Hercule ou le démantèlement d'EDF - CCE EDF SA
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Hercule ou le démantèlement d’EDF À l’heure où le gouvernement et la Direction d’EDF préparent le projet « Hercule », le CCE EDF SA tient à alerter la population sur les dangers de cette fuite en avant, engagée depuis vingt ans, dans un processus de libéralisation qui n’a apporté de bénéfices ni aux usagers, ni à l’entreprise, ni au développement du parc de produc- tion d’électricité et ni à la sécurité d’approvisionnement. Retour sur les principales étapes de cette libéralisation. Découper les entreprises pour donner accès au marché Depuis la fin des années 1990, le secteur 2005. De la même manière, afin d’ouvrir systèmes informatiques pour les rendre de l’énergie a fait l’objet d’une libéralisa- à la concurrence le marché de la fourni- indépendants, la création de certains tion à marche forcée, sous l’impulsion ture pour les particuliers et les entre- doublons (une interface chez RTE et de la Commission Européenne et des prises, il a fallu séparer les réseaux de Enedis pour répondre aux demandes gouvernements successifs, alors même distribution, avec la création d’ERDF des différents fournisseurs), sans comp- que l’électricité française était une des (devenue depuis, Enedis) en 2008. ter la nécessité de créer des fonctions moins chères d’Europe et qu’il n’y avait Ainsi, pour toute prestation, plutôt supports dédiées à chaque entreprise. pas de demande des usagers pour un tel qu’un interlocuteur unique, c’est désor- Cette démutualisation a eu un coût im- processus. mais le fournisseur d’électricité (EDF, portant, jamais évalué, mais qui corres- Pour pouvoir mener à bien cette libéra- Direct Energie, Leclerc…) qui contacte pond probablement à plusieurs lisation, il a fallu permettre aux produc- Enedis puis qui réalise l’intervention milliards d’euros. teurs d’avoir accès au réseau de chez l’usager. Un intermédiaire supplé- Et, bien évidemment, on a séparé les transport (lignes à très haute tension), mentaire qui, de fait, allonge les délais services communs entre EDF et Gaz de d’où la création de la société RTE, et multiplie les coûts. France, afin de faire de Gaz de France le d’abord comme service autonome Cette séparation d’EDF, RTE et Enedis premier gros concurrent d’EDF dans d’EDF, puis comme filiale à partir de a nécessité de lourdes modifications des l’électricité et inversement. Toutefois, la plupart des fournisseurs d’électricité (ceux qui vendent l’électri- cité) n’étaient pas producteurs. Ils devaient acheter leur électricité prin- cipalement à EDF mais aussi à d’autres producteurs publics. L’État a donc pro- cédé à la privatisation de ces autres pro- ducteurs publics : CNR (vendue à Suez), Shem (producteur hydraulique ancien- nement propriété de la SNCF, vendue à Suez), Snet (producteur thermique, an- ciennement propriété des Charbon- nages de France, vendu à Endesa puis E.ON, puis Uniper et aujourd’hui EPH). Ce sont ainsi 7 GW de puissance instal- lée en France qui ont été vendus pour construire, de toutes pièces, les premiers concurrents d’EDF. Rôle des différents acteurs dans le marché libéralisé de l’électricité
Créer une Bourse de l’électricité : l’électricité serait un produit comme un autre Évolution des prix des produits calendaires en France pour les trois années à venir C’est aussi dans ce contexte qu’une Total, Saint-Avold pour Uniper, reven- À commencer par le soutien aux éner- Bourse s’est créée, régie par l’offre et la dus à EPH puis à Total. gies renouvelables intermittentes demande, où l’électricité est négociée comme l’éolien et le solaire qui bénéfi- comme dans toute plateforme de tra- L’électricité est un produit qui ne se cieront de prix garantis, indépendam- ding, avec des fluctuations très fortes, et stocke pas. ment de l’évolution du cours de Bourse. assez peu de visibilité sur les prix à long Trop d’électricité produite ou pas assez, Jusqu’à 600 €/MWh pour les petites terme. Ainsi, au début de la décennie les et un écroulement du réseau (black-out) installations photovoltaïque à la fin des prix étaient de l’ordre de 70 €/MWh, ils peut se produire à tout moment. Et sur- années 2000, plutôt 250 €/MWh au- ont chuté sous les 40 €/MWh entre 2015 tout, c’est un produit de première néces- jourd’hui, et des appels d’offres autour et 2017 puis sont remontés autour de sité et l’on ne peut se permettre de de 50 €/MWh se développent pour les 60 € fin 2018. prendre des risques importants. Ainsi, grosses installations éoliennes. Pourtant, les coûts de production d’EDF le principe de liberté d’installation, où Le soutien public s’élève à près de n’ont pas fluctué du simple au double chacun aurait le droit de s’installer ou de 30 milliards d’euros entre 2003 et 2017 sur cette période. C’est la différence es- fermer ses centrales est contraire à la né- auxquels il faut rajouter 121 milliards sentielle entre un coût et un prix. S’en cessaire planification de la production d’euros pour les contrats en cours qui remettre au prix de marché, c’est pren- électrique à long terme, pour assurer n’arriveront à échéance que dans une dre le risque, si le prix est trop bas, de que la satisfaction des besoins de la po- vingtaine d’années. ne pas couvrir ses coûts et donc pure- pulation. Une centrale qui ne va pro- Il reste qu’il est bien plus facile de finan- ment et simplement fermer ou vendre duire que 2 % du temps pourrait être cer une installation quand l’on a les centrales. Si le prix est bien supérieur considérée, par nature, pas « rentable » contractualisé avec l’État un prix de aux coûts, créer des rentes indues pour mais indispensable pour maintenir le vente de l’électricité sur 20 ans que les différents producteurs. réseau pendant les quelques jours de lorsque l’on est soumis totalement aux C’est la raison pour laquelle très peu de l’année où la demande est extrêmement fluctuations du marché et donc à l’ab- centrales ont été construites en France forte (vague de froid par exemple). sence de visibilité pour des actifs ther- depuis l’ouverture à la concurrence et la À l’inverse multiplier des centrales qui miques, hydrauliques ou nucléaires, création du marché. Essentiellement des répondent au même besoin va diminuer dont la durée de vie dépasse les 50 ans. cycles combinés gaz : Dunkerque, Fos d’autant la durée d’utilisation de cha- Ce qui est typiquement le cas d’EDF. sur Mer et Montoir pour Engie, Pont sur cune d’elles et donc provoquer des coûts Sambre et Toul pour Poweo, aussitôt re- échoués importants. vendus à l’allemand Verbund, puis au C’est pourquoi de multiples exceptions fonds KKR pour finir entre les mains de à ces règles de marché vont être créées.
Contraindre EDF à céder de l’électricité à ses concurrents à des prix très avantageux pour eux Malgré cela, les fournisseurs alternatifs si les prix de marché sont supérieurs à centrales, atteint l’objectif inverse car à EDF considèrent qu’ils ne disposent 42 €/MWh, ils achètent l’électricité à quasiment aucune centrale n’a été pas suffisamment de moyens de pro- EDF à 42 €, si les prix sont inférieurs, ils construite depuis 2011. Direct Énergie duction mais surtout qu’ils ne sont pas achètent cette même électricité, au prix et Poweo ayant suspendu tous leurs pro- suffisamment compétitifs par rapport à de marché. En définitive, le préjudice jets quand ils ont su que l’Arenh allait la production nucléaire d’EDF. économique pour EDF s’évalue autour être mis en place. Ils ont donc obtenu, avec l’assentiment de 10 milliards d’euros pour ce disposi- C’est essentiellement via cette subven- de l’État, de bénéficier de 25 % de la pro- tif. tion indirecte que les concurrents duction nucléaire d’EDF (100 TWh, soit Dans le cadre de la loi Énergie Climat, d’EDF arrivent à réaliser une marge 1 milliard de kWh) à un prix garanti de les députés ont voté le passage de 100 à dans leurs activités de vente d’électricité 42 €/MWh. Ce dispositif s’appelle 150 TWh de l’Arenh, aggravant ce phé- et promettre au consommateur un prix l’Arenh (accès régulé à l’électricité nu- nomène. Le prix de 42 €/MWh, est, lui, plus bas que le tarif réglementé. Ce n’est cléaire historique). Ainsi, on protège les figé depuis près de 10 ans, ne tenant donc pas la soi-disant efficacité que per- concurrents des fluctuations du marché même pas compte de l’inflation. Ce dis- met la concurrence toujours et partout en les subventionnant indirectement. Le positif censé exister en attendant que les qui permet la baisse des prix, mais tout système est d’autant plus pernicieux car concurrents construisent leurs propres simplement un détournement des fonds Modifier le calcul du tarif réglementé pour qu’il puisse être plus facilement concurrencé En dépit de l’ouverture du marché, en calculé par rapport aux coûts compta- ment un prix de marché très défavora- dépit de la subvention indirecte que bles d’EDF, l’on regardait concrètement ble, observé en novembre 2018. constitue l’Arenh, il a également fallu combien cela coûte à EDF de produire Cela pour pénaliser le fait que les forcer les usagers à quitter le tarif régle- son électricité, on y ajoutait une marge concurrents d’EDF n’ont pas bénéficié menté en supprimant purement et sim- pour financer les investissements futurs, d’assez d’Arenh (132 TWh demandés plement les tarifs « jaune » (>36 kVA) et et cela constituait le prix du kWh. À pour 100 TWh possibles). Pour résu- « vert » (>250 kVA). Seul subsiste le tarif partir de 2015, c’est la tarification dite mer, le tarif réglementé est calculé de « bleu » qui est celui des compteurs des « par empilement » qui entre en vigueur. telle manière à ce qu’il soit concurrencé, particuliers et petites entreprises. L’on fait comme si EDF était dans la et ne reflète pas les coûts d’EDF qui ont Ainsi la Commission Européenne a même position que ses concurrents. La en réalité diminué entre 2018 et 2019. tenu compte du fait qu’être à la fois pro- part énergie du tarif réglementé (le reste La hausse de 5,9 % des tarifs réglemen- ducteur et commercialisateur (vente au étant les taxes et l’accès au réseau Enedis tés annoncée en juin dernier est donc il- détail) donne un avantage particulier à et RTE) est calculée à 67 % au prix de légitime. EDF. Un peu comme celui qui fabrique l’Arenh (42 €/MWh) et 33 % sur les prix Il reste toutefois important de rappeler lui-même un produit à un avantage par moyens à la bourse de l’électricité des que le tarif réglementé d’EDF hors rapport à celui qui va chez un grossiste vingt-quatre derniers mois. taxes, reste globalement stable sur pour ensuite le revendre au détail dans Pourquoi tenir compte des prix à la longue période (retraité de l’inflation, le un magasin. En effet, EDF produisant Bourse alors qu’EDF produit elle-même prix est le même qu’il y a quinze ans) et elle-même, sa référence est son coût de son électricité ? Et en 2019, la Commis- que l’essentiel de la hausse est imputable production, alors que ses concurrents sion de régulation de l’énergie (CRE) a à la fiscalité, en particulier la CSPE, pas- doivent s’approvisionner au prix de modifié la formule de calcul pour faire sée de 4,50 €/MWh à 22,50 €/MWh en marché. passer la part de l’Arenh à 50 %, 33 % moins de dix ans. Jusqu’en 2010, le tarif réglementé était prix de marché et 17 % qui sont égale- Des fautes de gestion d’EDF et de l’État Toutes ces réglementations défavorables aura versé près de 23 milliards d’euros cette subvention très contestable que à EDF peuvent interpeller. Aucune en- de dividendes à ses actionnaires depuis constitue l’Arenh, ce sont près de 48 mil- treprise au monde n’accepterait de sub- 2004. Elle aura procédé à près de 15 mil- liards de trésorerie qui auraient pu être ventionner ses concurrents, de porter liards d’euros d’acquisitions, à l’interna- gardés dans l’Entreprise. Autant dire des risques importants tandis que les tional, entre 2007 et 2009. que la dette de 33 milliards d’euros, soi- autres acteurs seraient sécurisés totale- En 2007, la dette d’EDF était de disant excessive, serait plus qu’épongée ment dans leurs projets, soit en dispo- 16,7 milliards d’euros seulement. Sans et que des excédents seraient disponi- sant d’électricité sans investir dans un ces dividendes manifestement excessifs bles. seul moyen de production, soit en bé- alors même que doivent se renouveler Sans compter les effets pervers d’un néficiant de soutien public. les outils de production, sans ces acqui- endettement accroissant forcément les Et pourtant, ce ne sont pas les seules er- sitions internationales qui n’ont pas à se intérêts d’emprunt, qui dépassent le mil- reurs. Sous impulsion de l’État, EDF faire avec l’argent du service public, sans liard d’euros annuellement.
Hercule : « Another brick in the wall » En somme, le projet Hercule, annoncé d’accès au réseau (coûts identiques quel concessions est toujours inconnu et n’a par le Président d’EDF en 2019 mais en que soit le fournisseur), on met tous les pas de lien avec le projet Hercule. L’ave- réalité évoqué par Emmanuel Macron, fournisseurs sur un pied d’égalité en nir de la production électronucléaire alors ministre de l’Économie, dès 2016 termes d’approvisionnement en énergie. française, dont la décision de renouvel- n’est que le coup final porté à l’Entre- Ainsi le fait d’être à la fois producteur et lement du parc qui ne doit pas interve- prise EDF. Il a été suivi très rapidement commercialisateur ne donne plus nir avant 2021 n’a pas non plus de par des banques d’affaires comme UBS, d’avantage sur le tarif. La part du prix rapport avec Hercule. Natixis, Oddo qui ont émis de nom- « à la main » du commercialisateur re- C’est avec une visée essentiellement fi- breux scénarios sur la valorisation présenterait à peine 5 % et est essentiel- nancière qu’a été construit ce projet. financière d’une scission, indépendam- lement la marge commerciale et les On privatise dans « Vert » les activités ment de tout intérêt stratégique ou in- coûts commerciaux (système d’infor- qui ont des revenus garantis : Enedis bé- dustriel. mation et de facturation, conseillers néficie du Turpe (tarif réseau fixé par clientèles…) Il est certain que le modèle l’État tous les 4 ans), EDF Renouvelables Premier point : on interdit à EDF d’être EDF avec 5 000 conseillers tous basés en bénéficie de contrats d’achat à prix ga- à la fois producteur et commercialisa- France et des équipes « solidarité » en rantis pour 15 à 20 ans sur ses projets teur de son électricité, de telle manière lien avec les publics précaires et assis- photovoltaïques ou éoliens, Dalkia est que les autres fournisseurs bénéficient tantes sociales n’a pas d’avenir face à une partie prenante dans des délégations de de la production d’EDF bien au-delà des machine à fabriquer du dumping social : service public qui garantissent les re- 100 TWh actuels (Arenh). La direction délocaliser les centres d’appels à l’étran- cettes et les activités d’Outre-Mer et de Commerce d’EDF et ses 8 500 salariés se ger (comme Engie) ou tout faire faire en la Corse d’EDF sont totalement régulées retrouvent filialisés et devront passer ligne, par l’usager. puisque le marché n’y est pas ouvert à la par le marché pour fournir leurs clients. concurrence. On pérennise et rend irréversible le dis- Deuxièmement : on met dans une hol- De l’autre côté, « Bleu », reste détenu par positif Arenh qui devait pourtant s’arrê- ding distincte (nom de code « EDF l’État et joue la redistribution de la rente ter en 2025. On prend acte du fait que Vert »), notamment Enedis, EDF des ouvrages amortis à tous les fournis- les concurrents d’EDF ne construiront Renouvelables, Dalkia, la direction seurs privés, tout en portant seul le jamais de centrales et on demande aux Commerce d’EDF, les activités d’Outre- risque financier du renouvellement de activités nucléaires et thermiques d’EDF Mer et de la Corse d’EDF et l’on intro- l’outil de production français. Les acti- (nom de code « EDF Bleu ») d’être assu- duit en Bourse 35 % du capital. vités à retour sur investissement très ra- reur du système pour que les libéraux pide et garanti, pour le privé, les puissent jouer en Bourse avec les kWh Troisièmement : on maintient dans activités à retour sur investissement plus sans se soucier des conséquences pour « EDF bleu » les activités de production long mais à forte valeur économique et l’outil industriel. nucléaire et thermique. L’avenir de l’hy- sociale pour le public. Alors que le prix de l’électricité est draulique, toujours sous le coup d’une Ce projet n’a aucun intérêt ni pour l’En- constitué d’un tiers de taxes, d’un tiers volonté européenne de privatisation des treprise EDF, ni pour ses salariés, ni pour les usagers de l’électricité. Elle ne ÉTAT ACTIONNAIRES PRIVÉS permet pas de baisse du prix de l’électri- cité par rapport à la situation actuelle. Elle ne permet pas de garantir les inves- 83 % tissements futurs dans le parc de pro- 17 % 35 % duction. EDF « BLEU » EDF « VERT » 65 % ENEDIS ACTIVITÉS NUCLÉAIRES THERMIQUES À FLAMME DALKIA EN FRANCE ET A L’INTERNATIONAL EDF RENOUVELABLES DIRECTION COMMERCE EDF EDF OUTRE-MER ET CORSE ELECTRICITÉ DE STRASBOURG Découpage envisagé parparEDF Découpage envisagé et actionnariat EDF et actionnariat possible possible C’est pourquoi le CCE EDF SA appelle l’ensemble des citoyens à se saisir de l’avenir SEPTEMBRE 2019 d’EDF, de sa maîtrise publique, et à demander un bilan de la dérégulation de l’élec- tricité aux pouvoirs publics. Il faut donner un coup d’arrêt définitif à ce montage purement financier et remettre le service public au service du public !
Édito Les grandes manœuvres SOMMAIRE A près plusieurs mois de tergiver- techniques, tertiaires ou commerciales sations autour de la PPE (Pro- de l’entreprise avec les collectivités ter- p. 3 Concessions grammation pluriannuelle de ritoriales ; hydrauliques l’énergie) et de l’avenir des projets indus- - les salariés et leurs statuts, qui seront au service de triels, Ecocombust, Flamanville 3, portés à la vindicte populaire par ceux l’intérêt général Nouveau Nucléaire, concessions hy- qui ne pourront supporter la confron- drauliques… la Direction vient de dé- tation d’arguments chiffrés. La récente p. 4 voiler les contours d’un projet cher à la sortie du ministre de la Transition Thermique tête de l’État : découper le Groupe, nom Énergétique en étant la plus triste il- à flamme : de code « Hercule » ! lustration. Écocombust, la suite La dette cumulée depuis un peu plus de Ces soixante-dix ans d’histoire, nous dix ans, en serait la coupable désignée, ont montré que c’est ensemble, grâce un p.6-11 Scission : Hercule les investissements à engager sur le parc service public intégré, que la Nation a de production, le bouc émissaire. construit le modèle énergétique qui fait ou le démantèlement À lire la presse économique partiale- toujours référence. Indépendant, renta- d’EDF ment informée, cette réorganisation se- ble et décarboné. rait l’unique solution de redressement Plus que jamais, le personnel va devoir p. 12 DTEO : des comptes du Groupe au bénéfice faire entendre sa voix pour défendre ce bilan mitigé, d’un vieil adage, privatiser les gains na- modèle, en participant largement aux au bout d’un an tionaliser les pertes. scrutins programmés cette année et en Au-delà du « mal fondé » de cette ana- s’associant aux initiatives de défense du lyse, les bases de l’Entreprise publique service public de l’électricité. p. 13 EDF Commerce: un sont enterrées au profit des intérêts du fournisseur comme monde financier : Jean-Luc Magnaval, les autres? - les clients qui bénéficient pourtant Secrétaire adjoint du CCE EDF SA d’une énergie sûre, accessible et encore p. 14 Flamanville 3: c’est compétitive malgré des factures dé- connectées des coûts réels et compo- quand qu’on va où? sées pour moitié de taxes ; - l’intérêt général, préservé par plus de p. 15 Expressions soixante-dix ans d’histoire, de relation entre les implantations industrielles, Les élu·e·s du CCE EDF SA, mandature 2017-2020 Titulaires FNME-CGT Virginie Neumayer Titulaires FCE-CFDT Ibtissame-Lalia Chaney Vincent Rossignol Patrick Bathany Représentant syndical FNME-CGT Carine Danton Franck Santos Xavier Billet Suppléants FCE-CFDT François Dos Santos/Secrétaire Éric Lemoine Laurent François Philippe Page Le Mérour Titulaires CFE Énergies Léandre Guillaume Alain Cornair Olivier Laveau Vincent Rodet Représentant syndical FCE-CFDT Hervé Le Coz Dominique Bellott Elsa Vettori Jean-Luc Magnaval/Secrétaire suppléant Martine Faure Serge Martin/Trésorier Michel Feltrin Alain Quesnel Titulaire FO Énergie et Mines Hamid Niati Pascal Jacquelin Suppléants FNME-CGT Suppléants CFE Énergies Aurélie Suzineau-Dumontois Sylvie Rollin Suppléant FO Énergie et Mines Hélène De Bleecker Micheline Antoinette Grégoire Bastin Représentant syndical FO Énergie Sébastien Bellomo Régis Capelle Jean-Paul Breischtroff et Mines Jean-Luc Cardoso Gérard Prévot Richard Cécile Francis Raillot Représentant syndical CFE Énergies Olivia Demortière Patrice Wils Alain André Emmanuel Dufour Olivier Fery Hervé Desbrosses David Forestier Comité éditorial : Marianne Dussaud, Jean-Luc Magnaval, Samira Naffati, François Dos Santos. Maquette et rédaction : Marianne Dussaud. Une et der : Marie Vanpeteghem -unegraphiste.com. Impression : Rivet presse édition -Limoges Magazine gratuit, ne peut être vendu. Ne pas jeter sur la voie publique. La Mise au Point du CCE EDF SA juin 2019 3
La vie du CCE CONCESSIONS HyDRAULIqUES Au service de l’intérêt économique général Après le débat à l’Assemblée nationale, 107 députés ont signé une résolution demandant aux huit pays européens concernés par la mise en demeure de Bruxelles de faire front pour refu- ser l’ouverture à la concurrence de leurs concessions hydrauliques. LES PROCÉDURES D'INFRACTION ÉMISES PAR LA A COMMISSION EUROPÉENNE lors que la direction d’EDF Hydro se voulait rassurante en affirmant que le dossier du re- nouvellement des concessions hydrau- Pour l'Autriche, l'Allemagne, la Pologne, la Suède et le Royaume-Uni : la mise liques serait en « stand-by » jusqu’à en demeure concerne l'octroi de nouvelles autorisations pour la construction l’issue des élections européennes, il et l'exploitation d'installations hydroélectriques sans procédures de sélection s’avère au contraire que celui-ci a fait transparentes et impartiales. l’actualité depuis début mars jusqu’à fin Pour l'Italie : il y a une mise en demeure complémentaire car la Commission avril. En effet, pas un jour ne s’est passé considère que les autorités italiennes n'ont pas organisé de procédures de sé- sans qu’il sorte un article, un reportage lection transparentes et impartiales pour l'octroi des autorisations hydro- radio ou télévisuel sur le sujet. électriques ayant expiré ; Il est certain que toutes les actions orga- Pour la France et le Portugal : la commission considère que tant la législation nisées par les quatre organisations syn- que la pratique des autorités françaises et portugaises sont contraires au droit dicales représentatives et les agents de la de l'UE. Les législations française et portugaise autorisent le renouvellement production hydraulique (débats publics, ou la prolongation de certaines concessions hydroélectriques sans recourir rencontres institutionnelles françaises et à des procédures d'appel d'offres. européennes, rencontre avec les parle- mentaires et groupes politiques, initia- demandant aux gouvernements con- a permis d’aboutir à la rédaction et au tives sur les barrages, mobilisation sur cernés de renoncer à l’ouverture à la dépôt d’une résolution à l’Assemblée, le l’outil de travail…) ont permis de faire concurrence des concessions hydro- 10 avril 2019. bouger les lignes et de porter le débat électriques. Cette résolution, signée par 107 députés sur le champ politique pour amener à ce Lors du débat en séance publique à l’As- de différents bords, vise à demander à la que les députés mesurent tous les enjeux semblée, il y a rapidement eu un large France de s’accorder avec les sept autres et se prononcent en connaissance de consensus politique sur l’intérêt et les États membres, ciblés par la mise en de- cause. enjeux de l’hydroélectricité et des bar- meure du 7 mars 2019, pour faire front Le débat à l’Assemblée rages. Dans le mix énergétique les en- commun et exiger l’exclusion des a fait bouger les lignes jeux sont en effet multiples : poids sur la concessions hydrauliques du champ de facture ; complément des énergies inter- la concurrence. Ce battage médiatique a débouché sur mittentes (seul vrai système de stockage Ainsi l'étape de conviction des élus poli- trois dates majeures : énergétique éprouvé à ce jour) ; sûreté tiques de l'importance des concessions • 6 mars : débat en séance publique à hydraulique ; gestion des crues ; gestion hydrauliques pour la France est dépassée. l’Assemblée nationale sur l’avenir de de la ressource en eau (sécheresse, eau D’autres solutions sont eurocompatibles l’hydroélectricité ; potable, maintien des nappes phréa- et possibles comme la qualification des • 7 mars : mise en demeure de huit États tiques…) ; tourisme (sports d’eaux vives, concessions hydrauliques en tant que membres de la Commission euro- côtes touristiques des lacs pour les bases Service d'intérêt économique général péenne : Autriche, France, Allemagne, de loisir, enneigement artificiel…) ; sû- (Sieg) en confiant aux opérateurs histo- Pologne, Portugal, Suède, Royaume- reté des refroidissements nucléaires et riques (CNR, EDF et Shem) les « droits Uni et Italie (hasard du calendrier, c’est du système électrique (renvoi de ten- spéciaux » de gestion de ce secteur via des au lendemain de ce débat que la sion, reconstruction réseau…) ; rede- critères conformes à une gestion pu- France, comme sept autres pays, ont vance au développement des énergies blique (statut, tarifs…). reçu cette mise en demeure) ; renouvelables ou aux collectivités… Au gouvernement français de faire le • 10 avril : conférence de presse à l’As- À l’issue de ce débat, une réflexion entre choix entre: répondre à un dogme libéral semblée nationale pour présenter une les différents groupes politiques fran- OU répondre à l'intérêt général ! proposition de résolution européenne çais, excepté le Rassemblement national, 4 juin 2019 La Mise au Point du CCE EDF SA
La vie du CCE THERMIqUE À FLAMME Écocombust affaire à poursuivre Cet hiver Écocombust, projet des salariés porté par EDF, a reçu une validation de principe, du gouvernement, de poursuivre l’expérimentation pour répondre à l’avenir des centrales à charbon d’EDF. Pour autant, les sites du Havre et Cordemais ne sont toujours pas pérennisés. A ujourd’hui, les arbitrages de vie d’heures de sollicitation des tranches de trales de Cordemais et du Havre repré- ou de mort des centrales élec- Cordemais oscillera entre 0 et 250 au sentent aujourd’hui près de 2000 emplois triques en France semblent être, maximum par an. dont 530 agents EDF. Cette dimension - du ressort unique de RTE - et, dans ce Cette conclusion amène EDF à continuer sociale impose de la considération pour cadre, ses rapports successifs sont scrutés à investir dans Ecocombust pour un les territoires et pour les salariés concer- à la loupe par toutes les parties prenantes. aboutissement autour de 2026. Et elle a nés, donc un délai suffisant pour organi- Ce nouveau portage de la pérennité des contraint le gouvernement à entrevoir un ser l’avenir, ce que la date de 2022 ne sites par RTE, uniquement conditionné avenir pour Cordemais et à être proactif permet pas. Les agents des centrales à à la limite basse de respect des trois dans la validation réglementaire de ce charbon demandent un temps supplé- heures de coupure moyenne par citoyen projet innovant et vertueux écologique- mentaire au gouvernement et à EDF français inscrit dans le Code de l’énergie, ment. Avec comme objectif pour les sa- pour finaliser les projets de reconversion est une aberration qui n’existait pas ces lariés d’assurer un fonctionnement des installations et préparer l’avenir se- dernières années. au-delà des 250 heures annoncées. reinement. Écocombust vraie chance Validation définitive La volonté gouvernementale, de casser le économique et écologique à l’automne 2019 service public de l’énergie, amène des si- tuations scandaleuses qui ont des réper- cussions énormes sur les travailleurs des Pour le moment les échéances pour Eco- Écocombust reste un projet qui est sou- centrales et fait courir des risques impor- combust demandent une validation dé- tenu par tous les élus locaux/régionaux tants de coupure d’alimentation élec- finitive de ce projet à l’automne 2019, car car c’est une vraie chance pour l’avenir trique aux citoyens. un certain nombre de jalons réglemen- des territoires, en valorisant des déchets Les marges de production prises en taires, mais également de validation de qui sont aujourd’hui enfouis et considé- compte par RTE sont minimalistes et ne subventions financières sont à franchir rés neutre en CO2 et aussi une vraie couvrent pas sans coupure d’alimenta- d’ici là. Et les agents du thermique s’y in- chance économique car développant une tion, les aléas climatiques, exceptionnels vestissent sans compter pour tenir ces nouvelle filière d’avenir sur un combus- certes, mais décennaux, entraînant des délais. Cependant la loi Énergie dite « pe- tible, les « blacks pellets », qui pourra être pics de consommation électrique sur les tite loi », ne semble pas s’orienter aussi utilisé avec de multiples usages. périodes hivernales. Le système électrique Les élus politiques locaux et les élus du clairement dans ce sens. a besoin des deux personnel pointent également une inco- Le projet, en cours de discussion par les hérence gouvernementale sur la question parlementaires, prépare une réglementa- tranches de Cordemais de l’énergie. En effet, le futur projet de loi tion par quota d’émission de CO2 à partir au-delà de 2022 énergie en débat à l’Assemblée nationale de 2022 qui serait extrêmement contrai- vise, entre autres, à fermer les centrales à gnante. Mais cette loi ne touche pas que Le dernier rapport RTE rendu public en charbon en limitant leur rentabilité éco- les centrales à charbon, les Turbines à avril dernier, indique plusieurs éléments. nomique, sans inciter franchement des combustion (TAC) sont également im- Grâce au rapport de force mené par les projets de reconversion écologiquement pactées… l’ensemble de la production de salariés des centrales à charbon cet hiver, vertueux. pointe de l’électricité en France est direc- le ministre de la Transition Écologique a Mais pire, le même gouvernement ne dé- tement menacé par le gouvernement, au demandé à RTE de refaire un rapport nonce pas la construction non commen- moment où RTE vient de sortir un rap- avec des marges plus importantes sur le cée du CCG Landivisiau par Total, qui port sur l’impact de mobilité électrique démarrage de l’EPR de Flamanville, ainsi est subventionné à hauteur de 20 mil- pouvant entraîner une augmentation de que le démarrage du Cycle combiné gaz lions d’euros par an, sur 20 ans, et qui, à la pointe de consommation de 9,4 GW. (CCG) de Landivisiau. terme, émettra plus de CO2 que les cen- Une nouvelle incohérence qui, si elle n’est Ces nouvelles « contraintes » ont amené trales à charbon reconverties à Ecocom- pas corrigée rapidement, entraînera de la RTE à exprimer le besoin des deux bust ! Mais nous pouvons le constater sur précarité énergétique supplémentaire et tranches Cordemais au-delà de 2022, de nombreux sujets, ce gouvernement des coupures répétitives les longs soirs mais rien sur Le Havre… Par contre, il a n’est pas à un contresens prêt. d’hiver… également précisé que le nombre À rappeler tout de même que les cen- La Mise au Point du CCE EDF SA juin 2019 5
Dossier SCISSION : HERCULE OU LE DÉMANTèLEMENT D’EDF Un treizième travail au service de la finance Tout le monde connaît Hercule, héros de la mythologie grecque, qui dut accomplir douze travaux, pour se laver de l’assassinat de trois enfants… EDF, à travers son projet nommé Hercule, vient d’en inventer un treizième, qui aboutirait au démantèlement de l’Entreprise. Le CCE vous en décortique les grands principes pour vous alerter sur ce danger qui menace l’avenir de chacun et pourrait se concrétiser rapidement. A contrario d’Hercule, qui a mis huit années pour réaliser ces travaux, dès la décision prise, elle pourrait être mise en œuvre dans les plus brefs délais. A près plusieurs scénarios rédigés EDF Renouvelables et Dalkia. Le tout Ainsi, parler de sanctuarisation du nu- par les banques d’affaires tout mis en Bourse avec un capital ouvert à cléaire n’aura jamais été aussi synonyme au long de l’année 2018, Em- hauteur de 40 %. C’est la poursuite de la de « vitrification ». Engager un nouvel acte manuel Macron officialisait en novem- privatisation de certaines activités et la bre dernier sa volonté de transformer la fin des complémentarités production vers la libéralisation structure d’EDF, suivie rapidement par centralisée, EnR, Commerce et services du marché aval le président d’EDF, Jean-Bernard Lévy en aval qui signent la stratégie d’EDF puis silence radio jusqu’à un article du depuis quinze ans. Parisien, le 15 avril 2019, sous le titre Un avenir flou Tout ce montage s’inscrit dans une vo- « Renationalisation partielle d’EDF : lonté d’engager un nouvel acte dans la li- pour l’hydraulique l’Élysée reprend la main sur le nucléaire » béralisation du marché de l’électricité. dévoilant les premières pistes de dé- Séparer producteur et commercialisa- mantèlement d’EDF ainsi que son nom L’avenir de l’hydraulique est flou dans ce teur, c’est mettre EDF Commerce dans de code « Hercule ». schéma. Plutôt envisagée initialement la même position que ses concurrents Nous allons retracer ici les grands prin- dans « bleu », rien n’indique à ce stade (Direct Énergie, Eni, Total, Leclerc…), cipes de ce projet, tel qu’il est connu à la si ce serait toute l’hydraulique ou seule- c’est-à-dire comme fournisseur ne dis- date où nous écrivons ces lignes. ment la grande hydraulique, ni com- posant pas d’un parc de production et Très concrètement, il s’agit d’isoler les ment cela s’inscrit dans le contentieux les mettre en conditions d’approvision- activités qui sont celles de la direction en cours sur la remise en concurrence nement strictement égales sur le mar- du Parc nucléaire et thermique (DPNT) des concessions. ché. et direction de l’Ingénierie et projets Loin d’une renationalisation, l’Élysée et C’est là qu’intervient la promesse d’une Nouveau Nucléaire (DIPNN) dans une le président d’EDF souhaitent donc ou- suppression de l’Arenh (cession à un société (nom de code « bleu », d’après la vrir massivement au privé les activités prix favorable de 42 euros par MWh de presse), et procéder à la filialisation des qui ont des revenus garantis par la régu- 100 TWh par EDF, à ses concurrents). autres métiers (nom de code « vert »), lation et les déconnecter des activités En réalité, 100 % de la production en premier lieu la direction Commerce nucléaires et thermiques. d’EDF sera cédée à l’ensemble des four- et des activités outre-mer de la DSEI, Ces activités seraient maintenues dans nisseurs, dont EDF Commerce, sans mettant fin à l’intégration production- une « société mère » dont l’avenir est très que cette dernière ne dispose d’une commercialisation qui avait été préser- incertain face à la volonté gouverne- priorité particulière. vée lors de l’ouverture totale du marché mentale de fermeture des actifs ther- La volonté des pouvoirs publics est donc à la concurrence, en 2007. Le sort miques à flamme et de décroissance du de libéraliser totalement le marché aval d’EDF Hydro comme celui de l’ensem- parc nucléaire (de 75 % à 50 % du mix (c’est-à-dire la fourniture d’électricité au ble des fonctions supports (DTEO, électrique à l’horizon 2035). détail). À conditions d’approvisionne- Siège, R & D…) reste flou à ce stade. Une fois ces deux seules activités ments équivalents, la seule différence Ainsi, seraient apportés dans une nou- cantonnées, les nouveaux marchés entre deux fournisseurs ne peut se faire velle holding « vert » la direction Com- (vingt-cinq points du mix) seraient es- que sur la réduction des coûts commer- merce, Enedis (réseau de distribution), sentiellement pour la société « vert ». ciaux, ou encore rogner sur ses marges. 6 juin 2019 La Mise au Point du CCE EDF SA
La filialisation de la direction Com- merce serait la porte ouverte au déve- loppement du selfcare (faire réaliser par le client les actes de gestion de son compte), ou du dumping social pour les personnels à l’instar du choix d’Engie de délocaliser ses centres d’appels. Tout en observant que le marché de la fourniture ne correspondait qu’à 5 % de la valeur ajoutée de l’électricité, Jean- Bernard Lévy propose bel et bien de li- béraliser totalement ce secteur. Observons toutefois que cet indicateur financier ne reconnaît nullement la va- leur ajoutée économique et sociale d’un tarif réglementé assurant la stabilité des prix ou des missions sociales spécifiques assurées par la direction Commerce via les conseillers solidarité. Régulation des prix sur le marché de gros L’autre évolution serait de réguler les © EDF - Denis Allard prix sur le marché de gros de l’électri- cité. En effet, actuellement, toute la pro- d’une certaine façon une re-régulation gence à court terme sur le plan finan- duction d’EDF qu’elle ne vend pas à ses de la Bourse de l’électricité. cier. Observons qu’à part pour les lubies propres clients ou dans le cadre de Observons que ce modèle ne s’applique- des marchés financiers, séparer des en- l’Arenh, est mise à disposition sur le rait que pour le parc historique, qui a, treprises en deux bilans n’a jamais créé marché de gros dont les prix fluctuent par nature, vocation à fermer à des euros par magie. Enfin car les tous les jours, toutes les heures. Ainsi, l’échéance de cinquante ou soixante ans. conséquences sociales pour les nou- après être arrivés à un point bas (autour Il ne s’applique pas au nouveau nu- velles entités seraient très importantes. de 30 euros) en 2016, les prix dépassent cléaire. C’est donc une solution pour Tout ce bouleversement nécessitera for- désormais les 50 euros. La difficulté se quelques décennies qui est mise sur la cément l’accord de la Commission eu- pose donc quand les producteurs subis- table qui sera nécessairement remise en ropéenne, qui n’est pas connue pour être sent des prix particulièrement bas qui cause au fur et à mesure de la décrois- très tendre avec EDF. En proposant vo- ne couvrent pas les coûts. Il est à obser- sance du parc historique. lontairement de libéraliser tout le mar- ver que les énergies renouvelables (hor- Réguler le marché amont et déréguler ché de la fourniture, il n’est pas exclu que mis l’hydraulique), elles, bénéficient totalement le marché aval, maintenir la Commission exige d’autres contrepar- bien de prix garantis pendant vingt ans. le nucléaire public et ouvrir largement ties. EDF et l’État jouent à un jeu dan- L’essentiel des activités d’EDF, alors le capital des autres activités, voici gereux, à l’insu du personnel et des même qu’elles assurent la sécurité d’ap- les grandes lignes du deal entre Jean- usagers. provisionnement, ne bénéficie d’aucun Bernard Lévy et l’Élysée. Après avoir présenté son projet au mécanisme lui permettant d’avoir des Comité de la stratégie du Conseil d’ad- Désaccord unanime des recettes minimums garanties. ministration, le 28 avril 2019, ainsi qu’au organisations syndicales Ainsi, EDF propose un « corridor », « Top 200 », le 7 juin, le projet sera pré- c’est-à-dire un marché avec un prix senté aux organisations syndicales, le plancher (en dessous duquel il est im- Les quatre organisations syndicales re- 20 juin, par le PDG. possible de descendre) et un prix pla- présentatives se sont exprimées pour in- Nous invitons le personnel à être vigilant fond. Cela permettrait de garantir à diquer leur désaccord sur ce projet. Tout aux communications des différentes or- EDF un certain niveau de revenu pour d’abord car il ne semble pas nécessaire ganisations syndicales dans les semaines l’Entreprise afin qu’elle puisse assurer de séparer et d’ouvrir le capital d’EDF à venir face à un projet majeur qui im- normalement l’exploitation et l’investis- pour mieux réguler le marché de l’élec- pacterait l’avenir de chaque salarié. sement sur le parc de production. C’est tricité. Ensuite car il n’existe pas d’ur- La Mise au Point du CCE EDF SA juin 2019 7
Dossier SCISSION : SITUATION FINANCIèRE D’EDF C’est grave docteur? Pas un jour ne se passe sans que les médias économiques, ou autres, n’en fassent leurs choux gras « Face à un mur d’investissement à venir, le Groupe EDF et sa maison mère seraient au bord du gouffre ». Gérard Manon, du cabinet Sécafi, économiste, diplômé universitaire en économie de l’énergie, s’est penché à leur chevet en réalisant une expertise pour le CCE, sur la situation économique, fin 2018. Il nous livre son diagnostic et propose plusieurs thérapies pour qu’ils retrouvent une bonne santé financière. Aucune n’incluant le scalpel ! sous l’œil des marchés financiers et dès le Groupe était déjà fortement endetté. lors ce qui est regardé, c’est le ratio dette En conséquence ces dividendes ont été nette/Ebitda (excédent brut d’exploita- payés par un accroissement de la dette. tion). Dans la feuille de route d’EDF il devait être inférieur ou égal à 2,5 et fin Mais encore ? 2018 il était à 2,2. En 2021, selon nos si- G. M. : Les opérations de croissance mulations, il devrait atteindre 2,5. externe c’est l’acquisition de British Mais pour moi, ce ratio n’est pas perti- Energy à la fin des années 2000, pour un nent pour une entreprise telle qu’EDF. montant global de onze milliards d’eu- Elle ne devrait pas être « jugée » par le ros (y compris le Belge Luminus) et de marché, les actionnaires et les agences CENG (cinq réacteurs nucléaires) aux de notation mais sur son rôle écono- USA pour un montant de 5,8 milliards mique et social. Ses investissements se d’euros. On peut évidemment s’interro- doivent d’être rentables au sens écono- ger sur la rentabilité de ces investisse- mique pour la collectivité. Pourquoi ments : depuis 2009, on déplore une faut-il que la question du financement perte de valeurs de 3 milliards d’euros l’emporte sur celle de l’investissement ? pour les USA et de plus de 2 milliards Comment qualifier en quelques Cela pose évidemment la question du pour le Royaume uni. mots la situation financière statut d’EDF. D’où le problème de la SA. d’EDF ? Est-ce aussi catastrophique Ce qui est clair c’est que le parc nucléaire La loi Nome, l’Arenh ? que ce que l’on entend partout ? de l’époque n’aurait pas vu le jour faute G. M. : La loi Nome (Nouvelle organi- Gérard Manon : EDF est endettée, de financement dans les conditions ac- sation du marché de l’ électricité) votée cela est vrai, on ne peut pas le nier et l’on tuelles. en 2010, avec l’Arenh (Accès régulé à peut dire, en valeur absolue que l’endet- l’énergie nucléaire historique) - un dis- tement net est à un niveau toujours En fait, c’est une dette endémique positif dont l'objet est de favoriser l'ou- élevé. Toutefois on a pu noter un « re- due à la nature même de l’Entre- verture à la concurrence du marché de bond » en 2018, après une année 2017 prise ? l'électricité en France - impose à EDF de difficile notamment en matière de dis- G. M. : Oui et non. C’est vrai que l’En- vendre 100 TWh (sur environ 400 donc ponibilité nucléaire. Après ce rebond treprise a dû et devra faire de gros in- un quart) de son énergie produite par le l’endettement financier net devrait res- vestissements au service de l’intérêt nucléaire, à un prix fixé d’avance s’ éle- ter contenu, au moins jusqu’en 2021. commun mais ses comptes lourdement vant à 42 euros le MWh. Date à laquelle les décisions devraient et durablement plombés sont dus à deux Ce qui fait que sur le marché de l’énergie être prises en ce qui concerne le Nou- raisons essentielles : des opérations de si les prix sont inférieurs à l’Arenh, veau Nucléaire. croissance externe en 2009 et les effets aucun fournisseur alternatif n’y souscrit défavorables de la loi Nome et de son et si les prix sont supérieurs, les ventes Mais pourquoi en est-on là, EDF dispositif nommé Arenh, mis en œuvre sont « capées » (limitées) par ce niveau est-elle si mauvaise gestionnaire ? dès 2011. À cela est venue s’ajouter la de 42 euros. Un système perdant/per- G. M. : Non ce n’est pas cela. Le pro- distribution de dividendes en numéraire dant pour EDF qui chiffre le préjudice à blème d’EDF SA, je dirais que c’est le pour un montant de 14 milliards d’eu- 5 milliards d’euros fin 2018, depuis la terme SA (Société anonyme). Elle vit ros, entre 2010 et 2014 alors même que mise en place de ce dispositif. 8 juin 2019 La Mise au Point du CCE EDF SA
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