Inclusion: Les idées qui transforment - LE PREMIER QUOTIDIEN ECONOMIQUE DU MAROC - L'Economiste
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II Editorial 7,7 milliards de raisons de favoriser l’inclusion sociale En parallèle, un nombre croissant de Au lieu de murs, nous pourrions crimination ont désormais la possibilité de citoyens abandonne les zones rurales pour construire des ponts. Certains sont déjà terminer leurs études grâce au premier ly- s’installer dans les centres urbains, où les en train de le faire. De pays, cultures etcée public pour les adultes transgenre dans marchés sont plus forts et les possibilités milieux socio-économiques différents, le monde. En Ouganda, un groupe de dan- d’emploi, en théorie, meilleures. De nos des hommes et des femmes partout dans seurs amateurs parcourt le pays, utilisant jours, 55% de la population mondiale ha- le monde apportent des réponses locales les rythmes traditionnels des régions qu’ils bite dans des villes selon les Nations Unies, efficaces à ces enjeux mondiaux. A tra- traversent pour aider les jeunes à sortir de la un chiffre qui devrait atteindre 68% d’ici vers leurs actions, ils montrent qu’il esttoxicomanie et de la pauvreté. Une startup en Belgique a conçu et lancé un programme d’accompagnement Christian de Boisredon, fondateur de Sparknews & l’équipe de Sparknews pour que les personnes âgées puissent guider les immigrants L dans leur recherche d’emploi, A mondialisation a été une au- afin de les intégrer dans leur nou- veau pays. baine pour certaines économies, De telles initiatives ont le brisant des frontières et rac- pouvoir de créer un avenir plus courcissant les distances entre durable, plus juste et plus rési- les pays et entre les personnes. En même lient pour tous. C’est pourquoi, temps, elle a mis en lumière d’énormes iné- cette semaine, L’Economiste galités à l’origine de polarisations et d’ex- s’associe à Sparknews et à 15 clusions dans les sociétés du monde entier. médias d’information du monde Certaines sociétés cèdent de plus en entier pour présenter ces initia- plus à la tentation de se replier sur elles- tives et d’autres aux lecteurs, mêmes, construisant des murs autour dans le cadre du programme édi- d’elles sous le signe de la peur et de la torial 7,7 milliards, en partena- méfiance d’autrui, pour écarter tous ceux riat avec la Fondation Schwab. qui pensent, agissent ou semblent diffé- Tout comme les personnes dans rents. L’année dernière, des experts des ces reportages, les rédactions qui Nations Unies et des spécialistes des droits participent à cette alliance ont humains ont mis en garde contre une mon- De nos jours, 55% de la population mondiale habite dans des villes selon les Nations Unies, des histoires, des cultures et des tée alarmante du racisme et de la xénopho- un chiffre qui devrait atteindre 68% d’ici 2050 langues différentes, mais choi- bie partout dans le monde. Les inégalités 2050. Si nous souhaitons assurer la survie possible de trouver des solutions inclu- sissent d’unir leurs forces pour économiques et territoriales croissantes, et le respect des droits fondamentaux des sives qui contribuent à réduire les écarts explorer les enjeux qui divisent nos sociétés couplées à une crise de confiance envers 7,7 milliards d’habitants de la planète, nous sociaux, économiques et civiques qui mar- et les pistes pour les résoudre de manière les institutions publiques, ne font que dé- devons relever des défis de taille, tels que ginalisent une grande partie de la popula- constructive. tériorer la situation, ouvrant la voie à de le logement abordable, l’emploi décent, tion mondiale. Si deux têtes valent mieux qu’une, nouvelles inégalités, à l’isolationnisme et l’accès à l’éducation et à la santé, et la re- En Argentine, les personnes transgenres imaginez ce que 7,7 milliards pourraient aux crises sociales. présentation citoyenne dans le débat public. qui ont abandonné l’école à cause de la dis- accomplir.o n En 1950, soit cinq ans après la création de l’Organisation des Nations Unies, la population mon- diale était estimée à près de 2,6 milliards de personnes. Elle a ensuite atteint 5 milliards d’individus en 1987, puis 6 milliards en 1999. En octobre 2011, le chiffre de 7 milliards de personnes sur notre planète avait été franchi. n À l’heure actuelle, la Chine et l’Inde demeurent les deux pays les plus peuplés au monde, avec plus d’un milliard de personnes chacun, représentant respectivement 19% et 18% de la population mondiale. n Même si des progrès considérables ont été accomplis ces 20 dernières années, plus de 700 mil- lions de personnes vivent toujours en dessous du seuil de pauvreté extrême, dont plus de la moitié se trouvent en Afrique. n Plus de la moitié de la population mondiale n’a pas accès à la protection sociale, ce qui contribue à entretenir des niveaux élevés d’activités de subsistance. Ces déséquilibres compliquent la réalisation des objectifs visant à éliminer la pauvreté et à créer des emplois décents pour tous. n L’Organisation internationale du travail estime qu’environ 2 milliards de personnes, dont plus de 400 millions sont âgées de 15 à 29 ans, vivent actuellement dans des situations de fragilité et de conflit. Source: Nations Unies Mercredi 26 Juin 2019
III En Argentine, le premier lycée pour adultes transgenres Actuellement, 150 étudiants, âgés d’entendre depuis l’âge de 11 an: “Bien- de 16 à 70 ans, travaillent à l’obtention venue à la Mocha Celis, tu vas passer ton de leur diplôme d’études secondaires bac”» dans cet établissement novateur en «C’était la première école secondaire Amérique latine. transgenre au monde», affirme le directeur V Francisco Quiñones Cuartas. «Depuis notre IVIANA Gonzalez avait ouverture, des programmes pré-universi- huit ans lorsqu’elle a réalisé taires ont été développés au Chili, au Brésil qu’elle était transgenre. Elle et au Costa Rica. En Argentine, il y en a vivait à Buenos Aires avec sa un à Tucumán, et un autre à l’Université sœur aînée et leur mère, qui avait quitté d’Avellaneda à Buenos Aires». la province de Corrientes lorsqu’elle était très jeune. «Mère célibataire, elle nous Sixième promotion a élevées comme elle a pu. Nous avons grandi rapidement. Quand j’avais 10 ans, cette année j’ai commencé à travailler dans la vente de produits alimentaires et ma sœur comme Les fondateurs de l’école y enseignaient femme de ménage», se souvient Viviana gratuitement jusqu’en 2014, date à laquelle Gonzalez. l’école et son diplôme ont été reconnus. A 12 ans, elle s’est tournée vers la pros- Aujourd’hui, l’État argentin finance les Luli Arias (debout) est professeur de santé, genre et Techniques d’apprentissage à l’école salaires des enseignants, mais «l’entretien titution pour survivre. «J’étais très pauvre, publique Trans Mocha Celis, le premier lycée public gratuit et accéléré pour adultes trans- quotidien de l’école est assuré par les ef- mais je voulais continuer mes études, de- genres en Argentine. Viviana González (48 ans) est étudiante dans cette école publique forts des enseignants et des dons que l’on venir enseignante ou médecin», raconte-t- (Source: Diego Spivacow/AFV) elle. «Tout s’est arrêté lorsque je n’ai plus reçoit», explique Francisco Quiñones Cuar- pu aller au lycée, car on me forçait à m’ha- Environ 40% des 150 élèves âgés de nalisés, criminalisés jusqu’à récemment, tas. biller comme un garçon. Je ne pouvais pas 16 à plus de 70 ans qui y suivent des cours ses membres ont une espérance de vie en L’une des enseignantes transgenres, le faire, je ne me voyais pas comme ça». sont transgenres, ainsi que quelques en- dessous de 35 ans et peinent à accéder à Luli Arias, 32 ans, donne des cours sur la Elle a été forcée de quitter l’école. seignants. Mais il y a aussi des étudiants l’éducation et à trouver un emploi digne. santé, le genre et la méthodologie. «Envi- «C’est là que mon rêve a commencé à des quartiers voisins, des personnes aux Une phrase popularisée par la militante ron 80% de nos étudiantes transgenres mourir. J’ai dû devenir adulte très tôt et identités sexuelles diverses et des enfants transgenre Lohana Berkins et peinte sur se livrent à la prostitution et plus de 70% chercher de l’argent», affirme Viviana d’immigrants. Ils ont tous un point en com- l’un des murs de l’établissement illustre disent qu’elles veulent faire autre chose», Gonzalez. «Les gens ont tendance à nous mun: leur éducation s’est interrompue à un l’objectif de ce lycée: «Quand une travestie explique-t-elle pendant une pause. «Nous enfermer dans une case: vêtements courts, moment donné de leur vie et ils souhaitent va à l’université, sa vie change. Beaucoup comprenons la complexité de leurs vies talons aiguilles, perruques, prostitution, l’achever. de travestis à l’université peuvent changer et le type de soutien dont elles ont besoin. drogues et alcool. Ils ne réalisent pas qu’on la vie d’une société entière». Les femmes Les élèves s’identifient aux enseignants, et ressent, pense, pleure, rit ou qu’on a des transgenres sont souvent des survivantes: quand certaines nous disent: “J’aimerais ambitions et des rêves comme eux». «La nuit et la prostitution ont beaucoup d’entre elles ont dû quitter leurs devenir enseignante ou avocate”, je suis Aujourd’hui, Viviana Gonzales a 48 laissé mes pages vierges. foyers pendant leur enfance, trouvant dans très heureuse». ans et son rêve est sur le point de se concré- la prostitution leur seul moyen de subsis- La promotion de cette année sera la tiser. En décembre dernier, elle a obtenu Les années passent et les rêves sixième. Si la plupart des matières qu’on tance. son bac grâce à l’école secondaire popu- s’estompent» «J’écrivais de la poésie quand j’étais pe- y étudie sont les mêmes que celles ensei- laire Trans Mocha Celis, un lycée public tite et j’aurais vraiment aimé continuer», se gnées ailleurs, elles sont ici caractérisées gratuit et accéléré pour adultes transgenres Le nom de l’école n’est pas le fruit du souvient Viviana Gonzalez, mais la nuit et par l’angle du genre. Ses études à la Mocha qui a ouvert ses portes à Buenos Aires en hasard. Née à Tucumán, Mocha Celis fut la prostitution ont laissé mes pages vierges. ont rendu Viviana Gonzalez fière d’être qui novembre 2011. Le premier dans son genre une travestie reconnue pour sa lutte contre Les années passent et les rêves s’estompent. elle est: «Je pense qu’un jour, je serai une au monde. les violences, assassinée après avoir reçu de Parfois, on espère juste qu’il arrive quelque très bonne prof. L’éducation est essentielle, Espace éducatif inclusif avec une nombreuses menaces de la part d’un agent chose de bien». car elle nous permet de faire des choix. perspective de genre, diversité sexuelle de police. Elle ne savait ni lire ni écrire. Et quelque chose est arrivé. Un après- Nous avons tous le droit d’avoir une for- et culturelle, l’école cherche à compen- Son histoire reflète l’extrême vulnérabi- midi, une amie l’a emmenée à «la Mocha». mation, de rêver».o ser l’exclusion subie par la communauté lité et les violations des droits de l’homme Viviana Gonzales retrace: « Lorsque je suis Par María AYUSO transgenre, mais elle est aussi ouverte aux auxquelles la communauté transgenre est arrivée, on m’a accueillie à bras ouverts personnes d’origines diverses. toujours confrontée en Argentine. Margi- et on m’a dit quelque chose que je rêvais Mercredi 26 Juin 2019
IV Au Maroc, comment les jeunes sont Apprendre la maintenance infor- matique à des jeunes en décrochage scolaire en démontant des ordinateurs usagés. Le principe est simple, mais très formateur. Le programme, déployé par l’ONG Al Jisr, permet également de recycler jusqu’à 200 tonnes de dé- chets électroniques et d’équiper des écoles publiques en ordinateurs. U N jeune sur quatre âgé de 15 à 24 ans au Maroc est un «nini»: Ni à l’école, ni en for- mation ni en entreprise. Cette population, désœuvrée, exclue de tout, est au nombre de 1,7 million. Une véri- table bombe sociale. Ce statut de «nini» commence souvent par un échec ou un abandon scolaires. Chaque année, ils sont entre 250.000 et 350.000 élèves à quitter les bancs de l’école publique (315.273 en 2018). Sans qualifications, ils enchaînent très jeunes les petits emplois précaires, ou bien, décrochent de tout. Al Jisr connaît bien cette catégorie de jeunes, souvent démotivés et complète- (Ph. A.Na) ment désorientés. L’ONG s’est donnée A Casablanca, Al Jisr bénéficie d’un bâti- tique. Il est sanctionné par un diplôme s’apprête à monter en puissance. Elle a pour mission de leur apprendre un métier ment au sein du lycée Moulay Abdallah. d’agent de maintenance informatique, et déjà augmenté le nombre de ses bénéfi- et de les doter de soft skills à même de Une soixantaine de jeunes (bientôt 120) y d’une attestation d’agent de démantèle- ciaires cette année, passant de 40 à 60 leur permettre de s’insérer plus facile- apprennent la maintenance informatique, ment. Les jeunes reçoivent une bourse lauréats par promotion à Casablanca ment sur le marché du travail. Il y a une les soft skills et l’entrepreneuriat. L’ONG mensuelle de 1.000 DH (500 DH à (une trentaine à Oujda). A la prochaine dizaine d’années, elle a lancé l’initiative cherche des partenaires pour monter 3 Oujda). Ceci les motive à poursuivre la rentrée, elle montera à 120 dans la capi- «Green Chip» avec plusieurs partenaires, nouveaux sites, à Tanger, Kénitra et Settat formation jusqu’au bout. Ils profitent, tale économique, soit le double. Al Jisr également, de cours de langue et de com- cherche, en outre, des partenaires pour munication, d’ateliers artistiques, d’en- ouvrir trois nouveaux centres Green trepreneuriat, de techniques de recherche Chip à Tanger, Kénitra et Settat. d’emploi… A la fin du programme, ils sont accompagnés pour trouver un tra- Bientôt la version 2.0 pour vail. «Leur taux d’insertion sur le mar- ché tourne autour de 60%. C’est une former des développeurs performance qui reste honorable», pré- cise le président de l’association, Moha- Forte de son expérience, Al Jisr med Lhalou. «Cette année, nous avons appréhende aujourd’hui un cursus plus monté tout une taskforce pour accélérer pointu: Green Chip 2.0, destiné à for- leur insertion professionnelle», ajoute mer des développeurs web/data, des Wafa Berny, directrice générale. L’ONG référents digitaux, responsables de data Recyclage de téléphones pour les malades du cancer démunis (Ph. Jarfi) ELLES sont grandes les ambitions d’Al Jisr. L’association lance bientôt un nouveau projet de formation basée sur du recyclage, mais cette fois-ci, de téléphones portables. Baptisé «Green Chip Mobile», le programme est dont le mécanisme de subvention amé- à des écoles publiques. Les autres sont développé en partenariat avec une plateforme numérique dédiée aux pa- ricain MEPI (Middle East Partnership démontés et transmis au géant marocain tients atteints du cancer, Tbibcom. La plateforme a été créée par une jeune Initiative). Le programme permet d’ap- des mines, Managem, partenaire du pro- marocaine diplômée de HEC Paris, Yasmina Benchekroun. L’idée est de prendre le hardware aux jeunes. Com- gramme, qui s’occupe d’en extraire les collecter des portables usagés, et de les valoriser dans le cadre de la forma- ment? En démontant de vieux ordina- minerais. Al Jisr, qui récupère chaque an- tion Green Chip visant à diplômer des agents de maintenance mobile. Les teurs. née 150 à 200 tonnes de déchets électro- smartphones remis à niveau seraient équipés de l’application Tbibcom, et L’ONG récupère annuellement des niques, fait ainsi d’une pierre trois coups: remis à des patients démunis dans les centres d’oncologie publics. L’appli- ordinateurs et matériels informatiques formation de jeunes à un métier, recy- cation offre un contenu pédagogique ludique, permettant de comprendre usagés auprès de dizaines d’entreprises clage de déchets électroniques et équi- la maladie et de mieux appréhender le traitement par chimiothérapie. Elle et administrations publiques. Ils atter- pement d’écoles publiques en matériel sert également à anticiper les complications du traitement et à éviter les rissent dans ses deux centres de forma- informatique, réduisant ainsi la fracture décès toxiques, à travers l’éducation thérapeutique. Pour réussir ce projet, tion à Casablanca et Oujda, où de jeunes numérique en milieu scolaire. Al Jisr espère associer des partenaires à la collecte de téléphones mobiles stagiaires se chargent de les traiter. Les Le cursus d’une année, dont 3 mois usagés, notamment des opérateurs télécoms. o postes récupérables sont réparés et offerts de stage, est consacré à 80% à la pra- Mercredi 26 Juin 2019
V sauvés de l’échec grâce au hardware de la mobilité géographique, et d’élargir le spectre de leurs opportunités au-delà du marché local», souligne-t-on à Al Jisr. En parallèle, l’ONG gère un centre de formation professionnelle de la deu- xième chance à Casablanca, où elle accueille des jeunes en décrochage sco- laire. Elle pilote, par ailleurs, diverses initiatives en faveur d’établissements scolaires, dont le Biblio-Bus, une bi- bliothèque mobile faisant des tournées dans des écoles périurbaines et rurales défavorisées, notamment dans la région de Casablanca. Dans chacune de ses escales, le Biblio-Bus organise des ate- liers de lecture, écriture, projection de documentaires et de films… des clubs Au démarrage du programme en 2010, l’ONG ne savait pas quoi faire des tonnes de déchets électroniques qui s’accumulaient dans son centre. L’idée du recyclage lui viendra plus tard. Entre le ramassage des matériels informatiques, leur démantèlement et leur envoi chez de lecture sont créés au sein de chaque Managem, toute une logistique est déployée (Ph. A.Na) établissement visité. Autant d’initiatives pour une jeunesse, souvent, laissée pour security… trois sites seront ainsi bien- lité, à travers l’apprentissage de métiers sans qualifications (trois fois plus que compte. o tôt ouverts à Oujda, Berkane et Jerrada du digital, très demandés par les entre- la moyenne nationale). «Les métiers Ahlam NAZIH dans l’Oriental. L’objectif est d’insérer prises. Dans la région de l’Oriental, cette du digital permettront aux jeunes de la sur le marché de l’emploi 150 jeunes de catégorie représente plus de 18% de la région de dénicher des opportunités de 15 à 25 ans, en situation de vulnérabi- population. 30,2% sont des chômeurs travail à distance, dépassant la contrainte Mercredi 26 Juin 2019
VI En Belgique, la langue des signes s’invite dans le secteur touristique A PPRENDRE la langue des qu’un sourd n’est pas muet. Il s’exprime leurs pensionnaires entendants et le public bulaire d’accueil de base: bonjour, merci, signes: une idée saugrenue? simplement avec des modalités différentes. sourd. Une fois passée la phase importante au revoir. Mais j’essaye de ne pas venir Pas pour le personnel de l’au- Il faut donc bannir l’expression sourd et de sensibilisation, les apprentis peuvent en- avec trop de vocabulaire non plus, ils ne berge de jeunesse de Bouillon, muet de notre vocabulaire», insiste Annie tamer la formation langagière à proprement le retiendront pas. Le but n’est pas qu’ils dans le sud de la Belgique, qui a décidé en soient bilingues à la fin de la formation janvier dernier de se former à cette langue mais qu’ils puissent se débrouiller», détaille peu connue dans le secteur touristique. l’interprète en langue des signes. Pour les L’idée a germé dans la tête de Dominique y aider, Annie Devos a pensé à tous les Duchatel, la directrice de la chaîne Les Au- métiers représentés au sein de l’auberge. berges de Jeunesse, qui compte une dizaine De la cuisinière en passant par le guide tou- d’établissements à travers le pays: «Je suis ristique ou le personnel de maintenance, moi-même des cours du soir en langue des personne n’est oublié. Chacun peut, ainsi, signes depuis trois ans. Cela commence à assimiler la base du vocabulaire propre à se savoir dans le milieu de la surdité, si bien ses attributions. que nous avons récemment accueilli plu- Des signes qu’il faut, évidemment, sieurs groupes de sourds. Je me suis donc s’exercer à reproduire. Et si certains sont, dit que ce serait une bonne idée de former dans un premier temps, gênés d’essayer, aussi l’ensemble du personnel» Objectif: les doigts et les mains finissent très rapi- dement par se délier. «C’est vraiment pouvoir maîtriser les bases de la communi- sympa, ludique et très enrichissant», confie cation en langue des signes, bien sûr, mais Jérôme, le directeur adjoint de l’auberge. aussi veiller à l’accueil de ce public un peu «Au début, on a un peu peur de ne pas y particulier. arriver, mais en fait c’est à la portée de tout Pour y parvenir, les treize membres L’ensemble du personnel de l’auberge de jeunesse de Bouillon a suivi des cours de langue le monde». du personnel de l’auberge de jeunesse de des signes. Le cours consiste aussi à apprendre d’autres spécificités de la communication Cette formation en langue des signes, Bouillon peuvent compter sur Annie De- avec des personnes sourdes et malentendantes (Source: Dominique Duschesnes) testée au sein de l’établissement de Bouil- vos, interprète en langue des signes. Mais Devos. La familiarisation continue avec parler, avec un premier défi de taille pour lon durant neuf jours, sert de projet pi- dans le réfectoire, où se déroule la for- d’autres spécificités de la communication les entendants: celui de penser en images. lote. Un projet qui pourrait, dans un futur mation, on ne peut pas dire que le silence avec des personnes sourdes et malenten- «Les entendants ont tendance à se braquer proche, s’étendre à l’ensemble du réseau règne. «J’ai beau les initier à la langue des dantes. «Certains entendants ont le réflexe sur les mots qu’ils veulent expliquer et des Auberges de Jeunesse de Belgique. Une signes, j’utilise tout de même la parole. d’appeler oralement un sourd, alors que ça essayent de traduire mot à mot. Mais une initiative qui ravira certainement tous les C’est important pour les sensibiliser à cer- ne sert à rien. Pour attirer son attention, il personne sourde ne fonctionne pas comme Belges concernés par la surdité. Selon des taines choses, notamment au niveau du faut plutôt frapper sur la table pour provo- ça, elle pense en images. Il faut donc for- chiffres de la Fédération francophone des contexte et de la culture de la communauté quer des petites vibrations, faire de grands cer son cerveau à réfléchir de cette façon», sourds de Belgique, ils étaient 972.103 en sourde», explique l’interprète. Une sensi- gestes dans son champ de vision ou encore explique Annie Devos. 2017. Soit 8,6% de la population.o bilisation aux spécificités de cette commu- éteindre et allumer la lumière à plusieurs Et quoi de mieux que le jeu des mimes nauté qui permet surtout de déconstruire les reprises», développe l’interprète. pour y parvenir. Viennent ensuite les pre- Par Pauline Martial idées reçues. «La première chose qu’une Autant d’éléments qui permettront au mières notions de base de la langue des personne entendante doit comprendre, c’est personnel de faciliter la rencontre entre signes. «On apprend d’abord tout le voca- Un tourisme accessible à tous «L E Code mondial d’éthique Afin de permettre aux touristes en situation de (Ph. AFP) du tourisme préconise, no- handicap de profiter pleinement de leurs voyages, tamment, la suppression des certaines entreprises touristiques et hôtelières dans obstacles qui entravent le le monde ont adapté leurs établissements et activi- droit d’accès direct et personnel au tourisme», tés, et prévu des produits et services qui prennent souligne l’Organisation mondiale du tourisme en considération les déficiences motrices, visuelles, (OMT). C’est «un instrument volontaire», qui auditives ou cognitives de ce public. deviendra «un traité juridiquement contraignant, Un rapport de la Commission européenne a la Convention cadre sur l’éthique du tourisme» dressé en 2014 un portrait des voyageurs handica- après le vote de l’Assemblée générale de l’OMT pés et âgés. Ainsi, le nombre de personnes atteintes en 2019. Comme l’indiquent les experts, «le po- de handicap dans l’Union européenne s’élève à tentiel de visiteurs concernés par des destinations près de 38 millions. La durée moyenne des séjours accessibles représente environ 35% de la popu- des Européens ayant des besoins spécifiques est de lation mondiale: personnes en situation de han- 6,7 nuitées. Les dépenses moyennes sont d’environ dicap, seniors, familles avec enfants en bas-âge, 700 euros (voyages dans leur propre pays) et 1.100 femmes enceintes, personnes avec un plâtre… ». euros (voyages dans un autre pays d’Europe). Les Ils voyagent rarement seuls, avec en moyenne 1,9 voyageurs handicapés internationaux dépensent en accompagnant. moyenne 1.000 euros par séjour.o Mercredi 26 Juin 2019
VII En Espagne, un «Trip Advisor» pour les handicapés Un accident vasculaire cérébral a fait de transport public, et Google Maps a inté- basculer la vie de Willy Ruiz, l’ancien gré une option pour montrer les endroits responsable marketing d’Apple Es- accessibles. pagne. Cinq ans plus tard, il lance une «Tout compte, mais un bâtiment sans application appelée Mapcesible pour ascenseur reste une prison pour une per- favoriser l’inclusion des personnes han- sonne handicapée», relativise Jesus Her- dicapées nandez. «Le problème commence dans les C’ universités où les étudiants en architecture EST au milieu d’une pré- n’apprennent pas à réfléchir en termes de sentation d’Apple, entouré design adapté». d’iPhones, iPads et iPods, L’élimination des obstacles et l’adapta- que Willy Ruiz a eu son tion des espaces ne sont pas seulement une accident vasculaire cérébral. «Je suis parti question d’inclusion pour les personnes avec mes bottes encore aux pieds», plai- dont le handicap est physique. «Tout le sante-t-il. Il avait été directeur du marke- monde, handicapé ou non, peut avoir des ting d’Apple en Espagne pendant 10 ans et difficultés à se déplacer dans une ville. Or, sa vie a changé ce matin-là en 2013. «Tout on aime tous arriver à destination en toute allait très vite et, d’un coup, tout s’est arrêté. Dans Mapcesible, les utilisateurs notent sécurité sans se perdre», observe David Puis tout a repris, mais très lentement», se sor pour les personnes à mobilité réduite. des lieux, tels que des restaurants ou des Lopez, coordinateur de projet de Afanías, souvient-il. Le monde dans lequel il s’est Les utilisateurs notent des lieux, tels que plages, en fonction de leur accessibilité, une organisation qui soutient les personnes réveillé à la suite d’un coma était devenu un des restaurants ou des plages, en fonction de en répondant à un questionnaire (Ph. atteintes de troubles mentaux. territoire hostile. Il devait s’habituer à avoir leur accessibilité, en répondant à un ques- Jaime Villanueva et Luis Sevillano) un cerveau qu’il ne contrôlait plus. «La pre- tionnaire conçu par Ilunion, la fondation mière nuit que j’ai passée à la maison après de l’Organisation nationale des aveugles l’AVC, je suis tombé du lit», confesse-t-il. espagnols (ONCE), et peuvent même télé- Le plus grand défi était de se déplacer à charger des photos. Une autre fondation l’extérieur. Un soir, lorsque Willy Ruiz ren- espagnole, Fundación Telefónica, a apporté trait chez lui après avoir dîné avec des amis un soutien technique et financier. dans un restaurant madrilène, il a eu besoin «Les premiers tests ont été réalisés par d’aller aux toilettes. les bénévoles de la fondation, et nous avons enrichi l’information en intégrant des don- nées provenant de dizaines de bases de don- Des informations sur plus de nées publiques, telles que celles des muni- 20.000 lieux recueillies cipalités», explique Luis Rojo, directeur des relations institutionnelles de la fondation. Dans une rue pleine de bars, impossible Jusqu’à présent, la plate-forme a recueilli de trouver un établissement accessible en des informations sur plus de 20.000 lieux. fauteuil roulant. Dans le seul bar accessible, «Vous voyez la ville d’un autre œil. Le il fallait monter trois marches pour atteindre jour où nous avons présenté l’application, la porte des toilettes. Il s’est demandé: un scooter était garé devant la porte d’en- En 2003, l’Espagne a adopté la loi sur Afanías a développé, en partenariat «Pourquoi n’y a-t-il pas d’application pour trée de la fondation», ajoute-t-il. L’outil ne l’égalité des chances, la non-discrimina- avec la chercheuse Berta Brusilovsky, le savoir où je peux aller aux toilettes?». répond pas seulement aux besoins des per- tion et l’accessibilité universelle pour les projet Easy Space, dans lequel personnes C’est alors qu’il a eu l’idée de créer sonnes handicapées, il est également utile personnes handicapées, qui exige que «les handicapées et architectes travaillent en- Mapcesible, une application mobile qui pour les personnes âgées ou avec pous- bâtiments, les zones, les outils, les équi- semble pour évaluer la capacité d’adapta- fonctionne comme une sorte de Trip Advi- settes. pements et la technologie, les biens et les tion des lieux. «Il y a des éléments de base produits» soient tous inclusifs. La loi pré- qu’on peut évaluer, tels que la présence Le plus vaste rapport sur la mobilité voit également «l’élimination des barrières d’une entrée facilement reconnaissable, un d’accès et l’adaptation des équipements et point central pour aider les gens à trouver E N 2011, les principales agences espagnoles pour les personnes handi- des outils». leur chemin autour d’un bâtiment, des iti- néraires accessibles, un annuaire à l’entrée capées ont collaboré avec la Fédération des municipalités et des provinces pour produire le plus vaste rapport sur la mobilité à ce jour, analysant 70 d’un lieu, des informations aux croise- «Tout compte, mais un bâtiment ments de couloirs pour que les gens ne se villes et communes. L’étude a montré que 90% des municipalités avaient des escaliers publics non conformes à la réglementation, que 67,6% des feux de sans ascenseur reste une prison perdent pas et puissent trouver la sortie», circulation n’avaient pas de dispositif d’avertissement et que 70% des grilles pour une personne handicapée» explique Berta Brusilovsky. des arbres étaient brisées ou défectueuses. Willy Ruiz met en avant un défi que «Un nombre croissant d’outils technologiques visent à faciliter la mobi- La Fondation ONCE et le fournisseur la plupart des gens tiennent pour acquis: lité, mais une application ne rend pas un lieu accessible si des barrières phy- de téléphonie mobile espagnol Vodafone «Je dois savoir à quoi m’attendre quand siques demeurent», explique Jesus Hernandez, directeur de l’accessibilité ont co-développé Tur4all, une application je sors dans la rue, et qu’il n’y aura pas de universelle et de l’innovation à la fondation ONCE, précisant qu’une mise à qui liste les ressources accessibles aux tou- surprises».o jour des données de l’étude est en cours. «Nous constatons un changement ristes. L’entreprise catalane Mass Factory a Par Patricia PEIRÓ dans ces villes, mais tout est très lent», ajoute-t-il. o lancé un autre outil en 2016 qui guide les personnes handicapées à travers le réseau Mercredi 26 Juin 2019
VIII A Singapour, un marché de travail inclusif A PRÈS un voyage de près plus le cas. Il est directeur de qualité de quatre heures de Kuala et des processus pour Genashtim, une Lumpur à Penang en Ma- entreprise singapourienne de solutions laisie, Raj Kumar Selvaraj numériques en cloud, spécialisée dans avait hâte de profiter d’une pause bien les programmes de formation en ligne. méritée. Il était loin de se douter que sa Le jeune homme, qui a rejoint randonnée dans la région de Bukit Hijau l’équipe en 2011, utilise un logiciel de en 2009 serait la dernière fois qu’il au- reconnaissance vocale pour entrer les rait plein usage de ses membres. commandes dans son ordinateur. C’est La tragédie frappe lorsque le jeune ce qui rend Genashtim si spécial: des homme de 29 ans glisse sur des rochers 100 employés de l’entreprise dispersés recouverts de mousse. En tombant en dans 10 pays à travers le monde, une avant, il se blesse si gravement qu’il en soixantaine sont des personnes en situa- reste tétraplégique. L’accident, qui lui tion de handicap. avait coûté sa motricité, lui coûterait également son poste en tant que spécia- liste du développement des communi- Connecter les personnes cations. marginalisées et les ressources Profondément affecté par cette perte d’indépendance, devant s’appuyer à l’économie mondiale constamment sur ses proches, Raj Kumar Selvaraj avait l’impression de Depuis la création de l’entreprise en toucher le fond. Aujourd’hui, ce n’est 2008, son fondateur, Thomas Ng, âgé de PRÉSIDENT-DIRECTEUR GÉNÉRAL: ABDELMOUNAÏM DILAMI DIRECTEUR GÉNÉRAL: KHALID BELYAZID RÉDACTION SERVICE WEB Directeur des rédactions El Hadji Mamadou Gueye Nadia Salah Hicham Lafriqi, Maha Basraoui, Rédacteur en chef Fatimazahra Belharar, Mohamed Benabid DOCUMENTATION Secrétaire générale de la Rédaction Chef des photographes: Saïda Sellami Meriem Oudghiri Photo-journaliste: Abdelmjid Bziouat, Ahmed Jarfi Assistante: Touria Azlaf COMMUNICATION ECONOMIE & MONDE Directeur de la Communication: Youssef Triki Chef de rubrique: Abashi Shamamba Assistante de direction: Kenza Daoudi Khadija Masmoudi (Grand reporter), PUBLICITE Abdelaziz Ghouibi (Grand reporter), Directrice commerciale et marketing Hassan El Arif (Grand reporter) Sandrine Salvagnac Fatim-Zahra Tohry, Franck Fagnon Assistantes: Samira Tamda, Khouldya Mekayssi VIE DES ENTREPRISES Directeurs de clientèle: Imane El Azdi, Khalid El Jaï, Chef de rubrique: Amin Rboub Abderraouf Jaâfari, Zine El Abidine Alaoui Aziza El Affas, Nadia Dref, Mohamed Hamdaoui, Mouna Elouattassi Grangier, Kouame Jean Modeste, Jihad Rizk Benaïssa Benamar, Hfaiedh Zeramdini Thomas Ng (à gauche) fondateur de Genashtim, une société de support informatique DE BONNES SOURCES & BREVES Directeurs de clientèle Agences: dont la plupart des employés sont en situation de handicap, et Raj Kumar Selvaraj, direc- Chef de rubrique: Moulay Ahmed Belghiti Amal Cherkaoui, Thierry Del-Valle Annonces légales: Rabia Mahd, Jalila Afkhar teur de processus chez Genashtim (Source: Genashtim) RÉGIONS, COMPÉTENCES & RH Rédactrice en chef: Radia Lahlou 62 ans, a cherché à utiliser la technologie cile et communiquent entre eux partout Ahlam Nazih, Karim Agoumi ADMINISTRATION Tilila El Ghouari Directeur administratif & financier comme levier d’inclusion, afin de per- dans le monde grâce à des messageries • Rabat: Noureddine El Aïssi Samir Essifer mettre à ceux qui sont en marge de la en ligne comme Skype et WhatsApp. • Marrakech: Badra Berrissoule, Stéphanie Jacob Responsable Achats et diffusion: Mouhsine Badi • Fès: Youness Saâd Alami Auditeur interne: Ilham Ziad société de retrouver un emploi. Thomas Ng explique que la struc- • Agadir: Sabrina Belhouari Responsable qualité - Abonnement: Leila Sadek Selon les Nations unies, dans les pays ture de son entreprise, probablement • Tanger: Ali Abjiou • Oujda: Ali Kharroubi Responsable d’Edition: Abdelhak Tisfoutar • Bruxelles: Aziz Ben Marzouk • Londres: Jon Marks en développement, 80 à 90% des per- l’une des premières de ce genre dans REVISION • Tunis: Yousra Mahfoud Mohamed El Bekri, Bahija Rhouli, sonnes handicapées en âge de travailler le monde, est idéale pour les personnes Dessinateur-caricaturiste: Rik DROIT, JUSTICE & MEDIAS Najoua Norredine sont au chômage. Ce chiffre avoisine les handicapées car elles n’ont qu’à allu- Faiçal Faquihi (Grand reporter) MONTAGE 50 à 70% dans les pays industrialisés. mer leur ordinateur pour encadrer des CULTURE: Amine Boushaba Chef de service: Abdelaziz Ouahid Certains ont des déficiences visuelles, étudiants, assurer la liaison avec leurs Saïd Fakhreddine, Salima Michmich, BUREAU DE RABAT Mohcine Sorrane, Youssef Laaraich sont cloués au lit ou ne peuvent bouger clients ou développer des logiciels de- Mohamed Ali Mrabi, Chef de bureau Fax: 05.22.36.58.86 qu’un seul doigt, tandis que d’autres puis leur domicile. Mohamed Chaoui (Grand reporter senior) Angle rue Al Khalil, Bd Med V www.leconomiste.com doivent être branchés à une machine en En supprimant la difficulté des dépla- redaction@leconomiste.com Tél.: 05.37.26.28.46/47/48 - Fax: 05.37.26.28.45 publicite@leconomiste.com tout temps pour survivre. Cela ne limite cements, le modèle de travail à domicile mamrabi@leconomiste.com pas leur capacité à travailler, selon Tho- de Genashtim permet à ses employés 70, Bd Massira Khadra, Casablanca - Tél.: 05.22.95.36.00 (LG) Fax Rédaction: 05.22.36.59.26 et 05.22.39.35.44 - Fax Commercial: 05.22.36.46.32 mas Ng. de fonctionner comme tout le monde. Distribution: Sapress, Impression: Eco-Print, Casablanca - Tél.: 05.22.66.40.78/79/80 Genashtim n’a pas de bureaux: la plu- «Notre mission est de tirer parti d’inter- part de ses employés travaillent à domi- net, de connecter les personnes margi- Mercredi 26 Juin 2019
IX pour les personnes handicapées nalisées et les ressources à l’économie puissent retrouver la confiance et l’indé- Les efforts de l’entreprise en faveur Environ 30% de la force de travail de mondiale», assure Thomas Ng. pendance qu’ils auraient pu perdre du de l’inclusion sociale, tant à l’échelle Genashtim sont des personnes qui ont L’entreprise administre les conte- fait de leur situation difficile. «Nous nationale qu’internationale, lui a valu fui des pays comme la Syrie et l’Afgha- nus e-learning de fournisseurs réputés devons construire une entreprise com- l’an dernier deux récompenses lors de nistan. L’entreprise leur permet non comme l’Université de Cornell, déve- merciale, sinon ce n’est pas durable. Si la cérémonie inaugurale des prix Brands seulement d’accéder à un revenu stable, loppe ses propres contenus en fonction nous devons vivre de sympathie, autant for Good, parrainés par Maybank Sin- constate Thomas Ng, mais aussi de re- de ses clients et conçoit également des devenir une organisation à but non lu- gapour et BBX: les prix «Social Giving trouver leur dignité. plateformes d’e-learning spécialisées cratif», affirme l’homme d’affaires. Et and Engagement» et «Diversity and Raj Kumar Selvaraj s’en réjouit. Il ne pour les organisations. il semblerait que ce système fonctionne. Inclusiveness» décernés par un jury de dépend plus de sa famille pour se procu- Curieusement, certains de ses clients huit juges indépendants. rer les soins dont il a besoin car il perçoit ne se doutent pas que la majorité des Genashtim vise également à aider un maintenant un salaire décent. «Au moins employés sont des personnes handica- Les réfugiés aussi autre groupe marginalisé: les réfugiés. sur le plan financier, je gère maintenant pées. Leur travail, estime Thomas Ng, Certains pays ne sont pas bienveillants de manière autonome la plupart de mes doit être assujetti aux mêmes normes L’entreprise compte parmi ses clients vis-à-vis des personnes déplacées, qui dépenses quotidiennes et je ne dépends professionnelles que celles de toute autre la Fédération des affaires singapou- ont du mal à trouver un emploi et à plus autant de ma famille, affirme-t-il, entreprise. rienne, l’autorité des Finances et les reconstruire leur vie, souligne Thomas j’en suis si reconnaissant».o Genashtim est une entreprise à but ministères de l’Éducation et du Travail Ng. C’est grâce à la dimension tech- lucratif et non pas une ONG, souligne- de Singapour, des instituts publics ma- nologique et à la présence mondiale de Par Hariz BAHARUDIN t-il, et il est important que ses clients laisiens et des géants du secteur privé son entreprise qu’il est en mesure de les le voient ainsi, pour que ses employés comme Microsoft, McDonalds et ABB. embaucher, ajoute-t-il. La plus importante minorité du monde Source: Handicap International Un milliard d’individus, soit 15% de la population mondiale, sont porteurs d’un handicap. A peu près 80% sont en âge de travailler. Cependant, le droit au travail décent est souvent refusé aux personnes handicapées. Celles-ci, en particulier les femmes, sont confrontées à d’énormes obstacles comportementaux, physiques et informationnels pour l’égalité des chances dans le monde du travail, souligne l’Organisation internationale du travail (OIT). Dans les pays en voie de développement, 80 à 90% des personnes handicapées en âge de travailler sont au chômage, tandis que dans les pays développés, elles sont entre 50 et 70% Mercredi 26 Juin 2019
X Les enfants autistes peuvent devenir des adultes intégrés Des investissements précoces de Le diagnostic et la thérapie précoces 150.000 francs suisses (148.000 dollars sont cruciaux car, selon les experts, les US) par enfant permettraient d’écono- enfants de deux à quatre ans atteints des miser jusqu’à 15 millions de francs à troubles du spectre de l’autisme ne par- long terme. viennent pas à établir des liens neuronaux L normaux pour l’interaction sociale, don- ES enfants autistes peuvent être nant lieu à une sorte de «cécité» sociale. bouleversants par leur volonté C’est pourquoi, depuis 2009, les de communiquer et leur diffi- pédiatres ont mis en place un nouveau culté à être compris. système de dépistage dans le Tessin. Les crises de larmes étaient fréquentes «Nous avons un questionnaire à remplir quand Gioele Merloni voulait manger uni- lorsqu’on observe un comportement sus- quement du chocolat et des McNuggets. pect», explique Gian Paolo Ramelli. «Si «Il vomissait tout le reste», se souvient sa les soupçons sont confirmés, d’autres mère, Maria Giulia Merloni. «Ça a duré examens sont effectués afin d’établir rapi- un an. Il était impossible de dîner dehors dement un diagnostic. Nous devons inter- parce qu’il se mettait à crier. Il ne voulait venir avant l’âge de trois ans». La stimu- ni socialiser, ni parler, et se contentait de lation comportementale peut réorganiser montrer des objets du doigt et de crier». la structure cérébrale, précise-t-il, mais il Gioele Merloni et une éducatrice pendant une session de thérapie organisée par le groupe faut agir avant que les comportements ne Arcobaleno, qui propose une thérapie intensive précoce pour les enfants se trouvant sur le deviennent automatiques». Aider à communiquer avec spectre autistique (Ph. Ti-Press/Pablo Gianinazzi) Le défi est «d’intervenir avant que le monde férentes, tout en fréquentant des écoles pendance à long terme, en améliorant l’enfant n’adopte un comportement ina- déquat, en lui apprenant comment com- spéciales. Le vent a tourné lorsque les les résultats scolaires et les opportunités muniquer et se divertir», souligne Vero- Tout a changé lorsque Gioele a intégré bienfaits d’un traitement intensif avant d’emploi. un projet pilote national de thérapie pré- nica Mantegazza. «Il s’agit de réduire les l’âge de trois ans ont commencé à se faire comportements problématiques grâce à coce intensive pour les enfants autistes, connaître; il permet aux enfants autistes mené par le groupe Arcobaleno de la Fon- Le diagnostic et la thérapie des programmes pédagogiques et théra- de fréquenter les écoles «ordinaires» et peutiques qui impliquent l’orthophonie et dation OTAF de Sorengo, dans le canton de mieux s’intégrer dans la société à l’âge précoces cruciaux du Tessin en Suisse. Dans ce programme, l’ergothérapie, l’évolution des méthodes adulte. d’enseignement, l’analyse comportemen- les jeux et les exercices sont conçus pour Les frais pour ces deux années de thé- Pour l’instant, les résultats de ces pro- empêcher les «mauvais» comportements jets pilotes sont encourageants. «C’est une tale appliquée et la formation des parents, rapie peuvent monter jusqu’à 150.000 entre autres». qui n’ont pas encore pris racine et mettre francs suisses (148.000 dollars), mais pour expérience très positive; deux tiers des en place de nouveaux qui aideront ces De 9h à 15h30, cinq éducatrices s’oc- enfants à communiquer avec le monde. cupent à tour de rôle de neuf enfants âgés «Plus la maison est petite, moins il y de deux à quatre ans, au moins deux jours a de briques; plus il est facile de la démo- par semaine. «Nous travaillons avec la lir et d’en reconstruire une plus solide», méthode de l’analyse du comportement observe Veronica Mantegazza, chef du appliquée, un ensemble de techniques groupe Arcobaleno, pendant qu’un enfant basées sur les principes scientifiques de l’apprentissage et de l’action comme base de quatre ans joue aux cartes avec un de notre approche de l’autisme», précise éducateur spécialisé dans la même pièce. Veronica Mantegazza. «Chaque enfant a Le garçon apprend que chaque objet sur un programme personnalisé». les cartes a un nom et reçoit des éloges Un enfant essaie de résoudre un puzzle lorsqu’il fait correspondre deux objets pour apprendre à s’amuser et à éviter les identiques. mouvements répétitifs. «Ici, nous aidons Gioele, âgé de cinq ans, est aussi passé les enfants à acquérir des compétences par là. Pendant des mois, il a appris à par- qu’ils mettront en pratique plus tard dans ler, à établir des relations avec le monde des circonstances différentes», explique extérieur et à jouer avec d’autres enfants. le spécialiste qui suivra son jeune patient «C’était impensable il y a trois ans», af- Un dessin de Gioele Merloni, un garçon de cinq ans sur le spectre autistique. Deux ans avec le lorsqu’il aura terminé le programme et firme sa mère. Deux années de thérapie groupe Arcobaleno ont changé sa vie. Il a appris à parler, à tisser des liens avec le monde exté- rieur et à jouer avec d’autres enfants (Ph. Ti-Press/Pablo Gianinazzi) commencé l’école. Certains des enfants, intensive lui ont changé la vie. plus âgés, fréquentent déjà la maternelle «Maintenant, je suis beaucoup plus l’instant, c’est l’Office fédéral des assu- enfants autistes qui ont reçu un traitement quelques matins par semaine, aux côtés optimiste», ajoute-t-elle. «Je pense qu’un rances sociales suisse (OFAS) qui finance intensif précoce peuvent maintenant aller de spécialistes de l’intégration qui colla- jour il sera capable de travailler et d’avoir les cinq projets pilotes menés dans le pays. à l’école régulièrement avec l’aide d’édu- borent régulièrement avec les éducateurs une vie indépendante. Sans la thérapie pré- L’idée est d’investir maintenant pour cateurs spécialisés», explique le professeur du groupe Arcobaleno.o coce, cela aurait été impossible. J’ai passé épargner plus tard: le traitement continu Gian Paolo Ramelli, chef du service de Par Simonetta CARATTI d’innombrables nuits blanches parce que pendant 50 ans pour un adulte autiste neurologie pédiatrique de l’hôpital can- je ne supportais pas la peur». peut coûter jusqu’à 15 millions de francs tonal de Bellinzona. «Il y a dix ans, seu- Dix ans auparavant, ces enfants au- suisses. L’OFAS essaie d’évaluer si ce lement 20% d’entre eux pouvaient aller raient été traités pour des conditions dif- traitement précoce peut améliorer l’indé- à l’école». Mercredi 26 Juin 2019
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