62 journal de l'adc association pour la danse contemporaine genève
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janvier — avril 2014 — adc / association pour la danse contemporaine — salle des eaux-vives — 82 - 84 rue des eaux-vives − 1207 genève 62 journal de l’adc association pour la danse contemporaine genève dossier Pavillon de la danse à l’affiche Marco Berrettini Lisbeth Gruwez Sarah Ludi Foofwa d’Imobilité Alexandra Bachzetsis La Ribot Mathilde Monnier focus Back to Early Works P.P. 1207 Genève
2 / journal de l’adc n° 62 / janvier — avril 2014 journal de l’adc n° 62 / janvier — avril 2014 / 3 Dossier Focus 4 − 11 26 − 27 et la chenille devint Back to Early Pavillon Works Le Pavillon de la danse pour déambulation dans La compagnie de l’adc prend enfin forme : l’exposition d’architecture l’américaine Trisha Brown cet été, plus de soixante qui s’est tenue durant a présenté ses Early bureaux d’architectes ont quinze jours cet automne ; Works à Sicli. Un moment participé au concours parole à quelques unique. L’expérience a organisé par la Ville de politiques qui s’expriment été documentée par les Genève. sur ce projet et point de vue photographies de Georges Entretien avec les deux critique sur Bombatwist, le Cabrera et commentée jeunes architectes qui ont projet lauréat. par Odile Ferrard. La carte postale gagné le concours ; reçue à l’adc le 18 novembre 2013 A l’affiche Bus, livres, chronique Histoires de corps Edito 12 − 13 30 − 31 34 Danse, prie, aime Cry les dernières une danseuse se Le Pavillon de la danse est dessiné. Le projet choisi Marco Berrettini acquisitions raconte en trois s’appelle Bombatwist, on l’aime déjà et nous le présentons du centre de mouvements : dans les pages qui suivent. Nous pouvons imaginer son 14 − 15 documentation Hélène Bourbeillon inauguration dans quatre ou cinq ans. Nous sommes It’s going to get worse de l’adc contents, heureux même, car nous bataillons depuis seize and worse and worse, ans sur la nécessité d’un lieu. Quand nous couperons le la chronique ruban de Bombatwist, nous serons un peu plus vieux my friend sur le gaz Mémento qu’aujourd’hui, mais peu importe, l’essentiel est que ce Lisbeth Gruwez lieu existe, pour le public et les artistes d’aujourd’hui et de de Claude Ratzé 35 demain. D’ici là, tels des bénédictins, nous continuerons à 16 − 17 lieux choisis en nous attacher sans sourciller à notre pratique quotidienne. All instruments Suisse et en France Cette pratique justement, qu’on pourrait pompeuse- Sarah Ludi Carnet de bal ment affubler du branché dance workers — terme moins voisine aride que le sempiternel acteur culturel — , nous la poursui- 32 − 33 vons encore pour l’heure dans l’espace modeste de la 18 − 19 salle des Eaux-Vives. Elle consiste en une quantité de ce que font les Utérus, pièce tâches et un objectif prioritaire : donner de l’espace et du danseurs genevois d’intérieur temps à des chorégraphes pour qu’ils les restituent au pu- et autres nouvelles blic transformés par l’art, en l’occurrence la danse. En vue Foofwa d’Imobilité de la danse de quoi ? Lorsque l’on est un dance worker, on s’efforce de voir et donner à voir les artistes dont nous croyons qu’ils 20 − 21 réenchantent la relation — au corps, au public, au monde. Vous dansez ? — Audrey Hepburn et Fred Astaire The Stage of Staging Et cet hiver, bonne nouvelle, ils sont nombreux ! Collection cinémathèque suisse de Lausanne, DR. Alexandra Par ordre d’apparition se succèderont aux Eaux- Bachzetsis Vives Marco Berrettini, Lisbeth Gruwez, Sarah Ludi, Foofwa d’Imobilité et Alexandra Bachzetsis, tandis que La Ribot et Mathilde Monnier envahiront le BFM avec le Ballet de Lor- 22 – 23 raine. En attendant le Pavillon, let’s dance ! EEEXEECUUU- Anne Davier TIOOOONS !!! La Ribot Objets re-trouvés Mathilde Monnier Association pour la danse Secrétariat de rédaction : Prochaine parution : contemporaine (adc) Manon Pulver avril 2014 Rue des Eaux-Vives 82−84 Ont collaboré à ce numéro : Ce journal est réalisé 1207 Genève Gregory Batardon, Rosita Boisseau, sur du papier recyclé. tél. + 41 22 329 44 00 George Cabrera, Pauline Cancela, En couverture : fax + 41 22 329 44 27 Anne Davier, Odile Ferrard, Steeve Sarah Ludi en répétition info@adc-geneve.ch Iuncker, Denis Laurent, Aloys Lolo, pour All Instruments. www.adc-geneve.ch Pauline Rappaz, Claude Ratzé, Jessica Photo : Thibaut Grégoire Richard, Michèle Pralong, Cécile Responsable de publication : The Stage of Staging Simonet, Bertrand Tappolet Claude Ratzé d’Alexandra Bachzetsis. Rédactrice en chef : Photo : Mélanie Hofmann Graphisme : Silvia Francia, blvdr Anne Davier Impression : SRO Kundig L’ADC bénéficie du soutien de Comité de rédaction : la Ville de Genève et de la République Tirage : 8’000 exemplaires, Caroline Coutau, Anne Davier, et canton de Genève. janvier 2014 Thierry Mertenat, Claude Ratzé
4 / dossier / journal de l’adc n° 62 / janvier — avril 2014 dossier / journal de l’adc n° 62 / janvier — avril 2014 / 5 Projet lauréat : comme un air de Bombatwist Au premier plan, les deux associés de ON Architecture, Jean Camuzet et Ubaldo Martella (les bras croisés), avec leurs collaborateurs Mafalda Sacadura Botte et Joël Amorim — Photo : Georges Cabrera U n Pavillon de la danse, belle visibilité. Même si on ne chronophotographie, permet juste- nant le public sont au rez-de- enfin. Un élégant écrin gagne pas, cela fait parler de nous. ment de représenter un mouvement chaussée, tandis que tout ce qui luminescent, discret, Est-ce la première fois que sur un média fixe. Nous avons alors concerne les usagers est à l’étage. parcouru d’une vague vous travaillez sur un projet reporté ce principe sur notre projet. Nous voulions un bâtiment fonction- à même sa structure. tel que celui-ci ? Si on regarde la structure de ce bâti- nel. Un terme qui nous a suivi tout au Un projet né du travail de deux JC : Le Pavillon de la danse est un ment, on s’aperçoit qu’il s’agit d’une long de la réalisation était l’efficacité. jeunes architectes, Jean Camuzet projet singulier. Le fait qu’il soit dé- série de cadres, de portiques. Cha- UM : Et puis l’économie aussi. L’éco- et Ubaldo Martella. Nous les avons plaçable demande une approche cun des portiques est différent. L’as- nomie des moyens, l’économie Rien qu’à son nom on devine le mouvement, une rencontrés, au quatrième étage de particulière. Et travailler sur une semblage de ces éléments permet d’utilisation du sol, l’économie des torsion, un rythme : Bombatwist. Il est le lauréat. leur atelier ON Architecture, rue salle de spectacle, ce n’est pas fré- de générer un mouvement. Sinon, la montages, la facilité de construction La réponse au besoin d’un lieu pour l’adc. Le point final Marterey à Lausanne. Interview. quent. Un projet culturel jouit d’une structure est très rationnelle, très et de démontage. du concours lancé en avril dernier. C’est lui le projet qui, aura différente des projets sur les- simple, très efficace. C’est cet Journal de l’adc : Bombatwist quels nous travaillons d’accoutumée. « input » du mouvement qui génère Pourquoi le bois? après deux jours d’intenses débats, a fait l’unanimité fait sourire et intrigue ; d’où UM : Comme le dit Jean, ce n’est pas l’identité du bâtiment. UM : Nous aurions pu partir sur le auprès du jury. Bombatwist devrait prendre forme sur vient ce nom étonnant ? fréquent comme mandat. Avec le métal, puisqu’il fallait que ce soit la place Sturm. Ubaldo Martella : Ce nom est lié à Pavillon de la danse, nous touchons Vous parlez de cette vague une structure légère. Mais nous vou- une chanson de 1985 que l’on écou- au milieu artistique contemporain, que l’on aperçoit sur la structure lions une matière chaude, qui ap- Dans les pages qui suivent, notre journal parcourt et la chenille tait pendant la réalisation du projet, cela détonne avec les concours ha- extérieure ? porte un confort acoustique et visuel. l’exposition qui réunissait soixante-cinq projets comme J’me sens comme une bamba triste bituels, qui concernent plus souvent JC : Oui. Cette vague incarne l’as- Et puis, nous connaissons la situa- de Pierre Billon. Disons qu’elle nous des écoles, des EMS, des crèches pect mouvant de la structure. Si on tion des sylviculteurs suisses. Nous autant de déclinaisons possibles d’un pavillon de la devint apportait un peu de légèreté. ou des bureaux. Quand ce genre de prend le portique, nous avons ima- nous inscrivons aussi dans une ré- danse. Les deux architectes lauréats reviennent quant Lorsque nous sommes arrivés au projet se profile, c’est magnifique. giné une danseuse le franchissant, flexion sur le durable. à eux sur la genèse de Bombatwist, tandis que Pauline moment de le baptiser, nous avons En ce qui me concerne, je m’étais et qui, d’un mouvement, une ara- Rappaz nous en délivre un retour critique. Enfin, parole Pavillon repensé à cette musique et l’avons déjà beaucoup intéressé à l’archi- besque par exemple, transforme le Votre bâtiment pourra donc être est donnée aux politiques sur les quelques mètres twistée. C’est aussi simple que cela. tecture éphémère, et ce concours pavillon de l’intérieur. Comme si la démonté et remonté ailleurs ? décisifs qui nous séparent du seuil de Bombatwist. représentait une occasion assez danseuse avait laissé son em- UM : Absolument. D’où sa forme Notre dossier. Parlez-nous de votre parcours unique de nous « éclater », comme preinte. On peut même imaginer, si très compacte. La forme du bâti- commun ? on dit. Beaucoup de bureaux renom- le pavillon continuait, une em- ment ne devait pas être liée à la Les photos de l’exposition du concours du Pavillon de la danse ont JC : Nous sommes tous deux des més ont d’ailleurs participé. Pour un preinte différente, qui serait la suite place. Nous voulions une expres- été réalisées par Steeve Iuncker architectes EPFL, de la même volée, jeune bureau comme le nôtre, ga- du mouvement de la danseuse. sion qui puisse être placée dans un diplômés en 2007. Ensuite nous gner était simplement formidable. autre contexte. De manière caricatu- avons chacun fait nos expériences Aussi, lorsqu’on nous a annoncé au Quels ont été les principaux rale, on peut dire qu’il s’agit d’une dans de grands bureaux d’architec- téléphone que nous avions rempor- défis pendant la réalisation de boîte qui pourra être déplacée et ture à Lausanne. A un moment don- té le concours, j’ai cru qu’un ami ce projet ? installée ailleurs. dans le pavillon il y a … né, nous nous sommes retrouvés à nous faisait une blague ! UM : Nous devons dire que le pro- JC : Et comme nous ne connaissons pour le public (195m2) : travailler dans la même agence. Là, gramme était bien fait, il expliquait pas cet ailleurs, nous avons pensé — l’entrée on nous a demandé de monter une Quelles ont été vos sources bien le contexte politique et géogra- le plus petit possible afin qu’elle oc- — le foyer cellule dédiée spécifiquement aux d’inspirations ? phique. Le caractère éphémère cupe le minimum de place. — le bar /cuisine — les sanitaires concours. Au vu de nos succès, UM : Avant même de lire l’entier du nous a semblé une condition intelli- l’idée de créer quelque chose en- programme, Jean est arrivé avec gente. Avec ces paramètres en tête, Quelle est la prochaine étape ? pour le spectacle (440m2) : semble est venue assez naturelle- une image. Une image qui a cristalli- nous avons pensé à quelque chose JC : Nous allons développer le projet — le plateau (aire de jeu : 12m x 12m) ment. Ainsi nous avons lancé notre sé notre souhait autour de la chro- de compact. avec les usagers, c’est-à-dire l’adc et — la salle avec gradins démontables (200 personnes) propre atelier, ON Architecture, en nophotographie. Cela a été à la le maître d’ouvrage, la Ville de Ge- pour le travail (385m2) : mars 2013. base de notre réflexion, nous vou- Vous n’avez jamais imaginé le nève. Il y aura certainement des mo- — les bureaux UM : Nous sommes complémen- lions recréer le mouvement. Quand projet en plusieurs blocs ? difications à effectuer pour que le — le centre de documentation — la salle mixte (échauffement, médiation, réunion…) taires dans notre travail. Jean a nous avons lu « danse », nous avons JC : Non. Le maître mot était la com- projet soit le plus adapté possible au — les espaces techniques beaucoup d’expérience dans les pensé « mouvement ». pacité du programme. C’est-à-dire site mais aussi aux exigeances pré- — les loges, douches et sanitaires concours et moi dans le dévelop- JC : Une architecture est une entité comment rassembler dans un plus cises des utilisateurs. et à la Maison des arts du Grütli : pement des projets. Un concours stable, qui ne bouge pas. Statique, petit volume tout le programme de- — trois studios de danse (110 m2, 150 m2 et 190m2) comme celui du Pavillon de la comme l’est une photographie. Ce mandé. Sur plan, si l’on voit la répar- gérés par l’adc danse permet de bénéficier d’une procédé photographique, celui de la tition du projet, tous les flux concer- Propos recueillis par Jessica Richard
6 / dossier / journal de l’adc n° 62 / janvier — avril 2014 dossier / journal de l’adc n° 62 / janvier — avril 2014 / 7 Si Bombatwist ressemble à une bureau viennois qui présente une élégante petite boîte à chaussures, structure en aluminium se défor- dans la mouvance « swiss box », mant tel un pas de vis géant. Autre avec ses lignes simples et son toit exemple, le Pavda, son look rétro plat, Double face a quant à lui fait le assumé, ses façades bleues cer- pari de la hauteur. Arrivé sur la deu- nées de guirlandes d’ampoules. Un xième marche du podium, ce projet hangar azur qui détonne avec son imaginé par un bureau barcelonais espace d’accueil. Des idées écar- dévoile une toiture qui évoque les tées par le jury dès le premier tour anciennes granges à céréales. Dans du concours. Des projets qui, à un autre style, le projet madrilène l’image du Guggenheim de Bilbao, Tentes en bois, arrivé quatrième, se rentrent plus dans la catégorie des décline, lui, en plusieurs éléments bâtiments icônes que dans celle du façon poupées russes. Alvin, projet pavillon éphémère. Des projets qui d’un bureau genevois arrivé troi- souvent s’étendent sur une trop sième, se présente en deux blocs large partie de la place Sturm. Un distincts, rejoignant Bombatwist sur aménagement qui ne cadre pas ce point. Avec toutefois la particula- avec les critères décidés par la Ville rité d’avoir distinctement comparti- de Genève. menté les espaces demandant ainsi un ancrage au sol plus conséquent, Une équation du juste milieu Fragments rendant son caractère éphémère Plus on avance dans l’exposition moins évident aux yeux du jury. plus nous comprenons. Le pavillon d’un concours Après le palmarès, nous de la danse idéal doit être une équa- amoureux sommes prêts à arpenter la soixan- tion du juste milieu. Ainsi, les propo- taine d’autres propositions. Très vite, sitions s’appuyant uniquement sur «C en parcourant les planches, malgré le caractère éphémère, type tente, elui-ci me fait pen- soixante-cinq bureaux d’architectes, les contrastes, apparaissent des fa- yourte ou box — on pense aux lo- Cet été, soixante-cinq bureaux d’architectes ont ser à un accordéon. suisses et internationaux, ont répon- milles. Certaines caractéristiques, caux de l’entreprise Freitag à Zurich planché sur le concours lancé par la Ville de Non. Plutôt à une du à l’appel lancé le 23 avril dernier. certains traits reviennent d’un plan — ne convainquent pas. Ni trop, ni pas Genève. C’est beaucoup, mais ce concours était chenille… ou à une Tous étaient exposés du 8 au 26 oc- à l’autre, d’une maquette à l’autre. assez, ni trop grand, ni trop petit. crevette peut-être. tobre au Forum Faubourg, un es- Des plus classiques aux plus fan- Mesure et efficacité. On analyse les stimulant et l’émulation était bien visible dans Après réflexion, je préfère celui qui pace dédié à l’architecture et à l’ur- taisistes, les projets exposés maquettes, on est séduit, interloqué, les planches et maquettes rendues. s’inspire des yourtes mongoles, ou banisme. Une promenade à chaque entrent en résonance au fil des on s’amuse des arbres miniatures Quelles ont été les solutions proposées, quels alors le chapiteau.» Saisie au vol fois nouvelle le long de la rue Ferdi- pas. Il y a les monoblocs, tel Bom- toujours différents d’imaginaire en entre deux allées de l’exposition nand-Holder. En miniature bien sûr. batwist, qui ont opté pour une imaginaire. On tente de déchiffrer projets ont été imaginés pour habiller la place consacrée aux projets proposés forme compacte et rationnelle. les plans, de se projeter. Quelque- Sturm ? Déambulation dans l’exposition qui, durant pour le Pavillon de la danse contem- Fonctionnel et poétique Show the place, autre candidat ge- fois, il faut revenir deux fois, même quinze jours cet automne au Forum Faubourg, poraine, cette remarque d’un visiteur Lorsque l’on pénètre dans la salle nevois, s’inscrit dans cette catégo- trois fois devant une planche pour présentait la totalité des projets. n’est pas loufoque. Au contraire, d’exposition, nous sommes d’abord rie. Un projet tendu par une ré- en saisir toute la dimension, la com- elle illustre à merveille la richesse frappés par la densité des objets flexion sur la mise en valeur de la plexité, l’élégance. des réponses apportées à cette in- présentés. Un dédale de maquettes place, s’ouvrant sur ses trois axes. Des perspectives singulières, Vues plongeantes de quelques nocente question : « comment blanches, flanquées de larges Dans une optique différente, des manières d’être sur la place, maquettes exposées au Forum construire un pavillon de la danse planches suspendues. En rang d’oi- quelques bureaux d’architectes ont parfois aux antipodes les unes des Faubourg. contemporaine en ville de Genève ? » gnon, les projets occupent l’espace, misé sur la multiplicité des blocs autres. Avant de quitter la salle, on Un pavillon pour accueillir l’As- tout l’espace. Le visiteur est immé- pour répartir le programme. Mode passe une dernière fois devant sociation pour la danse contempo- diatement saisi par le vertige des campus, pour des projets tels l’ita- Bombatwist. Vitalité, pureté, flexibili- raine à Genève. Mais pas n’importe possibles. Une place menue, nichée lien Iceberg, disséminé en trois rec- té se dégagent de ce petit écrin dy- où, sur la place Charles-Sturm. au creux de la ville et autant de façon tangles imposants, ou comme Le namique. Mêlant fonctionnalité et Place publique cherche salle de de l’habiller. On songe aux défilés danseur, une structure divisée en poétique, sa force émane de son im- spectacle. Soit un site historique en de mode : une même silhouette plusieurs parties distinctes imagi- plantation réfléchie et de son adap- centre-ville, perlé d’arbres, jouxtant pour une multitude de parures pos- née par un bureau français. Le désa- tabilité. De son élégance simple l’Eglise russe et qui semble accablé sibles. Bombatwist, le lauréat, ouvre vantage de ces dernières proposi- aussi. L’exposition promet la fin de d’une malédiction lorsque vient la le bal. Tourné face à l’entrée, il est tions : leur implantation trop vaste l’errance pour l’adc et le début d’une question de son aménagement. l’étoile de l’exposition. A ses côtés, sur la place compromet le critère de nouvelle aventure. Oui, on dansera Pas n’importe quel pavillon non les trois autres projets primés s’af- légèreté nomade. bientôt au milieu du mail de la place plus d’ailleurs. Il devra valoriser le fichent à la suite. Déjà quatre propo- Car si la sobriété est le maître Sturm. lieu sans l’écraser, être éphémère, sitions et déjà quatre façons mot de nombreux projets présentés, flexible, faire danser et rêver aussi. contrastées d’aménager le nord de certains ont parié sur l’extravagance. Bref, un cas d’école. Pas moins de la place Sturm. Le ton est donné. On s’étonne devant le projet d’un Jessica Richard
8 / dossier / journal de l’adc n° 62 / janvier — avril 2014 dossier / journal de l’adc n° 62 / janvier — avril 2014 / 9 Elle fut longue la route… 10 dates clés. — 1986 L’Association pour la danse contemporaine (adc) se constitue et présente ses spectacles à la Salle Patino à Genève. — 1997 L’adc quitte Patino Bienvenue (devenue Cité bleue), devient nomade et dissémine sa program- mation dans plusieurs salles genevoises, chez les Sturm notamment le Grütli, le Loup, l’Alhambra. Au cœur d’arbitrages délicats, — 1998 le Pavillon fait pourtant l’unanimité. Le projet d’une Maison de Il faut maintenant le construire. la danse à Genève prend forme. Son implantation se Facile, difficile ? L dessine à Lancy dans le Les politiques s’expriment. centre socio-culturel de éger, mobile, économique, arts et de la culture (CARTS). Si A voir si l’ensemble du collège le volume similaire, le nouveau bâti- l’Escargot en 2006. le Pavillon de la danse a celle-ci soutient le projet de façon suivra. Depuis que le Conseil muni- ment du Màd, aux Charmilles, s’est — 2004 des atouts politiques et unanime, elle ne dispose pas d’une cipal a demandé à l’exécutif de construit en un an. » L’adc s’installe provisoire- pourrait voir le jour rapi- grande marge de manœuvre, ex- mieux planifier ses dépenses, une ment aux Eaux-Vives en dement. C’est d’ailleurs plique l’élu MCG. La CARTS peut certaine « frilosité » aurait gagné ce L’estimation du coût de réalisa- attendant Lancy. la volonté affichée de la Ville de toujours demander d’en accélérer dernier, d’après Alexandre Wisard, tion du Pavillon de la danse réfréne- — 2006 Genève, qui exprimait lors du ver- la réalisation, mais sans garantie membre de la commission des tra- rait cependant certains élus. « Dix La population de Lancy nissage de l’exposition du Pavillon, d’efficacité: « Nous l’avons fait il y a vaux. L’écologiste rappelle toutefois millions de francs pour un bâtiment enterre par un vote le projet du centre socio- au Forum Faubourg le 7 octobre deux ans, puis l’année dernière. que le fait de figurer au plan finan- provisoire, ce n’est pas donné, ob- culturel de l’Escargot. dernier, son souhait d’inaugurer Avec quel résultat ? Au lieu d’être cier est déjà bon signe. « L’utilité et serve Olivier Fiumelli (PLR), membre La Maison de la danse l’édifice en 2017. Soit dans trois avancé, le projet a été retardé. Le l’urgence du Pavillon de la danse ne de la commission des Finances. passe à la trappe. ans à peine. parlement souhaite un budget à sont plus à démontrer, poursuit-il. Mais cette infrastructure est atten- — 2007 La Ville a désormais un an pour l’équilibre, donc le Conseil adminis- D’autant que cela libérera la salle due depuis longtemps et doit se L’adc et la Ville de Genève peaufiner le projet lauréat du tratif doit fixer des priorités. » communale des Eaux-Vives pour la faire rapidement, car c’est un outil jettent les bases d’un concept plus léger, le concours avant de déposer au Résultat : contrairement au dé- population, en mal d’espaces. » Un dont on a besoin. » A noter que l’on Pavillon de la danse. Conseil municipal le crédit de lai annoncé lors de la présentation avantage non négligeable, sachant parle plus volontiers aujourd’hui Des diverses implantations construction, estimé à neuf mil- du projet, le premier coup de que l’adc occupe provisoirement d’un bâtiment « déplaçable » : il est possibles, seule la place lions de francs. Mais ce n’est pas pioche du Pavillon de la danse n’est ces locaux depuis bientôt dix ans. en effet conçu pour être monté et Sturm est retenue. gagné. Les importantes dépenses pas prévu avant 2018 dans le der- démonté, de telle sorte qu’il pourrait — 2012 qui attendent la municipalité pour nier plan financier. La dernière Nécessaire et déplaçable migrer, après quelques années à la Le Conseil municipal les dix prochaines années ainsi phase des dépenses est même Des oppositions pourraient encore place Sturm, sur une autre parcelle − vote le crédit en vue du concours et de l’étude que le dernier programme des in- agendée à 2020. Quid ? « C’est un retarder le projet, que les élus mini- l’exemple souvent cité étant celui du du Pavillon. vestissements financiers ne sont plan d’intention revu chaque année, misent : il n’y aurait rien à craindre. PAV (Praille-Acacias-Vernets). — 7 octobre 2013 pas là pour rassurer. relativise Rémy Pagani, magistrat « D’après les auditions des riverains Le bureau lausannois chargé des constructions. L’ajour- qui ont déjà été menées, il n’y aurait Le Pavillon de la danse aurait-il ON Architecture est Le Pavillon de la danse s’inscrit nement du projet de nouvelle ca- visiblement pas d’oppositions », encore un sens si sa réalisation désigné lauréat. en effet dans une série de travaux serne de pompiers, qui représente avance Jean-Philippe Haas. A voir. s’éternise ? « Oui, bien sûr, mais ce — dès 2014 conséquents en matière culturelle, 60 millions de francs, nous permet- La voie s’annoncerait libre « pour au- serait regrettable car il fait la majo- Avec la Ville et l’adc, le comme la rénovation du Grand tra de retrouver un peu de sou- tant que la Ville dépose une de- rité, voir l’unanimité du parlement, lauréat travaille sur son Théâtre (70 millions de francs), plesse pour rediscuter de l’en- mande d’autorisation de construire estime Jean-Philippe Haas. Sami projet Bombatwist pour le finaliser, puis pour évaluer celle du Musée d’art et d’histoire semble des investissements. » L’élu dès que le projet sera ficelé » ajoute Kanaan, doit tout faire pour précisément le coût de (130 millions) ou encore la Nouvelle d’Ensemble à gauche ne doute pas Alexandre Wisard, car « c’est tou- convaincre le collège d’en faire une réalisation, obtenir les Comédie (90 millions). Sans comp- une seconde de la faisabilité poli- jours un plus lorsqu’on demande au priorité. » Le défi est lancé. autorisations nécessaires et le soumettre au vote ter les projets de logements, no- tique du projet. « C’est une petite parlement d’accepter un crédit de du Conseil municipal. tamment la rénovation des Minote- structure qui peut se mettre en construction. » Rémy Pagani en a ries. Les arbitrages sont inévitables. route rapidement. » Il promet manifestement l’intention: « Je n’at- — 2018 Selon le 9ème plan financier Quelle sera la place du Pavillon ? même de « tirer la charrue » au sein tendrai pas le vote du Conseil muni- d’investissement 2014- « C’est aux magistrats d’en déci- du Conseil administratif pour que cipal. Nous avons sa bénédiction, 2015, début des travaux. der », répond Jean-Philippe Haas, la bâtisse se concrétise dans les nous avons le terrain cela ne de- président de la Commission des délais. vrait pas poser de problème. D’un Pauline Cancela
10 / focus / journal de l’adc n° 62 / janvier — avril 2014 focus / journal de l’adc n° 62 / janvier — avril 2014 / 11 la nécessité de limiter les investis- sements et s’est également expri- mée sur l’urgence de certains dos- siers, comme le Grand-Théâtre. Le Conseil administratif a dû en tenir compte. Le Pavillon de la danse est donc en ballotage avec d’importants investissements, comment comptez-vous le défendre ? On ne peut pas parler de ballotage. Globalement, la culture reste un Image de synthèse domaine très bien représenté dans du projet Bombatwist, vue de l’entrée. © ON Architecture. Trois questions d’arbitrages difficiles qui se négo- cient chaque année. L’accueil très les grands investissements de ces quatre prochaines années. Nous à Sami Kanaan, positif réservé au projet issu du concours permet d’espérer revenir devons pouvoir faire face à la fois au rattrapage des entretiens lourds magistrat en à la date prévue. Les autorités mu- nicipales sont par faitement qui n’ont pas été menés dans le passé et à la réalisation de projets charge de la conscientes du caractère précaire de la situation actuelle et de la né- structurants pour l’avenir de l’ag- glomération. Concernant le Pa- culture en Ville cessité d’offrir à la danse contem- poraine genevoise, largement re- villon, un important travail de com- munication a été entrepris pour de Genève connue en Suisse et dans le monde, l’écrin qu’elle mérite « à do- démontrer la légitimité et l’urgence de ce projet léger et démontable, Journal de l’adc : D’après le micile ». mais qui s’inscrit dans la durée. plan financier actuellement Mais il faut aussi que les milieux de à l’étude, le Pavillon de la danse Cela semble bien compris par la danse intensifient leurs efforts n’est pas une priorité. le parlement, qui reproche à pour faire entendre leur voix, qui Cela va-t-il changer ? l’exécutif d’en avoir reporté la est la plus convaincante. Sami Kanaan : C’est déjà une prio- réalisation contre son gré… rité, sinon le projet aurait été repor- La majorité du Conseil municipal a té bien plus tard. C’est le résultat aussi très explicitement insisté sur Propos recueillis par Pauline Carcela Bombatwist rant une torsion sur les façades lon- gitudinales et le toit de l’édifice. présence après avoir été transporté ailleurs — le bâtiment devrait prendre ra apparaître la structure en por- tiques. Une peau qui révélera la nous séduit Comme si le vent s’était engouffré dans ce dernier, provoquant une lé- ses quartiers sur la place Sturm pour une durée limitée —, le pavillon double fonction du pavillon : de jour, contenant discret des activités quo- mais qu’en gère dilatation des parois. Pour ce projet, les architectes s’organise sur deux étages, sans vo- lume souterrain. Il est destiné à abri- tidiennes de l’adc ; de nuit, enve- loppe lumineuse de représenta- pense Pauline se sont inspirés de la chronopho- tographie — technique qui décom- ter un espace de travail pour les danseurs et chorégraphes, un lieu tions, accueillant les publics. Le futur pavillon, temporairement Rappaz ? pose l’objet photographié en diffé- rentes séquences pour en étudier de représentation, un autre destiné à sensibiliser le public à la danse installé sur la place Sturm, s’inscrit dans la continué des arts vivants ; le D onner l’impression du le déplacement. Le pavillon évoque contemporaine, des bureaux pour cirque, le théâtre, historiquement mouvement à ce qui ainsi la pratique de la danse, le l’adc. Il est conçu pour être démon- ambulants. Si l’édifice sera déplacé est immobile. C’est là mouvement du corps, sans tomber table et déplaçable, c’est donc l’im- ou réaffecté, il permettra, pendant tout l’enjeu du projet dans une architecture littérale, plantation davantage que la forme un temps, de redonner du souffle à du jeune bureau lau- analogique ou démonstrative. L’os- qui fait ici écho au contexte urbain. une place moribonde. sannois ON Architecture, qui a una- sature de l’édifice se déploie à la L’édifice s’insère le long de la rue nimement séduit le jury du concours manière d’un folioscope, ce petit Sturm, à sa limite. Un choix qui per- pour le Pavillon de la danse. Le bâti- livre dont les images s’animent met de préserver l’unité de la place ment, tubulaire, est structuré par lorsqu’on en fait défiler les pages : et de maintenir le service de la voirie, des cadres en bois autoporteurs qui un élément structurel est répété en alors que le programme donnait la s’échelonnent à intervalle régulier, subissant, séquence après sé- possibilité de le déplacer. Pauline Rappaz est journaliste mais dont les profils sont variables ; quence, une légère variation. L’enveloppe du bâtiment, consti- à la revue Tracés, bulletin technique sorte de figure de gradation géné- Pour laisser peu de traces de sa tuée d’une toile diaphane, en laisse- de la Suisse romande
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14 / à l’affiche / journal de l’adc n° 62 / janvier — avril 2014 à l’affiche / journal de l’adc n° 62 / janvier — avril 2014 / 15 Repères biographiques Cry — du 8 au 19 janvier — Marco Berrettini Marco Berrettini commence sa carrière de danseur en gagnant le championnat allemand de danse invite sept créateurs à puiser avec lui à la source disco en 1978. Il se forme ensuite à la London School of Contemporary Dance, à la Folkwangschule Essen. des larmes. Une ode à la liberté et à la sensorialité Il étudie l’ethnologie européenne, l’anthropologie culturelle et les sciences théâtrales à l’Université des émotions inspirée par le philosophe Sloterdijk. de Francfort et monte parallèlement sa compagnie *MELK PROD, avec laquelle il crée une douzaine de N spectacles, parmi les plus récents, iFeel (2009), Si Viaggiare (2011) on, Cry n’est pas une Rivières aléatoires et iFeel2 (2012), son duo avec Marie-Caroline Hominal. ode à la mélancolie Avec Cry, Marco Berrettini poursuit www.marcoberrettini.org empreinte d’un senti- en effet sa recherche sur la gnose, la Cry (création) mentalisme mièvre et connaissance intérieure et souhaite- Concept et direction artistique : Marco Berrettini romantique. Mais plu- rait arriver au bout des larmes, dé- Réalisation : Marco Berrettini en tôt un rappel à l’ordre de l’état natu- clare-t-il. Il ne s’agit pas uniquement collaboration avec Vanessa Le Mat Performers : Marco Berrettini, rel des larmes – signe tangible et vi- de provoquer la tristesse mais plutôt Jean-Paul Bourel, Sébastien sible d’une émotion trop souvent de sonder l’infinie palette d’émo- Chatellier, Anne Delahaye, Michèle instrumentalisée ou bannie par une tions que traduit cet instant authen- Gurtner, Nicolas Leresche, Samuel Pajand, Gianfranco Poddighe société qui prône la quête d’un bon- tique et pur des larmes aux yeux. Décor et Lumières : Bruno Faucher heur excessif. Après la période fré- Pour ce faire, le chorégraphe Son : Marco Berrettini Costumes : Marco Berrettini en nétique des fêtes, paroxysme d’un convoque huit artistes dont lui- collaboration avec Bruno Faucher monde capitaliste insidieusement même, huit personnalités bien trem- Administration et diffusion : Tutu Production persécuté par la besogne « obligée » pées, d’horizons variés, compa- d’acheter encore et toujours, la pro- gnons de créations précédentes ou chaine création de Marco Berrettini nouveaux acolytes, danseurs, comé- Salle des Eaux-Vives 82-84 rue des Eaux-Vives retentit comme une halte nécessaire diens ou encore musiciens, exercés 1207 Genève à cette course effrénée. Une fois en- à se concentrer sur des états émo- du 8 au 19 janvier à 20h30 core, le chorégraphe s’inspire de Pe- tionnels qui engendrent une ges- samedi à 19h, dimanche à 18h relâches lundi et mardi ter Sloterdijk, dont les ouvrages ont tuelle nouvelle, non-codifiée et sur- Rencontre avec l’équipe artistique aiguillé plusieurs de ses pièces de- prenante. Quant à la bande-son, fil à l’issue de la représentation puis quelques années. À l’instar conducteur et non pas vecteur du du jeudi 9 janvier d’iFeel2, son dernier spectacle, duo spectacle, elle alterne de manière Billetterie www.adc-geneve.ch hypnotique interprété magistrale- aléatoire des tubes dont les titres Service culturel Migros ment par Marie-Caroline Hominal et comportent les termes cry ou tears, lui-même, l’idée de Cry a germé par exemple Cry me a river chanté Photo des larmes : Brian Oldham après la lecture de Tu dois changer par Billie Holyday ou encore No wo- Ci-dessous, Marco Berrettini Photo : Isabelle Meister ta vie! du philosophe allemand. Se- man no cry de Bob Marley. Les dan- lon lui, c’est la verticalité, opposée à seurs ne savent pas quelles mu- l’horizontalité de la circulation maté- siques passeront, car, sur une liste rialiste du système capitaliste, qui de trois cents chansons environ, une est le véritable défi. Pour sortir de la vingtaine seront choisies au hasard crise, l’homme doit s’élever. Seule- chaque soir par le logiciel iTunes. ment, en haut, aucun dieu, aucune Aucun moyen de préparer des cho- métaphysique ne peut nous aider. régraphies au préalable. Place au Nous devons nous sauver nous- laisser-faire, à la connivence entre mêmes en devenant — par des exer- les interprètes, à la jonction entre cices d’ascèse, par l’entraînement improvisation et composition. L’au- assidu des muscles du cerveau et dace de Marco Berrettini est à son du corps, par des disciplines artis- comble ! Cry est un hymne à la liberté tiques que nous nous imposons — du mouvement, à l’expérience sen- davantage maîtres de notre destin. sorielle renouvelée à chaque repré- sentation. Cécile Simonet
16 / à l’affiche / journal de l’adc n° 62 / janvier — avril 2014 à l’affiche / journal de l’adc n° 62 / janvier — avril 2014 / 17 L a danseuse et choré- travail. Née près de Courtrai d’un It’s going to get worse... — du 23 au 25 janvier — graphe Lisbeth Gruwez a père sculpteur aujourd’hui installé fêté la centième repré- en Italie, et d’une mère agent immo- De la manipulation à l’extase, Lisbeth Gruwez sentation de son solo It’s bilier, elle participe toute jeune aux going to get worse and spectacles de théâtre amateur aux- dynamite de l’intérieur la force de frappe des dis- worse and worse, my friend, au KVS, quels collabore sa mère. A six ans, à Bruxelles en novembre dernier. Lisbeth commence à étudier le bal- cours autoritaires. Elle est ravie. Affirme danser ce let classique et intègre huit ans plus spectacle avec autant de plaisir et tard la Stedelijk Instituut voor ballet d’amour qu’au début, et même plus. d’Anvers. A 18 ans, elle est sélec- Sur le plateau obscur, elle est tionnée par la prestigieuse école de seule. Pantalon gris et chemise danse contemporaine PARTS, à blanche. Un look masculin subtile- Bruxelles. Pour un an seulement ment accentué par des chaussures − sur les trois normalement pré- plates brillantes. Elle commence à vues −. Elle décroche vite des mettre bout à bout, très lentement, contrats auprès des grandes com- de grands gestes des bras sur des pagnies flamandes de Wim coups de griffes sonores, bribes de Vandekeybus, Jan Lauwers, Sidi mots jetés à la sauvage. Peu à peu, Larbi Cherkaoui... De Jan Fabre, une inspiration militaire, martiale, dont elle sublimera le solo Quando surgit. Mouvements cassants, ac- l’uomo principale è una donna créé croches autoritaires…que Lisbeth pour elle en 2004, elle dit « que Gruwez articule et assène avec une c’est grâce à lui qu’elle est devenue force tranchante. « La gestuelle est une artiste. » profondément imprimée en moi ain- si que la musique, poursuit-elle. Le discours d’un roi C’est comme si les deux ne faisaient En 2007, Lisbeth Gruwez a fondé sa qu’un comme par exemple un cava- compagnie avec Marteen Van lier et son cheval. » Cauwenberghe et l’a baptisée Pour ce solo, conçu avec son Voetvolk, ce qui signifie « infanterie » complice de création, le musicien et ou encore « pied du peuple » en fla- compositeur Marteen Van Cauwen- mand. En vaillant soldat de l’art cho- berghe, Lisbeth Gruwez a longue- régraphique, elle préfère le premier ment observé la gestuelle et les sens. L’infanterie trinque mais son discours de quelques dictateurs poing levé ne meurt jamais. Son Repères biographiques comme Hitler, Mussolini ou celle premier solo s’intitulait Forever Lisbeth Gruwez est élève à P.A.R.T.S. de 1997 à 1998. d’orateurs comme Jimmy Swaggart overhead. Un « saut dans le vide » Elle débute sa carrière (télévangéliste américain ultra- selon la chorégraphe, qui dansait professionnelle chez Ultima Vez, conservateur) pour tenter de dyna- avec un casque de moto, et enten- compagnie belge de Wim Vandekeybus. Depuis 1999, miter de l’intérieur leur force de dait bien dégager le terrain pour se elle travaille essentiellement avec frappe. « Je dénonce la violence folle faire un nom rien qu’à elle. Jan Fabre, qui créée en 2004 un solo pour elle, Quando l’uomo et la manipulation qui se cachent C’est chose faite avec It’s going principale è una donna. sous des gestes et des voix parfois to get worse and worse and worse, Elle fonde avec le musicien Maarten Van Cauwenberghe très douces, confiait-elle lors de la my friend. Lisbeth Gruwez a même la compagnie Voetvolk. création de la pièce en 2012. Mais je interprété la pièce devant le roi Al- Leur pièce Birth of Prey (2008) a été vue au théâtre de l’Usine. danse aussi au bout du compte, bert et la reine Paola de Belgique. Le www.voetvolk.be l’extase qui peut surgir de ces dis- premier a dit que « c’était la pre- cours passionnés. » mière fois qu’il voyait un spectacle It’s going to get worse and worse and worse, my friend (2012) Lisbeth Gruwez parle net et de danse sans rien connaître à cet Concept, chorégraphie et danse : franc. Elle tutoie vite son interlocu- art ». A quoi Lisbeth lui a rétorqué Lisbeth Gruwez Composition sonore et assistant : teur et tente d’accorder au plus fin « qu’il ne s’agit pas de connaître mais Maarten Van Cauwenberghe son expérience de scène et de vie de sentir. » Quant à la reine Paola, Scénographie : Veronique Branquinho avec la langue − le français en l’oc- elle a confié « avoir été bouleversée Conseiller artistique : currence − qu’elle choisit et pratique par la performance. » De quoi ouvrir Bart Meuleman avec une grâce brute toute fla- large les portes de l’avenir de la cho- Lumières : Harry Cole Assistante lumière : mande. Cette interprète inoubliable régraphe qui ne manque pas de mu- Caroline Mathieu du metteur en scène Jan Fabre pen- nitions, infanterie oblige. dant six ans, de 1999 à 2004, est une Rosita Boisseau Salle des Eaux-Vives femme de tempérament, forgée par 82-84 rue des Eaux-Vives 1207 Genève Atelier d’écriture des années d’apprentissage et de les 23, 24 et 25 janvier à 20h30 Animé par Manon Pulver le samedi à 19h vendredi 24 janvier autour du Rencontre avec l’équipe artistique spectacle de Lisbeth Gruwez à l’issue de la représentation La rencontre public-artiste qui a du vendredi 24 janvier lieu à l’issue de la représentation est incluse dans cet atelier. Billetterie www.adc-geneve.ch Inscription indispensable Service culturel Migros infos : www.adc-geneve.ch Photos : Luc Depreitere
18 / à l’affiche / journal de l’adc n° 62 / janvier — avril 2014 à l’affiche / journal de l’adc n° 62 / janvier — avril 2014 / 19 S i c’est dans sa ville na- Chacun son instrument tale de Genève que Sa- « L’introduction de la danse comme rah Ludi commence à troisième instrument, poursuit Sa- pratiquer son « instru- rah Ludi, demande des musiciens ment », la danse la mène qu’ils ménagent un espace dans le- pourtant très vite ailleurs. Bruxelles, quel elle puisse s’infiltrer. Notre vo- surtout, où elle rencontre le choré- lonté est de ne pas illustrer ce que All Instruments — du 6 au 9 février — Ecouter ? graphe soleurois Thomas Hauert, nous voyons ou entendons, mais qui l’invite à participer à la première plutôt d’articuler les trois « instru- voir ? Sur scène, la danseuse Sarah Ludi forme création de sa compagnie ZOO. ments » dans leur différence. La Nous sommes en 1998, et la décou- batterie et la trompette induisent quatuor avec le trompettiste Laurent Blondieau, le verte de l’improvisation telle que leurs propres types de jeux, l’un l’aborde Hauert est une révélation plus percussif et l’autre plus mélo- batteur Lobo et l’artiste visuel Yves Plazet. pour la Genevoise, ainsi que le dé- dique. Avec ses possibilités et ses but d’une longue aventure − Sarah limites, la danse s’intègre comme Bel endroit pour une rencontre. Ludi collabore toujours aujourd’hui un troisième instrument permettant avec ZOO, dont elle a contribué à d’apporter des lignes mélodiques former le langage et la pratique. ou des contrepoints, d’introduire Plus récemment, elle suit une for- des accélérations ou décélérations mation d’enseignante en technique rythmiques… La tension musi- Alexander qui enrichit encore son cale voyage dans le corps et la ten- rapport à l’improvisation. sion physique peut à son tour être Photo de répétition : C’est à l’époque où elle suit traduite musicalement. L’impor- Thibaut Grégoire Atelier du regard cette formation que Sarah Ludi ren- tance du regard mène aussi les mu- Animé par Philippe Guisgand contre les musiciens Laurent Blon- siciens à prendre davantage le vendredi 7 février autour du spectacle de Sarah Ludi diau et João Lobo. Invitée à partici- conscience de leur physicalité et de Inscription indispensable per en tant que danseuse aux la façon dont elle est perçue, tandis infos : adc-geneve.ch concerts de leur collectif Mâäk, elle que l’intensité de l’écoute accentue est éblouie par la puissance de leur la réception du mouvement comme musique, mais aussi par leur pra- musique. » tique de l’improvisation et la com- Dès le départ, Sarah Ludi a éga- plicité qui les unit. Sarah Ludi : « Ce lement désiré introduire la lumière que j’ai rapidement ressenti dans comme quatrième protagoniste du ces concerts, c’est l’extraordinaire spectacle. Elle explique : « Quand on Repères biographiques Née à Genève, Sarah Ludi suit la circulation des impulsions entre les improvise, on joue avec toutes ses formation à l’Ecole de danse de musiciens. En tant que danseuse, sensations. La plupart du temps, la Genève auprès de Beatriz Consuelo, puis danse pour Vertical Danse, la et malgré le plaisir très direct que lumière arrive à la fin du processus compagnie de Noemi Lapzeson. j’avais à répondre à leurs proposi- de création, mais je voulais voir quel Elle rejoint ensuite la compagnie d’Angelin Preljocaj puis celle tions, je me sentais un peu à l’écart résultat serait atteint si on l’introdui- d’Anne Teresa De Keersmaeker de ce système fluide de transmis- sait en amont, comme une véritable pendant quatre ans. Depuis 1998, elle est membre de ZOO / sion. Les musiciens communiquent force d’influence. Yves Pezet est Thomas Hauert. Parallèlement, surtout dans l’écoute, alors que la parti à la recherche de ses maté- elle collabore avec Brice Leroux danse fait davantage appel au re- riaux. Il a apporté des sources de lu- et Vincent Dunoyer. En 2009, elle entame une formation en technique gard. Intégrer musiciens et dan- mière mobiles qui peuvent être ma- Alexander et une recherche seurs dans une libre circulation à nipulées directement sur scène personnelle sur les implications de cette technique dans la pratique travers les médiums suppose de pour modeler l’espace, découper chorégraphique. développer un mode d’attention l’action, créer des atmosphères. All Instruments (création) spécifique. J’ai voulu prendre le Nous avons improvisé tous les Concept et mise en scène : temps d’explorer les conditions quatre en essayant de faire circuler Sarah Ludi, en collaboration avec Laurent Blondiau, João Lobo d’une véritable rencontre entre les impulsions depuis tous les et Yves Pezet danse et musique. De là est venue points. Si, au final, la lumière sera Chorégraphie et danse : Sarah Ludi Composition et interprétation l’idée de All Instruments, une pièce largement fixée, sa présence dès musicales : Laurent Blondiau dans laquelle tous les performers l’amorce de la création lui aura per- (trompette) et João Lobo (batterie) Création lumière et scénographie : se rendraient égaux en influence. » mis de jouer aussi un rôle de dé- Yves Pezet clencheur. » Sarah Ludi insiste sur le fait Salle des Eaux-Vives que All Instruments n’est pas un 82-84 rue des Eaux-Vives 1207 Genève solo de danse mais une pièce de groupe, un trio improvisé avec la du 6 au 9 février jeudi et vendredi à 21h lumière comme quatrième instru- samedi à 19h, dimanche à 18h ment. Une forme construite comme dans le cadre du festival Antigel un spectacle, mais conservant Rencontre avec l’équipe artistique à l’issue de la représentation l’énergie du concert. du samedi 8 février Denis Laurent Billetterie www.adc-geneve.ch Service culturel Migros Photo ci-contre : Yves Pezet
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