Amarillis dans la presse en 2016 En concert
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Mars 2016 En résidence à Angers Amarillis (6 musiciens) Dans Angers Mag (presse locale) Amarillis et Angers, un clavecin en guise d'ancre L'ensemble de musique baroque Amarillis est de retour sur les bords de Maine depuis le début de la semaine. Dans ses cartons : un nouvel album, un spectacle hommage à François Couperin et Marin Marais, et surtout un nouveau clavecin. Financé par une campagne de crowdfunding, l'instrument est appelé à rester désormais au Grand Théâtre d'Angers, confortant l'ancrage angevin de la formation musicale. Nous avions quitté Amarillis sur le tarmac d'un aéroport parisien au matin du lundi 4 mai 2015, de retour d'une tournée en Chine que l'ensemble nous avait fait vivre luimême sur notre site. Ravies de cette expérience, les musiciennes et musiciens d'Amarillis avaient eu l'occasion de livrer quatre concerts à Wuhan, Pékin, Shangaï et HonkKong, réservant au public chinois la première scénique mondiale de son spectacle, La Double Coquette. Dix mois plus tard, c'est sur la scène du Grand Théâtre d'Angers que l'ensemble de musique baroque s'apprête à ponctuer la dense semaine de résidence qu'il a pris l'habitude d'animer chaque année, dans le cadre de la convention qui le lie à la Ville. Vendredi, Amarillis y présentera un programmehommage à deux célèbres compositeurs du genre Marin Marais et François Couperin, deux des favoris de Versailles, époque Louis XIV et à une autre figure moins connue du baroque, le violoniste JeanFerry Rebel (1666 1747). Ce jeudi, ce même programme donnera lieu à trois concerts destinés aux scolaires, toujours au Grand Théâtre. L'occasion pour ces derniers de découvrir à leur tour le clavecin qu'Amarillis vient de présenter aux mécènes et donateurs qui l'ont soutenu dans son acquisition. En avril l'an passé, nous avions relayé sur notre site le lancement de la campagne de financement participatif destinée à couvrir cet investissement devenu essentiel pour la formation. Essentiel car, lors de ses séjours angevins, elle avait pris l'habitude de jouer sur un clavecin prêté par le conservatoire d'Angers, mais qui ne suffisait plus à répondre à toutes ses sollicitations. Avec près de 30 000 € récoltés, le bilan de l'opération a dépassé les espérances d'Héloïse Gaillard et Violaine Cochard, les fondatrices et directrices musicales de l'ensemble. Ville, Région, banques et des dizaines de particuliers ont joué le jeu dans "un bon équilibre entre mécénat public et privé", précise la première. Réalisé à ChaumontenVexin (Oise) dans les ateliers d'un maître facteur et restaurateur, Laurent Soumagnac, l'instrument sera désormais abrité au Grand Théâtre d'Angers. "Tous ceux qui l'ont approché, notamment à la Folle Journée de Nantes, nous ont dit qu'il était exceptionnel. Nous sommes heureuses de concrétiser un peu plus encore notre ancrage sur le territoire" insiste Héloïse Gaillard. Mercredi soir à la salle Claude Chabrol, Laurent Soumagnac est venu donner lui même une conférence autour de la réalisation du clavecin, juste avant un concert réservé aux mécènes, et réunissant 5 membres d'Amarillis et des élèves du conservatoire. Mais ce n'est pas tout. Dans ses valises, l'ensemble est venu en terre angevine avec son dernier album, Inspiration baroque (NoMadMusic) né de sa rencontre avec le clarinettiste de jazz Louis Sclavis, et enregistré l'an passé à l'Abbaye de Fontevraud. Un enregistrement conçu comme un voyage à travers l'Europe baroque, entre créations de Sclavis, du saxophoniste Matthieu Metzger et des revisitations du répertoire (Haendel, Telemann, Purcell...). Joué une quinzaine de fois déjà avant même sa réalisation, Inspiration baroque est appelé à tourner cet été lors des festivals. Avant cela, Amarillis aura repris l'avion. Pour traverser l'Atlantique cette foisci, fin mai. La Double Coquette est programmé quatre fois au Dock Street Festival de Charleston (Caroline du Sud), puis deux fois à Montclair (New Jersey). L'occasion pour Amarillis de confronter son travail au public américain et d'étrenner une nouvelle fois concrètement son titre d'ambassadeur artistique d'Angers. Yves Boiteau
18 mai 2016 Flammes de magiciennes à la Philharmonie de Paris Amarillis (17 musiciens) et Patricia Petibon Dans Forum Opéra (presse spécialisée) Et voici le baroque show [...] Son récital « Flammes de magiciennes » prouve une fois de plus, si besoin était, que Patricia Petibon a la facétie dans le sang. [...] Héloïse Gaillard lui a concocté un programme reposant sur deux héroïnes principales : la Médée de Charpentier, la Circé de Leclair, que viennent compléter quelques pages de Rameau. Et pour introduire des respirations entre les pages vocales, l’ensemble Amarillis interprète – superbement – des danses et passages orchestraux tirés d’oeuvres de la même époque. [...] « La » Petibon est chez elle dans ce répertoire, où elle est à même de déployer un talent dramatique reconnu, y compris et peutêtre même surtout dans l’expression pudique de la douleur. Son Tristes apprêts est superbe, sans le moindre effet redondant, et les plaintes des magiciennes qui précèdent la montrent parfaitement capable de toucher l’auditeur, là où les imprécations auraient presque tendance à se perdre dans l’acoustique peu flatteuse de la salle des concerts de la Cité de la musique. La première partie du programme, consacrée à Charpentier, ne propose d’abord que des bribes de récitatifs accompagnés, certes expressifs, mais un peu frustrants par leur brièveté, avant d’en arriver à l’air superbe Quel prix de mon amour. Le problème est un peu le même avec Scylla et Glaucus, et l’on comprend que le programme se soit ouvert à des airs de Rameau, où l’on perd de vue l’idée de magie, mais où la chanteuse trouve amplement matière à briller. Quelques modifications dans la composition de la soirée semblent être intervenues en dernière minute : l’air Ah ! Que la vengeance a de charmes et le récit accompagné Mais déjà de ses voiles sombres, de Leclair, qui figurent dans le programme de salle, ne sont pas interprétés, et l’air de Rameau L’amant que j’adore devient un bis offert après l’air de la Folie de Platée, ayant préalablement été remplacé par Sans frayeur dans ce bois de Charpentier. Si Patricia Petibon a de l’énergie à revendre, elle n’est pas la seule, et l’on peut en dire autant des musiciens de l’ensemble Amarillis, qui confèrent aux différentes pages de ce concert un élan irrésistible, entraînés par leur directrice artistique Héloïse Gaillard : non contente d’alterner entre cinq ou six instruments de forme et de taille variées (flûtes à bec et hautbois), celleci insuffle aux instrumentistes une vigueur louable, secondée dans ses efforts par la claveciniste et chef de chant Violaine Cochard. Kati Debretzeni, violon solo, n’est pas en reste, et l’on mentionnera aussi la prestation du percussionniste Joël Grare [...]. Laurent Bury
31 mai 2016 La Double Coquette à Charleston (U.S.A.) Amarillis (11 musiciens), Isabelle Poulenard, Maïlys de Villoutreys et Robert Getchell
Dans Post and Courier (presse généraliste), le 29 mai La Double coquette seduces with playful take on baroque opera and gender. Gérard Pesson’s and Pierre Alferi’s La Double Coquette, directed by Fanny de Chaillé, is a playful, parodic, fun and funny exploration of fidelity — fidelity between lovers, fidelity to an operatic score and libretto, and fidelity to operatic style. La Double Coquette receiving its U.S. premiere at Spoleto Festival USA, is a kind of adaptation of Antoine Dauvergne’s very short 1753 comic opera La Coquette trompée. [...] On the one hand, this is a radical departure from Dauvergne’s original opera. Pesson’s music and Fanny de Chaillé’s direction of the action comment on and poke fun at Baroque operatic style. Sung trills, for example, are ordinary expressive fare in opera. Maïlys de Villoutreys’s Clarice, however, draws attention to their artificiality and strangeness by moving her head and body along with accelerating trills. As she and Damon sing a lovely duet about their relationship, De Villoutreys draws attention to the conventional operatic repetition of lines by rolling her eyes and appearing increasingly bored. On the other hand, even amidst all of the changes, there remains a fidelity to the humor, overt sexuality and the winking ironic cleverness of Baroque French comic opera. And this, it seems to me, is an almost astonishing achievement of not only the composer and librettist, but of the entire group of artists involved in the production. Twelve musicians of the awardwinning Ensemble Amarillis shared the stage with the singers. Amarillis specializes in historically informed performances of Baroque music and their performance of Dauvergne’s score was light and lively. Even more impressive, though, was the way they shifted between the Baroque techniques and style demanded by Dauvergne’s score and the wide array of sounds and expression demanded by Pesson’s additions. Pesson unified these disparate styles more smoothly than I would have thought possible. Try, for a moment, to imagine a musical transition between a Baroque comic opera, bossa nova (with a short rap thrown in for good measure), the Habanera aria from Bizet’s Carmen, and back to Baroque opera. Now imagine that all of this is both dramatically interesting and funny. I don’t blame you if you can’t imagine it — I couldn’t either until I heard it Saturday night. While there is no set to speak of, Annette Messager’s costumes give the audience more than enough to look at. In fact, the costumes are responsible for a significant part of the unity and humor of the work. Damon and Florise (while dressed as a man) wear identically shaped suits of armor painted to look like oversized suits. When Florise is a woman, she wears a dress of her own hair bringing to my mind images of wild animality, hair shirts and Lady Godiva. But coquette Clarice’s costume stole the show. It is a tangle of temptation: a dress with a skirt of red white and blue faux fur boas, two oversized stuffed hands on her hips, a lattice of branches, roots, or vines across her chest and, finally, a literal boa — serpent — wrapped around her body and coiled at each end around her arms. De Villoutreys put both skirt and boa to great comic, and crudely symbolic, use throughout the opera. By pressing down on the short front of the skirt, the long and stiff fishtail back of the boa skirt could be raised up and shaken like the tail feathers of a bird during courtship. Isabelle Poulenard’s Florise is by turns tender and brash. The warm expression of her voice was apparent in her seduction of Clarice where what begins as a boldvoiced deception is transformed into gentle and quietly focused sincerity. De Villoutreys’ soprano sounded effortless, matching in turn the lightness and strutting machismo of her character. It’s a pity that Robert Getchell’s bright and accurate tenor, and his physical humor, only had a role in the final third of the opera. The ensemble work of the three singers together was a musical highlight. Clever, selfaware, funny and very well performed, “La Double Coquette” is a delight. Jonathan Neufeld
Dans Charleston City Paper (presse généraliste), le 29 mai La Double Coquette is a charming revision of a classic comedic opera Every synopsis available for La Double Coquette promises an opera about a doublecrossing cross dresser who plans to reclaim her lover from his new flame. I went into La Double slightly befuddled by the premise — did the cross dresser’s lover know she was a woman? Or did he think she was a man? Perhaps no one else gets wrapped up in performance previews, but if you’re like me, you can now rest assured: Florise, a.k.a. Dariman, is not actually a cross dresser. She’s just a desperate woman who dresses as a man to deceive her lover, Damon’s, new girlfriend, Clarice. I’ve dressed as a man for a costume, but I wouldn’t call myself a cross dresser ... you get the point. On to the performance. The voices of Clarice (Mails de Villoutreys), the gal you see in press photos wearing that insanely gorgeous and bizarre feather/snake/human organlike attire, and of Florise (Isabelle Poulenard), are incredible. I almost wish the show featured them sans Damon (Robert Getchell), but that would kind a defeat the purpose of the love triangle. While Damon’s voice is by no means bad (he’s in a worldtraveling opera, he’s got chops), he often gets drowned out by the women. Maybe that’s the point. The performers sang in French, noting each word or emotion with hand gestures and facial expressions. Unfortunately, you could not focus on the performers and read the English supertitles at the same time. Trust me, my neck is still sore from attempting to do so. Words projected behind the onstage ensemble — the stunning sounds of the Amarillis ensemble were enough to make me forget about my neck pain — would have been more fitting, but I’m not a set designer. Perhaps they would have detracted from the performance. Perhaps I should brush up on my French (sorry Madame Coogan, those lessons never stuck). Besides their placement, the English supertitles were also a little confusing. As CP’s trusty editor, Chris Haire, said to me after the show, “I think we missed some of the jokes.” I would argue that the essence of any foreign language performance cannot be entirely translated, but some of the phrases were clunky and repetitive, and I wonder if a second eye on the translation could have made it more palatable to Spoleto viewers. By far my favorite aspect of the performance was its message — a fun and freaky homage to love (and also lust) of all kinds. There may even be a feminist message somewhere in there, but I don’t think I could put it into a sensible English sentence. I won’t tell you how the performance ends, but it strays from the original “happy ending” of Charles SimonFavart’s libretto. The costumes are fun, the voices are impeccable, and the music does just what I had hoped it would (and what composer Gerard Pesson aimed to do) — it seamlessly combines elements of the 18th and 21st century. So, Spoletogoers, grab a neck pillow and head to the Dock Street Theatre. Go for Florise’s hilarious crossdressing attire — she wears a man’s suit and holds a faux mustache in front of her face, and voila! — and stay for Clarice’s feather skirt. There’s something truly titillating about a talented opera singer gyrating over another, shaking her tail feathers as she hits high notes. A true coquette, I suppose. Connelly Hardaway
Dans Winston‐Salem Journal (presse généraliste), le 30 mai 21stcentury "Coquette" is full of treats and surprises After two classic and wellknown works of performing art, The Importance of Being Earnest and Porgy and Bess, it was refreshing to see something completely different. The U.S. premiere of La Double Coquette, which opened Friday at the Dock Street Theatre, is just that. The French baroque opera has been brought into the 21st century with short additions to both music and libretto — and the use of social media to advance the plot. [...] Played on period instruments by Amarillis, a baroque ensemble, and directed by Fanny de Chaillé with costumes by Annette Messager, “Coquette” is full of visual and musical treats and surprises. Listen for the modern tunes woven into the baroque score. In an added prelude, Florise, sung by Isabelle Poulenard, is wallowing in selfpity after having discovered from her iPad that her beloved Damon (Robert Getchell) is posting selfies of himself with another woman, Clarice (Maïlys de Villoutreys). Wearing either a hair shirt in her misery or a Lady Godiva outfit, depending on one’s interpretation, Florise sings of her heartache and misery. After receiving an invitation to a party that she knows Clarice and Damon will attend, Florise rallies and devises a plan: She will dress as a man and steal Clarice from Damon, thereby proving Clarice’s fickleness and unworthiness. But her plan takes an unexpected turn, which I won’t reveal here. Getchell, who has a gorgeous tenor voice with impressive range, sings Damon in white clown makeup and a green parody of a business suit. In his masculine caricature, Getchell is good foil for the women. Poulenard is also fine and funny as the smaller “man,” Dariman who woos the beautiful Clarice with youthful enthusiasm and extravagance. De Villoutreys pulls off her bizarre costume — it’s composed of stuffed snakes and human hands, and a hat and skirt of brightcolored feathers — with remarkable conviction. Clarice is frivolous, vain and completely enticing. The musicians, wearing black clothing and halfmasks, are onstage throughout and sometimes assist or attend to the singers. The music and singing are wonderful. “Coquette” — with its crossdressing and perfidy — felt like a giggle in the middle of a serious conversation — and a welcome one, to be sure. Lynn Felder
27 juin 2016 Stabat Mater de Pergolèse ‐ Théâtre des Champs‐Élysées Amarillis (14 musiciens), Sonya Yoncheva et Karine Deshayes Dans Forum Opéra (presse spécialisée) Délibérément romantique Avec une telle distribution dans cet opus magnum de Pergolèse au Théâtre des Champs Elysées, l’incertitude de la soirée consistait à savoir si cette dernière serait très bien ou exceptionnelle. En effet, Sonya Yoncheva et Karine Deshayes ont de quoi attirer les curieux, ou au moins les amoureux de la voix dans ce monument de la musique sacrée. Analysons les momentsclefs de celleci, afin de répondre à cette question. La première partie était assurée par une série de trois Concerti grossi de l’école napolitaine de la première moitié du XVIIIe siècle. Les trois compositeurs de cette première partie étaient donc non seulement contemporains, mais parfois également élèves ou professeurs l’un de l’autre, relations qui expliquent les similitudes stylistiques de ces trois oeuvres. Le premier concerto était de la main de Francesco Durante, davantage connu pour sa musique liturgique, et c’est assez dommage. En effet, si le style n’est pas aussi fouillé et original que celui d’un Scarlatti ou d’un Corelli, l’auditeur n’est pas à l’abri de quelques surprises harmoniques, et peut également savourer les effets de dialogues entre pupitres (surtout dans l’avantdernier mouvement) dont le compositeur parsème son concerto. Les cordes de l’ensemble Amarillis semblent avoir eu besoin des deux premiers mouvements de celuici pour ce mettre en place et corriger les petites bavures qui traînent encore çà et là, avant d’atteindre cette véritable cohésion entre instrumentistes. La Sonate (sic) n° 14 en sol mineur de Francesco Mancini est en réalité, comme son nom ne l’indique pas, une sorte de miniconcerto pour flûte à bec (partie tenue ici par Héloïse Gaillard). Le premier mouvement est une fugue assez inoffensive, le deuxième un Larghetto aux accents non dénués de poésie et le troisième un Allegro, où la partie de flûte s’émancipe pleinement par ses traits assez virtuoses. L’interprétation de la soliste est très musicale, nuançant subtilement les gestes musicaux de l’auteur. Aussi, on regrette un peu que l’acoustique du TCE ne permette pas de mieux la discerner dans les tuttis. Le dernier de la série est le Concerto grosso n° 3 en Fa majeur d’Alessandro Scarlatti, publié en 1740 à titre posthume. Il ne s’agit certainement pas de la meilleure oeuvre du compositeur, mais elle permet tout de même de retrouver le style plein de contrastes et de ruptures du compositeur. Le solo de violon (Alice Piérot) en est un, la modulation surprise en mineur dans l’Allegro final une autre, autant de détails que l’Ensemble se fait un plaisir de mettre en valeur. Mais il faut avouer que la plupart du public est venue pour la deuxième partie de ce concert (on sent d’ailleurs une certaine impatience pendant l’entracte). Les deux chanteuses entrent en scène sous les bravi déjà nourris et le silence se fait pour Pergolèse (après un « divina » lancé à Madame Yoncheva). Il serait redondant de faire des éloges sur la voix et la musicalité des chanteuses. Leur réputation respective est établie et n’est pas ébranlée par ce Stabat Mater dolorosa introductif. Les deux voix se greffent à merveille l’une sur l’autre et cette fragile polyphonie faite de frottements harmoniques est complétée par l'Ensemble sous la direction de Violaine Cochard (depuis l’orgue et le clavecin). Décidément, rien n’est à redire pour cette « ouverture ».
Les questions arrivent dès le premier air de la soprano (Cujus animam). En effet, le style adopté par la chanteuse bulgare est plutôt lyrique. La voix est ample et ronde comme on la connaît, la ligne vocale assez voluptueuse et détendue, faisant presque penser à de la musique romantique. Cette lecture se défend, l’oeuvre étant d’un romantisme certain pour son époque. Le programme rappelle même qu’elle suscitait l’admiration de Bellini, qui la qualifiait de « divin poème de la douleur ». C’est seulement que l’ensemble Amarillis et notre « divina » ne semblent pas partager tous deux cette opinion, le premier allant davantage puiser dans la recherche de la diversité des attaques que la seconde dans ce premier air. On ira même jusqu’à déplorer un effort de prononciation légèrement mis de côté par endroits. Cette volonté de lecture plus moderne (le terme est exagéré mais il fonctionne) de la soprano se confirme dans le Vidit suum ou les accents dramatiques pourraient être vu comme « préexpressionnistes ». Il n’y a pas à en douter, cette interprétation est délibérément romantique, mais ici, l’Ensemble et la chanteuse s’accordent sur cette lecture, et on ne peut qu’être profondément ému par ce moment de véritable douleur mariale. De son côté, Karine Deshayes adopte pleinement le jeu de l’ensemble Amarillis, comptant sur la musicalité de ses congénères pour appuyer la sienne (et vice versa). En résulte une interprétation très musicale, pleine d’originalité et de subtilité dans la coloration des passages. Le Fac ut portem est ainsi intensément coloré, la chanteuse ayant compris les jeu de chiaroscuro auquel s’était livré l’auteur. Chez Deshayes, l’écriture vocale ne paraît jamais à court d’imagination, la musique est intensément vivante et libre (et c’est très heureux, même dans ce Stabat Mater). S’il y avait quelque chose à redire, on se déclarerait un peu frustré de la tessiture de la pièce. Celleci est délibérément celle d’une alto. Les moyens vocaux de la chanteuse lui permettent d’assurer pleinement cette partie malgré son mezzo, mais on doit parfois tendre l’oreille dans les duos avec Yoncheva, lorsque les vocalises s’enfoncent dans les graves. Cela passe sans problème au parterre mais au troisième balcon ?... Il s’agit là d’un Stabat Mater tout de même particulier, servi par trois personnalités venues de trois horizons différents. Si l’on émet quelques réserves pour une poignée de mesures, lorsque ces trois horizons musicaux se rencontrent, le résultat ne peut qu’être très bon (et le public du Théâtre ne peut qu’être conquis). Alexandre Jamar
Dans Bachtrack (presse internet spécialisée), le 4 juillet « Le feu et la fureur du style italien » : les ardentes Mères de douleur de Sonya Yonheva et Karine Deshayes. Belle idée que de commencer, avant l’entracte et le très attendu Stabat Mater de Pergolèse, par proposer à un auditoire agité un panorama de la musique baroque napolitaine. Cadre plus que bienvenu pour mieux saisir les subtilités de ce petit chefd’oeuvre intimiste, ce choix de trois oeuvres permit non seulement de présenter d’autres pages que celles, un peu rebattues, de Vivaldi, mais également de prouver les grandes qualités d’interprétation de l’Ensemble Amarillis. La direction partagée de Violaine Cochard, au clavier, d’Héloïse Gaillard, flûte et hautbois, et d’Alice Piérot au violon, s’avéra particulièrement pertinente à la fois pour lier le tout, et laisser les émergences solistes sonner gracieusement. Ainsi le Concerto n° 1 en fa mineur de Francesco Durante, tout à la fois élève de Scarlatti et professeur de Pergolèse, mit l’eau à la bouche le temps d’un Poco andante plus qu’efficace : tout en marches unitonales d’école, aux tiraillements et chromatismes malgré tout intéressants, jouissant d’une tonalité enfin avérée et de résolutions originales, il s’enchaîna sur un Allegro solide, pour mieux éclater dans l’Andante, le doux Amoroso et son glorieux final. La Sonate n° 14 en sol mineur de Francesco Mancini, contemporain plus direct de Scarlatti, bien moins connu néanmoins, permit à Héloïse Gaillard de briller dans des parties solistes qui ne disaient pas leur nom : les parties concertantes du Comodo, la solide fugue à l’italienne en forme de trompel’oeil de l’Allegro, les jolis échanges du Larghetto et le panache de l’Allegro final, évoquaient effectivement davantage un concerto pour flûte à bec qu’une simple sonate. Le lien avec les préclassiques fut également intelligemment amorcé par le Concerto grosso n° 3 en fa majeur d’Alessandro Scarlatti : la cohésion de l’Allegro, le lyrisme du Largo, l’émergence tout à la fois de la basse continue et du violon propulsé, par endroits, soliste, l’apparition d’unissons préfigurant Mozart, mais également le sens aigu des contrastes, les procédés imitatifs, et la ferveur du Finale placèrent effectivement ce Concerto grosso à la croisée d’un baroque n’ayant plus grand chose d’une « seconda practica » et de la naissance, proche, de la manière classique. Les deux grands Stabat Mater napolitains sont attribués, à raison, à Scarlatti et Pergolèse. Là où Scarlatti cultivait encore malgré tout les contrastes, la radicalité des changements, les phrasés abrupts, Pergolèse s’affranchit du goût baroque pour l’image, du symbole, pour mieux s’insinuer dans le sillage humain, presque organique, des voix. Le dépouillement mis à l’oeuvre s’inscrit plus nettement que le dispositif, déjà intimiste chez Scarlatti, dans une variété et un morcellement inédits pour une cantate tout à la fois expressive, galante et sensuelle – finalement, pas si religieuse, ou alors à peine, sur ses deux derniers mouvements. La douleur et la compassion restent les deux axes principaux d’une oeuvre à l’échelle humaine, et féminine, comme chez Scarlatti – une alto et une soprano. L’interprétation s’adapte ici à la diversité des registres, et on pourra, au choix, regretter la véhémence appuyée d’une Sonya Yoncheva toujours brillante, notamment dans le Cujus animam gementem, ou déplorer la modestie d’une Karine Deshayes plus en retrait. On se dira surtout que la partie d’alto, souvent défendue par des voix masculines, ne semble jamais coller avec la tessiture clairement mezzo de l’exceptionnelle Deshayes, qui ne s’avéra ici que tout à fait efficace et à propos, notamment sur un pudique Fac ut portem Christi mortem, mais qu’on a connue tout simplement bouleversante. Le tout sonna cependant avec l’éclat, la densité et l’émotion nécessaire. Finalement pas comme le « divin poème de la douleur » que décrivait Bellini, mais comme une célébration plus joyeuse de l’idéal musical napolitain, entre sensualité, cérébralité et une pureté certaine, encore dépourvue de soif d’absolu. Un beau programme, donc. Suzanne Lay
1 août 2016 Ferveur et Extase ‐ Nuits musicales en Vendée romane Amarillis (8 musiciens) et Stéphanie d'Oustrac
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