DÉSÉQUILIBRE guide de l'exposition FFrançais - Museum Dr Guislain
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DÉSÉQUILIBRE guide de l’exposition FFrançais
CORPS ET ESPRIT A aussi vite que possible; bientôt son souci majeur et toute sa jouissance consiste- Anonyme, By veele zit de kei in ’t hooft ront uniquement en promenades à la om dat men in de wind gelooft, 1720, campagne. » gravure. Collection Nauta, Rotterdam L’extraction de la pierre est un motif Appareil à électrochocs, de la littérature de la fin du Moyen-Âge : s.d., bois et métal. un charlatan fait croire à quelqu’un Musée Dr. Guislain, Gand qu’il peut le guérir de sa stupidité en À partir du dix-neuvième siècle extrayant une pierre de sa tête. Ce fut un l’électricité était utilisée pour manipuler symbole de crédulité ou de sottise. L’on les nerfs. Dans les années 1930 les chocs croyait aussi que l’extraction de la pierre électriques semblaient avoir un effet pouvait guérir également de la folie. bénéfique sur des dépressions et des La pratique partait de la supposition symptômes de schizophrénie. La selon laquelle un insecte, une araignée, thérapie à électrochocs était appliquée une mouche ou un scarabée s’installaient massivement et est aujourd’hui encore dans la tête en passant par les narines appliquée — bien que sous anesthésie. pour s’y transformer en une pierre qui Plusieurs fois de nouvelles thérapies rendait folle la personne. Des charlatans expérimentales étaient découvertes par voyageurs auraient tiré profit de cette hasard. Étant donné que des malades croyance populaire en extrayant soi- mentaux agités semblaient plus gérables disant la pierre lors des foires et des après de la forte fièvre, on injectait du marchés. sang de personnes souffrant de malaria afin de créer artificiellement de la fièvre. Anonyme, Paysage, 18ième siècle, Le médecin autrichien Manfred Sakel huile sur toile. Archives Gand (1900–1957) a remarqué que des patients Joseph Guislain (1797–1860) schizophrènes se portaient mieux après voyait une utilité thérapeutique dans un coma. La thérapie à l’insuline visait la peinture d’après nature. Elle incitait à un effet similaire. Une dose d’insuline le malade à se trouver au grand air et baissait le taux de sucre et mettait le avait une incidence sur sa guérison. patient dans un état comateux. Après il Guislain réalisa lui-même une collection était réveillé avec une solution sucrée. d’art qui comportait, entre autres, beaucoup de paysages, mais aussi des B natures mortes, des portraits et des représentations religieuses. Balnéothérapie, 1ière moitié « En peinture le malade préférera du 20ième siècle, photo. en priorité le genre des paysages et des Musée Dr. Guislain, Gand scènes marines. […] Cette distraction Des bains et des douches ont un mène naturellement à une autre. Le effet salutaire et apaisant. Cette con moindre progrès chez le peintre, pro- viction existant depuis des siècles est voque son désir de consulter la nature mise en œuvre au début du vingtième CORPS ET ESPRIT
siècle par des psychiatres qui font Pierre Camper, Dissertation physique, des expériences avec l’intention, la 1791, Utrecht. Musée Dr. Guislain, Gand fréquence et la durée des sessions de Le médecin néerlandais Petrus balnéothérapie. Des patients agités Camper (1722–1789) a attiré l’attention sont traités avec des bains à l’eau tiède sur l’angle facial, qui déterminait si une pendant des heures ou parfois pendant personne était plus proche du singe, d’un des jours entiers. Cela aurait des effets peuple primitif ou de l’Européen blanc. positifs sur l’humeur, le sommeil et L’angle facial apparaît en reliant, sur le l’appétit. Des sessions de douches crâne, le profil de la racine du nez et le froides et chaudes auraient des effets canal auditif par des lignes imaginaires calmants. Des objections éthiques aux incisives avant de la mâchoire mettent fin aux hydrothérapies et ini- supérieure et la partie la plus saillante tient le chemin vers la redécouverte du front. Les statues grecques avaient de la thérapie de travail plus active. l’angle le plus marqué, les singes le plus petit. Bien que Camper insiste sur le C fait que cela n’avait qu’une signification physique — pratique pour les dessins — Santiago Ramón y Cajal, de nombreux anthropologues et phréno- Dessin de cellules nerveuses dans : logues en ont tiré des conclusions plus Trabajos del Laboratorio de investi poussées. gaciones biológicas de la Universidad de Madrid, 1911, Madrid. Crâne phrénologique, 19ième siècle, Musée Dr. Guislain, Gand os et encre. Musée Dr. Guislain, Gand Selon Santiago Ramón y Cajal D’après le médecin viennois Franz (1852–1934), père de la science neuro Joseph Gall (1758–1828), il était possible logique moderne, les cellules du cerveau de lire la personnalité intérieure à partir étaient des agglomérats qui entrent des bosses sur le crâne. Gall a dressé une continuellement en contact afin de carte du cerveau qui localisait ces bosses passer des informations. Jusqu’alors pour déterminer des traits de caractère. on croyait que le système nerveux était Un trait de caractère très marqué se une seule structure sans composantes reconnaissait à une protubérance sur isolées. Les dessins précis et esthétiques le crâne, tandis que les caractéristiques de sa Revista trimestral de histologia moins développées n’étaient pas per normal y patologica (1888) sont devenus ceptibles. Gall considérait les crânes célèbres dans le monde entier et avaient de génies, de criminels et de malades un grand impact sur le développement mentaux comme le matériel d’étude de la science neurologique. Sa théorie le plus intéressant, car ils avaient les s’avérait correcte : c’est par des signaux caractéristiques les plus marquées. électriques que les cellules du cerveau La phrénologie est devenue une ten- communiquent entre elles et qu’elles dance à la mode dans le monde occi parlent dans notre tête. dental. Les employeurs faisaient même appel à des phrénologues pour tester les candidats. CORPS ET ESPRIT
D Denmark, Headlines, 1994, encre noire sur papier buvard blanc. Mark De Fraeye, Mongolia, Male & Musée Dr. Guislain, Gand Female Shaman, 1998, photo. La quantité de livres et de matériel Collection De Fraeye-Verburg. Fondation documentaire empilée le long des murs Roi Baudouin. Musée Dr. Guislain, Gand de la chambre de Denmark (1950) après Le chaman, auquel on attribue des ses études d’histoire de l’art, ne lui ont pouvoirs médicinaux, forme le lien entre pas apporté la sérénité espérée. Au début deux mondes. En pratiquant certains des années septante, en réaction au flux rituels, il est capable d’entrer en contact d’information ingérable, il a commencé avec des aïeux ou des esprits. Une mu- à découper, plier, compresser et encoller sique répétitive, une danse et des rituels des livres, des journaux et des maga- permettent d’atteindre un état de transe zines, qu’il transformait en sculptures qui ouvre la porte du monde des esprits. et en installations. Headlines est une Bien souvent, personne à part le chaman déclaration visuelle qui peut être lue ne comprend quels sont les signes que sur le bord des installations d’archives. les esprits envoient vers ce monde. L’œuvre se compose de 365 impressions Ceux qui sont accablés par une grande méticuleuses différentes de son front, souffrance psychique, utilisent parfois à l’encre noire sur papier buvard blanc. cette pratique. Dans certaines cultures, À l’aide de cachets, 24 activités céré- le chamanisme coexiste aux côtés brales ont été frappées dans le bas du d’autres croyances religieuses. papier, comme classifying, deciding, desiring, doubting, fearing, forgetting, Giambattista della Porta, Della fisio knowing, understanding. nomia di tutto il corpo humano, 1637, Rome. Musée Dr. Guislain, Gand Rembert Dodoens, Cruydt-Boeck, Cette réédition de l’œuvre standard 1608, Anvers. Musée Dr. Guislain, Gand de Giambattista della Porta (1535–1615) Dans son Cruydt-Boeck (Livre des de 1586 comprend de nombreuses com- herbes, 1608), le médecin et botaniste paraisons homme-animal. Il s’appuyait Rembert Dodoens (1517 ou 1518–1585) sur les idées d’Aristote qui considérait a fait un classement de différentes la tête comme le siège de la conscience plantes et de leur « potentiel ». Il accordait et le visage comme le miroir de l’âme. un grand intérêt aux vertus médicinales Les théories de Della Porta présentent du romarin et de la lavande par exemple, un lien avec les idées contemporaines deux ingrédients d’une recette de « sirop sur l’épilation des sourcils. Des sourcils pour la folie » datant du seizième siècle. droits sont un signe de bonté, des sour- Les expériences avec les mélanges cils ascendants de sens de l’humour d’herbes se sont poursuivies au siècle mais aussi d’hypocrisie. Quant aux suivant, également dans un contexte yeux largement écarquillés, ils feraient psychiatrique. Des plantes comme la référence à l’effronterie. valériane et le millepertuis, mais aussi l’arum des marais, ont été utilisées durant des siècles dans le traitement des maladies mentales. Au milieu du vingtième siècle, son composant CORPS ET ESPRIT
réserpine était même distillé pour être été appliquée à de multiples reprises intégré dans des médicaments comme par le neurologue américain Walter le Serpasil, administré chez les patients Freeman (1895–1972), n’était pas sans psychotiques et trop tendus. risques. Bien que la lobotomie semblât pouvoir guérir la dépression ou l’anxiété, Guillaume Duchenne de Boulogne, le patient perdait bien souvent ses Electrothérapie, milieu 19ième siècle, émotions et la conscience de soi. réproduction. Le neurologue français Guillaume G Duchenne (de Boulogne) (1806–1875) fut un des fondateurs des recherches sur Francisco José de Goya y Lucientes, la stimulation électrique des muscles. Patio avec des fous, 1793–1794, Il utilisait de l’électricité non seulement reproduction. comme thérapie, mais aussi comme un Francisco de Goya (1746–1828) fit moyen pour étudier l’anatomie du corps. de nombreuses œuvres représentant Ses photos iconiques montrent comment des malades mentaux. La peinture Patio il provoque des expressions de visage avec des fous fut conçue en 1793–1794 chez des personnes d’essai au moyen de lors d’une visite à un asile pour aliénés stimulation électrique. Ainsi il découvrit à Saragosse. L’œuvre est non seulement que lors d’un sourire spontané ce ne sont une critique latente sur le traitement pas uniquement les muscles autour des de malades mentaux, mais tout aussi coins de la bouche qui se mettent en bien une recherche sur ce que c’est marche, mais aussi les muscles autour la folie précisément. Ainsi les visages des yeux. Ce sourire sincère est aussi des deux personnages sur le devant appelé sourire Duchenne. de la scène montrent des expressions typiques de folie. Les regards du reste F des personnages sont dirigés vers deux hommes en train de lutter. Le peintre Walter Freeman, Lobotomie dans : les représente dans une pose classique, Psychosurgery in the Treatment of qui irradie de la force. Par leur position Mental Disorders and Intractable Pain, à l’intérieur d’un environnement 1950, Oxford. Musée Dr. Guislain, Gand emmuré et obscur il pose la question Pendant la première moitié du de savoir comment un être humain, vingtième siècle, les psychiatres qui physiquement fait preuve d’une pensaient que lorsque les troubles psy- force et d’une bonne santé, peut chiques étaient ancrés dans le corps, néanmoins avoir un esprit faible. des traitements expérimentaux agissant directement sur le corps pouvaient offrir une solution. L’électrothérapie est connue et toujours utilisée de nos jours, tandis que la lobotomie n’a plus bonne réputation. Dans cette intervention, les liaisons entre les lobes frontaux du cerveau et le tronc cérébral sont coupées. Cette technique, qui a surtout CORPS ET ESPRIT
H sa carrière, il est parti du principe que chaque maladie pouvait être ramenée Hippocrate, Magni Hippocratis à un défaut physique. Par la suite, il medicorum omnium facile principis, s’est intéressé à la « vie spirituelle in- opera omnia quae extant, 1657, soupçonnée » et aux idées de Freud sur Genève. Musée Dr. Guislain, Gand l’inconscient. Gerbrandus Jelgersma Selon Hippocrate (ca. 460–370 complétait ainsi ses connaissances av. J. Chr.) la cause de la maladie résida neurologiques et anatomiques avec des dans un déséquilibre des fluides corpo- opinions d’autres disciplines agissant rels. Ceci pouvait être dû à la conduite, depuis une perspective psychique. telle qu’une consommation excessive d’alcool, ou à des facteurs externes, Viviane Joakim, de la série Secrets comme le temps. Il était important de of Souls, 2004-2005, photo. faire le diagnostic juste sur base de re- Musée Dr. Guislain, Gand cherches simples, par exemple par une Le canapé est l’une des images les imposition des mains en cas de fièvre. plus iconiques de la psychothérapie. Le médecin constate les caractéris- Depuis la talking cure de Sigmund Freud tiques : froid ou chaud par opposition (1856–1939), le canapé est devenu une à sec ou humide. La combinaison déter- composante essentielle du cabinet de minait de quel fluide corporel il s’agissait psychothérapie. Dans la thérapie de la et où l’on pouvait faire agir la cure. Il parole, l’association libre permet d’arri- n’y avait aucune question d’une division ver jusqu’à des motifs inconscients. entre le corps et l’esprit. Par ses opinions Tout analysant comprend rapidement biologiques concernant le caractère que la condition à l’association libre du malade mental, Hippocrate est le — la levée de tous les freins dans le premier à rompre avec des déclarations discours — n’est pas simple. La psy faisant partie de la sphère des mauvais chanalyse a été le principal précurseur esprits et des puissances supérieures. de nombreuses formes de thérapie par la parole qui, au vingtième siècle, J allaient de plus en plus s’orienter sur l’esprit, le comportement et la parole. Gerbrandus Jelgersma, Atlas anato En 2004 et 2005, Viviane Joakim micum cerebri humani. 168 doorsneden a photographié des cabinets de van menschelijke hersenen, 108 licht psychiatres, de psychologues et de drukplaten naar photographische psychanalystes pour les regrouper opnamen van praeparaten, 1931, dans la série Secrets of Souls. Amsterdam. Musée Dr. Guislain, Gand Gerbrandus Jelgersma (1859–1942) K est connu pour ses recherches neuro anatomiques et le célèbre atlas du cer- Fritz Kahn, Infographie du corps veau auquel il a travaillé durant 25 ans. humain dans : Het leven van de L’anatomie cérébrale jouait un rôle mens, 1939, Amsterdam. majeur dans sa réflexion sur les affec- Musée Dr. Guislain, Gand tions telles que la neurasthénie, l’hysté- Le médecin juif né en Allemagne rie, la chorée et l’épilepsie. Au début de Fritz Kahn (1888–1968) était un pionnier CORPS ET ESPRIT
de l’infographie. Cette méthode recourt L à des dessins pour transmettre des informations. Dans un certain sens, Livre des statistiques Sint-Jozefhuis, Fritz Kahn est le précurseur de la 1851, papier. Maison du patrimoine Sœurs célèbre série française d’animation Il de la Charité JM, Gand était une fois ... la Vie, qui expliquait Joseph Guislain (1797–1860) croyait aux enfants le fonctionnement du en une combinaison de moyens théra- corps humain. Les livres Das Leben peutiques, tels des bains ou le grand air, des Menschen étaient particulièrement mais aussi l’isolement et la médication. populaires et ont été traduits à de Une subdivision entre des méthodes multiples reprises. Fritz Kahn parvenait corporelles et spirituelles était, selon à visualiser des aspects complexes du lui, inutile, car « si l’opium fait chanter fonctionnement du corps humain par le patient est-ce alors un médicament des dessins compréhensibles. Comme psychique ? Et si l’opium fait dormir le les livres de beaucoup d’érudits et malade est-ce alors un médicament d’écrivains juifs, les nazis ont brûlé ses physique ? » Dans un livre de statistiques livres durant la Nuit de Cristal. Après de 1851 il est décrit comment un kilo la guerre, son œuvre a été plusieurs et demi d’opium servait de traitement fois réimprimée, sauf en Allemagne. pour treize patients. Quarante grammes de digitale pourpre étaient administrés Mathew Kneebone, de la série comme calmant à une patiente ma- Mechanical Systems Drawing, 2016, niaque. Le crâne rasé était enduit électrographique IBM et crayon graphite plusieurs fois avec de la baume à base sur papier. Musée Dr. Guislain, Gand de saindoux. Étaient fréquents aussi Au dix-neuvième siècle, les spiri les traitements avec du vin au quinquina tualistes croyaient au lien entre les rouge, du mercure, de la valérienne, champs magnétiques et « l’énergie vitale » du iodure et du sulfate de cuivre ou de humaine. D’après eux, le corps humain quinine. avait un rayonnement magnétique invisible, également appelé aura, qui Albert Londe, Note sur l’application influençait l’état émotionnel et spirituel de la méthode de M. Roentgen, d’une personne. Les Techbanes d’au- dans: Nouvelle Iconographie de jourd’hui pensent qu’une force éner la Salpêtrière, tome 9, 1896, Paris. gétique trop active dans leur corps Musée Dr. Guislain, Gand perturbe le champ magnétique. Une Jusqu’à la fin du dix-neuvième promenade à l’extérieur peut faire siècle, seule l’autopsie permettait vaciller une lumière publique ou régler d’examiner l’intérieur du corps humain. un autoradio sur une autre fréquence. Lorsque Wilhelm Röntgen (1845–1923) Les œuvres de Mathew Kneebone (1982) découvrit les rayons X en 1895, les étudient la façon dont nous nous com- psychiatres et les neurologues se sont portons par rapport aux innovations immédiatement montrés intéressés : technologiques. « Dès que la fabuleuse découverte de M. Roentgen fut publiée, nous avons voulu reproduire les expériences de ce scientifique étranger qui, au vu des CORPS ET ESPRIT
implications en physique pure, doit sur un polytome pour la recherche témoigner d’applications en médecine neuroanatomique. Cet appareil, fait de et en chirurgie. […] Nous poursuivons fer rouillé et d’éléments destinés à la ces expériences et espérons en apporter construction, découpait de fines coupes la preuve aux lecteurs de la Nouvelle du cerveau qui étaient ensuite étudiées Iconographie de la Salpêtrière à propos au microscope. André Dewulf a fait des de différents sujets relatifs à diverses recherches innovantes sur la structure lésions osseuses, ou des fractures pour de l’hypothalamus. Grâce aux connais- lesquelles nous cherchons des corps sances de la physique contemporaine, étrangers là où il était auparavant im nous avançons aujourd’hui dans l’étude possible de déterminer la localisation. » du cerveau. Les neuroscientifiques peuvent approfondir leurs recherches Albert Londe, Suggestions par les sens et utiliser diverses techniques pour dans la période cataleptique du grand mener des études plus spécifiques et hypnose, in: Nouvelle iconographie plus ciblées. de la Salpêtrière, tome 4, 1891, Paris. Musée Dr. Guislain, Gand James Tilly Matthews, The Air Loom « Après l’avoir hypnotisée, nous dans : John Haslam, Illustrations of avons placé un verre rouge devant ses Madness: Exhibiting a Singular Case yeux. Une grande angoisse est immé of Insanity, and a No Less Remarkable diatement apparue sur son visage. Elle Difference of Medical Opinion: Develo lève les bras, et ses yeux, qui regardent ping the Nature of Assailment, and the au loin, semblent observer un spectacle Manner of Working Events; with a Des atroce (Pl. VI, fig. 1). Verre bleu. — Elle cription of the Tortures Experienced by lève les yeux au ciel, joint les mains Bomb-Bursting, Lobster-Cracking and en l’air dans une attitude de prière et Lengthening the Brain. Embellished finit par s’agenouiller. (Pl. VI, fig. 2). with a Curious Plate, 1810, Londres. Verre jaune. — Elle fronce les sourcils, Bethlem Museum of the Mind, Kent cligne des paupières et place ses mains James Tilly Matthews (1770–1815) en écran devant ses yeux, comme si croyait qu’un appareil appelé « The elle voulait se protéger d’une lumière Air Loom » perturbait et contrôlait son trop forte. » corps et son esprit. Ce faiseur de thé londonien fut admis à l’hôpital psychi- M atrique de Bethlem en 1797. Il fit des dessins et des descriptions méticuleuses Machine à découper le cerveau de l’appareil. Selon lui, The Air Loom du professeur André Dewulf, 20ième était contrôlé par « the Glove Woman », siècle. Musée Dr. Guislain, Gand « Sir Archy », « Jack the Schoolmaster » Au milieu des développements et « The Middleman » : une bande qui technologiques dans le domaine de non seulement le torturait à distance, l’imagerie médicale, comme la radiologie mais dessinait aussi sans cesse ce qu’il et le scanner cérébral, le professeur faisait. Ou comment le psychotique André Dewulf (1903–2000) travaillait, invente des alternatives pour nommer dans un grenier du Centre universitaire et comprendre ses illusions et ainsi psychiatrique Sint-Kamillus de Bierbeek, structurer son monde. CORPS ET ESPRIT
Hieronymo Mengo, Flagellum O Daemonum Exorcismos Terribiles, 1587, Venise. Musée Dr. Guislain, Gand Objets avalés découverts sur Rédigé par le franciscain italien des radiographies, s.d. Musée Jérôme Mengo en 1587, Flagellum Dr. Guislain, Gand daemonum, exorcismos terribiles, Ces objets étaient localisés au potentissimos, et efficaces (…) explique moyen de radiographies. Elles montrent à l’aide de sept exorcismes comment comment les patients avalaient des reconnaître un possédé, quelles âmes aiguilles, des capsules, des trombones sont les plus vulnérables face au diable et des punaises comme une forme et quels moyens l’exorciste peut utiliser d’automutilation ou comme consé- dans son combat. quence d’une compulsion. Dans ce cas la radiologie offrait une solution très Friedrich Anton Mesmer, concrète. Dans un contexte plus large Mesmerismus, oder, System der ce fut une révolution en médecine. Wechselwirkungen: Theorie und Avant la découverte des rayons X en Anwendung des thierischen Magne 1895 l’on ne pouvait étudier l’intérieur tismus als die allgemeine Heilkunde du corps humain qu’au moyen d’une zur Erhaltung des Menschen, autopsie. La radiologie a permis de 1814, Berlin. Musée Dr. Guislain, Gand mieux étudier le fonctionnement et La méthode de Franz Anton Mesmer les défaillances du cerveau. Des CT-scan (1734–1815) s’éloigna de l’approche par et des appareils à IRM permettant de les sciences de la nature et il fut donc visualiser le système nerveux en trois impossible de la prouver. Il n’ouvrirait dimensions sont apparus. Dans la lignée jamais un corps, ne s’occuperait pas de scientifiques comme Franz Joseph d’anatomie ou ne prescrirait jamais Gall (1758–1828), les localisations de des traitements à l’aide de purges ou fonctions cérébrales ont fait l’objet de saignées. En s’appuyant sur ses d’études plus poussées. Des zones connaissances d’astrologie Mesmer spécifiques ont été liées à des sensations voyait un lien entre le corps et l’univers de douleur ou à la prise de décisions par le biais du champ magnétique. morales. À travers l’utilisation des aimants et du métal il pourrait aider les malades P à rétablir ce lien. Trouver des explica- tions était impossible. Sa théorie fut Psychologie expérimentale, s.d., un rétablissement de la magie dans photo. Musée Dr. Guislain, Gand un monde rationalisé. Par le biais d’expériences les psy- chologues expérimentaux étudient les fonctions de base du cerveau, telles que la sensation et la perception, la mémoire, la cognition, la motivation, l’émotion… Les bases de cette branche de la psycho- logie étaient jetées au dix-neuvième siècle, avec des fondateurs comme Wilhelm Wundt et Gustav Fechner. CORPS ET ESPRIT
Jusqu’alors la psychologie était une de la saignée est toujours utilisée discipline théorique, qui posait toutes aujourd’hui. On emploie par exemple sortes de vues sur le fonctionnement des sangsues pour certains traitements de l’esprit et de la conduite humains, médicaux. sans vérification systématique dans la pratique. Stade tertiaire de la syphilis, années 1930, cire. Musée Dr. Guislain, Gand Psychotropes, 2ième moitié du 20ième La dementia paralytica est une siècle. Musée Dr. Guislain, Gand forme de neurosyphilis, le stade tertiaire Ce n’est que dans les années 1950 de la syphilis non traitée, décrite pour que les premiers psychotropes furent la première fois au dix-neuvième siècle. développés. Dans les hôpitaux psychia- On la retrouvait souvent dans la psychia- triques on voyait apparaître de la trie de l’époque, mais ce diagnostic n’est médication telle que le Lithium pour plus que rarement posé aujourd’hui. équilibrer des patients maniaques, Les symptômes étaient la mégalomanie, l’antidépresseur Imipramine ou l’an- la démence, les états dépressifs et la ti-psychotique Haloperidol (Haldol). détérioration mentale. Avant le déve L’impact était grand : la psychiatrie loppement de la pénicilline, on traitait vécut une période de « silence chimique ». la dementia paralytica par la paludo Comment ces médicaments fonction- thérapie. Les symptômes sont repré naient exactement n’était pas clair, mais sentés sur cette tête en cire de l’institut la paix s’installa dans les hôpitaux et Sint-Norbertus de Duffel. Jusqu’au pour les patients une vie en dehors de milieu du vingtième siècle, on utilisait l’institution fut de nouveau possible. des statues de cire comme matériel di- Bien que des critiques dénoncent dactique pour les formations médicales. la seule lutte contre les symptômes, les effets secondaires et les dangers T d’addiction ou de tolérance, pendant les années 1960 les psychotropes Thérapie de la peur, gravure dans : gagnèrent de plus en plus de terrain. Joseph Guislain, Traité sur l’aliénation mentale et sur les hospices des aliénés, S 1876, Amsterdam. Musée Dr. Guislain, Gand Selon Joseph Guislain (1797–1860), Scarificateurs, s.d., métal. le fait de susciter une angoisse soudaine Musée Dr. Guislain, Gand avait un effet thérapeutique favorable. Au Moyen Âge, on pratiquait des Les thérapies de la peur impliquaient saignées pour éliminer un trop-plein de souvent de l’eau : des douches froides, sang ou « purifier » le « mauvais sang » un « bain d’arrosage » ou un « bain sur- des malades mentaux. En appliquant prise ». « L’appareil consiste en un petit des tasses en verre chauffées sur la peau, temple chinois », écrit Joseph Guislain, on acheminait plus de sang vers une « dont l’intérieur contient une cage en zone déterminée du corps. À l’aide d’une fer mobile qui s’enfonce dans l’eau par petite lame, les scarificateurs faisaient son propre poids. On guidait la personne des incisions dans la peau, par lesquelles aliénée dans cette petite maison : un le sang pouvait s’écouler. La technique aidant fermait la porte de l’extérieur, CORPS ET ESPRIT
tandis qu’un autre commandait un levier V permettant d’immerger le malade dans l’eau. Une fois le traitement voulu Arthur Van Gehuchten, Les maladies effectué, on remontait la cage. » nerveuses, 1920, Louvain. Musée Dr. Guislain, Gand Simon Thomassin, Le Cholerique, Arthur Van Gehuchten (1861–1914), Le Sanguin, Le Flegmatique, Le le premier professeur belge de neuro Melancolique, 1695, gravure. logie, visualisait ses recherches avec des Musée Dr. Guislain, Gand dessins, des photos et des films. Il était Aujourd’hui nous faisons une une autorité mondialement reconnue distinction entre comment notre corps dans son domaine. Son travail a inspiré est ressenti et de quelle manière il est les scientifiques les plus renommés de géré par notre esprit, mais à l’origine il l’époque. Parmi eux, Ramón y Cajal n’était pas question d’une dualité entre (1852–1934), avec lequel Arthur Van le corps et l’esprit. Le cosmos était Gehuchten a entretenu toute sa vie une composé de quatre éléments (terre, air, correspondance et partageait l’intérêt eau et feu), l’année de quatre saisons, d’illustrer les résultats des recherches. de la sorte le corps devait lui-aussi com- Arthur Van Gehuchten utilisait des porter quatre éléments. Ces éléments, images de patients atteints de Parkinson, les fluides corporels, étaient combinés de chorée, de dystonie et d’hystérie avec quatre caractéristiques : humide, dans ses cours, lors de congrès et dans sec, chaud et froid. À leur tour ces les revues professionnelles. caractéristiques appartenaient à quatre caractères ou tempéraments. W Trépanation du crâne, 16ième–17ième Johannes Wier, De praestigiis siècle, os. Musée Dr. Guislain, Gand daemonum, & incantationibus ac Déjà depuis l’ère néolithique la tré- ueneficiis libris sex, postrema editione panation du crâne était utilisée comme sexta aucti et recogniti, 1583, Basel. traitement de la folie. Étant donné que Musée Dr. Guislain, Gand la cause de la maladie mentale était un À l’apogée des procès des sorcières mauvais esprit, on essayait de le laisser le médecin Johannes Wier (1515–1588) s’évader par un trou dans le crâne. Cer- écrivit un livre dans lequel il va à tains crânes trépanés ont du cartilage l’encontre de la condamnation et de récent autour de la blessure. Ceci prouve l’exécution des femmes qualifiées de que la personne en question a encore sorcières. La cause de leur comporte- vécu longtemps après l’intervention, ment était, selon Wier, à trouver dans bien que les possibilités d’anesthésie la maladie, la vieillesse ou les halluci et de désinfection soient quasiment nations : « Des sorcières sont de vieilles inexistantes. À partir du 16ième siècle personnes féminines, ayant souvent les trépanations étaient exécutées à une condition physique imparfaite et l’aide d’un ensemble de trépanation. un âge avancé. Elles ne possèdent plus Ce n’était plus pour laisser s’évader des tous leurs sens, ce sont de tristes figures esprits mais bien pour évacuer le sang actives. Dans leur fantaisie et imagina- qui exerçait une pression sur le cerveau. tion le diable comme esprit très subtil CORPS ET ESPRIT
s’installe et se cache, quand elles sont accablées de mélancolie ou quand elles sont découragées. Les sorcières ont perdu la raison par leur âge avancé, par désespoir et misère, par leur défaut qu’est la fantaisie et par les pommades qui les rendent furieuses. » CORPS ET ESPRIT
CLASSIFICATION B C Christian Boltanski, Gymnasium Claude Cahun, Self Portait et Suzanne Chases, 1991, gravure photo. Malherbe/Marcel Moore, 1928, Collection privée reproduction. Jersey Heritage Collections Christian Boltanski (1944) est un La femme écrivain, activiste et enfant de parents judéo-français et il photographe française Claude Cahun naquit le jour où Paris fut libéré. Dans (née Lucy Schwob, 1894–1954) était son œuvre le souvenir de la guerre pionnière dans la représentation des occupe une place centrale. Les installa- questions autour de ce que l’on appelle- tions de Boltanski, qui nous font souvent rait plus tard le « genre » : « Féminin, penser à des autels, visualisent ce pas- masculin, je suis capable des deux… mais sage obscur de l’histoire d’une manière neutre, là je me sens à l’aise. » Dans ses presque sacrée. Une photo de classe autoportraits expérimentaux et mis en de 1931 d’une école secondaire juive à scène elle se métamorphose et se met Vienne revient régulièrement. Boltanski dans la peau de personnages aussi bien agrandissait la photo et faisait des masculins que féminins. La tête râpée, découpes afin d’obtenir un portrait de déguisée en boxeur sûr de lui ou mas- chaque étudiant à part. Ainsi tous les quée sur une plage. Avant tout elle in élèves apparaissent ensemble et toute- carnait la liberté, le droit à la neutralité fois individuellement : « L’extermination en matière de genre ou le droit à avoir des Juifs européens ne se dirigeait des pensées mélancoliques. Autour pas à une masse inconnue, mais à des des années 1920 Claude Cahun et son individus. » partenaire de vie Marcel Moore (née Suzanne Malherbe, 1892–1972) optèrent Sergey Bratkov, Motiv #1, #2, #5, pour un nom sans genre. de la série Kids III, 2004, photo. Galerie Transit, Malines D La série critique de la société, Kids III, du photographe ukrainien Ebergiste De Deyne, Particularités Sergey Bratkov (1960) montre des diverses des oreilles, vers 1930, photo préadolescents comme antihéros et papier. Musée Dr. Guislain, Gand d’une communauté rude. L’idéal de Le criminologue et agent de police l’enfance innocente ne semble plus français Alphonse Bertillon (1853–1914) accessible. Le rôle que l’on attend a développé un système de classification qu’ils remplissent n’est pas clair. anthropométrique pour identifier des Les enfants sont-ils vraiment des suspects. Des mesures corporelles individus fragiles tels qu’on les minutieuses et d’autres caractéristiques perçoit souvent ? physiques — comme la couleur des yeux, des cheveux et de la peau, et la forme du nez et des oreilles — ont été rassem- blées dans des fiches. La méthode était C L A S S I F I C AT I O N
particulièrement influente et a égale- Dieter De Lathauwer, de la série I Loved ment inspiré Ebergiste De Deyne My Wife — Killing Children Is Good for (1887–1943), un Gantois qui était péda- the Economy, 2013-2017, installation. gogue, photographe et responsable de Collection de l’artiste, Gand l’institut Sint-Jozef, dans ses recherches Le génocide mené par les nazis sur les types d’enfants peu doués. Par contre des adversaires, des dissidents analogie aux catégories de Bertillon, et des « impurs » — Juifs, homosexuels, il regroupait les enfants sur base de gitans — est une page noire connue de leurs caractéristiques physiques, comme l’histoire. Beaucoup moins connu est la forme de leurs oreilles, de leur nez le meurtre des personnes ayant une ou de leurs lèvres. problématique psychiatrique ou un handicap physique dans la période Ébergiste De Deyne, Quelques avant l’Holocauste. En septembre 1939 caractéristiques frontales, photo, la dite Aktion T4 mena à l’extermination vers 1930. Musée Dr. Guislain, Gand systématique de 73.000 patients d’insti- Ce portrait de groupe montre les tutions psychiatriques dans des centres traits du visage des élèves de l’Institut de destruction T4. Les membres de gantois Sint-Jozef pour des « enfants la famille recevaient des « lettres de anormaux », en termes modernes des consolation » avec une cause de décès enfants en situation de handicap phy- inventée, basée sur des dossiers médi- sique ou de légère incapacité mentale. caux. Exceptée de l’Action T4 une bonne Avant sa fondation en 1901 l’ « espace 200.000 victimes mouraient dans les récré » — l’unité pour enfants de l’Hospice hôpitaux par négligence, famine ou Guislain — fut le seul endroit en Belgique empoisonnement. Les photos sobres destiné aux enfants arriérés. Depuis le de Dieter De Lathauwer (1978) captant tournant du siècle surgirent toujours les terrains d’hôpitaux psychiatriques plus d’instituts spécialisés destinés aux autrichiens donnent leur témoignage enfants. Ébergiste De Deyne (1887–1943), silencieux. Les traces d’une histoire directeur de Sint-Jozef, légua une riche inhumaine sont fixées dans un mur collection photo avec des portraits, blanc, une pièce d’une façade ou des des images médicales et des photos endroits à couvert dense. didactiques. Le matériel nous permet de comprendre le regard de l’époque Ovide Decroly, Observation et classifi sur l’enfant. De Deyne fit des recherches cation d’enfants, début 20ième siècle, sur les caractéristiques physiques et extrait de film. Musée Dr. Guislain, Gand mentales des garçons et les catégorisa Le neuropsychiatre, pédagogue et selon des caractéristiques similaires. psychologue pour enfants belge Ovide En même temps il croyait fort en leurs Decroly (1871–1932) étudia le dévelop capacités. Par la stimulation des sens pement mental des enfants « normaux » les facultés latentes pouvaient continuer et « inadaptés ». Selon Decroly chaque à se développer. Il n’est jamais question enfant peut, par l’observation d’autres d’accentuer la limitation, mais bel et enfants et du monde qui l’entoure, bien le potentiel et le processus d’ap- découvrir, apprendre et évoluer selon prentissage. son propre rythme. Toutes les activités, allant du coloriage au jardinage, peuvent C L A S S I F I C AT I O N
motiver. Il conçut une série de tests G de la langue, de l’intellect, des sens et des intérêts spontanés. Des tournages Amand Gautier, Folles de la Salpétrière. permettaient d’observer les enfants de Cour des agitées, 1857, lithographie. façon encore plus méticuleuse. Dans Collection Nauta, Rotterdam son test de l’imitation chez des enfants À la demande du médecin français, il les divisait en trois groupes selon leur Paul Gachet (1828–1909), l’artiste peintre niveau de développement. Les enfants et lithographe, Amand Gautier (1825– « supérieurs » recevaient l’ordre d’éter- 1894), réalisa une série d’esquisses de nuer. Decroly filme la réaction des autres patientes de l’Hôpital parisien de la enfants. Est-ce qu’ils imitent ou est-ce Salpêtrière. Dans ce portrait de groupe, qu’ils restent indifférents ? l’accent est mis sur l’expression et les gestes de huit femmes souffrant de E mégalomanie, de manies aigües, de mélancolie, de démence, de folie, Hans Eijkelboom, de la série d’hallucinations, de manies érotiques et Fotonotities, s.d., photo. de paralysie. L’image montre comment Collection de l’artiste, Amsterdam. au milieu du dix-neuvième siècle les Inspiré par Antlitz der Zeit (Visage signes extérieurs formaient la base d’une époque, 1929) d’August Sanders, de l’analyse médicale. l’artiste photographe néerlandais Hans Eijkelboom a commencé ses Fotonotities Gruppe von schizophrenen en 1992. Les portraits de rue montrent Endzuständen, dans : Oswald Bumke, des passants avec à chaque fois un point Lehrbuch der Geisteskrankheiten, commun : un cache-poussière terne, des 1929, Munich. Musée Dr. Guislain, Gand vêtements à l’imprimé panthère ou à tête La légende de ce portrait de de mort, un bomber, un ciré... Dans un groupe — Abb. 145. Gruppe von schizo lieu très fréquenté, l’appareil photo à la frenen Endzuständen — dans le Lehrbuch poitrine et le déclencheur automatique du psychiatre allemand Oswald Bumke dans la poche, Hans Eijkelboom cherche (1877–1950) montre de l’objectivation : dans la foule des petites ou grandes simi- pas de femmes mais des « états schizo- litudes entre les individus. Il regroupe phrènes », et pas de patient mais un ensuite ses photos en grilles, dotées syndrome. Onze femmes sont assises et d’une date, d’un lieu et d’une indication centrées, sur une ligne droite. La lumière de l’heure. Ensemble, elles forment naturelle qui baigne la pièce jette des des catégories banales et absurdes qui ombres sur les visages et les vêtements remettent en question l’unicité de l’in sobres. La composition harmonieuse dividu. Du coup, l’échec de la catégori laisse supposer une mise en scène et sation y est implicite. témoigne d’une grande qualité photo graphique et esthétique. Dix femmes détournent le regard vers le sol ou vers leurs mains, ou ferment les yeux. Une femme refuse de détourner les yeux et regarde droit vers l’objectif. Le regard est central et il est plutôt inconfortable C L A S S I F I C AT I O N
que scientifique ou classifiant, tant « maniaque, agressif et confus ». Avec pour les femmes du portrait que pour les photos de Hugh Diamond, la série de le spectateur aujourd’hui. Hering sont les premières impressions photographiques de la folie dans Guerrilla Girls, The hysterical Herstory l’Angleterre victorienne. of Hysteria and How it Was Cured, from Ancient Times until Now, 2012, Magnus Hirschfeld, Geschlechtskunde reproduction. Guerrilla Girls auf Grund dreißigjähriger Forschung Pourquoi les artistes féminines und Erfahrung bearbeitet, 1930, sont-elles sous-représentées dans les Stuttgart. Musée Dr. Guislain, Gand musées ? Vaut-il mieux que les femmes Le médecin et sexologue allemand se tiennent éloignées du monde de la Magnus Hirschfeld (1868–1935) était un culture et de l’art, comme différents pionnier du mouvement pour émanci psychiatres du dix-neuvième siècle le pation des LHBTI. Il luttait pour les prétendaient ? Depuis 1985, le collectif droits des femmes lesbiennes (L), des Guerrilla Girls dénonce la discrimina- hommes homosexuels (H), des bisexuels tion dans le monde de l’art avec des (B), des personnes transgenres (T) et affiches, des actions, des livres, des des personnes intersexuées (I). Avec cartes postales et des revues. Le livre nombre de publications, conférences The Hysterical Herstory of Hysteria et actions il essayait de changer à l’aide montre comment, à travers l’histoire, le de son Institut de sexologie berlinois corps féminin est traité, mais également l’opinion publique négative sur une maltraité. On s’amuse de Dr. Feelgood, « autre » sexualité ou expression du genre. une version caricaturale des médecins Il collaborait aussi au film Anders als qui vers 1900 tentaient de refouler die Andern (1919), une accusation contre les symptômes de l’hystérie avec des l’article 175 du droit pénal allemand qui massages du plancher pelvien. interdisait des relations homosexuelles. Hirschfeld voyait l’homosexualité H comme une préférence innée et ren forçait ainsi et sans le vouloir l’inter Henry Hering, Portraits de patients férence médicale qui mènerait à des diagnostiqué avec manie, mélancolie et traitements d’hormones forcés. démence aigu, années 1850, facsimile. Bethlem Museum of the Mind, Kent Frans Hogenberg, De terechtstelling Au milieu du dix-neuvième siècle, van vier minderbroeders en een le photographe britannique, Henry augustijnen op de brandstapel en Hering (1814–1893), photographia des de geseling van drie anderen, allen patients de l’hôpital Bethlem de Londres schuldig bevonden aan sodomie, dans son studio photos à proximité op de Vrijdagmarkt op 28 juni 1578, immédiate de l’établissement. Les 1581–1585, gravure. Archives Gand photos servaient d’illustration d’une À travers l’histoire, l’homosexualité publication du psychiatre John Conolly. a été nommée consécutivement comme Le comportement de la couturière étant un péché, dangereuse et déséquili- Harriet Jordan (H.J. Acute Mania), brée. Dans l’Europe de la fin du Moyen âgée de 24 ans, est décrit comme étant Âge et au début des temps modernes, C L A S S I F I C AT I O N
l’homosexualité reçut le nom de sodo- même temps surgissait lentement mie : une dénomination commune pour le désir de liberté et de libération de les agissements sexuels « contre nature » la morale sexuelle. tels que la masturbation et la bestialité. La gravure montre l’exécution publique Illustrations botaniques de The Bota pendant le procès gantois de la sodomie nical Magazine, Plants represented en 1578. À la fin du dix-neuvième siècle, in their natural Colours. To which are le psychiatre allemand, Richard von added, Their Names, Class, Order, Krafft-Ebing (1840–192), reprit l’homo- Generic and Specific Characters, sexualité dans son Psychopathia Sexualis according to the celebrated Linnaeus, (1886), un catalogue de perversions et de fin du 18ième siècle, Londres. Société troubles sexuels. Ce n’est qu’en 1974 que royale d’agriculture et de botanique, Gand l’homosexualité fut supprimée du DSM Dans The Botanical Magazine, des (Diagnostic and Statistical Manual of espèces de plantes sont représentées et Mental Disorders), non pas pour des rai- décrites en détail suivant le système de sons scientifiques, mais sous la pression classification du médecin, botaniste et du mouvement homosexuel marginalisé zoologue suédois, Carolus Linnaeus qui exigeait d’avoir une place dans la (1707–1778). Sa classification claire de la société. faune et de la flore a inspiré les premiers psychiatres. Tous comme les plantes et I les animaux ont été classés dans toutes sortes de catégories, ils souhaitaient ré- Iconographie photographique de la pertorier les syndromes. Le psychiatre Salpêtrière, tome 2, 1877–1878, Paris. allemand, Emil Kraepelin (1856–1926), Musée Dr. Guislain, Gand réunit les symptômes communs de Les photos de l’Iconographie photo- centaines de maladies mentales dans un graphique de la Salpêtrière montrent inventaire psychiatrique systématique. des patientes de l’Hôpital parisien de Son manuel est un précurseur de l’actuel la Salpêtrière, où Jean-Martin Charcot DSM (Diagnostic and Statistical Manual (1825–1893) fit des recherches sur l’hys- of Mental Disorders). térie à partir des années 1870. La femme hystérique était toujours représentée de K façon stéréotypée avec des mouvements du corps incontrôlés et des membres du Katatonikergruppe, dans : Emil corps convulsés ou paralysés. Les symp- Kraepelin, Psychiatrie. Ein Lehrbuch für tômes étaient des douleurs inexplicables, Studierende und Ärzte, 1899, Leipzig. crises d’angoisse, insomnie, dysfonctions Musée Dr. Guislain, Gand sexuelles, comportement passionnel Le psychiatre allemand Emil ou brutal et opiniâtreté. L’hystérie deve- Kraepelin (1856–1926) a écrit que l’on nait le diagnostic en vogue à la fin du pouvait sans problème faire prendre dix-neuvième siècle et montrait aussi la pose souhaitée aux malades de ce bien les angoisses que les ambitions Katatonikergruppe. Certains rient, de ce temps. On attendait des femmes d’autres sont sérieux, mais ils conservent qu’elles soient passives, flexibles et leur attitude propre lorsqu’ils sont re- extraordinairement désirables, mais en groupés. Quelqu’un tient sa chaussure C L A S S I F I C AT I O N
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