Dissection théâtrale Aude Denis - Le Bateau Feu

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Dissection théâtrale Aude Denis - Le Bateau Feu
Aude Denis

Dissection théâtrale
Dissection théâtrale Aude Denis - Le Bateau Feu
Dissection théâtrale Aude Denis - Le Bateau Feu
“Disséquer : Diviser les différentes
  Mise en scène     parties d'un cadavre, ou quelque
     Écriture       partie seulement, soit pour en étudier
   Aude Denis       ou en démonter la structure, soit pour
  Scénographie      connaître les causes et le siège d'une
                    maladie.” (dictionnaire CRISCO)
Johanne Huysman
     Lumière
 Annie Leuridan
     Musique
      Usmar
        Jeu
   Lionel Bègue
  Olivier Brabant
 Nicolas Cornille
  Gaëlle Fraysse
 Florence Masure
 Administration
   Production                  Production
  Fred Rebergue        Compagnie Par dessus bord
 Communication               Co-production
   Maelle Bodin      Le Bateau Feu – scène nationale
                      Le Vivat - scène conventionnée
                                 (en cours)
Dissection théâtrale Aude Denis - Le Bateau Feu
_VARIATION 1_

Une maison à l’orée d’une forêt. Un homme est sur le seuil de
sa porte. Il est en train de balayer. Ou de sortir les poubelles.
Une femme arrive. Elle a l’air fatiguée. Elle a froid peut-être.
- Vous êtes perdue ? Entrez.
- Je ne voudrais pas.
- Mais non voyons, entrez, vous serez mieux à l’intérieur.
- Non. Merci. C’est gentil mais.
Dissection théâtrale Aude Denis - Le Bateau Feu
Processus de création
À L’INTÉRIEUR est        dans le titre même du       À L’INTÉRIEUR est un          préalable, sans le
un projet théâtral       spectacle (le dragon        projet atypique dans          secours du texte.
singulier dans mon       d’or – le dragon dort)      le parcours de la             En confrontant au
parcours. Il a pour      s’est révélée à nous.       compagnie Par dessus          plateau acteurs et
commencement une         Au fur et à mesure          bord. Une occasion            objets, au moyen
recherche théâtrale      des répétitions, j’ai       aussi de me mettre à          d’improvisations
menée en avril 2019      compris que je ne           l’épreuve moi-même.           essentiellement.
lors d’une résidence     faisais pas seulement       Pour travailler sur la        Des objets du quotidien
au Bateau Feu,           un spectacle sur la         question du monstre,          qui deviendront non
scène nationale de       question de l’altérité      il fallait bien se faire un   seulement des éléments
Dunkerque.               mais aussi sur le           peu peur. Et bousculer        scénographiques, mais
À L’INTÉRIEUR se         dragon endormi en           un habituel processus         surtout une matière à
situe aussi dans         nous. Sur ce dragon,        de création, de               jeu afin de produire des
le prolongement          ce monstre que nous         l’inverser même en ne         sens et des images.
de l’avant dernière      étouffons, calmons,         partant pas d’un texte,       Cela me permettra
création de Par dessus   étourdissons en nous.       de ses phrases, de son        de questionner la
bord : LE DRAGON         Ce monstre qu’il            propos déjà dessiné.          construction scénique
D’OR (de Roland          ne convient pas de          Je vais donc travailler       d’un sens, voire d’une
Schimmelpfennig).        réveiller. Mais qu’il       avec une équipe de            narration. C’est du
Progressivement,         convient d’interroger       dix artistes (acteurs,        plateau que naîtra la
lors des répétitions     Avec LE DRAGON D’OR         danseurs, musicien,           dramaturgie de ce
du Dragon d’or           j’étais déjà sur la route   sculptrice, créatrice         spectacle et l’écriture
l’homonymie inscrite     du monstrueux.              lumière) sans texte           de ses textes éventuels.
Dissection théâtrale Aude Denis - Le Bateau Feu
Polyphonie d’une création
Pour interroger mon processus de création          À ces périodes de travail collectives
je rassemblerai un groupe pluriel de créateurs :   s’ajouteront des temps d’écriture hors plateau
des acteurs, des danseurs, une plasticienne,       (construction dramaturgique et écriture
un musicien, une créatrice lumière. Il s’agira     textuelle).
de confronter au plateau la polyphonie de leurs
pensées, de leurs présences, de leurs énergies.    Pour alimenter, enrichir ce processus de
Et de mettre en jeu, de mettre en mouvement        création, nous accumulerons aussi des sources
la polyphonie de leurs voix pour qu’elle fasse     et ressources diverses, interrogeant la figure du
sens.                                              monstre : des articles de journaux, des essais
Dans un premier temps, il m’est apparu             philosophiques, des documents historiques,
essentiel d’intégrer les acteurs-danseurs, le      des références littéraires, cinématographiques
musicien, la sculptrice, la créatrice lumière      ou mythologiques, des contes.
dès le début du processus de création, c’est       Enfin, il s’agira aussi de documenter ce travail
à dire bien avant les répétitions au plateau à     à l’aide d’interviews d’ “experts” issus de
proprement parler. Ce travail de recherche a       différents domaines des sciences humaines,
donc déjà commencé par une succession de           sociales. Afin de confronter des points de vues
lettres envoyées, chaque mois, à l’équipe de       différents : philosophique, psychologique,
création.                                          historique, juridique, spirituel, scientifique.
Plusieurs types de travaux vont s’articuler les    Ces interviews serviront de base à certaines
uns aux autres pour mettre en œuvre ce projet.     improvisations au plateau. Pour qu’aux côtés
Nous commencerons d’abord par plusieurs            des apports littéraires voire fantastiques, le réel
périodes de recherche théâtrale au plateau,        fasse irruption.
avec des improvisations avec ou sans objets.
Dissection théâtrale Aude Denis - Le Bateau Feu
_VARIATION 2_

Une maison à l’orée d’une forêt. Un homme est sur le seuil de
sa porte. Il est en train de balayer. Ou de sortir les poubelles.
Une femme arrive. Elle a l’air fatiguée. Elle a froid peut-être.
- Vous êtes perdue ? Entrez.
- Je ne voudrais pas.
- Mais non voyons, entrez. Vous serez mieux à l’intérieur.
- Non. Merci. C’est gentil mais.
- Vous êtes perdue non ? Entrez, ne soyez pas bête.
Vous serez mieux à l’intérieur.
- Vous croyez ? Vraiment ?
- Mais oui, entrez. Il fait froid dehors.
- Je ne voudrais pas.
Calendrier de création
SEPTEMBRE 2018 À MARS 2019                1ER AU 12 FÉVRIER 2021
Recherche dramaturgique (intégrant        Deuxième temps de recherche théâtrale au plateau
l’ensemble de l’équipe de création, au    avec les acteurs, la plasticienne, le musicien, la
moyen de lettres). Premières interviews   créatrice lumière (Bateau Feu – scène nationale)
et travaux d’écriture.                    Résidence d’écriture : une période de deux semaines
                                          est prévue afin de se concenter intégralement sur
AVRIL 2019                                l’écriture textuelle.
Deux semaines de recherche théâtrale :
répétitions avec les acteurs,             AUTOMNE 2021
la plasticienne et le musicien            Quatre semaines de répétitions.
(Bateau Feu – scène nationale)
                                          FÉVRIER 2022
SEPTEMBRE 2019 À JANVIER 2021             Deux semaines de répétitions
Deuxième période de recherche             et création au Bateau Feu (scène nationale)
dramaturgique. Poursuite des              le 22 février 2022.
interviews et de l’écriture textuelle.
Le mal n’est jamais
spectaculaire.
Il a toujours forme
humaine, il partage notre
lit et mange à notre table.
W.H. Auden
in Herman Melville.
Thématique : la part du monstre en nous
Notre travail partira      au monstre, au mal, on       de regarder l’Autre,      Et recoller tous les
de cette thématique        aurait plutôt tendance à     avec empathie, comme      morceaux. Disséquer
verigineuse : la part      s’identifier à la victime.   un double de nous-        donc artistiquement au
d’ombre, la part du        Jamais au bourreau           mêmes ? Pourquoi          plateau cette question
monstre qui est en         lui-même. L’effroi et la     nous autorisons-nous      insoluble du Mal,
nous, cette face           pitié nous saisissent        à le réduire à l’état     l’interroger comme
obscure de l’humanité.     depuis, sinon la nuit        d’objet ? Pourquoi        nous le propose
Pas la peine de            des temps, au moins          les représentations       Montaigne dans ses
chercher trop loin.        les tragiques grecs.         de la violence dans       Essais : “Ne cherchons
Nous fouillerons à         Alors qu’il conviendrait     les arts, pourquoi        pas hors de nous notre
l’intérieur de nous.       d’accepter qu’il y a en      les récits d’actes        mal, il est en nous, il
Là où on n’aime pas        nous une jouissance de       extrêmes nous attirent-   est planté dans nos
trop aller.                la violence. Un plaisir      ils tant ? Il faudrait    entrailles.”
Nous entrerons dans la     à voir souffrir. Une         creuser, disséquer
forêt de nos intérieurs.   attraction vers ce qui       l’être humain. Pour
Il y sera question de      est mal. Une aptitude        comprendre. L’ouvrir
monstruosité donc,         à devenir un monstre.        en deux. Dénouer
de comment, aussi          Une jouissance donc          ses viscères. Le
étrangère nous semble-     dissimulée, étouffée,        démembrer. Fouiller
t-elle, elle se loge en    refoulée. Qu’est-ce          entre le cœur et le
nous. Du pourquoi elle     qui cloche en nous ?         cerveau. Couper,
nous attire tant. Face     Quand cessons-nous           analyser, trancher.
_VARIATION 3_

On voit l’homme sortir les poubelles. Arracher une herbe
invisible par terre. Ou nettoyer avec une éponge ou un
chiffon un endroit de la porte qui ne semblait pas sale
pourtant. De son sac plastique, des cheveux dépassent.
Animalité
Polymorphie                      et monstres
du monstre                       légendaires                  Le hors norme
Très vite, le vertige nous       Nous oublierons donc la      Le monstre c’est aussi le difforme (celui qui
prend. Il est facile de voir     monstruosité des places      n’a pas de forme mais surtout celui qui n’a
du monstrueux partout. À la      boursières et nous nous      pas la bonne forme). Celui qui déborde du
radio, dans les faits divers,    concentrerons sur un         cadre, le hors norme, l’anormal, le bizarre,
au cinéma, dans les livres...    certain nombre d’aspects     le différent donc, l’étranger, l’étrange. Celui
Le mal et les violences          du monstre. Et tout          qui provoque l’effroi. Celui qu’on évite ou
s’étalent partout sous nos       d’abord sur “du plus loin    que l’on fuit. Celui qui nous dégoûte.
yeux. Le monde serait            qu’il nous en souvienne” :   Celui que l’on rejette.
monstrueux finalement.           les monstres de notre        Le monstre devient alors celui qui
Tout serait monstrueux.          enfance, ceux des contes     questionne notre rapport à la norme, à la
Même les multinationales et      et des légendes et nos       normalité, à cette forme, la convenable, celle
la finance, et notre passivité   monstres anciens, ceux       que nous nous évertuons à prendre, pour
face au réchauffement            de nos mythologies. Ces      plaire, pour nous inscrire dans la société
climatique, et même les          monstres premiers qui        des hommes.
abattoirs...                     ont tant imprégné nos        La littérature, le cinéma, les arts plus
Pour embrasser cette             imaginaires.                 généralement, sont pleins de ces monstres
question du monstrueux,          Et parce que le monstre      souvent incompris, rejetés, solitaires qui
sans aller dans tous les         c’est aussi l’hybride, un    nous interrogent. Des monstres que la
sens, sans se perdre, il         être fantastique à moitié    société des hommes pourchasse, rejette,
s’agira aussi de préciser        humain et à moitié animal,   raille ou humilie, lynche, massacre, tue ou
les contours de notre            nous travaillerons aussi,    élimine. Par un effet de miroir, c’est bien
champ d’investigation, de        dans nos improvisations,     la société qui devient monstrueuse parce
circonscrire les possibles.      sur l’animalité.             qu’incapable d’accueillir la différence en
                                                              son sein.
_VARIATION 4_

L’homme au sac poubelle à la main s’avance vers le public.
- Vous êtes perdus ? Entrez. Ne restez pas au bord comme ça.
Entrez. Il fait froid là où vous êtes. Allez. Ne réfléchissez pas
trop. Vous serez tellement mieux à l’intérieur, croyez- moi.
Entrez. Ne restez pas là.
Le mal et le                                                  Le vide
monstrueux                                                    et le monstre
Avec le monstrueux se pose aussi d’emblée la question         Avec ces monstres là, nous avons le
du mal. On touche alors à un imbroglio de questions           sentiment de nous situer au-delà.
philosophiques, juridiques, historiques, scientifiques,       Au-delà des explications psychologiques
psychologiques, voire spirituelles.                           ou des déterminismes sociaux.
Il y a les hommes donc. La société des hommes.                Nous avons dépassé les limites de
Les interdits que nos sociétés ont érigés comme des           l’humanité mais aussi les frontières de
barrières (le meurtre, l’inceste, le viol...). Et parmi ces   l’entendement. Nous nous trouvons face
hommes, il y a ceux qui franchissent ces barrières, ces       à quelque chose qui n’est ni excusable, ni
limites de nos interdits, religieux, légaux, sociétaux.       pardonnable. Ni même compréhensible.
Qui s’écartent, à un moment, pour un moment donné,            Nous sommes, comme le dit Ricoeur, face
du chemin de notre humanité.                                  à quelque chose qui “ne devrait pas être”.
Et puis il y a les monstres. Ceux qui semblent                Notre cerveau s’enraye. Se bloque. Nous
définitivement hors champ. Qui semblent au-delà.              nous trouvons face à un vide vertigineux.
À partir de quel moment disons-nous d’un homme qui            Nous arrivons dans une zone inconnue.
franchit la limite de ces interdits qu’il est un monstre ?    Paradoxalement, nous revenons à la forêt,
Et pourquoi ? Quelle barrière doit-on franchir pour           au marécage boueux, à l’effroi premier
passer du côté du monstrueux, du barbare ?                    des contes de fées. A la nuit primitive.
Quelle gradation mettons-nous ? Est-ce une question           Inscrite au tréfonds du monde et de nos
de quantité, de type de victimes ? De mode opératoire ?       intérieurs.
De circonstances ? Et puis ces limites et ces barrières
évoluent, d’une société à l’autre, d’une époque à l’autre
aussi.
_VARIATION 5_

Une maison à l’orée d’une forêt. Un homme est sur le seuil de sa
porte. Il est en train de balayer peut-être. Ou de sortir les poubelles.
Une femme arrive. Elle a l’air fatiguée. Elle a froid peut-être.
- Vous êtes perdue ? Entrez.
- Non. Merci. C’est gentil mais.
- Vous êtes perdue non? Entrez, ne soyez pas bête. Vous serez mieux à
l’intérieur.
- Non. Merci. (La femme s’éloigne)
- Alors vous préférez les loups c’est ça. (La femme s’éloigne. Elle ne
répond pas) C’est ça ? (La femme a disparu) Connasse.
Les monstres ça n’existe pas
Et si les monstres ça n’existait    allions faire un spectacle sur
pas ? S’il n’y avait rien que du    de l’ombre, sur des tempêtes
banalement humain finalement        intérieures, des figures tout
dans ces actes si barbares,         droit sorties de nos cauchemars,
si extrèmes, si difficillement      de nos inconscients ? Sur de
compréhensibles ? Et si             l’invisible.
paradoxalement le crime, aussi
abject soit-il, n’était justement   À L’INTÉRIEUR tissera toutes ces
que l’apanage de l’homme ?          variations du monstre : celles
“Mais non, rendors-toi, les         de nos cauchemars comme
monstres ça n’existe pas”.          celles de l’Histoire, celles de
C’est aussi ce que nous nous        nos contes de fées, de nos
évertuons à dire à nos enfants      forêts obscures et celles qui
pour qu’ils se rendorment après     hantent nos rues, celles qui
un cauchemar. Les monstres          nous dérangent et celles qui
on les range dans le placard,       nous dégoûtent, celles qui nous
ou sous le lit. Ils partent dès     font peur et celles qui nous
que le jour se lève. Dès que la     interrogent.
lumière les chasse. Et si nous
_VARIATION 6_

- Vous êtes perdue ? Entrez.             serez bien. Dehors il fait froid. La
- Je ne voudrais pas.                    nuit va tomber. Et puis vous êtes
- Vous êtes perdue non? Entrez, ne       perdue, non ? Je vais fermer la
soyez pas bête. Vous serez mieux à       porte. Pour que le vent n’entre pas.
l’intérieur.                             Et les volets. Je vais fermer les volets
- C’est gentil. Mais.                    aussi. Pour que le froid reste dehors.
- Ne restez pas au bord comme ça.        Vous serez à l’abri ici. Entrez entrez.
Entrez. Il fait froid là où vous êtes.   Je vais fermer la porte. A double
Allez. Ne réfléchissez pas trop. Vous    tour. Et les verrous aussi. Je vais
serez tellement mieux à l’intérieur,     fermer les volets. Et les rideaux
croyez moi. Entrez. Ne restez pas là.    aussi. Pour que la nuit n’entre pas.
Vous avez froid non ?                    Ajouter un cadenas ou deux peut-
- Oui.                                   être. Pour que vous ne sortiez pas.
- Mais oui. Entrez. (La femme            Boucher les issues. Entrez entrez.
entre) Il fait froid dehors. Je vais     Vous verrez, vous serez au chaud
fermer la porte, vous serez bien ici.    ici. Tout sera bien fermé. Et vous
Je vais fermer la porte pour que le      verrez, vous n’en sortirez plus
froid n’entre pas. Vous verrez. Vous     jamais.
Objets
Une forme hybride et morcelée                                          et scénographie
Pour parler du monstre             courts dialogues, une micro         Avec À L’INTÉRIEUR, Par dessus bord
il faudra bien imaginer            conférence peut-être, une           poursuivra son travail esthétique
une forme monstrueuse.             expérience scientifique, des        à partir de l’objet. Ces objets du
Nous travaillerons sur une         documents issus du réel. Des        quotidien, banals, communs, qui
construction scénique plurielle,   cauchemars et des situations        deviennent sur scène supports de
difforme où la linéarité sera      ordinaires, des images et du        jeu, producteurs de sens et d’images.
bousculée. Les morceaux de         silence. Du mouvement et de         Et qui servent aussi de base à la
notre Frankenstein théâtral        l’immobilité. Du flou aussi. Face   scénographie. Pour À l’intérieur,
s’enchaîneront au moyen de         à cette question insondable et      on rassemblera des objets afin
glissements, de répétitions,       vertigineuse, nous resterons        de construire et déconstruire des
d’ellipses, se juxtaposant sans    dans un indécidable poétique        intérieurs, des parties de nos intérieurs,
lien de cause à effet. Nous        où le mystère des arcanes de        des pièces de la maison qui prennent
entrerons dans un paysage, un      l’esprit humain reste entier.       des valeurs symboliques dans nos
territoire du monstrueux.          Pas de narration cohérente,         inconscients et nos cauchemars :
À L’INTÉRIEUR se présentera        unitaire ou centrée, l’écriture     le seuil, la porte, l’escalier, la cave,
comme une forme hybride,           textuelle se composera de           le grenier, la fenêtre, la chambre,
composite, morcellée en            réitérations-variations, de         le placard, le lit, le fond du jardin...
agençant des matériaux aussi       juxtapositions des possibles,       Nous travaillerons sur des espaces
divers que des moments             de digressions. Plusieurs           mixtes à la fois réels, concrets et
chorégraphiques, des récits,       intrigues se mêleront. Sans         imaginaires, des lieux mêlant l’intérieur
des scènes sans texte et des       résolution nécessaire.              et l’extérieur. Comme si nos espaces
scènes où l’objet devient le       Comme dans un rêve ou un            familiers pouvaient à chaque instant
centre du regard.                  cauchemar, laissant ouverts les     être envahis par un extérieur menaçant,
Mais aussi de brèves               questionnements.                    les ombres des forêts ou la puissance
fictions entremêlées, de                                               de nos démons.
Les objets accumulés et articulés entre eux sont
inhérents à l’espace domestique, la maison – un
territoire utopiquement rassurant et inoffensif dont
Joana Vasconcelos met en lumière l’étrangeté, la
dangerosité et la violence. La maison devient alors
un espace critique à part entière, où les objets
incarnent « l’inquiétante étrangeté » telle que Freud
l’a énoncée. « La maison est le premier théâtre de la
mémoire. La cave, l’escalier, la chambre, le grenier, le
placard, la fenêtre sont des figures sur lesquelles, de
l’inconscient au rationnel, se modèlent et se fixent nos
désirs et nos hantises.

Flawless (à propos de Joana Vasconcelos),
Julie Crenn
Faites chaque jour une
chose qui vous fait peur.
Eleanor Roosevelt

                    ciepardessusbord@gmail.com
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