INDUCTION DE RÉPRESSION GÉNÉTIQUE POST-TRANSCRIPTIONNELLE DE ATMLH1, UN DES PRINCIPAUX GÈNES DE CORRECTION DES MÉSAPPARIEMENTS DE L'ADN CHEZ ...
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OLIVIER DOMINGUE INDUCTION DE RÉPRESSION GÉNÉTIQUE POST- TRANSCRIPTIONNELLE DE ATMLH1, UN DES PRINCIPAUX GÈNES DE CORRECTION DES MÉSAPPARIEMENTS DE L’ADN CHEZ ARABIDOPSIS THALIANA Mémoire présenté à la Faculté des études supérieures de l'Université Laval dans le cadre du programme de maîtrise en biologie végétale pour l’obtention du grade de maître ès sciences (M. Sc.) FACULTÉ DES SCIENCES DE L’AGRICULTURE ET DE L’ALIMENTATION UNIVERSITÉ LAVAL QUÉBEC AVRIL 2005 © Olivier Domingue, 2005
ii RÉSUMÉ Afin de caractériser sa fonction, des lignées transgéniques de type ihpRNA ont été produites pour induire une inactivation spécifique du gène AtMLH1 chez Arabidopsis thaliana. Elles ont été générées en transformant la plante avec un vecteur comportant un même fragment du gène AtMLH1 inséré en directions sens et anti-sens. Cinq lignées montrant un éventail d'intensités de répression ont été rigoureusement analysées. Trois lignées, ihpMLH1-63, -70 et -73, présentaient une forte réduction de l’abondance du transcrit (~10 % du sauvage), une (ihpMLH1-51) montrait un abaissement intermédiaire (~30 % du sauvage) et une dernière (ihpMLH1-54) n’avait qu’une inactivation mineure (~60 %), tel que mesuré par RT-PCR semi-quantitatif. Une étude northern a permis de détecter des siRNA dont l’abondance était corrélée avec l’intensité de la répression. L’étude des conséquences phénotypiques de l’inactivation du gène AtMLH1 a été amorcée en examinant son impact sur l’instabilité des microsatellites via un gène rapporteur. Dû à un phénomène de co-suppression, cette analyse n'a pas été informative. Les conséquences de l’inactivation du gène AtMLH1 feront donc l'objet de futurs travaux.
iii AVANT-PROPOS Cet ouvrage a été rédigé sous forme de mémoire avec insertion d'article. J'ai entièrement composé le manuscrit formant le corps du travail (Olivier Domingue, bachelier en biologie -spécialisation biotechnologie- de l'Université de Sherbrooke, premier auteur). Les résultats obtenus sont également l'œuvre de mes travaux, conseillé et dirigé par Dre Martine Jean, professionnelle de recherche (seconde auteure), et par Dr François Belzile, directeur de recherche (troisième auteur). Le manuscrit s'intitule «ihpRNA-mediated post- transcriptional gene silencing of AtMLH1, an Arabidopsis thaliana DNA mismatch repair gene.» et traite de la production de lignées réprimées du gène végétal de correction de mésappariements AtMLH1. Il sera soumis sous cette forme ou en version modifiée, conjointement aux recherches doctorales de M. Eric Dion (étudiant au laboratoire du Dr François Belzile), à un périodique spécialisé en génétique moléculaire végétale. En plus du travail décrit plus haut, j’ai également contribué au projet de recherche doctorale de M. Abdourahamane Alou. Cette contribution m’a valu d’être co-auteur d’un article de la thèse de ce dernier (Alou et al., 2004). Comme il n’y avait pas de lien direct entre ce travail et le corps principal du mémoire, cet article a été placé en annexe, précédé d’un court texte détaillant ma contribution à celui-ci. D'autre part, je tiens à utiliser l'espace qui m'est ici alloué pour remercier tous ceux qui m'ont apporté aide et conseils durant ma maîtrise. Je voudrais d'abord remercier mon directeur de recherche, M. François Belzile, pour son attention, sa disponibilité et surtout pour l’attitude calme et optimiste qu’il a conservée tout
iv au long de ce travail de maîtrise. Ses conseils m’ont régulièrement aidé à remettre les choses en perspective et à mener à bien mes recherches. J’aimerais également adresser des remerciements particuliers à Martine Jean, Samuel Santerre-Ayotte, Eric Dion et Abdourahamane Alou pour l'aide qu’ils m’ont chacun apportée au cours de diverses expériences et pour les discussions enrichissantes que leur interaction a suscitée. De façon plus générale, je remercie également tous les membres du laboratoire qui ont fait de mon séjour à l'Université Laval une expérience unique, soit Liang, Vicky, Cindy, Eric B., Aïda, Julien, Isabelle, Maxime, Suzanne, Tung, Geneviève, Ana, Mélanie et Éveline. Je tiens à remercier par dessus tout ma copine Mélissa; sa patience infinie et son amour m’ont été d’un support inestimable tout au long de ces deux années passées à Québec. Enfin, ce travail de recherche a été soutenu et financé par le Conseil de Recherche en Sciences Naturelles et en Génie du Canada.
vi TABLE DES MATIÈRES RÉSUMÉ ii AVANT-PROPOS iii TABLE DES MATIÈRES vi LISTE DES TABLEAUX viii LISTE DES FIGURES ix LISTE DES SYMBOLES ET ABRÉVIATIONS x CHAPITRE1: INTRODUCTION 1 1.1 Le Système MMR 1 1.1.1 Rôle du MMR dans la correction des mésappariements lors de la réplication 1 1.1.2 Rôle du système MMR dans les phénomènes de recombinaison 5 1.1.3 Rôle du système MMR au cours de la méiose 7 1.1.4 Le système MMR chez la plante 7 1.2 Répression génétique post-transcriptionnelle 8 1.2.1 Mécanismes et fonctions du PTGS 9 1.2.2 Rôles des petits ARN interférants 11 1.2.3 Utilisation du PTGS en génétique fonctionnelle et génétique inverse 13 1.2.4 Induction du PTGS en génétique fonctionnelle végétale; les ihpRNA 14 1.2.5 Avantages du PTGS 15 1.3 Problématique 17 1.4 Objectifs 18
vii CHAPITRE 2: ihpRNA-mediated post-transcriptional gene silencing of AtMLH1, an Arabidopsis thaliana DNA mismatch repair gene 19 Résumé du manuscrit 20 Summary 21 Introduction 22 Materials and methods 25 Construction of the ihpRNA construct for RNAi silencing 25 Plant transformation, selection and growth 25 RNA Extraction and reverse Transcriptase-Mediated PCR 26 Visualization of small RNA fragments (siRNA) 26 Northern blot analysis 27 Crosses of the ihpMLH1 RNAi lines with GUS reporter lines 27 Histochemical GUS assay 28 Results 29 Production of AtMLH1 RNAi lines 29 Analysis of AtMLH1 mRNA level in RNAi T2 plants 29 The presence of siRNA correlates with the level of AtMLH1 transcript 30 Cross with microsatellite instability reporter line 30 Observed co-suppression of transgenes 30 Discussion 32 Acknowledgements 41 References 41 CHAPITRE 3 : CONCLUSION 44 BIBLIOGRAPHIE 48 ANNEXES 53
viii LISTE DES TABLEAUX CHAPITRE 1: Tableau 1 : Caractéristiques des différentes classes de siRNA 12 CHAPITRE 2: Tableau 1 : Primers used in the making of the ihpRNA construct, probe synthesis, PCR and RT-PCR experiments 36
ix LISTE DES FIGURES CHAPITRE 1: Figure 1 : Modèle de reconnaissance et de réparation des mésappariements par le système MMR 2 Figure 2 : Homo- ou hétérodimères formés des homologues de MutS et MutL en fonction des types de mésappariements corrigés chez différents organismes 4 Figure 3 : Prise en charge d'hétéroduplexes contenant des mésappariements par le système MMR 6 Figure 4 : Mécanismes de la répression génétique post-transcriptionnelle 10 Figure 5 : Techniques d'induction stable du PTGS 14 Figure 6 : Structure du vecteur pHANNIBAL et procédure pour la création d'une construction ihpRNA 15 CHAPITRE 2: Figure 1 : RT-PCR analysis of AtMLH1 transcript level in five RNAi lines 37 Figure 2 : Northern detection of siRNA in five RNAi lines and its correlation with transcript levels 38 Figure 3 : Northern analysis of the GUS transcript in F1 (ihpMLH1 x 131D) plants 39 Figure 4 : Partial resistance to kanamycin in F1 plants 40
x LISTE DES SYMBOLES ET ABRÉVIATIONS abRNA : ARN aberrant ADN : Acide désoxyribonucléique ARN : Acide ribonucléique ARNm: ARN messager ATP : Adénosine triphosphate °C : degré Celsius cDNA: ADN complémentaire DICER : ribonucléase de type III intervenant en PTGS dsRNA: ARN double brin hpRNA: ARN en épingle à cheveux ihpRNA: ARN en épingle à cheveux comportant un intron mg: Milligramme min: Minute miRNA: Micro ARN mM: Millimolaire MLH : Homologue de MutL MMR : Correction des mésappariements MSH : Homologue de MutS MSI: Instabilité des microsatellites nt: Nucléotide pb : Paire de bases PCR : Réaction de polymérisation en chaîne PMS : Ségrégation post-méiotique PTGS: Répression génétique post-transcriptionnelle RISC: Complexe d’inactivation génétique induit par ARN RNAi: Interférence d'ARN RT-(PCR): Amplification PCR d'une réaction de transcription inverse sec: Seconde siRNA: Petits ARN interférants stRNA: Petits ARN temporels T-DNA : ADN de transfert TGS: Répression génétique transcriptionnelle
xi µl: Microlitre µg: Microgramme VIGS: Répression génétique induite par un virus
1 CHAPITRE 1 : INTRODUCTION Les êtres vivants sont constamment exposés aux effets dommageables d'agents mutagènes. Plusieurs de ces agents sont d’origine exogène tels que les radiations, les métaux lourds et autres composés chimiques mutagènes qui entrent en contact avec les plantes. Par ailleurs, il existe également de nombreux agents nocifs qui sont produits par la cellule elle-même tels que des dérivés du métabolisme naturel (peroxyde, oxyde nitrique, composés phénoliques, etc.). Finalement, les erreurs inhérentes aux processus de réplication de l'ADN contribuent également aux stress que subit le génome. Comme une seule mutation peut s'avérer fatale, plusieurs mécanismes ont évolué pour limiter ces dégâts. L’un d’eux, le système MMR, pour « Mismatch Repair » ou correction des mésappariements, est quasi ubiquiste chez les êtres vivants et constitue une arme de première importance contre les mutations. Ce travail visait à contribuer à une meilleure compréhension fonctionnelle de ce système chez la plante-modèle Arabidopis thaliana en tirant profit des plus récentes découvertes au niveau de l'expression génétique. Les bases sous-jacentes à cette recherche se divisent en deux volets qui sont ici revus, soit le système MMR et la technique de répression génétique post-transcriptionnelle (PTGS). 1.1 Le système MMR Dans l’optique d’une compréhension approfondie du système MMR, il sera discuté ici de son activité de correction des mésappariements lors de la réplication, de son implication dans les phénomènes de recombinaison, de son rôle lors de la méiose et, enfin, de l'état des connaissances de ce système chez la plante. 1.1.1 Rôle du MMR dans la correction des mésappariements lors de la réplication La réplication de l'ADN lors des divisions cellulaires est un événement hautement sophistiqué. Plusieurs milliards de paires de bases doivent être agencées de façon exacte pour maintenir la fidélité des informations du brin mère au brin répliqué. De nombreux mécanismes s’emploient donc à réduire le nombre d’erreurs et à corriger celles qui se produisent lors de la polymérisation.
2 La polymérase elle-même exhibe un très faible taux d’erreur (entre 10-3 et 10-6 par nucléotide incorporé et par division cellulaire) en plus de posséder un mécanisme de correction sur épreuve (Kunkel et Bebeneck, 2000). Ce dernier mécanisme réduit le nombre d’erreurs à un taux avoisinant 10-7 (de Wind et Hays, 2001). Les erreurs ayant échappé à ce contrôle rigoureux peuvent ensuite être prises en charge par les systèmes de correction de l'ADN, tout particulièrement par le système MMR. Le système MMR s’illustre facilement par son paradigme bactérien largement caractérisé. Chez E. coli, il se compose de trois protéines, MutS, MutL et MutH, dont les deux premières agissent en homodimères. MutS est une ATPase dont le rôle est de reconnaître les mésappariements. Structurellement, elle possède trois sites conservés : une région C-terminale impliquée dans la dimérisation, une région liant/hydrolysant l’ATP et une région N-terminale reconnaissant/liant le mésappariement (Harfe et Jinks- Robertson, 2000). Chez les procaryotes, MutS lie tous les types de mésappariements (à l'exception des C/C) ainsi que les courtes boucles nucléotidiques (≤ 4 nt.) (de Wind et Hays, 2001). Bien que chaque Figure 1. Modèle de reconnaissance et de monomère contacte l’ADN, un seul lie réparation de mésappariements par le système réellement le mésappariement, décrivant MMR. (Tiré de Harfe et Jinks-Robertson, 2000) un dimorphisme structurel rappelant
3 l’hétérodimérisation du système eucaryote (Schofield and Hsieh, 2003). La fonction exacte de l’activité ATPase n’est pas claire, mais il semblerait que la liaison et l’hydrolyse de l’ATP conduisent à des changements structuraux entraînant les étapes subséquentes de la correction d’erreurs (Wu et Marinus, 1994). MutH est une endonucléase qui a pour fonction de cliver le brin nouvellement synthétisé contenant l'erreur. La discrimination est possible grâce à l’état transitoire non-méthylé du brin nouvellement formé (Harfe et Jinks-Robertson, 2000). Ainsi, MutH reconnaît le brin fille via ses sites GATC non-méthylés et y induit une coupure simple brin (Figure 1). Cette activité est strictement dépendante des mésappariements et est stimulée par la formation du complexe MutHLS. Une fois le brin clivé, celui-ci est spécifiquement dégradé (activité exonucléase 5’→3’ ou 3’→5’ selon le côté où le clivage a eu lieu) de façon à permettre une resynthèse et donc, la correction de l’erreur (Cooper et al., 1993). L’activité exonucléotidique requiert l'intervention de l'hélicase UvrD. MutL, tout comme MutS, est une ATPase agissant sous forme d’homodimère. Son rôle, quoique essentiel (Harfe et Jinks-Robertson, 2000), est cependant moins clair. On croit qu’il serait principalement structurel et que cette protéine agirait de façon à coordonner chacune des composantes du système MutHLS (Schofield et Hsieh, 2003). On sait par exemple que MutL lie directement MutS, MutH et UvrD, pouvant activer ces deux dernières protéines (Hall et Matson, 1999). Plusieurs sites conservés ont été identifiés, indiquant que les sites de dimérisation et d’interaction avec MutS, MutH et UvrD se trouvent en C-terminal tandis que la région N-terminale contiendrait le site de liaison/hydrolyse d’ATP (Ban et al., 1998). Encore une fois, l'activité ATPase de MutL, provoquant des changements de conformation, reste nébuleuse. Chez les eucaryotes, le système MMR est semblable dans ses grandes lignes. Cependant, il existe deux différences principales, soit la présence de plusieurs homologues fonctionnellement spécialisés et l’absence d’homologue de MutH.
4 En effet, les homologues eucaryotes de MutS (MSH ; de l’anglais « MutS Homolog ») et de MutL (MLH et PMS, de l’anglais « MutL Homolog » et « Post-Meiotic Segregation ») sont présents en plusieurs copies distinctes, chacune ayant acquis des fonctions spécialisées. Ainsi, la protéine MSH1 est codée par un gène nucléaire mais est exportée vers les mitochondries où elle est responsable du maintien de l'intégrité du génome de cet organite (Harfe et Jinks-Robertson, 2000). Les homologues MSH4 et MSH5, lorsque présents, ont acquis une fonction extérieure à la correction d’erreurs et sont plutôt impliqués dans la méiose (Schofield et Hsieh, 2003). La correction d’erreurs elle-même s’effectue via des hétérodimères possédant différentes spécificités (Figure 2). L’homologue MSH2 est présent dans tous les complexes de correction nucléaire, en hétérodimère avec les autres homologues de MutS. Le complexe MSH2/MSH6 (MutSα) reconnaît les mésappariements et les boucles d’insertion/délétion, tandis que MSH2/MSH3 (MutSβ) lie les boucles de tailles variables, mais pas les mésappariements (Marti et al., 2002). Les homologues de MutL s’agencent également avec les complexes MSH, remplissant le même rôle que chez les procaryotes. MLH1 est le noyau central présent dans tous les hétérodimères, en combinaison avec les autres homologues MLH ou PMS. Figure 2. Homo- ou hétérodimères formés des homologues de MutS et MutL en fonction des types de mésappariements corrigés chez différents organismes. (Tiré de Marti et al., 2002) La seconde différence a trait à l’absence d'homologue de MutH ; aucun homologue de cette protéine n’a pu être identifié clairement à ce jour chez les eucaryotes. De plus, le système exact de méthylation des séquences GATC n'est pas strictement conservé chez les
5 organismes supérieurs. En suggérant que la méthylation joue toujours un rôle dans la reconnaissance et le clivage du brin nouvellement synthétisé, il devrait reposer sur un mécanisme plus sophistiqué qui reste encore à élucider. Certaines expériences suggèrent que la cassure simple brin des fragments d’Okazaki du brin à synthèse discontinue pourrait constituer un substrat adéquat pour la dégradation (Pavlov et al., 2003). Les suggestions proposées pour expliquer la correction d’erreurs sur le brin à synthèse continue sont toutefois encore plus discutées. 1.1.2 Rôle du système MMR dans les phénomènes de recombinaison Le système MMR a également une implication importante dans les processus de recombinaison. La recombinaison implique la mise en commun de brins d’ADN provenant de différents duplexes. Lorsque les deux séquences ne sont pas identiques (séquences hétérologues), il en résulte la formation de mésappariements pouvant être reconnus par les protéines du MMR. Le système MMR peut traiter ces mésappariements de deux façons: soit en procédant à la « correction » du mésappariement, soit en faisant avorter le processus de recombinaison (anti-recombinaison) (Figure 3). La correction de mésappariements lors d'un événement de recombinaison chez les eucaryotes mène à un phénomène appelé conversion génique. Il s’agit d’un événement où l'information contenue sur un chromosome est remplacée par l’information présente sur le chromosome avec lequel il recombine, menant à une ségrégation non-mendélienne des produits (de Wind et Hays, 2001). Des mutants nuls des gènes MMR chez la levure empêchent ce type de réparation, conduisant à un duplexe d’ADN hétérologue où chacun des allèles ségréguera à la première mitose suivant la méiose (Williamson et al., 1985). Ce phénomène de ségrégation post-méiotique est à l'origine de la découverte d’homologues eucaryotes de MutL. L’anti-recombinaison est un mécanisme d'une grande importance sur le plan du maintien de l’intégrité du génome et il joue un rôle déterminant dans l’évolution. Cette fonction d’anti- recombinaison contribue à limiter les échanges génétiques qu’on pourrait qualifier d’illégitimes entre des séquences hétérologues. Il a été suggéré qu’il constitue un des
6 obstacles majeurs au transfert de matériel génétique entre espèces et un joueur important dans le processus de spéciation (Rayssiguier et al, 1989). L’anti-recombinaison a été démontrée pour la première fois par Rayssiguier et al. en 1989. En utilisant des souches bactériennes au système MMR déficient, les auteurs ont observé une augmentation de recombinaison de 1000 fois lors de la conjugaison entre deux espèces de bactéries. Ainsi, il a été suggéré que le système MMR agit de manière à inhiber la recombinaison entre séquences hétérologues. Deux modèles ont été proposés pour expliquer cet effet d’anti-recombinaison. Le premier modèle, dit destructif, implique la dégradation de l'hétéroduplexe par la formation de multiples cassures simple brin dépendantes de MutH Figure 3. Prise en charge d'hétéroduplexes contenant des mésappariements (M) par le système MMR. (Rayssiguier et al, a) Conversion génique où se situait les mésappariements (CM) 1989). Ce modèle est b) Rejet de l'hétéroduplexe: anti-recombinaison (Modifié de de Wind et Hays, 2001) cependant contestable, puisque des recherches ont montré qu'un plasmide contenant jusqu'à 18% de mésappariement (inséré par transformation) n'est pas dégradé par la bactérie (Westmoreland et al., 1997). Le second mécanisme proposé est appelé modèle non- destructif de rejet de l'hétéroduplexe (Rayssiguier et al, 1989). Dans ce modèle, l'événement de recombinaison serait renversé par la simple reconnaissance des mésappariements, sans clivage de l’hétéroduplexe intermédiaire. Les données amassées à ce jour chez la levure et chez E. coli vont en ce sens. Il a été démontré que l'anti- recombinaison s’exerce principalement via la reconnaissance des mésappariements par les
7 hétérodimères MSH. Ceux-ci interagiraient même avec les protéines impliquées dans l’échange des brins (telles RecA), bloquant leur fonction et inhibant la recombinaison (Worth et al., 1998). La recombinaison hétérologue serait donc soumise successivement à deux contrôles du MMR. Un premier, tôt dans la formation de l’hétéroduplexe et indépendant de toute coupure simple brin, régulerait l’homologie nécessaire pour permettre un événement de recombinaison. Un second, une fois l'hétéroduplexe formé, corrigerait les mésappariements existants selon le modèle de dégradation et de resynthèse. 1.1.3 Rôle du système MMR au cours de la méiose La présence chez les eucaryotes de multiples homologues de MutS a permis le développement de divergences fonctionnelles. Ainsi, les protéines MSH4 et MSH5 ne jouent aucun rôle dans la reconnaissance des mésappariements, étant vraisemblablement impliquées dans la stabilisation des structures de recombinaison méiotique (Harfe et Jinks- Robertson, 2000). Agissant également en dimères, ces complexes interagissent directement avec l'ADN au site de recombinaison. Des mutants nuls de ces gènes chez la levure ont montré une chute de près de 50 % de la recombinaison méiotique (Ross-Macdonald et Roeder, 1994). Des mutants mlh présentent également une réduction du taux de recombinaison méiotique ainsi qu’un subtil phénotype de biais de ségrégation (Wang et al., 1999), observation conséquente à leur interaction avec MSH4 et MSH5. Chez la souris, les mutants msh4, msh5, mlh1 et pms2 exhibent des phénotypes de stérilité attribués à cette fonction méiotique (Harfe et Jinks-Robertson, 2000). Il est très intéressant de constater que les mêmes protéines, dans des contextes différents, peuvent avoir des rôles totalement opposés: soit d’empêcher la recombinaison, ou encore de promouvoir celle-ci. 1.1.4 Le système MMR chez la plante Grâce à la forte homologie interspécifique de ces gènes, sept homologues de MutS (AtMSH-1 à 7) (Culligan et al., 2000; Adé et al., 1999) et trois homologues de MutL (AtMLH1, AtMLH3 et AtPMS1) (Alou et al., 2004a et b; Jean et al., 1999) ont récemment été identifiés et clonés chez Arabidopsis thaliana. AtMSH7 est unique aux plantes et des
8 études ont montré que le dimère AtMSH2/AtMSH7 possède un spectre de reconnaissance différent des autres complexes AtMSH (Culligan et Hays, 2000). Ces données reflètent soit l’existence d’erreurs propres aux végétaux (pris en charge par AtMSH7), soit la gestion par AtMSH7 d’erreurs corrigées par les complexes classiques chez les autres organismes. Des études sur la fonction des gènes AtMSH2 et AtPMS1 révèlent leur implication dans l’instabilité des microsatellites, un phénomène très intimement rattaché à la correction des erreurs de réplication et observé chez les autres eucaryotes (Alou et al., 2004a; Leonard et al., 2003; Tran et al., 1997). Pour l’instant, cependant, aucun travail de ce type n’a été publié sur les fonctions du gène AtMLH1 chez Arabidopsis. C’est pourquoi nous avons voulu inactiver ce gène et explorer les conséquences phénotypiques d’une telle inactivation. 1.2 Répression génétique post-transcriptionnelle Il existe plusieurs façons d'inactiver un gène chez une plante. Chez Arabidopsis, la mutagenèse insertionnelle occupe une place de choix. Elle permet souvent l'obtention de lignées à allèle complètement nul dû à l'insertion d'un large segment d'ADN dans le gène d'intérêt, ce qui empêche la transcription. Dans le cas de complexes multimériques, la technique de dominants négatifs peut aussi être employée. Il s'agit de générer par transgénèse un monomère non fonctionnel qui éclipsera la forme multimérique active en liant les monomères sauvages. Il existe également une procédure dite d'ARN antisens. Elle agit en réduisant l'abondance d'un transcrit par l'insertion dans le génome de la plante d'un segment (antisens) du gène cible. Cette méthode est en fait un dérivé du système de répression génétique post-transcriptionnelle qui a été utilisé pour la fabrication des lignées réprimées AtMLH1 de cette étude. Ce dernier procédé est ici décrit de façon exhaustive. La répression génétique post-transcriptionnelle (PTGS, en anglais « post-transcriptional gene silencing ») a été découverte chez les plantes (Napoli et al., 1990) où, paradoxalement, la surexpression d’un transgène provoquait la répression des transcrits qui lui étaient homologues. Maintenant abondamment étudié, on sait que ce contrôle génétique agit par l'intermédiaire de petits ARN (siRNA) qui dirigent spécifiquement la dégradation d'ARNm cibles. Le PTGS n’est qu’une composante de tout un système de régulation complexe, comprenant également la répression génétique transcriptionnelle (TGS) et divers
9 éléments affectant l’expression de gènes tels que la méthylation de l’ADN et la structure de la chromatine. La correspondance entre ces éléments et le rôle clef des siRNA constituent une découverte majeure des dernières années dans la compréhension de l'expression des gènes et des phénomènes épigéniques, mettant en lumière un tout nouvel univers de régulation. Cette section sera consacrée aux mécanismes par lesquels le PTGS s'exprime et sur la façon d'en tirer profit pour des analyses génétiques. 1.2.1 Mécanismes et fonctions du PTGS La terminologie utilisée pour décrire ces mécanismes est parfois complexe. De façon à bien cerner les phénomènes reliés au PTGS, voici une description sommaire de ceux-ci. Le terme co-suppression est utilisé chez la plante pour décrire la répression d'un gène ou d'un transgène par un transgène homologue (Napoli et al., 1990). Cette répression peut agir soit via une réduction de la transcription des gènes affectés, soit via la modification du traitement des ARNm après transcription. Les deux phénomènes ne sont pas mutuellement exclusifs, mais agissent plutôt de façon concomitante. La réduction de la transcription se nomme répression génétique transcriptionnelle (TGS). Elle fait appel principalement à des mécanismes épigéniques comme la méthylation du promoteur ou de la séquence codante (Mette et al., 2000). Ce volet de la répression par ARN n'est pas encore complètement élucidé. Il fait l'objet d'intenses recherches dans des domaines connexes, tels les fonctions centromériques et le contrôle des éléments transposables (Llave et al., 2002; White et Allshire, 2004). L'altération de l'ARNm après transcription, visant une réduction de l'expression, se nomme répression génétique post-transcriptionnelle (PTGS). Ce terme est surtout employé chez les végétaux et les eucaryotes inférieurs, le mot « quelling » pour ce même mécanisme étant réservé aux champignons et l'expression « interférence d'ARN » (RNAi) s'adressant surtout aux animaux (Tang et al., 2002). Chez ces derniers, le RNAi agit soit en procédant à la dégradation des transcrits, soit en empêchant leur traduction. Chez les végétaux, le terme PTGS réfère surtout à la dégradation des transcrits, quoiqu'un effet traductionnel ne soit pas écarté. L'expression RNAi s'emploie également chez les plantes. Elle se rapporte alors le
10 plus souvent à l'induction artificielle du PTGS, par exemple lors de la création de « lignées RNAi » destinées à réprimer l'expression d'un gène. Le modèle actuel expliquant le PTGS s’appuie sur le rôle clef des ARN double brin (dsRNA) et des petits ARN interférants (siRNA) qui en dérivent. Selon ce modèle (Figure 4), les dsRNA présents dans une cellule seraient reconnus par une RNase nommée DICER (DCL1 à DCL4 chez A. thaliana [Schauer et al., 2002]) qui les dégraderait en petits ARN interférants d'environ 21 nucléotides. Ces siRNA guideraient alors le complexe multiprotéique à activité nucléasique RISC (« RNA-induced silencing complex ») de façon à cliver spécifiquement tout ARN leur étant homologue (y compris les ARNm fonctionnels), ce qui entraînerait la répression post-transcriptionnelle (Vaucheret et al., 2001). Plusieurs autres protéines ont un rôle en PTGS, dont les homologues Argonaute (AGO). Au nombre de 10 chez A. thaliana, ils sont impliqués autant en PTGS qu'en TGS et Figure 4. Mécanismes de la répression génétique post-transcriptionnelle. interagissent avec les siRNA et le complexe (Tiré de Voinet, 2002) RISC (Baulcombe, 2004). Les dsRNA peuvent être produits de plusieurs façons. L'expression de transgènes, virus ou transposons peut créer des ARNm aberrants (« abRNA ») qui sont rendus double brin par la synthèse du brin complémentaire via des ARN polymérases dépendantes de l’ARN, (SGS2 et SDE1 chez A. thaliana)(Meins, 2000 ; Vaucheret et al., 2001; Llave et al., 2002; Ketting et al., 1999). Des transgènes transcrits normalement mais conduisant à des ARN à structure double brin (insertion inversée-répétée) peuvent également déclencher ce mécanisme. De la même façon, des locus endogènes aux eucaryotes comportent des sections menant à la
11 production de petits ARN interférants (alors généralement appelés miRNA, ou stRNA chez C. elegans) dirigés contre des gènes régulant le développement (Mallory et al., 2004; Voinet, 2002). Des ARN viraux sont également la cible de ce processus, et des protéines virales ont évolué pour l'inhiber (Voinet et al., 2000). Le PTGS n'est donc pas un mécanisme isolé, mais une voie métabolique complexe et ramifiée, ayant des implications dans plusieurs systèmes cellulaires vitaux. 1.2.2 Rôles des petits ARN interférants. Les petits ARN interférants jouent plusieurs rôles clefs dans tous les mécanismes de répression par l’ARN. Premièrement, ils sont les agents responsables de la spécificité de la répression. Des études ont montré qu'une homologie parfaite sur au moins 18 nt consécutifs était essentielle pour mener à la dégradation du messager cible chez la plante (Thomas et al., 2001). Une telle séquence suffit à cibler un transcrit spécifique au sein d'un transcriptome. Chez les animaux, ce type d'homologie parfaite conduit aussi à la dégradation du messager par RISC, tandis qu'une homologie plus faible des petits ARN avec l'ARNm cible conduit à une répression traductionelle (Carrington et Ambros, 2003). On croit que ces petits ARN, qui comportent des mésappariements, s'apparient au messager cible durant la traduction. Ce type de petits ARN est associé aux miRNA chez les animaux. Les miRNA sont des siRNA produits par l'organisme pour jouer un rôle de régulation des messagers endogènes. Ils sont issus du clivage (par DICER) d'ARN partiellement double brin d'environ 70 nt transcrits du génome et comprenant des mésappariements et des boucles non-appariées (Voinet, 2002; Llave et al., 2002) (Tableau 1). On peut retrouver de tels précurseurs dans les régions intergéniques ou même dans des introns (Llave et al., 2002). En général, les miRNA sont exprimés de façon temporelle, sont complémentaires à la région 3' du messager cible et visent surtout des gènes impliqués dans le développement (Voinet, 2002). Contrairement aux siRNA qui sont double brin et doivent être désappariés par RISC pour diriger la répression, les miRNA sont directement simples brins. Plusieurs petits ARN régulant le développement végétal ont été découverts (Llave et al., 2002; Jones- Rhoades et Bartel, 2004). Cependant, par opposition au mécanisme animal, ceux-ci semblent généralement présenter une parfaite homologie avec les ARNm cibles et procéder
12 via une dégradation par RISC des messagers. Malgré cette règle générale, certains miRNA végétaux comportent des mésappariements par rapport à leur gène cible putatif et pour au moins un d'entre eux, miR172 (Chen, 2004), une activité de répression traductionnelle a été démontrée. Les siRNA ont également un rôle de messager, les mécanismes de répression par ARN étant transmissibles d'une cellule à une Tableau 1. Caractéristiques des différentes autre. Chez les végétaux, il a été classes de siRNA. proposé que cette tâche soit (Tiré de Voinet, 2002) attribuable à la fois aux siRNA de 21nt ainsi qu'à une classe de siRNA de plus grande taille (24-26nt) (Hamilton et al., 2002; Baulcombe, 2004). Il a été démontré que les siRNA de 21nt, en plus de cibler la dégradation des ARNm, opèrent une transmission du message de répression à faible distance (Himber et al., 2003). La seconde classe de siRNA végétal ne semble pas directement impliquée dans la dégradation d'ARN via le complexe RISC, mais corrèle dans certains cas avec l'établissement d'une répression systémique et l'adressage du TGS (Hamilton et al., 2002). Cependant, certaines études montrent que la présence de ces siRNA de 24-26nt n'est pas essentielle à ces deux phénomènes et suggèrent une action potentielle des précurseurs double brin comme messagers à longue distance et comme agents directeurs de la méthylation (Mallory et al., 2001). Chez le nématode, seule la classe de siRNA avoisinant les 21nt peut être détectée et un canal membranaire (SID1) exportant le dsRNA a été découvert (Winston et al., 2002), appuyant la dernière hypothèse chez le modèle animal. Cependant, la présence de siRNA et de miRNA dans le phloème et l'existence de protéines liant la forme simple brin
13 correspondante (Yoo et al., 2004) vont dans le sens d'un rôle majeur des siRNA dans la propagation du message de régulation chez la plante. Un autre type de transmission de message incombe également aux siRNA (ou peut-être aux dsRNA) chez les végétaux. Ils seraient responsables de cibler la méthylation de novo des résidus cytosines de certaines régions du génome de façon à effectuer une répression transcriptionnelle (TGS) (Aufsatz et al., 2002). Par opposition au PTGS, qui est un processus essentiellement cytoplasmique, la TGS est provoquée par une action nucléaire via des méthyltransférases. Ce mécanisme est l'apanage des végétaux et agirait par la méthylation des régions génomiques homologues aux siRNA, réprimant la transcription (Aufsatz et al., 2002). Cependant, des travaux chez la levure ont montré l'importance des protéines reliées à la répression par ARN pour la fonction (et la méthylation) du centromère et le remodelage de la chromatine, signes que cette implication dans la méthylation n'est pas restreinte aux plantes (White et Allshire, 2004). Les experts tendent maintenant à subdiviser en différentes voies les mécanismes de répression par ARN en fonction de leur action, des protéines impliquées et de leur compartimentation cellulaire (cytoplasme vs. noyau) tant leurs rôles sont répandus et variés. 1.2.3 Utilisation du PTGS en génétique fonctionnelle et génétique inverse Chez les animaux, les essais utilisant la répression par ARN sont généralement effectués en transformant directement des siRNA synthétiques ciblant un gène d'intérêt dans l'organisme étudié (souvent des cultures cellulaires). On obtient alors une répression transitoire du gène cible (Dykxhoorn et al., 2003). D'ailleurs, plusieurs paramètres empiriques guidant la construction de siRNA efficaces ont été découverts, certains s'adressant à l'efficacité de la répression, d'autres au temps de demi-vie des siRNA (et donc à la période efficace de répression) (Dykxhoorn et al., 2003). Des systèmes conduisant à une répression héritable fondés sur la production d'ARN double brin ont également été développés. D'autres dispositifs utilisent de courts ARN transcrits en trans, ou des ARN sous contrôle de promoteurs spécifiques à la polymérase III (Figure 5). Des mécanismes originaux utilisant des promoteurs inductibles ou spécifiques ont même permis de contrôler le moment où se
14 produit la répression (Stevens et al., 2004; Guo et al., 2003). L'acheminement dans la cellule de ces structures se fait alors par transgénèse traditionnelle. Contrairement aux animaux et aux levures, seules des techniques indirectes d'inactivation génétique ont pu être développées jusqu'à présent chez la plante. La répression génétique par ARN a donc permis d'envisager la recherche en biologie végétale sous un nouvel angle. Quoi qu'il existe également des techniques de PTGS à efficacité transitoire chez les végétaux (par exemple : le VIGS ou le PTGS par Figure 5. Techniques d'induction stable du PTGS. a)hpRNA par transcription de segment dupliqué-inversé. infiltration), nous discuterons b)Expressions en trans de courtes séquences complémentaires. ici de l'hpRNA, l'outil c)Court segment dupliqué-inversé sous promoteur de la principal utilisé pour polymérase III. d)Précurseur miRNA avec mésappariements. l'induction de PTGS stable (Tiré de Dykxhoorn et al., 2003) chez A. thaliana. 1.2.4 Induction du PTGS en génétique fonctionnelle végétale; les ihpRNA Wesley et al. (2001) ont développé une technique tirant profit du mécanisme de PTGS. Ils ont suggéré qu’un ARN en épingle à cheveux (abréviation «hpRNA», pour «hairpin RNA») pourrait se substituer à l’ARN double brin en PTGS. Un hpRNA est un brin d’ARN comprenant deux segments complémentaires qui s’apparient entre eux, formant un ARN bicaténaire. Il est issu de la transcription d'un même fragment d'ADN dupliqué, en direction inversée. En utilisant la séquence transcrite d'un gène d’intérêt pour fabriquer une
15 construction à insert dupliqué-inversé, il est donc possible de former un hpRNA qui jouera le rôle d'un dsRNA homologue au gène cible. Une fois le hpRNA dégradé par DICER, les siRNA produits dirigeront le clivage des ARNm fonctionnels de ce gène, entraînant une répression spécifique. Une fois le gène réprimé, il est possible d'examiner l'effet de son inactivation et d'ainsi en dégager la fonction. Des vecteurs plasmidiques (pHANNIBAL et pKANNIBAL) permettant la fabrication facile de constructions de type hpRNA ont été générés (Figure 6) (Wesley et al., 2001). La technique a même été raffinée par l’ajout d’un intron entre les deux segments complémentaires du hpRNA, ce qui améliore pour une raison inconnue l’efficacité de la répression (Smith et al., 2000). Ces structures comportant un intron se nomment « ihpRNA » et ont été utilisées avec succès dans plusieurs études fonctionnelles. Figure 6. Structure du vecteur pHANNIBAL et procédure pour la création d'une construction ihpRNA. (Modifié de Wesley et al., 2001) 1.2.5 Avantages du PTGS La répression génétique post-transcriptionnelle présente plusieurs avantages. D'abord, cette technique est beaucoup moins fastidieuse que la mutagénèse insertionnelle, où le criblage d'une banque de plusieurs milliers de graines est requis. De plus, le PTGS est exportable à toutes les espèces végétales (où la transgénèse est possible), contrairement à la mutagénèse insertionnelle qui ne peut être utilisée que chez Arabidopsis (Wesley et al., 2001). Le PTGS conduit à la répression de toutes les copies d'un même gène, à l'opposé de la mutagénèse insertionnelle qui n'affecte que la copie génomique où le T-DNA s'est inséré.
16 Contrairement aux dominants négatifs pour lesquels seules se prêtent à l'utilisation les protéines multimériques dont la structure a été caractérisée en détail, le PTGS est applicable à tous les types de gènes dont la séquence a été clonée. Beaucoup plus efficace que l'ARN antisens, elle mène à une répression mesurable chez 60 à 100% des lignées produites (Chuang and Meyerowitz, 2000; Wesley et al., 2001). Pour la technique d'ARN antisens, ce nombre de lignées efficacement réprimées avoisine plutôt les 15 % (Wesley et al., 2001). De plus, plusieurs caractères généraux font du PTGS une technique avantageuse. La variation d'intensité de répression souvent constatée d'une lignée à une autre peut permettre l'observation de phénotypes nuancés ou encore la viabilité de mutants qui seraient autrement létaux lors d'une inactivation complète. Finalement, le phénotype de répression - qui est héréditaire- demeure constant au sein des générations et ségrège comme un caractère mendélien dominant, observable même chez l’hétérozygote (Chuang et Meyerowitz, 2000).
17 1.3 Problématique L'étude du complexe MMR présente des motivations autant fondamentales que pratiques. Vraisemblablement impliqué dans le maintien de l'intégrité du génome, dans les processus de recombinaison ainsi que dans certains mécanismes méiotiques, il remplirait chez les végétaux un rôle capital dont l'appréciation est essentielle. D'un point de vue appliqué, le contrôle exercé par ces protéines sur la promiscuité des échanges génétiques est d'intérêt pour le développement de nouveaux cultivars, par croisement entre plantes plus ou moins distantes sur le plan phylogénétique. La compréhension -et le contrôle- de ce système offre donc des retombées concrètes. Le développement des techniques de PTGS pour l'inactivation de gènes chez les végétaux permet d’explorer la fonction des gènes MMR. Ceux-ci ayant été clonés, leur séquence est disponible pour la création de constructions ihpRNA et la répression des gènes sauvages. Les phénotypes observés après répression nous instruiront sur le rôle spécifique de ce complexe chez la plante. L'impact sur le taux de mutation, sur le niveau de recombinaison et sur les événements méiotiques pourra être investigué efficacement.
18 1.4 Objectifs Cette étude a pour but l'inactivation par PTGS du gène AtMLH1, un gène majeur du complexe MMR, de façon à en dégager la fonction chez la plante. Ce gène est particulièrement significatif puisqu'il constitue la composante centrale de tous les complexes MutL. L'hypothèse de recherche se divise en deux volets. Premièrement, nous soutenons qu'il est possible d'effectuer une répression génétique post-transcriptionnelle du gène AtMLH1 chez A. thaliana en utilisant une construction de type ihpRNA. En second lieu, nous croyons que la répression de ce gène mènera à la perte de certains mécanismes de correction d'erreur, de contrôle d'homologie de recombinaison et/ou de stabilité lors de la recombinaison méiotique. Le phénotype général des plantes réprimées doit donc être examiné en conséquence, en portant une attention particulière à un accroissement potentiel du taux de mutation (dû à la perte de mécanismes de correction). Concrètement, les objectifs sont : 1) Fabriquer et introduire des constructions ihpRNA dirigées contre le gène AtMLH1 chez A. thaliana. 2) Caractériser les lignées et isoler celles présentant un seul locus d'insertion et une répression maximale du gène sauvage. 3) Documenter et étudier les phénotypes obtenus, plus précisément au niveau du taux de mutation, en croisant avec des systèmes rapporteurs du taux de mutations (lignées développées au laboratoire).
19 CHAPITRE 2 ihpRNA-mediated post-transcriptional gene silencing of AtMLH1, an Arabidopsis thaliana DNA mismatch repair gene. (Manuscript) Olivier Domingue1, Martine Jean1 and François J. Belzile1* 1 Département de phytologie, Université Laval, Québec, G1K 7P4, Canada * Author to whom correspondence should be addressed: F.J. Belzile 1243 Pavillon C.E. Marchand, Université Laval, Québec, G1K 7P4, Canada Tel. 1-418-656-2131 ext. 5763, Fax: 1-418-656-7176, E-mail: fbelzile@rsvs.ulaval.ca
20 Résumé Afin d’inactiver le gène AtMLH1, une construction de type ihpRNA a été créée en insérant un fragment de 526 pb de ce gène en directions sens et anti-sens dans le vecteur pHANNIBAL, de part et d'autre d'un intron. Cinq lignées réprimées (ou RNAi de l’anglais « RNA interference »;) présentant une insertion du T-DNA à un seul locus ont été identifiées. Les lignées ihpMLH1-63, -70 et -73 présentent une forte réduction de transcrit du gène AtMLH1, soit 10 % de celui observé chez le type sauvage. La lignée ihpMLH1-51 présente une quantité de transcrit intermédiaire (~30% du sauvage), tandis que la lignée ihpMLH1-54 ne montre qu’un abaissement modeste du niveau d'ARN messager (~60% du sauvage), tel qu’évalué par RT-PCR semi-quantitative. Une étude northern a permis l’observation de petits ARN interférants, ou siRNA (« small interfering RNA »), les signatures moléculaires témoignant de l’efficacité du PTGS. L’abondance relative de ces siRNA semble corrélée à l'intensité de la répression observée. Ainsi, ces analyses ont permis de confirmer qu’une inactivation significative du gène AtMLH1 a été obtenue chez certaines lignées. Les cinq lignées RNAi identifiées ont été croisées à des lignées rapportrices de l’instabilité des microsatellites. Notre attente était que l’inactivation du gène AtMLH1 entraînerait un accroissement de l’instabilité des microsatellites, phénomène que nos rapporteurs mesurent aisément. Malheureusement, il semblerait que l'expression des gènes rapporteurs ait été abolie suite à un phénomène de co-suppression. Cela a donc rendu impossible l’examen des conséquences phénotypiques de la répression post- transcriptionnelle du gène AtMLH1. De futurs travaux, faisant appel à d’autres lignées rapportrices, permettront vraisemblablement de documenter les conséquences phénotypiques d’une inactivation du gène AtMLH1.
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