62 journal de l'adc association pour la danse contemporaine genève

 
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janvier — avril 2014 — adc / association pour la danse contemporaine — salle des eaux-vives — 82 - 84 rue des eaux-vives − 1207 genève

62
journal de l’adc
association pour la danse contemporaine
genève

                                                                                       dossier

                                                                                       Pavillon
                                                                                       de la danse

                                                                                       à l’affiche

                                                                                       Marco Berrettini
                                                                                       Lisbeth Gruwez
                                                                                       Sarah Ludi
                                                                                       Foofwa d’Imobilité
                                                                                       Alexandra Bachzetsis
                                                                                       La Ribot
                                                                                       Mathilde Monnier

                                                                                       focus

                                                                                       Back to Early Works

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                                                                                          1207 Genève
2 / journal de l’adc n° 62 / janvier — avril 2014                                                                                                                                                                                                 journal de l’adc n° 62 / janvier — avril 2014 /   3

                                                                                                           Dossier                                                                  Focus

                                                                                                           4 − 11                                                                   26 − 27
                                                                                                           et la chenille devint                                                    Back to Early
                                                                                                           Pavillon                                                                 Works
                                                                                                           Le Pavillon de la danse pour     déambulation dans                       La compagnie de
                                                                                                           l’adc prend enfin forme :        l’exposition d’architecture             l’américaine Trisha Brown
                                                                                                           cet été, plus de soixante        qui s’est tenue durant                  a présenté ses Early
                                                                                                           bureaux d’architectes ont        quinze jours cet automne ;              Works à Sicli. Un moment
                                                                                                           participé au concours            parole à quelques                       unique. L’expérience a
                                                                                                           organisé par la Ville de         politiques qui s’expriment              été documentée par les
                                                                                                           Genève.                          sur ce projet et point de vue           photographies de Georges
                                                                                                           Entretien avec les deux          critique sur Bombatwist, le             Cabrera et commentée
                                                                                                           jeunes architectes qui ont       projet lauréat.                         par Odile Ferrard.
                                                                      La carte postale                     gagné le concours ;
                                                                reçue à l’adc le 18 novembre 2013

                                                                                                           A l’affiche                      Bus, livres, chronique                  Histoires de corps                       Edito

                                                                                                           12 − 13                          30 − 31                                 34                                       Danse, prie, aime
                                                                                                           Cry                              les dernières                           une danseuse se
                                                                                                                                                                                                                                    Le Pavillon de la danse est dessiné. Le projet choisi
                                                                                                           Marco Berrettini                 acquisitions                            raconte en trois
                                                                                                                                                                                                                             s’appelle Bombatwist, on l’aime déjà et nous le présentons
                                                                                                                                            du centre de                            mouvements :                             dans les pages qui suivent. Nous pouvons imaginer son
                                                                                                           14 − 15                          documentation                           Hélène Bourbeillon                       inauguration dans quatre ou cinq ans. Nous sommes
                                                                                                           It’s going to get worse          de l’adc                                                                         contents, heureux même, car nous bataillons depuis seize
                                                                                                           and worse and worse,                                                                                              ans sur la nécessité d’un lieu. Quand nous couperons le
                                                                                                                                            la chronique                                                                     ruban de Bombatwist, nous serons un peu plus vieux
                                                                                                           my friend
                                                                                                                                            sur le gaz                              Mémento                                  qu’aujourd’hui, mais peu importe, l’essentiel est que ce
                                                                                                           Lisbeth Gruwez                                                                                                    lieu existe, pour le public et les artistes d’aujourd’hui et de
                                                                                                                                            de Claude Ratzé
                                                                                                                                                                                    35                                       demain. D’ici là, tels des bénédictins, nous continuerons à
                                                                                                           16 − 17                                                                  lieux choisis en                         nous attacher sans sourciller à notre pratique quotidienne.
                                                                                                           All instruments                                                          Suisse et en France                             Cette pratique justement, qu’on pourrait pompeuse-
                                                                                                           Sarah Ludi                       Carnet de bal                                                                    ment affubler du branché dance workers — terme moins
                                                                                                                                                                                    voisine                                  aride que le sempiternel acteur culturel — , nous la poursui-
                                                                                                                                            32 − 33                                                                          vons encore pour l’heure dans l’espace modeste de la
                                                                                                           18 − 19                                                                                                           salle des Eaux-Vives. Elle consiste en une quantité de
                                                                                                                                            ce que font les
                                                                                                           Utérus, pièce                                                                                                     tâches et un objectif prioritaire : donner de l’espace et du
                                                                                                                                            danseurs genevois
                                                                                                           d’intérieur                                                                                                       temps à des chorégraphes pour qu’ils les restituent au pu-
                                                                                                                                            et autres nouvelles                                                              blic transformés par l’art, en l’occurrence la danse. En vue
                                                                                                           Foofwa d’Imobilité
                                                                                                                                            de la danse                                                                      de quoi ? Lorsque l’on est un dance worker, on s’efforce de
                                                                                                                                                                                                                             voir et donner à voir les artistes dont nous croyons qu’ils
                                                                                                           20 − 21                                                                                                           réenchantent la relation — au corps, au public, au monde.
                                                    Vous dansez ? — Audrey Hepburn et Fred Astaire         The Stage of Staging                                                                                              Et cet hiver, bonne nouvelle, ils sont nombreux !
                                                         Collection cinémathèque suisse de Lausanne, DR.
                                                                                                           Alexandra                                                                                                                Par ordre d’apparition se succèderont aux Eaux-
                                                                                                           Bachzetsis                                                                                                        Vives Marco Berrettini, Lisbeth Gruwez, Sarah Ludi, Foofwa
                                                                                                                                                                                                                             d’Imobilité et Alexandra Bachzetsis, tandis que La Ribot et
                                                                                                                                                                                                                             Mathilde Monnier envahiront le BFM avec le Ballet de Lor-
                                                                                                           22 – 23                                                                                                           raine. En attendant le Pavillon, let’s dance !
                                                                                                           EEEXEECUUU-                                                                                                       Anne Davier
                                                                                                           TIOOOONS !!!
                                                                                                           La Ribot
                                                                                                           Objets re-trouvés
                                                                                                           Mathilde Monnier

                                                                                                           Association pour la danse        Secrétariat de rédaction :              Prochaine parution :
                                                                                                           contemporaine (adc)              Manon Pulver                            avril 2014
                                                                                                           Rue des Eaux-Vives 82−84         Ont collaboré à ce numéro :             Ce journal est réalisé
                                                                                                           1207 Genève                      Gregory Batardon, Rosita Boisseau,      sur du papier recyclé.
                                                                                                           tél. + 41 22 329 44 00           George Cabrera, Pauline Cancela,
                                                                                                                                                                                    En couverture :
                                                                                                           fax + 41 22 329 44 27            Anne Davier, Odile Ferrard, Steeve
                                                                                                                                                                                    Sarah Ludi en répétition
                                                                                                           info@adc-geneve.ch               Iuncker, Denis Laurent, Aloys Lolo,
                                                                                                                                                                                    pour All Instruments.
                                                                                                           www.adc-geneve.ch                Pauline Rappaz, Claude Ratzé, Jessica
                                                                                                                                                                                    Photo : Thibaut Grégoire
                                                                                                                                            Richard, Michèle Pralong, Cécile
                                                                                                           Responsable de publication :                                             The Stage of Staging
                                                                                                                                            Simonet, Bertrand Tappolet
                                                                                                           Claude Ratzé                                                             d’Alexandra Bachzetsis.
                                                                                                           Rédactrice en chef :                                                     Photo : Mélanie Hofmann
                                                                                                                                            Graphisme : Silvia Francia, blvdr
                                                                                                           Anne Davier
                                                                                                                                            Impression : SRO Kundig                 L’ADC bénéficie du soutien de
                                                                                                           Comité de rédaction :                                                    la Ville de Genève et de la République
                                                                                                                                            Tirage : 8’000 exemplaires,
                                                                                                           Caroline Coutau, Anne Davier,                                            et canton de Genève.
                                                                                                                                            janvier 2014
                                                                                                           Thierry Mertenat, Claude Ratzé
4 / dossier / journal de l’adc n° 62 / janvier — avril 2014                                                                                                                                                                                         dossier / journal de l’adc n° 62 / janvier — avril 2014 /   5
                                                                                                                                      Projet lauréat :
                                                                                                                                      comme un air
                                                                                                                                      de Bombatwist

                                                                                                                                      Au premier plan, les deux associés
                                                                                                                                      de ON Architecture, Jean Camuzet
                                                                                                                                      et Ubaldo Martella (les bras croisés),
                                                                                                                                      avec leurs collaborateurs
                                                                                                                                      Mafalda Sacadura Botte et Joël Amorim
                                                                                                                                      — Photo : Georges Cabrera

                                                                                                                                      U
                                                                                                                                                   n Pavillon de la danse,     belle visibilité. Même si on ne chronophotographie, permet juste-                   nant le public sont au rez-de-
                                                                                                                                                   enfin. Un élégant écrin     gagne pas, cela fait parler de nous. ment de représenter un mouvement               chaussée, tandis que tout ce qui
                                                                                                                                                   luminescent, discret,       Est-ce la première fois que              sur un média fixe. Nous avons alors        concerne les usagers est à l’étage.
                                                                                                                                                   parcouru d’une vague        vous travaillez sur un projet            reporté ce principe sur notre projet.      Nous voulions un bâtiment fonction-
                                                                                                                                                   à même sa structure.        tel que celui-ci ?                       Si on regarde la structure de ce bâti-     nel. Un terme qui nous a suivi tout au
                                                                                                                                      Un projet né du travail de deux          JC : Le Pavillon de la danse est un ment, on s’aperçoit qu’il s’agit d’une          long de la réalisation était l’efficacité.
                                                                                                                                      jeunes architectes, Jean Camuzet         projet singulier. Le fait qu’il soit dé- série de cadres, de portiques. Cha-        UM : Et puis l’économie aussi. L’éco-
                                                                                                                                      et Ubaldo Martella. Nous les avons       plaçable demande une approche cun des portiques est différent. L’as-                nomie des moyens, l’économie
                                                              Rien qu’à son nom on devine le mouvement, une                           rencontrés, au quatrième étage de        particulière. Et travailler sur une semblage de ces éléments permet                 d’utilisation du sol, l’économie des
                                                              torsion, un rythme : Bombatwist. Il est le lauréat.                     leur atelier ON Architecture, rue        salle de spectacle, ce n’est pas fré- de générer un mouvement. Sinon, la            montages, la facilité de construction
                                                              La réponse au besoin d’un lieu pour l’adc. Le point final               Marterey à Lausanne. Interview.          quent. Un projet culturel jouit d’une structure est très rationnelle, très          et de démontage.
                                                              du concours lancé en avril dernier. C’est lui le projet qui,                                                     aura différente des projets sur les- simple, très efficace. C’est cet
                                                                                                                                      Journal de l’adc : Bombatwist            quels nous travaillons d’accoutumée. « input » du mouvement qui génère              Pourquoi le bois?
                                                              après deux jours d’intenses débats, a fait l’unanimité
                                                                                                                                      fait sourire et intrigue ; d’où          UM : Comme le dit Jean, ce n’est pas l’identité du bâtiment.                        UM : Nous aurions pu partir sur le
                                                              auprès du jury. Bombatwist devrait prendre forme sur                    vient ce nom étonnant ?                  fréquent comme mandat. Avec le                                                      métal, puisqu’il fallait que ce soit
                                                              la place Sturm.                                                         Ubaldo Martella : Ce nom est lié à       Pavillon de la danse, nous touchons Vous parlez de cette vague                      une structure légère. Mais nous vou-
                                                                                                                                      une chanson de 1985 que l’on écou-       au milieu artistique contemporain, que l’on aperçoit sur la structure               lions une matière chaude, qui ap-
                                                              Dans les pages qui suivent, notre journal parcourt
et la chenille
                                                                                                                                      tait pendant la réalisation du projet,   cela détonne avec les concours ha- extérieure ?                                     porte un confort acoustique et visuel.
                                                              l’exposition qui réunissait soixante-cinq projets comme                 J’me sens comme une bamba triste         bituels, qui concernent plus souvent JC : Oui. Cette vague incarne l’as-            Et puis, nous connaissons la situa-
                                                                                                                                      de Pierre Billon. Disons qu’elle nous    des écoles, des EMS, des crèches pect mouvant de la structure. Si on                tion des sylviculteurs suisses. Nous
                                                              autant de déclinaisons possibles d’un pavillon de la

devint
                                                                                                                                      apportait un peu de légèreté.            ou des bureaux. Quand ce genre de prend le portique, nous avons ima-                nous inscrivons aussi dans une ré-
                                                              danse. Les deux architectes lauréats reviennent quant                   Lorsque nous sommes arrivés au           projet se profile, c’est magnifique. giné une danseuse le franchissant,             flexion sur le durable.
                                                              à eux sur la genèse de Bombatwist, tandis que Pauline                   moment de le baptiser, nous avons        En ce qui me concerne, je m’étais et qui, d’un mouvement, une ara-
                                                              Rappaz nous en délivre un retour critique. Enfin, parole
Pavillon
                                                                                                                                      repensé à cette musique et l’avons       déjà beaucoup intéressé à l’archi- besque par exemple, transforme le                Votre bâtiment pourra donc être
                                                              est donnée aux politiques sur les quelques mètres                       twistée. C’est aussi simple que cela.    tecture éphémère, et ce concours pavillon de l’intérieur. Comme si la               démonté et remonté ailleurs ?
                                                              décisifs qui nous séparent du seuil de Bombatwist.                                                               représentait une occasion assez danseuse avait laissé son em-                       UM : Absolument. D’où sa forme
                                                              Notre dossier.                                                          Parlez-nous de votre parcours            unique de nous « éclater », comme preinte. On peut même imaginer, si                très compacte. La forme du bâti-
                                                                                                                                      commun ?                                 on dit. Beaucoup de bureaux renom- le pavillon continuait, une em-                  ment ne devait pas être liée à la
Les photos de l’exposition du
concours du Pavillon de la danse ont                                                                                                  JC : Nous sommes tous deux des           més ont d’ailleurs participé. Pour un preinte différente, qui serait la suite       place. Nous voulions une expres-
été réalisées par Steeve Iuncker                                                                                                      architectes EPFL, de la même volée,      jeune bureau comme le nôtre, ga- du mouvement de la danseuse.                       sion qui puisse être placée dans un
                                                                                                                                      diplômés en 2007. Ensuite nous           gner était simplement formidable.                                                   autre contexte. De manière caricatu-
                                                                                                                                      avons chacun fait nos expériences        Aussi, lorsqu’on nous a annoncé au Quels ont été les principaux                     rale, on peut dire qu’il s’agit d’une
                                                                                                                                      dans de grands bureaux d’architec-       téléphone que nous avions rempor- défis pendant la réalisation de                   boîte qui pourra être déplacée et
                                                                                                                                      ture à Lausanne. A un moment don-        té le concours, j’ai cru qu’un ami ce projet ?                                      installée ailleurs.
                                                                               dans le pavillon il y a …                              né, nous nous sommes retrouvés à         nous faisait une blague !                UM : Nous devons dire que le pro-          JC : Et comme nous ne connaissons
                                                                               pour le public (195m2) :                               travailler dans la même agence. Là,                                               gramme était bien fait, il expliquait      pas cet ailleurs, nous avons pensé
                                                                               — l’entrée                                             on nous a demandé de monter une          Quelles ont été vos sources              bien le contexte politique et géogra-      le plus petit possible afin qu’elle oc-
                                                                               — le foyer                                             cellule dédiée spécifiquement aux        d’inspirations ?                         phique. Le caractère éphémère              cupe le minimum de place.
                                                                               — le bar /cuisine
                                                                               — les sanitaires
                                                                                                                                      concours. Au vu de nos succès,           UM : Avant même de lire l’entier du nous a semblé une condition intelli-
                                                                                                                                      l’idée de créer quelque chose en-        programme, Jean est arrivé avec gente. Avec ces paramètres en tête,                 Quelle est la prochaine étape ?
                                                                               pour le spectacle (440m2) :                            semble est venue assez naturelle-        une image. Une image qui a cristalli- nous avons pensé à quelque chose              JC : Nous allons développer le projet
                                                                               — le plateau (aire de jeu : 12m x 12m)
                                                                                                                                      ment. Ainsi nous avons lancé notre       sé notre souhait autour de la chro- de compact.                                     avec les usagers, c’est-à-dire l’adc et
                                                                               — la salle avec gradins démontables (200 personnes)
                                                                                                                                      propre atelier, ON Architecture, en      nophotographie. Cela a été à la                                                     le maître d’ouvrage, la Ville de Ge-
                                                                               pour le travail (385m2) :                              mars 2013.                               base de notre réflexion, nous vou- Vous n’avez jamais imaginé le                    nève. Il y aura certainement des mo-
                                                                               — les bureaux                                          UM : Nous sommes complémen-              lions recréer le mouvement. Quand projet en plusieurs blocs ?                       difications à effectuer pour que le
                                                                               — le centre de documentation
                                                                               — la salle mixte (échauffement, médiation, réunion…)   taires dans notre travail. Jean a        nous avons lu « danse », nous avons JC : Non. Le maître mot était la com-           projet soit le plus adapté possible au
                                                                               — les espaces techniques                               beaucoup d’expérience dans les           pensé « mouvement ».                     pacité du programme. C’est-à-dire          site mais aussi aux exigeances pré-
                                                                               — les loges, douches et sanitaires                     concours et moi dans le dévelop-         JC : Une architecture est une entité comment rassembler dans un plus                cises des utilisateurs.
                                                                               et à la Maison des arts du Grütli :                    pement des projets. Un concours          stable, qui ne bouge pas. Statique, petit volume tout le programme de-
                                                                               — trois studios de danse (110 m2, 150 m2 et 190m2)     comme celui du Pavillon de la            comme l’est une photographie. Ce mandé. Sur plan, si l’on voit la répar-
                                                                                  gérés par l’adc                                     danse permet de bénéficier d’une         procédé photographique, celui de la tition du projet, tous les flux concer-         Propos recueillis par Jessica Richard
6 / dossier / journal de l’adc n° 62 / janvier — avril 2014                                                                                                                                                                      dossier / journal de l’adc n° 62 / janvier — avril 2014 /   7

                                                                                                                                                     Si Bombatwist ressemble à une bureau viennois qui présente une
                                                                                                                                                 élégante petite boîte à chaussures, structure en aluminium se défor-
                                                                                                                                                 dans la mouvance « swiss box », mant tel un pas de vis géant. Autre
                                                                                                                                                 avec ses lignes simples et son toit exemple, le Pavda, son look rétro
                                                                                                                                                 plat, Double face a quant à lui fait le assumé, ses façades bleues cer-
                                                                                                                                                 pari de la hauteur. Arrivé sur la deu- nées de guirlandes d’ampoules. Un
                                                                                                                                                 xième marche du podium, ce projet hangar azur qui détonne avec son
                                                                                                                                                 imaginé par un bureau barcelonais espace d’accueil. Des idées écar-
                                                                                                                                                 dévoile une toiture qui évoque les tées par le jury dès le premier tour
                                                                                                                                                 anciennes granges à céréales. Dans du concours. Des projets qui, à
                                                                                                                                                 un autre style, le projet madrilène l’image du Guggenheim de Bilbao,
                                                                                                                                                 Tentes en bois, arrivé quatrième, se rentrent plus dans la catégorie des
                                                                                                                                                 décline, lui, en plusieurs éléments bâtiments icônes que dans celle du
                                                                                                                                                 façon poupées russes. Alvin, projet pavillon éphémère. Des projets qui
                                                                                                                                                 d’un bureau genevois arrivé troi- souvent s’étendent sur une trop
                                                                                                                                                 sième, se présente en deux blocs large partie de la place Sturm. Un
                                                                                                                                                 distincts, rejoignant Bombatwist sur aménagement qui ne cadre pas
                                                                                                                                                 ce point. Avec toutefois la particula- avec les critères décidés par la Ville
                                                                                                                                                 rité d’avoir distinctement comparti- de Genève.
                                                                                                                                                 menté les espaces demandant ainsi
                                                                                                                                                 un ancrage au sol plus conséquent, Une équation du juste milieu
Fragments                                                                                                                                        rendant son caractère éphémère Plus on avance dans l’exposition
                                                                                                                                                 moins évident aux yeux du jury.         plus nous comprenons. Le pavillon
d’un concours                                                                                                                                        Après le palmarès, nous de la danse idéal doit être une équa-

amoureux                                                                                                                                         sommes prêts à arpenter la soixan- tion du juste milieu. Ainsi, les propo-
                                                                                                                                                 taine d’autres propositions. Très vite, sitions s’appuyant uniquement sur

                                                              «C
                                                                                                                                                 en parcourant les planches, malgré le caractère éphémère, type tente,
                                                                                elui-ci me fait pen-   soixante-cinq bureaux d’architectes,      les contrastes, apparaissent des fa- yourte ou box — on pense aux lo-
Cet été, soixante-cinq bureaux d’architectes ont                                ser à un accordéon.    suisses et internationaux, ont répon-     milles. Certaines caractéristiques, caux de l’entreprise Freitag à Zurich
planché sur le concours lancé par la Ville de                                   Non. Plutôt à une      du à l’appel lancé le 23 avril dernier.   certains traits reviennent d’un plan — ne convainquent pas. Ni trop, ni pas
Genève. C’est beaucoup, mais ce concours était                                  chenille… ou à une     Tous étaient exposés du 8 au 26 oc-       à l’autre, d’une maquette à l’autre. assez, ni trop grand, ni trop petit.
                                                                                crevette peut-être.    tobre au Forum Faubourg, un es-           Des plus classiques aux plus fan- Mesure et efficacité. On analyse les
stimulant et l’émulation était bien visible dans
                                                              Après réflexion, je préfère celui qui    pace dédié à l’architecture et à l’ur-    taisistes, les projets exposés maquettes, on est séduit, interloqué,
les planches et maquettes rendues.                            s’inspire des yourtes mongoles, ou       banisme. Une promenade à chaque           entrent en résonance au fil des on s’amuse des arbres miniatures
Quelles ont été les solutions proposées, quels                alors le chapiteau.» Saisie au vol       fois nouvelle le long de la rue Ferdi-    pas. Il y a les monoblocs, tel Bom- toujours différents d’imaginaire en
                                                              entre deux allées de l’exposition        nand-Holder. En miniature bien sûr.       batwist, qui ont opté pour une imaginaire. On tente de déchiffrer
projets ont été imaginés pour habiller la place
                                                              consacrée aux projets proposés                                                     forme compacte et rationnelle. les plans, de se projeter. Quelque-
Sturm ? Déambulation dans l’exposition qui, durant            pour le Pavillon de la danse contem-     Fonctionnel et poétique                   Show the place, autre candidat ge- fois, il faut revenir deux fois, même
quinze jours cet automne au Forum Faubourg,                   poraine, cette remarque d’un visiteur    Lorsque l’on pénètre dans la salle        nevois, s’inscrit dans cette catégo- trois fois devant une planche pour
présentait la totalité des projets.                           n’est pas loufoque. Au contraire,        d’exposition, nous sommes d’abord         rie. Un projet tendu par une ré- en saisir toute la dimension, la com-
                                                              elle illustre à merveille la richesse    frappés par la densité des objets         flexion sur la mise en valeur de la plexité, l’élégance.
                                                              des réponses apportées à cette in-       présentés. Un dédale de maquettes         place, s’ouvrant sur ses trois axes.        Des perspectives singulières,
                                                                                                                                                                                                                                                   Vues plongeantes de quelques
                                                              nocente question : « comment             blanches, flanquées de larges                 Dans une optique différente, des manières d’être sur la place,                                maquettes exposées au Forum
                                                              construire un pavillon de la danse       planches suspendues. En rang d’oi-        quelques bureaux d’architectes ont parfois aux antipodes les unes des                             Faubourg.
                                                              contemporaine en ville de Genève ? »     gnon, les projets occupent l’espace,      misé sur la multiplicité des blocs autres. Avant de quitter la salle, on
                                                                  Un pavillon pour accueillir l’As-    tout l’espace. Le visiteur est immé-      pour répartir le programme. Mode passe une dernière fois devant
                                                              sociation pour la danse contempo-        diatement saisi par le vertige des        campus, pour des projets tels l’ita- Bombatwist. Vitalité, pureté, flexibili-
                                                              raine à Genève. Mais pas n’importe       possibles. Une place menue, nichée        lien Iceberg, disséminé en trois rec- té se dégagent de ce petit écrin dy-
                                                              où, sur la place Charles-Sturm.          au creux de la ville et autant de façon   tangles imposants, ou comme Le namique. Mêlant fonctionnalité et
                                                              Place publique cherche salle de          de l’habiller. On songe aux défilés       danseur, une structure divisée en poétique, sa force émane de son im-
                                                              spectacle. Soit un site historique en    de mode : une même silhouette             plusieurs parties distinctes imagi- plantation réfléchie et de son adap-
                                                              centre-ville, perlé d’arbres, jouxtant   pour une multitude de parures pos-        née par un bureau français. Le désa- tabilité. De son élégance simple
                                                              l’Eglise russe et qui semble accablé     sibles. Bombatwist, le lauréat, ouvre     vantage de ces dernières proposi- aussi. L’exposition promet la fin de
                                                              d’une malédiction lorsque vient la       le bal. Tourné face à l’entrée, il est    tions : leur implantation trop vaste l’errance pour l’adc et le début d’une
                                                              question de son aménagement.             l’étoile de l’exposition. A ses côtés,    sur la place compromet le critère de nouvelle aventure. Oui, on dansera
                                                              Pas n’importe quel pavillon non          les trois autres projets primés s’af-     légèreté nomade.                        bientôt au milieu du mail de la place
                                                              plus d’ailleurs. Il devra valoriser le   fichent à la suite. Déjà quatre propo-        Car si la sobriété est le maître Sturm.
                                                              lieu sans l’écraser, être éphémère,      sitions et déjà quatre façons             mot de nombreux projets présentés,
                                                              flexible, faire danser et rêver aussi.   contrastées d’aménager le nord de         certains ont parié sur l’extravagance.
                                                              Bref, un cas d’école. Pas moins de       la place Sturm. Le ton est donné.         On s’étonne devant le projet d’un Jessica Richard
8 / dossier / journal de l’adc n° 62 / janvier — avril 2014                                                                                                                                              dossier / journal de l’adc n° 62 / janvier — avril 2014 /   9

Elle fut longue
la route…
10 dates clés.
— 1986
L’Association pour la danse
contemporaine (adc) se
constitue et présente
ses spectacles à la Salle
Patino à Genève.

— 1997
L’adc quitte Patino

                                                 Bienvenue
(devenue Cité bleue),
devient nomade
et dissémine sa program-
mation dans plusieurs
salles genevoises,                               chez les Sturm
notamment le Grütli, le
Loup, l’Alhambra.                                Au cœur d’arbitrages délicats,
— 1998                                           le Pavillon fait pourtant l’unanimité.
Le projet d’une Maison de                        Il faut maintenant le construire.
la danse à Genève prend
forme. Son implantation se                       Facile, difficile ?

                                                                                          L
dessine à Lancy dans le                          Les politiques s’expriment.
centre socio-culturel de                                                                             éger, mobile, économique,      arts et de la culture (CARTS). Si            A voir si l’ensemble du collège le     volume similaire, le nouveau bâti-
l’Escargot en 2006.                                                                                   le Pavillon de la danse a     celle-ci soutient le projet de façon suivra. Depuis que le Conseil muni-            ment du Màd, aux Charmilles, s’est
— 2004                                                                                               des atouts politiques et       unanime, elle ne dispose pas d’une cipal a demandé à l’exécutif de                  construit en un an. »
L’adc s’installe provisoire-                                                                          pourrait voir le jour rapi-   grande marge de manœuvre, ex- mieux planifier ses dépenses, une
ment aux Eaux-Vives en                                                                               dement. C’est d’ailleurs       plique l’élu MCG. La CARTS peut certaine « frilosité » aurait gagné ce                  L’estimation du coût de réalisa-
attendant Lancy.
                                                                                          la volonté affichée de la Ville de        toujours demander d’en accélérer dernier, d’après Alexandre Wisard,                 tion du Pavillon de la danse réfréne-
— 2006                                                                                    Genève, qui exprimait lors du ver-        la réalisation, mais sans garantie membre de la commission des tra-                 rait cependant certains élus. « Dix
La population de Lancy                                                                    nissage de l’exposition du Pavillon,      d’efficacité: « Nous l’avons fait il y a vaux. L’écologiste rappelle toutefois      millions de francs pour un bâtiment
enterre par un vote le
projet du centre socio-                                                                   au Forum Faubourg le 7 octobre            deux ans, puis l’année dernière. que le fait de figurer au plan finan-              provisoire, ce n’est pas donné, ob-
culturel de l’Escargot.                                                                   dernier, son souhait d’inaugurer          Avec quel résultat ? Au lieu d’être cier est déjà bon signe. « L’utilité et         serve Olivier Fiumelli (PLR), membre
La Maison de la danse                                                                     l’édifice en 2017. Soit dans trois        avancé, le projet a été retardé. Le l’urgence du Pavillon de la danse ne            de la commission des Finances.
passe à la trappe.
                                                                                          ans à peine.                              parlement souhaite un budget à sont plus à démontrer, poursuit-il.                  Mais cette infrastructure est atten-
— 2007                                                                                        La Ville a désormais un an pour       l’équilibre, donc le Conseil adminis- D’autant que cela libérera la salle           due depuis longtemps et doit se
L’adc et la Ville de Genève                                                               peaufiner le projet lauréat du            tratif doit fixer des priorités. »       communale des Eaux-Vives pour la           faire rapidement, car c’est un outil
jettent les bases d’un
concept plus léger, le
                                                                                          concours avant de déposer au                  Résultat : contrairement au dé- population, en mal d’espaces. » Un              dont on a besoin. » A noter que l’on
Pavillon de la danse.                                                                     Conseil municipal le crédit de            lai annoncé lors de la présentation avantage non négligeable, sachant               parle plus volontiers aujourd’hui
Des diverses implantations                                                                construction, estimé à neuf mil-          du projet, le premier coup de que l’adc occupe provisoirement                       d’un bâtiment « déplaçable » : il est
possibles, seule la place
                                                                                          lions de francs. Mais ce n’est pas        pioche du Pavillon de la danse n’est ces locaux depuis bientôt dix ans.             en effet conçu pour être monté et
Sturm est retenue.
                                                                                          gagné. Les importantes dépenses           pas prévu avant 2018 dans le der-                                                   démonté, de telle sorte qu’il pourrait
— 2012                                                                                    qui attendent la municipalité pour        nier plan financier. La dernière Nécessaire et déplaçable                           migrer, après quelques années à la
Le Conseil municipal
                                                                                          les dix prochaines années ainsi           phase des dépenses est même Des oppositions pourraient encore                       place Sturm, sur une autre parcelle −
vote le crédit en vue du
concours et de l’étude                                                                    que le dernier programme des in-          agendée à 2020. Quid ? « C’est un retarder le projet, que les élus mini-            l’exemple souvent cité étant celui du
du Pavillon.                                                                              vestissements financiers ne sont          plan d’intention revu chaque année, misent : il n’y aurait rien à craindre.         PAV (Praille-Acacias-Vernets).
— 7 octobre 2013
                                                                                          pas là pour rassurer.                     relativise Rémy Pagani, magistrat « D’après les auditions des riverains
Le bureau lausannois                                                                                                                chargé des constructions. L’ajour- qui ont déjà été menées, il n’y aurait               Le Pavillon de la danse aurait-il
ON Architecture est                                                                           Le Pavillon de la danse s’inscrit     nement du projet de nouvelle ca- visiblement pas d’oppositions »,                   encore un sens si sa réalisation
désigné lauréat.
                                                                                          en effet dans une série de travaux        serne de pompiers, qui représente avance Jean-Philippe Haas. A voir.                s’éternise ? « Oui, bien sûr, mais ce
— dès 2014                                                                                conséquents en matière culturelle,        60 millions de francs, nous permet- La voie s’annoncerait libre « pour au-          serait regrettable car il fait la majo-
Avec la Ville et l’adc, le                                                                comme la rénovation du Grand              tra de retrouver un peu de sou- tant que la Ville dépose une de-                    rité, voir l’unanimité du parlement,
lauréat travaille sur son
                                                                                          Théâtre (70 millions de francs),          plesse pour rediscuter de l’en- mande d’autorisation de construire                  estime Jean-Philippe Haas. Sami
projet Bombatwist pour le
finaliser, puis pour évaluer                                                              celle du Musée d’art et d’histoire        semble des investissements. » L’élu dès que le projet sera ficelé » ajoute          Kanaan, doit tout faire pour
précisément le coût de                                                                    (130 millions) ou encore la Nouvelle      d’Ensemble à gauche ne doute pas Alexandre Wisard, car « c’est tou-                 convaincre le collège d’en faire une
réalisation, obtenir les                                                                  Comédie (90 millions). Sans comp-         une seconde de la faisabilité poli- jours un plus lorsqu’on demande au              priorité. » Le défi est lancé.
autorisations nécessaires
et le soumettre au vote                                                                   ter les projets de logements, no-         tique du projet. « C’est une petite parlement d’accepter un crédit de
du Conseil municipal.                                                                     tamment la rénovation des Minote-         structure qui peut se mettre en construction. » Rémy Pagani en a
                                                                                          ries. Les arbitrages sont inévitables.    route rapidement. » Il promet manifestement l’intention: « Je n’at-
— 2018
Selon le 9ème plan financier                                                              Quelle sera la place du Pavillon ?        même de « tirer la charrue » au sein tendrai pas le vote du Conseil muni-
d’investissement 2014-                                                                        « C’est aux magistrats d’en déci-     du Conseil administratif pour que cipal. Nous avons sa bénédiction,
2015, début des travaux.                                                                  der », répond Jean-Philippe Haas,         la bâtisse se concrétise dans les nous avons le terrain cela ne de-
                                                                                          président de la Commission des            délais.                                  vrait pas poser de problème. D’un          Pauline Cancela
10 / focus / journal de l’adc n° 62 / janvier — avril 2014                                                                                                                    focus / journal de l’adc n° 62 / janvier — avril 2014 /   11

                                                                                                                                                                                            la nécessité de limiter les investis-
                                                                                                                                                                                            sements et s’est également expri-
                                                                                                                                                                                            mée sur l’urgence de certains dos-
                                                                                                                                                                                            siers, comme le Grand-Théâtre. Le
                                                                                                                                                                                            Conseil administratif a dû en tenir
                                                                                                                                                                                            compte.

                                                                                                                                                                                            Le Pavillon de la danse est donc
                                                                                                                                                                                            en ballotage avec d’importants
                                                                                                                                                                                            investissements, comment
                                                                                                                                                                                            comptez-vous le défendre ?
                                                                                                                                                                                            On ne peut pas parler de ballotage.
                                                                                                                                                                                            Globalement, la culture reste un
                                                             Image de synthèse                                                                                                              domaine très bien représenté dans
                                                             du projet Bombatwist,
                                                             vue de l’entrée.
                                                             © ON Architecture.
                                                                                                      Trois questions                           d’arbitrages difficiles qui se négo-
                                                                                                                                                cient chaque année. L’accueil très
                                                                                                                                                                                            les grands investissements de ces
                                                                                                                                                                                            quatre prochaines années. Nous
                                                                                                      à Sami Kanaan,                            positif réservé au projet issu du
                                                                                                                                                concours permet d’espérer revenir
                                                                                                                                                                                            devons pouvoir faire face à la fois
                                                                                                                                                                                            au rattrapage des entretiens lourds
                                                                                                      magistrat en                              à la date prévue. Les autorités mu-
                                                                                                                                                nicipales sont par faitement
                                                                                                                                                                                            qui n’ont pas été menés dans le
                                                                                                                                                                                            passé et à la réalisation de projets
                                                                                                      charge de la                              conscientes du caractère précaire
                                                                                                                                                de la situation actuelle et de la né-
                                                                                                                                                                                            structurants pour l’avenir de l’ag-
                                                                                                                                                                                            glomération. Concernant le Pa-
                                                                                                      culture en Ville                          cessité d’offrir à la danse contem-
                                                                                                                                                poraine genevoise, largement re-
                                                                                                                                                                                            villon, un important travail de com-
                                                                                                                                                                                            munication a été entrepris pour
                                                                                                      de Genève                                 connue en Suisse et dans le
                                                                                                                                                monde, l’écrin qu’elle mérite « à do-
                                                                                                                                                                                            démontrer la légitimité et l’urgence
                                                                                                                                                                                            de ce projet léger et démontable,
                                                                                                      Journal de l’adc : D’après le             micile ».                                   mais qui s’inscrit dans la durée.
                                                                                                      plan financier actuellement                                                           Mais il faut aussi que les milieux de
                                                                                                      à l’étude, le Pavillon de la danse        Cela semble bien compris par                la danse intensifient leurs efforts
                                                                                                      n’est pas une priorité.                   le parlement, qui reproche à                pour faire entendre leur voix, qui
                                                                                                      Cela va-t-il changer ?                    l’exécutif d’en avoir reporté la            est la plus convaincante.
                                                                                                      Sami Kanaan : C’est déjà une prio-        réalisation contre son gré…
                                                                                                      rité, sinon le projet aurait été repor-   La majorité du Conseil municipal a
                                                                                                      té bien plus tard. C’est le résultat      aussi très explicitement insisté sur        Propos recueillis par Pauline Carcela

                                                             Bombatwist                               rant une torsion sur les façades lon-
                                                                                                      gitudinales et le toit de l’édifice.
                                                                                                                                                présence après avoir été transporté
                                                                                                                                                ailleurs — le bâtiment devrait prendre
                                                                                                                                                                                            ra apparaître la structure en por-
                                                                                                                                                                                            tiques. Une peau qui révélera la

                                                             nous séduit                              Comme si le vent s’était engouffré
                                                                                                      dans ce dernier, provoquant une lé-
                                                                                                                                                ses quartiers sur la place Sturm
                                                                                                                                                pour une durée limitée —, le pavillon
                                                                                                                                                                                            double fonction du pavillon : de jour,
                                                                                                                                                                                            contenant discret des activités quo-
                                                             mais qu’en                               gère dilatation des parois.
                                                                                                          Pour ce projet, les architectes
                                                                                                                                                s’organise sur deux étages, sans vo-
                                                                                                                                                lume souterrain. Il est destiné à abri-
                                                                                                                                                                                            tidiennes de l’adc ; de nuit, enve-
                                                                                                                                                                                            loppe lumineuse de représenta-
                                                             pense Pauline                            se sont inspirés de la chronopho-
                                                                                                      tographie — technique qui décom-
                                                                                                                                                ter un espace de travail pour les
                                                                                                                                                danseurs et chorégraphes, un lieu
                                                                                                                                                                                            tions, accueillant les publics.
                                                                                                                                                                                            Le futur pavillon, temporairement
                                                             Rappaz ?                                 pose l’objet photographié en diffé-
                                                                                                      rentes séquences pour en étudier
                                                                                                                                                de représentation, un autre destiné
                                                                                                                                                à sensibiliser le public à la danse
                                                                                                                                                                                            installé sur la place Sturm, s’inscrit
                                                                                                                                                                                            dans la continué des arts vivants ; le

                                                             D
                                                                           onner l’impression du      le déplacement. Le pavillon évoque        contemporaine, des bureaux pour             cirque, le théâtre, historiquement
                                                                           mouvement à ce qui         ainsi la pratique de la danse, le         l’adc. Il est conçu pour être démon-        ambulants. Si l’édifice sera déplacé
                                                                           est immobile. C’est là     mouvement du corps, sans tomber           table et déplaçable, c’est donc l’im-       ou réaffecté, il permettra, pendant
                                                                           tout l’enjeu du projet     dans une architecture littérale,          plantation davantage que la forme           un temps, de redonner du souffle à
                                                                           du jeune bureau lau-       analogique ou démonstrative. L’os-        qui fait ici écho au contexte urbain.       une place moribonde.
                                                             sannois ON Architecture, qui a una-      sature de l’édifice se déploie à la       L’édifice s’insère le long de la rue
                                                             nimement séduit le jury du concours      manière d’un folioscope, ce petit         Sturm, à sa limite. Un choix qui per-
                                                             pour le Pavillon de la danse. Le bâti-   livre dont les images s’animent           met de préserver l’unité de la place
                                                             ment, tubulaire, est structuré par       lorsqu’on en fait défiler les pages :     et de maintenir le service de la voirie,
                                                             des cadres en bois autoporteurs qui      un élément structurel est répété en       alors que le programme donnait la
                                                             s’échelonnent à intervalle régulier,     subissant, séquence après sé-             possibilité de le déplacer.                 Pauline Rappaz est journaliste
                                                             mais dont les profils sont variables ;   quence, une légère variation.                  L’enveloppe du bâtiment, consti-       à la revue Tracés, bulletin technique
                                                             sorte de figure de gradation géné-           Pour laisser peu de traces de sa      tuée d’une toile diaphane, en laisse-       de la Suisse romande
12 / journal de l’adc n° 62 / janvier — avril 2014   journal de l’adc n° 62 / janvier — avril 2014 /13
14 / à l’affiche / journal de l’adc n° 62 / janvier — avril 2014                                                                                                          à l’affiche / journal de l’adc n° 62 / janvier — avril 2014 / 15

                                                                                                         Repères biographiques

                                                 Cry — du 8 au 19 janvier — Marco Berrettini
                                                                                                         Marco Berrettini commence sa
                                                                                                         carrière de danseur en gagnant
                                                                                                         le championnat allemand de danse

                                                 invite sept créateurs à puiser avec lui à la source
                                                                                                         disco en 1978. Il se forme ensuite
                                                                                                         à la London School of Contemporary
                                                                                                         Dance, à la Folkwangschule Essen.

                                                 des larmes. Une ode à la liberté et à la sensorialité   Il étudie l’ethnologie européenne,
                                                                                                         l’anthropologie culturelle et les
                                                                                                         sciences théâtrales à l’Université

                                                 des émotions inspirée par le philosophe Sloterdijk.     de Francfort et monte parallèlement
                                                                                                         sa compagnie *MELK PROD, avec
                                                                                                         laquelle il crée une douzaine de

                                                                                                                                               N
                                                                                                         spectacles, parmi les plus récents,
                                                                                                         iFeel (2009), Si Viaggiare (2011)                     on, Cry n’est pas une        Rivières aléatoires
                                                                                                         et iFeel2 (2012), son duo avec
                                                                                                         Marie-Caroline Hominal.                               ode à la mélancolie          Avec Cry, Marco Berrettini poursuit
                                                                                                         www.marcoberrettini.org                               empreinte d’un senti-        en effet sa recherche sur la gnose, la
                                                                                                         Cry (création)                                        mentalisme mièvre et         connaissance intérieure et souhaite-
                                                                                                         Concept et direction artistique :
                                                                                                         Marco Berrettini
                                                                                                                                                               romantique. Mais plu-        rait arriver au bout des larmes, dé-
                                                                                                         Réalisation : Marco Berrettini en     tôt un rappel à l’ordre de l’état natu-      clare-t-il. Il ne s’agit pas uniquement
                                                                                                         collaboration avec Vanessa Le Mat
                                                                                                         Performers : Marco Berrettini,
                                                                                                                                               rel des larmes – signe tangible et vi-       de provoquer la tristesse mais plutôt
                                                                                                         Jean-Paul Bourel, Sébastien           sible d’une émotion trop souvent             de sonder l’infinie palette d’émo-
                                                                                                         Chatellier, Anne Delahaye, Michèle    instrumentalisée ou bannie par une           tions que traduit cet instant authen-
                                                                                                         Gurtner, Nicolas Leresche, Samuel
                                                                                                         Pajand, Gianfranco Poddighe           société qui prône la quête d’un bon-         tique et pur des larmes aux yeux.
                                                                                                         Décor et Lumières : Bruno Faucher     heur excessif. Après la période fré-         Pour ce faire, le chorégraphe
                                                                                                         Son : Marco Berrettini
                                                                                                         Costumes : Marco Berrettini en        nétique des fêtes, paroxysme d’un            convoque huit artistes dont lui-
                                                                                                         collaboration avec Bruno Faucher      monde capitaliste insidieusement             même, huit personnalités bien trem-
                                                                                                         Administration et diffusion :
                                                                                                         Tutu Production                       persécuté par la besogne « obligée »         pées, d’horizons variés, compa-
                                                                                                                                               d’acheter encore et toujours, la pro-        gnons de créations précédentes ou
                                                                                                                                               chaine création de Marco Berrettini          nouveaux acolytes, danseurs, comé-
                                                                                                         Salle des Eaux-Vives
                                                                                                         82-84 rue des Eaux-Vives              retentit comme une halte nécessaire          diens ou encore musiciens, exercés
                                                                                                         1207 Genève                           à cette course effrénée. Une fois en-        à se concentrer sur des états émo-
                                                                                                         du 8 au 19 janvier à 20h30            core, le chorégraphe s’inspire de Pe-        tionnels qui engendrent une ges-
                                                                                                         samedi à 19h, dimanche à 18h
                                                                                                         relâches lundi et mardi
                                                                                                                                               ter Sloterdijk, dont les ouvrages ont        tuelle nouvelle, non-codifiée et sur-
                                                                                                         Rencontre avec l’équipe artistique
                                                                                                                                               aiguillé plusieurs de ses pièces de-         prenante. Quant à la bande-son, fil
                                                                                                         à l’issue de la représentation        puis quelques années. À l’instar             conducteur et non pas vecteur du
                                                                                                         du jeudi 9 janvier
                                                                                                                                               d’iFeel2, son dernier spectacle, duo         spectacle, elle alterne de manière
                                                                                                         Billetterie www.adc-geneve.ch
                                                                                                                                               hypnotique interprété magistrale-            aléatoire des tubes dont les titres
                                                                                                         Service culturel Migros
                                                                                                                                               ment par Marie-Caroline Hominal et           comportent les termes cry ou tears,
                                                                                                                                               lui-même, l’idée de Cry a germé              par exemple Cry me a river chanté
                                                                                                         Photo des larmes : Brian Oldham       après la lecture de Tu dois changer          par Billie Holyday ou encore No wo-
                                                                                                         Ci-dessous, Marco Berrettini
                                                                                                         Photo : Isabelle Meister
                                                                                                                                               ta vie! du philosophe allemand. Se-          man no cry de Bob Marley. Les dan-
                                                                                                                                               lon lui, c’est la verticalité, opposée à     seurs ne savent pas quelles mu-
                                                                                                                                               l’horizontalité de la circulation maté-      siques passeront, car, sur une liste
                                                                                                                                               rialiste du système capitaliste, qui         de trois cents chansons environ, une
                                                                                                                                               est le véritable défi. Pour sortir de la     vingtaine seront choisies au hasard
                                                                                                                                               crise, l’homme doit s’élever. Seule-         chaque soir par le logiciel iTunes.
                                                                                                                                               ment, en haut, aucun dieu, aucune            Aucun moyen de préparer des cho-
                                                                                                                                               métaphysique ne peut nous aider.             régraphies au préalable. Place au
                                                                                                                                               Nous devons nous sauver nous-                laisser-faire, à la connivence entre
                                                                                                                                               mêmes en devenant — par des exer-            les interprètes, à la jonction entre
                                                                                                                                               cices d’ascèse, par l’entraînement           improvisation et composition. L’au-
                                                                                                                                               assidu des muscles du cerveau et             dace de Marco Berrettini est à son
                                                                                                                                               du corps, par des disciplines artis-         comble ! Cry est un hymne à la liberté
                                                                                                                                               tiques que nous nous imposons —              du mouvement, à l’expérience sen-
                                                                                                                                               davantage maîtres de notre destin.           sorielle renouvelée à chaque repré-
                                                                                                                                                                                            sentation. Cécile Simonet
16 / à l’affiche / journal de l’adc n° 62 / janvier — avril 2014                                                                                                                                   à l’affiche / journal de l’adc n° 62 / janvier — avril 2014 / 17

                                                                                                                                                                          L
                                                                                                                                                                                      a danseuse et choré-           travail. Née près de Courtrai d’un
                                        It’s going to get worse... — du 23 au 25 janvier —                                                                                            graphe Lisbeth Gruwez a        père sculpteur aujourd’hui installé
                                                                                                                                                                                      fêté la centième repré-        en Italie, et d’une mère agent immo-
                                        De la manipulation à l’extase, Lisbeth Gruwez                                                                                                 sentation de son solo It’s     bilier, elle participe toute jeune aux
                                                                                                                                                                                      going to get worse and         spectacles de théâtre amateur aux-
                                        dynamite de l’intérieur la force de frappe des dis-                                                                               worse and worse, my friend, au KVS,        quels collabore sa mère. A six ans,
                                                                                                                                                                          à Bruxelles en novembre dernier.           Lisbeth commence à étudier le bal-
                                        cours autoritaires.                                                                                                               Elle est ravie. Affirme danser ce          let classique et intègre huit ans plus
                                                                                                                                                                          spectacle avec autant de plaisir et        tard la Stedelijk Instituut voor ballet
                                                                                                                                                                          d’amour qu’au début, et même plus.         d’Anvers. A 18 ans, elle est sélec-
                                                                                                                                                                               Sur le plateau obscur, elle est       tionnée par la prestigieuse école de
                                                                                                                                                                          seule. Pantalon gris et chemise            danse contemporaine PARTS, à
                                                                                                                                                                          blanche. Un look masculin subtile-         Bruxelles. Pour un an seulement
                                                                                                                                                                          ment accentué par des chaussures           − sur les trois normalement pré-
                                                                                                                                                                          plates brillantes. Elle commence à         vues −. Elle décroche vite des
                                                                                                                                                                          mettre bout à bout, très lentement,        contrats auprès des grandes com-
                                                                                                                                                                          de grands gestes des bras sur des          pagnies flamandes de Wim
                                                                                                                                                                          coups de griffes sonores, bribes de        Vandekeybus, Jan Lauwers, Sidi
                                                                                                                                                                          mots jetés à la sauvage. Peu à peu,        Larbi Cherkaoui... De Jan Fabre,
                                                                                                                                                                          une inspiration militaire, martiale,       dont elle sublimera le solo Quando
                                                                                                                                                                          surgit. Mouvements cassants, ac-           l’uomo principale è una donna créé
                                                                                                                                                                          croches autoritaires…que Lisbeth           pour elle en 2004, elle dit « que
                                                                                                                                                                          Gruwez articule et assène avec une         c’est grâce à lui qu’elle est devenue
                                                                                                                                                                          force tranchante. « La gestuelle est       une artiste. »
                                                                                                                                                                          profondément imprimée en moi ain-
                                                                                                                                                                          si que la musique, poursuit-elle.          Le discours d’un roi
                                                                                                                                                                          C’est comme si les deux ne faisaient       En 2007, Lisbeth Gruwez a fondé sa
                                                                                                                                                                          qu’un comme par exemple un cava-           compagnie avec Marteen Van
                                                                                                                                                                          lier et son cheval. »                      Cauwenberghe et l’a baptisée
                                                                                                                                                                               Pour ce solo, conçu avec son          Voetvolk, ce qui signifie « infanterie »
                                                                                                                                                                          complice de création, le musicien et       ou encore « pied du peuple » en fla-
                                                                                                                                                                          compositeur Marteen Van Cauwen-            mand. En vaillant soldat de l’art cho-
                                                                                                                                                                          berghe, Lisbeth Gruwez a longue-           régraphique, elle préfère le premier
                                                                                                                                                                          ment observé la gestuelle et les           sens. L’infanterie trinque mais son
                                                                                                                                                                          discours de quelques dictateurs            poing levé ne meurt jamais. Son
                                                                                              Repères biographiques                                                       comme Hitler, Mussolini ou celle           premier solo s’intitulait Forever
                                                                                              Lisbeth Gruwez est élève à
                                                                                              P.A.R.T.S. de 1997 à 1998.
                                                                                                                                                                          d’orateurs comme Jimmy Swaggart            overhead. Un « saut dans le vide »
                                                                                              Elle débute sa carrière                                                     (télévangéliste américain ultra-           selon la chorégraphe, qui dansait
                                                                                              professionnelle chez Ultima Vez,                                            conservateur) pour tenter de dyna-         avec un casque de moto, et enten-
                                                                                              compagnie belge de Wim
                                                                                              Vandekeybus. Depuis 1999,                                                   miter de l’intérieur leur force de         dait bien dégager le terrain pour se
                                                                                              elle travaille essentiellement avec                                         frappe. « Je dénonce la violence folle     faire un nom rien qu’à elle.
                                                                                              Jan Fabre, qui créée en 2004
                                                                                              un solo pour elle, Quando l’uomo                                            et la manipulation qui se cachent              C’est chose faite avec It’s going
                                                                                              principale è una donna.                                                     sous des gestes et des voix parfois        to get worse and worse and worse,
                                                                                              Elle fonde avec le musicien
                                                                                              Maarten Van Cauwenberghe                                                    très douces, confiait-elle lors de la      my friend. Lisbeth Gruwez a même
                                                                                              la compagnie Voetvolk.                                                      création de la pièce en 2012. Mais je      interprété la pièce devant le roi Al-
                                                                                              Leur pièce Birth of Prey (2008)
                                                                                              a été vue au théâtre de l’Usine.                                            danse aussi au bout du compte,             bert et la reine Paola de Belgique. Le
                                                                                              www.voetvolk.be                                                             l’extase qui peut surgir de ces dis-       premier a dit que « c’était la pre-
                                                                                                                                                                          cours passionnés. »                        mière fois qu’il voyait un spectacle
                                                                                              It’s going to get worse and worse
                                                                                              and worse, my friend (2012)
                                                                                                                                                                               Lisbeth Gruwez parle net et           de danse sans rien connaître à cet
                                                                                              Concept, chorégraphie et danse :                                            franc. Elle tutoie vite son interlocu-     art ». A quoi Lisbeth lui a rétorqué
                                                                                              Lisbeth Gruwez
                                                                                              Composition sonore et assistant :
                                                                                                                                                                          teur et tente d’accorder au plus fin       « qu’il ne s’agit pas de connaître mais
                                                                                              Maarten Van Cauwenberghe                                                    son expérience de scène et de vie          de sentir. » Quant à la reine Paola,
                                                                                              Scénographie :
                                                                                              Veronique Branquinho
                                                                                                                                                                          avec la langue − le français en l’oc-      elle a confié « avoir été bouleversée
                                                                                              Conseiller artistique :                                                     currence − qu’elle choisit et pratique     par la performance. » De quoi ouvrir
                                                                                              Bart Meuleman                                                               avec une grâce brute toute fla-            large les portes de l’avenir de la cho-
                                                                                              Lumières : Harry Cole
                                                                                              Assistante lumière :                                                        mande. Cette interprète inoubliable        régraphe qui ne manque pas de mu-
                                                                                              Caroline Mathieu                                                            du metteur en scène Jan Fabre pen-         nitions, infanterie oblige.
                                                                                                                                                                          dant six ans, de 1999 à 2004, est une      Rosita Boisseau
                                                                                              Salle des Eaux-Vives                                                        femme de tempérament, forgée par
                                                                                              82-84 rue des Eaux-Vives
                                                                                              1207 Genève                           Atelier d’écriture                    des années d’apprentissage et de
                                                                                              les 23, 24 et 25 janvier à 20h30
                                                                                                                                    Animé par Manon Pulver le
                                                                                              samedi à 19h
                                                                                                                                    vendredi 24 janvier autour du
                                                                                              Rencontre avec l’équipe artistique    spectacle de Lisbeth Gruwez
                                                                                              à l’issue de la représentation        La rencontre public-artiste qui a
                                                                                              du vendredi 24 janvier                lieu à l’issue de la représentation
                                                                                                                                    est incluse dans cet atelier.
                                                                                              Billetterie www.adc-geneve.ch
                                                                                                                                    Inscription indispensable
                                                                                              Service culturel Migros
                                                                                                                                    infos : www.adc-geneve.ch

                                                                                              Photos : Luc Depreitere
18 / à l’affiche / journal de l’adc n° 62 / janvier — avril 2014                                                                                                                              à l’affiche / journal de l’adc n° 62 / janvier — avril 2014 /   19

                                                                                                                                                                    S
                                                                                                                                                                                  i c’est dans sa ville na-      Chacun son instrument
                                                                                                                                                                                  tale de Genève que Sa-         « L’introduction de la danse comme
                                                                                                                                                                                  rah Ludi commence à            troisième instrument, poursuit Sa-
                                                                                                                                                                                  pratiquer son « instru-        rah Ludi, demande des musiciens
                                                                                                                                                                                  ment », la danse la mène       qu’ils ménagent un espace dans le-
                                                                                                                                                                    pourtant très vite ailleurs. Bruxelles,      quel elle puisse s’infiltrer. Notre vo-
                                                                                                                                                                    surtout, où elle rencontre le choré-         lonté est de ne pas illustrer ce que
                                                 All Instruments — du 6 au 9 février — Ecouter ?                                                                    graphe soleurois Thomas Hauert,              nous voyons ou entendons, mais
                                                                                                                                                                    qui l’invite à participer à la première      plutôt d’articuler les trois « instru-
                                                 voir ? Sur scène, la danseuse Sarah Ludi forme                                                                     création de sa compagnie ZOO.                ments » dans leur différence. La
                                                                                                                                                                    Nous sommes en 1998, et la décou-            batterie et la trompette induisent
                                                 quatuor avec le trompettiste Laurent Blondieau, le                                                                 verte de l’improvisation telle que           leurs propres types de jeux, l’un
                                                                                                                                                                    l’aborde Hauert est une révélation           plus percussif et l’autre plus mélo-
                                                 batteur Lobo et l’artiste visuel Yves Plazet.                                                                      pour la Genevoise, ainsi que le dé-          dique. Avec ses possibilités et ses
                                                                                                                                                                    but d’une longue aventure − Sarah            limites, la danse s’intègre comme
                                                 Bel endroit pour une rencontre.                                                                                    Ludi collabore toujours aujourd’hui          un troisième instrument permettant
                                                                                                                                                                    avec ZOO, dont elle a contribué à            d’apporter des lignes mélodiques
                                                                                                                                                                    former le langage et la pratique.            ou des contrepoints, d’introduire
                                                                                                                                                                    Plus récemment, elle suit une for-           des accélérations ou décélérations
                                                                                                                                                                    mation d’enseignante en technique            rythmiques… La tension musi-
                                                                                                                                                                    Alexander qui enrichit encore son            cale voyage dans le corps et la ten-
                                                                                                                                                                    rapport à l’improvisation.                   sion physique peut à son tour être
                                                                                                      Photo de répétition :                                              C’est à l’époque où elle suit           traduite musicalement. L’impor-
                                                                                                      Thibaut Grégoire          Atelier du regard
                                                                                                                                                                    cette formation que Sarah Ludi ren-          tance du regard mène aussi les mu-
                                                                                                                                Animé par Philippe Guisgand         contre les musiciens Laurent Blon-           siciens à prendre davantage
                                                                                                                                le vendredi 7 février autour
                                                                                                                                du spectacle de Sarah Ludi          diau et João Lobo. Invitée à partici-        conscience de leur physicalité et de
                                                                                                                                Inscription indispensable           per en tant que danseuse aux                 la façon dont elle est perçue, tandis
                                                                                                                                infos : adc-geneve.ch
                                                                                                                                                                    concerts de leur collectif Mâäk, elle        que l’intensité de l’écoute accentue
                                                                                                                                                                    est éblouie par la puissance de leur         la réception du mouvement comme
                                                                                                                                                                    musique, mais aussi par leur pra-            musique. »
                                                                                                                                                                    tique de l’improvisation et la com-               Dès le départ, Sarah Ludi a éga-
                                                                                                                                                                    plicité qui les unit. Sarah Ludi : « Ce      lement désiré introduire la lumière
                                                                                                                                                                    que j’ai rapidement ressenti dans            comme quatrième protagoniste du
                                                                                                                                                                    ces concerts, c’est l’extraordinaire         spectacle. Elle explique : « Quand on
                                                                                                                              Repères biographiques
                                                                                                                              Née à Genève, Sarah Ludi suit la      circulation des impulsions entre les         improvise, on joue avec toutes ses
                                                                                                                              formation à l’Ecole de danse de       musiciens. En tant que danseuse,             sensations. La plupart du temps, la
                                                                                                                              Genève auprès de Beatriz Consuelo,
                                                                                                                              puis danse pour Vertical Danse, la
                                                                                                                                                                    et malgré le plaisir très direct que         lumière arrive à la fin du processus
                                                                                                                              compagnie de Noemi Lapzeson.          j’avais à répondre à leurs proposi-          de création, mais je voulais voir quel
                                                                                                                              Elle rejoint ensuite la compagnie
                                                                                                                              d’Angelin Preljocaj puis celle
                                                                                                                                                                    tions, je me sentais un peu à l’écart        résultat serait atteint si on l’introdui-
                                                                                                                              d’Anne Teresa De Keersmaeker          de ce système fluide de transmis-            sait en amont, comme une véritable
                                                                                                                              pendant quatre ans. Depuis
                                                                                                                              1998, elle est membre de ZOO /
                                                                                                                                                                    sion. Les musiciens communiquent             force d’influence. Yves Pezet est
                                                                                                                              Thomas Hauert. Parallèlement,         surtout dans l’écoute, alors que la          parti à la recherche de ses maté-
                                                                                                                              elle collabore avec Brice Leroux      danse fait davantage appel au re-            riaux. Il a apporté des sources de lu-
                                                                                                                              et Vincent Dunoyer. En 2009, elle
                                                                                                                              entame une formation en technique     gard. Intégrer musiciens et dan-             mière mobiles qui peuvent être ma-
                                                                                                                              Alexander et une recherche            seurs dans une libre circulation à           nipulées directement sur scène
                                                                                                                              personnelle sur les implications de
                                                                                                                              cette technique dans la pratique      travers les médiums suppose de               pour modeler l’espace, découper
                                                                                                                              chorégraphique.                       développer un mode d’attention               l’action, créer des atmosphères.
                                                                                                                              All Instruments (création)            spécifique. J’ai voulu prendre le            Nous avons improvisé tous les
                                                                                                                              Concept et mise en scène :            temps d’explorer les conditions              quatre en essayant de faire circuler
                                                                                                                              Sarah Ludi, en collaboration
                                                                                                                              avec Laurent Blondiau, João Lobo      d’une véritable rencontre entre              les impulsions depuis tous les
                                                                                                                              et Yves Pezet                         danse et musique. De là est venue            points. Si, au final, la lumière sera
                                                                                                                              Chorégraphie et danse : Sarah Ludi
                                                                                                                              Composition et interprétation
                                                                                                                                                                    l’idée de All Instruments, une pièce         largement fixée, sa présence dès
                                                                                                                              musicales : Laurent Blondiau          dans laquelle tous les performers            l’amorce de la création lui aura per-
                                                                                                                              (trompette) et João Lobo (batterie)
                                                                                                                              Création lumière et scénographie :
                                                                                                                                                                    se rendraient égaux en influence. »          mis de jouer aussi un rôle de dé-
                                                                                                                              Yves Pezet                                                                         clencheur. »
                                                                                                                                                                                                                      Sarah Ludi insiste sur le fait
                                                                                                                              Salle des Eaux-Vives                                                               que All Instruments n’est pas un
                                                                                                                              82-84 rue des Eaux-Vives
                                                                                                                              1207 Genève                                                                        solo de danse mais une pièce de
                                                                                                                                                                                                                 groupe, un trio improvisé avec la
                                                                                                                              du 6 au 9 février
                                                                                                                              jeudi et vendredi à 21h
                                                                                                                                                                                                                 lumière comme quatrième instru-
                                                                                                                              samedi à 19h, dimanche à 18h                                                       ment. Une forme construite comme
                                                                                                                              dans le cadre du festival Antigel
                                                                                                                                                                                                                 un spectacle, mais conservant
                                                                                                                              Rencontre avec l’équipe artistique
                                                                                                                              à l’issue de la représentation
                                                                                                                                                                                                                 l’énergie du concert.
                                                                                                                              du samedi 8 février                                                                Denis Laurent
                                                                                                                              Billetterie www.adc-geneve.ch
                                                                                                                              Service culturel Migros

                                                                                                                              Photo ci-contre : Yves Pezet
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