BLOG, TWITTER être ou ne pas être un écrivain branché - SIGNES DE SENS

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no10 - mai 2012

                        BLOG, TWITTER…
                         être ou ne pas être
                        un écrivain branché
                          SIGNES DE SENS
                          l’accès aux savoirs
                             par l’innovation
                     LIBRAIRES D’ANCIEN
                     à la croisée des mondes
                             ESQUELBECQ
                        VILLAGE DU LIVRE
                        PRESSE ANCIENNE
                  un trésor est caché dedans
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Gutenberg et sa tablette numérique
Je l’imagine dans son atelier, au moment où les premières pages étaient pressées. Quelle                      Directeur de la rédaction :
émotion ! L’une des plus grandes révolutions de l’humanité est née de l’imagination féconde                   Léon Azatkhanian
                                                                                                              Rédaction : Pascal Allard, François Annycke,
de Gutenberg, l’imprimerie. Pendant des siècles, c’est ce principe qui a prévalu, tout en                     Elisabeth Bérard, Géraldine Bulckaen,
s’adaptant à la mécanique, l’électricité puis l’électronique mais avec toujours ce principe                   Clotilde Deparday, Jean-Marie Duhamel,
de presse pour imprimer. Gutenberg for ever depuis le XVe siècle, depuis la Bible à 42 lignes                 Sarah Elghazi, Marie-Laure Fréchet,
et cette association éternelle entre Gutenberg, livre, bible, bibliothèque. Et puis, patatras…                Judith Oliver, Aurélie Olivier,
                                                                                                              Sophie Pecquet, Paul Renard,
La progression arithmétique de la technologie s’est transformée en progression logarith-                      Marie-Eve Tossani, Corinne Vanmerris.
mique. En dix ans, le changement est plus puissant qu’en cinq siècles.                                        Correctrice : Amélie Clément-Flet
Que faut-il en penser, comment faut-il se comporter, comment s’adapter ? Toutes ces ques-                     Photos : CRLL sauf mention contraire
tions, les acteurs de la chaîne du livre se la posent chaque matin. Non Sire, cette fois ce                   Diffusion : Affichage et Diffusion
                                                                                                              (Dunkerque), Culture et Communication
n’est pas une révolution mais une adaptation à la Darwin.                                                     (Lille). Avec le soutien des médiathèques
Les auteurs et les éditeurs utilisent la technologie et la dématérialisation, soit pour écrire,               départementales du Nord et du Pas-de-Calais
soit pour se faire connaître, soit pour diffuser. Entre craintes, méfiances et certitudes,                    Mise en page : Jane Secret
Eulalie vous ouvre les portes de ce monde nouveau. S’ils étaient nos contemporains,                           Conception graphique : TL3> Alexie Hiles/
                                                                                                              Sébastien Morel/Eric Rigollaud
Johannes Gutenberg aurait une tablette graphique et Christophe Colomb naviguerait sur                         Imprimeur : Imprimerie Jean-Bernard,
les océans du web à la recherche de nouveaux mondes.                                                          adhérent Imprim’vert, sur un papier
Johannes aurait-il les mêmes émotions que celles procurées par ses premières pages                            certifié PEFC (provient de forêts
imprimées ? Christophe serait-il plus serein sur le web que sur l’Atlantique ? Impossible                     gérées durablement)
                                                                                                              ISSN : 2101-5198 – Dépôt légal : mai 2012
de répondre mais c’est ce sont bien à des bouleversements de même ordre auxquels nous                         La rédaction n’est pas responsable des
sommes confrontés.                                                                                            articles qui lui sont envoyés spontanément.
Mais que toute cette réflexion ne vous empêche pas de plonger, dès la page 26, avec délice                    Couverture : « Même pas peur ! »,
et sans modération dans les livres anciens avec leurs défenseurs, leurs promoteurs et                         Cassandre Luc
leurs restaurateurs.                                                                                          n°10 - mai 2012

Finalement, c’est le livre qui nous donne une belle leçon de civilisation partagée pour un
équilibre global.
                                                                                           HENRI DUDZINSKI
                                                                     PRÉSIDENT DU CRLL NORD – PAS DE CALAIS                              BLOG, TWITTER…
                                                                                                                                       être ou ne pas être
                                                                                                                                      un écrivain branché
                                                                                                                                          SIGNES DE SENS
                                                                                                                                    l’accès aux savoirs par
                                                                                                                                              l’innovation
                                                                                                                                      LIBRAIRES D’ANCIEN
                                                                                                                                   à la croisée des mondes
                                                                                                                                             ESQUELBECQ
                                                                                                                                        VILLAGE DU LIVRE
                                                                                                                                       PRESSE ANCIENNE
                                                                                                                                un trésor est caché dedans

                        Eulalie la revue est une publication du Centre régional des Lettres et du Livre
                        Nord – Pas de Calais, association loi 1901
                        Directeur de la publication : Henri Dudzinski
Conseil d’administration : Daniel Boys (vice-président) Andrzej Bilecki, Esther De Climmer,
Henri Dudzinski (président), Môn Jugie (trésorière), Philippe Massardier (secrétaire), Michel Quint.
Léon Azatkhanian (directeur), Aurélie Olivier (chargée de mission)
Marie-Claude Pasquet (chargée de mission), Élisabeth Bérard (chargée d’administration).
CRLL Nord – Pas de Calais : La Citadelle, Avenue du Mémorial des Fusillés, BP 30296,
62005 Arras Cedex, contact@crll-npdc.fr / www.eulalie.fr

Le CRLL est subventionné par le ministère de la Culture – Direction régionale des affaires culturelles,
le Conseil régional Nord – Pas de Calais, le Conseil général du Pas-de-Calais, le Conseil général du Nord,                                           Certifié PEFC. Provient de forêts
                                                                                                                                                            gérées durablement
Artois Comm., communauté d’agglomération de l’Artois. Il reçoit le soutien de la Communauté urbaine d'Arras                                                www.pefc-france.org
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©PATRICK DEVRESSE
                                                                                                                                                        SOMMAIRE                     ¶

4                                                                26                                                           38
ÊTRE OU NE PAS ÊTRE                                              LIBRAIRES D’ANCIEN :                                         PRESSE ANCIENNE LOCALE ET
UN ÉCRIVAIN BRANCHÉ                                              À LA CROISÉE DES MONDES                                      RÉGIONALE : UN TRÉSOR EST
À l’ère du web 2.0, écrire est la chose du monde la              Le livre ancien fascine. Objet sacré, exemplaire épuisé      CACHÉ DEDANS
mieux partagée. Certains écrivains s’aventurent sur le           devenu précieux ou simple livre de seconde main… Il          Un trésor dort dans les réserves de nos bibliothèques
web avec prudence, d’autres y voient une formidable              est aussi multiple que ceux qui en font commerce. à          et de nos archives. Témoin depuis plus de deux siècles,
passerelle entre les gens et les genres.                         l’heure du numérique, des pans entiers alimenteront          de tous les combats politiques et des grands événe-
                                                                 à terme les filières de recyclage. Resteront les livres      ments de l’histoire, mais aussi de la vie locale. Une
                                                                 rares cultivés par les bibliophiles. Tour d’horizon d’un     mine presque inépuisable d’informations originales,
8                                                                métier en apesanteur.                                        cocasses, émouvantes, scandaleuses, déroutantes…
DES AUTEURS ET DES LIVRES
Dominique Sampiero, Patrick Varetz, Cécile Richard,              32                                                           44
Sabine Bourgois, Fabien Soret, Michael Jenkins, Alain            ESQUELBECQ,                                                  ÉDITION ONLIT.NET :
Chopin, Virginie Vidal, Dario Fo, Anne Tomczak,
                                                                 VILLAGE DU LIVRE                                             100% NUMÉRIQUE
Richard Baron, Olivier de Solminihac et Kaddour Riad.
« Les revues en revue »                                          Sur le papier, l’idée tient la route. Faire d’un joli vil-   À l’origine conçue comme une revue en ligne, la
                                                                 lage des Flandres un lieu de rencontre autour du livre.      plate-forme littéraire propose depuis peu des livres
                                                                 Lancé en 2007 par une équipe de bénévoles, le projet         numériques.
18                                                               nordiste a attiré huit bouquinistes. Mais il a encore du
PATRIMOINE LITTÉRAIRE :                                          mal à trouver son souffle. La commune et la Région
                                                                 s’engagent heureusement à prendre le relais, pour que        45
GEORGES BERNANOS                                                 l’aventure continue.                                         À SUIVRE…
Né à Paris, Bernanos passa durant sa jeunesse toutes                                                                          Le CRLL s’installe à Arras et se dote de nouveaux sta-
ses vacances à Fressin. Adulte, il continua à y faire de
fréquents séjours. Ce petit village du Pas-de-Calais et ses      36                                                           tuts / Prix Amphi 2012 / Lettres nomades 2012 /
                                                                                                                              4e édition du festival Trame(s) / Prix littéraire Planète
environs occupent une place primordiale dans son œuvre.          FRÉDÉRIC LEPINAY :                                           Bleue / Jacques Jouet et les Papous à Valenciennes
                                                                 L’EMPÊCHEUR D’ÉDITER
                                                                 EN ROND
20                                                                                                                            48
                                                                 Portrait d’un éditeur, jadis journaliste, aujourd’hui
SIGNES DE SENS, L’ACCÈS AUX                                      éditeur, depuis toujours agitateur.                          CASSANDRE LUC, LA DOUCEUR
SAVOIRS PAR L’INNOVATION                                                                                                      À L’ÉTAT SAUVAGE
Autant dire que le grand public n’y entend rien aux sourds.                                                                   L’illustratrice Cassandre Luc a grandi à Carvin, à
Cette méconnaissance maintient une frange importante                                                                          l’ombre d’un terril. Bercée par le cri des chouettes,
de la population à l’écart des ressources de l’écrit. Depuis                                                                  elle y a appris à aimer la nuit, à explorer la face cachée
2003, Signes de Sens imagine des outils pédagogiques                                                                          des êtres et des choses qu’elle révèle aujourd’hui dans
innovants pour permettre à ce groupe polymorphe « de                                                                          ses images couleur de lune.
renouer avec la lecture, de se cultiver et de se construire ».

                                                                                                                                                                                     3
BLOG, TWITTER être ou ne pas être un écrivain branché - SIGNES DE SENS
Blog, Facebook,
             Twitter…

     Être ou
      ne pas
     être un
    écrivain
    branché
     À l’ère du web 2.0, écrire est la
chose du monde la mieux partagée.
     Réseaux sociaux, sites et blogs
        sont devenus les réceptacles
      d’une indescriptible et infinie
 graphomanie. Tout le monde écrit.
      Pour ceux dont c’est l’art et le
      métier, la question se pose de
            rejoindre ou non ce flux.
      L’écrivain doit-il être branché,
   connecté ? Certains s’aventurent
 sur le web avec prudence, d’autres
 y voient une formidable passerelle
         entre les gens et les genres.
  Mais avec toujours en filigrane, à
travers l’écran, la quête perpétuelle
   de la qualité littéraire et l’ombre
                tutélaire du papier…

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BLOG, TWITTER être ou ne pas être un écrivain branché - SIGNES DE SENS
V
           OUS souhaitez rencontrer des        « Bartleby-Oblomov ». Les lettrés
            écrivains ? Facile. Envoyez-       apprécieront… Il n’y a jamais publié
            leur un message sur Face-          une ligne. Il est en revanche présent
            book. Votre auteur préféré         sur Facebook, poussé par les lycéens à
possède sûrement sa page ou son profil.        qui il enseigne le français. Mais c’est
Cliquez sur « ajouter comme ami » et           avec un soin maniaque qu’il soigne son
vous partagerez l’interface de sa vie          « mur ». « J’efface tous les commentaires
publique et/ou privée. Vous pourrez            et les posts qui me dérangent, les traces
échanger sur un chat (lire "tchat" ou          parasitaires de la vie résiduelle », dit-
discussion instantanée), étape ultime          il, évoquant avec consternation ceux
avant de décrocher son 06… (son numéro         à qui il voue de l’admiration et qui
de téléphone).                                 postent un jour la photo d’un chaton…
Vous êtes largués ? Sans doute en êtes-        « J’enlève aussi régulièrement des amis,
vous restés aux rencontres feutrées            poursuit-il. Je trouve ça pathologique
dans l’arrière-boutique d’une librairie.       d’avoir 2 575 amis. Et ça m’angoisse
Ou à la correspondance polie adressée          d’être celui de plus. »
aux bons soins de l’éditeur… Rassurez-         Quand on écrit, on écrit tout le temps,
vous. Le monde n’a pas tourné sans vous        remarque Jean-Marc Flahaut, qui peau-
et les écrivains eux-mêmes ne sont pas         fine chaque post. « Je ne vois pas l’in-
si « branchés » qu’on le croit.                térêt d’écrire : ce midi, spaghetti bolo.
                                               Quand je poste un statut, je ne peux
Filtrer                                        l’imaginer autrement que littéraire. »
Dans le microcosme littéraire nordiste,
on ne connaît guère qu’Amandine Dhée,          Communiquer
volontairement décroissante, qui refuse        Patrick Varetz fait aussi dans la
obstinément jusqu’au portable et au            sobriété sur Facebook. « Je ne mets rien
mail. Fanny Chiarello, elle, freine des        que je ne maîtrise. » Lui partage prin-
quatre fers. « J’ai une page sur Facebook      cipalement ses lectures, selon une for-
uniquement parce qu’une amie infor-            mule consacrée : « Ai avalé… » Il poste
maticienne trouvait aberrant que je n’y        aussi son actualité et celle de ses amis
sois pas, raconte la jeune romancière.         (les vrais), écrivains comme lui. « Face-
Je ne m’en sers que comme une vitrine,         book, c’est un peu comme une 4e de cou-
pour annoncer mon actualité. Je ne veux        verture, cela donne de la visibilité. Cela
rien y laisser filtrer de personnel. Pen-      permet aussi de créer un réseau autour
dant quelques années, j’ai eu un blog qui      de l’écrit. »
était un peu comme un journal intime.          C’est un outil professionnel, renchérit
J’y mettais mes dessins, mes poèmes.           Jean-Marc Flahaut. « Tout se fait par des
Je pensais être chez moi, mais j’ai fini       rencontres. Avec des éditeurs ou avec
par avoir l’impression de montrer              des auteurs », dit-il en se réjouissant de
mes fesses au monde entier. » Si elle a        pouvoir, grâce à Facebook, échanger
aujourd’hui ouvert un nouveau blog, il         avec des écrivains américains. « Cela
est d’une grande sobriété et très modes-       me permet de m’éloigner de ma fantas-
tement intitulé « Rien de spécial »…           magorie personnelle. » Ce que confirme
Dominique Quelen n’est pas en reste            Patrick Varetz. « Un livre, c’est telle-
avec son blog créé il y a quatre ans           ment de boulot, d’angoisse, de doute.
pour le seul plaisir, dit-il, de l’intituler   Cela vous isole vraiment. Facebook
                                                                                    ...
                                                                                       5
BLOG, TWITTER être ou ne pas être un écrivain branché - SIGNES DE SENS
¶   ÊTRE OU NE PAS ÊTRE…

…
permet de resocialiser la bête. » Carole        Explorer                                        l’écran. « L’internet est plus pointu, plus
Fives, elle, passe plus d’une heure et demi     S’il suscite chez certains méfiance et          expérimental. Mais nous ne sommes pas
par jour à échanger sur Facebook. Elle          réserve, le web se révèle pour d’autres une     dans la problématique du papier contre le
possède aussi un site vitrine, léché comme      intéressante « machine textuelle », pour        numérique. Les choses ne s’éliminent pas,
un livre, et qui fait état de son actualité.    reprendre le titre d’un article récent du       elles s’ajoutent. »
Même concept chez Jean-Marc Flahaut.            Monde des Livres. Jean-Marc Flahaut ima-
« Mon blog me sert à rendre compte de mon       gine ainsi un blog collaboratif pour tra-       Publier
actualité et de mon activité littéraire. Il     vailler à une œuvre collective. Ou un blog      Le papier en tout cas ne cesse de remettre
m’inscrit dans un parcours d’écriture. Il       making of de ses livres : « Les musiques que    le numérique en perspective. « On ne sait
me rappelle ce que j’ai fait et pourquoi je     j’ai écoutées pendant que j’écrivais, la pre-   plus écrire à la main, constate Dominique
l’ai fait. C’est ma boîte à biscuits, ma col-   mière version, le fond de ma corbeille… ».      Quelen. Et comme l’espace texte de l’écran
lection d’ex-voto. »                            Carole Fives a tiré de son expérience de        permet un certain recul, on est en quelque
                                                Facebook une nouvelle pour ados où elle         sorte son premier lecteur. Mais j’ai besoin
S’exposer                                       raconte une rupture en direct sur le net.       d’un passage au papier pour être dans la
L’idée de s’exposer, plus ou moins volon-       Charles Pennequin évoque lui cette « autre      littérature. » Jean-Marc Flahaut se voit lui
tairement, fait donc son chemin chez les        dimension » que l’internet donne à ses          comme un « artisan du texte, qui a besoin,
écrivains. Encore que… S’exposer, oui.          textes. « C’est du work in progress. J’écris    pour écrire, de visualiser matériellement
Mais pas question de toucher à ce qu’il y a     parfois directement sur le net, sans trai-      l’objet livre ». Comme si l’ombre tutélaire
dans la vitrine. Autrement dit commenter.       tement de texte. Et tant pis si je perds en     du papier ne cessait de planer. « Pour moi,
« Je hais les commentaires, résume Fanny        route la connexion… »                           internet est un média inesthétique et péris-
Chiarello. Je les trouve inutiles et nom-       Olivier de Solminihac cultive aussi ce          sable. Alors que je n’arrive pas à trouver le
brilistes. Chacun estime qu’il mérite de        rapport à l’instantanéité. Dans ses Ready       livre daté », souligne Fanny Chiarello.
donner son avis. Il devient                                                                                   « Je préfère encore publier dans
impossible de lire une
vraie critique. Le web 2.0,
                                  « Mon blog, c’est ma boîte à                                                une obscure revue que sur
                                                                                                              le net », note Patrick Varetz
c’est la médiocratie. » La
jeune femme traduit aussi
                               biscuits, ma collection d’ex-voto. »                                           qui dit sacraliser le papier,
                                                                                                              mais aussi le rôle de l’éditeur.
une certaine peur d’un
rapport frontal au lecteur.
                                       Jean-Marc Flahaut                                                      « Je ne sais pas ce que vaut
                                                                                                              ce que j’écris. J’ai besoin de
« C’est rageant d’être incomprise. » Ce que     Poems, publiés sur Facebook, il capture en      quelqu’un à qui je reconnais le droit de me
confirme Carole Fives. « On ne s’attend pas     photo l’irruption du texte dans le paysage.     le dire. » Ce que confirme Fanny Chiarello.
aux réactions violentes. Certains lecteurs      « Au début, j’ai trouvé ces images sans         « N’importe qui pense qu’il est écrivain
confondent l’auteur et le narrateur. On a       les chercher. Elles se sont imposées à moi      parce qu’il a un petit blog. Je suis assez
envie de leur dire : attention, c’est de la     comme une façon d’écrire de la poésie sans      pour écrire 20 000 pages qui restent dans
fiction. » Charles Pennequin croit égale-       écrire. De me défaire de l’intentionnalité. »   un tiroir. Un livre, c’est le fruit d’une ren-
ment à leur obligeance. « Quand je publie       L’écrivain le plus branché du web reste         contre entre un auteur et un éditeur. C’est
un texte sur internet, c’est une sorte de       sans doute Lucien Suel. « J’ai toujours         là que se fait la littérature. » Si la rencontre
brouillon, comme si je mettais mon doigt        pris ce qu’il y avait de plus intéressant       se fait parfois sur le net, elle y achoppe
dans l’eau et que je regardais se former        dans les nouvelles technologies, résume-        aussi parfois, comme en témoigne Olivier
des cercles autour. Les gens doivent com-       t-il. Du stencil au numérique, avec l’idée      de Solminihac. « J’aimerais faire un livre
prendre que ce n’est pas abouti, que l’on       de rendre public mon travail. » S’il anime      des Ready Poems. Mais les éditeurs de lit-
est en train de chercher. »                     plusieurs blogs personnels et collectifs, il    térature les considèrent comme de l’image,
Jean-Marc Flahaut a tenté de mettre sur         est depuis quelques mois particulièrement       et les éditeurs de photos disent que ce n’est
son blog des textes en chantier. « L’idée       actif sur Twitter où il publie notamment        pas de la photo. »
d’un regard extérieur ou de quelqu’un qui       un feuilleton (Kurtwitter) et des apho-         S’affranchir du papier, de l’éditeur, des
met son grain de sel ou de sable m’inté-        rismes inspirés par son jardin. « J’aime la     genres, du support ? Rares sont ceux qui
ressait. Une façon de socialiser des textes.    contrainte un peu austère des 140 signes.       acceptent, comme Lucien Suel, que la lit-
Mais on se retrouve vite entre complai-         C’est pour moi comme une écriture en            térature puisse désormais s’écrire « dans
sance et critiques non constructives. »         vers justifiés. » Avec Twitter, il republie     le grand nulle part de l’internet ». Mais
Ce que Dominique Quelen nomme le « syn-         également des textes plus anciens, pour         même lui d’avouer « j’imprime tout ce qui
drome LOL ». « Qu’apporte un "j’aime" ou        créer des passerelles entre les lecteurs et     est important sur papier… »
un "super bien ton texte" ? », pointe-t-il.     les genres littéraires, entre le papier et                                 MARIE-LAURE FRÉCHET

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BLOG, TWITTER être ou ne pas être un écrivain branché - SIGNES DE SENS
…UN ÉCRIVAIN BRANCHÉ                                             ¶

Fabrice Thumerel : « Nous sommes
à une période charnière »
Site web consacré à la création littéraire                             tivité avec le lecteur. « La notion d’œuvre
contemporaine, Libr-critique observe et                                finie, close, est remise en cause. Paul
publie « toutes les écritures qui donnent                              Valéry avait déjà souligné l’arbitraire du
à penser », résume l’un de ses fondateurs,                             point. Le web permet d’écrire l’œuvre au
Fabrice Thumerel, critique littéraire et                               fur et à mesure. Ou d’en écrire de multiples
chercheur à l’Université d’Artois. L’écri-                             versions. Comme les Impressionnistes
ture numérique (et non l’écriture numé-                                et leurs séries, qui ont marqué la fin du
risée) fait donc partie de ses champs                                  dessin académique. » Tout n’est cependant
d’action. « C’est une période charnière »,                             pas bon à (re)garder. « Entre expérimen-
observe le spécialiste qui scrute l’émer-                              tation et avant-garde, on recherche avant
gence d’œuvres utilisant l’intertextua-                                tout un investissement dans l’œuvre »,
lité. « La révolution de l’écriture n’est pas                          explique Fabrice Thumerel. « Il n’y a pas de
liée au médium. Si les hypertextes sont                                guerre des supports, mais une complémen-
seulement un jeu mécanique, ce n’est pas                               tarité », note-t-il, tout en soulignant que les
intéressant. Ce qui l’est, c’est l’interaction                         internautes supplantent déjà les lecteurs*…
entre le texte, le son et l’image. » Le cher-                          www.libr-critique.com
cheur s’intéresse également à l’interac-                                                                                  M.-L. F.
                                                                                                                                         Voir programme complet page 47

                                                                                                                                         *Près de deux Français sur trois

Pierre Martin : « Cela n’aurait                                                                                                          se connectent à internet quasiment tous les jours.
                                                                                                                                         Seul un sur trois lit plus d’un livre par an.

jamais été possible sans le net »                                                                                                        Ils aiment, ils consultent, ils lisent…
                                                                                                                                         http://etats.civils.free.fr
                                                                                                                                         http://www.sitaudis.fr
Tout a commencé comme une blague de                                    Espagne et déjà auteur d’un roman (La                             http://poezibao.typepad.com
potaches. Avec l’idée que les gens res-                                Marge molle, Balland). Les deux premiers                          http://pc-ds.blogspot.com
                                                                                                                                         remue.net
semblent à leur prénom. « On a inventé la                              n’avaient jusqu’alors jamais été publiés. Ils                     www.tierslivre.net
nomognomonie, sur la base de la physio-                                le seront à la fin de l’année, car « la Liste »                   www.cipmarseille.com
gnomonie », explique Pierre Martin, l’un                               a séduit 10/18 qui la sort en version papier.
                                                                                                                                         Fanny Chiarello, romancière
des membres de ce trio d’auteurs qui anime                             « Cela n’aurait jamais été possible sans le                       Dernière parution : L’éternité n’est pas si longue
sur le net « La liste ». Le blog enchaîne une                          net, analyse Pierre Martin. Je crois assez                        (L’OLIVIER, 2011) www.fannychiarello.com
série de portraits ciselés, petits bijoux                              peu au potentiel de repérage d’un manus-                          Carole Fives, écrivain et plasticienne
                                                                                                                                         Dernière parution : Quand nous serons heureux
d’humour basés sur une liste alphabé-                                  crit. Internet a créé une sorte de recon-                         (LE PASSAGE, 2010) carolefives.free.fr
tique de patronymes inspirants. Les por-                               naissance du « like », sans attendre celle                        Jean-Marc Flahaut, auteur de romans
traits sont rédigés à tour de rôle par deux                            d’un éditeur. » Par la force des choses, nous                     et nouvelles et poète
                                                                                                                                         Dernière parution : Shopping ! Bang bang !
nordistes, Pierre Martin, qui travaille                                sommes devenus des auteurs, mais on ne se                         (AVEC DANIEL LABEDAN, À PLUS D’UN TITRE ÉDITIONS,
dans le journalisme et la vidéo, et Julien                             considère pas comme des écrivains. Nous                           COLLECTION À CHARGE, 2010)
                                                                                                                                         www.fromyourfriendlyneighborhood.blogspot.com
Gosselin, metteur en scène et acteur, ainsi                            sommes des écrivants… »
                                                                                                                                         Charles Pennequin, poète
que Johann Trümmel, prof de français en                                http://namelist.tumblr.com                          M.-L. F.      Dernière parution : Comprendre la vie (P.O.L., 2010)
                                                                                                                                         Dominique Quelen, poète
                                                                                                                                         Dernière parution : Câble à âmes multiples (FISSILE, 2011)
À LIRE                                                                                                                                   Olivier de Solminihac, auteur de romans,
Le Livre des visages de Sylvie Gracia           Ah. de Emma Reel (SEUIL, POUR IPAD,            Après le livre de François Bon            nouvelles et textes jeunesse
(ÉDITIONS JACQUELINE CHAMBON/ACTES SUD, 2012)   IPHONE OU IPOD TOUCH, 2012)                    (PUBLIE.NET ET SEUIL, 2011)               Dernière parution : Un Rideau d’arbres (LIGHT MOTIV, 2012)
Pendant plus d’un an, Sylvie Gracia             Blogueuse et utilisatrice des réseaux          Une réflexion pertinente sur la façon
                                                                                                                                         Lucien Suel, écrivain et poète
a publié des photos sur Facebook,               sociaux, Emma Reel a consigné dans un          dont le numérique affecte la façon dont
                                                                                                                                         Dernière parution : Blanche Étincelle
instantanés de vie qu’elle a légendés.          livre numérique ses rencontres avec les        on écrit, mais aussi celle dont on lit.
                                                                                                                                         (PARIS, LA TABLE RONDE, 2012)
Peu à peu, une écriture s’est mise en           hommes. Chaque histoire intègre des
                                                                                                                                         http://academie23.blogspot.fr et http://luciensuel.blogspot.fr
place, portée par les lecteurs. L’ensemble      liens ouvrant sur de l’image ou du son,
publié sur papier constitue un roman            ou renvoyant à une autre histoire, créant                                                Patrick Varetz, romancier et poète
d’une apparente déconstruction.                 un parcours de lecture labyrinthique.                                                    Dernière parution : Bas Monde (P.O.L., 2012)

                                                                                                                                                                                                      7
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RENCONTRE

Les leçons de paysage
de Dominique Sampiero

I
       L s’est fait un nom dans le monde des lettres – une trentaine    je remplis de grands cahiers, l’ouvrage se construit peu à peu, les
       de titres à ce jour, fictions, récits, « prose poétique » –,     versions se succèdent, il peut y en avoir une quinzaine, parfois
       comme dans celui du cinéma – cosignant notamment les             dix-huit. Tous les sens sont en éveil, avec un sixième sens qu’on
       scénarios de deux films de Bertrand Tavernier, Ça commence       peut appeler l’esprit, et un septième, qui pourrait être l’âme,
aujourd’hui en 1998, Holy Lola en 2004. Ce printemps, Dominique         mais j’ai des scrupules avec cette appellation à forte connotation
Sampiero publie simultanément Bégaiement de l’impossible et de          religieuse, à laquelle je préfère « l’autre corps ». Ce qui permet un
l’impensable, troisième opus d’un tryptique commencé en 2007            élargissement beaucoup plus vaste.
(éditions Lettres vives) ainsi qu’un essai consacré à Henri Matisse,
Matisse Étude pour Saint Dominique (Invenit). En attendant la           La première séquence de Bégaiement… s’intitule « Fenêtre pour
parution, début juillet, de Le bruit des vagues, récit pour enfants     passer l’hiver » (« la fenêtre garde la nostalgie d’un regard plus
(chez Bayard) qu’il dit attendre avec beaucoup de fierté.               vaste qu’elle… »)
Comme son voisin Pierre Dubois, l’elficologue à la barbe fleurie,       Je suis souvent, chez moi, près d’une fenêtre. Je me suis d’ailleurs
Dominique Sampiero est un écrivain attaché à une terre du Nord,         aperçu récemment que j’écris la plupart du temps face à une
cet Avesnois du bocage dans la contemplation de laquelle il puise       fenêtre. Je repense souvent à ma grand-mère, aux longues heures
son inspiration, arpentant les vallons, tutoyant les ruisseaux,         que je passais avec elle autrefois à la fenêtre de la maison : son
guettant le bruissement des feuilles dans les bois ou regardant         regard était comme perdu dans un ailleurs indéfinissable, je
passer l’hiver par la fenêtre de sa maison, avec son chat (tous         faisais de même. Contrairement à l’idée qu’on peut se faire des
ceux qui pratiquent les livres et l’écriture le savent : on apprend     rideaux qui se soulèvent derrière les vitres dans les villages, ce
beaucoup de ses chats).                                                 n’est pas ici l’idée de voyeurisme mais de méditation qui est à la
                                                                        clé : la fenêtre est l’œil de la maison, on finit par faire un avec la
Bégaiement de l’impossible et de l’impensable poursuit un tryp-         fenêtre, comme une petite extase.
tique de prose poétique entamé en 2007
Il n’était pas vraiment déterminé comme tel. Initialement, j’avais      La nature, le paysage sont omniprésents dans vos textes.
mélangé dans ce livre la prose poétique avec des aphorismes sur         « J’aime le ciel bas » écrivez-vous
la nuit. Finalement, j’ai retravaillé le texte en le resserrant et en   Je me balade beaucoup à pied. Je prends des leçons de pay-
enlevant les aphorismes. À l’origine, j’ai commencé ces ouvrages        sages, cette lumière du Nord, célébrée par tant de peintres – j’ai
comme on ouvre un carnet intime, lors d’une période d’isole-            écrit autrefois un essai sur Peter de Hooch –, ciels qui se bou-
ment. J’avais – j’ai – le sentiment peut-être d’avoir des problèmes     chent puis qui s’éclairent pour se révéler comme par miracle.
d’identité, entre mes fonctions de scénariste pour le cinéma, ancré     Ces ciels, on les retrouve par exemple dans les films de Bruno
dans une réalité sociale, les écrits de fiction ou poétiques et mon     Dumont, La Vie de Jésus ou L’Humanité. La lumière, comme
état d’enseignant. À la différence d’autres pays comme les États-       un paysage, c’est un personnage en soi, sans doute une leçon
Unis ou le Canada par exemple, il est toujours difficile, en France,    héritée de Matisse.
d’avoir plusieurs casquettes. Alors, prose poétique, oui, comme
ont pu la pratiquer un Francis Ponge, un Christian Bobin, un Phi-       Dans ces paysages, les corps sont aussi très présents
lippe Delerm, même si l’écriture peut prendre différentes formes.       Les corps, le charnel, la sensualité. On est toujours dans le rap-
Il s’agit de toute façon d’un rapport obsessionnel et constant à un     port à l’extase, entre charnel et spirituel. On est alors dans l’évo-
lieu, l’Avesnois. La plupart de mes livres y sont enracinés.            cation de la jouissance, avec cette présence du féminin dans le
                                                                        paysage. Là, je me différencie sans doute d’un Christian Bobin
Comment travaille Dominique Sampiero ?                                  ou d’un Francis Ponge par la place que j’aime donner aux odeurs –
Au quotidien ou presque, très régulièrement, deux, trois fois           liées pour moi à des souvenirs d’enfance avec mon père quand
par semaine. L’écriture est un exercice proche de la méditation :       nous allions pêcher –, une érotisation des paysages.

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©PATRICK DEVRESSE                                                       DES AUTEURS ET DES LIVRES                                              ¶

Dominique Sampiero

                                                                                « Ce matin, la lumière au-dessus des
                                                                                arbres est plus blanche que les murs.
                                                                                La pluie lave le silence au bord des
Qu’avez-vous envie de dire au lecteur qui ouvre un livre de                     vitres, ça souffle sous les portes et dans
Dominique Sampiero ?                                                            les interstices, le vent traque les pierres
Qu’il emporte le livre avec lui, dans sa poche. Se promener en                  qu’il touche pour se connaître, éprouver
forêt de Mormal ou dans la Sambre, s’asseoir, et lire. J’aime l’idée            sa force, et jeter son visage de branche
de picorer, déconstruire en tous sens si vous voulez, prendre                   contre la fenêtre, cherchant la bouche
la dimension du silence dans le texte, ce silence qui creuse et                 qui s’étonne de n’avoir pour limite que
permet de trouver l’essence des mots et des choses. Rimbaud                     l’air des phrases et des mots (…) »
évoque le dérèglement de tous les sens, je dirais l’écarquillement              « Le vent fait le tour de ma vie par des
de tous les sens.                                                               chemins de terre où j’attends que la
                                                                                solitude m’attende à son tour pour
Des projets ?                                                                   remonter. Je suis un arbre ou peut-être
Je viens de travailler à deux scénarios de longs métrages, deux                 rien. Et cela enfin est moi. Le vide dans
courts-métrages avec le lycée Jean-Rostand de Roubaix. Me sou-                  les cheveux de l’air. »
venant d’avoir suivi, autrefois, des stages de direction d’acteurs              Dominique Sampiero,
                                                                                Bégaiement de l’impossible et de l’impensable
et de mise en scène, je crois pouvoir apporter quelque chose aux
acteurs pour passer derrière la caméra et passer à la réalisation.              Bégaiements de l’impossible        Henri Matisse,
Quoi de plus beau que de raconter des histoires ?                               et de l'impensable                 étude pour Saint Dominique
                                                                                ÉDITIONS LETTRES VIVES             ÉDITIONS INVENIT
                                                                                ISBN : 978-2-914577-51-9 23        ISBN : 9782918698210
                              PROPOS RECUEILLIS PAR JEAN-MARIE DUHAMEL          96 PAGES – 13 ¤ – 2012             40 PAGES – 9 ¤ – 2011

                                                                                                                                                9
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RÉCIT

Putain d’indépendance
Kaddour Riad
                                  comprendre les ressorts que          Sa connaissance parfaite de la        ÉDITIONS LA CONTRE ALLÉE
                                  bien des années plus tard. Puis,     langue et des lettres françaises      COLLECTION « LA SENTINELLE »
                                                                                                             mars 2012
                                  en même temps, celle d’un nar-       fait de lui un homme brillant         ISBN : 9782917817162
                                  rateur adulte, qui ne se montre      mais étouffé par un système           192 PAGES – 17,5 €

                                  complaisant ni avec son passé,       bureaucratique humiliant qui
                                  ni avec son pays, pas plus           lui reproche précisément d’être
                                  qu’avec son lecteur. C’est aussi     un indigène. Pis ! Un indigène
                                  un fragment chaotique de l’his-      doué. Kaddour Riad dit les
                                  toire de l’Algérie, de sa culture,   difficultés et les contradic-
                                  de son patrimoine, durant les        tions d’une indépendance tant
                                  années qui précèdent et sui-         espérée, péniblement acquise,
                                  vent la décolonisation.              et finalement volée. Il le fait
                                  À travers la figure du père          dans une prose vivante, avec
                                  du narrateur, le roman sou-          un art de la métaphore et un
Putain d’indépendance, c’est      lève également la question de        sens de l’énumération qui font
une histoire d’histoires et       l’identité, dans ce qu’elle a de     de ce premier récit une belle
d’Histoire. Celle d’un enfant –   plus contradictoire et doulou-       entrée en littérature.
puis d’un adolescent – plongé     reux. Cet homme incarne la
dans les affres d’une époque      réussite de l’ambition civilisa-                     MARIE-EVE TOSSANI
tourmentée dont il ne pourra      trice idéalisée par les colons.

JEUNESSE

Rien n’est moins sûr
Fabien Soret
                                  ciel sans nuage y contraste          l’aquarelle d’une grande délica-      ATELIER DU POISSON
                                                                                                             août 2011
                                  avec l’étrangeté de masques          tesse. Une économie de moyens
                                                                                                             ISBN : 9782358710206
                                  aux yeux vides, suspendus            bienvenue, qui laisse à l’œil la      30 PAGES – 13 €
                                  comme une brassée de ballons         place de circuler, à l’esprit l’es-
                                  envolés au-dessus d’un titre         pace pour rebondir. L’humour
                                  légèrement inquiétant : Rien         discret empêche la gravité. Le
                                  n’est moins sûr.                     dénouement a un faux air d’évi-
                                  Avec ce premier ouvrage, Fabien      dence. « Une journée comme
                                  Soret, ancien étudiant des           ci… une journée comme ça…
                                  Beaux-Arts de Valenciennes,          Ce qui est certain, c’est qu’on a
                                  aujourd’hui installé dans la         l’embarras du choix. Il y a une
C’est un album au format élé-     région de Dunkerque, choisit         multitude de manières d’être ».
gant qui se loge au creux de la   d’interroger les apparences,         Pourvu que l’on veuille bien
main comme un objet fragile,      de questionner nos identités.        tomber le masque, bien sûr.
un petit livre presque carré      Son texte sobre, qui frise par-
qui intrigue son lecteur dès la   fois l’énigme, dialogue avec                          CLOTILDE DEPARDAY
couverture. Le bleu tendre d’un   des illustrations au crayon et à

10
DES AUTEURS ET DES LIVRES                ¶

ROMAN

Patrick Varetz,
le verbe au milieu du chaos
Son premier roman nous emmenait Jusqu’au bonheur, un voyage dans un univers concentrationnaire médicalement
assisté. Avec Bas monde, Patrick Varetz fait le récit des premiers jours d’un condamné. Entre ironie et effroi.

B
             AS monde se déroule dans 30 mètres carrés. Violette –
             violée ? –, vient de « mettre bas » le narrateur qui est le
             seul à raconter cette histoire d’injures, de violences,
             de cris. Un huis clos où quatre personnages tentent de
survivre aux autres : un père confit de haine et d’impuissance ; une
mère déconsidérée par tous, notamment par Caudron, accoucheur
improvisé ; et la grand-mère dominatrice.
Dans cette boîte sans ouverture, le berceau est une boîte à chaus-
sures aux allures de cercueil. « Je travaille sur le rétrécissement du
réel », dit Patrick Varetz. Boîtes et vies enchâssées ; une sensation
d’étouffement renforcée par la mise en page. Description et dialo-
gues s’imbriquent, comme un même tunnel narratif.

L’origine du monde
En lisant Jusqu’au bonheur, nous assistions au voyage d’une
âme en enfer. Bas monde est le portrait d’un enfer plus réel, et

                                                                                                                         ©BARBARA GROSSMANN
historique : les années cinquante. Si le père travaille dans une
usine pétrochimique, ce n’est pas un hasard. « Le sujet, c’est le
chaos des origines. » Origine du narrateur, autant que de la société
de consommation.
Entre les deux romans on retrouve quelques points communs : un
Caudron aux contours flous, un père violent, le corps médical, et
cette énergie négative d’un bonheur contraint. La place du corps
reste centrale, renforçant le malaise : odeurs fortes ; membres
épars – le nourrisson est réduit à l’état d’oreille et d’yeux et le père
                                                                                     Patrick Varetz
traite sa compagne de « peau », un contenant sans contenu.                           Bas Monde
« Je n’oublierai jamais où le verbe prend sa source : entre les gémis-               ÉDITIONS P.O.L., avril 2012
                                                                                     ISBN : 978-2-8180-1627-5 192
sements de ma mère et les aboiements suffoqués de mon père. » Le                     192 PAGES, 14 €
verbe permet au narrateur d’ordonner son chaos intérieur ; une
autre manière de naître à lui-même.
Naissance d’un narrateur, naissance d’un auteur. Jusqu’au
bonheur lançait un écrivain. Avec Bas monde, Patrick Varetz
invente sa langue, donne naissance à un style et à un univers
condensé dans cette phrase d’Augiéras placée en exergue : « Je
n’étais qu’une voix hantée par l’avenir, bien décidée à vaincre ».

                                                       FRANÇOIS ANNYCKE

                                                                                                                    11
¶    DES AUTEURS ET DES LIVRES

THÉÂTRE                                                                                                 BD

François, le Saint Jongleur                                                                             Des Astres,
Dario Fo                                                                                                De l’Amour
                                                de Dario Fo est un Pierrot souriant, un
                                                bateleur de tréteaux, qui jongle avec tous              Virginie Vidal
                                                les dialectes de l’Italie – malheureusement
                                                intraduisibles en français – pour toucher
                                                spontanément le cœur des citoyens. Car
                                                François harangue les foules, les soulève
                                                contre l’oppresseur, les met face à leurs
                                                contradictions et les responsabilise, mais
                                                peut aussi les entraîner dans un combat
                                                qu’il regrettera le lendemain.
                                                Malicieusement anticlérical, mais jamais
                                                anti-spirituel, anarchiste rêveur qui
                                                s’ignore, il refuse la possession parce
C’est un peu l’aboutissement d’un rêve          qu’elle implique le pouvoir. Robin des bois
d’éditeur, pour La Fontaine, que de publier     sans armes, la parole divine le traverse en             Un signe, une histoire. Tel est le canevas
cette pièce, écrite en 1999 et encore inédite   tous lieux, mais surtout pas à l’église…                narratif de la dernière BD de Virginie Vidal
en France. Son auteur est Dario Fo, drama-      C’est un magnifique personnage de                       parue en février et scénarisée par son com-
turge et comédien italien, agitateur poli-      théâtre, ici raconté en plusieurs tableaux              plice Kami. Amour y rime résolument avec
tique et trublion poétique auréolé d’un prix    qui donnent à la pièce des allures de roman             humour. Érotisme et astrologie convergent
Nobel de littérature qui ne lui a rien fait     d’éducation : François convertissant au                 étrangement.
perdre de la simplicité ni de la fantaisie de   quasi-végétarisme un loup qui terrorise                 La rencontre, la spontanéité, l’inattendu,
son approche du théâtre.                        les habitants du village de Gubbio depuis               l’espoir déçu… toutes ces petites choses
Pour preuve, ce François, le Saint Jongleur,    des années ; mettant en pièces par souci                de la vie quotidienne sont ainsi illustrées
traduit en français par Toni Cecchinato         de justice sociale les quarante tours des               dans les tranches de vie qui forment cet
et Nicole Colchat, est une évocation pica-      notables d’Assise… avant de devenir lui-                ouvrage. Chacune de ces histoires est ponc-
resque et réinventée de la vie de Saint         même maçon, campant avec ses compères                   tuée par une interrogation finale à l’allure
François d’Assise, fondateur de l’ordre         devant le Vatican dans l’espoir d’être reçu             de maxime : « L’envie de me mettre à nu
des franciscains en Italie au XII e siècle.     et de tenter de faire reconnaître l’ordre des           justifie-t-elle que j’ôte mon costume ? » Les
Une hagiographie inattendue de la part          franciscains par Innocent III. Surréaliste              relations humaines sont questionnées à tra-
de Fo, militant d’extrême gauche devant         toujours, c’est un rêve qui convaincra le               vers le prisme humoristique de l’astrologie.
l’Eternel ? Peut-être, mais c’est sans          vieux pape d’adouber celui qu’il considé-               Nos rencontres relèvent-elles de la pure
compter sur sa capacité à tout transformer      rait la veille comme un joyeux illuminé.                coïncidence ou de la confluence des signes ?
en hilarante fable, en farce médiévale, en      Bref, en refermant le livre, on a hâte de               Ce n’est finalement pas tant le zodiaque et
prise à partie du public.                       bientôt voir dans les environs (une mise                ses présages qui prédominent ici, mais
Au-delà de la religion, François a valeur       en scène de Toni Cecchinato, avec Pascal                plutôt une approche amusante du rapport
de symbole ; s’il reste aujourd’hui l’un des    Racan dans le rôle-titre, a été proposée                que chacun entretient à l’autre, qu’il soit
saints les plus populaires, même parmi          en février 2012 à Bruxelles) une version                aimé, désiré, détesté ou encore méprisé.
les non catholiques, c’est bien sûr grâce       scénique de cette épopée d’une virtuosité               Par ailleurs, la jeune auteure lilloise a
aux valeurs de simplicité, d’entraide et        incroyable, prévue pour être incarnée                   glissé quelques clins d’œil à sa ville. À
d’égalité véhiculées au sein de son ordre,      – dernière malice de Dario Fo – par un                  vous de trouver quels lieux ont été joliment
mais aussi, nous dit Dario Fo, grâce à          acteur seul en scène…                                   détournés…
sa faconde légendaire, relayée par de                                                   SARAH ELGHAZI                                              MARIE-EVE TOSSANI
nombreux biographes. Illettré, mais
                                                ÉDITIONS DIALOGUES THÉÂTRE, mars 2012                   ÉDITIONS LA BOÎTE À BULLES, février 2012
auteur de poèmes lyriques sur la nature (le     ISBN : 978-2-35361-037-2                                ISBN : 978-2-84953-133-4
terrien Cantique des Créatures), le François    61 PAGES –12,50 €                                       172 PAGES – 18 €

12
DES AUTEURS ET DES LIVRES                                          ¶

RÉCIT

Les Unités, Sabine Bourgois
                                     elle a pu demeurer enfouie en        de l’enfance, thème qui lui         musique de Schubert apporte
                                     elle jusqu’à ce qu’elle remonte      est cher, sans Cécile, entame       un peu d’apaisement.
                                     à la surface et qu’elle prenne       une enquête qui est autant          Un livre prenant, littéraire et
                                     consistance littéraire par le        une quête : retour sur le fait      tourmenté, que Sabine Bour-
                                     prisme des mots et des phrases.      divers et sa restitution qu’elle    gois aurait pu titrer, dans l’es-
                                     C’est l’histoire de Cécile, amie     retrouve dans le grand quo-         prit de la littérature et de la
                                     de cœur de la narratrice, insé-      tidien du Nord de la France,        musique de l’époque baroque,
                                     parables comme peuvent l’être        rencontre avec le journaliste       Le Tombeau de Cécile.
                                     des fillettes complices sur          qui l’a rapporté – et qui a vu le
                                     les bancs de l’école primaire        cadavre de la petite –, halte au                            JEAN-MARIE DUHAMEL
                                     comme dans les confidences.          cimetière (le grand cimetière
                                     Un jour, Cécile n’est plus venue     du Sud, à Lille). « Au moment
« Le jour-même de mon anni-          à l’école : son amie apprend         de la mort de Cécile, toute la
versaire, j’ai refusé d’avoir dix    qu’elle est morte dans l’in-         violence et la vanité du monde
ans. » Ainsi débute le récit de      cendie de la maison familiale        me sont entrées dans la chair. »
Sabine Bourgois, prologue laco-      à Lille. Un incendie provoqué        De la malle aux souvenirs
nique d’un livre d’à peine cent      par le père, coiffeur de son état,   s’échappent des odeurs, des
pages dont la petite musique         dépressif. Seule la mère en a        senteurs, des sensations. Dans
résonne longtemps encore dans        réchappé.                            ces enchaînements d’émotions
la tête du lecteur après qu’il l’a   « Par où reprendre ton his-          compassionnelles et rétrospec-      COMPTOIR D’ÉDITION
                                                                                                              septembre 2011
quitté. Une page d’enfance dont      toire, Cécile ? » La narratrice,     tives d’une jeune femme elle-       ISBN : 978-2-919163-02-1
on imagine sans peine combien        qui ne conçoit pas d’écriture        même devenue mère, seule la         100 PAGES – 12 €

POÉSIE

Marie Bornasse, Cécile Richard
                                     un élan vivifiant, un appétit        n’est pas comme tout le monde,
                                     grande bouche. C’est aussi une       et comme c’est le cas de tout
                                     couleur – rouge, « du rouge pour     le monde eh bien qu’on se le
                                     faire belle, du rouge pour faire     tienne pour dit, je suis comme
                                     sexuel, du rouge pour faire          tout le monde et toi aussi ».
                                     femme (…), la couleur des joues      Ces paragraphes sont chaque
                                     rouges, le rouge santé, le rouge     fois centrés sur une situa-
                                     jupe, le rouge sous la jupe,         tion, un trait de caractère, un
                                     l’actrice la robe rouge, rouge       aspect physique ; un portrait
                                     sexy… ». Marie Bornasse, c’est       en pointillé où l’on découvre sa
                                     un personnage dessiné en cou-        bouche, son corps, son amour
« Marie Bornasse est une bor-        verture, une esquisse, quelques      pour Monsieur Propre – certai-
nassousse, c’est-à-dire une qui      traits qui lui donnent une sil-      nement un poète – et la grasse
met les pieds dans le plat, dans     houette comme les quelques           matinée. Un support aussi aux
le plat il y a des frites, du jus    lignes tressées dans chaque          lectures-performances réali-
de marrons, des oignons dorés,       paragraphe qui décrivent un          sées par Cécile Richard, qui lit
des petits pois, de la viande        aspect de sa personnalité origi-     avec gourmandise ces quelques
molle et rose avec des plis et       nale. Une originalité qui ne doit    éléments épars. Appétit grande      ÉDITIONS DU DERNIER TÉLÉGRAMME
                                                                                                              mars 2012
quelques poils douteux. » Marie      pas faire oublier son huma-          bouche.                             ISBN : 978-2-917136-53-9
Bornasse, c’est une force vitale,    nité : « car chacun d’entre nous                      FRANÇOIS ANNICKE   88 PAGES – 13 €

                                                                                                                                                      13
¶    DES AUTEURS ET DES LIVRES

DOCUMENTAIRE                                                                                                                     ROMAN

Le Touquet, Les années si folles                                                                                                 Il la regarde
de Paris-Plage Anne Tomczak                                                                                                      Alain
                                             deux phares (d’où la devise) et
                                             un lotissement, le Paris-Plage.
                                                                                  lui seul toute une époque que
                                                                                  la journaliste a redécouverte.                 Chopin
                                             Il faudra 15 ans à ses habitants     « En matière de mode et de
                                             pour se détacher de la commune       décoration, le Touquet était
                                             de Cucq et prendre leur indé-        une vitrine pour le reste de la
                                             pendance. Le Touquet était né,       France. Les têtes couronnées,
                                             un jour du printemps 1912.           les artistes s’y pressaient. »
                                             On fête donc cette année son         C’est cette histoire qu’Anne
                                             centenaire. L’occasion pour          Tomczak reprend dans une
                                             les éditions La Voix du Nord         version synthétisée et enrichie
                                             de sortir un nouvel ouvrage.         d’un premier ouvrage sur le
Fiat lux, fiat urbs. En se don-              La rédaction en a été confiée à      sujet. Au fil d’une riche icono-
nant cette devise, Le Touquet                la journaliste Anne Tomczak.         graphie et des précieux témoi-
préfigurait-il son destin de                 Nommée en 1993 responsable           gnages des contemporains
ville lumière, première plage                de l’édition d’Étaples-sur-Mer,      des années folles du Touquet,
                                                                                                                                 ÉDITIONS DIALOGUES, mars 2012
française, capitale du luxe, de              elle se passionne d’abord pour       s’égrènent les grandes heures                  ISBN : 9782918135432
l’élégance, des arts et du jeu ?             l’histoire du Royal Picardy. « Un    de la station, avant qu’elle ne                248 PAGES – 19,90 €
Quand en 1837 le notaire pari-               hôtel si vaste que l’on ne pouvait   perde à jamais de sa superbe.                  Le narrateur d’Il la regarde,
sien Jean-Baptiste Daloz achète              le contempler tout entier que du                                                    Antoine Janin, nous entraîne
1 600 hectares de garennes,                  ciel », raconte-t-elle. L’établis-                            MARIE-LAURE FRÉCHET   au gré des sinuosités du temps
il les destine à l’élevage et à              sement a été détruit en 1968,                                                       qui passe entre la Bretagne
l’agriculture. Devant son peu de                                                  ÉDITIONS LA VOIX DU NORD, 2012
                                             mais son ombre plane encore          ISBN :978-2-84393-158-1                        où il a grandi et Lille où il
résultats, il finit par y planter            sur le Touquet et symbolise à        68 PAGES – 6,90 €                              est, depuis 20 ans, critique
                                                                                                                                 de cinéma pour La Voix du
                                                                                                                                 Nord. Ses déambulations,
PHOTO/LITTÉRATURE
                                                                                                                                 cinématographiques à force

Un Rideau d’arbres Richard Baron,                                                                                                de détails visuels, rythmées
                                                                                                                                 par les rencontres et les lieux

Olivier de Solminihac
                                                                                                                                 qui dessinent son quotidien,
                                                                                                                                 bercent l’attente engendrée
                                                                                                                                 par les irrégularités d’un
                                             Après avoir travaillé ensemble       aussi en Pologne, sur les ter-                 échange épistolaire singu-
                                             sur un premier album, Un temps       rils, dans les bois, un peu dans               lier avec Anne, dont le sou-
                                             de passage (Light Motiv, 2010)       la tête de Lucie, un peu dans                  venir de la silhouette frêle et
                                             le photographe Richard Baron         l’histoire de la vieille dame. On              attirante, entrevue une pre-
                                             et l’auteur Olivier de Solmi-        pénètre surtout dans quelques                  mière fois près d’un manège
                                             nihac se retrouvent pour un          tranches de vie, où l’excep-                   à Trébeurden, n’aura de cesse
                                             nouveau dialogue entre textes        tionnel est à chercher dans l’or-              de le poursuivre. Avec ce
                                             et images.                           dinaire et l’inattendu dans le                 deuxième livre paru aux édi-
                                             Les clichés de la Cité 1940 de       quotidien. Et c’est précisément                tions Dialogues, Alain Chopin
                                             Libercourt, actuellement en          par cette flânerie qu’il faut se               nous initie à la proximité des
                                             cours de rénovation, ont été le      laisser porter, pour ouvrir au                 voyages, qui sont avant tout
                     Éditions Light Motiv    point de départ des narrations       hasard ce Rideau d’arbres.                     l’invention d’un regard.
                             février 2012
                    ISBN : 9782953790825
                                             de l’écrivain. On déambule dans
                          144 PAGES – 32 €   les rues de Libercourt, mais                                    MARIE-EVE TOSSANI                                   AURÉLIE OLIVIER

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