Automatisation, Intelligence Artificielle et Robotique : quelles ruptures et quelles continuités pour l'activité humaine ?
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Automatisation, Intelligence Artificielle et Robotique : quelles ruptures et quelles continuités pour l’activité humaine ? Moustafa Zouinar – Orange/CNAM Journée @ctivités : IA, ROBOTIQUE, AUTOMATISATION : QUELLES EVOLUTIONS POUR L'ACTIVITE HUMAINE ? Cnam, Paris, 18 mai 2018
Contexte : le « grand retour » de l’Intelligence Artificielle (IA) Les origines de l’IA Cybernétique Machine universelle Neurone formel (1943) Workshop à l’université de Darmouth (1956) « The study is to proceed on the basis of the conjecture that every aspect of learning or any other feature of intelligence can in principle be so precisely described that a machine can be made to simulate it. » J. McCarthy, M. L. Minsky, N. Rochester, and C.E. Shannon (1955) Résolution de problèmes, compréhension du langage, traduction automatique, perception artificielle, systèmes experts, etc.
Contexte : le « grand retour » de l’Intelligence Artificielle (IA) Milieu 70’ – 90’ « Hiver de l’IA » Réduction drastique des financements, échecs (programme ordinateurs de 5ème génération, objectifs non atteints), etc.
Contexte : le « grand retour » de l’Intelligence Artificielle (IA) Apprentissage profond (Deep learning) (Pietrowska et Benoit, 2017) BIG DATA L’apprentissage automatique (machine learning) devient dominant.
Contexte : « L’industrie 4.0 » https://www.economie.gouv.qc.ca/objectifs/ameliorer/industrie-40/ « The term Industry 4.0 means in essence the technical integration of cyber physical systems (CPS) into production and logistics and the use of the ‘internet of things’ (connection between everyday objects) and services in (industrial) processes. (…) The introduction of AI in the service sector distinguishes the fourth industrial revolution from the third. » (Wisskirchen et al., 2017)
1. Généralisation et accroissement de l’automatisation Remplacement généralisé des humains par des machines, « fin » de l’emploi ? De nombreux métiers concernés, peu ou très « qualifiés » mais controverse sur l’ampleur des effets sur l’emploi et du rôle de la technologie 47% 9% Frey et Osborne, 2013 OCDE, 2016
1. Généralisation et accroissement de l’automatisation Ré-humanisation du travail ? « Toyota has found that the race to reduce the human element can end up making processes less efficient. » Quartz, 2014 « So far, people taking back work done by robots at over 100 workspaces reduced waste in crankshaft production by 10%, and helped shorten the production line. Others improved axel production and cut costs for chassis parts. » Quartz, 2014
1. Généralisation et accroissement de l’automatisation Mythe de la substitution (Carr, 2017) Déqualification, « érosion » des compétences Limitation du rôle des opérateurs, par exemple, comme « simple » fournisseur de données aux machines Appauvrissement du travail Perte de contact avec le monde « naturel » Risques de biais liés à l’automatisation comme la sur-confiance (overreliance) Comment répartir le travail entre l’humain et les machines ?
1. Généralisation et accroissement de l’automatisation Des questions « anciennes » bien documentées dans de nombreux domaines, en particulier l’aéronautique (Bainbridge, 1983; Sarter, Woods et Billings, 1997; Parasuraman et Wickens, 2008; etc.) – ironies et paradoxes de l’automatisation (Bainbridge, 1983) : les systèmes « experts » aident les experts à faire ce qu'ils savent déjà faire, mais les laissent démunis face aux situations inhabituelles. – l’automatisation est performante pour les situations routinières mais implique un « coût » lorsqu’elle dysfonctionne et exige l’intervention des opérateurs (Wickens, 2013) – stagnation de la performance et de la sécurité malgré l’automatisation qui peut- être source d’erreurs (Amalberti, 2002) – modèles « appauvris » de l’opérateur et de son activité : principalement vus comme sources de défaillances et d’erreurs (Amalberti, 2002) – problèmes de confiance notamment quand les automatismes fonctionnent de façon opaque
1. Généralisation et accroissement de l’automatisation Orientations de conception – concevoir des automatismes qui reposent sur des modèles plus « écologiques » de l’activité humaine (Amalberti, 2002) – garder l’humain dans la boucle de contrôle des systèmes – rendre les systèmes automatisés plus intelligibles – l’automatisation comme « aide », centrée sur l’humain – définir la meilleure répartition possible des « tâches » entre l’humain et la machine
1. Généralisation et accroissement de l’automatisation Sheridan et Verplanck (1978, in, Deroo 2012) « The question for successful automation is not "who has control over what or how much". It is "how do we get along together". Indeed, where designers really need guidance today is how to support the coordination between people and automation. » « system developers should abandon the traditional “who does what” question of function allocation. Instead, the more pressing questiontoday is how to make humans and automation get along together.» Parasuraman, Sheridan et Wickens, 2000 (Dekker et Woods, 2002)
2. Cobotique/robotique collaborative Cobots (Peshkin & Colgate, 1996 ; 1999) ou robots collaboratifs – « l’interaction réelle, directe ou téléopérée, entre un humain et un système robotique asservi ou pseudo-autonome » (Claverie et al., 2013) – une alternative au paradigme de la substitution : approche collaborative, « augmentative », extension du pouvoir d’agir de l’humain – conception centrée autour de l’interaction avec les humains (Kleinpeter, 2013) – réduction de la pénibilité au travail (manutention de charges lourdes, travail répétitif quotidien, etc.) – « C’est l’enjeu de la cobotique : tendre vers cette perspective de revalorisation de l’homme en entreprise et répondre à cette tendance du « mieux vivre en entreprise » (HumaRobotics)
2. Cobotique/robotique collaborative Quelle collaboration ? Quelle coordination ? De nouvelles tâches pour les opérateurs ? « Auparavant, on programmait un robot, une intelligence artificielle, pour qu'elle accomplisse une tâche précise. Aujourd'hui, ce sont des femmes et des hommes qui vont devoir passer du temps à apprendre à la machine à bien travailler, à communiquer, à devenir plus intelligente.» (J.-P. Desbiolles, IBM Watson Group) Partage des responsabilités en cas d’erreurs, d’incidents ou accidents (Kleinpeter, 2015) « les données fournies par le cobot sur l’état du patient étaient-elles suffisamment claires ? Le praticien a-t-il su les interpréter correctement ? A-t-il eu un accès suffisant à l’état interne du cobot pour éviter la faute ? etc. » (Kleinpeter, 2015)
2. Cobotique/robotique collaborative Partage de l’espace entre opérateurs et robots mobiles autonomes – quel comportement le robot doit suivre lorsqu’il se déplace dans un espace physique fréquenté par des humains ? Comment rendre ses comportements perceptibles, compréhensible, anticipables par les humains ? Questions de sécurité
2. Cobotique/robotique collaborative Problème de l’interaction : illusion de la simplicité d’usage « Une grande banque française avait installé le robot conversationnel Pepper dans son siège social. Et les employés se sont rendu compte que c'était en décalage avec ce qu'on leur avait vendu. Car on ne s'adresse pas au petit robot n'importe comment et, si on ne lui parle pas comme il faut, il ne répond pas. Les employés ont fini par accrocher un mode d'emploi à côté. » (Christophe Tricot, in les échos)
3. Intelligibilité, « explicabilité » des systèmes Comment rendre intelligible , « explicable » des systèmes de plus en plus complexes, et opaques ?
3. Intelligibilité, « explicabilité » des systèmes L’opacité des systèmes experts « Roth et al (1987), dans une étude d'un système expert d'aide au diagnostic, soulignent ainsi l'opacité de la machine : la machine ne communique pas, pendant qu'elle traite un problème, l'état de son raisonnement. De ce fait, les opérateurs sont incapables d'évaluer la nécessité ou non d'intervenir. (…) En l'absence de tout feedback, l'opérateur se trouve dans une situation où l'incertitude principale est généré non par le problème à traiter, mais par la machine supposée l'assister. » (Falzon, 1989)
3. Intelligibilité, « explicabilité » des systèmes (Moore and Swartout, 1988)
3. Intelligibilité, « explicabilité » des systèmes « A second source of mitigation may be effective training: training to “expect the unexpected” as well as training in understanding of automation logic. » (Wickens, 2013) (Samek et al., 2018) « machine learning has become alchemy. » (Rahimi et Recht, 2017)
3. Intelligibilité, « explicabilité » des systèmes « Proposition n° 2 : Favoriser des algorithmes et des robots sûrs, transparents et justes et prévoir une charte de l’intelligence artificielle et de la robotique » (rapport parlementaire, Pour une intelligence artificielle maîtrisée, utile et démystifiée, 2017) « Le message aux managers : aider les humains à faire confiance à des machines pensantes sera essentiel. » (Frick, 2015) Comment ?
3. Intelligibilité, « explicabilité » des systèmes (Samek et al., 2018)
3. Intelligibilité, « explicabilité » des systèmes « Create a suite of machine learning techniques that produce more explainable models, while maintaining a high level of learning performance. » (Gunning, 2016)
4. Relation affective, attachement émotionnel, empathie envers les robots Tendance à personnifier les robots Sentiment de tristesse lorsqu’un robot est détruit Organisation de « Funérailles » pour les robots détruits Des soldats qui risquent leur vie pour « sauver » des robots (Carpenter, 2014) Faut-il éviter ce type d’attachement ? Si oui comment ? Peut-on l’empêcher ?
4. Relation affective, attachement émotionnel, empathie envers les robots La question de l’anthropomorphisme « (…) we might at least try to objectify the robots in language (“it”) and encourage names such as « MX model 96283 » instead of “Spot” » (Darling, 2015) « Anthropomorphic framing is desirable when it enhances the function of the technology. » (Darling, 2015) Les machines humanoïdes peuvent « encourager les gens à faire confiance aux machines pensantes. » (Frick, 2016) Risques de manipulation émotionnelle (ex. Turkle, 2006, 2012 ; Scheutz, 2012) « Nous ne voulons pas de robots qui ressembleraient de plus en plus aux humains, comme c’est le cas au Japon par exemple. Nous avons donc proposé la création d’une charte visant à empêcher les personnes de devenir émotionnellement dépendantes à leurs robots. » (Delvaux, 2017)
Quelles questions ? Quels enjeux pour l’activité humaine ? I. Les situations de vie quotidienne
Des machines « intelligentes » dans l’espace domestique
Des machines « intelligentes » dans l’espace domestique : les assistants vocaux « You like to talk; you want a home that will listen to - and obey – you. Ever wish you could stumble through the front door after a long day and say, "Turn on the TV and start dinner!" Unless you have a particularly servile spouse, that tactic is unlikely to get you anything but silence - or nasty glares. The Home Automated Living HAL2000 speech-recognition system can bring you closer to that vision. » (PC Computer, 2000)
Des machines « intelligentes » dans l’espace domestique : les assistants vocaux « Travail » de l’utilisateur – apprendre à parler à la machine – découvrir ce qu’elle sait faire – actions de réparation – comprendre ses actions La compréhension du contexte par la machine reste un problème central « Illusion » d’une « conversation » naturelle et de la simplicité Opacité du fonctionnement de la machine (Velkovska et Zouinar, 2018)
Des machines « intelligentes » dans l’espace domestique : les assistants vocaux Comment ces systèmes vont–ils s’insérer dans la vie quotidienne ? – développement de routines, transformation de certaines pratiques, usages limités (J. Velkovska, C.-A Veyrier et M. Zouinar, 2018) Quelles relations les utilisateurs vont-ils développer avec eux ? Quelles conséquences sur la vie familiale ? Problème du contrôle Inquiétudes concernant la vie privée
Conclusion et questions ouvertes pour la journée L’IA, les robots prennent de plus en plus de place dans nos vies quotidiennes Des questions qui ne sont pas complètement nouvelles mais qui s’accentuent et se généralisent à différentes situations – intelligibilité des systèmes, confiance, contrôle, coopération « humain-machine », formation, compétences, répartition des tâches, etc. De nouvelles questions ? – attachement émotionnel, empathie, aspects éthiques Remplacement généralisé de l’humain par des machines dans les situations de travail – une question loin d’être évidente – D’autres voies : les approches « collaboratives », « augmentative »
Conclusion et questions ouvertes pour la journée L’humain continuera à occuper une place non-négligeable dans les systèmes sociotechniques – quelles configurations va-t-elle prendre dans le paysage technologique qui se dessine actuellement ? – quelles conséquences sur l’organisation du travail ? – quelle(s) répartition(s) des « tâches » entre l’humain et des machines de plus en plus « intelligentes » ? Comment allons-nous vivre avec des machines qui deviennent plus autonomes, complexes et dont les capacités d’action et de prise de décision sont de plus en plus étendues ? Quelles contributions des ergonomes, et, de façon plus large, des SHS ? Et bien d’autres questions…
Merci !
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