique de 1,36 % atteint en 2016. Même si la chute récente
                                                 des taux mondiaux pourrait être temporaire, compte tenu de l’incertitude économique que
                                                 suscite l’éclosion du coronavirus, il faut rappeler que le recul des taux du Trésor américain
                                                 et des obligations mondiales se déroule depuis plus d’un an et que la tendance se maintient
                                                 depuis le sommet généralisé atteint en 2018.
                                               • Nous maintenons notre pondération neutre pour les titres mondiaux à revenu fixe. Les taux
                                                 obligataires à l’échelle mondiale demeurent certes historiquement bas, mais il en est de
                                                 même pour leurs plafonds. Comme nous croyons que les marchés en général seront plus
                                                 volatils en 2020 qu’ils ne l’ont été récemment, nous comptons sur les titres à revenu fixe pour
                                                 offrir aux portefeuilles une source de protection et de stabilité.

                                               Explication des opinions
                                               (+/=/–) représente l’opinion du Comité des Services-conseils en gestion mondiale de
                                               portefeuille pour un horizon de placement de 12 mois.

                                               + Surpondération laisse entendre un potentiel de rendement supérieur à la moyenne pour la
                                               catégorie d’actif ou la région par rapport aux autres catégories d’actif ou régions.

                                               = Pondération neutre laisse entendre un potentiel de rendement moyen pour la catégorie d’actif
                                               ou la région par rapport aux autres catégories d’actif ou régions.

                                               – Sous-pondération laisse entendre un potentiel de rendement inférieur à la moyenne pour la
                                               catégorie d’actif ou la région par rapport aux autres catégories d’actif ou régions.

      3    Perspectives mondiales | Février 2020
Une période de transition - RBC Wealth Management
Article
                de fond

                                          Une période de transition
                                          Les actions américaines ont fortement progressé pendant plus d’un an.
                                          Lori Calvasina, chef, Stratégie sur actions américaines de RBC Marchés
                                          des Capitaux, SARL, nous dit pourquoi les marchés devraient réduire la
                                          cadence et produire des gains se rapprochant des moyennes historiques.
                                          Elle donne ses impressions sur les difficultés posées par les valorisations
                                          aux États-Unis, explique si les possibilités sont plus intéressantes dans
                                          les autres marchés et indique où trouver des occasions alors que des
               Lori Calvasina
                                          changements s’opèrent sur les marchés américains.
         New York, États-Unis

                                          Perspectives mondiales : Jusqu’à tout récemment et pendant des
                                          mois, le marché est systématiquement allé de l’avant. Quelles sont vos
                                          prévisions pour l’année qui commence ?
                                          Lori Calvasina : Nous croyons que 2020 se déroulera sous le signe de la modération, de
                                          la turbulence et du changement pour les marchés boursiers américains. À notre avis,
                                          le risque de repli à court terme est très élevé, principalement à cause des valorisations
                                          excessives et des positions résultant de l’exubérance des investisseurs institutionnels.
                                          Cela dit, le S&P 500 connaît rarement des années baissières, sauf en cas de craintes
                                          à propos de la croissance, de récession ou d’éclatement d’une bulle sur les marchés
                                          financiers. Ces scénarios demeurent peu probables et, de ce fait, 2020 devrait être une
                                          autre année haussière, sauf qu’elle offrira des rendements plus volatils et plus près de la
                                          moyenne à long terme.
                                          Notre cible pour le S&P 500 à la fin de 2020 est de 3 460, ce qui représente un gain
                                          de 7,1 % pour l’année complète. Cette cible repose sur l’hypothèse d’une légère
                                          expansion des marges bénéficiaires, d’une croissance des revenus de quelque 4 % et
                                          d’une croissance des bénéfices de 6 % (174 $ par action) par rapport à 2019. À notre avis,
                                          les rachats d’actions et les dividendes continueront de soutenir les actions américaines
                                          cette année.

                                          Un indicateur de la confiance des marchés
                                          Position acheteur nette notionnelle pour les contrats à terme des
     Lori Calvasina est première          gestionnaires d’actifs sur le S&P 500 (USD)
           directrice générale et
      chef, Stratégie sur actions
  américaines de RBC Marchés                  160 G$                                                                         L’exubérance récente
        des Capitaux, SARL. Son
                                                                                                                             des investisseurs
   travail porte principalement
                                              120 G$                                                                         institutionnels qui
         sur l’établissement des
                                                                                                                             transparaît dans leurs
    positions dans les marchés
                                                                                                                             positions rend les
        boursiers américains en
                                               80 G$                                                                         marchés boursiers
  fonction de la taille, du style,
   des secteurs et du choix des
                                                                                                                             vulnérables aux
  actions. Elle a été stratégiste                                                                                            mauvaises nouvelles.
                                               40 G$
    en actions dans de grandes
      banques d’investissement
  pendant près d’une vingtaine                  0$
      d’années. De plus, elle est
                                                       juin 06

                                                                 juin 08

                                                                           juin 10

                                                                                     juin 12

                                                                                               juin 14

                                                                                                         juin 16

                                                                                                                   juin 18

souvent invitée par des médias
     financiers tels que CNBC et
    Bloomberg à transmettre sa
                                          Sources : Stratégie sur actions américaines, RBC Marchés des Capitaux, Bureau
     connaissance des marchés             des contrats à terme RBC, Commodity Futures Trading Commission ; données
           boursiers américains.          prises en compte jusqu’au 21 janvier 2020

 4    Perspectives mondiales | Février 2020
Une période de transition - RBC Wealth Management
Une période
      de transition

                                        Quels seraient les catalyseurs potentiels d’un repli boursier ?
                                        Les investisseurs pourraient se rendre compte que la croissance économique des
                                        États-Unis est susceptible de ralentir. De plus, les prévisions de bénéfices des sociétés
                                        risquent de diminuer.
                                        Nous croyons que toute intensification des craintes liées au coronavirus pourrait
                                        accroître la volatilité des marchés boursiers américains à court terme, car le léger
                                        regain d’optimisme des entreprises observé au lendemain de l’accord commercial
                                        de phase un avec la Chine pourrait alors ne plus être justifié. Le problème le plus
                                        important tient au fait que les investisseurs pourraient remettre en question (du moins
                                        temporairement) l’élan d’espoir qui a propulsé les cours des actions américaines
                                        depuis l’automne. Cet élan était motivé par les attentes d’amélioration des conditions
                                        économiques mondiales.
                                        En outre, les marchés pourraient pâtir de nouvelles tensions d’ordre géopolitique,
                                        par exemple entre les États-Unis et l’Iran, ou de rebondissements dans le conflit
                                        commercial avec la Chine à l’aube des négociations sur l’accord de phase deux. Nous
                                        doutons que l’accord de phase un soit assez complet pour restaurer la confiance des
                                        entreprises, qui a été grandement ébranlée.
                                        Les élections aux États-Unis pourraient elles aussi faire dérailler les marchés. À notre
                                        avis, les investisseurs institutionnels sont devenus trop confiants : ils présument que
                                        les résultats des élections primaires et générales seront nécessairement bons pour les
                                        marchés. La saison des primaires du Parti démocrate, qui débute par les caucus de
                                        l’Iowa le 3 février et qui se termine essentiellement à la fin de mars, pourrait déstabiliser
                                        les marchés boursiers.

                                        Pourquoi soutenez-vous que les valorisations du S&P 500 posent
                                        des difficultés ?
                                        Compte tenu des baisses de taux d’intérêt de la Fed, les valorisations du S&P 500 ont
                                        bondi en 2019 et, à la fin de l’année, le ratio cours-bénéfice prévisionnel avait atteint un
                                        sommet de 19,8x (d’après les estimations générales pour les deux exercices suivants).
                                        Pour 2020, nous n’anticipons ni une expansion importante des ratios cours-bénéfice

                                        Selon le modèle combiné de RBC Marchés des Capitaux,
                                        la valorisation du S&P 500 serait élevée
                                            3                                                                                                                  60 %
                                                                                                                                                                       La valeur de notre
                                            2                                                                                                                  40 %    modèle combiné a
                                            1                                                                                                                  20 %    atteint son sommet pour
                                                                                                                                                                       le présent cycle haussier
                                            0                                                                                                                  0%      et se rapproche du
                                            -1                                                                                                                 -20 %   sommet atteint en 1999.

                                            -2                                                                                                                 -40 %
                                            -3                                                                                                                 -60 %
                                                 déc. 89

                                                           déc. 92

                                                                     déc. 95

                                                                               déc. 98

                                                                                         déc. 01

                                                                                                   déc. 04

                                                                                                             déc. 07

                                                                                                                       déc. 10

                                                                                                                                 déc. 13

                                                                                                                                           déc. 16

                                                                                                                                                     déc. 19

                                                           Rendements prévisionnels du S&P 500 dans 12 mois (à droite)
                                                           Cote Z du S&P 500 selon le modèle combiné (à gauche)

                                        Nota : Le modèle combiné a recours à 34 mesures différentes, dont différentes moutures
                                        des ratios cours-bénéfice, cours-valeur comptable et cours-flux de trésorerie.
                                        Sources : Stratégie sur actions américaines, RBC Marchés des Capitaux, estimations
                                        de S&P Capital IQ/Clarifi, estimations de Refinitiv I/B/E/S ; données prises en compte
                                        jusqu’au 24 janvier 2020

5   Perspectives mondiales | Février 2020
Une période de transition - RBC Wealth Management
Une période
      de transition

                                        ni de nouvelles baisses de taux. De plus, nous ne parlerions pas d’assouplissement
                                        quantitatif pour décrire la gestion actuelle du bilan de la Fed. Par conséquent, nous
                                        sommes d’avis que les gains boursiers seront moins élevés en 2020.
                                        Pour évaluer l’indice S&P 500, nous privilégions tout particulièrement le « modèle
                                        combiné ». Il consiste à résumer la valorisation de l’indice selon 34 mesures différentes,
                                        dont différentes moutures des ratios cours-bénéfice, cours-valeur comptable et
                                        cours-flux de trésorerie. Selon ce modèle, la valorisation du S&P 500 est très élevée
                                        par rapport à sa moyenne à long terme. De plus, ce type de valorisation s’accompagne
                                        généralement d’une croissance des marchés boursiers nulle ou inférieure à 5 % dans
                                        les 12 mois suivants.
                                        Les valorisations élevées du S&P 500 nous portent encore plus à croire que les cours
                                        des actions américaines tiennent déjà compte des avantages éventuels de l’accord
                                        commercial de phase un avec la Chine. Les marchés en avaient fait autant au quatrième
                                        trimestre de 2017, alors que les baisses d’impôt des sociétés n’entraient en vigueur qu’en
                                        janvier 2018.

                                        Comme les rendements s’annoncent moindres aux États-Unis,
                                        trouve-t-on des occasions plus intéressantes ailleurs ?
                                        Nous commençons à voir des possibilités dans d’autres marchés. Cette situation
                                        s’explique principalement par la valorisation, les tendances économiques et la politique
                                        de la Fed. Le marché américain demeure surévalué par rapport à ceux de la plupart
                                        des autres régions importantes. Les bonnes surprises diminuent dans les données
                                        économiques intérieures, mais recommencent à faire leur apparition en Europe et en
                                        Chine. En règle générale, lorsque la Fed est en mode assouplissement, les marchés
                                        boursiers américains surclassent le reste du monde. Selon nos économistes, la banque
                                        centrale marquera une pause en 2020 en raison de la résilience de l’économie, de
                                        l’accalmie dans la guerre commerciale avec la Chine et des élections présidentielles.
                                        Les marchés boursiers américains perdraient alors un avantage qui les plaçait en tête
                                        de peloton.
                                        Depuis la crise financière mondiale, le rendement des États-Unis par rapport aux autres
                                        marchés est vaguement lié à celui des actions américaines de croissance (p. ex., du
                                        secteur de la technologie) plutôt que de valeur (p. ex., des secteurs de la finance et
                                        des produits industriels). Les autres marchés boursiers sont moins centrés sur les

                                        Tendances de répartition régionale des fonds d’actions
                                        mondiales à grande capitalisation (pourcentage des actifs)
                                        60 %
                                                                                                                                           Les pondérations
                                        50 %                                                                                               allouées à l’Amérique
                                                                                                                                           du Nord ont monté en
                                        40 %                                                                                               flèche, alors que les
                                        30 %                                                                                               positions en Europe et
                                                                                                                                           en Asie ont diminué,
                                        20 %                                                                                               mais ces tendances
                                                                                                                                           pourraient commencer
                                        10 %
                                                                                                                                           à s’inverser.
                                            0%
                                                 déc. 02

                                                           déc. 04

                                                                     déc. 06

                                                                               déc. 08

                                                                                         déc. 10

                                                                                                   déc. 12

                                                                                                             déc. 14

                                                                                                                       déc. 16

                                                                                                                                 déc. 18

                                                      Amérique du Nord                   Grande Europe                 Grande Asie
                                        Sources : Stratégie sur actions américaines, RBC Marchés des Capitaux,
                                        Morningstar ; données prises en compte jusqu’au troisième trimestre de 2019

6   Perspectives mondiales | Février 2020
Une période de transition - RBC Wealth Management
Une période
      de transition

                                        secteurs de croissance et sont plutôt axés sur la valeur. Si le récent virage vers les actions
                                        américaines de valeur persistait, les marchés boursiers des autres pays pourraient
                                        dépasser l’indice S&P 500.
                                        Les fonds d’actions américaines ont enregistré des flux négatifs récemment,
                                        contrairement aux fonds d’actions européennes, japonaises et chinoises. Au terme de
                                        nombreuses rencontres avec des investisseurs institutionnels, nous avons l’impression
                                        que les investisseurs mondiaux sont maintenant plus enclins à transférer leurs actifs des
                                        États-Unis vers d’autres pays qu’ils l’étaient depuis quelque temps.

                                        Dans quels secteurs des États-Unis voyez-vous les possibilités les
                                        plus intéressantes ?
                                        Nous continuons de privilégier les secteurs de la finance et des produits industriels.
                                        Ils sont nettement sous-évalués par rapport à l’indice S&P 500 et en règle générale, ils
                                        enregistrent des rendements supérieurs lorsque la composante Nouvelles commandes
                                        de l’indice ISM manufacturier monte et que les actions de valeur dépassent les actions
                                        de croissance. Les flux des fonds négociés en bourse se sont récemment stabilisés dans
                                        ces secteurs.
                                        Nous surpondérons également les services publics en guise de « police d’assurance »
                                        contre les épisodes de volatilité. Ce secteur est exposé à un faible risque politique lié
                                        aux élections présidentielles et tend à faire belle figure lorsque la composante Nouvelles
                                        commandes de l’indice ISM manufacturier recule. Il offrirait donc une certaine
                                        protection si les données économiques étaient décevantes. Il ne s’agit pas de notre
                                        scénario de base, quoiqu’il ne soit pas impossible compte tenu du stade avancé du
                                        cycle économique. Le secteur des services publics ne semble plus surévalué par rapport
                                        au S&P 500.

                                        Merci de nous avoir donné vos impressions.

7   Perspectives mondiales | Février 2020
Une période de transition - RBC Wealth Management
Rapport
              spécial

                                        Davos 2020 :
                                        enjeu planétaire
                                        Le 50e Forum économique mondial a consacré le rôle décisif de la confiance
                                        dans la cohésion d’un monde de plus en plus divisé. Dave McKay, chef de la
                                        direction, RBC, fait part de dix constats tirés du forum de Davos 2020.

                                        En 1971, lorsque des chefs d’entreprise se sont rencontrés pour la première fois à Davos,
                                        le monde était très divisé. Le capitalisme allait-il tenir ? Les États-Unis reculaient
              Dave McKay                face au communisme ; les populations adhéraient au socialisme, pas aux politiques
         Président et chef              monétaires ; et les jeunes s’opposaient aux multinationales qui dictaient les règles du
                                        commerce mondial.
      de la direction, RBC
            Toronto, Canada             Le capitalisme l’a emporté, et pour la vaste majorité des gens, le monde est devenu plus
                                        ouvert, plus savant, plus novateur et – selon la plupart des indicateurs – plus prospère.
                                        La semaine dernière, pourtant, le 50e Forum économique mondial de Davos a révélé
                                        une nouvelle fracture. Après un demi-siècle de mondialisation, de règles et d’ambitions
                                        qui, depuis la fin de la Guerre froide, ont accompagné l’entrée dans l’ère d’Internet et
                                        l’arrivée des appareils mobiles, maintenant omniprésents, le monde, confronté à de
                                        nouveaux défis, se questionne de plus belle. Et une fois de plus, la nouvelle génération
                                        réclame qu’on agisse. Le capitalisme peut-il encore relever le gant ?
                                        Cette cinquième participation au Forum m’a ouvert les yeux : les appareils géopolitiques
                                        et les systèmes économiques sont des plateformes de lutte pour aborder le grand
                                        virage à venir et en encaisser les profonds contrecoups. Au cours des années 2020, à
                                        mesure que nos sociétés relèveront le défi des changements climatiques et que seront
                                        exploitées les possibilités qu’offrent les technologies intelligentes, on pourrait assister
                                        à une restructuration des économies et des secteurs d’activité. Seulement, qui sera
                                        l’artisan du changement ? Plus que jamais, le secteur privé va devoir redoubler d’efforts.

8   Perspectives mondiales | Février 2020
Une période de transition - RBC Wealth Management
Davos 2020

                                        Voici quelques constats que j’ai faits à Davos.

                                        1. Les superpuissances sont les nouvelles superplateformes
                                        En janvier, les magasins de l’artère principale de Davos se font les vitrines des lointains
                                        marchés, qu’ils se trouvent au Karnataka, le long de la mer Caspienne ou – spécialement
                                        cette année – en Arabie saoudite, en Ukraine ou au Canada (où prospère l’industrie du
                                        cannabis). Si la diversité de l’économie mondiale transparaît toujours dans les étalages
                                        à la Disneyland, cette année ce sont deux puissances moins visibles qui se sont fait le
                                        plus entendre : les États-Unis et la Chine, qui représentent 40 % du PIB de la planète.
                                        Comme le montre leur différend commercial, chacune essaie d’obtenir le statut de moteur
                                        de la croissance mondiale. Cela est d’une importance critique pour quiconque vise un
                                        champ d’action mondial, qu’il s’agisse d’éradiquer la maladie, de réduire les émissions de
                                        carbone ou de trouver de nouveaux marchés. Au-delà d’une course à qui deviendra le plus
                                        grand, il s’agit d’une confrontation entre deux modèles économiques : le capitalisme des
                                        parties prenantes et le capitalisme d’État.

                                        Je faisais partie d’un groupe de PDG qui a rencontré le président Trump et des membres
                                        de son administration, tous convaincus que leurs politiques économiques ont dépassé les
                                        attentes. Ils croyaient aussi que leur recherche d’un ordre commercial reposant sur des
                                        accords régionaux et bilatéraux garantirait le maintien en orbite de l’économie mondiale
                                        autour du capitalisme américain, soutenu par les marchés de capitaux new-yorkais, les
                                        laboratoires de la Silicon Valley et un secteur manufacturier en redressement. La Chine
                                        était moins visible à Davos, mais la guerre commerciale n’a pas fait perdre confiance aux
                                        dirigeants chinois que j’ai rencontrés. Leur détermination semble croître, au contraire.
                                        Selon un habitué, il faut peut-être attribuer l’absence de nombreux chefs d’État (ceux du
                                        bloc BRIC, par exemple) à l’organisation, par la Chine, du sommet Belt and Road, toujours
                                        tenu en avril (à Beijing l’an dernier, à Dubaï en 2020), qui pourrait devenir le nouveau
                                        Forum de Davos. À eux seuls, les sommets et le commerce n’expliquent toutefois pas
                                        l’essor de la Chine, pour qui le capitalisme d’État implique de s’étendre partout en Asie et
                                        jusqu’en Europe afin de créer des gisements de données qui feront d’elle l’OPEP de l’ère
                                        numérique. Du modèle qui dominera dans les années 2020 dépendra le sort de toute
                                        entreprise ou nation aspirant à la croissance.

                                        2. La nouvelle voie à suivre par l’État
                                        Dans un Occident vieillissant et en faible croissance, les États s’affirment avec un aplomb
                                        inédit depuis la dernière crise financière. C’est particulièrement le cas en Europe, où les
                                        gouvernements doivent composer avec des taux d’intérêt négatifs et le Brexit désormais
                                        imminent, qui pourrait pénaliser le plus grand marché commun de la planète. En ces
                                        temps d’incertitude, les dirigeants de l’UE sont descendus à Davos pour plaider pour
                                        une attitude plus volontariste de la part des États. Ursula von der Leyen a été claire : le
                                        continent ne fera pas de compromis au chapitre de la réglementation afin de faciliter

9   Perspectives mondiales | Février 2020
Une période de transition - RBC Wealth Management
Davos 2020

                                        la concurrence avec la Grande-Bretagne. La présidente allemande de la Commission
                                        européenne est prête à imposer des mesures commerciales à tout pays qui ne respectera
                                        pas les normes environnementales, sociales et du travail de l’Union. Au cours de la
                                        prochaine décennie, les Européens pensent même consacrer 1 milliard d’euros à une
                                        « vague d’investissements verts » devant laquelle les démocrates américains, avec leur
                                        Green New Deal, n’auraient qu’à bien se tenir.

                                        Il y a un an à peine, de nombreux participants au Forum pensaient que les
                                        mécontentements à l’égard du capitalisme pourraient provoquer un retour au socialisme.
                                        Qui sait ? Il est toutefois des défenseurs pragmatiques de l’intervention de l’État. La
                                        chancelière allemande Angela Merkel, par exemple, applique un modèle économique
                                        ni de gauche ni de droite, mais ancré dans la durabilité. « Nos façons de faire vont devoir
                                        changer », a-t-elle déclaré lors de son 12e Forum de Davos. Plus équilibrée qu’ailleurs,
                                        l’attitude de l’Europe à l’égard des marchés se manifeste aussi dans la cyberéconomie :
                                        malgré le fardeau financier qu’imposent leurs nouvelles réglementations concernant les
                                        données, les pays de l’Union en semblent satisfaits et ils sont bien décidés à imposer une
                                        taxe numérique aux géants d’Internet, par souci d’équité et de captation d’une juste part
                                        des revenus. Les tensions commerciales internationales ne faciliteront pas les choses
                                        et risquent d’ailleurs de s’aggraver quand la Grande-Bretagne essaiera de conclure des
                                        accords avec les États-Unis, puis la Chine, dans l’espoir d’en devenir la plaque tournante.

                                        3. Le capitalisme de la finalité
                                        Le thème central du Forum était « le capitalisme des parties prenantes », terme plutôt
                                        vague censé évoquer une conduite des affaires intelligente, durable et selon laquelle
                                        collectivités, clients, employés et actionnaires auraient tous voix au chapitre. Bref, la
                                        finalité passerait avant le profit. Ces 50 dernières années, le secteur privé a laissé à
                                        l’État le soin de fixer les règles et de percevoir l’impôt pour le bien de tous. Seulement,
                                        l’État inspirant moins confiance et les enjeux de société gagnant en complexité, les
                                        entreprises définissent elles-mêmes les orientations en matière d’environnement, de
                                        questions sociales et de gouvernance, afin de demeurer crédibles aux yeux des citoyens
                                        et de contribuer à la prospérité des collectivités. Immense défi ! Prenons par exemple
                                        le baromètre de confiance Edelman : se fondant en grande partie sur la stagnation des
                                        revenus, plus de la moitié des personnes sondées jugent le capitalisme plus nuisible
                                        qu’utile. « Le capitalisme d’antan, c’est terminé », a déclaré Marc Benioff, fondateur
                                        et PDG de Salesforce.com.
                                        Des entreprises européennes et canadiennes ont déjà opté pour une conduite des affaires
                                        axée sur les fins, alors que leurs homologues américaines ou asiatiques ne font encore que
                                        s’engager dans cette voie. Satya Nadella, PDG de Microsoft, prône cette redéfinition du
                                        capitalisme. Selon lui, notre modèle économique – axé sur l’innovation et la mise à l’essai
                                        systématiques – constitue le système d’apprentissage le plus puissant au monde. Pour
                                        Satya Nadella, un tel système est plus que jamais nécessaire, vu la complexité croissante
                                        des enjeux. De son côté, Ajay Banga, PDG de Mastercard, estime que le secteur privé peut
                                        bâtir les partenariats et les réseaux qu’exigent ces mêmes enjeux. Il insiste sur l’action
10   Perspectives mondiales | Février 2020
Davos 2020

                                        à grande échelle, qui sera peut-être la grande force des années 2020 et dont le vecteur
                                        le plus efficace s’est révélé partout être l’entreprise – les plateformes mondiales en sont
                                        une nouvelle preuve. Or, ce nouveau capitalisme et le réseau complexe de relations qu’il
                                        suppose vont obliger de plus belle les PDG à dépasser les limites de leurs organisations
                                        et secteurs d’activité pour s’intéresser à de nouvelles questions et travailler avec des alliés
                                        improbables afin de mondialiser leurs solutions grâce à la puissance et à l’essence de leurs
                                        entreprises. Et Ajay Banga de souligner que « les enjeux actuels réclament plus d’argent
                                        que ne peuvent en réunir les philanthropes et les gouvernements ».

                                        4. L’imputabilité change de visage
                                        Si le secteur privé veut jouer un rôle moteur au cours des années 2020, il devra se
                                        faire mieux accepter que jamais par la société, donc participer plus activement à
                                        l’élaboration de normes nationales ou internationales sur les résultats que doit obtenir
                                        l’entreprise en matière environnementale, sociale ou de gouvernance. Nous ne pouvons
                                        pas nous permettre d’attendre que l’État endosse ce rôle. Cette année, le Forum et
                                        140 multinationales ont lancé un programme de mesure et de présentation des progrès
                                        que réalisent les entreprises sur quatre plans (Principes, Personnes, Planète, Prospérité).
                                        Les grands cabinets comptables ont conçu 22 indicateurs. Correctement mis en œuvre,
                                        l’indice créé peut aider les collectivités, les groupes environnementaux, les organismes
                                        de réglementation, voire les employés à contraindre les entreprises à rendre compte de
                                        leur performance au-delà des simples résultats financiers. En retour, le modèle peut aider
                                        le secteur privé – constamment en quête d’acceptation sociale – à mesurer ses progrès et
                                        ses résultats.
                                        Ce genre d’outil comporte toutefois des risques, notamment s’il y a déséquilibre entre
                                        les nombreuses variables prises en compte. C’était patent cette année à Davos, où les
                                        préoccupations environnementales ont éclipsé les questions sociales et de gouvernance.
                                        Rappelons ici que l’essor qu’a pris le populisme au cours de la dernière décennie est lié
                                        à l’incapacité de l’entreprise et de l’État à réparer le tissu social, mis à mal par la crise
                                        financière. La mauvaise gouvernance d’Internet a également été préjudiciable. Pour que
                                        le nouveau capitalisme trouve son équilibre, il faut considérer les inquiétudes sociales
                                        comme un tout et non comme les éléments discrets d’une simple grille de notation.

                                        5. La nouvelle arithmétique du zéro émission
                                        S’il fallait résumer le Forum en deux mots, ce serait ceux-là. Les entreprises – et tout
                                        un pays avec elles – peuvent-elles atteindre le « zéro émission », c’est-à-dire extraire de
                                        l’atmosphère plus de carbone qu’elles n’en émettent ? Cet hiver, les verts pâturages dans
                                        les vallées suisses de la région de Davos, témoignant des changements climatiques, ont
                                        servi de toile de fond aux avertissements de Greta Thunberg, qui était présente au Forum :
                                        l’histoire nous regarde et la nouvelle génération juge. Greta n’était pas la seule dans son
                                        camp. Le plus grand gestionnaire d’actifs de la planète, BlackRock, a annoncé qu’il allait
                                        désormais appliquer aux sociétés de ses fonds de placement des normes de durabilité
                                        beaucoup plus rigoureuses, notamment en ce qui a trait à la participation de l’entreprise
                                        à la réduction des émissions mondiales de carbone. Microsoft a déjà rehaussé la barre : sa
                                        politique d’émissions nulles, voire négatives, l’engage à compenser tout le carbone qu’elle
                                        aura produit dans son histoire. Peu d’entreprises ont calculé aussi rigoureusement que
                                        Microsoft les nouvelles émissions attribuables à leur simple existence. Si nous adhérons
                                        vraiment au concept de zéro émission, il reste beaucoup à faire.
                                        Jusqu’ici, on cherchait surtout à réduire les émissions. Désormais, on s’intéresse aussi
                                        aux mécanismes de compensation, notamment de type naturel. Comment amener
                                        les océans, les terres et les forêts à absorber rapidement plus de carbone, pendant que
                                        l’industrie adapte ses méthodes et qu’évoluent les préférences des consommateurs ? Les
                                        participants au Forum ont annoncé un engagement audacieux : contribuer à la plantation
                                        d’un milliard d’arbres, soit un tiers de plus que n’en porte la Terre aujourd’hui. Ce ne sera
                                        ni facile ni gratuit. Les principales institutions financières mondiales – banques, caisses de
                                        retraite, gestionnaires d’actifs – s’efforcent en outre d’affecter davantage de capitaux aux
                                        entreprises et technologies axées sur la réduction des émissions, tout en se désolidarisant

11   Perspectives mondiales | Février 2020
Davos 2020

                                        graduellement des grands émetteurs nets. Des directeurs financiers et des PDG de
                                        banques internationales m’ont dit que les gouvernements doivent en faire plus, imposer
                                        au secteur les règles de la durabilité, et fixer clairement le coût du risque, notamment
                                        le prix du carbone, afin que les marchés des capitaux et les exploitants d’entreprise
                                        s’occupent de ce qu’ils savent le mieux faire : optimiser l’affectation des ressources en
                                        raréfaction, piloter le changement et étendre l’innovation à l’échelle planétaire.

                                        6. L’énergie : une équation délicate
                                        Les sujets les plus controversés à Davos ont aussi été les plus importants. On y a
                                        discuté de la production et de la consommation d’énergie durant le prochain quart de
                                        siècle de manière à ce que les investisseurs et les consommateurs puissent prendre
                                        des décisions économiques rationnelles qui n’entraîneront ni catastrophe écologique
                                        ni bouleversement social. Pour y parvenir, il nous faudra plus de rationalité et moins
                                        d’émotions parce qu’aujourd’hui, l’équation est insoluble. L’Arabie saoudite, pays
                                        producteur de pétrole à faibles coûts et émissions, a envahi Davos de panneaux
                                        publicitaires et de salons de thé pour redorer son image alors qu’elle demeure l’un des
                                        plus importants exportateurs de pétrole au monde. Le Royaume est bien placé pour faire
                                        face à toute transition énergétique. Les États-Unis, qui ont su innover afin de devenir le
                                        plus grand producteur mondial de pétrole, ne font pas marche arrière eux non plus. Et il y
                                        a la Chine, dont les projets pourraient annuler tous les efforts dans le monde pour réduire
                                        l’empreinte carbone. Un spécialiste de la Chine a affirmé que le pays était en bonne
                                        voie d’atteindre son objectif d’ouvrir deux nouvelles usines à charbon par mois au cours
                                        des 12 prochaines années.
                                        J’ai rencontré les chefs de direction des plus importantes sociétés énergétiques du
                                        monde afin de mieux comprendre leurs défis et les mesures qu’ils prennent pour réduire
                                        leurs émissions. Leur réussite est une nécessité collective. Si on veut éviter d’énormes
                                        perturbations économiques, la transition vers une économie plus verte et diversifiée sur
                                        le plan énergétique devra s’échelonner sur des dizaines d’années. Elle devra également
                                        être mûrement réfléchie, sans quoi nous risquons le détournement massif de capitaux
                                        de certains de nos innovateurs les plus brillants : les entreprises des secteurs gazier et
                                        pétrolier qui ont recours à l’intelligence artificielle, aux drones de surveillance et à la
                                        chimie supérieure pour réduire les émissions. Certains de ces producteurs appréhendent
                                        l’exclusion par les investisseurs qui prennent des décisions fondées uniquement sur
                                        des calculs de l’empreinte carbone. Ces décisions à courte vue pourraient avoir des
                                        conséquences fâcheuses. En l’absence de plan précis de remplacement des combustibles
                                        fossiles, des producteurs risquent de stocker leurs liquidités – ou de les remettre à leurs
                                        actionnaires – plutôt que de les utiliser pour investir dans de nouvelles technologies.
                                        Toute baisse de la production qui en résulterait, surtout en l’absence de changements de
                                        comportement notables chez les consommateurs, pourrait entraîner un rebond des prix
                                        du pétrole et, dès lors, des conséquences économiques et politiques.

                                        7. Le retour du malthusianisme
                                        En 1971, lors du premier Forum, la population mondiale était de 3,8 milliards de
                                        personnes. Plusieurs malthusiens prétendaient alors que les ressources telles que l’eau,
                                        la terre et les aliments seraient insuffisantes. Or, grâce à la technologie et au commerce
                                        international, ce sont environ 7,8 milliards de personnes qui, aujourd’hui, ont accès à plus
                                        d’aliments que jamais. Arriverons-nous à maintenir ce rythme, alors que la population
                                        devrait avoisiner les 10 milliards d’ici 2050 ? Considérant que, chaque année, la Terre
                                        compte 80 millions d’habitants de plus (croissance particulièrement marquée en Afrique,
                                        au Moyen-Orient et dans d’autres régions aux prises avec des défis agroalimentaires),
                                        Davos a prêté une attention renouvelée à la sécurité alimentaire et à l’objectif de
                                        croissance de 60 % de la production alimentaire mondiale d’ici le milieu du siècle.
                                        Le Forum a réuni des innovateurs du secteur alimentaire des quatre coins du globe pour
                                        exposer comment la technologie peut, cette fois encore, nous sauver la mise. Carniculture,
                                        protéines de pois, agriculture verticale : de nouvelles idées sont à l’étude. Elles
                                        nécessiteront de nouvelles chaînes logistiques, des changements dans les comportements

12   Perspectives mondiales | Février 2020
Davos 2020

                                        des consommateurs et beaucoup plus d’investissements privés et publics. Pour montrer
                                        le rôle que chacun peut jouer, le Forum a créé le Future Food Day (jour consacré à
                                        la nourriture de l’avenir), au cours duquel ont été servies de petites portions de plats
                                        préparés avec des aliments d’origine locale. De telles mesures pourraient-elles changer la
                                        donne ? Certainement pas sans des investissements massifs dans la recherche financée
                                        par l’État, ni sans le développement de solutions novatrices par le secteur privé. Selon
                                        Ramon Laguarta, chef de la direction de PepsiCo, il faudrait établir une demi-douzaine
                                        de laboratoires de style Silicon Valley axés sur l’innovation agroalimentaire, où les
                                        universités, les entrepreneurs et les principaux producteurs pourraient travailler avec
                                        des producteurs agricoles de toutes tailles pour transformer leur façon de produire les
                                        aliments. C’est précisément ce que les Nations Unies ont fait dans les années 1960 et 1970 :
                                        créer une révolution verte qui a contribué à éviter un désordre malthusien. L’histoire
                                        pourrait se répéter pour autant que nous arrivions à renouveler notre adhésion au
                                        multilatéralisme et à accorder une plus grande place au leadership des entreprises.

                                        8. Monnaies 2.0
                                        Le premier Forum de Davos a été à l’origine de discussions concernant l’abolition de
                                        l’étalon-or et l’émergence du dollar américain comme monnaie de réserve mondiale.
                                        Cinquante ans plus tard, il y est question de monnaies pour l’économie numérique. Des
                                        dirigeants d’institutions financières se sont entretenus avec le gouverneur de la Banque
                                        d’Angleterre, Mark Carney, du prochain enjeu en matière de paiements : comment réduire
                                        les irritants attribuables aux paiements électroniques sans nuire au système financier,
                                        qui est le fondement de notre économie ? Nous avons surmonté les crises financières
                                        qui ont suivi la fin de l’étalon-or parce que notre système financier ne cloisonne pas les
                                        activités de dépôt, de prêt et de transfert de fonds. En fait, ce non-cloisonnement a permis
                                        de maintenir les niveaux de liquidités et d’assurer la concordance entre l’épargne à court
                                        terme (dépôts) et les investissements à long terme (prêts). Les monnaies électroniques
                                        pourraient faciliter les opérations, mais elles risquent de détourner les fonctions qui sont
                                        traditionnellement celles des institutions financières vers des prestataires comme les
                                        grandes plateformes technologiques qui veulent bénéficier de la valeur économique des
                                        paiements sans être astreintes à la réglementation connexe.

                                        Les paiements de prochaine génération soulèveront une autre question importante : les
                                        monnaies numériques remplaceront-elles un jour le dollar ? Pas de sitôt. Le projet Libra
                                        de Facebook n’a pas été accepté facilement. Et l’instauration par la Chine d’un yuan
                                        numérique pose des problèmes fondamentaux. Beijing n’a pas fourni d’explication quant
                                        aux monnaies susceptibles d’appuyer le concept, condition essentielle aux opérations
                                        de commerce international – pensons, par exemple, à un achat sur la plateforme Alibaba
                                        fait en Europe ou à la vente de pétrole russe à la Chine. Si une telle monnaie devait être
                                        acceptée, nous ignorons aussi si son adoption pourrait permettre aux entités frappées de
                                        sanctions financières par les États-Unis de contourner celles-ci. L’imposition répétée de
                                        sanctions par l’administration Trump a déjà incité plusieurs pays, dont la Russie et l’Iran,
                                        à mettre en place de nouveaux circuits financiers avec l’Europe, le Moyen-Orient et l’Asie.

13   Perspectives mondiales | Février 2020
Davos 2020

                                        Le concept de nouvelle monnaie électronique est d’autant plus pertinent pour eux. Le
                                        principal défi que devront relever les monnaies de prochaine génération sera de gagner
                                        la confiance des consommateurs, des producteurs, des commerçants et des prêteurs
                                        à l’échelle mondiale. C’est ce qu’a réussi à faire le dollar américain, malgré les crises
                                        financières, les guerres et les récessions. Pour tous les mécontentements qu’ils peuvent
                                        susciter, les systèmes juridiques et réglementaires américains demeurent l’étalon-or du
                                        système financier mondial. C’est pourquoi le dollar est appuyé par la monnaie la plus
                                        précieuse de toutes : la confiance.

                                        9. Organisations 3.0
                                        L’exploitation d’entreprises s’est toujours articulée autour des gens. Au cours des
                                        50 dernières années, s’est ajoutée à cela la technologie. Nous entrons dans une époque
                                        où l’interopérabilité des ressources humaines et de la technologie sera un facteur
                                        déterminant de la réussite des entreprises. À Davos, j’ai fait partie d’un groupe de
                                        discussion sur l’« entreprise bionique » chapeauté par le cabinet Boston Consulting
                                        Group et auquel ont participé Belén Garijo, chef de la direction de la division des soins
                                        de santé de Merck, et Penny Pritzker, ancienne secrétaire au Commerce des États-Unis
                                        et fondatrice de la société de placements PSP Partners. Nous avons discuté des mesures
                                        que peuvent prendre les organisations pour que les employés utilisent efficacement les
                                        technologies de pointe. Nous avons aussi parlé du développement et de la mise au point
                                        de ces technologies de sorte qu’elles soient rehaussées par les aptitudes humaines dont
                                        disposent les entreprises prospères. C’est un peu comme l’« intelligence amplifiée » : un
                                        atout pouvant être aussi puissant que l’intelligence artificielle pour une organisation. Pour
                                        Merck, cette approche s’est traduite par une augmentation de la demande d’employés
                                        alliant aptitudes sociales et technologiques. C’est l’une des raisons pour lesquelles
                                        l’entreprise a reformulé sa raison d’être autour de la curiosité et du progrès.

                                        Groupe de discussion sur l’entreprise bionique, Dave McKay (au centre)

                                        Cet alliage d’aptitudes sera essentiel aux organisations traditionnelles souhaitant
                                        créer des versions 3.0 d’elles-mêmes et bâtir leurs propres plateformes grâce aux
                                        technologies intelligentes et aux données. Par exemple, la société d’engrais norvégienne
                                        Yara International a créé, en collaboration avec IBM, une plateforme numérique conçue
                                        pour fournir aux exploitants agricoles les outils, les données, les ressources et les produits
                                        nécessaires pour adopter des méthodes durables. Malheureusement, de tels efforts
                                        portent rarement leurs fruits sans une approche humaine diversifiée. Mme Pritzker a
                                        confié au groupe qu’elle s’intéressait aux entreprises qui font preuve d’ouverture et
                                        d’authenticité. Selon elle, pour innover, il faut savoir prendre des risques et favoriser
                                        un climat de libre expression. Une organisation bionique s’épanouit uniquement dans
                                        une culture axée sur la diversité – constat auquel elle est parvenue après avoir occupé
                                        un poste au sein du gouvernement. C’est à ce moment qu’elle a compris que la diversité
                                        dépassait le cadre de la représentation. « D’où l’on vient y est aussi pour beaucoup »,
                                        a-t-elle mentionné.
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Davos 2020

                                        10. Éducation 4.0
                                        On pouvait compter sur Yuval Noah Harari pour ébranler l’Homo sapiens de Davos. Cet
                                        auteur israélien – parmi mes préférés – a répondu aux attentes des participants au Forum
                                        lorsqu’il a parlé des perturbations qui découleront de l’automatisation. « Comment
                                        peut-on enseigner le génie logiciel à un camionneur de 50 ans ou le yoga à un ingénieur
                                        en logiciels ? » Au-delà de l’élimination d’emplois, l’historien et auteur du livre Sapiens
                                        estime que la plus grande menace au progrès sera la perte de notre sentiment d’utilité ;
                                        les machines réaliseront de plus en plus de tâches que nous pensions bien faire : donner
                                        des conseils, expliquer un itinéraire à suivre, raconter une histoire. À son sens, « se sentir
                                        inutile est bien pire qu’être victime d’exploitation ». La décennie à venir posera un défi de
                                        taille : composer avec une nouvelle classe de gens inutiles.
                                        Les éducateurs, et peut-être bientôt nous tous, auront un important rôle à jouer à
                                        cet égard. À ce propos, le Forum a lancé cette année une initiative dont le but est de
                                        permettre à un milliard de personnes de bénéficier d’une éducation de meilleure
                                        qualité, de développer leurs aptitudes et de décrocher de bons emplois d’ici 2030. Pour
                                        ce faire, les éducateurs, l’État et les entreprises devront unir leurs efforts pour mettre
                                        au point de nouveaux modèles d’apprentissage. Comme l’a mentionné la rectrice de
                                        l’Université McGill, Suzanne Fortier, au Forum, nous devons accepter que l’apprentissage
                                        ne cesse jamais, de la petite enfance jusqu’à nos dernières années de vie. Si les
                                        prévisions du Forum — que les investissements en technologie créeront 133 millions
                                        d’emplois au cours des trois prochaines années — s’avèrent, il faudra beaucoup plus de
                                        solutions novatrices de ce genre. Bon nombre de ces nouveaux emplois exigeront des
                                        connaissances technologiques spécialisées. D’autres nécessiteront des compétences dans
                                        un métier – ce dont se désintéressent un trop grand nombre de jeunes. Chose certaine,
                                        les qualités sociales, comme l’esprit critique et la facilité à communiquer, seront les plus
                                        recherchées. Ce sont les compétences essentielles des années 2020. dans un monde
                                        marqué par la surabondance d’information. D’ailleurs, l’apprentissage continu pourrait
                                        bien être le plus grand défi des 50 prochaines années. Comme le souligne M. Harari, c’est
                                        ce qui nous définit comme Homo sapiens.

                                        J’ai quitté Davos avec des sentiments partagés : je suis préoccupé par la fracture de plus
                                        en plus profonde du monde, mais j’ai aussi foi en l’esprit humain à l’origine du progrès.
                                        La réponse aux enjeux à venir réside peut-être dans la notion de confiance. La confiance
                                        pourrait être, selon la chef de la direction d’IBM, Virginia (Ginni) Rometty, l’élément
                                        déterminant de la décennie. Tout s’enchaîne rapidement, à tel point que la confiance
                                        est le nouveau ciment des collectivités et des entreprises. Malheureusement, comme le
                                        montre le Baromètre de confiance Edelman, notre confiance dans les gouvernements et
                                        les médias est ébranlée. Bien que les entreprises soulèvent elles aussi un fort scepticisme,
                                        elles inspirent davantage confiance que les autres institutions. Nous devrons être à la
                                        hauteur de cette confiance en abordant les enjeux qui nous divisent et en veillant à ce que
                                        le manque de confiance ne nuise pas au potentiel positif de la technologie. Notre capacité
                                        à apprendre, à partager et à résoudre des problèmes n’a jamais été aussi importante. Tout
                                        comme notre volonté d’écouter. Angela Merkel résume bien la situation : « Les gens n’ont
                                        plus le désir de discuter, et ça me trouble profondément. »
                                        C’est pourquoi les forums comme celui de Davos sont plus importants que jamais : ils
                                        représentent une occasion de réunir des gens à une époque où les motifs de division
                                        pullulent. Si je devais dresser un constat encourageant du Forum, ce serait la mobilisation
                                        des jeunes leaders de la nouvelle génération. Ils agissent avec fougue pour susciter une
                                        vague de changements positifs. Je termine en citant Natasha Wang Mwansa, Zambienne
                                        de 19 ans militante des droits des filles : « L’âge n’a pas d’importance. Ce qui importe, c’est
                                        ce que vous ferez pour participer au changement qui s’impose. »
                                        Cet article a initialement été publié sur le site Leadership avisé RBC.

15   Perspectives mondiales | Février 2020
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