CINÉCLUB 2021 2022 - Université Paris 8

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CINÉCLUB 2021 2022 - Université Paris 8
UNIVERSITÉ PARIS 8
      VINCENNES À SAINT-DENIS

  Le Multiple
      CINÉCLUB 2021−2022
CINÉCLUB 2021 2022 - Université Paris 8
Université Paris 8 Vincennes à Saint-Denis
Master Valorisation des Patrimoines Cinématographiques et Audiovisuels
            2 rue de la Liberté, 93526 Saint-Denis Cedex 02
                Métro ligne 13 / Saint-Denis Université
CINÉCLUB 2021 2022 - Université Paris 8
Programme conçu et élaboré dans le cadre du Master Valorisation
des Patrimoines Cinématographiques et Audiovisuels
Grégoire Quenault
Programmer / Montrer des films
Emna Mrabet
Mise en œuvre du programme / Gestion du ciné-club
Avec
Laure Balka, Rémi Chazot, Aurore Fleutot Hovezak, Vincent Jondeau,
Violette de La Forest, Inès Leenhardt, Lila El Mahouti, Marie Palaffre,
Solène Payet, Angie Sembach, Charline Toulza, Pim Verkleij
Assistance technique
Delphine Rives, Gaël Le Pemp, Romain Lambert et Jean-Pierre Cazes
Nous remercions également Annick Allaigre, Camille Herfray, Nadia Taoussi,
Viviane Ferran, Emmanuelle Sruh et le service de reprographie
de l’Université Paris 8

Le Multiple
CINÉCLUB 2021−2022

MERCREDI 12 h 45

> A ttention : horaire pouvant être avancé à 12 h 30 ou 12 h 15
Salle de projection Bleue Nuit Tropicale
A1 181 – Bâtiment A
CINÉCLUB 2021 2022 - Université Paris 8
Introduction
Le multiple. Ou plus exactement l’un et le             La vie s’organise en mondes parallèles depuis
multiple, tels que leur articulation est posée dans    des millénaires dans certaines sociétés tribales,
l’histoire de la philosophie dès la Grèce antique      et la notion d’univers multiples est quant à elle
par Parménide et Héraclite. Pour le premier, toute     formulée en occident dès le 6e s av. JC par Anaxi-
multiplicité se comprend dans la permanence de         mandre. Ils sont, comme les échelles ou les
l’unité. Pour le second, le temps, affectant toute     mondes multiples, également appelés en
chose, rend impossible cette résolution :              physique plurivers ou multivers où ils désignent
« comme un fleuve, qui semble toujours iden-           la coexistence de plusieurs univers dissemblables
tique mais où l’eau n’est jamais la même, nous         aux connexions marginales. Ces notions sont
changeons ainsi que les choses ». L’affirmation        associées à la grande question irrésolue de la
du multiple est cependant en soi une manière de        physique moderne qui depuis la fin du XIXème et le
poser l’unité. Car s’il est vrai que tout est mouve-   début du XXème siècle, cherche à rapprocher la
ment perpétuel, le changement s’apprécie à             mécanique quantique de Planck (décrivant le
l’aune de ce qui demeure. Le multiple est toujours     comportement des particules atomiques et suba-
le multiple de quelque chose. Ainsi en est-il de la    tomiques) et la théorie de la relativité générale
multiplication en mathématique qui assoit dans         d’Einstein (analysant le comportement de la
chacun de ses multiples la permanence de l’unité.      matière ainsi que le mécanisme de la gravité à
                                                       l’échelle cosmique). Ces deux théories appa-
Il n’en va pas autrement au cinéma, et ce jusque       raissent absolument inconciliables, en ce qu’elles
dans son principe fondateur. Il n’y a de mouve-        fonctionnent sur des règles a priori sans rapports,
ment visible que parce que l’essentiel demeure         ou plutôt, dont les rapports sont encore inconnus,
d’une image à l’autre, qui permet non seulement        ou incompris. Leur unification reviendrait à
la stabilité des formes et des figures mais, para-     découvrir le fonctionnement global de l’univers,
doxalement, également la perception du change-         à unifier le multiple…
ment, du différentiel. Dès ses débuts industriels,
soit comme nous l’apprend Benjamin à l’ère de la       Alice au pays des merveilles, formidable conte
reproductibilité technique, le cinéma met fin –        littéraire et mathématique, est en soi une fable
avec la photographie – au principe d’unicité et        canonique du plurivers, dont les inspirations
d’aura de l’œuvre d’art, ouvrant la voie du            éclectiques du mathématicien Lewis Caroll
multiple dans toute discipline artistique. La          passaient aussi par l’actualité d’une physique qui
simplicité de la production et de la reproduction      n’allait plus tarder à devenir moderne. Le récit est
mécanisées, ainsi que celle des interventions sur      une conjecture qui préfigure déjà l’imminence de
les objets qui en découlent, va dès lors autoriser     Planck et surtout d’Einstein. Ainsi, la chute
la prolifération – pour de multiples raisons           quasiment inertielle d’Alice dans un trou noir, si
(commerciales, idéologiques, accidentelles,            elle est fantastique est moins absurde qu’il n’y
malveillantes...) – d’occurrences distinctes de        paraît. Ce véritable trou de ver, raccourci
l’original. Sur ce point, les vingt-deux versions      spatio-temporel comme le sont encore les diffé-
du Napoléon d’Abel Gance ont peu d’équivalent.         rentes portes et serrures du récit, mène vers le
                                                       monde blanc du lapin à qui le temps échappe
                                                       désormais, et où s’emboîtent des espaces extra-
                                                       vagants, disparates et d’échelles incompossibles.
La science-fiction américaine des années 1950                    De l’un au multiple donc. Mais aussi de la multi-
vient, avec la conquête spatiale, précisément                    plication à l’uniformité et à la conformité, selon
cristalliser l’expression de ces incertitudes qui                les principes du clonage comme dans l’inquiétant
ont gagné notre monde physique, celles de la                     Body Snatchers de Don Siegel, ou selon ceux
place de l’humanité dans ces échelles sans fin de                d’une sorte de matrice extra-utérine extra-
l’univers où il est devenu probable qu’elle n’est                terrestre dans Le Village des damnés de Wolf
plus seule. Richard Matheson – à qui l’on devait                 Rilla. La division n’est par ailleurs qu’un miroir
déjà Je suis une légende – est également l’auteur                inversé de la multiplication, comme le montre la
de L’Homme qui rétrécit, formidablement réalisé                  multiplication des cellules par la division cellu-
ici par Jack Arnold. Il inspire et écrit de nombreux             laire, et le retour à l’idée d’unité dans la gémel-
scénarios pour la série The Twilight Zone du non                 lité et le puissant Faux-semblant de David
moins célèbre Rod Serling, qui a pour sa part                    Cronenberg.
institué l’exploration télévisuelle de la
« quatrième dimension ».                                         Pour autant, il y a aussi de la variété dans la
                                                                 production en série. C’est le principe même de la
L’informatique a récemment fait apparaître                       reprise, qui dès les Sortie(s) de l’usine Lumière
comment les structures parentales des Abori-                     est l’occasion de déclinaisons telles qu’elles sont
gènes sont construites sur le modèle du cube ou                  visibles dans les mises en abîmes de la « Trilogie
de l’hypercube, suggérant la troisième, la                       de Koker » d’Abbas Kiarostami et plus particuliè-
quatrième et parfois la cinquième dimension1.                    rement dans Au travers des oliviers. Ce sont
Sans connaître les nombres, certaines civilisa-                  encore les potentialités narratives que cherche à
tions datant du paléolithique ont donc su inventer               épuiser Alain Resnais dans ses Smoking et No
des systèmes et des structures relevant des                      Smoking, remettant sans cesse sur le métier son
mathématiques modernes 2. Les Aborigènes                         récit et qui seront proposées au choix aux spec-
vivent au quotidien avec la présence d’un monde                  tateurs lors d’une séance dédiée. Enfin, la répé-
spirituel, simultané et invisible, d’où ils reçoivent            tition et ses variations peuvent devenir tout
lors de l’activité onirique – à l’origine de la terre,           simplement hypnotisantes, qui se déroulent
et un peu comme Alice – des messages-guides                      selon les principes analogues de la musique
permettant de maintenir le monde d’ici-bas à                     minimale dans le cultissime Crossroads de Bruce
l’image de celui du « Temps du Rêve », symétri-                  Conner.
quement situé sous la surface de la terre.
Conception d’un endroit et d’un envers du monde                                                          Grégoire Quenault
qui n’est pas si éloignée de celle d’Amenabar
articulant celui des vivants et des morts dans Les
Autres. Et pour les Indiens Hopi, qui ont inspiré à
Godfrey Reggio son sublime film gigogne Koyaa-
nisqatsi, le monde était également multiple –
même si successif – bien qu’ils n’aient pas eu de
mots pour dire le temps…

1 Cf. les travaux de l’anthropologue Barbara Glowczewski, par ailleurs cinéaste expérimentale et ancienne étudiante
  du département Cinéma de Paris 8.
2 Betty VILLEMINOT, « Regard sur la civilisation aborigène », Les Cahiers jungiens de psychanalyse, 2002/1, n°103,
   p. 81-94.
Semestre 1
20 octobre 2021
Alice au pays des multiples
Alice in Wonderland                            24 novembre
CINÉ-CONCERT
Cecil M. Hepworth & Percy Stow,
                                               Multivers
1903, 8 min. 30.                               Koyaanisqatsi
Alice au pays des merveilles                   Godfrey Reggio, 1982, 87 min.
Clyde Geronimi, Hamilton Luske
& Wilfred Jackson, Studios Disney,             1er décembre
1951, 75 min.
Stille Nacht II : Are We Still Married ?       The Twilight Zone
Quay Brothers, 1992, 3 min.                    The Time Element
Stille Nacht IV : Can’t Go Wrong Without You   Rod Serling & Allen Reisner,
Quay Brothers, 1993, 4 min.                    1958, 60 min.
                                               La petite fille perdue
27 octobre                                     Paul Stewart, 1962, 25 min.
                                               Les trois fantômes
Simultanéité des temps                         Douglas Heyes, 1959, 25 min.
Meshes of the Afternoon
Maya Deren, 1943, 14 min.                      8 décembre
Ritual in Transfigurated Time
Maya Deren, 1946, 15 min.                      Unité Conformité Uniformité
Hill of Freedom                                Rhythm
Hong Sang-Soo, 2014, 66 min.                   Len Lye, 1957, 1 min.
                                               Tango
10 novembre                                    Zbigniew Rybczynski, 1981, 8 min.
                                               Le Village des damnés
Vie(s) des fantômes                            Wolf Rilla, 1960, 77 min.
Les Autres
Alejandro Amenábar,                            15 décembre
2001, 104 min.
                                               Alter ego
17 novembre                                    Faux-semblants
                                               David Cronenberg, 1988, 116 min.
L’Univers infini
L’Homme qui rétrécit
Jack Arnold, 1957, 81 min.
Semestre 2                                  9 mars
                                            Répétitions / Variations
                                            Hommes nus (mouvements divers)
                                            Étienne-Jules Marey, 1891-93, 4 min.
                                            Ballet mécanique
2 février 2022                              Fernand Léger , 1924-25, 18 min.
Body Snatching                              Film-Montagen II
                                            Peter Roehr, 1965, 7 min.
L’Homme orchestre                           Home stories
Georges Méliès, 1900, 2 min.                Matthias Müller, 1991, 6 min.
The Playhouse                               Berlin Horse
Buster Keaton, 1921, 23 min.                Malcolm Le Grice, 1970, 9 min.
L’Invasion des profanateurs de sépultures   Péribole
Don Siegel, 1956, 80 min.                   Marc Plas, 2007, 2 min 20.
                                            Crossroads
9 février                                   Bruce Conner, 1976, 36 min.
Di-Versions
                                            16 mars
Sortie(s) de l’usine Lumière
Louis & Auguste Lumière, quatre versions,   Polyvision
1895-97, 4 min.                             Napoléon
Anémic Cinéma                               Abel Gance, 1927, multi-projection.
Marcel Duchamp, 1925, 8 min.
Le Lion des Mogols
Jean Epstein, 1924, 106 min.
                                            23 mars
                                            Des points de vue
16 février                                  Nowa ksiaska
Reprises                                    Zbigniew Rybczynski, 1975, 10 min.
                                            Dans la peau de John Malkovich
Au travers des oliviers                     Spike Jonze, 1999, 113 min.
Abbas Kiarostami, 1994, 103 min.
                                            30 mars
23 février
                                            I Contain Multitudes
À Choix multiple(s)
                                            I’m Not There
Smoking / No smoking (film au choix)        Todd Haynes, 2007, 135 min.
Alain Resnais, 1993, 140 min. ou 145 min.
                                            16 avril
                                            Toutes les femmes
                                            Cet obscur objet du désir
                                            Luis Buñuel, 1977, 105 min.
ALICE AU PAYS DES MULTIPLES
                     20 OCTOBRE 2021
Alice in Wonderland CINÉ-CONCERT !
Cecil M. Hepworth & Percy Stow
Alice au pays des merveilles
Clyde Geronimi, Hamilton Luske & Wilfred Jackson
Stille Nacht II : Are We Still Married ?
Stille Nacht IV : Can’t Go Wrong Without You
Quay Brothers

Les aventures d’Alice au pays des          petite, elle change incessamment de        ALICE IN WONDERLAND
merveilles, roman de Lewis Caroll          taille, alors que les espaces semblent     Cecil M. Hepworth et Percy Stow
paru en 1865, a connu d’innombrables       juxtaposés les uns aux autres, les
adaptations cinématographiques.            temporalités mouvantes et que les          1903, Royaume-Uni
On comprend dès le premier Alice           instances diégétiques se multiplient.      9 min., n&b et teinté, sil.
in Wonderland de 1903, signé Cecil
                                           Au sein du rêve, chaque nouvel élément     ALICE AU PAYS DES MERVEILLES
Hepworth et Percy Stow, comment                                                       (ALICE IN WONDERLAND)
                                           semble avoir sa réalité. Le « moi trans-
la complexité du récit d’Alice trouve
                                           cendantal », qui fait du Je le point de    Clyde Geronimi, Wilfred
dans les effets nouveaux du cinéma un                                                 Jackson, Hamilton Luske
                                           départ de toute connaissance certaine,     (Studios Disney)
terrain d’expression inédit et fertile.
                                           est envisagé comme étant malléable
Le studio Disney, armé de la puis-
                                           et transformable. Ainsi, l’espace et       1951, États-Unis, 75 min., coul., sonore
sance démiurgique sans limites de
                                           le temps deviennent des instances          Son : C.O. Slyfield
son industrie entreprend lui aussi, en
                                           plurielles et flottantes et les choses     Musique originale : Oliver Wallace
1951, d’adapter l’œuvre aux multiples
                                           deviennent réelles à partir du moment      Montage : Lloyd Richardson
histoires et lectures. Avant que les
                                           où elles sont vécues par Alice. De plus,   Production : Walt Disney Pictures
frères Quay, figures emblématiques
                                           chaque réalité semble être contenue en     Distribution : RKO Pictures
de l’animation des années 1980-90,
                                           puissance dans celle vécue. C’est ainsi    Avec (voix) : Sterling Holloway,
finissent plus d’un siècle après sa
                                           que l’on fête les non-anniversaires,       Ed Wynn, Jerry Colonna, Richard Haydn,
création par en proposer quelques
                                           que des roses blanches deviennent          Verna Felton, J. Pat O’Malley,
déclinaisons, libres et musicales, où le
                                           rouges une fois repeintes…                 Bill Thompson
lapin intercède dans un autre univers,
gothique et non moins étrange.             Alice au pays des merveilles est donc      STILLE NACHT II :
                                           un voyage initiatique au pays des          ARE WE STILL MARRIED ?
Tombée dans les pays de son rêve,
                                           multiples, de la recherche de soi et       Stephen & Timothy Quay
Alice, fillette d’une bonne famille
                                           d’un imaginaire en déconstruction et
anglaise, les explore au gré des                                                      1992, États-Unis, 3 min., n&b, sonore
                                           construction permanentes.
soubresauts de son imaginaire. Le
récit entraîne le spectateur à travers                        Laure Balka,            STILLE NACHT IV :
la découverte des mondes mentaux                              Rémi Chazot,            CAN’T GO WRONG WITHOUT YOU
d’Alice, qui semble toujours s’étonner                        Violette de La Forest   Stephen & Timothy Quay
                                                              et Angie Sembach
des situations qu’elle crée elle-même
                                                                                      1993, États-Unis, 4 min., n&b, sonore
au sein de son rêve. À la fois grande et
SIMULTANÉITÉ DES TEMPS
                    27 OCTOBRE 2021
Meshes of the Afternoon Maya Deren
Ritual in
Transfigurated Time Maya Deren
Hill of Freedom Hong Sang-Soo
Les films se trouvent ici à une frontière              « le film est un art d’espace-temps »1,                 MESHES OF THE AFTERNOON
imperceptible entre passé et présent,                  qu’il s’agit de produire dans toute                     Maya Deren
dans des lieux suspendus et multi-                     sa singularité, et un « cinéma des
ples où la distinction temporelle, ou a                corps »2, où gestes et chorégraphies                    1943, États-Unis
minima sa continuité, a perdu sa perti-                trouvent à s’exprimer selon des durées                  14 min., n&b, sonore
nence. Ils nous mènent au croisement                   spécifiques.
du rêve et de la réalité, dans un espace                                                                       RITUAL IN TRANSFIGURED TIME
                                                       Dans Hill of Freedom, Hong Sang-Soo
où la véracité des faits et des gestes se                                                                      Maya Deren
                                                       raconte l’histoire de Mori, un jeune
confond avec leur virtualité, où l’in-
                                                       japonais, se rendant à Séoul afin de                    1946, États-Unis
certitude laisse place à la potentialité.
                                                       retrouver la femme qu’il aime. Mais                     14 min., n&b, sil.
Aussi nous plongent-ils dans un voyage
                                                       celle-ci est absente. Il attend son
non seulement spatio-temporel mais                                                                             HILL OF FREEDOM
                                                       retour en lui écrivant, et en déambu-
métaphysique.
                                                       lant dans les lieux qu’elle a l’habitude                Hong Sang-Soo
Maya Deren, pionnière de l’avant-                      de fréquenter. Dans ce récit épisto-
                                                                                                               2014, Corée du Sud
garde cinématographique américaine                     laire, nous découvrons la vie de Mori
                                                                                                               66 min., coul., sonore
des années 40, réalise plusieurs courts                à travers la lecture postérieure des
métrages emblématiques du patri-                       lettres faite par Kwon, l’amie aimée.                   Scénario : Hong Sang-Soo
moine expérimental dont Meshes of                      Mori promène également un livre, inti-                  Photographie : Park Hong-yeol,
the Afternoon et Ritual in Transfigured                tulé Le temps, qui cristallise sa concep-               Yi Yuiheang
Time. Chacun de ces films incarne un                   tion (et celle du film) d’une temporalité               Musique originale : Jeong Yong-jin
univers poétique au rythme et à la                     arbitrairement pensée comme continue
logique propre, déclinant des théma-                   et linéaire. Romain Lefebvre, souligne                  Montage : Hahm Sung-won
tiques récurrentes comme l’identité,                   qu’« il s’agit de mettre le temps en jeu,               Production : Jeonwonsa Film Co.
les mythes, les rituels. Elle y explore de             en incorporant une forme de multipli-                   Disctinction : Montgolfière d’Or 2014
nouvelles expériences visuelles et                     cité »3. L’interprétation de la nature                  (Festival des trois continents, Nantes)
déconstruit les codes de la narration                  des événements s’appréhende dès lors
hollywoodienne. Dans ses textes théo-                  subjectivement dans une construction
riques, la cinéaste affirme sa volonté                 illusoire du réel.
de penser les films en termes visuels et
                                                                               Lila El Mahouti et
non verbaux. Aussi, ne se définit-elle                                         Grégoire Quenault
pas comme une surréaliste. Pour elle,

1 DEREN Maya, Lettre à James Carr (1955), « New Directions in Film Art », dans Essential Deren – Collected Writing on Film by Maya Deren,
  édition et préface de B. R. McPherson, Kingston, New York, Documentext, 2005, p.190-191
2 TRIVELLI Anita, « La dimension onirique dans le cinéma de Maya Deren », dans Rêve et cinéma, Mouvances théoriques autour d’un champ créatif,
   dir. M. Martin et L. Schifano, Presses Universitaires Paris Nanterre, Paris, 2012, p. 159-176
3«  Hill of Freedom, Hong Sang-Soo, Maintenant ou jamais », Débordements, Critique, 2015.
VIE(S) DES FANTÔMES
                      10 NOVEMBRE 2021
Les Autres Alejandro Amenábar
Alejandro Amenábar investit ici une                       Notamment adapté du roman Le Tour                   LES AUTRES (THE OTHERS)
nouvelle fois les questions liées à la                    d’écrou de Henry James, l’œuvre met                 Alejandro Amenábar
solitude et aux virtualités de la mort.                   en scène dans une sorte de jeux de
Dans Les Autres, l’imprégnation de ces                    miroirs ou de trompe-l’œil l’apparition             2001, Espagne,
dernières dans celles de la vie n’est                     de revenants, et donc la porosité entre             104 min., coul., sonore
pas sans rappeler la phrase du poète                      monde des vivants et des morts, privant             Scénario et musique originale :
romantique Percy Bysshe Shelley qui,                      le spectateur des repères lui permet-               Alejandro Amenábar
dans son poème Adonaïs, assure « ne                       tant de mettre le film « à l’endroit ».             Photographie : Javier Aguirresarobe
plus jamais laisser la vie diviser ce                     Ainsi les propositions des différentes
                                                                                                              Décors : Benjamín Fernández
que la mort peut réunir »1. Véritable                     séquences se contredisent et l’inter-
travail d’artisan, le film narre, dans                    prétation peine à s’enraciner dans une              Costumes : Sonia Grande
une sobre mise en scène, l’histoire de                    réalité plutôt qu’une autre. Les Autres             Son : Ricardo Steinberg
Grace et de ses enfants qui attendent,                    consiste alors à accompagner les per-
                                                                                                              Montage : Nacho Ruiz Capillas
dans une grande et glaciale maison                        sonnages dans cette révélation et
bourgeoise de Jersey, le retour du père                   dans l’acceptation d’une réalité, qu’ils            Production : Cruise/Wagner
de famille, mobilisé sur le front de la                   découvrent en même temps que le                     Productions, Las Producciones
Grande Guerre. L’unité de lieu esquisse                   spectateur.                                         del Escorpión S.L., Sociedad General
                                                                                                              de Cine
un film d’atmosphère. Les Autres est
                                                          Peignant un monde poétique et
un huis-clos fantastique doté d’une                                                                           Avec : Nicole Kidman, Elaine Cassidy,
                                                          sombre, la multiplicité de l’espace se
puissante dimension psychologique,                                                                            Christopher Eccleston…
                                                          traduit par cet enchevêtrement de deux
où l’intrigue, particulièrement subtile,                                                                      Prix du Meilleur Film d’Horreur,
                                                          mondes — liant la vie et la mort dans un
délivre au compte-gouttes ses élé-                                                                            de la Meilleure Actrice et
                                                          canevas classique des films de maison
ments de réponse.                                                                                             de la Meilleure Actrice de Second Rôle
                                                          hantée.
                                                                                                              à l’Academy of Science Fiction,
                                                                                     Charline Toulza et       Fantasy & Horror Films, 2002 ;
                                                                                     Aurore Fleutot Hovezak   Top Box Office Films à l’ASCAP Film and
                                                                                                              Television Music Awards, 2002 ; et prix
                                                                                                              du Meilleur Réalisateur, du Meilleur
1 S HELLEY Percy Bysshe, Adonais: An Elegy on the Death of John Keats, 1821                                  Scénario Original, et de la Meilleure
  (traduit de l’anglais « no more let life divide what death can join together »).                            Image au Cinema Writers Circle Awards,
                                                                                                              Espagne, 2002
L’UNIVERS INFINI
                   17 NOVEMBRE 2021
L’Homme qui rétrécit Jack Arnold
Jack Arnold, figure majeure du              Mais L’Homme qui rétrécit est surtout      L’HOMME QUI RÉTRÉCIT
cinéma de science-fiction des années        un conte philosophique. Nous voya-         (THE INCREDIBLE
cinquante et pionnier du cinéma en 3D,      geons avec le héros, au fur et à mesure    SHRINKING MAN)
signe en 1957 The Incredible Shrinking      de sa descente dans les limbes du          Jack Arnold
Man. Ses précédentes réalisations,          vivant et de la matière. Paradoxale-
                                                                                       1957, États-Unis
telles It Came from Outer Space (1953)      ment, et contrairement à son appa-
                                                                                       81 min., n&b, sonore
ou Creature from the Black Lagoon           rence physique, lui ne change pas. Il
(1954) avaient suffi à l’inscrire dans la   demeure le même dans un monde qui          Scénario : Richard Matheson,
production américaine de série B, pour-     semble se métamorphoser autour de          d’après son roman éponyme
tant, le célèbre Homme qui rétrécit est     lui, exigeant constamment une adap-        Photographie : Ellis W. Carter
beaucoup plus que cela.                     tation des modalités de sa survie et
                                                                                       Décors : Russell A. Gausman,
                                            une reconfiguration de son humanité.       Ruby R. Levitt
L’œuvre est bien sûr en soi une             Cette descente a lieu par avancées
prouesse technique. Il décline les          dans des strates multiples et succes-      Effets spéciaux : Everett H. Broussard,
principes de mise en abyme de l’image       sives d’échelles dont on comprend          Everett H. Broussard
notamment déployés dans son Taran-          qu’elles ne sont plus inconciliables       Son : Leslie I. Carey, Robert Pritchard
tula (1955), où il s’agissait d’ailleurs    mais qu’elles s’entretissent bien au       Musique (supervisée par) :
déjà de survivre à une invasion d’arai-     contraire les unes les autres sur un fil   Joseph Gershenson, Harris Ashburn
gnées géantes. Propos politique, le         sans fin, liant inextricablement temps
film dénonce également la curiosité                                                    Montage : Albrecht Joseph
                                            et espace, où l’univers est un et où
malsaine des médias de masse et             l’infiniment petit rejoint l’infiniment    Producteur : Albert Zugsmith
annonce très précocement l’inconsé-         grand.                                     Production : Universal
quence écologique de la société indus-
trielle. Les déboires de Scott Carey                           Grégoire Quenault       Avec : Grant Williams, Randy Stuart,
                                                                                       April Kent, Paul Langton,
étant en effet accidentellement initiés
                                                                                       Raymond Bailey, William Schallert,
par la traversée d’un nuage toxique
                                                                                       Frank Scannell, Helene Marshall,
évoquent le recours déjà massif aux                                                    Diana Darrin, Billy Curtis
pesticides de l’agriculture intensive ou
des radiations nucléaires de la bombe
atomique.
MULTIVERS
            24 NOVEMBRE 2021
Koyaanisqatsi Godfrey Reggio
Le cinéma est par excellence le médium                   philosophies éternelles, représentées      KOYAANISQATSI
qui nous permet de nous échapper                         par les dessins rupestres des Hopis et     Godfrey Reggio
temporairement de l’expérience                           par les quatre éléments fondamentaux,
physique par laquelle nous percevons                     avant de s’accélérer jusqu’au vacarme      1982, États-Unis
le monde. Il nous amène à voir plus                      frénétique des métropoles. Cette accé-     87 min., coul., sonore
grand, grâce à sa capacité à nous faire                  lération n’est pas anodine, selon Ghis-    Scénario : Ron Fricke, Michael Hoenig,
voyager d’un univers à l’autre en l’es-                  lain Benhessa et Nathalie Bittinger :      Godfrey Reggio, Alton Walpole
pace d’un instant. Et si un film illustre                « le film exhibe en accéléré la muta-      Photographie : Ron Fricke
cette idée, c’est bien Koyaanisqatsi                     tion d’un temps cosmologique immé-
                                                                                                    Sociétés de production : IRE Productions
– ou « Vie en déséquilibre » en Hopi.                    morial en une infernale cadence méca-
                                                                                                    et Santa Fe Institute for Regional
Ce documentaire expérimental non                         nique et technologique fragmentée. De
                                                                                                    Education
narratif présente l’univers compre-                      la genèse à l’apocalypse imminente,
nant la terre comme une gigantesque                      l’œuvre se transforme en parabole          Producteurs : Francis Ford Coppola
poupée russe. Partant d’échelles trop                    de la démesure prométhéenne de             (producteur exécutif), Godfrey Reggio
                                                                                                    (producteur), Mel Lawrence, Roger
vastes pour être perçues à l’œil nu,                     l’homme »1. Que l’on partage ou non
                                                                                                    McNew, T. Michael Powers, Lawrence
telles que la galaxie et le cosmos, il                   le sentiment d’une apocalypse immi-
                                                                                                    Taub, Alton Walpole (producteurs
parvient progressivement à l’infinité-                   nente, il est certain que Koyaanisqatsi    associés)
simal – en passant successivement par                    rend compte de cette accélération du
la société humaine et l’individu.                        temps, conditionnée par la marchan-        Montage : Ron Fricke, Alton Walpole
                                                         disation et l’industrialisation de toute   Musique originale : Philip Glass
Il met ainsi en exergue la multipli-
                                                         espèce de transactions humaines, et
cité des échelles dont le monde est
                                                         nous offre un véritable trip planétaire,
composé et qui coexistent à chaque
                                                         que l’on peut qualifier de spirituel,
instant. Son trajet ne franchit pas
                                                         notamment grâce à la musique origi-
seulement les frontières de l’espace,
                                                         nale et minimaliste de Philip Glass.
mais également celles du temps. Il
s’installe en premier lieu dans les                                               Pim Verkleij

1 BENHESSA Ghislain, BITTINGER Nathalie, « Qu’elle était verte ma vallée » dans Esprit 2018/
  1-2 (Janvier-Février), p. 192.
THE TWILIGHT ZONE
                    1ER DÉCEMBRE 2021
The Time Element Rod Serling
La petite fille perdue Richard Matheson
Les trois fantômes Rod Serling
« Nous sommes transportés dans une                      The Time Element est un épisode               THE TIME ELEMENT
autre dimension… Une dimension sans                     écrit par Serling pour une autre série
                                                                                                      1957, États-Unis, 52 min., n&b, sonore
espace, ni temps, mais infinie... ».                    télévisée, mais dont le succès le pousse
                                                                                                      Scénario : Rod Serling
C’est avec ces mots que Rod Serling, le                 à créer sa propre série. Le patient dont
                                                                                                      Réalisation : Allen Reisner
créateur et narrateur de ce monument                    il est question relate un rêve qui l’ob-      Diffusion / Chaîne : CBS
de la télévision qu’est La Quatrième                    sède, et qui n’est finalement autre           (Columbia Broadcasting System)
Dimension, ouvre chacun des épisodes.                   qu’une brèche temporelle qu’il a acci-        Origine : Épisode 6 de la série
                                                        dentellement pénétrée. Dans Les trois         Westinghouse Desilu Playhouse
Si Einstein associe le temps à la                       fantômes, trois astronautes reviennent        Date de diffusion : 10 novembre 1958
quatrième dimension dans sa théorie                     d’une sortie dans l’espace au cours           Avec : William Bendix, Martin Balsam,
de la relativité 1 , Serling désire                     de laquelle ils ont disparu des radars        Darryl Hickman, Jesse White...
esquisser une dimension qui serait                      plusieurs heures. Ils voient dès leur
celle de l’imagination : la Twilight                    retour leur appartenance à ce monde           LA PETITE FILLE PERDUE
Zone, titre original (de la série) libre-               remise en question. La réalité de leur        (LITTLE GIRL LOST)
ment traduit en français, qui révélait                  existence semble se dissoudre, comme
                                                                                                      1962, États-Unis, 25 min., n&b, sonore
davantage la volonté de Serling de                      siphonnée, projetée ailleurs, dans une        Scénario : Richard Matheson
représenter une « zone crépusculaire »                  sorte de transposition existentielle du       Réalisation : Paul Stewart
(twilight zone en anglais).                             trou noir, qu’ils ont peut-être approché      Saison 3, épisode 26
                                                        là-haut d’un peu trop près… Enfin,            Diffusion / Chaîne : CBS
Si la suite par épisodes est une des                    dans La petite fille perdue, une porte        Date de diffusion : 16 Mars 1962
caractéristiques du multiple à la télévi-               s’ouvre sur une dimension parallèle,          Avec : Charles Aidman...
sion, La Quatrième Dimension jette par                  un espace simultané, que franchit
ailleurs un regard fasciné sur le monde                 une fillette, s’égarant du coup dans sa       LES TROIS FANTÔMES
mystérieux des dimensions multiples,                    propre chambre. Le tout sur une bande         (AND WHEN THE SKY WAS
éclairant nos propres interrogations                    originale composée par Bernard Herr-          OPENED)
métaphysiques.                                          mann.                                         1959, États-Unis, 25 min., n&b, sonore
                                                                                                      Scénario : Rod Serling, d’après
                                                                                Charline Toulza       une nouvelle de Richard Matheson
                                                                                                      Réalisation : Douglas Heyes
1 Cf. MEYERSON Emile, La déduction relativiste, Payot, Paris, 1925, pp. 97-110. Meyerson mentionne   Saison 1, épisode 11
  dans sa recherche des antécédents classiques de la relativité einsteinienne, cette première idée    Diffusion / Chaîne : CBS
  du temps comme quatrième dimension, ainsi que sa reprise ultérieure par Lagrange.                   Date de diffusion : 11 décembre 1959
                                                                                                      Avec : Rod Taylor, Charles Aidman...
UNITÉ CONFORMITÉ UNIFORMITÉ
                   8 DÉCEMBRE 2021
Rhythm Len Lye
Tango Zbigniew Rybczynski
Le Village des damnés Wolf Rilla
Multiplication, production en série,                     tiques, interconnectés et dotés de          RHYTHM
uniformisation, autant d’explorations                    pouvoirs surnaturels : ils ne font qu’un.   Len Lye
conceptuelles qui rappellent la célèbre                  Nombreux sont les observateurs de
dispute entre Parménide et Héraclite,                    l’époque à avoir vu dans Le Village des     1957, Nouvelle-Zélande
entre l’immuabilité et l’imperma-                        Damnés, de par la sobriété de sa mise       1 min., n&b, sonore
nence des choses. Aussi, cette séance                    en scène et la profondeur esthétique
a-t-elle l’ambition d’explorer, dans le                  de son traitement de l’étrange, une         TANGO
principe même de multiplication, cette                   possible ouverture vers un cinéma de        Zbigniew Rybczyński
philosophie de l’un et du multiple.                      science-fiction « d’un genre plus litté-
                                                                                                     1981, Pologne
Rhythm capture, au rythme des ma-                        raire, substituant au fantastique visuel    8 min., coul., sonore
chines, les pulsations de l’usine : lieu                 un merveilleux purement intellectuel
où le moule produit des objets par na-                   fondé sur des extrapolations sociolo-       LE VILLAGE DES DAMNÉS
ture uniformes mais étrangers, origine                   giques, psychologiques ou morales »1.       (VILLAGE OF THE DAMNED)
matricielle de la toute puissante pro-
                                                                                                     Wolf Rilla
duction en série. Dans Tango, la mul-                    Rilla prend soin d’introduire, au sein
tiplication et le croisement de boucles                  de sa recherche minutieuse du na-           1960, Royaume-Uni
narratives diffusent la sensation que                    turel, un irrationnel suggestif ne          77 min., n&b, sonore
l’on ne se baigne jamais dans la même                    prenant visuellement corps que              Scénario : Stirling Silliphant,
image : toujours recommencés, les                        dans les yeux scintillants de ses jolis     Wolf Rilla et Ronald Kinnoch (sous
destins des personnages se croisent                      monstres à l’intelligence pétrifiante.      le pseudonyme George Barclay)
mais jamais ne se touchent. De son                       La toute-puissance de leurs regards
                                                                                                     Photographie : Geoffrey Faithfull
côté, Le Village des Damnés instaure                     uniformes et insensibles, voilà la
l’idée inquiétante d’une matrice utérine                 source de leur inhumanité glaçante.         Costumes : Eileen Sullivan, Ivan King
extraterrestre, déclinant ainsi à par-                   Ainsi, confrontés à la lente et inéluc-     Son : Cyril Swern
tir du concept de multiplication l’idée                  table uniformisation des têtes blondes      Effets spéciaux : Tom Howard
d’une uniformisation surnaturelle.                       et mis face à leur profonde altérité col-
                                                         lective, les « parents » se retrouvent      Musique originale : Ron Goodwin
Neuf mois après un inexplicable black-                   progressivement en proie à une cruelle      Montage : Gordon Hales
out qui frappe les habitants du village                  désillusion. Une mise en garde certaine     Production : Ronald Kinnoch pour MGM
de Midwich, les femmes accouchent                        face à l’uniformisation des psychés du
d’une série de bambins blonds aux                        monde moderne.                              Avec : George Sanders, Barbara Shelley,
                                                                                                     Martin Stephens, Michael Gwynn,
caractéristiques physiques iden-
                                                                                  Rémi Chazot        Laurence Naismith, John Phillips,
                                                                                                     Richard Vernon, Jenny Laird,
                                                                                                     Thomas Heathcote, Richard Warner,
1 T ÖRÖK Jean-Paul, « Le Village des Damnés, le massacre des innocents », Positif, n°48,            Susan Richards
  octobre 1962, p.70.
ALTER EGO
            15 DÉCEMBRE 2021
Faux-semblants David Cronenberg
« Le monstre c’est l’autre et le comble                 un : l’une des formes les plus simples          FAUX-SEMBLANTS
de la monstruosité c’est bien enten-                    et primaires de la multiplication se re-        (DEAD RINGERS)
du l’altérité absolue qu’est la simili-                 trouve problématisée dans ce film au            David Cronenberg
tude »1. Faux-semblants théorise ce                     travers de ces figures à la fois profon-
rapport à la dualité monstrueuse, à                     dément humaines et monstrueuses par             1988, Canada
                                                                                                        116 min., coul., sonore
travers l’histoire d’Elliott et Beverly,                leurs actes et leur interchangeabilité.
jumeaux identiques tous deux joués                      Les jumeaux sont eux-mêmes déchi-               Scénario : David Cronenberg
par Jeremy Irons, qui est dédoublé à                    rés entre aspiration à la séparation et         et Norman Snider, d’après le roman
l’image grâce à un artifice technique                   impossibilité de se détacher l’un de            Twins de Bari Wood et Jack Geasland
apparenté au split-screen, mais que                     l’autre.                                        Photographie : Peter Suschitzky
l’on s’efforce de rendre invisible. Le
                                                        Ici, le multiple est organique, issu de         Costumes : Denise Cronenberg
film évoque ce que Freud théorise
                                                        la division cellulaire (développant             Musique originale : Howard Shore
en 1919 comme étant « l’inquiétante
                                                        des jumeaux au moment de la ges-
étrangeté »2, ce sentiment d’inquié-                                                                    Montage : Ronald Sanders
                                                        tation) et de la division de l’écran (le
tude provoqué par une impression de
                                                        split-screen). Le monstrueux n’est              Production : The Mantle Clinic II (David
familiarité légèrement détournée, à                                                                     Cronenberg & Mark Boyman), Morgan
                                                        pas spectaculaire, comme on a l’ha-
l’instar du motif du doppelgänger : le                                                                  Creek Productions, TELEFILM Canada
                                                        bitude de le voir dans d’autres films
sosie, le double. Les jumeaux vivent de
                                                        de Cronenberg qui usent volontiers de           Avec : Jeremy Irons, Geneviève Bujold,
manière très fusionnelle, partageant
                                                        nombreux trucages très matériels, mais          Heidi von Palleske, Shirley Douglas,
vie professionnelle, appartement,
                                                        bien minimaliste, à l’image du mode de          Barbara Gordon, Stephen Lack
amantes… La possible indistinction ou
                                                        multiplication. Le multiple est médical,        Grand Prix du Festival du film
confusion des deux personnages donne
                                                        clinique, évoquant à la fois la vie... et       fantastique d’Avoriaz 1989, Prix Génie
lieu à la dimension proprement anxio-
                                                        la mort en puissance.                           du meilleur film 1989 par l’Académie
gène du film. Une fois deux ou deux fois
                                                                                                        canadienne du cinéma et de la
                                                                                Violette de La Forest
                                                                                                        télévision, Prix du meilleur acteur
                                                                                                        (Jeremy Irons) au festival FantasPorto
1 G RÜNBERG Serge, Entretiens avec David Cronenberg, Éditions de l’Étoile/Cahiers du cinéma,           1989
  Paris, 2000, p. 110.
2 C f. FREUD Sigmund, L’inquiétante étrangeté, Gallimard, Paris, 1985.
BODY SNATCHING
                 2 FÉVRIER 2022
L’Homme orchestre Georges Méliès
The Playhouse Buster Keaton, Edward Cline
L’Invasion des profanateurs
de sépultures Don Siegel
Cette séance, centrée sur le multiple         ultime dans les années 1950 : la colo-       L’HOMME ORCHESTRE
comme duplication visuelle, finit par         nisation par une forme de vie venue          Georges Méliès
relier les films au principe du clonage,      d’une autre planète.
investigué magistralement et sans                                                          1900, France
                                              Représentation d’un monde ambigu et          1 min., n&b, sil.
doute pour la première fois de manière
                                              inquiétant dans L’invasion des profa-
explicite dans la fameuse Invasion des
                                              nateurs de sépultures, sensible et           THE PLAYHOUSE
profanateurs de sépultures de Don
                                              comique dans The Playhouse, pure-
Siegel. Mais les infinies possibilités                                                     Buster Keaton, Edward Cline
                                              ment formel dans L’homme orchestre,
du dédoublement permettaient déjà à
                                              ces films interrogent, par la repro-         1921, États-Unis
Georges Méliès, campant un facétieux
                                              duction à l’identique de la personne         23 min., n&b, sil.
chef d’orchestre, de se multiplier afin
                                              humaine, non seulement le statut
de former un ensemble musical. Elles                                                       L’INVASION DES PROFANATEURS
                                              du double mais le rapport des autres
permettaient aussi à Buster Keaton                                                         DE SÉPULTURES (INVASION
                                              personnages à ce dernier.
dans The Playhouse de jouer de ses                                                         OF THE BODY SNATCHERS)
propres doubles, s’appropriant tout à         Mais comme le prévient l’un des              Don Siegel
la fois la scène et le public d’un théâtre.   personnages du film de Don Siegel
                                              en déclarant : « demain, tu seras            1956, États-Unis
Adapté d’un récit paru dans un maga-
                                              identique à tous les autres », dans          80 min., n&b, sonore
zine, Invasion of the Body Snatchers
                                              le clonage, ou la substitution, s’il n’y     Scénario : Daniel Mainwaring
dépeint l’histoire d’un médecin qui
                                              a pas de transformation, il y a une
réalise que la population de sa petite                                                     Photographie : Ellsworth Fredericks
                                              modification ; où il s’agit de gagner, ou
ville est progressivement remplacée                                                        Décors : Joseph Kish
                                              surtout de perdre, quelque chose : une
par des doublons extraterrestres. Le
                                              identité.                                    Son : Ralph Butler
film, sorti aux Etats-Unis en 1956, joue
ainsi sur la coexistence de plusieurs                             Aurore Fleutot Hovezak   Effets spéciaux : Milt Rice,
univers, et donne forme à une angoisse                                                     Don Post (non crédité)

                                                                                           Musique originale : Carmen Dragon

                                                                                           Montage : Robert S. Eisen

                                                                                           Producteur : Walter Wanger

                                                                                           Avec : Kevin McCarthy, Dana Wynter,
                                                                                           King Donovan, Carolyn Jones, Larry
                                                                                           Gates, Jean Willes, Sam Peckinpah
DI-VERSIONS
              9 FÉVRIER 2022
Sortie(s)
de l’usine Lumière Louis & Auguste Lumière
Anémic cinéma Marcel Duchamp
Le Lion des Mogols Jean Epstein
Non pas une mais des Sortie(s) de                        fragilisant le concept même d’original.      SORTIE DE L’USINE [I]
l’usine Lumière. Ainsi la question du                    Les frères Lumière introduisaient quant      (VUE N° 91,1)
multiple est-elle partout au cœur des                    à eux dès leurs premiers films, de           SORTIE DE L’USINE [II]
débuts industriels du cinéma. D’abord                    manière innocente et pour différents         (VUE N° 91,2)
bien sûr, comme nous l’apprend                           besoins, un autre principe de version :      SORTIE DE L’USINE [III]
Benjamin, parce que le cinéma met                        le remake ; commettant sur deux ans          (VUE N° 91,3)
fin – avec la photographie – au principe                 quatre occurrences des fameuses              SORTIE DE L’USINE [IV]
d’unicité et d’aura de l’œuvre d’art à                   Sortie(s) qui ont fait sur le XXème siècle   (VUE N° 91,4)
une ère devenue celle de la reproduc-                    l’objet de tant de questionnements.
                                                                                                      Louis & Auguste Lumière
tibilité technique. Ensuite parce qu’elle
                                                         La dernière version du Lion des Mogols
ouvre une nouvelle époque culturelle.                                                                 1895 - 96 - 97, France
                                                         a été établie à partir d’un négatif
La simplicité de la production et de                                                                  1 min. environ, n&b, sil.
                                                         original nitrate acquis par la Cinéma-
la reproduction mécanisée, ainsi que
                                                         thèque Française et d’une copie teintée
celle des interventions sur les objets                                                                ANÉMIC CINÉMA
                                                         d’époque en format réduit Pathé Baby1
qui en découlent, va également auto-
                                                         produite pour une distribution dans          Marcel Duchamp
riser la prolifération – pour de multi-
                                                         les pays hispanophones. Le tournage
ples raisons (commerciales, idéolo-                                                                   1925, 8 min., n&b, sil., France
                                                         simultané, à plusieurs caméras, était
giques accidentelles, malveillantes…)
                                                         généralement adopté par la société
– d’occurrences distinctes de l’original.
                                                         Albatros productrice du film. Ce proto-      LE LION DES MOGOLS
C’est notamment l’aventure exemplaire                    cole de réalisation de multiples simul-      Jean Epstein
du film de Marcel Duchamp Anémic                         tanés spécifique à cette époque du
Cinéma, dont l’auteur découvre trente-                   « muet » est d’ailleurs visible dans le      1924, France
cinq ans plus tard qu’il circule affublé                 film lui-même qui prend place dans les       106 min., n&b teinté, sonore
de plans inconnus, attribués finalement                  coulisses du milieu cinématographique        Scénario : Jean Epstein,
à Eisenstein (!). La malice de l’artiste                 parisien.                                    d’après une idée d’Ivan Mosjoukine
– après qu’il ait le premier institué la                                                              Décors : Alexandre Lochakoff
                                                                             Grégoire Quenault
pratique du détournement – l’enjoint                                                                  Costumes : Boris Bilinsky
à valider également la contrefaçon,                                                                   Montage : Jean Epstein
                                                                                                      Production : Films Albatros
                                                                                                      Date de sortie : 24 décembre 1924
1 Retrouvée par la Cineteca de la Universidad de Chile
                                                                                                      Avec : Ivan Mosjoukine,
                                                                                                      Nathalie Lissenko, Camille Bardou,
                                                                                                      Alexiane, Louis Zellas, François Viguier,
                                                                                                      Joe Alex, Vouthier, Henri Prestat...
REPRISES
           16 FÉVRIER 2022
Au travers des oliviers Abbas Kiarostami
Par un enchevêtrement de plusieurs                       Ainsi le monde proposé au public n’est               AU TRAVERS DES OLIVIERS
dimensions, la « Trilogie de Koker »                     ni unifié, ni clivé, mais multiple. À ce             (ZIRE DARAKHATAN ZEYTON)
d’Abbas Kiarostami semble nous                           propos, Véronique Campan semble                      Abbas Kiarostami
proposer une forme cubiste profondé-                     envisager le geste de reprise comme
ment cinématographique. Tout part du                     étant au cœur de la démarche créative                1994, Iran
                                                                                                              103 min., coul., sonore
premier film, Où est la maison de mon                    du cinéaste iranien : « On se reprend
ami ? (1987) dans lequel nous suivons                    […] pour s’exercer, pour améliorer                   Scénario, montage et décors :
l’histoire de deux jeunes enfants de                     une prestation, ou pour en proposer                  Abbas Kiarostami
la région de Koker. Dans le deuxième                     une approche nouvelle, dans un effort                Photographie :
film, Et la vie continue (1992), c’est de                tendu vers l’accomplissement, la mise                Hossein Jafarian, Farhad Saba
leur vraie vie dont il est question, sans                au point d’une représentation. On
                                                                                                              Son : Hossein Moradi, Yadollah Najafi,
pour autant basculer dans le documen-                    peut aussi concevoir l’acte de répéter               Mahmoud Samakbashi
taire. Le troisième film, Au travers des                 comme l’exploration, sans autre fin
oliviers (1994), nous invite à plonger                   qu’elle-même, des diverses formes                    Sociétés de production :
                                                                                                              Abbas Kiarostami Productions,
dans le moment du tournage via l’his-                    que pourrait prendre une œuvre.
                                                                                                              Ciby 2000, Farabi Cinema Foundation
toire d’une union impossible entre les                   Répéter n’est plus alors un parcours
jeunes Tahereh et Hossein.                               orienté, mais le libre développement                 Musique : Amir Farshid Rahimian,
                                                         de versions alternatives »1.                         Chema Rosas
Au sein de cette trilogie, l’entremêle-
                                                                                                              Avec : Mohamad Ali Keshavarz,
ment des espaces diégétiques passe                       Autrement dit, il s’agit d’envisager
                                                                                                              Farhad Kheradmand, Zarifeh Shiva,
donc par la mise en avant du faux, à                     ces trois films non pas comme des
                                                                                                              Hossein Rezai, Tahereh Ladanian
savoir de la mise en scène. Cependant,                   œuvres finies ou univoques mais bien
au lieu de proposer une dichotomie                       plutôt comme une tentative de saisir
réel/fiction, c’est-à-dire l’effacement                  les multiples aspects ou faces d’un
d’une dimension d’un monde par une                       réel dans lequel le processus de créa-
autre, Kiarostami préfère maintenir                      tion cinématographique lui-même est
ses films, et notamment Au travers des                   imbriqué.
oliviers, dans une tension irrésolue.                                             Vincent Jondeau

1 C AMPAN Véronique, « Le geste de se reprendre ou la répétition comme méthode
  dans le cinéma d’Abbas Kiarostami », dans MOUËLLIC Gilles & LE FORESTIER Laurent (dir.), Filmer l’artiste
  au travail, PUR, Rennes, 2013, p. 209.
À CHOIX MULTIPLE(S)
                      23 FÉVRIER 2022
Film au choix

Smoking /
No smoking Alain Resnais
Exercices de style rigoureux et fasci-     dans son ouvrage Différence et répé-        SMOKING
nants dans leur construction, les deux     tition, affirme que le choix multiple       Alain Resnais
films de Resnais sont des exemples         est une succession de rythmes, de
typiques de « films multiples », propo-    musiques ou d’objets qui entretiennent      1993, France
sant six fins différentes à un début       ensemble un rapport de « temporalisa-       140 min., coul., sonore
commun : elle fume / elle ne fume pas.     tion » plutôt que de relever de l’addi-     Scénario : Agnès Jaoui,
Smoking / No smoking, adapté de six        tion.                                       Jean-Pierre Bacri
des huit pièces du dramaturge anglais                                                  Photographie : Renato Berta
                                           Magnifique réflexion sur les possibles
Alan Ayckbourn, met en scène l’histoire
                                           de l’existence, cette forme extraordi-      Décors : Jacques Saulnier
d’une série de personnages, exclusive-
                                           naire de mise en scène met pourtant
ment interprétés par deux comédiens                                                    Costumes : Jackie Budin
                                           en exergue des problèmes ordinaires :
(Pierre Arditi et Sabine Azéma), dans                                                  Son : Bernard Bats
                                           histoires d’amour perdues, qui se
un petit village du Yorkshire. Les deux
                                           consolent dans l’alcool chez l’un et dans   Musique originale : John Pattison
œuvres jouent sur le « cela... ou bien
                                           l’infidélité chez l’autre. Les person-
cela » : chaque décision des person-                                                   Montage : Albert Jurgenson
                                           nages se cherchent sans vraiment
nages devient une bifurcation possible                                                 Production : Vega Film AG, Arena Films,
                                           se trouver et se croisent sans jamais
dans la narration. Se tissent alors                                                    Caméra One, France 2 Cinéma,
                                           s’apercevoir. Comme si la vie était un
autant de possibles qu’il y a de gestes,                                               Canal+, Alia Films, Cecchi Gori
                                           long fleuve invariablement compromis.
de paroles et de désirs.                                                               Avec : Pierre Arditi et Sabine Azéma
                                                               Laure Balka             (jouant tous les personnages),
Véritable réflexion sur le temps, cette
œuvre se construit comme un arbre se                                                   et Peter Hudson (la voix du narrateur)

ramifie. Le philosophe Gilles Deleuze,                                                 Distinctions : Prix Louis-Delluc (1993)
                                                                                       et César du meilleur film (1994)

                                                                                       NO SMOKING
                                                                                       Alain Resnais

                                                                                       1993, France
                                                                                       145 min. , coul., sonore
RÉPÉTITIONS / VARIATIONS
                           9 MARS 2022
En présence de Marc Plas
Hommes nus
(mouvements divers)
Étienne-Jules Marey
                                                                Home Stories Matthias Müller
Ballet mécanique                                                Berlin Horse Malcolm Le Grice
Fernand Léger & Dudley Murphy                                   Péribole Marc Plas
Film-Montagen II Peter Roehr                                    Crossroads Bruce Conner

La question du multiple est intrinsè-       l’esprit qui la contemple »1. Patrick de    HOMMES NUS (MOUVEMENTS DIVERS)
quement liée aux principes fonda-           Haas avait fait une juste analyse de la     Étienne-Jules Marey
mentaux du cinéma. Le mouvement             première de ces expériences cinéma-         1891-93, 4 min., n&b, sil., France
de l’image nait dans celle-ci d’un          tographiques 2, expliquant comment          BALLET MÉCANIQUE
différentiel d’avec l’image précédente.     elle revenait à distancier le spectateur,   Fernand Léger & Dudley Murphy
Pourtant ce qui y change est infiniment     le focalisant davantage sur la répéti-      1924-25, 18 min., n&b teinté,
moins important que ce qui demeure.         tion elle-même, et sur la forme qu’elle     sonore, num., France
La permanence de l’existant permet          prend, que sur les fameuses montées
                                                                                        FILM-MONTAGEN II
non seulement la stabilité des formes       d’escalier ; constatation qui vaut bien     Peter Roehr
et des figures mais, paradoxalement, la     plus encore pour les successions de         1965, 7 min., n&b, sil., 16mm,
perception du différend ; ce que parmi      publicités des films de Roehr.              Allemagne
d’autres recherches pionnières les films
                                            La répétition est partout, qui se cache     HOME STORIES
de Marey exemplifient parfaitement.
                                            jusque dans la rhétorique hollywoo-         Matthias Müller
Les expérimentations réalisées dans
                                            dienne, comme le montre Matthias            1991, 6 min., coul., sonore, 16 mm,
le cadre du cinéma expérimental nous
                                            Müller. Et elle procède d’une formi-        Allemagne
apprennent que le changement absolu
                                            dable potentialité plastique et visuelle
d’une image à l’autre apporte non pas                                                   BERLIN HORSE
                                            dès lors que dans le Péribole de Marc       Malcolm Le Grice
plus de mouvement mais au contraire,
                                            Plas ou le Berlin Horse de Malcolm          1970, 9 min., coul., sonore,
paradoxalement, des formes spéci-
                                            Le Grice, elle accueille les variations     16 mm, Royaume-Uni
fiques de mobilités statiques, liant
                                            et une série de déclinaisons colo-          Musique : Brian Eno
autrement le rapport du continu au
                                            rées artisanales et chatoyantes. Elle
discontinu et déliant celui de l’analyse                                                PÉRIBOLE
                                            devient tout simplement fascinante
à la synthèse.                                                                          Marc Plas
                                            dans le Crossroads de Bruce Conner, qui     2007, 2 min. 20, coul., sonore, num.
Dans une démarche inverse, d’autres         agence les prises simultanées de tests      France
cinéastes ont investi la stricte répé-      réalisés par l’armée américaine à l’aide
tition des plans. La simple réitération     de cinq-cents caméras - jusqu’alors         CROSSROADS
                                                                                        Bruce Conner
du plan fameux de la lavandière de          classées « secret défense » - et où
                                                                                        1976, 36 min., n&b, sonore, num,.
Montmartre montant ses escaliers dans       un gigantesque champignon nucléaire
                                                                                        États-Unis
le Ballet mécanique de Fernand Léger        renait à l’infini. La musique minimale
                                                                                        Mus. originale : P. Gleeson et T. Riley
avait pour fonction affichée d’exas-        américaine, dite en France répétitive,
pérer le spectateur. Les Film-Montagen      reposant sur des principes analogues,
de Peter Roehr tentaient eux d’une          accompagne merveilleusement ces             1 Assertion de 1739, commentée par
                                                                                          Gilles Deleuze dans Différence et
certaine manière de vérifier la formule     deux derniers opus pour en faire des          répétition (Paris, PUF, 1968)
du philosophe David Hume : « la répé-       expériences hypnotiques et absolues         2 Patrick DE HAAS in Cinéma intégral,
tition ne change rien dans l’objet qui se   de cinéma !                                    de la peinture au cinéma dans
                                                                                           les années vingt, éd. Transédition,
répète mais change quelque chose dans                           Grégoire Quenault          Paris, 1985, p. 24.
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