8 Festival d'Avignon - #87 / Vandalem - Paugam - Allegret - Laujol -Chahrour - François - I/O Gazette
←
→
Transcription du contenu de la page
Si votre navigateur ne rend pas la page correctement, lisez s'il vous plaît le contenu de la page ci-dessous
I/O — WWW.IOGAZETTE.FR — LA GAZETTE DES FESTIVALS — 18 JUILLET 2018 — N°87 — GRATUIT n°87 Festival d’Avignon #87 / Vandalem — Paugam — Allegret — Laujol —Chahrour — François Dacosta — Rencontres d’Arles — Carthage Dance — CPH Stage © Claire Soubrier
— LA GAZETTE DES FESTIVALS — 18 juillet 2018 WWW.IOGAZETTE.FR JAMAIS SEUL ORPHÉE APHONE MOHAMED ROUABHI PATRICK PINEAU VANASAY KHAMPHOMMALA ÉDITO SOMMAIRE — — 9 > 13 OCTOBRE 9 > 15 JANVIER «TANT VA LA CRUCHE À L’EAU…» FOCUS PAGES 4-6 LA CHARTREUSE SAGA Anne-Cécile Vandalem: Arctique P DE PARME JONATHAN uisque 42 est la réponse à toutes les interrogations de l’Uni- Lena Paugam: Hedda Yan Allegret: On prend le ciel et on le coud à la terre OU SE FOUTRE CAPDEVIELLE vers, à quoi bon triturer sans cesse ce qui habite ou déserte les intentions des metteurs en scène? Un constat de plus en plus — CARRÉMENT DE TOUT 29 JANVIER REGARDS PAGES 8-9 présent anime nos discussions tardives, les bibles (mot correct STENDHAL > 2 FÉVRIER pour dire «programmes de salle», NDLR) ne sont-elles pas souvent plus Denis Laujol: Pas pleurer SOPHIE GUIBARD pertinentes (amusantes, décadentes…) que leur concrétisation sur les Ali Chahrour: May he rise and smell the fragrance ÉMILIEN HORIZON plateaux? Question délicate à laquelle Douglas Adams nous offre une Hélène François: Les désespérés ne manquent pas de panache SAISON 2018/19 DIARD-DETŒUF ALEXANDRE FINCK réponse sous forme de nuit sans retour qui, avouons-le tout de go, nous (vous?) épargne un cortège de théorisations qui auraient pu dégénérer Yann Dacosta: Qui suis-je? — 17 > 19 OCTOBRE ADRIEN FOURNIER au consensuel ou, pire, au réactionnaire. Nous garderons comme un plai- EN BREF PAGE 10 5 > 7 FÉVRIER sir coupable la délectation des discours improbables qui se gargarisent Hanane Hajj Ali: Jogging LE JOUR OÙ LES de mots et de concepts réjouissants, caressant dans le sens du poil notre Olivier Maurin: Illusions FEMMES ONT PERDU BÉRÉNICE besoin d’entre-soi. Puisque la programmation officielle tend à promou- Dag Jeanneret: Mon grand-père (partait tous les ans en Italie...) LE DROIT DE VOTE JEAN RACINE voir des propositions plus «grand public», ces plongées de pédanteries restent le seul îlot de snobisme, oasis dans notre désert estival. Eric Domenicone: Romance KEVIN KEISS CÉLIE PAUTHE Fabienne Barbier: Ma vie! Un poing c'est tout! DIDIER GIRAULDON 27 FÉVRIER Kevin Keiss: Ô ma mémoire, portrait de Stéphane Hessel — 22 > 27 OCTOBRE > 9 MARS La rédaction RENCONTRES D'ARLES PAGE 12 À QUOI RÊVENT FESTIVAL WET° Prochain numéro le 21 juillet Une colonne de fumée Jonas Bendiksen LES PANDAS ? 4E ÉDITION — DOULCE MÉMOIRE 22 > 24 MARS REPORTAGES PAGE 15 Carthage Dance (Tunis) THÉÂTRE D’OMBRES MEPHISTO CPH Stage(Copenhague) DU HUNAN {RHAPSODIE} 30 > 31 OCTOBRE KLAUS MANN LA NOSTALGIE SAMUEL GALLET DU FUTUR JEAN-PIERRE BARO PIER PAOLO PASOLINI 2 > 6 AVRIL GUILLAUME LE BLANC LA TRUITE CATHERINE MARNAS BAPTISTE AMANN RODRIGO GARCÍA (ES) Encyclopédie de phénomènes paranormaux Pippo y 6 > 10 NOVEMBRE RÉMY BARCHÉ Ricardo sous l’autorité de la confrérie Logia Lautaro LA RÉUNIFICATION 23 > 27 AVRIL FORCED ENTERTAINEMENT (UK) Real Magic DES DEUX CORÉES BLABLABLA GURSHAD SHAHEMAN (IR/FR) JOËL POMMERAT JORIS LACOSTE Il pourra toujours dire que c’est pour l’amour du prophète JACQUES VINCEY EMMANUELLE LAFON SOROUR DARABI (IR/FR) FARCI.E 19 > 24 NOVEMBRE 15 > 18 MAI PAULA PI (FR) LE BRUIT DES ARBRES SUITE Nº 3 « EUROPE » Alexandre QUI TOMBENT JORIS LACOSTE ALESSANDRO SERRA (IT) Macbettu NATHALIE BÉASSE PIERRE-YVES MACÉ Malte Martin atelier graphique | avec Vassilis Kalokyris 4 > 8 DÉCEMBRE 21 > 25 MAI PHOTO: MARTA GÓRNICKA: Hymn to love © Magda Hueckel KRYSTIAN LUPA (PO) Le Procès VILAIN ! ILS N’ONT RIEN VU HETPALEIS EN SONTAG / LIES PAUWELS (BE) Truth or Dare, Britney or Goofy, Nacht und Nebel, ALEXIS ARMENGOL THOMAS LEBRUN Jesus Christ or Superstar 18 > 22 DÉCEMBRE 4 > 7 JUIN MARTA GÓRNICKA (PO) Hymn to love BERLIN (BE) True Copy OSKARAS KORSUNOVAS (LT) Wedding NATURE THEATRE OF OKLAHOMA (US) 45 SPECTACLES INTERNATIONAUX Pursuit of Happiness INFO / TICKETS LAETITIA DOSCH (FR/CH) HATE www.nextfestival.eu
— LA GAZETTE DES FESTIVALS — 4 18 juillet 2018 WWW.IOGAZETTE.FR ERRANCE DU TEMPS — par Jean-Christophe Brianchon — C’était au mois de janvier, il y a deux ans. Anne-Cécile bitera que les erreurs du temps passé. De l’Homme au boue devenue la matière même de nos larmes, qui colle Vandalem créait «Tristesses», nous laissant alors la Monde, comme un double processus de rejet de l’autre et aux pieds pour mieux nous rappeler à chaque pas que découvrir, elle et le destin de son œuvre, aujourd’hui de croyance en une seule chose: le Théâtre. Car c’est peu l’idée même du futur est en train de fondre sous nos entourée d’un succès dont on craignait qu’il ne l’as- dire qu’il en faut, de l’ambition et de la foi pour penser que yeux. Une idée à laquelle viennent se confronter à plu- somme. C’était bien mal la connaître. sur les planches d’un plateau peut se refléter la destinée sieurs reprises les élans de croyance en un possible des «N d’un monde entier. personnages de ce drame, et en particulier du groupe i tout à fait la même, ni tout à fait une de musiciens, qui occupent le fond du plateau comme autre», elle est revenue, celle que le petit pour nous interpeller alors qu’ils posent cette question monde du théâtre européen attendait Hanter les eaux gelées de nos cœurs fondus simple: «Anyone?» Parce que oui, y a-t-il quelqu’un, tout tant, avec pour point de départ, toujours, de même, pour essayer une dernière fois? Pour essayer cette ville de Bruxelles, de laquelle la pièce s’en est allée Il en faut, et ce d’autant qu’Anne-Cécile Vandalem fait de nous faire pardonner cette faute originelle que l’on déjà pour une tournée qui s’annonce une fois encore in- le choix de n’en rien montrer sur la scène, et de faire se traîne depuis tant de siècles, qui nous amène aujourd’hui humaine. Mais alors, que reste-t-il de cette si belle tris- dérouler la totalité de la pièce en un huis clos dont on ne à reproduire les comportements de cette gourmandise tesse, qui était celle de ceux qui restent quand plus rien pourra s’extraire que par un procédé scénographique égoïste qui déjà en son temps faisait disparaître l’Éden et ne subsiste? L’enfer des larmes, toujours, mais bien plus déjà utilisé chez Ivo van Hove dans «Kings of War», mais mourir Caïn? C’est donc bien que, malgré le désert qu’elle encore. De l’Arctic Serenity, ce bateau errant dans les dont l’utilisation se révèle ici peut-être plus belle encore, nous montre, Anne-Cécile croit certainement encore un eaux du pôle Nord, naufragé par deux fois et symbole de quand le hors-champ de la scène, filmé en direct et pro- petit peu, allez savoir… Reste qu’au terme de ce voyage l’incapacité des hommes à apprendre de leurs erreurs, le jeté, explique aux spectateurs le fruit du comportement d’une élégance scénographique et dramaturgique rare ne spectateur voit bien plus ici que la tristesse de ceux qui des hommes et les raisons de leur fuite. De ce hors-champ subsistera que ce bateau de malheur qui, tel le passé qui l’habitent. De l’Homme, définitivement déclaré incapable, s’échappe alors une certitude: cette arche de Noé des n’est plus, ne cessera de hanter les eaux gelées de nos l’auteure et metteuse en scène s’extrait pour nous laisser temps modernes dérive sur les eaux du royaume de ce cœurs fondus. assister à un spectacle bien plus ambitieux encore: celui qui n’est plus et ne sera plus jamais. À l’image des neiges de la désertification du monde, que plus rien d’autre n’ha- éternelles de l’Arctique, plus rien ne subsiste ici que cette DOUBLE FOCUS — IN ARCTIQUE MISE EN SCÈNE ANNE-CÉCILE VANDALEM / LA FABRICA JUSQU'AU 24 JUILLET, À 18H00 (Vu au Théâtre National de Bruxelles en février 2018) «2025. Quelque part dans les eaux glacées internationales. Intérieur nuit. Froid. Salle de réception d'un paquebot de croisière. Extérieur plus froid encore.» TITANIC II — par Lola Salem— Deux ans après «Tristesses», Anne-Cécile Vandalem ne nous est montré que la pièce centrale, et où l’étrange la metteuse en scène peine à tirer toute la substance. Ce continue sa mise en récit des infinies désillusions de se mêle au suspense. Mais la menace qui pèse sur les trop-plein de réalisme donne alors naissance à quelques l’humanité. C’est encore et toujours sur le fil d’un réa- personnages mystérieusement réunis à bord de l’Arctic moments d’humour absurde qui explosent inopinément lisme revisité par l’emploi de la caméra sur scène que la Serenity est elle-même prise comme dans un étau par à la manière de petites soupapes de décompression. La metteuse en scène s’attaque à une nouvelle fable, cette les choix dramaturgiques. Gagne-t-elle à n’être qu’une démarche serait bienvenue si elle n’était pas amenée fois-ci d’anticipation. ombre, intimidante précisément parce qu’elle ne s’in- avec maladresse, en forçant à tel point le trait sur l’au- A carne jamais tout à fait? Ou apparaît-elle au grand jour, todérision qu’on ne sait jamais exactement si elle sert vec «Arctique», il sera question de guerre cli- prenant le risque de défaire, du même coup, l’ensemble de justification au propos ou d’excuse. Anne-Cécile Van- matique, fruit des tergiversations politiques et du dispositif qui lui avait donné vie? Anne-Cécile Vanda- dalem y régurgite un univers fantastique tenu à mi-dis- médiatiques qui entraînent le destin commun lem choisit cette seconde voie, et c’est ce geste même tance pendant l’ensemble de la pièce et qui explose en des hommes en même temps que celui des qui semble aussi bien problématique que déceptif. vol lorsque le fil de l’intrigue se dénoue, que la menace quelques individus en présence. Sur la base de ce sujet se dévoile et que l’univers sombre dans un sordide gé- d’actualité, cette «éco-tragédie» aux allures de thriller néralisé. On s’embarrasse de ces bulles d’absurde en et aux bonnes intentions s’embourbe pourtant dans Exutoire ou scorie? ne sachant comment les aborder: exutoire ou scorie? ce qui se présente comme d’inévitables écueils. Trop «Arctique» est loin de décevoir toutes les attentes: il y grand, trop gros, trop lourd. Le sujet comme son dispo- L’image, comme le texte, sert une dimension exclusi- a, dans ce jeu entre un univers fabuleux et une prétention sitif écrasent tout, laissant le spectateur indécis devant vement narrative de l’intrigue qui se trouve inlassable- à ressasser les périls du monde une forme de fragilité la profusion des éléments théâtraux, vidéographiques, ment confrontée à nos habitudes vis-à-vis du médium attendrissante. Pourtant, la prétention à s’émanciper des voire devant le sens global de l’œuvre au parfum dysto- cinématographique. Or, «Arctique» semble échouer à qualités formelles de la scène n’éclôt sur rien de fonda- pique. Les dédales des couloirs, des pontons et des cales opérer un quelconque dépassement, une transcendance mentalement convaincant. Quel horizon Anne-Cécile déploient les coulisses tentaculaires du bateau, dont il ou bien un retournement de cet emploi de la vidéo, dont Vandalem souhaite-t-elle donc dessiner? RES FACILES. LE SIROP LAISSE DES NAUSÉES. «Arctique» Mise en scène Anne-Cécile Vandalem © Christophe Hengels
— LA GAZETTE DES FESTIVALS — 6 18 juillet 2018 WWW.IOGAZETTE.FR OFF HEDDA MISE EN SCÈNE LENA PAUGAM LA MANUFACTURE JUSQU'AU 26 JUILLET, À 14H45 «Sigrid Carré Lecoindre et Lena Paugam inventent les mots pour dire la coexistence de la détresse et de l'amour.» AMOUR BLEU — parVictor Inisan— Très librement inspiré de l’affaire Hedda Nussbaum, nètre le cadre sans prévenir, en mordant aux flancs: la Hedda fatiguent et s’épuisent… Et la violence s’immisce à «Hedda», qui consacre la collaboration entre Sigrid première droite est violente d’abord par son surgisse- l’intérieur du texte surchargé, fougueux, presque bavard Carré Lecoindre et Lena Paugam (après «Les Cœurs té- ment… Le coup lui-même n’est qu’un enzyme incomplet de l’autrice. La violence charrie son double de neige: il y taniques» créés au T2G en 2016), élabore une renversante et sensible de l’incommensurable inattendu. Peu à peu, a celle qui pénètre violemment le cadre – la brusque vio- dramaturgie de la violence conjugale. la souff rance de Hedda s’emmure: chaque fois, le poing lence – et l’autre, insidieuse, lénifiante, qui contamine les H de l’homme est plus confortable dans le cadre. Il troue mots et l’amour, celle qui fait bégayer Hedda la tragique. edda est d’abord une histoire d’amour contre moins le champ et plus les joues, tandis que Hedda, len- Deux espaces de la violence que Sigrid Carré Lecoindre laquelle la violence, odieusement, s’écrase. tement, sort du cadre lors de ses errances nocturnes, articule avec un brio antimanichéen (qu’elle commente Une formidable relation passionnelle lente- qui sont autant de douloureuses et incoercibles fuites. malheureusement un peu trop parfois): la grisaille incer- ment érodée par la souffrance et le silence de Alors l’horreur, seulement, s’épanouit avec le goût sai- taine l’emporte sur toute morale. Hedda, qui s’engonce pareillement dans le renoncement gnant de l’habitude. L’interprétation de Lena Paugam (qui signe également la et dans son gilet en laine – s’étouffant peu à peu sous mise en scène), porte-parole de l’histoire et incarnation les coups. Hedda réfléchit autant qu’elle se réfléchit… de la protagoniste, est à l’antithèse de la douleur: une Son être se diffracte: texte (pluralité des personnages), Douceur déconcertante douceur déconcertante émane de son sourire… C’est scénographie (évocation d’un intérieur avec une salle Hedda amoureuse qui s’adresse au spectateur; l’intention de bains en point de fuite), lumières (multiples espaces La violence est comme la lumière: partout, mais on ne slalome entre les obstacles du pathos. Ce gouffre éclatant d’apparition)… Un solo morcelé pour espace schizoïde la remarque tristement que lorsqu’elle rencontre une entre le propos et le jeu n’est autre que l’endroit de l’émo- dans lequel Lena Paugam excelle – l’ADN meurtrie de surface. Sigrid Carré Lecoindre a l’intelligence manifeste tion bâti par la dramaturgie: la lucarne poétique fuyant la Hedda s’accrochant désespérément aux murs de l’inté- du thème: la violence est inscrite sur les membres de grossière illustration. Au coin de cette lucarne glisseront rieur kitsch quand elle perd le contrôle de ses émotions. Hedda. Elle ne s’écrit pas toujours avec un V majuscule: peut-être les larmes du spectateur, qui n’auront, il faut le «Hedda» parle de la «violente violence»; sa manière dans «Hedda», son corps est une surface mutilée de dire avec enthousiasme, aucunement été forcées. abrupte et cruelle de surgir. La violente violence pé- bandages. À chaque reprise de coups, les neurones de FOCUS — OFF ON PREND LE CIEL ET ON LE COUD À LA TERRE CRÉATION MISE EN SCÈNE YAN ALLEGRET / LES HALLES, À 22H30 NON SOlO MeDeA «L'acteur/metteur en scène Yan Allegret et le musicien Yann Féry invitent le public à faire un pas de côté, pour entendre les mots simples de Christian Bobin.» L’ENTÊTEMENT À CHERCHER LES CLAIRIÈRES —par Marie Sorbier— EMIO GRECO «J’écris, je ne fais rien. J’aime cette vie-là, pauvre en évé- en scène qui ne soit ni redondante ni inutile; comment plainte évidente du sombre et du «sans espoir». Bien PIETER C SCHOLTEN nements. J’attends mais ce n’est pas pour attendre. Je me imaginer un passage au plateau qui ait du sens? Com- sûr, ce lyrisme paysan, vestige lumineux d’une France tais, je ne fais rien, et dans ce rien d’une soirée, j’apprends ment préserver la légèreté tout en offrant le poids des des campagnes, pourra paraître désuet voire réaction- lentement à nommer ce qui me comble et m’échappe.» mots? C’est donc avec courage et un peu d’inconscience naire, mais l’anachronisme et l’insouciance de surface Quoi qu’on en dise, Christian Bobin est un poète d’au- que Yan Allegret, metteur en scène, acteur et auteur par n’empêcheront pas l’accès à cette écriture malgré tout jourd’hui, même s’il a cette faculté, propre aux êtres des ailleurs, s’y lance, accompagné par le son planant et in- patrimoniale et qui invite humblement à la contempla- alpages, de demeurer hors du temps. carné de Yann Féry. Un bouquet de fleurs des champs, tion. «Il y a une joie élémentaire de l’univers, que l’on N magnifiquement simple lui aussi, lévite et tournoie assombrit chaque fois que l’on prétend être quelqu’un, ous ne parlons pas de l’ivresse des cimes au-dessus de la scène. Il est à lui seul l’incarnation de ou savoir quelque chose. De cette joie, vous ne vous êtes 12 AU 14 jUillet 2018 Teatro Grande - Pompéi mais des hauteurs de la matière poétique cette beauté quotidienne qui émeut autant qu’elle élève, jamais exilée, et je ne sais ce qui me plaît le plus en vous: Pompeii Theatrum Mundi qu’il sublime comme on hume un bouquet il est aussi allégorie de tous les thèmes de prédilection votre insouciance qui vous permet de veiller à l’essen- de chardons sauvages. Chaque été, le Festi- de Bobin, de l’émerveillement de l’éclosion à la finitude tiel, ou votre intelligence qui vous fait accueillir la vie 27 jUillet 2018 Théâtre Antique - Vaison-La-Romaine val d’Avignon nous offre son lot de mises en scène et certaine mais non redoutée. comme elle vient, à son heure. C’est une belle chose que Vaison Danses d’adaptations plus ou moins heureuses de cet écrivain d’écrire: c’est, par l’extrême solitude, toucher à l’extrême qui souffre de cette image catho de droite qui colle aux présence. Le solitaire est celui qui n’est plus jamais seul. chaussures plus sûrement qu’un chewing-gum tenace. Joie élémentaire de l’univers Il est comme une petite maison dans la forêt, si ouverte C’est donc avec appréhension que la petite chapelle du au silence que les bêtes sauvages ne craignent pas d’y théâtre des Halles se remplit à la nuit tombée, fébrile Un bouquet assez banal pour sublimer la magie du entrer. Mais il est vrai qu’à force d’écrire, l’on finirait par d’entendre ces mots que les amateurs aiment lire et re- presque rien et une voix qui se laisse traverser par les croire que l’on a trouvé quelque chose: de cette erreur, cevoir. Car il faut être dans un état d’accueil, ouvert aux mots du poète; l’acteur ne tente rien, il ne joue pas, il votre rire m’épargne, et je ne saurai jamais assez vous @ ALWIN POIANA nuances chantantes de son vocabulaire pour accéder au est présent et, comme les vitraux d’une église, s’illumine en remercier.» plaisir simple de son monde. Et comme pour toutes les en laissant passer la lumière. Lui aussi, il «préfère l’en- langues imagées, il est difficile alors de penser une mise têtement à chercher des clairières» plutôt que la com-
— LA GAZETTE DES FESTIVALS — — LA GAZETTE DES FESTIVALS — 8 18 juillet 2018 WWW.IOGAZETTE.FR 18 juillet 2018 WWW.IOGAZETTE.FR OFF PAS PLEURER MISE EN SCÈNE DENIS LAUJOL / THÉÂTRE DES DOMS JUSQU'AU 26 JUILLET, À 14H30 IN MAY HE RISE AND SMELL «Un récit intense sur la guerre d’Espagne dont s’empare la comédienne Marie-Aurore d’Awans (saluée par les Prix de la Critique belge 2017) et la musicienne Malena Sardi.» THE FRAGANCE ÉLAN DE JEUNESSE ESTIVAL —par Julien Avril— QUI SUIS-JE ? A CHORÉGRAPHIE ALI CHAHROUR de l’entretien d’embauche, est comme sûr. Ici, le paysage de la révolution dans OFF u Théâtre des Doms, le metteur en propre mère puis les autres protago- THÉÂTRE BENOÎT-XII JUSQU'AU 17 JUILLET, À 15H00 scène Denis Laujol signe une belle une allumette jetée sur un fétu de paille: nistes de cette épopée espagnole de le cœur de cette jeunesse se corrompt adaptation du roman de Lydie l’étincelle de la révolte dans le cœur de 1936. Virtuosité de cette incarnation des peu à peu, la guerre broie les corps et les «Du plateau plongé dans l'obscurité, entre-deux crépusculaire, Salvayre «Pas pleurer», prix Goncourt Montse. De ce premier acte de résistance personnages, enchevêtrés en poupées espérances. La parole de Georges Ber- MISE EN SCÈNE YANN DACOSTA une voix de femme s'élève. Chant profond. Attirés par cette prière, 2014. C’est l’histoire d’une émancipation, découle sa nouvelle relation au monde: russes. La musicienne Malena Sardi, nanos décrit, dans une anaphore coup 11 GILGAMESH BELLEVILLE, À 14H40 un danseur et deux musiciens entrent.» celle de Montse, la mère de l’écrivaine qui, inverser les rapports de domination, re- assise à la cour parmi ses amplis et ses de poing, l’escalade de la violence. La à l’été 1936, sent sa vraie vie commencer fuser l’apitoiement et le diktat de la né- pédales de distorsion, accompagne le petite histoire rejoint la grande histoire. «Vincent est en classe de troisième. Quelque chose se passe en lui : quand elle refuse un poste d’employée cessité, inventer une nouvelle vie. L’été récit en créant tour à tour des nappes Une adaptation très juste qui, sans rien il est tombé amoureux... d'un autre garçon.» CHANT POUR L’ENFANT DISPARU ET IN ARABIA EGO —parNoureddine Mahjoub — —parAugustin Guillot— dans une maison bourgeoise pour re- commence et la jeune fille de quinze sonores qui posent l’atmosphère adé- ôter à la puissance littéraire du texte, y joindre son frère et les mouvements col- ans va y découvrir la politique, l’ivresse quate ou bien tricote une mélodie qui ajoute ce qu’il faut de jeu, de couleurs et NAISSANCE DE L’AMOUR —parAudrey Santacroce— A L’ lectivistes révolutionnaires qui ont fleuri des mouvements collectifs et bien sûr la devient peu à peu chanson épique pour de vie pour faire exulter en nous cet élan près les éblouissants «Fatmeh» et espace est noir et dépouillé comme en Espagne, vague d’espoir fauchée par douceur des premières amours. Ce récit clore en apothéose tel ou tel épisode. de liberté et de joie qui naît à l’adoles- V «Leila se meurt», présentés il y a si le tombeau était déjà là. Assis, la guerre et la montée du franquisme. se dévoile petit à petit, par couches, ou Entre elles, comme une caisse de ré- cence et qui irrigue tout une vie, malgré deux ans au cloître des Carmes, immobile, éclairé par une trouée incent est en troisième, n’est pas d’avoir l’air d’un gros dur qui fait tomber Tout part d’une petite phrase: «Elle est par niveaux. À jardin, au micro, la comé- sonance, un fond blanc sur lequel des les plus dures épreuves. Ali Chahrour proposait cette année la lumineuse à la pâleur funèbre, le corps très populaire mais survit comme les filles. Yann Dacosta et Thomas Gornet bien modeste.» Cette humiliation pri- dienne Marie-Aurore d’Awans interprète images abstraites projetées ouvrent un dernière partie de sa trilogie autour du sans vie d’un homme. Sa tête est renversée il peut à la méchanceté des ado- ont choisi de traiter de ce sujet sensible maire, lancée par le maître de maison lors l’écrivaine, qui devient à son tour sa champ plus grand, métaphysique bien deuil. Disons-le tout de go: celle-ci est en arrière, sa gorge exhibée – cette gorge lescents et du prof de sport, entouré de avec beaucoup de délicatesse et d’hu- sans doute la moins construite des trois offerte des morts que l’on transporte et ses deux meilleurs amis. Sauf que voilà, mour, avec un Vincent délicieux de drô- spectacles du jeune Libanais, qui semble dont les yeux éteints regardent le ciel. Et à non content de devoir gérer le lycée lerie incarné par Côme Thieulin. Sautant REGARDS cette fois privilégier un enchaînement ses côtés, non pas une figure mariale, mais qui s’annonce, Vincent va aussi devoir par-dessus tous les écueils de l’adulte de tableaux à une dramaturgie globale un étrange bourreau. Un musicien dont les faire face à l’arrivée d’un nouvel élève jouant un adolescent comme par-dessus plus propice à emporter le spectateur. mouvements d’archet, comme une scie dans sa classe. Et dans un collège où le des flaques d’eau, il emporte l’adhésion On pourrait le déplorer si cela empiétait à hauteur de cou, symbolisent un geste mot «pédé» revêt le caractère d’insulte d’un public qui ressort de la salle avec ne serait-ce qu’un tout petit peu sur son de décollation. L’image est saisissante. suprême, pas facile de s’avouer que, l’envie de l’appeler «bonhomme» en incroyable pouvoir suggestif, mais ce- Quelque chose comme une décapitation ce nouvel élève, Vincent en est tombé lui ébouriffant les cheveux. À la fin de lui-ci, malgré tout, reste parfaitement du Caravage. Où le mort chante. Non par amoureux. Adapté de son propre roman la pièce, on a le sentiment de s’être fait intact. Construit comme un long oratorio la bouche, mais par la gorge profanée, c’est par Thomas Gornet, épaulé par le met- un nouveau copain. Cette belle équipe tenu de bout en bout par la musique d’Ali le son du buzuq et des percussions. Et si la teur en scène Yann Dacosta, «Qui suis- s’est adjoint les talents du dessinateur Hout et Abed Kobeissy, et la voix trans- bouche du mort, elle, ne peut plus rien dire, je?» marche sur les traces élégantes de Hugues Barthe pour représenter l’uni- cendante de Hala Omran, «May he rise and smell the fragrance» réussit presque c’est que la parole ne peut venir que des vi- vants. Ici, celle de Hala Omran, dans le rôle OFF LES DÉSESPÉRÉS NE MANQUENT PAS DE PANACHE grands auteurs jeunesse qui ont eux aussi traité le thème de l’homosexualité. Il y a vers dans lequel évoluent Vincent et ses camarades. Projetés en fond de scène, instantanément à nous plonger dans cet de la mère du défunt. La parole chantée de bien sûr du Marie-Aude Murail, mais aussi des portraits, mais surtout des décors du Christophe Honoré et du Gudule dans avec lesquels les comédiens interagissent état de presque transe propre aux rituels la mère est chant des vivants adressé aux MISE EN SCÈNE HÉLÈNE FRANÇOIS / THÉÂTRE DES VENTS, À 20H50 de tradition chiite, où le chorégraphe morts, tandis que le chant sans parole des le texte de Thomas Gornet, ce qui, a-t-on grâce à leur ombre, tantôt devant, tantôt puise son inspiration. Ali Chahrour aime instruments est voix des morts adressée besoin de le préciser, est un grand com- derrière l’écran. Faisant la part belle à «Dans ce spectacle, chaque personnage en état de crise se raconte au travers de situations "limites" pour essayer de tenir le coup.» dire que la danse n’est pas forcément un aux vivants. Alors pourquoi, malgré ces pliment. Sans jamais juger, «Qui suis-je?» chacun, «Qui suis-je?» apparaît comme langage international, mais qu’elle est fulgurances, ce sentiment de déception par invite chacun à questionner ses propres un vrai spectacle de troupe, une œuvre NÉVROSES MAÏEUTIQUES stéréotypes, la façon dont il peut rejeter polymorphe piochant autant dans la toujours ancrée dans un contexte cultu- rapport aux deux précédents volets de ce —par Mariane de Douhet— quiconque ne lui ressemble pas trait pour bande dessinée que dans le cinéma ou la rel: celui qu’il nous propose est le sien, et triptyque sur les rites de deuil? Tentative trait, à l’âge où le plus important c’est musique pop. S sa présence charismatique (il est le seul de mue vers une plus grande abstraction: danseur sur le plateau), tout en finesse épure monochrome de la scène et décon- i on a eu très peur au démarrage, car on apprécie l’acuité avec laquelle chétypes une familiarité qui n’est jamais tacle: son ton est tellement libre qu’il et en simplicité, irradie la scène et nous struction dramaturgique (ou son absence). à écouter un panda raconter sa vie Poitevin saisit les attitudes corporelles, totale, de sorte que la caricature propo- ne s’agit même plus de refuser le politi- perce droit au cœur. Tâtonner un nouveau langage pour donner de raté, on s’est laissé surprendre les tics de langage de figures qu’on sée conserve une part d’étrangeté, et quement correct, il y est spontanément forme aux mêmes obsessions – les âmes, les par le charme pétaradant de Thomas devine (un jeune homme plein d’en- donc de complexité. Qui a-t-on recon- indifférent (sorte de post-politiquement larmes, les limbes –, comme si on assistait à Poitevin, qui interprète avec une énergie train mais complètement fracassé, une nu? On se plaît à se poser la question. correct), totalement décrassé de tout l’épuisement d’une recherche qui planterait de caméléon sous acide un répertoire cagole débrouillarde, un commercial gay Si le spectacle met du temps à décoller, filtre. Les désespérés qu’il interprète ont déjà les prémices de sa propre résurrection. de loosers même pas magnifiques, au bardé de mimiques, une sexagénaire que le texte est inégal selon les per- la force (consciente ou pas) de ne pas point que ce spectacle se trouve être l’un solitaire mais dynamique, et même une sonnages, et que le rire est sporadique, doubler leur désespoir d’une conscience des plus attachants et malins du OFF. table Ikea), sans être toutefois totale- l’interprétation flamboyante de Poitevin du désespoir: ils sont ici, plus ou moins Disons-le d’emblée: c’est un spectacle ment certain de les reconnaître. C’est la renverse complètement l’impression un abîmés, mais pas désabusés parce que d’humour, mais on n’a pas ri (à la diffé- force de ce seul-en-scène: interpréter peu réservée de départ et donne, au fur pas étouffés par leur propre image, et là rence d’une salle particulièrement en- des clichés en ménageant toujours une et à mesure des prouesses mimétiques est peut-être leur panache, celui de vivre thousiaste ce soir-là). Mais peu importe: zone d’échappement, créer avec ces ar- du comédien, un charme fou au spec- quoi qu’il arrive le présent tête baissée. IL NOUS FAUDRA CEPENDANT DÉFENDRE DES ŒUVRES DIFFICILES. LA MISSION DU THÉÂTRE
— LA GAZETTE DES FESTIVALS — 10 18 juillet 2018 WWW.IOGAZETTE.FR OFF JOGGING Wajdi Mouawad / Simon Delétang — C’est une silhouette vêtue de noir, aux cheveux dissimulés derrière un hijab, que l’on peut croiser sur la corniche de Beyrouth, au lever du soleil. Une coureuse quinquagé- naire, perdue dans ses pensées, qui parle toute seule entre OFF ILLUSIONS deux foulées et trois étirements. Elle laisse échapper des OFF MON GRAND-PÈRE (PARTAIT — bribes de mots, des fragments d’histoires. Les mots de TOUS LES ANS EN ITALIE...) Georg Büchner / Simon Delétang toutes les femmes silencieuses de Beyrouth, de celles qui — Le théâtre d’Ivan Viripaev garde toujours une dimension perdent leurs fils à la guerre et de celles qui tuent leurs en- énigmatique pour celui qui le lit. Il est clair dans ses propos, fants par désespoir d’aimer, de celles qui sont confrontées Adapté du récit de Valérie Mréjen, «Mon grand-père dans son écriture, et pourtant la dramaturgie questionne, chaque jour à leur échelle au visage du tragique. Obsédée […]» met en miroir la forme fragmentaire du texte et pleine de faux-semblants et de chausse-trapes: on peut par le personnage de Médée, par l’amour niché au cœur la mise en scène. Construisant un roman familial par souvent se perdre dans ses nombreuses non-indications. du monstre, la comédienne Hanane Hajj Ali interroge dans touches impressionnistes, anecdote après anecdote, Fort heureusement, cette mise en scène d’Olivier Maurin «Jogging» ce que les faits divers libanais viennent dire de Stéphanie Marc installe le décor tout en parlant, petit réussit à ne pas s’y noyer et propose un dispositif immer- la société et de la condition féminine. Convoquant éga- bout par petit bout. À mesure que le récit se déroule, sif qui, s’il peut légèrement interroger au début, finit par s’avérer très juste et efficace. Le texte d’«Illusions» y ré- lement sa propre histoire et son rapport à la maternité, l’artiste livre une performance brute et sobre, savamment le salon où se prépare une réception prend forme, et c’est l’accumulation de ce qui peut sembler insignifiant 14 JUILLET AU 26 AOÛT 2018 sonne alors avec tout son humour, et sa profondeur n’y référencée et remarquablement interprétée. Un portrait qui fera en fin de compte surgir une vie entière. «Mon fait également pas défaut. Et si le potentiel de jeu proposé du Liban moderne traversé par les tragédies antiques. Un grand-père […]» est une invitation au souvenir, portée Molière / Gwenaël Morin par l’écriture de Viripaev est parfois sous-exploité par des Liban qui aurait le visage d’une femme, éperdue de dou- par une interprétation délicate. Un moment tranquille, comédiens quelque peu inégaux, il en reste néanmoins leur, de révolte et d’amour. A.C. presque contemplatif, qui invite chacun à écouter son que cet «Illusions» est un bien agréable moment de propre écho familial. L’album de famille feuilleté une Théâtre du Peuple Maurice Pottecher théâtre, dont on ressort amusé et enthousiaste. N.M. MISE EN SCÈNE HANANE HAJJ ALI heure durant, s’il peut décontenancer au premier abord, —LA MANUFACTURE, À12H50— n’en reste pas moins touchant de modestie. A.S. 40, rue du Théâtre 88540 Bussang MISE EN SCÈNE OLIVIER MAURIN +33 (0)3 29 61 50 48 / www.theatredupeuple.com —11 GILGAMESH BELLEVILLE, À17H05 MISE EN SCÈNE DAG JEANNERET —ARTÉPHILE, À 16H20— OFF ROMANCE — EN BREF OFF MA VIE ! Conçu pour les tout-petits, «Romance» reprend un UN POING C'EST TOUT ! album jeunesse et part d’un imagier pour construire — PR IX PU LITZE R une histoire rocambolesque où l’on retrouve pêle-mêle E DE L’Œ UVR OFF des brigands, une reine ou une sorcière sur son balai. En Ô MA MÉMOIRE, Avec le spectacle « Ma vie ! Un poing c’est tout ! » THÉATRALE mélangeant les marionnettes, le théâtre d’objets et la PORTRAIT DE STÉPHANE HESSEL au théâtre BO, Fabrice Benichou se révèle un véri- projection vidéo, La SoupeCie offre aux enfants (et aux table acteur. Cet ancien boxeur, star mondiale de adultes, présents en masse dans la salle) une merveil- — la boxe (trois titres mondiaux et cinq européens) leuse épopée où l’on retrouve le trait proche de Jacques Sarah Lecarpentier dresse le portrait de son grand- nous émeut, non parce qu’il raconte sa vie hors du Tati de l’auteur Blexbolex. Construit sur un système de père à travers le prisme de la poésie. Nous voici comme commun – l’enfance nomade incroyable avec un père répétitions où, à chaque chapitre, on rajoute un élément invités dans le salon de ce diplomate, figure de la Ré- fakir, la gloire puis le dénuement le plus total –, mais neuf, «Romance» réussit à attendrir les parents tout en sistance. Il nous parle des poètes et des vers qu’il a parce qu’il convoque aussi, grâce à des moments de apprenant des mots aux plus jeunes spectateurs. Une appris tout au long de sa vie. L’apprentissage par cœur grande sincérité, celle de tous les damnés qui, par aventure en forme d’hymne aux grands sentiments, où du poème est une gymnastique de l’esprit qu’on pra- le seul fait d’aimer encore, comme Fabrice Benichou l’enfant peut se projeter en héros tandis que les comé- tique pour se faire plaisir et se maintenir en forme. Mais aujourd’hui sur scène, nous donnent une magnifique diennes jouent, littéralement, sur scène, dans un bel il peut surtout se révéler salutaire quand la mort vous leçon de courage. Bravo l’artiste ! A.F. hommage aux livres que lisaient nos parents lorsqu’ils frôle ou que la barbarie vous retient dans ses griffes. étaient petits. A.S. La comédienne bascule entre une incarnation très dé- MISE EN SCÈNE FABIENNE BARBIER licate de l’aïeul et l’évocation de ses propres souvenirs —THÉÂTRE BO JUSQU'AU 15 JUILLET, À 22H30— ICH BIN MISE EN SCÈNE ERIC DOMENICONE PIERRE HERVÉ LA MÉNAGERIE d’enfance avec lui. Ainsi, elle déroule le fil de ce destin —CASERNE DES POMPIERS formidable dont chaque épisode est ponctué par la sa- SANTINI BRIAUX D E VERRE JUSQU'AU 23 JUILLET, À 11H00— voureuse récitation en musique d’un Apollinaire, d’un Vigny ou encore d’un Edgar Allan Poe. Hommage plein de tendresse à la mémoire, ce muscle immatériel, ce DE TENNESSEE WILLIAMS DIALOGUE AUX ENFERS MACHIAVEL CHARLOTTE véhicule tout-terrain de la grâce qui permet la trans- mission de la joie . J.A. CRISTIANA REALI - OPHELIA KOLB AVEC M D E OMNA TU ER SI CQE UJIOE LUY DE DOUG WRIGHT CHARLES TEMPLON - FÉLIX BEAUPÉRIN MISE EN SCÈNE STEVE SUISSA MISE EN SCÈNE KEVIN KEISS MISE EN SCÈNE CHARLOTTE RONDELEZ MISE EN SCÈNE ET ADAPTATION MARCEL BLUWAL AVEC THIERRY LOPEZ — LA MANUFACTURE À PARTIR DU 4 SEPTEMBRE À PARTIR DU 15 SEPTEMBRE À PARTIR DU 8 SEPTEMBRE JUSQU'AU 14 JUILLET, À19H35— DU MARDI AU SAMEDI 21H - DIMANCHE 15H DU MARDI AU SAMEDI 21H - DIMANCHE 17H30 DU MARDI AU SAMEDI 19H - DIMANCHE 15H 01 45 44 50 21 75 bd du Montparnasse, 75006 Paris ET NOUS COUPER POUR UN TEMPS DE NOS www.theatredepoche-montparnasse.com
— LA GAZETTE DES FESTIVALS — 12 18 juillet 2018 WWW.IOGAZETTE.FR 1 — 26 AOÛT 2018 CRANS –MONTANA (SUISSE) PRÉSENTE UNE COLONNE DE FUMÉE CIRQUEAUSOMMET.CH L’ÉVÉNEMENT DU NOUVEAU CIRQUE EXPOSITION / MAISON DES PEINTRES JUSQU'AU 23 SEPTEMBRE QUÉBÉCOIS À LA SPECTACLE SOUS CHAPITEAU «"Une colonne de fumée" présente les travaux d’artistes et de photographes qui, de Diyarbakır à un ghetto d’Istanbul en passant par l’Anatolie centrale, racontent la Turquie d’aujourd’hui; un pays aux multiples facettes et aux contradictions apparentes.» MONTAGNE VILLAGE DU CIRQUE ATELIERS / ACADEMY LE FEU AUX POUDRES ÉVÉNEMENTS SPÉCIAUX — parJohanna Pernot— Outre la froide exposition consacrée à l’humanité aug- suggère le cartel. Les doigts triturent les pétales, fouillent failles, ces lignes effacées de la culture et de l’histoire? Aux mentée, la Maison des peintres accueille «Une colonne de les recoins, et la rose en boucle renaît. Et le geste reprend, étages, les images dévoilent des activités secrètes: com- fumée», qui réunit sur trois étages de nombreux talents comme un chapelet ou un tesbih qu’on égrène, ou comme bats de chiens, rixes, mélange des corps. Sur des affiches de la scène contemporaine turque. Artistique et dissidente une torture qui jamais ne cesse. La répétition peut expri- noir et blanc, les gros plans fragmentent nos perceptions – sous l’ère Erdogan, depuis le coup d’État manqué de juil- mer le deuil, mais aussi le combat. Dans la salle suivante, – la brutalité kaléidoscopique de la nuit stambouliote. Cen- let 2016, les deux sont quasiment synonymes. Comment Ali Taptik rend hommage à l’acte de résistance des éditeurs surée, elle aussi. Pourtant, face au pouvoir, les médias et dire malgré la censure? turcs qui, dans les années 1980, publièrent la décision de les réseaux sociaux jouent un rôle croissant. Contre l’écran À justice condamnant «Tropique du Capricorne», le scan- de fumée de la dictature, la chaîne YouTube du collectif PHOTOGRAPHIE : © CRANS-MONTANA TOURISME & CONGRÈS / OLIVIER MAIRE l’entrée, c’est sur une tornade de sable déme- daleux roman de Miller, et par là même publièrent l’œuvre 140journos érige une multitude déchaînée d’écrans, qui dé- surée que bute le visiteur. La construction de – les passages licencieux noircis au ruban adhésif. L’instal- masque le tyran… La «Colonne de fumée» monte comme barrages lucratifs sur l’Euphrate, en accentuant lation met en scène les pages biffées du livre, comme une la colère. Mention spéciale à la vidéo de Halil Altindere, où GRAPHISME : LES ATELIERS DU FACTEUR & FLORIAN PANZICA la désertification de l’Irak et de la Syrie, en- partition à trous ou une mise en abyme rectangulaire, où de jeunes Roms s’insurgent au son du hip-hop contre la gendre des tempêtes au milieu du désert: «Une colonne l’histoire se répète – les autodafés et les mises à l’index. destruction de leur quartier, avec une ironie et une énergie de fumée»… L’image liminaire place l’exposition sous le folles. Un homme prend feu, on court avec les rebelles sur signe de la catastrophe. Naturelle, mais surtout humaine. les remparts d’Istanbul. Ils se font tirer dessus en dansant – Rues, décombres, débris: les répercussions de la guerre à Mémoire collective heureusement, les héros de Sulukule sont immortels. Déci- la frontière syrienne sont soulignées par la scénographie, dément, cette «Colonne de fumée» explore des facettes de qui exploite les murs délabrés. Pour Mehmet Ali Uysal, les Preuve que, dans un pays où journalistes et écrivains sont la Turquie complexes et poétiques. À l’instar des portraits maisons deviennent cercueils de verre, où poussent des arrêtés et condamnés, l’art permet encore d’exprimer vérité de femmes de Nilbar Güres ou de la série «Le monde se oliviers artificiels. À l’inverse, sur cette vidéo de Volkan et liberté. Au mur, les zones noires se lisent comme autant finira-t-il de jour?», qui s’attache à de minuscules détails, à Aslan, il y a cette rose en gros plan qu’on lave à grande eau, de ratures sur la mémoire collective – entre elles, la langue des non-dits signifiants… comme un rituel. Un acte de purification pour les morts, minée par la censure éclate. Que se passe-t-il alors dans ces RENCONTRES D’ARLES LE DERNIER TESTAMENT S MA S E EXPOSITION JONAS BENDIKSEN / ÉGLISE SAINTE-ANNE JUSQU'AU 26 AOÛT LA DE RR RE «"Le Dernier Testament" de Jonas Bendiksen se penche sur sept hommes qui, tous, prétendent être le Messie redescendu sur Terre.» LA LE DERNIER TESTAMENT SA UE ND — par India Bouquerel— Pendant trois ans, le photographe norvégien Jonas Ben- conscience de «son identité christique» en 1979. Re- lorsqu’il présente le Japonais Jesus Matayoshi, persuadé diksen a parcouru la planète – du Brésil à la Sibérie, en tranché dans un luxueux compound de la banlieue de qu’il apportera le royaume de Dieu sur terre par un pro- G passant par l’Angleterre, l’Afrique du Sud, les Philippines, Brasilia, il propage désormais ses enseignements via une cessus politique démocratique. Les photographies de la Zambie ou le Japon – pour rencontrer des hommes qui chaîne YouTube dédiée et diffuse chaque semaine ses Bendiksen, organisées en série, dévoilent un Matayoshi prétendent être le Messie. Avec «Le Dernier Testament», sermons sur Facebook Live. Qu’a-t-il de commun avec qui harangue inlassablement ses compatriotes, perché il livre l’une des expositions les plus enthousiasmantes des Jésus de Kitwe, en Zambie, chauffeur de taxi, qui écrit sur le toit de sa voiture, seul avec son porte-voix, face à Rencontres d’Arles 2018. ses révélations à la main sur des feuilles A4 pour les dis- une foule indifférente. De cette exposition, on retiendra C’ tribuer au tout-venant, et qui est régulièrement passé à enfin l’incroyable plasticité formelle et la beauté des pho- est pour «comprendre et explorer ce tabac par des foules en colère ? Rien ou presque si ce tographies de Jonas Bendiksen, qu’il consacre le kitsch que ressentent les gens qui croient» que n’est la conviction profonde, depuis de longues années, religieux de ses sujets, qu’il s’en distancie avec quelques Jonas Bendiksen, photographe de l’agence d’être le Messie. séries plus conceptuelles ou qu’il cède à la fascination, Magnum, s’est lancé dans la recherche de avec des portraits intimistes tels ceux – magnifiques – du ces Jésus réincarnés. Dans l’église Sainte-Anne – lieu charismatique Vissarion, à la tête d’une communauté de particulièrement approprié –, l’exposition s’organise en Explorer les limites de la foi 5 000 personnes dans les forêts de Sibérie. Processions sept chapitres, un pour chaque prophète qu’il a suivi. dans la neige, veillées au coin du feu, bains dans des Ce qui frappe le visiteur, c’est d’abord la qualité docu- C’est ce critère – la durée et la sincérité de leur engage- eaux glacées, repas partagés, les images de Bendiksen mentaire du travail de Bendiksen. Il nous plonge dans ment – qui a déterminé le choix de Bendiksen. Tous ces deviennent alors presque féeriques, surnaturelles, reflets le quotidien de ces messies autoproclamés et de leurs nouveaux Jésus croient, et tous sont crus aussi puisqu’ils des interrogations métaphysiques qu’elles semblent sus- disciples. On découvre ainsi l’existence du brésilien attirent à leurs côtés des dizaines, parfois des milliers de citer chez le photographe. Et c’est bien tout l’attrait de Inri Cristo, couronne d’épines sur la tête, toge blanche, disciples. Remarquable aussi, la manière dont le photo- ce «Dernier Testament»: explorer les limites de la foi barbe respectable, qui se déplace sur un trône poussé graphe s’est emparé de chacune de ces histoires, avec religieuse au sein d’un monde qui doute mais qui semble par de jeunes et belles apôtres. Inri a décidé de consa- beaucoup de sérieux, de respect et de bienveillance avoir désespérément besoin de rédemption. crer sa vie à répandre la bonne parole après avoir pris pour ses sujets. Avec beaucoup d’humour aussi, comme
Vous pouvez aussi lire