INDUCTION DE RÉPRESSION GÉNÉTIQUE POST-TRANSCRIPTIONNELLE DE ATMLH1, UN DES PRINCIPAUX GÈNES DE CORRECTION DES MÉSAPPARIEMENTS DE L'ADN CHEZ ...

 
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INDUCTION DE RÉPRESSION GÉNÉTIQUE POST-TRANSCRIPTIONNELLE DE ATMLH1, UN DES PRINCIPAUX GÈNES DE CORRECTION DES MÉSAPPARIEMENTS DE L'ADN CHEZ ...
OLIVIER DOMINGUE

 INDUCTION DE RÉPRESSION GÉNÉTIQUE POST-
   TRANSCRIPTIONNELLE DE ATMLH1, UN DES
    PRINCIPAUX GÈNES DE CORRECTION DES
      MÉSAPPARIEMENTS DE L’ADN CHEZ
           ARABIDOPSIS THALIANA

                                    Mémoire présenté
                à la Faculté des études supérieures de l'Université Laval
              dans le cadre du programme de maîtrise en biologie végétale
                pour l’obtention du grade de maître ès sciences (M. Sc.)

   FACULTÉ DES SCIENCES DE L’AGRICULTURE ET DE L’ALIMENTATION
                        UNIVERSITÉ LAVAL
                             QUÉBEC

                                    AVRIL 2005

© Olivier Domingue, 2005
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                                        RÉSUMÉ

Afin de caractériser sa fonction, des lignées transgéniques de type ihpRNA ont été
produites pour induire une inactivation spécifique du gène AtMLH1 chez Arabidopsis
thaliana. Elles ont été générées en transformant la plante avec un vecteur comportant un
même fragment du gène AtMLH1 inséré en directions sens et anti-sens. Cinq lignées
montrant un éventail d'intensités de répression ont été rigoureusement analysées. Trois
lignées, ihpMLH1-63, -70 et -73, présentaient une forte réduction de l’abondance du
transcrit (~10 % du sauvage), une (ihpMLH1-51) montrait un abaissement intermédiaire
(~30 % du sauvage) et une dernière (ihpMLH1-54) n’avait qu’une inactivation mineure
(~60 %), tel que mesuré par RT-PCR semi-quantitatif. Une étude northern a permis de
détecter des siRNA dont l’abondance était corrélée avec l’intensité de la répression.
L’étude des conséquences phénotypiques de l’inactivation du gène AtMLH1 a été amorcée
en examinant son impact sur l’instabilité des microsatellites via un gène rapporteur. Dû à
un phénomène de co-suppression, cette analyse n'a pas été informative. Les conséquences
de l’inactivation du gène AtMLH1 feront donc l'objet de futurs travaux.
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                                     AVANT-PROPOS
Cet ouvrage a été rédigé sous forme de mémoire avec insertion d'article. J'ai entièrement
composé le manuscrit formant le corps du travail (Olivier Domingue, bachelier en biologie
-spécialisation biotechnologie- de l'Université de Sherbrooke, premier auteur). Les résultats
obtenus sont également l'œuvre de mes travaux, conseillé et dirigé par Dre Martine Jean,
professionnelle de recherche (seconde auteure), et par Dr François Belzile, directeur de
recherche   (troisième    auteur).   Le   manuscrit    s'intitule   «ihpRNA-mediated      post-
transcriptional gene silencing of AtMLH1, an Arabidopsis thaliana DNA mismatch repair
gene.» et traite de la production de lignées réprimées du gène végétal de correction de
mésappariements AtMLH1. Il sera soumis sous cette forme ou en version modifiée,
conjointement aux recherches doctorales de M. Eric Dion (étudiant au laboratoire du Dr
François Belzile), à un périodique spécialisé en génétique moléculaire végétale.

En plus du travail décrit plus haut, j’ai également contribué au projet de recherche doctorale
de M. Abdourahamane Alou. Cette contribution m’a valu d’être co-auteur d’un article de la
thèse de ce dernier (Alou et al., 2004). Comme il n’y avait pas de lien direct entre ce travail
et le corps principal du mémoire, cet article a été placé en annexe, précédé d’un court texte
détaillant ma contribution à celui-ci.

D'autre part, je tiens à utiliser l'espace qui m'est ici alloué pour remercier tous ceux qui
m'ont apporté aide et conseils durant ma maîtrise.

Je voudrais d'abord remercier mon directeur de recherche, M. François Belzile, pour son
attention, sa disponibilité et surtout pour l’attitude calme et optimiste qu’il a conservée tout
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au long de ce travail de maîtrise. Ses conseils m’ont régulièrement aidé à remettre les
choses en perspective et à mener à bien mes recherches.

J’aimerais également adresser des remerciements particuliers à Martine Jean, Samuel
Santerre-Ayotte, Eric Dion et Abdourahamane Alou pour l'aide qu’ils m’ont chacun
apportée au cours de diverses expériences et pour les discussions enrichissantes que leur
interaction a suscitée.

De façon plus générale, je remercie également tous les membres du laboratoire qui ont fait
de mon séjour à l'Université Laval une expérience unique, soit Liang, Vicky, Cindy, Eric
B., Aïda, Julien, Isabelle, Maxime, Suzanne, Tung, Geneviève, Ana, Mélanie et Éveline.

Je tiens à remercier par dessus tout ma copine Mélissa; sa patience infinie et son amour
m’ont été d’un support inestimable tout au long de ces deux années passées à Québec.

Enfin, ce travail de recherche a été soutenu et financé par le Conseil de Recherche en
Sciences Naturelles et en Génie du Canada.
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« If we knew what we were doing,
it wouldn't be called research, would it ? »
                              Albert Einstein
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                              TABLE DES MATIÈRES
RÉSUMÉ                                                             ii
AVANT-PROPOS                                                      iii
TABLE DES MATIÈRES                                                vi
LISTE DES TABLEAUX                                               viii
LISTE DES FIGURES                                                 ix
LISTE DES SYMBOLES ET ABRÉVIATIONS                                 x

CHAPITRE1: INTRODUCTION                                            1
1.1 Le Système MMR                                                 1
         1.1.1       Rôle du MMR dans la correction des
                     mésappariements lors de la réplication        1
         1.1.2       Rôle du système MMR dans les
                     phénomènes de recombinaison                   5
         1.1.3       Rôle du système MMR au cours de la méiose     7
         1.1.4       Le système MMR chez la plante                 7

     1.2 Répression génétique post-transcriptionnelle              8
         1.2.1       Mécanismes et fonctions du PTGS               9
         1.2.2       Rôles des petits ARN interférants            11
         1.2.3       Utilisation du PTGS en génétique
                     fonctionnelle et génétique inverse           13
         1.2.4       Induction du PTGS en génétique
                     fonctionnelle végétale; les ihpRNA           14
         1.2.5       Avantages du PTGS                            15

     1.3 Problématique                                            17

     1.4 Objectifs                                                18
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CHAPITRE 2: ihpRNA-mediated post-transcriptional gene silencing
              of AtMLH1, an Arabidopsis thaliana DNA mismatch repair gene   19
        Résumé du manuscrit                                                 20
        Summary                                                             21
        Introduction                                                        22
        Materials and methods                                               25
             Construction of the ihpRNA construct for RNAi silencing        25
             Plant transformation, selection and growth                     25
             RNA Extraction and reverse Transcriptase-Mediated PCR          26
             Visualization of small RNA fragments (siRNA)                   26
             Northern blot analysis                                         27
             Crosses of the ihpMLH1 RNAi lines with GUS reporter lines      27
             Histochemical GUS assay                                        28

        Results                                                             29
             Production of AtMLH1 RNAi lines                                29
             Analysis of AtMLH1 mRNA level in RNAi T2 plants                29
             The presence of siRNA correlates with the level
             of AtMLH1 transcript                                           30
             Cross with microsatellite instability reporter line            30
             Observed co-suppression of transgenes                          30

        Discussion                                                          32
        Acknowledgements                                                    41
        References                                                          41

CHAPITRE 3 : CONCLUSION                                                     44

BIBLIOGRAPHIE                                                               48

ANNEXES                                                                     53
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                                    LISTE DES TABLEAUX

CHAPITRE 1:

Tableau 1 : Caractéristiques des différentes classes de siRNA     12

CHAPITRE 2:

Tableau 1 : Primers used in the making of the ihpRNA construct,
            probe synthesis, PCR and RT-PCR experiments           36
ix

                                   LISTE DES FIGURES

CHAPITRE 1:

Figure 1 : Modèle de reconnaissance et de réparation des
           mésappariements par le système MMR                               2

Figure 2 : Homo- ou hétérodimères formés des homologues
           de MutS et MutL en fonction des types de mésappariements
           corrigés chez différents organismes                              4

Figure 3 : Prise en charge d'hétéroduplexes contenant des
           mésappariements par le système MMR                               6

Figure 4 : Mécanismes de la répression génétique post-transcriptionnelle   10

Figure 5 : Techniques d'induction stable du PTGS                           14

Figure 6 : Structure du vecteur pHANNIBAL et procédure
          pour la création d'une construction ihpRNA                       15

CHAPITRE 2:

Figure 1 : RT-PCR analysis of AtMLH1 transcript level in five RNAi lines   37

Figure 2 : Northern detection of siRNA in five RNAi lines and
          its correlation with transcript levels                           38

Figure 3 : Northern analysis of the GUS transcript
          in F1 (ihpMLH1 x 131D) plants                                    39

Figure 4 : Partial resistance to kanamycin in F1 plants                    40
x

                      LISTE DES SYMBOLES ET ABRÉVIATIONS

abRNA : ARN aberrant
ADN : Acide désoxyribonucléique
ARN : Acide ribonucléique
ARNm: ARN messager
ATP : Adénosine triphosphate
°C : degré Celsius
cDNA: ADN complémentaire
DICER : ribonucléase de type III intervenant en PTGS
dsRNA: ARN double brin
hpRNA: ARN en épingle à cheveux
ihpRNA: ARN en épingle à cheveux comportant un intron
mg: Milligramme
min: Minute
miRNA: Micro ARN
mM: Millimolaire
MLH : Homologue de MutL
MMR : Correction des mésappariements
MSH : Homologue de MutS
MSI: Instabilité des microsatellites
nt: Nucléotide
pb : Paire de bases
PCR : Réaction de polymérisation en chaîne
PMS : Ségrégation post-méiotique
PTGS: Répression génétique post-transcriptionnelle
RISC: Complexe d’inactivation génétique induit par ARN
RNAi: Interférence d'ARN
RT-(PCR): Amplification PCR d'une réaction de transcription inverse
sec: Seconde
siRNA: Petits ARN interférants
stRNA: Petits ARN temporels
T-DNA : ADN de transfert
TGS: Répression génétique transcriptionnelle
xi

µl: Microlitre
µg: Microgramme
VIGS: Répression génétique induite par un virus
1

                           CHAPITRE 1 : INTRODUCTION
Les êtres vivants sont constamment exposés aux effets dommageables d'agents mutagènes.
Plusieurs de ces agents sont d’origine exogène tels que les radiations, les métaux lourds et
autres composés chimiques mutagènes qui entrent en contact avec les plantes. Par ailleurs,
il existe également de nombreux agents nocifs qui sont produits par la cellule elle-même
tels que des dérivés du métabolisme naturel (peroxyde, oxyde nitrique, composés
phénoliques, etc.). Finalement, les erreurs inhérentes aux processus de réplication de l'ADN
contribuent également aux stress que subit le génome. Comme une seule mutation peut
s'avérer fatale, plusieurs mécanismes ont évolué pour limiter ces dégâts. L’un d’eux, le
système MMR, pour « Mismatch Repair » ou correction des mésappariements, est quasi
ubiquiste chez les êtres vivants et constitue une arme de première importance contre les
mutations. Ce travail visait à contribuer à une meilleure compréhension fonctionnelle de ce
système chez la plante-modèle Arabidopis thaliana en tirant profit des plus récentes
découvertes au niveau de l'expression génétique. Les bases sous-jacentes à cette recherche
se divisent en deux volets qui sont ici revus, soit le système MMR et la technique de
répression génétique post-transcriptionnelle (PTGS).

1.1 Le système MMR
Dans l’optique d’une compréhension approfondie du système MMR, il sera discuté ici de
son activité de correction des mésappariements lors de la réplication, de son implication
dans les phénomènes de recombinaison, de son rôle lors de la méiose et, enfin, de l'état des
connaissances de ce système chez la plante.

1.1.1   Rôle du MMR dans la correction des mésappariements lors de la réplication
La réplication de l'ADN lors des divisions cellulaires est un événement hautement
sophistiqué. Plusieurs milliards de paires de bases doivent être agencées de façon exacte
pour maintenir la fidélité des informations du brin mère au brin répliqué. De nombreux
mécanismes s’emploient donc à réduire le nombre d’erreurs et à corriger celles qui se
produisent lors de la polymérisation.
2

La polymérase elle-même exhibe un très faible taux d’erreur (entre 10-3 et 10-6 par
nucléotide incorporé et par division cellulaire) en plus de posséder un mécanisme de
correction sur épreuve (Kunkel et Bebeneck, 2000). Ce dernier mécanisme réduit le nombre
d’erreurs à un taux avoisinant 10-7 (de Wind et Hays, 2001). Les erreurs ayant échappé à ce
contrôle rigoureux peuvent ensuite être prises en charge par les systèmes de correction de
l'ADN, tout particulièrement par le système MMR.

                                                  Le système MMR s’illustre facilement
                                                  par son paradigme bactérien largement
                                                  caractérisé. Chez E. coli, il se compose
                                                  de trois protéines, MutS, MutL et MutH,
                                                  dont les deux premières agissent en
                                                  homodimères.

                                                  MutS est une ATPase dont le rôle est de
                                                  reconnaître       les      mésappariements.
                                                  Structurellement, elle possède trois sites
                                                  conservés :    une       région    C-terminale
                                                  impliquée dans la dimérisation, une
                                                  région liant/hydrolysant l’ATP et une
                                                  région N-terminale reconnaissant/liant le
                                                  mésappariement          (Harfe       et      Jinks-
                                                  Robertson, 2000). Chez les procaryotes,
                                                  MutS     lie    tous       les       types      de
                                                  mésappariements (à l'exception des C/C)
                                                  ainsi   que       les      courtes        boucles
                                                  nucléotidiques (≤ 4 nt.) (de Wind et
                                                  Hays,    2001).         Bien      que     chaque

Figure 1. Modèle de reconnaissance et de          monomère contacte l’ADN, un seul lie
réparation de mésappariements par le système      réellement le mésappariement, décrivant
MMR.
(Tiré de Harfe et Jinks-Robertson, 2000)          un dimorphisme structurel rappelant
3

l’hétérodimérisation du système eucaryote (Schofield and Hsieh, 2003). La fonction exacte
de l’activité ATPase n’est pas claire, mais il semblerait que la liaison et l’hydrolyse de
l’ATP conduisent à des changements structuraux entraînant les étapes subséquentes de la
correction d’erreurs (Wu et Marinus, 1994).

MutH est une endonucléase qui a pour fonction de cliver le brin nouvellement synthétisé
contenant l'erreur. La discrimination est possible grâce à l’état transitoire non-méthylé du
brin nouvellement formé (Harfe et Jinks-Robertson, 2000). Ainsi, MutH reconnaît le brin
fille via ses sites GATC non-méthylés et y induit une coupure simple brin (Figure 1). Cette
activité est strictement dépendante des mésappariements et est stimulée par la formation du
complexe MutHLS. Une fois le brin clivé, celui-ci est spécifiquement dégradé (activité
exonucléase 5’→3’ ou 3’→5’ selon le côté où le clivage a eu lieu) de façon à permettre une
resynthèse et donc, la correction de l’erreur (Cooper et al., 1993). L’activité
exonucléotidique requiert l'intervention de l'hélicase UvrD.

MutL, tout comme MutS, est une ATPase agissant sous forme d’homodimère. Son rôle,
quoique essentiel (Harfe et Jinks-Robertson, 2000), est cependant moins clair. On croit
qu’il serait principalement structurel et que cette protéine agirait de façon à coordonner
chacune des composantes du système MutHLS (Schofield et Hsieh, 2003). On sait par
exemple que MutL lie directement MutS, MutH et UvrD, pouvant activer ces deux
dernières protéines (Hall et Matson, 1999). Plusieurs sites conservés ont été identifiés,
indiquant que les sites de dimérisation et d’interaction avec MutS, MutH et UvrD se
trouvent en C-terminal tandis que la région N-terminale contiendrait le site de
liaison/hydrolyse d’ATP (Ban et al., 1998). Encore une fois, l'activité ATPase de MutL,
provoquant des changements de conformation, reste nébuleuse.

Chez les eucaryotes, le système MMR est semblable dans ses grandes lignes. Cependant, il
existe deux différences principales, soit la présence de plusieurs homologues
fonctionnellement spécialisés et l’absence d’homologue de MutH.
4

En effet, les homologues eucaryotes de MutS (MSH ; de l’anglais « MutS Homolog ») et de
MutL (MLH et PMS, de l’anglais « MutL Homolog » et « Post-Meiotic Segregation ») sont
présents en plusieurs copies distinctes, chacune ayant acquis des fonctions spécialisées.
Ainsi, la protéine MSH1 est codée par un gène nucléaire mais est exportée vers les
mitochondries où elle est responsable du maintien de l'intégrité du génome de cet organite
(Harfe et Jinks-Robertson, 2000). Les homologues MSH4 et MSH5, lorsque présents, ont
acquis une fonction extérieure à la correction d’erreurs et sont plutôt impliqués dans la
méiose (Schofield et Hsieh, 2003). La correction d’erreurs elle-même s’effectue via des
hétérodimères possédant différentes spécificités (Figure 2). L’homologue MSH2 est présent
dans tous les complexes de correction nucléaire, en hétérodimère avec les autres
homologues de MutS. Le complexe MSH2/MSH6 (MutSα) reconnaît les mésappariements
et les boucles d’insertion/délétion, tandis que MSH2/MSH3 (MutSβ) lie les boucles de
tailles variables, mais pas les mésappariements (Marti et al., 2002). Les homologues de
MutL s’agencent également avec les complexes MSH, remplissant le même rôle que chez
les procaryotes. MLH1 est le noyau central présent dans tous les hétérodimères, en
combinaison avec les autres homologues MLH ou PMS.

   Figure 2. Homo- ou hétérodimères formés des homologues de MutS et MutL en
   fonction des types de mésappariements corrigés chez différents organismes.
   (Tiré de Marti et al., 2002)

La seconde différence a trait à l’absence d'homologue de MutH ; aucun homologue de cette
protéine n’a pu être identifié clairement à ce jour chez les eucaryotes. De plus, le système
exact de méthylation des séquences GATC n'est pas strictement conservé chez les
5

organismes supérieurs. En suggérant que la méthylation joue toujours un rôle dans la
reconnaissance et le clivage du brin nouvellement synthétisé, il devrait reposer sur un
mécanisme plus sophistiqué qui reste encore à élucider. Certaines expériences suggèrent
que la cassure simple brin des fragments d’Okazaki du brin à synthèse discontinue pourrait
constituer un substrat adéquat pour la dégradation (Pavlov et al., 2003). Les suggestions
proposées pour expliquer la correction d’erreurs sur le brin à synthèse continue sont
toutefois encore plus discutées.

1.1.2   Rôle du système MMR dans les phénomènes de recombinaison
Le système MMR a également une implication importante dans les processus de
recombinaison. La recombinaison implique la mise en commun de brins d’ADN provenant
de différents duplexes. Lorsque les deux séquences ne sont pas identiques (séquences
hétérologues), il en résulte la formation de mésappariements pouvant être reconnus par les
protéines du MMR. Le système MMR peut traiter ces mésappariements de deux façons:
soit en procédant à la « correction » du mésappariement, soit en faisant avorter le processus
de recombinaison (anti-recombinaison) (Figure 3).

La correction de mésappariements lors d'un événement de recombinaison chez les
eucaryotes mène à un phénomène appelé conversion génique. Il s’agit d’un événement où
l'information contenue sur un chromosome est remplacée par l’information présente sur le
chromosome avec lequel il recombine, menant à une ségrégation non-mendélienne des
produits (de Wind et Hays, 2001). Des mutants nuls des gènes MMR chez la levure
empêchent ce type de réparation, conduisant à un duplexe d’ADN hétérologue où chacun
des allèles ségréguera à la première mitose suivant la méiose (Williamson et al., 1985). Ce
phénomène de ségrégation post-méiotique est à l'origine de la découverte d’homologues
eucaryotes de MutL.

L’anti-recombinaison est un mécanisme d'une grande importance sur le plan du maintien de
l’intégrité du génome et il joue un rôle déterminant dans l’évolution. Cette fonction d’anti-
recombinaison contribue à limiter les échanges génétiques qu’on pourrait qualifier
d’illégitimes entre des séquences hétérologues. Il a été suggéré qu’il constitue un des
6

obstacles majeurs au transfert de matériel génétique entre espèces et un joueur important
dans le processus de spéciation (Rayssiguier et al, 1989).

L’anti-recombinaison a été démontrée pour la première fois par Rayssiguier et al. en 1989.
En utilisant des souches bactériennes au système MMR déficient, les auteurs ont observé
une augmentation de recombinaison de 1000 fois lors de la conjugaison entre deux espèces
de bactéries. Ainsi, il a été suggéré que le système MMR agit de manière à inhiber la
recombinaison entre séquences hétérologues.

Deux modèles ont été
proposés              pour
expliquer      cet    effet
d’anti-recombinaison.
Le premier modèle, dit
destructif, implique la
dégradation             de
l'hétéroduplexe par la
formation de multiples
cassures simple brin
dépendantes de MutH           Figure 3. Prise en charge d'hétéroduplexes contenant des
                              mésappariements (M) par le système MMR.
(Rayssiguier     et    al,
                              a) Conversion génique où se situait les mésappariements (CM)
1989). Ce modèle est          b) Rejet de l'hétéroduplexe: anti-recombinaison
                              (Modifié de de Wind et Hays, 2001)
cependant contestable,
puisque des recherches ont montré qu'un plasmide contenant jusqu'à 18% de
mésappariement (inséré par transformation) n'est pas dégradé par la bactérie
(Westmoreland et al., 1997). Le second mécanisme proposé est appelé modèle non-
destructif de rejet de l'hétéroduplexe (Rayssiguier et al, 1989). Dans ce modèle,
l'événement de recombinaison serait renversé par la simple reconnaissance des
mésappariements, sans clivage de l’hétéroduplexe intermédiaire. Les données amassées à
ce jour chez la levure et chez E. coli vont en ce sens. Il a été démontré que l'anti-
recombinaison s’exerce principalement via la reconnaissance des mésappariements par les
7

hétérodimères MSH. Ceux-ci interagiraient même avec les protéines impliquées dans
l’échange des brins (telles RecA), bloquant leur fonction et inhibant la recombinaison
(Worth et al., 1998).

La recombinaison hétérologue serait donc soumise successivement à deux contrôles du
MMR. Un premier, tôt dans la formation de l’hétéroduplexe et indépendant de toute
coupure simple brin, régulerait l’homologie nécessaire pour permettre un événement de
recombinaison. Un second, une fois l'hétéroduplexe formé, corrigerait les mésappariements
existants selon le modèle de dégradation et de resynthèse.

1.1.3   Rôle du système MMR au cours de la méiose
La présence chez les eucaryotes de multiples homologues de MutS a permis le
développement de divergences fonctionnelles. Ainsi, les protéines MSH4 et MSH5 ne
jouent aucun rôle dans la reconnaissance des mésappariements, étant vraisemblablement
impliquées dans la stabilisation des structures de recombinaison méiotique (Harfe et Jinks-
Robertson, 2000). Agissant également en dimères, ces complexes interagissent directement
avec l'ADN au site de recombinaison. Des mutants nuls de ces gènes chez la levure ont
montré une chute de près de 50 % de la recombinaison méiotique (Ross-Macdonald et
Roeder, 1994). Des mutants mlh présentent également une réduction du taux de
recombinaison méiotique ainsi qu’un subtil phénotype de biais de ségrégation (Wang et al.,
1999), observation conséquente à leur interaction avec MSH4 et MSH5. Chez la souris, les
mutants msh4, msh5, mlh1 et pms2 exhibent des phénotypes de stérilité attribués à cette
fonction méiotique (Harfe et Jinks-Robertson, 2000). Il est très intéressant de constater que
les mêmes protéines, dans des contextes différents, peuvent avoir des rôles totalement
opposés: soit d’empêcher la recombinaison, ou encore de promouvoir celle-ci.

1.1.4   Le système MMR chez la plante
Grâce à la forte homologie interspécifique de ces gènes, sept homologues de MutS
(AtMSH-1 à 7) (Culligan et al., 2000; Adé et al., 1999) et trois homologues de MutL
(AtMLH1, AtMLH3 et AtPMS1) (Alou et al., 2004a et b; Jean et al., 1999) ont récemment
été identifiés et clonés chez Arabidopsis thaliana. AtMSH7 est unique aux plantes et des
8

études ont montré que le dimère AtMSH2/AtMSH7 possède un spectre de reconnaissance
différent des autres complexes AtMSH (Culligan et Hays, 2000). Ces données reflètent soit
l’existence d’erreurs propres aux végétaux (pris en charge par AtMSH7), soit la gestion par
AtMSH7 d’erreurs corrigées par les complexes classiques chez les autres organismes. Des
études sur la fonction des gènes AtMSH2 et AtPMS1 révèlent leur implication dans
l’instabilité des microsatellites, un phénomène très intimement rattaché à la correction des
erreurs de réplication et observé chez les autres eucaryotes (Alou et al., 2004a; Leonard et
al., 2003; Tran et al., 1997). Pour l’instant, cependant, aucun travail de ce type n’a été
publié sur les fonctions du gène AtMLH1 chez Arabidopsis. C’est pourquoi nous avons
voulu inactiver ce gène et explorer les conséquences phénotypiques d’une telle inactivation.

1.2 Répression génétique post-transcriptionnelle
Il existe plusieurs façons d'inactiver un gène chez une plante. Chez Arabidopsis, la
mutagenèse insertionnelle occupe une place de choix. Elle permet souvent l'obtention de
lignées à allèle complètement nul dû à l'insertion d'un large segment d'ADN dans le gène
d'intérêt, ce qui empêche la transcription. Dans le cas de complexes multimériques, la
technique de dominants négatifs peut aussi être employée. Il s'agit de générer par
transgénèse un monomère non fonctionnel qui éclipsera la forme multimérique active en
liant les monomères sauvages. Il existe également une procédure dite d'ARN antisens. Elle
agit en réduisant l'abondance d'un transcrit par l'insertion dans le génome de la plante d'un
segment (antisens) du gène cible. Cette méthode est en fait un dérivé du système de
répression génétique post-transcriptionnelle qui a été utilisé pour la fabrication des lignées
réprimées AtMLH1 de cette étude. Ce dernier procédé est ici décrit de façon exhaustive.

La répression génétique post-transcriptionnelle (PTGS, en anglais « post-transcriptional
gene silencing ») a été découverte chez les plantes (Napoli et al., 1990) où,
paradoxalement, la surexpression d’un transgène provoquait la répression des transcrits qui
lui étaient homologues. Maintenant abondamment étudié, on sait que ce contrôle génétique
agit par l'intermédiaire de petits ARN (siRNA) qui dirigent spécifiquement la dégradation
d'ARNm cibles. Le PTGS n’est qu’une composante de tout un système de régulation
complexe, comprenant également la répression génétique transcriptionnelle (TGS) et divers
9

éléments affectant l’expression de gènes tels que la méthylation de l’ADN et la structure de
la chromatine. La correspondance entre ces éléments et le rôle clef des siRNA constituent
une découverte majeure des dernières années dans la compréhension de l'expression des
gènes et des phénomènes épigéniques, mettant en lumière un tout nouvel univers de
régulation. Cette section sera consacrée aux mécanismes par lesquels le PTGS s'exprime et
sur la façon d'en tirer profit pour des analyses génétiques.

1.2.1 Mécanismes et fonctions du PTGS
La terminologie utilisée pour décrire ces mécanismes est parfois complexe. De façon à bien
cerner les phénomènes reliés au PTGS, voici une description sommaire de ceux-ci.

Le terme co-suppression est utilisé chez la plante pour décrire la répression d'un gène ou
d'un transgène par un transgène homologue (Napoli et al., 1990). Cette répression peut agir
soit via une réduction de la transcription des gènes affectés, soit via la modification du
traitement des ARNm après transcription. Les deux phénomènes ne sont pas mutuellement
exclusifs, mais agissent plutôt de façon concomitante.

La réduction de la transcription se nomme répression génétique transcriptionnelle (TGS).
Elle fait appel principalement à des mécanismes épigéniques comme la méthylation du
promoteur ou de la séquence codante (Mette et al., 2000). Ce volet de la répression par
ARN n'est pas encore complètement élucidé. Il fait l'objet d'intenses recherches dans des
domaines connexes, tels les fonctions centromériques et le contrôle des éléments
transposables (Llave et al., 2002; White et Allshire, 2004).

L'altération de l'ARNm après transcription, visant une réduction de l'expression, se nomme
répression génétique post-transcriptionnelle (PTGS). Ce terme est surtout employé chez les
végétaux et les eucaryotes inférieurs, le mot « quelling » pour ce même mécanisme étant
réservé aux champignons et l'expression « interférence d'ARN » (RNAi) s'adressant surtout
aux animaux (Tang et al., 2002). Chez ces derniers, le RNAi agit soit en procédant à la
dégradation des transcrits, soit en empêchant leur traduction. Chez les végétaux, le terme
PTGS réfère surtout à la dégradation des transcrits, quoiqu'un effet traductionnel ne soit pas
écarté. L'expression RNAi s'emploie également chez les plantes. Elle se rapporte alors le
10

plus souvent à l'induction artificielle du PTGS, par exemple lors de la création de « lignées
RNAi » destinées à réprimer l'expression d'un gène.

                                           Le modèle actuel expliquant le PTGS s’appuie
                                           sur le rôle clef des ARN double brin (dsRNA) et
                                           des petits ARN interférants (siRNA) qui en
                                           dérivent. Selon ce modèle (Figure 4), les dsRNA
                                           présents dans une cellule seraient reconnus par
                                           une RNase nommée DICER (DCL1 à DCL4
                                           chez A. thaliana [Schauer et al., 2002]) qui les
                                           dégraderait en petits ARN interférants d'environ
                                           21 nucléotides. Ces siRNA guideraient alors le
                                           complexe multiprotéique à activité nucléasique
                                           RISC (« RNA-induced silencing complex ») de
                                           façon à cliver spécifiquement tout ARN leur
                                           étant   homologue    (y   compris    les   ARNm
                                           fonctionnels), ce qui entraînerait la répression
                                           post-transcriptionnelle (Vaucheret et al., 2001).
                                           Plusieurs autres protéines ont un rôle en PTGS,
                                           dont les homologues Argonaute (AGO). Au
                                           nombre de 10 chez A. thaliana, ils sont
                                           impliqués autant en PTGS qu'en TGS et
 Figure 4. Mécanismes de la répression
 génétique post-transcriptionnelle.        interagissent avec les siRNA et le complexe
 (Tiré de Voinet, 2002)
                                           RISC (Baulcombe, 2004).

Les dsRNA peuvent être produits de plusieurs façons. L'expression de transgènes, virus ou
transposons peut créer des ARNm aberrants (« abRNA ») qui sont rendus double brin par la
synthèse du brin complémentaire via des ARN polymérases dépendantes de l’ARN, (SGS2
et SDE1 chez A. thaliana)(Meins, 2000 ; Vaucheret et al., 2001; Llave et al., 2002; Ketting
et al., 1999). Des transgènes transcrits normalement mais conduisant à des ARN à structure
double brin (insertion inversée-répétée) peuvent également déclencher ce mécanisme. De la
même façon, des locus endogènes aux eucaryotes comportent des sections menant à la
11

production de petits ARN interférants (alors généralement appelés miRNA, ou stRNA chez
C. elegans) dirigés contre des gènes régulant le développement (Mallory et al., 2004;
Voinet, 2002). Des ARN viraux sont également la cible de ce processus, et des protéines
virales ont évolué pour l'inhiber (Voinet et al., 2000).

Le PTGS n'est donc pas un mécanisme isolé, mais une voie métabolique complexe et
ramifiée, ayant des implications dans plusieurs systèmes cellulaires vitaux.

1.2.2 Rôles des petits ARN interférants.
Les petits ARN interférants jouent plusieurs rôles clefs dans tous les mécanismes de
répression par l’ARN. Premièrement, ils sont les agents responsables de la spécificité de la
répression. Des études ont montré qu'une homologie parfaite sur au moins 18 nt consécutifs
était essentielle pour mener à la dégradation du messager cible chez la plante (Thomas et
al., 2001). Une telle séquence suffit à cibler un transcrit spécifique au sein d'un
transcriptome. Chez les animaux, ce type d'homologie parfaite conduit aussi à la
dégradation du messager par RISC, tandis qu'une homologie plus faible des petits ARN
avec l'ARNm cible conduit à une répression traductionelle (Carrington et Ambros, 2003).
On croit que ces petits ARN, qui comportent des mésappariements, s'apparient au messager
cible durant la traduction. Ce type de petits ARN est associé aux miRNA chez les animaux.

Les miRNA sont des siRNA produits par l'organisme pour jouer un rôle de régulation des
messagers endogènes. Ils sont issus du clivage (par DICER) d'ARN partiellement double
brin d'environ 70 nt transcrits du génome et comprenant des mésappariements et des
boucles non-appariées (Voinet, 2002; Llave et al., 2002) (Tableau 1). On peut retrouver de
tels précurseurs dans les régions intergéniques ou même dans des introns (Llave et al.,
2002). En général, les miRNA sont exprimés de façon temporelle, sont complémentaires à
la région 3' du messager cible et visent surtout des gènes impliqués dans le développement
(Voinet, 2002). Contrairement aux siRNA qui sont double brin et doivent être désappariés
par RISC pour diriger la répression, les miRNA sont directement simples brins. Plusieurs
petits ARN régulant le développement végétal ont été découverts (Llave et al., 2002; Jones-
Rhoades et Bartel, 2004). Cependant, par opposition au mécanisme animal, ceux-ci
semblent généralement présenter une parfaite homologie avec les ARNm cibles et procéder
12

via une dégradation par RISC des
messagers.     Malgré           cette       règle
générale, certains miRNA végétaux
comportent des mésappariements par
rapport à leur gène cible putatif et
pour au moins un d'entre eux, miR172
(Chen,    2004),         une    activité      de
répression    traductionnelle           a     été
démontrée.

Les siRNA ont également un rôle de
messager,      les       mécanismes           de
répression         par         ARN          étant

transmissibles d'une cellule à une
                                                    Tableau 1. Caractéristiques des différentes
autre. Chez les végétaux, il a été
                                                    classes de siRNA.
proposé      que     cette      tâche        soit   (Tiré de Voinet, 2002)

attribuable à la fois aux siRNA de
21nt ainsi qu'à une classe de siRNA de plus grande taille (24-26nt) (Hamilton et al., 2002;
Baulcombe, 2004). Il a été démontré que les siRNA de 21nt, en plus de cibler la
dégradation des ARNm, opèrent une transmission du message de répression à faible
distance (Himber et al.,           2003). La seconde classe de siRNA végétal ne semble pas
directement impliquée dans la dégradation d'ARN via le complexe RISC, mais corrèle dans
certains cas avec l'établissement d'une répression systémique et l'adressage du TGS
(Hamilton et al., 2002). Cependant, certaines études montrent que la présence de ces
siRNA de 24-26nt n'est pas essentielle à ces deux phénomènes et suggèrent une action
potentielle des précurseurs double brin comme messagers à longue distance et comme
agents directeurs de la méthylation (Mallory et al., 2001).

Chez le nématode, seule la classe de siRNA avoisinant les 21nt peut être détectée et un
canal membranaire (SID1) exportant le dsRNA a été découvert (Winston et al., 2002),
appuyant la dernière hypothèse chez le modèle animal. Cependant, la présence de siRNA et
de miRNA dans le phloème et l'existence de protéines liant la forme simple brin
13

correspondante (Yoo et al., 2004) vont dans le sens d'un rôle majeur des siRNA dans la
propagation du message de régulation chez la plante.

Un autre type de transmission de message incombe également aux siRNA (ou peut-être aux
dsRNA) chez les végétaux. Ils seraient responsables de cibler la méthylation de novo des
résidus cytosines de certaines régions du génome de façon à effectuer une répression
transcriptionnelle (TGS) (Aufsatz et al., 2002). Par opposition au PTGS, qui est un
processus essentiellement cytoplasmique, la TGS est provoquée par une action nucléaire
via des méthyltransférases. Ce mécanisme est l'apanage des végétaux et agirait par la
méthylation des régions génomiques homologues aux siRNA, réprimant la transcription
(Aufsatz et al., 2002). Cependant, des travaux chez la levure ont montré l'importance des
protéines reliées à la répression par ARN pour la fonction (et la méthylation) du centromère
et le remodelage de la chromatine, signes que cette implication dans la méthylation n'est
pas restreinte aux plantes (White et Allshire, 2004). Les experts tendent maintenant à
subdiviser en différentes voies les mécanismes de répression par ARN en fonction de leur
action, des protéines impliquées et de leur compartimentation cellulaire (cytoplasme vs.
noyau) tant leurs rôles sont répandus et variés.

1.2.3 Utilisation du PTGS en génétique fonctionnelle et génétique inverse
Chez les animaux, les essais utilisant la répression par ARN sont généralement effectués en
transformant directement des siRNA synthétiques ciblant un gène d'intérêt dans l'organisme
étudié (souvent des cultures cellulaires). On obtient alors une répression transitoire du gène
cible (Dykxhoorn et al., 2003). D'ailleurs, plusieurs paramètres empiriques guidant la
construction de siRNA efficaces ont été découverts, certains s'adressant à l'efficacité de la
répression, d'autres au temps de demi-vie des siRNA (et donc à la période efficace de
répression) (Dykxhoorn et al., 2003). Des systèmes conduisant à une répression héritable
fondés sur la production d'ARN double brin ont également été développés. D'autres
dispositifs utilisent de courts ARN transcrits en trans, ou des ARN sous contrôle de
promoteurs spécifiques à la polymérase III (Figure 5). Des mécanismes originaux utilisant
des promoteurs inductibles ou spécifiques ont même permis de contrôler le moment où se
14

produit la répression (Stevens et al., 2004; Guo et al., 2003). L'acheminement dans la
cellule de ces structures se fait alors par transgénèse traditionnelle.

                                                                Contrairement aux animaux et
                                                                aux       levures,        seules      des
                                                                techniques                      indirectes
                                                                d'inactivation génétique ont pu
                                                                être       développées            jusqu'à
                                                                présent chez la plante. La
                                                                répression génétique par ARN
                                                                a donc permis d'envisager la
                                                                recherche en biologie végétale
                                                                sous un nouvel angle. Quoi
                                                                qu'il existe également des
                                                                techniques           de     PTGS         à
                                                                efficacité transitoire chez les
                                                                végétaux (par exemple : le
                                                                VIGS           ou    le    PTGS        par
 Figure 5. Techniques d'induction stable du PTGS.
 a)hpRNA par transcription de segment dupliqué-inversé.         infiltration), nous discuterons
 b)Expressions    en    trans     de  courtes  séquences
 complémentaires.                                               ici       de        l'hpRNA,        l'outil
 c)Court segment dupliqué-inversé sous promoteur de la          principal             utilisé        pour
 polymérase III.
 d)Précurseur miRNA avec mésappariements.                       l'induction de PTGS stable
 (Tiré de Dykxhoorn et al., 2003)
                                                                chez A. thaliana.

1.2.4 Induction du PTGS en génétique fonctionnelle végétale; les ihpRNA
Wesley et al. (2001) ont développé une technique tirant profit du mécanisme de PTGS. Ils
ont suggéré qu’un ARN en épingle à cheveux (abréviation «hpRNA», pour «hairpin RNA»)
pourrait se substituer à l’ARN double brin en PTGS. Un hpRNA est un brin d’ARN
comprenant deux segments complémentaires qui s’apparient entre eux, formant un ARN
bicaténaire. Il est issu de la transcription d'un même fragment d'ADN dupliqué, en direction
inversée. En utilisant la séquence transcrite d'un gène d’intérêt pour fabriquer une
15

construction à insert dupliqué-inversé, il est donc possible de former un hpRNA qui jouera
le rôle d'un dsRNA homologue au gène cible. Une fois le hpRNA dégradé par DICER, les
siRNA produits dirigeront le clivage des ARNm fonctionnels de ce gène, entraînant une
répression spécifique. Une fois le gène réprimé, il est possible d'examiner l'effet de son
inactivation et d'ainsi en dégager la fonction.

Des vecteurs plasmidiques (pHANNIBAL et pKANNIBAL) permettant la fabrication facile
de constructions de type hpRNA ont été générés (Figure 6) (Wesley et al., 2001). La
technique a même été raffinée par l’ajout d’un intron entre les deux segments
complémentaires du hpRNA, ce qui améliore pour une raison inconnue l’efficacité de la
répression (Smith et al., 2000). Ces structures comportant un intron se nomment
« ihpRNA » et ont été utilisées avec succès dans plusieurs études fonctionnelles.

Figure 6. Structure du vecteur pHANNIBAL et procédure pour la création d'une
construction ihpRNA.
(Modifié de Wesley et al., 2001)

1.2.5 Avantages du PTGS
La répression génétique post-transcriptionnelle présente plusieurs avantages. D'abord, cette
technique est beaucoup moins fastidieuse que la mutagénèse insertionnelle, où le criblage
d'une banque de plusieurs milliers de graines est requis. De plus, le PTGS est exportable à
toutes les espèces végétales (où la transgénèse est possible), contrairement à la mutagénèse
insertionnelle qui ne peut être utilisée que chez Arabidopsis (Wesley et al., 2001). Le PTGS
conduit à la répression de toutes les copies d'un même gène, à l'opposé de la mutagénèse
insertionnelle qui n'affecte que la copie génomique où le T-DNA s'est inséré.
16

Contrairement aux dominants négatifs pour lesquels seules se prêtent à l'utilisation les
protéines multimériques dont la structure a été caractérisée en détail, le PTGS est applicable
à tous les types de gènes dont la séquence a été clonée. Beaucoup plus efficace que l'ARN
antisens, elle mène à une répression mesurable chez 60 à 100% des lignées produites
(Chuang and Meyerowitz, 2000; Wesley et al., 2001). Pour la technique d'ARN antisens, ce
nombre de lignées efficacement réprimées avoisine plutôt les 15 % (Wesley et al., 2001).

De plus, plusieurs caractères généraux font du PTGS une technique avantageuse. La
variation d'intensité de répression souvent constatée d'une lignée à une autre peut permettre
l'observation de phénotypes nuancés ou encore la viabilité de mutants qui seraient
autrement létaux lors d'une inactivation complète. Finalement, le phénotype de répression -
qui est héréditaire- demeure constant au sein des générations et ségrège comme un
caractère mendélien dominant, observable même chez l’hétérozygote (Chuang et
Meyerowitz, 2000).
17

1.3 Problématique
L'étude du complexe MMR présente des motivations autant fondamentales que pratiques.
Vraisemblablement impliqué dans le maintien de l'intégrité du génome, dans les processus
de recombinaison ainsi que dans certains mécanismes méiotiques, il remplirait chez les
végétaux un rôle capital dont l'appréciation est essentielle. D'un point de vue appliqué, le
contrôle exercé par ces protéines sur la promiscuité des échanges génétiques est d'intérêt
pour le développement de nouveaux cultivars, par croisement entre plantes plus ou moins
distantes sur le plan phylogénétique. La compréhension -et le contrôle- de ce système offre
donc des retombées concrètes.

Le développement des techniques de PTGS pour l'inactivation de gènes chez les végétaux
permet d’explorer la fonction des gènes MMR. Ceux-ci ayant été clonés, leur séquence est
disponible pour la création de constructions ihpRNA et la répression des gènes sauvages.
Les phénotypes observés après répression nous instruiront sur le rôle spécifique de ce
complexe chez la plante. L'impact sur le taux de mutation, sur le niveau de recombinaison
et sur les événements méiotiques pourra être investigué efficacement.
18

1.4 Objectifs
Cette étude a pour but l'inactivation par PTGS du gène AtMLH1, un gène majeur du
complexe MMR, de façon à en dégager la fonction chez la plante. Ce gène est
particulièrement significatif puisqu'il constitue la composante centrale de tous les
complexes MutL. L'hypothèse de recherche se divise en deux volets. Premièrement, nous
soutenons qu'il est possible d'effectuer une répression génétique post-transcriptionnelle du
gène AtMLH1 chez A. thaliana en utilisant une construction de type ihpRNA. En second
lieu, nous croyons que la répression de ce gène mènera à la perte de certains mécanismes de
correction d'erreur, de contrôle d'homologie de recombinaison et/ou de stabilité lors de la
recombinaison méiotique. Le phénotype général des plantes réprimées doit donc être
examiné en conséquence, en portant une attention particulière à un accroissement potentiel
du taux de mutation (dû à la perte de mécanismes de correction). Concrètement, les
objectifs sont :

1) Fabriquer et introduire des constructions ihpRNA dirigées contre le gène AtMLH1 chez
    A. thaliana.

2) Caractériser les lignées et isoler celles présentant un seul locus d'insertion et une
    répression maximale du gène sauvage.

3) Documenter et étudier les phénotypes obtenus, plus précisément au niveau du taux de
    mutation, en croisant avec des systèmes rapporteurs du taux de mutations (lignées
    développées au laboratoire).
19

                                      CHAPITRE 2

      ihpRNA-mediated post-transcriptional gene silencing of AtMLH1, an Arabidopsis
                           thaliana DNA mismatch repair gene.

                                       (Manuscript)

Olivier Domingue1, Martine Jean1 and François J. Belzile1*

1
    Département de phytologie, Université Laval, Québec, G1K 7P4, Canada
*
    Author to whom correspondence should be addressed:
F.J. Belzile
1243 Pavillon C.E. Marchand, Université Laval, Québec, G1K 7P4, Canada
Tel. 1-418-656-2131 ext. 5763, Fax: 1-418-656-7176, E-mail: fbelzile@rsvs.ulaval.ca
20

Résumé
Afin d’inactiver le gène AtMLH1, une construction de type ihpRNA a été créée en insérant
un fragment de 526 pb de ce gène en directions sens et anti-sens dans le vecteur
pHANNIBAL, de part et d'autre d'un intron. Cinq lignées réprimées (ou RNAi de l’anglais
« RNA interference »;) présentant une insertion du T-DNA à un seul locus ont été
identifiées. Les lignées ihpMLH1-63, -70 et -73 présentent une forte réduction de transcrit
du gène AtMLH1, soit 10 % de celui observé chez le type sauvage. La lignée ihpMLH1-51
présente une quantité de transcrit intermédiaire (~30% du sauvage), tandis que la lignée
ihpMLH1-54 ne montre qu’un abaissement modeste du niveau d'ARN messager (~60% du
sauvage), tel qu’évalué par RT-PCR semi-quantitative. Une étude northern a permis
l’observation de petits ARN interférants, ou siRNA (« small interfering RNA »), les
signatures moléculaires témoignant de l’efficacité du PTGS. L’abondance relative de ces
siRNA semble corrélée à l'intensité de la répression observée. Ainsi, ces analyses ont
permis de confirmer qu’une inactivation significative du gène AtMLH1 a été obtenue chez
certaines lignées. Les cinq lignées RNAi identifiées ont été croisées à des lignées
rapportrices de l’instabilité des microsatellites. Notre attente était que l’inactivation du gène
AtMLH1 entraînerait un accroissement de l’instabilité des microsatellites, phénomène que
nos rapporteurs mesurent aisément. Malheureusement, il semblerait que l'expression des
gènes rapporteurs ait été abolie suite à un phénomène de co-suppression. Cela a donc rendu
impossible      l’examen   des   conséquences     phénotypiques     de   la    répression   post-
transcriptionnelle du gène AtMLH1. De futurs travaux, faisant appel à d’autres lignées
rapportrices,    permettront     vraisemblablement     de   documenter        les   conséquences
phénotypiques d’une inactivation du gène AtMLH1.
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