Fissures d'art dans l'hyperréel politique - Guy Sioui Durand - Érudit

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Fissures d'art dans l'hyperréel politique - Guy Sioui Durand - Érudit
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Espace Sculpture

Fissures d’art dans l’hyperréel politique
Guy Sioui Durand

Number 55, Spring 2001
Art & Réseau
Art & Network

URI: https://id.erudit.org/iderudit/9448ac

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Publisher(s)
Le Centre de diffusion 3D

ISSN
0821-9222 (print)
1923-2551 (digital)

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Sioui Durand, G. (2001). Fissures d’art dans l’hyperréel politique. Espace
Sculpture, (55), 30–36.

Tous droits réservés © Le Centre de diffusion 3D, 2001                       This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit
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Fissures d'art dans l'hyperréel politique - Guy Sioui Durand - Érudit
Fissures d'art dans
                                                   __ L'HYPERRÉEL POLITIQUE
                                                 GUY SIOUI DURAND

     'été, on le sait, est propice à l'art exté-        L ' É T A T AU CUBE                                et, de nos jours sans doute, de la Station
L    rieur. Et la saison estivale de l'an 2000          OU L ' A N T I - A R T
                                                        Comme le mentionnent les guides, les
                                                                                                           spatiale internationale ISS «Alpha», par
                                                                                                           exemple. D'où le paradoxal sentiment de
n'a pas fait exception. Un peu partout au               dépliants et le site web du Diefenbunker           descendre dans un tombeau virtuel, comme
Québec, à la faveur d'événements, sculp-                (www.diefenbunker.ca), entre 1959 et 1961,         les grandes pyramides, alors que le bunker
                                                        à l'instar de plusieurs endroits dans le           avait comme mission de préserver l'élite du
tures in situ et installations extérieures ont          monde, le gouvernement canadien a cons-            pouvoir politique, institutionnel et militaire
surgi des Îles-de-la-Madeleine jusqu'à                  truit dans un temps record et dans le secret       de la catastrophe nucléaire.
Gatineau, en passant par Métis, Québec,                 absolu un énorme bunker de quatre étages,              Strictement fonctionnelle, l'architecture
                                                        enterré au plus profond d'une colline à 35         du Diefenbunker définit à mes yeux l'anti-
Sainte-Foy et Montréal, avec un détour par              kilomètres d'Ottawa (Carp). Il a été conçu         art. Ce n'est pas un hasard. Son architec-
Trois-Rivières et Rouyn-Noranda1. En conti-             pour loger les éléments fonctionnels du            ture découle de la genèse de la rationalité
                                                        gouvernement en cas de conflit nucléaire           technobureaucratique absurde qui a
nuité, la rentrée automnale de plusieurs                entre Américains et Soviétiques3. L'abri           traversé le vingtième siècle. Le vingtième
centres d'artistes s'est caractérisée par un            antinucléaire n'a été désaffecté qu'en 1994,       siècle a vu progresser le triomphe
parti pris pour des interventions dans la               l'Intelligence Service et autres instances         généralisé de la rationalité dans toutes les
                                                        secrètes de contrôle des informations et de        sphères de la vie sociale (science, adminis-
cité, des manœuvres et autres pratiques                 la propagande y ayant été fonctionnels pen-        tration, travail, loisirs, etc.). À bien des
relationnelles hors-les-murs. Dans une telle            dant trente-trois ans. En 1997, une corpora-       égards, ce cube souterrain réalise la styli-
                                                        tion sans but lucratif des résidents de Carp       sation limite de ce que le Fascisme,
conjoncture centrifuge, l'exposition Fissions           a transformé le lieu en Musée, reconnu             l'Hégémonisme et l'Impérialisme comme
Singulières, produite par Axe Néo-7 de Hull             depuis comme « site historique hérité de la        régimes politiques ont façonné à travers
et accueillie par le Musée canadien de la               Guerre froide le plus important au Canada ».       deux guerres mondiales, l'escalade de la
                                                            Comment le décrire ? Disons qu'il s'agit       course aux armements nucléaires. De
Guerre froide de Carp, a opté pour l'inverse.                                                              1945, alors que la bombe nucléaire a été
                                                        d'un titanesque cube de 100 000 pieds
    On y retrouvait des conduites/situa-                carrés de quatre étages construit avec             utilisée pour détruire Hiroshima et
tions artistiques happées par la réclusion,             32 000 verges cube de béton et 5 000 tonnes        Nagasaki, faisant accéder les Américains
l'enfermement dans un abri antinucléaire                d'acier, enfoui à 90 pieds sous des tonnes de      au rang de superpuissance — que les
extrême qu'on a appelé le Diefenbunker2.                gravier dans le sol. Une fois entrés sous          Soviétiques rejoindront illico —, jusqu'en
On peut aborder cette insertion d'art actuel            terre, un long tunnel ouvert aux deux bouts,       1989 (avec la chute symbolique du mur de
dans le circuit de visites historiques de ce            afin de contrôler le souffle de la déflagration,   Berlin), on parlera de l'ère de la Guerre
lieu, tel un inégal défi éthique et esthéti-            nous attend. Il s'ouvre en son centre sur          froide des deux zones d'influence pour
que relevé par les treize artistes canadiens            deux immenses portes d'acier qui suffisent à       contrôler les continents, leur économie et
participants. Leurs œuvres se sont con-                 nous convaincre que nous entrons dans un           même la suprématie dans l'espace.
frontées à l'inimaginable claustrophobie                monde reclus. Puis s'enfilent la salle des             Cette époque de la Guerre froide est
de ce site hyperréel qui synthétise l'archi-            douches de décontamination, les pièces d'un        aussi le temps de la dissolution de l'individu
tecture ultime du vrai visage de tout                   mini-hôpital et un hall où une grande              dans la « foule anonyme ». C'est le temps de
pouvoir d'État, politique et militaire. Le              maquette de l'édifice hors normes confirme         la propagande et de la publicité de masse.
                                                                                                                                                              DENIS FARLEY, Last
Diefenbunker incarne la quintessence de la              le gigantisme du bâtiment. Tant dans les           De nouvelles appellations l'attestent :
                                                                                                                                                             Call (Ultime Appel),
logique instrumentale d'une époque à                    salles de machinerie que dans celles d'aéra-       citoyens, citadins, ouvriers, soldats,               2000. Matériaux
peine révolue : la Guerre froide fondée sur             tion ou de compactage des déchets et autres        clientèles, bénéficiaires, masses, etc.           mixtes. Installation.
l'escalade du feu nucléaire entre Améri-                fonctions vitales, toutes les composantes          Désinformations et manipulations présen-         Photo : Denis Farley.
cains et Russes, l'Ouest capitaliste et l'Est           techniques furent montées sur des ressorts         tent comme véridiques idéologies, dogmes
communiste.                                             géants afin de résister aux ondes de choc.         et slogans pour mouler les conduites et
    J'ai visité le lieu à deux reprises : au                De l'exiguïté des nombreux dortoirs à la       fabriquer des situations en masse (situation
printemps en reconnaissance avec les                    stricte fonctionnalité des salles et bureaux       de guerre appréhendée, industrialisation-
artistes pressentis puis, incognito dans                reconstituant les fonctions de surveillance        urbanisation, collectivisation du sport, des
un des groupes guidés, à la fin juillet.Sa              et d'administration politique, ou de l'im-         spectacles, de la culture de consommation).
démesure architecturale et symbolique a                 mense cafétéria, rien n'échappe à cette                Comme l'a brillamment analysé Robert
 produit chaque fois un tel choc que mon                logique paranoïaque cubiste. L'échéance de         Hughes dans The Shock ofthe New1*,
 regard critique doit s'y attarder, ne                  survie avait été évaluée à trente jours pour       tandis que les milieux d'avant-garde révo-
serait-ce que pour comprendre l'impact                  trois cents personnes. Cet abri, même trente       lutionnaires ont retenu l'esprit de monu-
des projets artistiques qui se sont vou-                ans plus tard, condense l'atmosphère de la         ments architecturaux et autres créations
 lus des « fissions singulières » d'un tel              vie carcérale, celle des laboratoires, des         utopiques5, certains critiques n'ont pas
 monolithe.                                             sous-marins nucléaires (comme le Koursk)           manqué de rappeler la connivence de l'art

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Fissures d'art dans l'hyperréel politique - Guy Sioui Durand - Érudit
de ce siècle avec le pouvoir dominant,          courent au même objectif: exclure du             Camus, à ses héros trop pleins d'humanité
entre autres des mouvements artistiques         regard de la manière la plus fonctionnelle       dans ses romans comme
comme le Constructivisme, le Futurisme          possible (ex. : les tours à bureaux aux          La Peste, ou ses essais comme Le Mythe de
italien, puis la dichotomie entre le réalisme   fenêtres miroirs, les étages souterrains de      Sisyphe. Sisyphe, dans les temps
socialiste et l'abstraction comme style cap-    la CIA, du FBI ou de la Gendarmerie royale       mythiques, fut condamné à remonter
italiste. Tout un pan de l'architecture éta-    du Canada). À cet égard à Québec, n'est-il       inlassablement au sommet d'une mon-
tique du XXe siècle6 a développé un             pas significatif ce surnom de « bunker »,        tagne un rocher qui retombait toujours,
langage architectural, reflet des pouvoirs      attribué à l'édifice H de la colline par-        fatalement. Cette métaphore de la vigilance
politiques absolutistes : « The main ingre-     lementaire, où loge le Premier ministre du       éthique à maintenir, pour que le temps des
dients ofthe architecture of State power,       gouvernement provincial?                         Humains ne s'anéantisse point, traduit mon
as imagined by the totalitarian hacks of           Concrètement, la réalité construite et        sentiment vécu in situ en côtoyant les deux
our century, became known as the                opérationnelle du Diefenbunker pendant           stratégies artistiques déployées comme
Architecture ofthe Democracy when they          33 ans au Canada réalise le slogan énoncé        Fissions Singulières dans le Diefenbunker.
crossed the Atlantic in the 1950s [...] It      par Marinetti dans le Manifeste des
was the international power style ofthe         Futuristes : « Tous les efforts pour créer une   DES ŒUVRES E X P O S É E S
fifties and sixties, as Art Deco had been in    esthétique politique culmine en une seule        Ilya d'abord la composante exposition
the thirties, scaless, opaque, the              chose : la guerre ». Le cube enfoui du           d'œuvres déjà existantes. Les commis-
metaphors out of control [...] It is            Diefenbunker obéit bel et bien à cette styli-    saires Richard Gagnier et Jacques Doyon
designed for one purpose and achieves it        sation limite de la paranoïa étatique            ont sélectionné des œuvres de sept
perferctly: it expresses the centralization     comme anti-art.                                  artistes pouvant relever les méandres
of power [and] the connection with the                                                           de la Mémoire sociale et historique de
bureaucratic and governmental processes         D I E F E N B U N K E R MON A M O U R            la Guerre froide et de ses conséquences,
going in the towers above him [...] There       C'est donc dans ce lieu fermé que les inter-     et en inoculer l'édifice.
are no ambiguities. All the joys of             ventions in situ des artistes s'immiscent            L'installation des maquettes fictives pro-
Minimalism are here. What speaks from           dans le parcours des lieux, sorte de contre-     ches des produits dérivés du cinéma de
these stones is not the difference              poids (nécessaire) aux visites des guides,       science-fiction (Station Pilote, 1983-1984 ;
between American free enterprise and,           ces derniers délivrant un discours trop près     Transformer, 1982-1983) des A&B associé —
say, Russian Socialism, but the similari-       du bien-fondé d'un tel complexe militaro-         exposées dans la chambre forte devant
ties between the corporate and the              politique et davantage axé sur la reconstitu-    abriter l'or de la Banque du Canada, assuré-
bureaucratic states of mind, irrespective       tion des lieux, minimisant en cela — du          ment un des lieux les plus absurdes du
of country or ideology.7»                       moins lors de mes visites — le travail des       Diefenbunker (et des plus fabuleux comme
   Que ce soit les laboratoires, les bases,     artistes. Comment, dans un tel contexte,         site d'intervention artistique original) —,
les sites de missiles ou les édifices du        des œuvres enterrées, enfouies, verrouil-        n'avait rien de convaincant. Par contre, le
pouvoir, une même architecture de l'enfer-      lées, captives d'un climat ont-elles été au-     dépôt des deux formes/cocons serrées, étouf-
mement, du camouflage et de l'enfouisse-        delà du simple ajout dans des salles             fantes presque (Tent,iggg ; Sleeper #8,1999)
ment s'installe. Les structures et les          hyperréalistes?                                  de Liz Magor donnait un relief dramatique à la
matériaux, les sites et les façades con-           Spontanément j'ai pensé à Albert              salle où une trappe de sortie de secours se
Fissures d'art dans l'hyperréel politique - Guy Sioui Durand - Érudit
trouvait enfouie. Les quatre grandes pein-
tures (Reactor suite, 1985) de Wanda Koop, si
elles ont trouvé dans le cube la genèse du
sentiment menaçant de ses scènes peintes,
se retrouvèrent pourtant à l'étroit dans les
salles, même désertées. À l'opposé, les
agencements miniatures (wagons, trains, etc.)
empilés dans une petite pièce (Model, 1995 ;
Sky scratch, 1995 ; Doors, 2000; Bomb
Shelter, 1981) de Kim Adams, tels que l'eût
fait un enfant insouciant du « non-esprit » des
lieux, s'accommodaient bien de l'exiguïté,
perceptible derrière une porte close (du
moins lors de mon passage). Curieusement,
l'histoire de vie personnelle à la base de
l'installation interactive avec CD-ROM ,An
anectoted archive from the cold war (1994)
de George Legrady, s'intégrait trop bien dans
l'abri : la rencontre entre autobiographie et
lieu de propagande d'État, issue de la même
socialisation, s'arrimait plus qu'elle ne con-
frontait. Troublant. La mosaïque pho-
tographique implacable des traces et débris
de la guerre haute-technologie dans le désert
du Golfe du Koweït (Fait, 1991-1992) de Sophi
Ristelhueber, et les images, sidérantes,
d'Hiroshima du Japonais Hiromi Tsuchida (The
Hiroshima Collection, 1979-1982), parce que
témoins visuels de certains des quelque 6 600
objets personnels retrouvés au cœur de l'épi-
centre du massacre nucléaire, s'ouvraient sur
les pulsions de mort irradiant du bunker.
   Ensemble, la portion exposition formait
un dépôt de la conscience du tragique
dans le lieu en des œuvres déjà investies
par l'absurdité irréelle des conflits.

CRÉATIONS IN SITU
Six artistes ont été invités à créer des
œuvres inédites spécifiquement en fonc-                 mier lieu spectaculaire du Diefenbunker,          teurs et logiciels genre « war games »).
tion du site pour compléter l'exposition.               parce qu'ouvert aux deux bouts afin               Farley touche, avec Appel ultime, une corde
Ce défi de contaminer in situ par l'insolite,           d'absorber le souffle d'une explosion             sensible de la nouvelle réalité de ce qui se
d'introduire le doute d'inhumanité                      nucléaire. C'est là que Denis Farley va situer    tramait, autrefois, en secret.
opérante ou virtuelle du site et de happer              l'essentiel de sa signalétique, déjà com-
l'angoisse du bâti en fonction du Diefen-               mencée en dehors du bunker. L'artiste pho-        LOOSE LIPS
bunker m'a évidemment le plus touché.                   tographe a en quelque sorte télescopé au          « L E S AFFICHES D'ADRIAN GÔLLNER SIMULENT

   Véhiculé intensément par Denis Farley                présent cette onde de choc de la Guerre           L'ATMOSPHÈRE QUI PRÉVALAIT A U PLUS FORT

(Appel ultime), Adrien Gôllner (Bus                     froide. Dans ce dessein, il a fusionné sa         DE LA GUERRE FROIDE, TANT SUR LE PLAN DE

Shelter; Hygiene Posters Series; Loose                  désormais démarche photographique envi-           L'INFORMATION QUE DE LA "CONSTRUCTION"

Lips), Jana Sterback (Hot Nest), Annie                  ronnementale. Cette fois son personnage est       DE L'ENNEMI... MIMENT L'ESTHÉTIQUE DE LA FIN

Thibault (L'effet de soufflé), Guy Blackburn            en survêtement rouge et blanc à carreaux,         DES ANNÉES 1950.»
(La réserve de beauté; La récolte du jeune              comme mesure de paysages. Plusieurs                   C'est dans les toilettes que les affiches et
soldat; Un abri précaire ; Protection poli-             clones de son personnage se retrouvent donc       autres dispositifs d'Adrian Gôllner me sont
tique), et Josée Dubeau (Onde noire), le                dans le tunnel, téléphone cellulaire à l'écoute   soudainement apparus d'une terrible effi-
projet Fissions Singulières prenait alors en            sous une lumière stroboscopique rouge.            cacité. Son travail, dans le Diefenbunker, té-
compte la spécificité du lieu lui-même                      Aujourd'hui, le risque de conflits généra-    lescope lui aussi les époques à mesure qu'il
comme espace/temps absurde.                             lisés et amplifiés par les idéologies s'est       contamine le parcours. À force de s'y attarder,
                                                        fragmenté en guerres localisées, non plus         l'effet de paranoïa entretenu par le Politique
A P P E L UL T I M E                                    entre États mais dans leur sein même. Fait        commence à se faire perceptible. Ensuite la
« O N ACCÈDE AU BUNKER PAR UN TUNNEL SERVANT À          majeur, les civils y sont davantage des vic-      distance critique prend le dessus. Évidem-
CANALISER LA DÉFLAGRATION LOIN DE LA PORTE              times que les militaires. En outre, les com-      ment, depuis John Hearthfield et ses pho-
D'ENTRÉE. LÀ, UNE SORTE DE COMMANDO EN MIS-             munications par ondes favorisent autant les       tomontages politiquement engagés contre le
SION D'INTERVENTION, ÉQUIPE DE TECHNICIENS AUX          scénarios de guerre virtuelle et chirurgicale     nazisme, le travail de bien des artistes avec
SALOPETTES MARQUÉES DE L'INSIGNE NUCLÉAIRE,             (ex. : la guerre du golfe du Koweit) qu'ils       les outils mêmes de la propagande et de la
OPÈRE DANS UNE ATMOSPHÈRE DE RADIATION ACTIVE           véhiculent l'actuelle mondialisation des          publicité s'est poursuivi de manière continue.
ET CHAOS 8 .»                                           échanges et des loisirs (Internet, téléphonie     On n'a qu'à penser aux interventions d'une
     L'entrée dans le tunnel est en soi le pre-         cellulaire, jeux vidéos, courriels par ordina-    Jenny Holzer, par exemple.

32     ESPACE    55    P R I N T E M P S   / SPRING   2001
Fissures d'art dans l'hyperréel politique - Guy Sioui Durand - Érudit
HOT NEST              ^HHBBHBMiH                    SALLE MÉCANIQUE DES FILTRES, MACHINE TAMPON ET       un doute plus que raisonnable sur la fiabilité
«L'OBJET PROPOSÉ EST UN NID SUSPENDU, DONT          D'ÉCHANGE DE PREMIÈRE LIGNE AVEC L'EXTÉRIEUR         du système. L'artiste en fera son laboratoire,
L'ASSISE S'ÉTIRE ET S'EFFILOCHE EN ENTONNOIR... À   (POUR) ... RENOUVELER L'AIR AMBIANT... LE PRINCIPE   prélevant des images captées, comme si l'art
NOTRE APPROCHE, IL ROUGIT ET S'ENFLAMME PRESQUE     DE CAPTATION DES FILTRES EST DÉVOILÉ... PAR DIF-     filtrait l'étrangeté de la machinerie. En surgi-
SOUS L'ACTION DE FILS DE RÉSISTANCE EN TENSION...   FÉRENTES EMPREINTES, DE SPORÉES, DÉPÔTS DE           ront des formes énigmatiques, des indices
LA TORNADE-ENTONNOIR... RÉVÈLE L'ESCALADE DES       MILLIERS DE SPORES CONTENUES DANS LES                changeant la perception même de la salle, de
TENSIONS EST-OUEST... QUI ONT GÉNÉRÉ LES STRUC-     LAMELLES D'UN CHAMPIGNON, AUTRE FIGURE DE LA         ses équipements, de leur fonctionnalité. Ilya
TURES DÉFENSIVES... DÉLIRANTES. »                   MENACE EXTÉRIEURE (QUI)... N'EST PAS SANS RAP-       bel et bien une esthétique de l'horreur. Annie
    Malgré que je n'aie pu l'entrevoir qu'à         PELER L'APPARENCE DES SOUFFLETS DES PREMIERS         Thibault en a changé les proportions dans
travers la vitre d'une porte fermée — le            APPAREILS PHOTOGRAPHIQUES. »                         son antre même.
guide comme je l'ai dit étant peu enclin à              Ces dernières années, le cycle d'expéri-
favoriser la vue des œuvres d'art parmi les         mentation des nombreuses résidences                  LA RÉCOLTE
aménagements « d'époque » des fonctions             d'Annie Thibault métamorphose, en les                DU JEUNE S O L D A T
de l'abri —, j'ai ressenti l'énergie de ce          transgressant, les lieux expérimentaux de            « L E S " S A L L E S B L A N C H E S " D E B L A C K B U R N S'OFFRENT...

dessin sculptural en suspension de Jana             l'art et les laboratoires scientifiques. La plu-     COMME DES ABRIS ET DES LIEUX DE CONVALESCENCE

Sterback. Le mouvement de ce que j'ai               part du temps de manière esthétique,                 SYMBOLIQUES POUR L'INDIVIDU ET SA MÉMOIRE

d'abord perçu comme un geste donnait à              l'angoisse de la vie bactérienne, fongique,          BLESSÉE... OÙ SE /OUENT DES OPPOSITIONS : LA FRA-

penser à ces tourbillons qui, on ne le sait         s'y installe. Quelque part, le Diefenbunker          GILITÉ DE L'ENFANCE ET SA SURPROTECTION, LES MÉ-

pas, peuvent nous entraîner soit à une perte        doit sa raison d'être au plus destructeur de         DAILLES MILITAIRES FAITES DE LAMBEAUX DE PEAUX...

d'énergie, soit au signal d'une quelconque          tous les champignons, celui de l'explosion           LA BLANCHEUR DES TISSUS PORTE ELLE AUSSI LES

expérience initiatique. Dans ce cube souter-        nucléaire. Qu'une telle architecture existe          MARQUES CONTRADICTOIRES DE L'AGRESSION ET DES

rain aux armatures géantes, l'intervention          dans une région où l'artiste a longtemps             SOINS: CAUTÉRISATIONS, CICATRICES, TORSIONS.»

de l'artiste montréalaise prenait les propor-       œuvré constituait presque un rendez-vous                 Est-ce en éclopé de l'âme que Guy
tions d'une langue de feu à l'incandescence         certain. Sa descente dans le cube souterrain,        Blackburn entre dans le Diefenbunker, alors
incertaine... comme la vie enfouie ici...           comme s'il s'agissait d'un rhizome, ne pou-          que je l'accompagne lors de la visite de
                                                    vait que la conduire à la salle de filtrage de       repérage de l'édifice au printemps dernier,
L ' E F F E T DE S O U F F L E                      l'air, sorte de poumon artificiel de tout l'édi-     lui qui sort à peine de son périple
«L'ARTISTE PROPOSE UNE ŒUVRE IN SITU AVEC LA
                                                    fice. La technologie de l'époque laisse planer       Quémander l'affection 9 ? Sa fascination

                                                                                                   ESPACE    55      PRINTEMPS               / SPRING            2001           i i
Fissures d'art dans l'hyperréel politique - Guy Sioui Durand - Érudit
pour l'architecture démesurée poussant à             restent que des casiers et des étagères,            lieu absurde synonyme de passé révolu,
l'extrême l'hyperréalité de la raison instru-        l'étrange chariot oscille entre le catafalque       mais aussi maintenant.
mentale, le fantasme de la raison d'État, et         et une ingénieuse construction propice à                Les infrastructures des pouvoir éta-
l'organisation de la logique technobureau-           l'évasion, surtout avec ce long manche qui          tique, technocratique, militaire, financier,
cratique dans ce qu'elle a de promiscuité            va coincer un oreiller au plafond, dont une         ne soyons pas naïfs, perdurent. Il ont de
avec le fascisme incarné dans cette construc-        des tuiles est otée. Ouverture sans issue et        nouveaux visages. La vogue des loisirs
tion titanesque, nous happe immédiatement.           désintégration des rêves?                           virtuels programmés comme fleuron de la
    Tentant de prendre la (dé)mesure de                  Un moment, je me suis cru plongé dans           « nouvelle économie » et l'art technologi-
l'oppression de cet édifice titanesque, Guy          les ondes fantastiques de Jules Verne !             que ludique comme reflet est une de ces
Blackburn déploiera quatre installations             « L'AUTORITÉ ARCHITECTURALE DU LIEU... PREND        zones dont il faut questionner l'éthique
comme stratégie de contamination du Diefen-          PLACE DANS LA CAFÉTÉRIA, LE LIEU (QUI)...           par « l'indiscipline » artistique. Que dire de
bunker. Les titres sont éloquents : La récolte       ASSURE LA SURVIE AU PREMIER DEGRÉ, LA FONC-         cette construction dans l'espace de ces
du jeune soldat, Abri précaire, La réserve de        TION NOURRICIÈRE. C'EST CETTE DERNIÈRE              nouveaux lieux, ces stations spatiales
beauté, Protection politique. Ce faisant,            ACTIVITÉ QUI EST SAISIE, PANTELANTE, À MÊME         internationales habitables, auxquels main-
l'artiste maintient une continuité obsession-        UNE VAISSELLE "DISIONCTÉE"... PAR LA CONTIN-        tenant Américains, Russes, Français et
nelle fondée sur l'humilité de l'individu. À         GENCE DU RAVITAILLEMENT. »                          Canadiens participent, sinon que s'y est
Carp, il la pousse à l'extrême : ce qu'incite ce         J'ai vécu le même sentiment étrange à           déplacée la même logique instrumentale
bâtiment et sa logique du secret. Complète-          mes deux visites du Diefenbunker.                   d'État qui a donné naissance, à l'époque
ment aliéné dans ce lieu, l'individu non en              Les cuisines et salles à manger, on le          de la Guerre froide, autant à l'arsenal
position de pouvoir (tel un fantassin, un cuisi-     sait, définissent des zones centrales de con-       nucléaire qu'à la conquête de l'espace. I
nier, un infirmier affectés au bunker qui ne         vergence et des activités nécessaires aux
font qu'obéir aux ordres, dans ce lieu qui n'a                                                           NOTES
                                                     troupes. Dans le Diefenbunker leur significa-
                                                                                                         i. Le Symposium Mer Océanie, sur la mer comme au
de sens que la survie) doit puiser dans les          tion a été inversée : la démonstration                 ciel aux Îles-de-la-Madeleine, les installations
quelques moments de solitude que lui offre           mesurée des sachets, rations, des cédules              paysagistes au Jardin de Métis, les sculptures in
sa condition de reclus. Dans les quatre instal-      de ravitaillement et de mesure nutritive des           situ de la Biennale d'art actuel Arboretum à la
lations, on imagine un tel personnage.               kits de survie, des portions assurant trente           Maison Hamel-Bruneau de Sainte-Foy, les
                                                                                                            sculptures sociales lors d'Émergence 2000 à l'îlot
    Les matériaux utilisés fabriquent systé-         jours d'autonomie aux trois cents reclus
                                                                                                            Fleurie sous l'Autoroute Dufferin/Montmorency
matiquement la réclusion de ce sous-privi-           enrobait d'un climat malsain le grand comp-            dans le quartier Saint-Roch à Québec, les
légié emmuré, de ce survivant virtuel — réel         toir en « stainless ». D'aboutir à la fin dans la      sculptures environnementales du Symposium
s'il y avait eu attaque nucléaire. L'intégra-        grande cafétéria, généralement un lieu fami-           Cimes et Racines. Art et Nature au barrage La
tion des énormes ressorts dans une des               lier, loin d'amenuiser l'effet claustrophobe,          Gabelle sur la rivière Saint-Maurice entre Trois-
                                                     se démultipliait avec le dispositif sculptural         Rivières et Shawinigan, le grand déploiement des
installations ne m'a guère surpris. Par
                                                                                                            projets sculpturaux et installais dans la
contre, le couplage de ce syncrétisme tech-          de Josée Dubeau. Et l'immense murale
                                                                                                            métropole pour D'un Millénaire à l'autre, les
nologique du bunker avec ces berceaux                représentant montagnes et prés verts au-               projets urbains de Pass'Art à Rouyn-Noranda en
d'enfants, ces béquilles hors normes et              dehors n'avait rien pour alléger l'atmo-               Abitibi-Témiscamingue, les manifestations sour le
autres mobiliers pour malades, des                   sphère, bien au contraire.                             thème de La Gondole dans la ville de Hull et le
matériaux puissants qui font partie du                                                                      premier Symposium de sculptures en Outaouais, à
                                                         Le comptoir est devenu le support —
                                                                                                            Gatineau, ont composé une véritable géographie
corpus symbolique de l'artiste chicoutimien,         ironie du socle — sur lequel Josée Dubeau              artistique.
dans un échafaudage blanchâtre, provoque             a déposé (plus qu'elle n'exposait) une
                                                                                                         2. Du nom du premier ministre progressiste-
un impact émotif et plastique.                       immense galette pétrifiée, calcinée,                   conservateur de l'époque. Sir John Diefenbaker, et
    Pourtant, l'artiste réussit à esquisser un       rongée, une métaphore de la denrée                     que la presse a transformé en "Diefenbunker".
possible espace non opprimé, une zone                périssable. Des plats incomplets brisés,            3. D'autres bunkers, de moindre importance, ont été
mentale. Elle est faite de souvenirs (les            imparfaits de céramique entouraient                    aussi construits. Ainsi, dans la région de Portneuf
berceaux et crèmes d'enfance) et de rêve             l'objet qui n'avait rien d'ornemental ou               près de Québec, un tel endroit aurait été enfoui
                                                                                                            pour accueillir les élites du pouvoir provincial. Où
(les médailles de gloire faites de lam-              d'ajout à l'architecture.
                                                                                                            exactement et son statut opérationnel demeurent
beaux), de peurs et de délires (les échelles,            L'immense sentiment de « famine de                 des mystères...
brancards, bâches et béquilles). Du coup,            l'esprit » qui a guidé cette paranoïa archi-        4. Robert Hughes, The hundred-year history of
la précarité personnelle affronte l'obsoles-         tecturale s'étalait soudain dans son apo-              modem art. Its rise, its dazzinling achievement, it's
cence de la construction d'État. Et grâce à          théose de peau-de-chagrin. Il y avait                  fall, (télésérie produite par la BBC de Londres, et
cette stratégie multiple de déterritorialisa-        longtemps10 qu'un objet insolite, par                  publication chez Alfred A. Knoff, New York, 1981.
                                                                                                            Chap. 2, "The faces of power", p. 57-111.
tion s'est dessiné, à l'image inversée de la         lucidité d'artiste, n'avait, à mes yeux,
                                                                                                         5. Pensons ici au Monument pour la troisième
visite guidée, un parcours graduant un               réussi à concrétiser la dissidence. Onde               Internationale du constructiviste Vladimir Tatline,
malaise à mesure que le regardeur décou-             noire l'a réalisé contre l'indigeste dispro-           cette énorme tour babélique devant accueillir les
vrait chacune des quatre installations               portion de cette machine de guerre s'auto-             trois paliers du pouvoir bolchevique triomphant
décomposant le lieu, plutôt que d'unique-            nourrissant. Fort!                                     mais qui ne sera jamais construite, ou encore aux
ment s'y exposer ou le recomposer.                                                                          Mermauz détruits d'un Kurt Schwitters, ces
                                                                                                            constructions proliférantes détruites pendant la
                                                     C O N C L U S I O N : LE B R A S
                                                                                                            Deuxième Guerre mondiale, ancêtres de
ONDE N O I R E                                       CANADIEN                                               l'installation. Il faut tenir compte aussi de toutes
Dans une des installations, une échelle faite        Le Diefenbunker a été contaminé par l'art              les variantes des Agitprops, ces projets d'art de
de cordage inaugure un parcours du regard            une première fois. Compte tenu des condi-              propagande, à la base de bien des projets d'art
qui va du sol jusqu'à l'encoignure où un des         tions de visibilité mais surtout de sa perti-          action politiquement engagée jusqu'à aujourd'hui.

murs et le plafond se rejoignent. Une                nence, une telle exposition aurait pu (dû)          6. Les exemples s'allongent sans fin : des projets
                                                                                                            nazis d'Abert Speer, l'architecte d'Hitler, pour
grande bâche blanche encadre parterre un             connaître une plus longue durée, sur
                                                                                                            Berlin et Nuremberg, du Palace Mussolinien of
brancard sur roue. Il supporte une fenêtre           plusieurs saisons même. Fissions                       Italian Civilization assurant la collusion entre
de maison. Sur les vitraux reposent des              Singulières aura néanmoins eu le mérite                Mussolini et les Futuristes, jusqu'aux édifices
médailles militaires, des photos et autres           d'initier de manière vivace une conscience             technobureaucratiques soviétiques de Moscou et
papiers. Dans cette salle désaffectée où ne          critique élargie, non seulement dans un                ses villes satellites à l'Est et les épigones de

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Fissures d'art dans l'hyperréel politique - Guy Sioui Durand - Érudit
I

ANNIE THIBAULT,
L'Effet de soufPe,
2000. Impression au
jet d'encre sur
papier, caissons de
tôle galvanisée.
Installation. Photo :
Denis Farley.

                        J   •

                        ESPACE   55   P R I N T E M P S
l'architecture rationnaliste américaine des Lincoln
      Center, du Kennedy Center for the performing art
      ou de Brasilia — la ville moderne ratée dans la
      jungle brésilienne. Au Québec, pensons au Palais
      de justice, à Parthenais, aux édifices de la colline
      parlementaire ou simplement à tous ces gros blocs
      de logements annonçant nos villes dortoirs dans la
      métropole et la capitale.
7. Robert Hughes, op. cit., p. 57-111.
8. Extraits du livret de présentation de l'exposition,
   Axe Néo-7 art contemporain. Diefenbunker, Musée
   canadien de la Guerre froide, Canada's Cold War
   Museum, Singular Fissions, Fissions singulières,
      été 2000.
9. Quémander l'affection sur la route. De connivence
   avec l'organisme Folie/Culture, Guy Blackburn a
   entrepris, au printemps 1999, de parcourir
   plusieurs villes et villages du Québec avec une
   installation dans une van, provoquant ainsi
   l'événement à Chicoutimi, Aima, Victoriaville,
   Québec, Rimouski, Rivière-du-Loup, Saint-Jean-
   Port-Joli et Trois-Rivières.
10. Onde noire a ravivé deux souvenirs d'installations.
    J'ai d'abord pensé à une austère mais efficace
    installation (par son atmosphère) de Joseph Beuys,
    vue à la galerie new-yorkaise Ronald Feldman en
    1987. Une étagère de bois supportait des sacs en
    papier remplis de farine, de graisse. Il y avait aussi
    des rouleaux de feutre. La césure Est/Ouest
    irradiait le lieu de sa misère sociale. Dans un autre         Liz MAGOR, Tent, 1999.
    registre — où se manifestait une tension plus                 Caoutchouc de silicone,
    hétéroclite entre esprit du lieu et rationalité               cheveux synthétiques.
    instrumentale des objets —, je me suis aussi                  76x18x13 cm. Photo:
    rappelé l'incontournable dichotomie de l'espace               François Dufresne.
    opérée en diagonale par l'installation La douche (À
    la mémoire de François, 1987) de Gilles Mihalcean.
                                                                  JANA STERBAK, Atesf,
                                                                  2000. Fil d'aluminium
The author gives his thoughts on the exhibition                   et acier galvanisé, fil
                                                                  de nichrome, câble
Singular Fissions, Fissions singulières, held in an
                                                                  électrique, électricité.
anti nuclear shelter called the Diefenbunker. He
                                                                  102x77 cm diam.
states that "One can approach this insertion of                   Photo : Denis Farley.
contemporary art in the historical tours of this place
as an unequal ethical and aesthetic challenge
                                                                  JOSÉE DUBEAU, Onde
accepted by thirteen Canadian artists. Their works                noire, 2000. Bols de
are confronted by the unbelievable claustrophobia of              porcelaine, charbon de
this hyperreal site, which synthesizes the ultimate               bois. Installation :
architecture of the State's true colours — political              115 x170,5 x335,3 cm.
and military power. The Diefenbunker embodies the                 Photo : Denis Farley.
quintessential logic instrumental in an era scarcely
past: the Cold War started with the escalation of
nuclear armaments by the Americans and the
Russians, the Capitalist West versus the Communist
East."
In this closed space, the artists' in situ interventions
encroached on the visiting tours, giving them a kind
of (necessary) counterweight. Tour guides delivered
a discourse too attached to the justifications for such
a military-political complex, focusing on the
reconstitution ofthe site while minimizing the
artists' works. "In such a context," the author asks,
"how do these works, buried and tucked away,
cordoned off and captives of a certain climate,
become more than just additions to the hyperrealist
spaces? [...] I spontaneously thought of Albert
Camus, of his all too human heroes in novels like The
Plague, or in his essay The Myth of Sisyphus.
Sisyphus, in mythical times, was condemned to
tirelessly climb up to the top of the mountain
carrying the Earth on his back, even if it inevitably
rolled back down. This metaphor for ethical
vigilance, necessary for the continued existence of
human beings, translates my feelings while beside
the two in situ artistic strategies exhibited as
Fissions Singulières in the Diefenbunker."

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