PHOTOGRAPHIES de A - Bilbao Théâtre

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PHOTOGRAPHIES de A - Bilbao Théâtre
PHOTOGRAPHIES de A

Daniel KEENE                       Traduction Séverine Magois (Ed. Théâtrales)

     			                     compagniebilbaothéâtre
                             Saison 2018-2019
     				dossier de production

 Avec Catherine GRAINDORGE et Ariane MORET
 Mise en scène Ariane MORET
 Assistanat à la mise en scène Audrey LIEBOT
 Conseils artistiques Philippe SOLTERMANNR
 Conseils scientifiques Charles BONSACK
 Dispositif scénique Neda LONCAREVIC
 Costumes Tania D’AMBROGIO
 Création vidéo BAstien GENOUX
 Création lumière LAurent JUNOD
 Création musicale et violon Catherine GRAINDORGE
 Diffusion sonore Julien NEUMANN
 www.bilbaotheatre.com / 076 390 22 17
PHOTOGRAPHIES de A - Bilbao Théâtre
PHOTOGRAPHIES de A
                   Daniel KEENE

         Traduction Séverine Magois (Ed. Théâtrales)

             CREATION 2018/2019
            18 au 22 septembre 2018
            Théâtre de l’Oriental Vevey
      à l’occasion du Festival Vevey Images

         30 octobre au 11 novembre 2018
            Théâtre du Pulloff Lausanne

          Production BILBAO THEATRE
          Coproduction l’Oriental Vevey
                      CONTACTS
  + 4 1 7 6 3 9 0 2 2 17 | bilbao t heat re@g mail.co m
  28 , c h . d u Mont- t endre | CH - 1007 Lausanne
Admini str ation L Aure nce KRIEGER + 41 78 903 99 58
              www.bilbaotheatre.com
          www.facebook.com/bilbaotheatre/

                              t

               EQUIPE ARTISTIQUE
Avec Catherine GRAINDORGE et Ariane MORET
Mise en scène Ariane MORET
Assistanat à la mise en scène Audrey LIEBOT
Conseils artistiques Philippe SOLTERMANN
Conseils scientifiques Charles BONSACK
Dispositif scénique Neda LONCAREVIC
Costumes Tania D’AMBROGIO
Création vidéo BAstien GENOUX
Création lumière LAurent JUNOD
Création musicale Catherine GRAINDORGE
Diffusion sonore Julien NEUMANN

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DECOUVERTE & NECESSITE DE CREER
                              Photographies de A

  En septembre dernier, Séverine Magois, traductrice de l’œuvre de Daniel Keene et par
ailleurs collaboratrice sur Strange Desire #PeggyLee, m’écrit en ces termes : « Ce matin,
je viens d'avoir un flash. Pièces courtes 3 de Keene sortira bientôt. Or, parmi ces pièces,
il y a un très beau monologue, Photographies de A, qui pourrait te plaire…».

  Grâce à Séverine, j’ai pu rencontrer Daniel Keene à plusieurs reprises lors de ses fré-
quents passages à Paris. Je connaissais son écriture et appréciais sa finesse dramatur-
gique. Nous avons échangé plus d’une fois autour de la part d’obscur et de mystère de
l’âme humaine, que l’auteur australien dépeint si bien. De nos rencontres est née une
grande complicité.

 Découvrant le document que Séverine a joint à son mail, je plonge aussitôt dans l’uni-
vers étrange de Photographies de A. Ce monologue poétique et fascinant a pour thème
central la folie. Ou plus précisément la manière dont la folie hystérique fut inventée,
théâtralisée et photographiée à la fin du XIXe siècle. Daniel Keene l’a écrit en 2007
à partir de L’Invention de l’hystérie (Charcot et l’iconographie photographique de la
Salpêtrière), essai de l’historien de l’art français Georges Didi-Huberman. Traduite par
Séverine, la pièce est créée en 2012 au Phénix, Scène nationale de Valenciennes, pour
quelques dates seulement, dans le cadre du festival L’improbable. Aujourd’hui, elle vient
d’être publiée aux éditions Théâtrales.

 Au sortir de ma lecture, je suis à la fois interdite et subjuguée. Je fais lire la pièce au
professeur et médecin psychiatre Charles Bonsack, lui aussi collaborateur sur Strange
Desire #PeggyLee. Il me répond : « Merci pour ce texte qui est très fort. L'hystérie est une
pathologie très théâtrale qui se prête évidemment à la scène. »

 Je suis alors définitivement convaincue qu’il faut monter Photographies de A et le don-
ner à découvrir au public suisse.

 Photographies de A aborde un thème intense dans un format court. D’une très grande
modernité, l’écriture à la fois condensée et segmentée traite de l’enfoui et du refoulé
avec beaucoup de subtilité, ne nous amenant jamais là où on l’attend. Photographies de
A est un matériau riche, traversé tout à la fois de pudeur et d’impudeur, de joie et de
détresse, de grâce et de malaise, d’exagération et d’effacement, d’extravagance et de
minimalisme, d’animalité, d’humanité, d’humour… Le tout dans une très grande tenue
artistique et plastique.

 La puissance et la singularité de ce texte m’ont fait rêver très fort. Voici les principaux
axes de mon projet de mise en scène.

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DEMARCHE ARTISTIQUE
                                   Lever le voile
 La psychanalyse est fascinante de par son influence et le mouvement qu’elle dé-
clenche dans la pensée de la fin du XIXe. Au-delà d’une science, elle est une véritable
révolution : elle remet en cause la vision des Lumières selon laquelle l’homme serait un
être totalement libre et rationnel.

  La psychanalyse a grandement suscité ma curiosité à l’adolescence et j’aurais presque
pu en faire mon métier. Décortiquer le profil psychologique d’un tueur en série, com-
prendre dans ses moindres détails les mobiles intimes d’un pervers narcissique, accéder
à la souffrance cachée d’un individu déviant, découvrir la cause profonde d’une personne
frappée soudainement d’amnésie… Si le théâtre découvert dès l’enfance a finalement eu
raison de mon hésitation, il me laisse tout le champ d’explorer artistiquement la méca-
nique obscure de l’âme humaine, parfois si démunie, parfois ô combien complexe. Lever
le voile, donner à découvrir aux spectateurs avec subtilité et douceur la face cachée d’un
improbable iceberg humain, voici une des lignes maîtresses de ma démarche artistique.

 Avec son personnage de femme cobaye classée a u rayon des hystériques, Photogra-
phies de A offre un matériau rêvé pour qui s’attache à traquer sur scène les méandres
de l’inconscient.

  Je crois que la représentation n'est rien d'autre que la projection dans le monde
sensible des états, et des images qui en constituent les ressorts cachés. Une
pièce de théâtre doit donc être le lieu où le monde visible et le monde invi-
sible se touchent et se heurtent, autrement dit la mise en évidence, la manifesta-
tion du contenu caché, latent qui recèle les germes du drame.
                                                     Arthur Adamov (Ici et maintenant)

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CONTEXTE HISTORIQUE
                             de Photographies de A

  A partir de 1870, les jeunes femmes souffrant soi-disant d’hystérie étaient internées
dans le service de l’Hôpital de la Salpêtrière à Paris, dirigé par le neurologiste Jean-Mar-
tin Charcot. Trois patientes, Blanche, Augustine et Geneviève, devinrent des célébrités
médicales. Leur histoire de vie de patientes au sein de ce service relève d’un curieux
amalgame entre science, religion, médecine, occultisme, hypnose, amour et théâtre.
Les médecins qui les traitaient, des hommes essentiellement, s’intéressaient plus à
la manière dont elles souffraient qu’à leur véritable mal. Le public était très friand du
phénomène et les histoires des patientes hystériques faisaient la une des journaux,
prenant des allures de véritables feuilletons. Les hystériques étaient photographiées,
sculptées, peintes ou dessinées. Chaque semaine, des foules empressées arrivaient
à l’hôpital pour assister à des démonstrations de crises d’hystérie ou autres manifes-
tations de symptômes, sous l’œil expert de Charcot. S’y pressaient des étudiants en
médecine, des praticiens, mais aussi des artistes, des écrivains, des acteurs, des so-
ciétés diverses ou simplement des curieux. L’hystérie était devenue alors un spectacle
fascinant, très en vogue.

                           Signes de conversion hystérique
                       Grande attaque hystérique ou à la Charcot
                 (extrait d’un manuel actuel destiné aux infirmiers en psychiatrie)

        Ces crises, qui restent exceptionnelles de nos jours, se déclenchent en
        plusieurs étapes.

        • Phase de prodrome : boule dans la gorge, troubles visuels, douleurs
        ovariennes, palpitations.
        • Phase épileptoïde : phase tonique avec arrête respiratoire et immo-
        bilisation tétanique de tout le corps. Il se produit alors des convul-
        sions à type de petites secousses et grimaces qui peuvent aller jusqu'à
        des grandes secousses généralisées. Puis disparition dans un calme
        complet.
        • Phase de contorsion clownesque : souvent accompagnée de cris et
        qui font penser à une lutte du sujet contre un être imaginaire.
        • Phase de transe ou attitude passionnelle : sorte d'imagerie vécue
        avec à peu près toujours le même thème, pénible, érotique ou violent.
        • Phase terminale ou de résolution verbale : retour à la conscience
        où le sujet verbalise des paroles inspirées du thème délirant.

        Cette grande attaque peut durer ¼ d'heure ou plusieurs heures.
        La conduite à tenir est d’éloigner les gens.

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RESONANCES
                           de Photographies de A
 Les expériences de Charcot à la Salpêtrière sont le prélude à une réflexion théorique
sur l'hystérie, qui donnera plus tard naissance à la psychologie moderne et à la psy-
chanalyse. Aujourd’hui l’hystérie n’est plus la même que celle du temps de Charcot, la
position de la femme dans la société s’est considérablement améliorée, ce qui paraît-il
aurait eu des influences sur ses états d’âme…

 Qu’à cela ne tienne. Le texte de Daniel Keene offre tout de même plusieurs questions
qui méritent d’être relevées. Même si le bien-fondé des expériences scientifiques est
prouvé, celles-ci n’ont jamais fait l’unanimité et ont de tout temps été contestées. L’idée
d’en passer par des animaux afin de prouver la viabilité de certains produits ou médi-
caments est difficile à accepter. Mais qu’en est-il quand ces expériences sont réalisées
sur des êtres humains ?

  Si l’apport de Charcot est prouvé par rapport aux progrès de la médecine, certains
de ses actes sont franchement discutables. Outre les interventions gynécologiques
réalisées sur les patientes classées hystériques (dues aux connaissances de l’époque
où l’on pensait encore que l’utérus était un organe mobile à stabiliser pour régulariser
l’humeur de la malade), que dire des instruments électriques utilisés pour figer une
expression du visage durant le temps de pause d’une photo qui était à l’époque de 20
secondes ?

 Mais ce que dénonce avant tout le texte de Photographies de A, c’est la mise en spec-
tacle aux yeux du grand public d’une personne malade. Entre cette exhibition et celle
des monstres de foire, il n’y a qu’un pas... En poussant la réflexion plus loin, on réalise
que la question de cette mise en regard concordait parfaitement avec le trouble des
patientes, dont la particularité était justement un besoin maladif de se donner à voir.
Celles-ci n’avaient alors aucun moyen de se défendre et cette exhibition forcée ne de-
vait qu’accroître leur propre mal. Quelle souffrance.

  Ce que je souhaite pointer avec notre spectacle, c’est la « soif du spectaculaire »
qui est à l’oeuvre dans notre société depuis la nuit des temps. En poussant à son pa-
roxysme le curseur du « venez assister au spectacle de ma douleur » proféré par A,
l’on verra en scène non seulement une femme présentant un trouble psychique spec-
taculaire, mais un être humain conscient du mal dont il souffre et qui pourtant meurt
de vouloir se conformer à la demande (scopique) du spectateur. Une allégorie de notre
société malade ?

 Si l’époque des Jeux romains est révolue, le malheur d’autrui attise toujours les curio-
sités. L’homme est ainsi fait. De la douleur de A et du « spectacle de la douleur » de A,
nous ferons notre spectacle.
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Un point encore… il s’agit bien d’une femme sur scène ?

 Absolument, une femme. Augustine, la plus jolie et fascinante pensionnaire de la Sal-
pêtrière. La favorite du docteur Charcot. Admirable en tous points, régulière dans ses
crises d’hystérie. « Une œuvre d’art vivante » comme disait le maître… Il a fait d’elle une
star. Ouf.

  Pourrait-on aller jusqu’à dire que A serait l’image de la femme sacrifiée d’une certaine
société patriarcale ? Condamnée à éternellement séduire ? Une comédienne d’Hol-
lywood qui donnerait tout face à un producteur prédateur ?

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DRAMATURGIE ET INTENTIONS DE MISE EN SCENE
 Je vais aborder Photographies de A comme un matériau situé au carrefour des arts
plastiques et de la scène, où l’image, la lumière et la musique ont un statut équivalent
à celui de la parole.

        « Il n’y a pas de remède. Mais il y a des photographies de la douleur. »

  A souffre d’un traumatisme dont les multiples crises en sont la manifestation exté-
rieure. Celles-ci alternent entre deux niveaux de conscience (normal et inconscient),
ainsi que des états variés, parfois extrêmes. Ces crises constituent le corps même de la
pièce, agencées en séquences toutes plus surprenantes les unes des autres. Le trau-
matisme, lui, n’est jamais révélé. Il se fait mystère. On peut le pressentir, le deviner.
Le spectateur a ainsi tout loisir de suivre son propre cheminement durant le spectacle.
La manière dont Keene conduit son récit me plaît énormément et c’est en cela que je
trouve Photographies de A terriblement contemporaine et poétique.

 Il va donc s’agir au niveau du plateau de trouver l’expression plastique de ce matériau,
tant au niveau du jeu que de la musique, du son, de la lumière et de l’image.

            MECANIQUE DE LA REPRESENTATION ET JEUX DE PERSPECTIVES

     « Cette douleur, je vous la ferai pour ainsi dire toucher du doigt dans un instant ;
 je vous en ferai reconnaître tous les caractères - comment ? - en vous présentant cinq
                 malades ».                                           Charcot

 A est diagnostiquée hystérique et ses crises à répétition intéressent la science. Pour
satisfaire la curiosité des neurologues, on l’épingle sur un plateau. Un appareil photo est
braqué sur elle. Il se déclenchera à la moindre manifestation de folie.

 « Est-ce que vous me REGARDEZ ? »
 sont les premiers mots de la femme en scène. Elle ouvre le spectacle en se donnant
en spectacle – « le spectacle de la douleur » dira-t-elle plus tard. Sans regard, pas de
spectacle possible.
 La question de la représentation et du théâtre est d’emblée posée. Elle sera la clé
de ma dramaturgie. C’est une notion que j’aime par dessus-tout, et que j’avais traitée
dans Strange Desire #PeggyLee par la mise en abyme.

  « Est-ce que vous ME regardez ? »
  La femme qui parle, c’est A. En référence à Augustine, la patiente fétiche du docteur
Charcot. Ici elle questionne les médecins. Mais A c’est aussi pour moi le A de l’Actrice
qui s’adresse directement aux spectateurs. Deux niveaux de lecture se dégagent alors :
la fiction avec le personnage d’Augustine et le présent de la représentation avec l’ac-

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trice. En exploitant avec finesse ces deux niveaux de jeu, nous ferons ressortir les am-
biguïtés qui font la richesse de ce texte tout en démultipliant son sens. Un bon moyen
de ne pas tomber dans l’écueil d’un théâtre essentiellement fictionnel et conventionnel.

 Qu’est-ce que le regard induit chez A ? / Qu’est-ce que le regard induit chez l’actrice ?
Comment A se donne-t-elle à voir au spectateur ? / Comment l’actrice se donne-t-elle
à voir au spectateur ? … Autant de possibles à décliner au fil des séquences.

  « Est-ce que VOUS me regardez ? »
  Un lien privilégié est noué avec le public. Un aveu de l’ici-maintenant. Sans specta-
teurs, pas de spectacle possible. Sur la question du regard justement, j’ai lu dans un
article qu’à la création française de Photographies de A, l’actrice jouait avec une pré-
sence invisible qui tournait autour d’elle, censée être un médecin imaginaire. Pour moi,
la présence, le médecin (ou le regard), c’est le public. Exit le quatrième mur. C’est dans
un rapport du présent du plateau, un rapport de connivence secrète entre public et
interprète, qui fonctionnera comme une respiration à deux, que je construirai ma mise
en scène.

 « Est-ce que vous me regardez ? », c’est aussi un clin d’œil au public… Il circule aus-
si dans Photographies de A du ludisme et de l’humour. Des bouffées de réminiscences
heureuses, d’extravagance joyeuse et de coquetterie traversent le texte. Nous nous
en emparerons. Tout ne sera pas sombre et douloureux. Je pense au terme de pin-up
médicales utilisé par Asti Hustvedt dans son essai Medical Muses (Bloomsbury, 2011).

 Voir à ce sujet l’article du Temps de Anna Lietti, joint à cette présentation.

  « Est-ce que vous me regardez ? »
 Ces mots, je les entends également comme un appel à la performance. Je dirais
même que cette dimension fait intrinsèquement partie de Photographies de A. Plusieurs
éléments y contribuent : l’action au présent, le thème de l’expérimentation en public,
ainsi que le propos de l’auteur visant à dénoncer l’exploitation d’un être humain. Dans
Photographies de A, la notion de performance se décline également sur deux plans :
performance de A / performance de l’actrice.

 Photographies de A exige un engagement total au niveau de l’interprétation. Il va s’agir
pour l’actrice de trouver la nécessité de prendre le plateau, d’aller puiser tout au fond
de soi, d’oser le lâcher-prise. Sans pour autant tomber dans l’incarnation ou les clichés
de l’hystérie. Un défi.
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JEUX DE REGARDS
                        dans Photographies de A
             LE REGARD A TRAVERS LE PRISME DE LA FOLIE : UN VERTIGE…

 Keene scande son texte d’indications de bascules de lumières très tranchées, évo-
quant le flash de l’appareil photo. Une manière à lui de transposer poétiquement la
pratique de la photographie sur les patientes hystériques de la Salpêtrière, la photogra-
phie servant à la fois de base d’observation pour la recherche médicale et de support
thérapeutique pour les malades souffrant de dissociation.

 Vous me regardez et je vous regarde étant regardée… Je me vois être regardée et je me
vois vous regarder… Vous me voyez être regardée et vous me voyez vous regarder… Je me
regarde et vous me regardez me regarder…

 Les combinaisons possibles entre regarder et être regardé se démultiplient à l’infini et
créent des jeux de miroirs : une véritable dialectique du regard se met en place.

  Dans notre Photographies de A, c’est une caméra et un écran qui prendront en charge
la question de la photographie. Ce dispositif permettra de décupler les jeux de regards
entre A et les spectateurs ou la musicienne (voir plus bas), de les mettre en perspective,
de les confronter par exemple en se servant du système du cinéma champ / contre-
champ. Car entre ce que l’on voit sur le plateau et ce qui se passe dans la tête de A ou
encore dans celle du spectateur, il y a tout un monde…

       focus sur quelques déclinaisons de regards

                                      JE ME REGARDE

 La question de l’identité m’accompagne depuis que je suis enfant : QUI SUIS-JE ?
Déjà approchée dans la création Strange Desire #PeggyLee, je la relie à la nécessité de
monter sur un plateau et de comment se donner à voir sous la lumière.

 Photographies de A traite du miroir brisé de l’identité qui cherche à se reconstituer, sans
y arriver. Ainsi, perte et quête d’identité s’entremêlent tout à la fois, à travers le thème
fascinant de la métamorphose.

 La comédienne performeuse va devoir se confronter au problème de A, qui du fait de
sa maladie, est en quelque sorte coupée en deux. A oscille entre deux pôles : un état
habituel de conscience et une partie d’elle dissociée, qui s’exprime à travers des crises
ou des états d’hypnose. Son état de conscience normal ne connaît pas cet autre aspect
                                                                                       10
de sa personnalité. Les photographies de ses crises devraient l’aider à se rassembler,
et par là guérir. Tout l’enjeu pour elle est de faire connaissance avec sa partie refoulée,
si terrifiante soit-elle.

          « Quelquefois il y avait deux visages. L’idée me vient de demander
                               qu’est-ce qu’un visage ? »

                                    JE EST UNE AUTRE

 Pour exprimer et jouer de cette dualité à la docteur Jekyll et mister Hyde, deux femmes
seront en scène : une violoniste (Catherine Graindorge, également comédienne) et une
comédienne (moi-même). Les deux femmes ne seront pas toujours sur le même plan
mais seront amenées à interagir, selon la nature des séquences.

             « Je l’entends qui me parle moi… elle de moi et moi d’elle…
                              écoutant crier notre nom. »

                                CELLE QUI EST REGARDEE

 Bête de foire
 A comme animal ? Captive de la cage de scène, captive du regard d’autrui, captive
d’elle-même.
 A la Salpêtrière, le corps médical oppressait le corps féminin. Augustine, comme
toutes les femmes soi-disant hystériques de la Salpêtrière, faisait l’objet d’expériences
médicales. Des interventions sur l’utérus (du grec hustéra, à l’origine du mot hystérique),
organe jugé responsable du trouble, étaient régulièrement pratiquées. Peut-on parler
de torture ?

 Très sensible à la notion d’objetisation que dénonce Daniel Keene à travers la mise en
regard de A / de l’actrice, l’une de mes préoccupations sera de faire entendre la parole
(et le cri) de cette prisonnière épinglée sous le regard des médecins et spectateurs. Je
pense au célèbre film de Dreyer La Passion de Jeanne d’Arc.

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Bête de scène
  A comme attraction… Le regard posé sur la patiente atteinte d’hystérie est en quelque
sorte l’élément déclencheur du trouble. Se sentant regardée, les émotions de l’hysté-
rique vont s’amplifier, allant jusqu’à devenir excessives et théâtrales. En surjouant leur
propre rôle, les patientes de la Salpêtrière s’assuraient un traitement privilégié, bien
meilleur que celui des autres femmes internées dans des conditions très dures.

  A comme angoisse… Photographies de A questionne également une certaine cruauté si
caractéristique du show business. A c’est aussi l’actrice tourmentée à qui l’on veut faire
jouer tous les rôles, mais qui n’a pas de rôle propre… On pense à la détresse de Romy
Schneider dans L’important c’est d’aimer d’Andrzej Zulawski…

                      ESTHETIQUE ET PLASTICITE
                       dans Photographies de A
  L’univers de la Salpêtrière offre une riche iconographie entre le monde cadré de la
science, les débordements spectaculaires de ses malades, et l’œil de l’appareil photo
qui capte et aimante l’improbable étrangeté, pour ne pas dire la folie des pensionnaires.
Il émane des archives de la Salpêtrière, tant au niveau des images que des témoi-
gnages, une ambiance particulière et insolite, à la fois clinique et expérimentale, par-
fois discutable, aux limites de l’acceptable. Keene a magnifiquement su s’en emparer,
livrant un texte souterrain, dangereux et dérangeant. Il plane dans Photographies de A
une dimension quasi surnaturelle durant l’attente du phénomène qui associe specta-
teurs et patiente. L’attente du fantôme qui va visiter et convulsionner le corps de A…

 A l’instar de l’univers de David Lynch auquel je me référerai esthétiquement, le spec-
tateur de Photographies de A sera invité à plonger dans un monde fantasmagorique où
tout pourra advenir…
                                                                                     12
Le son, la musique, l’image et la lumière seront des personnages à part entière, dia-
loguant tout au long du spectacle / de la performance avec l’actrice et les spectateurs.

 Pour autant que le hall du théâtre le permette, l’univers sonore de Photographies de A com-
mencera à distiller, avant la représentation, une curieuse et envoûtante tension concoc-
tée par la musicienne. Tissée de sons de violon amplifié et de bruits ou voix importés,
empruntée à l’imaginaire des couloirs de la Salpêtrière et de sa cour des miracles où se
mêlent tout à la fois litanies, cris, plaintes, pleurs, rires de toutes sortes, la création sonore
de la violoniste agira déjà sur l’esprit du spectateur, telles les prémisses du voyage à venir.

 La musique étant au cœur des créations théâtrales de Bilbao Théâtre, Elle aura dans
Photographies de A une place au même titre que la parole. Le violon en sera l’instrument
central. Amplifié et travaillé à l’aide de samplers et de pédales à effet, il saura se faire
doux et caressant, apaisant, voire réconfortant, ou au contraire angoissant et perturbant.

 Certains    passages     pourront     faire   l’objet   de   chanson,     comme      celui-ci    :

 “J’étais une enfant chétive le vent me renversait mes yeux étaient très
  bleus mes cheveux blond foncé au fond du jardin j’étais seule dans le
   royaume du monde mon visage ne manifestait aucun signe de ce qui
 était à venir j’étais seule mes cheveux blond foncé mes yeux très bleus
je ne voulais pas parler je ne voulais pas apprendre je voulais un ruban-
  rouge pour y faire un nœud à nouer dans mes cheveux regarder dans
une glace et me voir quand on est trop seul on ne parle plus de solitude
 parmi les fleurs je nouais de rubans mes cheveux blond foncé je vivais
  dans le royaume d’un enfant le vent qui me renversait me donnait une
  bonne leçon que je ne voulais pas apprendre je me cachais à l’ombre
       des fleurs mes cheveux blond foncé tout brûlants de rubans”
Source d’inspiration : l’album LONG DISTANCE de Catherine Graindorge et l’Australien Hugo
Race https://soundcloud.com/long-distance-operators/albums
                                                                                             13
“I was a sickly child my eyes were very blue my hair dark at the end of
 the garden I was alone in the kingdom of the world my face showed no
  signs ofwhat was to come I was alone my hair dark my eyes very blue
   I did not wantto speak I did not want to learn I wanted red ribbons to
 tie in my hair to lookinto a mirror and see myself when one is alone too
   much one no longerspeaks of loneliness among the flowers I tied my
  dark hair with ribbons Ilived in the kingdom of a child I hid in the sha-
             dows of flowers my dark hair burning with ribbon”

 Le point de départ du dispositif scénique sera celui d’un studio de photo, en référence à la
Salpêtrière, mais il s’inspirera également des codes des muséographies installatives pour
souligner le côté exhibitionniste de l’iconographie de l’hystérie. D’une apparente simpli-
cité, il sera constitué de plusieurs écrans, de tailles différentes, ainsi que de divers maté-
riaux tels que toiles, tulles, plastiques ou écrans de projection, qui habilleront murs et sols.

 Ces surfaces pourront accueillir des photographies et images projetées depuis plu-
sieurs axes. L’espace de jeu deviendra un univers virtuel où tout est possible, comme
dans l’espace mental de A. Ce dispositif « invisible » permettra de passer facilement d’un
monde à l’autre. L’on pourra ainsi aisément « switcher » de la réalité de la représentation
au studio photo, à l’inconscient de A, à la chambre d’un hôpital, à un espace fictionnel, ou
encore superposer les différentes réalités, puisque la folie est aussi une perte de repères.

                                                                                           14
Un mobilier minimal (chaise, matelas à même le sol) le complétera ainsi que des objets
faisant partie de la narration tels que micros, caméras, loopers, instruments de musique.

 Le rapport public / salle sera dans un rapport frontal. Il permettra de développer une
relation privilégiée au spectateur qui pourra par instants se sentir dans une position de
voyeur observé.

  Les variations extrêmes des intensités de lumière, parfois brusques, les surexpositions,
les soudains passages au noir seront autant de possibles pour raconter les états inté-
rieurs de A, donner à voir des éclats de sa psyché tels que par exemple les surgisse-
ments de ses réminiscences sous l’effet des flashs.

«On m’a photographiée. Ces photographies prouvent que j’étais. Que j’ai été. Que j’ai
été photographiée. J’étais présente. A un certain moment. Dans une certaine lumière.
               Pendant un certain temps. Rien d’autre n’est certain.»

 Le choix des images projetées sera défini en fonction de la traversée dramaturgique
que nous préétablirons, après analyse minutieuse des séquences de jeu du point de vue
médical. Elles auront pour mission de prendre en charge la subjectivité de A, d’élargir et
enrichir par exemple le champ de la parole là où il se fait trop opaque, ou au contraire
de prolonger un moment de trouble, tel que le surgissement d’une réminiscence.

 Les images, préenregistrées ou en live, pourront être de plusieurs natures : sensorielles,
médicales, « fictionnelles » (comme indices possibles du passé de A). Le vidéaste tra-
vaillera dans une esthétique plus proche de l’analogique que du numérique, de manière
à livrer une image texturée.

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“Je tombe dans le passé. Je m’élance dans l’avenir. …
                       L’avenir est une photographie de moi.”

 Au niveau de l’espace et de l’image, nous exploiterons le phénomène de la camera
obscura (chambre noire), l’ancêtre de l’appareil photo moderne, instrument optique ou
objectif permettant d'obtenir une projection de la lumière sur une surface plane, c'est-à-
dire une vue en deux dimensions très proche de la vision humaine. L’instrument optique
étant une lentille glissée dans un trou laissant passer la lumière, allégorie de l’œil cher-
chant à pénétrer les méandres de l’inconscient de la malade exposée. L’image projetée
se trouve alors inversée.

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LE TEMPS vendredi 26 avril 2013, Anna Lietti

Santé mentale
Augustine, vie et destin d’une pin-up médicale
L’hystérique la plus photogénique de la Salpêtrière a inspiré la cinéaste Alice Winocour. Mais qui était-
elle, cette fille du peuple devenue icône souffrante, qui a manqué Freud d’un cheveu?

Elle n’était pas la plus belle, mais la plus photogénique. Il y avait, dans ses «attitudes passionnelles» (troi-
sième phase de l’attaque, après les contorsions et avant le délire), une grâce inégalée.

Et puis, avec ses crises bien rythmées et complètes dans tous leurs stades, elle représentait «un exemple
très régulier, très classique» d’hystérie, se réjouissait Jean-Martin Charcot, grand maître de la maladie.
Augustine fut, à n’en pas douter, son «chef-d’œuvre», celle qui illustra le mieux sa taxinomie, observe le
philosophe et historien de l’art Georges Didi-Huberman.

Entrée à l’hôpital parisien de la Salpêtrière en même temps que la photographie, en 1875, Augustine en
devint rapidement le mannequin vedette, l’hystérique iconique, une véritable «pin-up médicale», selon
l’expression d’Asti Hustvedt. Le Tout-Paris scientifique et mondain se bousculait dans l’amphithéâtre
des célèbres «leçons du mardi» du professeur Charcot pour admirer la belle dans ses crises à forte teneur
érotique. Au fil des décennies, Augustine est restée un objet de fantasmes et de projections multiformes.
L’«hystérique», du grec «hustera», utérus, n’incarne-t-elle pas le féminin déchaîné?

De là à lui prêter des intentions rebelles, le pas est vite franchi. C’est ainsi que l’ont comprise nombre
d’artistes – peintres, chorégraphes, réalisateurs – inspirés par la figure d’Augustine. Jusqu’à Alice Wino-
cour, dont le beau film Augustine sort ces jours sur les écrans romands. Prenant le parti de la fiction, la
réalisatrice française imagine ce qui a pu se passer entre le neurologue et sa malade, dans ce glissement
où, d’objet d’étude, elle devient objet de désir. Alice Winocour signe une fable de l’émancipation, où la
fille du peuple «découvre qu’elle a une tête» et prend le pouvoir sur son médecin qui, lui, se découvre un
corps.

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Enfance glacée
Voilà pour la figure, le symbole. Mais que sait-on de la personne d’Augustine? Tout à sa pratique de
l’observation, tendu vers la description du «tableau clinique», le fondateur de la neurologie moderne ne
s’intéressait pas à ce que pouvaient dire ses patientes. C’est Désiré-Magloire Bourneville, collaborateur
de Charcot, qui a tendu l’oreille et consigné les informations disponibles pour l’édition de l’Iconographie
photographique de la Salpêtrière dont il est le maître d’œuvre. Un livre récent de l’Américaine Asti Hust-
vedt retrace le destin d’Augustine parmi d’autres «muses médicales». Voici ce qu’elle dit d’elle.

Louise Augustine Gleizes est née en 1861 d’un couple de domestiques parisiens employés chez un certain
Monsieur C. Elle est immédiatement mise en nourrice à la campagne, selon la coutume de l’époque. Une
coutume meurtrière pour les enfants des classes populaires, dont la famille ne pouvait s’offrir une nounou
haut de gamme à domicile. Une sœur et deux frères d’Augustine sont morts en nourrice.

A neuf mois, la fillette est envoyée chez des parents à Bordeaux pour des années d’enfance dont on ne
sait rien sauf qu’elle a tardé à parler. A six ans et demi, elle repart dans un internat religieux à la Ferté-
sous-Jouarre où elle trompe son ennui et sa contrariété en s’adonnant à quelques jeux de tripotage entre
copines, durement réprimés. Elle passe ses week-ends à Paris, mais ses parents sont au travail: elle est en
roue libre avec son frère Antoine, grand connaisseur des choses du monde adulte.

A treize ans elle est placée chez Monsieur C., qui la viole sous la menace d’un rasoir puis, de peur qu’elle
ne le dénonce à sa femme, la renvoie chez ses parents. Vomissements, crampes. Le médecin, sans exami-
ner la jeune fille, décrète que ce sont les règles et la mère ne pose pas de questions: Augustine apprendra
plus tard que cette dernière l’a carrément vendue à C., qui est aussi le père biologique d’Antoine.

Quelques jours après le viol, Augustine fait sa première convulsion hystérique. Au diagnostic qui suivra
s’ajouteront: insensibilité du côté droit, tremblements, chorée rythmique (mouvements désordonnés),
contractions musculaires, paralysie de la jambe droite.

Le corps parle

Aujourd’hui, on dirait: Augustine n’a trouvé personne à qui parler, alors son corps a pris la parole. On
ajouterait que c’est sa révolte contre l’oppression masculine qui s’inscrit dans ce corps convulsé. François
Ansermet, chef du Service de psychiatrie de l’enfant à Genève et conseiller pour le film d’Alice Wino-
cour: «Freud expliquera plus tard que l’hystérique «souffre de réminiscence»: ne pouvant se souvenir, elle
répète, en le mettant en scène, ce qu’elle ne peut pas dire.»

Mais en 1875, on n’en est pas encore là. Le professeur Charcot est tout occupé à décrire l’hystérie. Et
notamment à démontrer qu’une convulsion ou une paralysie hystérique surviennent indépendamment de
toute lésion cérébrale. La preuve: on peut, par l’hypnose, déclencher ou faire disparaître ces symptômes à
la demande. D’où les célèbres «leçons», où le professeur sera soupçonné de fabriquer des folles sexuelles
pour le spectacle et pour sa gloire.

Internée à quatorze ans – et non à quinze et demi comme on l’a dit, selon Asti Hustvedt – Augustine, cette
jeune malade si «affectueuse» et «impressionnable», en aurait-elle rajouté pour faire plaisir au docteur?
Aurait-elle pu, comme dans le film d’Alice Winocour, lui «offrir» une crise simulée? François Ansermet
l’exclut: «La crise d’hystérie arrive au sujet, elle s’empare du corps comme d’une marionnette.» Mais
aussi, elle peut être déclenchée ou stoppée d’un mot, car la suggestion joue un rôle central dans la mala-
die: c’est ce que Charcot a démontré, on comprend par où il a pu être mal compris.

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Après une phase d’attaques intenses – 1296 en 1877! –, Augustine semble guérie. En 1879, elle est libérée
de l’hôpital mais continue de vivre à la Salpêtrière, employée comme fille de salle. Elle continue aussi
à se prêter aux expériences de Charcot. Elle peut être mise en catalepsie en un tournemain et son corps
devient alors maniable comme du caoutchouc. Dans ses hallucinations, elle parle d’un bien-aimé désiré,
mais qui se refuse à elle. On pense au «rapport traumatique à la séduction» que décrira Freud plus tard.

Après seize mois, elle rechute et devient très agitée. Pour la première fois, on l’enferme. Les commen-
taires sur elle dans l’Iconographie se vident de toute empathie. L’enfant-mannequin, la mascotte de la
maison est devenue une femme qui veut partir. Elle fait plusieurs tentatives d’évasion, se blesse, recom-
mence. Jusqu’au jour où, en 1880, elle parvient à s’enfuir, déguisée en homme. Une note de bas de page
dans l’Iconographie indique encore qu’après sa fuite, on a découvert qu’elle vivait à Paris, 19, rue Som-
merard dans le 5e, avec son amant, rencontré à la Salpêtrière.

Avenir de l’hystérie
Si elle y était restée encore cinq ans, Augustine aurait rencontré Sigmund Freud, élève de Charcot.
L’homme qui comprit ce qui paraît évident aujourd’hui: pour guérir Augustine, il fallait l’écouter, pas
la regarder. Freud le comprit grâce à des patientes comme elle, ce qui fait dire à François Ansermet que
«d’une certaine manière, l’hystérique a inventé la psychanalyse».

Comment se fait-il alors que «l’hystérie» n’existe plus? Le mot, trop connoté, a disparu des manuels.
On parle aujourd’hui, face à une paralysie inexpliquée par exemple, de troubles somatoformes ou de
symptôme de conversion. Entendez la conversion des conflits psychiques dans le corps. Tremblements,
paralysies, affaissements sont au premier rang des phénomènes observés. Il y a moins de convulsions:
«Plasticité des symptômes», qui varient selon les époques, la culture.

Mais pourquoi ces symptômes affectent-ils autant les deux sexes, alors qu’au XIXe l’hystérie était consi-
dérée comme intrinsèquement féminine? «La morale rigide de l’époque et la répression de la sexualité
favorisaient certainement alors une sexualisation extrême des conflits intérieurs», surtout chez le sexe le
plus brimé, avance encore François Ansermet.

Alors oui, cette fameuse «épidémie d’hystérie» qui s’est emparée des contemporaines d’Augustine peut
être considérée comme une forme de surgissement collectif. Pas encore à proprement parler une révolte:
les révoltes sont conscientes. Un prélude. Dont Augustine reste le symbole, à son insu.

                              AUTOUR DU SPECTACLE
                                           actions envisagées

 Un bord de scène à l’issue d’une représentation autour du thème de l’hystérie du temps de
 la Salpêtrière à aujourd’hui, en présence notamment de Charles Bonsack, Médecin
 chef de la Section de psychiatrie sociale du Service de psychiatrie communautaire du
 CHUV et professeur associé de l’UNIL.

 Un débat sur les rapports entre pouvoir médical et patients avec la participation de
 Charles Bonsack, Philippe Conus, professeur ordinaire à la FBM et chef de Service
 de psychiatrie générale du CHUV, Aude Fauvel, historienne de la médecine, Maître
 d’enseignement et de recherche à l’Institut universitaire d’histoire de la médecine et
 de la santé publique, Stéphane Morandi, psychiatre spécialiste de la question de la
 contrainte, Médecin responsable de l’Unité de Psychiatrie Mobile – DP-CHUV.
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EQUIPE ARTISTIQUE Photographies de A

                                                 Daniel KEENE
                                                 Auteur

Daniel KEENE est né à Melbourne en 1955. Après une brève expérience d’acteur et de
metteur en scène, il écrit pour le théâtre, le cinéma et la radio depuis 1979. Nombre de
ses textes ont été créés par le Keene/Taylor Theatre Project, compagnie qu’il a codiri-
gée de 1997 à 2002. Après une assez longue traversée du désert dans son propre pays,
ses pièces sont de nouveau jouées en Australie, où il est enfin reconnu comme l’un des
auteurs majeurs de sa génération. Ses pièces sont également jouées à New York, Pékin,
Berlin, Tokyo, Lisbonne… Nombre d’entre elles ont été distinguées par d’importants
prix dramatiques et littéraires.
Depuis 1999, il est également très présent sur les scènes françaises. Parmi les nom-
breuses créations de ses textes, citons notamment : Silence complice (J. Nichet, Théâtre
national de Toulouse), Terre natale (L. Gutmann, Scène nationale de Blois), Terminus (L.
Laffargue, Théâtre de la Ville), La Marche de l’architecte (R. Cojo, Festival d’Avignon),
Moitié-moitié (L. Hatat, Scène nationale de Douai), Avis aux intéressés et Un soir, une ville…
(D. Bezace, Théâtre de la Commune), Ce qui demeure (M. Bénichou, Maison des Métal-
los), Ciseaux, papier, caillou (D. Jeanneteau et M.-C. Soma, La Colline)… Il écrit d’ailleurs
souvent à la demande de compagnies françaises (Les paroles, La terre, leur demeure, Cinq
hommes, Le Veilleur de nuit, L’Apprenti, Dreamers, Chère Juliette, La Promesse, Manon &
Baptiste… et est régulièrement accueilli en France comme auteur en résidence, notam-
ment à la Chartreuse de Villeneuve-lez-Avignon. C’est lors d’une résidence au Centre
Intermondes de la Rochelle, en 2007, qu’il écrit Photographies de A.
En 2016, il est nommé au grade de chevalier des Arts et des Lettres.
Son œuvre compte une vingtaine de pièces longues, et une soixantaine de pièces
courtes, une forme qu’il affectionne particulièrement. Publiés pour l’essentiel aux édi-
tions Théâtrales, ses textes sont traduits et représentés en France par Séverine Magois.

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EQUIPE ARTISTIQUE Photographies de A

                                                Séverine MAGOIS
                                                Traductrice

Après des études d’anglais et une formation de comédienne, Séverine MAGOIS s’est
orientée vers la traduction théâtrale. Elle travaille depuis 1992 au sein de la Maison
Antoine Vitez – Centre international de la traduction théâtrale, dont elle a coordonné à
plusieurs reprises le comité anglais.

Depuis 1995, elle traduit et représente en France l’œuvre de Daniel Keene (Théâtrales),
ainsi que le théâtre pour enfants de l’Anglais Mike Kenny (Actes Sud / Heyoka Jeu-
nesse).

Elle a également traduit, pour la scène et/ou l’édition, des pièces de Sarah Kane (L’Arche),
Kay Adshead (Lansman), Terence Rattigan (Les Solitaires intempestifs), Harold Pinter,
Martin Crimp (L’Arche), Nilo Cruz (L’Arche), Mark Ravenhill (Les Solitaires intempes-
tifs), Lucy Caldwell (Théâtrales), Athol Fugard, Simon Stephens (Voix navigables), Matt
Hartley (Théâtrales), Penelope Skinner, Pat McCabe (Espaces 34), Rob Evans (L’Arche),
David Harrower (L’Arche), Aleshea Harris, Nick Payne, Alice Birch, Duncan Macmillan…

De 2010 à 2014, elle est membre du Collectif artistique de la Comédie de Valence,
Centre dramatique national Drôme-Ardèche.

En 2005, elle reçoit, avec Didier Bezace, le Molière de la meilleure adaptation d’une
pièce étrangère pour La Version de Browning de Terence Rattigan. En 2013, elle se voit
décerner le Prix de la traduction des Journées de Lyon des auteurs de Théâtre pour
Brûler des voitures de Matt Hartley, dont elle devient l’agent français en 2016. En 2017,
elle est lauréate du Prix de la traduction de la SACD.

                                                                                       21
EQUIPE ARTISTIQUE Photographies de A

                                               Ariane MORET
                                               Metteure en scène
                                               Comédienne

Comédienne et chanteuse, Ariane MORET débute au théâtre à l’âge de 12 ans sous la
direction de Georges Lavaudant (Maître Puntila et son valet Matti) et Marcel Maréchal (rôle
de Louison, Le Malade imaginaire). Ces deux expériences inédites lui révèleront son désir
de devenir comédienne.

Sortie de l’I.N.S.A.S de Bruxelles en 1993, elle se produit entre Bruxelles, Paris, Berlin
et Lausanne, dans des mises en scène signées Joan Mompart (Madame Peachum dans
L’Opéra de quat’sous aux côtés de Thierry Romanens), Philippe Adrien, Gisèle Sallin,
Gérard Desarthe, Daniel Mesguich, Omar Porras, Stéphane Braunschweig, Joël Jouan-
neau, Franco Però, Jacques Delcuvellerie, Philippe Van Kessel, Marc Liebens, Fabrice
Gorgerat, Laurence Calame… Dans Biographie sans Antoinette de Max Frisch monté par
Hans Peter Cloos au Théâtre de la Madeleine à Paris, elle est la partenaire de Thierry
Lhermitte et Sylvie Testud.

En 2002, Ariane Moret se forme à la mise en scène auprès de Thomas Ostermeier à la
Schaubühne de Berlin. Elle est assistante sur Nora (Ibsen). En octobre 2013, elle réalise
une commande de mise en scène, Camino de Bernard Reymond, présenté aux Studios
Albatros à Montreuil puis repris au Théâtre des Terreaux à Lausanne en avril 2017.

Parallèlement à son travail d’actrice, Ariane Moret développe le théâtre chanté. En col-
laboration avec Lionel Bourguet, elle réalise son premier spectacle musical, Bonjour
mon chien, créé à Bruxelles en 1999 (Prix du Meilleur Spectacle, Festival Théâtre en
Compagnie). Elle fonde ensuite la Compagnie Bilbao Théâtre et crée, en collaboration
avec Georges Gagneré, Bilbao, Brecht-Weill Songs, donné en France, Belgique, Suisse,
Allemagne et Espagne, en français et allemand, et tout dernièrement Strange Desire
#PeggyLee, spectacle musical joué plus de 35 fois en Suisse romande.

Au cinéma, elle tourne avec Alain Tanner, Anne-Marie Etienne, Inès Rabadan, Vincent
Lannoo. Plus récemment, on a pu la voir dans des séries TV pour la TSR, TF1, France
2 et France 3.
                                                                                      22
EQUIPE ARTISTIQUE Photographies de A

                                                          Audrey LIEBOT
                                                          Assistante à la mise en
                                                          scène

Metteure en scène, assistante, performeuse, Audrey LIEBOT est née à Nantes (France)
en 1985. Elle s’engage dans des études supérieures de littérature (classe préparatoire,
Maîtrise de lettres modernes) en parallèle de sa formation de comédienne (Conserva-
toire de Nantes, Atelier international de théâtre, Paris) et de metteure en scène (Master
mise en scène & dramaturgie, Université de Nanterre).

A Nanterre, elle engage une recherche sur les Pièces courtes de Daniel Keene et dé-
bute un travail d’exploration de la pièce de Naomi Wallace, Au pont de Pope Lick, qui
prend plusieurs formes : happening, court-métrage, version pour 4 acteurs. Elle colla-
bore régulièrement avec les éditions Théâtrales et crée la compagnie Magnolia à Paris
en 2015. Elle engage la création de l’intégrale des pièces de Sarah Kane, Intégrale Sarah
Kane. Son travail s’inscrit dans une recherche performative qui tente de bouger les co-
des de la représentation.

En septembre 2017, elle entre à La Manufacture, Haute école des arts de la scène de
Lausanne, en Master de Mise en scène dirigé par Robert Cantarella et entame une re-
cherche sur le théâtre et ses interstices : Prenez soin de vous.

En France, elle travaille notamment avec Sandrine Dumas (Le temps devant soi, Hermès,
Paris), Sophie Liu et Benjamin Blot (Ne te retourne pas, court-métrage), Yves-Noël Genod
(Casser une noix, Vitry), Florent Trochel (Montagne 42, Montbéliard), Anaïs de Courson
(18763 mots en arial 11, Paris), Clio Simon (Diable écoute, Le Fresnoy) et Moreau (Et ce
cri est un long cri qui ne s’arrêta jamais, Maman est folle, Non, L’Illétric, Moderato, Nevermind,
Île-de-France, Lille, Lyon, Centre), en tant que comédienne, assistante, performeuse,
dramaturge. Récemment elle participe à L’Amour du risque 2 de Thibaud Croisy et tourne
dans 120 battements par minute de Robin Campillo, Grand Prix Festival de Cannes 2017
(une militante Act-Up). Elle suit les cours de culture et langue islandaise de Bjarni Bene-
dikt Björnsson à l’Université Sorbonne-Paris IV.

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