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INFOTELLERIE
MARS 2015 – No 81
Encore le franc fort !
celle-ci se porte bien, il y a des visiteurs 10 ans, il convient de débloquer cer-
dans les entreprises, les compagnies tains gros dossiers qui n’attendent plus
multinationales et les hautes écoles. Par que le feu vert politique.
contre, il y avait déjà une forte pression Pour les organes de promotion touris-
sur les prix, encore exacerbée par le franc tique, Suisse Tourisme et offices canto-
fort. Le tourisme d’affaires de groupes naux, il s’agit d’une part d’augmenter
– congrès, expositions, incentives et les campagnes sur les marchés lointains
séminaires – pourrait être lourdement tels que Brésil, Chine, Inde et autres
impacté. Nos destinations de congrès ou pays d’Asie et, d’autre part de dyna-
de foires sont déjà en difficultés face à miser les campagnes sur le plan suisse
des villes étrangères dans lesquelles les afin de conserver la clientèle helvétique
collectivités publiques offrent gracieu- dans nos hôtels, elle qui est attirée en
sement les installations. Décrocher de Europe par les prix favorables.
grands congrès internationaux risque de Pour notre association faîtière hotelle-
La réévaluation du taux de change du devenir mission impossible. Le tourisme riesuisse, il s’agit de renforcer la colla-
franc suisse due aux bons résultats de vacancier ou de loisirs est lui aussi sou- boration avec tous les autres acteurs du
notre économie et à une tenue raison- mis à forte concurrence, notamment de tourisme suisse et de mettre la pression
nable des finances publiques est un nos pays voisins, mais aussi de destina- sur le monde politique pour l’améliora-
phénomène récurrent depuis l’abandon tions exotiques rendues très accessibles tion des conditions – cadres.
des taux fixes en 1971. Régulièrement, par les bas prix du transport aérien. Quant à nous, hôteliers, ne pouvant
le tourisme et l’hôtellerie suisses doivent Selon les cantons et le scénario retenu, pas être bon marché, nous devons
faire face à une diminution abrupte de la baisse du total des nuitées pourrait donc être « bons tout court », et même
leur compétitivité internationale, qui est atteindre entre 3 et 7%. excellents. Cela passe par l’innovation,
déjà difficile à maintenir en raison du Mais nous avons de nombreux atouts la formation de nos collaborateurs,
niveau de vie, des salaires et des coûts à faire valoir pour contrer le déclin des collaborations entre hôtels, une
très élevés dans notre pays. A moins de annoncé du tourisme suisse: un envi- présence plus marquée et efficace sur
revenir aux taux de change fixes ou que ronnement et des paysages superbes, internet et les réseaux sociaux, des
la Suisse abandonne sa souveraineté des transports publics performants, une réductions de prix obtenues des four-
monétaire, l’hôtellerie est condamnée à stabilité politique, une certaine sécurité nisseurs… etc.
faire face à ces mouvements hiératiques et des prestations hôtelières de qualité. Chaque entité et chacun d’entre nous
des monnaies qui profitent surtout aux Il convient de redoubler d’efforts. est responsable de mener les meilleures
spéculateurs. Pour les collectivités publiques, il s’agit actions possibles pour conserver une
Les trois principaux segments de clien- d’améliorer les conditions cadres, hôtellerie et un tourisme dynamiques et
tèle sont inégalement touchés. Le tou- notamment les infrastructures de mo- prospères.
risme d’affaires individuel suit l’évolu- bilité et de loisirs. Sachant que les Philippe Thuner,
tion de l’économie en général. Tant que effets ne se feront sentir que dans 5 ou Président de l’ARH
Pages 4-5 Pages 6-7 Pages 10-11
L’invitée
Fondatrice de la chaîne TV privée Be Curious
Leila Delarive,
la curiosité mène à tout
« Pour moi, la définition de la curiosité, c’est «Je ne suis pas jaloux mais attentif… Nous
l’envie d’aller vers les gens, sans être dans le évoluons dans le respect. Je trouverais inap-
jugement… » Pour sa première émission, le proprié que ma femme aille dîner avec un
8 mars dernier, Journée de la femme, Leila mec. Elle ne réalise pas l’effet qu’elle fait aux
Delarive a lancé cette définition qui résume hommes ! »
bien l’esprit de cette nouvelle chaîne entière- Etudes à Lausanne – Ecole Nouvelle puis
ment privée. D’une durée quotidienne d’une Faculté de droit –, Leila est d’origine ira-
heure et demie, l’émission donne un point nienne, comme en témoigne sa cheve- Leila Delarive, charme et spontanéité.
de vue essentiellement féminin – mais pas lure noire et son beau regard… persan.
seulement. Sport, recettes de cuisine, docu- Du charme et de l’intelligence, elle en a à mier tournage, était de bon augure. Mais des
mentaires, littérature, mode, tout y passe, revendre, mais aussi une volonté de fer ou jaloux se pointent déjà à l’horizon: 1,5 mil-
sauf l’actualité pure et dure qui nécessite même de… faire. lion, c’est précisément la somme qui man-
de grosses forces de travail. Après plusieurs La jeune avocate a commencé par plaider quait quand Christophe Rasch, fondateur et
mois de tâtonnements et de labeur, Leila au pénal, avant de s’associer à un bureau directeur de La Télé, la chaîne valdo-fribour-
Delarive, 37 ans, pointe enfin le bout de sa de juristes spécialisés dans l’immobilier geoise qui bénéficie de soutiens étatiques, a
caméra. Les studios sont situés dans la zone (Leximmo). Mais l’idée de plaquer le droit dû s’en aller séance tenante. A la veille de la
industrielle de Préverenges : « Un ancien pour lancer sa propre chaîne télé – un rêve première de Be Curious, le rédacteur en chef-
repaire de mafieux », sourit-elle. Ils recons- insensé – l’a gagnée, après avoir tâté du adjoint de La Télé, le Fribourgeois Gabriel
tituent un appartement avec sa cuisine, son journalisme comme chroniqueuse juridique de Weck, a exprimé ses craintes dans les
salon, sa chambre à coucher. Beaucoup à 24 heures, animatrice matinale à Lausanne colonnes du Temps de voir les quatre télé-
d’inconnu(e)s au casting, des amies de Leila FM et vespérale à La Télé, sa première expé- visions lémaniques (La Télé, NyonRégion,
notamment, mais aussi quelques « plumes » rience télévisuelle : « Je me suis toujours Léman Bleu et Be Curious) « se cannibali-
du métier : Jean-Philippe Rapp, Manuela beaucoup intéressée aux gens, cela vient ser » : « La vocation (d‘un média) ne doit pas
Magnin, Ariane Ferrier… « J’ai rencontré peut-être de mon père qui était médecin. être d’assouvir les appétits narcissiques ou
Leila à 6 h du matin dans un studio de radio Je ne peux m’empêcher de poser un tas de Dieu sait quelles chimères affairistes. » Merci
privée, on n’était pas bien réveillées, on a questions à la caissière ou au chauffeur de pour les chocolats ! Mais ne critique-t-on et
ensuite mangé ensemble et elle m’a convain- taxi », raconte-t-elle volontiers. Une condi- n’envie-t-on pas que ce qui est enviable ?
cue. On ne peut pas dire non à Leila. C’est tion de base pour tâter du journalisme... Réponse (indirecte) de la bergère au berger
comme ça que l’on se retrouve au lit dans un Avec ses deux enfants en bas âge (un garçon fribourgeois par média interposé dans Migros
studio », plaisante l’ancienne chroniqueuse de 7 et une fille de 9 ans), on se demande Magazine : « Il est bien plus confortable de
de La Suisse et de La Tribune de Genève, qui bien comment fait la jeune femme pour monter une chaîne avec l’argent public. Mais
va présenter sa chronique allongée dans une mener autant de pistes à la fois. on est ensuite assigné à bon nombre d’obli-
chambre à coucher. Son mari Patrick Delarive la conseille, mais gations, par exemple traiter l’information
« ne s’immisce pas ». Et s’il lui a avancé la quotidienne. »
Des jaloux déjà ? somme nécessaire au lancement du projet, ce Et ne pas risquer de déplaire ainsi aux politi-
Un autre qui n’a pas su dire non à la belle n’est pas à fonds perdus. Lui qui a commencé ciens sponsors ? Qui est le plus courageux ou
Leila, c’est son deuxième mari, le promoteur, par un simple apprentissage au Credit suisse, le plus curieux, telle est la question.
financier et touche-à-tout Patrick Delarive, avant de gravir les échelons et se lancer avec Olivier Grivat
qui l’a épousée sur une plage de Ramatuelle succès dans l’immobilier, n’est pas le mécène
Chaîne 19 sur UPC Cablecom,
en septembre 2012 : « Sa culture orientale tout-puissant de Be Curious. « Toute personne
126 sur Citycable, 84 sur Swisscom
est très présente en elle. Avec certaines qui lance sa start-up recourt au financement
et 59 sur Netplus.
valeurs phares : je respecte mon homme, “family & friends” », commente la jeune
mon héros, et toi, tu me traites comme ta manager qui a confié la régie publicitaire à
princesse. C’est un bel échange d’éner- Ringier. Le budget annuel de Be Curious est Sommaire
gie », raconte son mari, de seize ans son estimé à 1,5 million de francs. Il devrait être
aîné, dans les colonnes de Femina. « Etes- couvert par la publicité. La présence de bon 4-5 Anton Mosimann, de Londres
vous jaloux ? », lui demande la journaliste. nombre de chefs d’entreprise, le soir du pre- à Montreux
6-7 Jay Gauer, directeur
Impressum des Trois-Couronnes
Infôtellerie Suisse romande : Magazine trimestriel d’informations touristiques et économiques 8-9 Les projections de Suisse
de l’Association Romande des Hôteliers. Tourisme
Editeur : Association Romande des Hôteliers, chemin de Boston 25, 1004 Lausanne,
tél. : +41 21 617 72 56, fax : +41 21 617 72 27, e-mail : info@hotellerieromande.ch. 10-11 Gilles Meillet,
Site internet: www.hotellerieromande.ch directeur Groupe Barrière
Impression: PCL Presses Centrales SA, Renens
Rédacteur responsable : Olivier Grivat. 12-13-14 Conrad Briguet directeur
Ont collaboré à ce numéro : Philippe Thuner et Olivier Grivat. de Changins
Adresse de la rédaction : Olivier Grivat, journaliste RP, chemin de Leisis 5a, 1009 Pully,
15 Les yourtes des Rochers-de-Naye
tél. +41 79 412 22 72, e-mail : olivier@grivat.ch.
2 Infôtellerie – Mars 2015 – No 81
Actuel
Montreux au cœur
des négociations avec l’Iran
Salon international de l’auto-
mobile aidant, Genève n’a pu
accueillir les diplomates améri-
cains et iraniens lors des négocia-
tions sur le programme nucléaire
iranien qui devaient se dérouler
au début du mois de mars.
C’est donc encore une fois Montreux qui est
venue à la rescousse. Les rencontres ont eu
lieu au Royal Plaza, là où logeait également
la délégation venue de Téhéran, tandis que
John Kerry et sa suite logaient au Montreux
Palace voisin.
Enfermés dans l’autre cinq-étoiles de l’ave-
nue Claude Nobs, John Kerry et Mohammad
Javad Zarif ont tenté de trouver un terrain
d’entente. Après une première rencontre le
Agé de 87 ans, le Vaudois d’adoption Ardeshir Zahedi a été le dernier ambassadeur d’Iran
mardi 3 mars, le secrétaire d’Etat américain et
à Washington. Il a été aussi ambassadeur du Shah à Londres et ancien ministre des affaires
le ministre des Affaires étrangères iranien ont
étrangères de 1966 à 1973. (photo O. Grivat)
encore discuté le lendemain, pendant plus
de cinq heures et jusque dans la soirée. Entre du Léman, c’est bien Le Palais oriental, à sa fille née d’un premier mariage avec une
John Kerry qui parle un excellent français et Montreux. D’origine azérie, son propriétaire princesse égyptienne, et qui vit à Veytaux, à
l’Iranien Zarif, mais aussi entre Ernest Moniz, Shahriar Gharibi connaît tous les princes, deux pas du Château de Chillon, « un échec
le ministre américain de l’Energie, et Ali Akbar ministres et ambassadeurs moyen-orientaux des négociations serait une catastrophe
Salehi, le chef de l’organisation atomique ira- qui font escale en Suisse. La délégation ira- pour toute la région », a-t-il déclaré à La
nienne, les discussions sont allées bon train. nienne y a donc tenu pratiquement table Tribune de Genève. « Les tensions augmen-
Helga Schmid, la responsable de l’Union ouverte pour déguster son excellente cuisine teraient inévitablement, notamment en Iran
européenne (UE) pour le dossier nucléaire persane. Même John Kerry est venu y dîner où les conservateurs pourraient regagner
iranien, a aussi participé aux discussions, déjà dans la salle à manger, comme un convive du terrain. » Le Montreusien d’adoption qui
entamées sous l’égide de Bruxelles. normal, mais à d’autres heures que les a signé en 1968, en tant que ministre des
Hormis une cohorte de voitures et de motos délégués iraniens. Autre observateur atten- affaires étrangères, l’adhésion de l’Iran au
de police parquée devant les deux hôtels et tif des négociations tenues à Montreux, traité de non-prolifération, admet que l’Iran
des vedettes de la gendarmerie patrouillant Son Excellence Ardeshir Zahedi, le dernier a le droit de revendiquer l’accès au nucléaire
sur le Léman, tout s’est passé dans la plus ambassadeur d’Iran à Washington, avant civil sous l’égide de ce même traité : « C’est
grande discrétion. Dans sa seule déclara- l’ayatollah Khomeiny. Pour celui qui a été le un droit inaliénable. »
tion à la presse alors qu’il allait se dégour- beau-fils du Shah d’Iran après avoir épousé Olivier Grivat
dir les jambes sous le soleil de Montreux, le
ministre iranien s’est contenté de répéter la
principale revendication de Téhéran d’une
levée rapide des sanctions occidentales, des Des ... et des
étoiles... casseroles
sanctions qui ont fait perdre selon lui des
centaines de milliards de revenus pétroliers à
l’Iran. A Genève, où elle assistait au Conseil
des droits de l’homme, l’Italienne Federica
Mogherini, haute représentante de l’UE … au peuple suisse … à la direction des CFF
pour les Affaires étrangères, avait appelé les L‘initiative « Remplacer la TVA par une taxe Au lendemain de la baisse de l’euro face
médias «à ne pas mettre en danger» le pro- sur l‘énergie » a reçu une fessée, le 8 mars au franc suisse, les CFF n’ont rien trouvé de
cessus par des révélations intempestives: «A dernier. Pour diminuer la consommation plus intelligent que d’organiser des trains
ce stade de la discussion, ce serait nuisible d’énergie, la branche hôtelière n’a pas spéciaux pour permettre aux consomma-
de donner des détails, a-t-elle déclaré au besoin de prescriptions légales supplémen- teurs suisses d’aller remplir leurs caddies en
Temps. Il faut établir la confiance, la sécurité taires. Des mécanismes d’incitation existent Allemagne. Heureusement que la CGN n’a
et le sérieux. C’est à la fois très technique déjà, telles la possibilité de se faire exempter pas eu l’idée saugrenue d’affréter le Vevey
et hautement politique. Il est temps de faire du paiement de la taxe sur le CO2 et la res- ou La Suisse pour permettre aux Vaudois
des choix politiques difficiles». ponsabilité individuelle de l’entrepreneur. La de faire le plein de marchandises à Evian ou
priorité d’hotelleriesuisse reste l’inscription Thonon. Il est vrai que le grand chef de gare
L’escale obligée du Palais oriental définitive du taux spécial dans la loi sur la des CFF, Andreas Meyer, a dirigé auparavant
S’il est un établissement que tous les diplo- TVA, un instrument efficace pour alléger les la société DB Energie des chemins de fer alle-
mates orientaux connaissent sur les bords coûts en période de franc fort. mands... O.G.
Infôtellerie – Mars 2015 – No 81 3
Gastronomie
Anton Mosimann, un grand chef
de Londres à Montreux
Des 50 ans du Prince Charles celui de Lucerne, de nouveau à St-Moritz, Street, pour le compte de cinq Premiers
puis à Bruxelles, à Stockholm et en France où ministres successifs, de Margaret Thatcher
aux festivités des 60 ans de
il effectue quatre stages chez Paul Bocuse, à David Cameron. Il a reçu à ces différentes
règne de la Reine Elisabeth, les frères Trois-Gros, Roger Vergès et Michel occasions aussi bien François Mitterrand
Anton Mosimann est un chef Gérard : « On n’apprend jamais assez », com- que Jacques Chirac ou le couple Sarkozy-
d’exception. Basé entre Londres mente-t-il. C’est à 28 ans qu’il débarque à Bruni : « Je n’ai jamais imaginé faire un autre
Londres, au Dorchester et ses 130 cuisiniers, métier », assure le chef suisse le plus connu
et Montreux, le Soleurois a dont certains avaient parfois le double de outre-Manche.
appris son art dans les palaces son âge et dont il a fallu parfois bousculer
La relève assurée
vaudois, bernois, lucernois et les habitudes ! Il accepte le challenge non
sans avoir effectué un ultime stage au Palace Marié à 28 ans avec Kathrin, une charmante
grisonnais.
de Gstaad pour apprendre la pâtisserie : « Un Saint-Galloise rencontrée sur un vol Swissair
bon chef doit savoir tout faire ! » Le suc- Zurich-Tokyo, il passe aujourd’hui de fré-
Apprendre, toujours apprendre… Avant cès sera au rendez-vous avec deux étoiles quents séjours à Montreux: «A 67 ans, je
de cuisiner pour les têtes couronnées et au Michelin, le premier restaurant hors de peux me permettre le luxe de ne travailler
les chefs d’Etat du monde entier, Anton France à figurer dans le prestigieux guide. que pour le plaisir et de répondre aux invi-
Mosimann n’a cessé d’emmagasiner le tations qui me conviennent. A Londres, je
savoir auprès des meilleures toques: «Je suis Une centaine de banquets suis épaulé par mes deux fils, Philipp (40
né à Granges, fils unique d’un couple de fer- à Buckingham ans) et Mark (38 ans), qui ont suivi tous les
miers-restaurateurs. Mon père cuisinait sim- Aujourd’hui à la tête du Mosimann’s Club, deux l’Ecole hôtelière de Lausanne. « L’aîné
plement les produits de la ferme dans son une ancienne chapelle presbytérienne trans- s’occupe du service-traiteur et le cadet du
établissement, le Grütli», raconte le grand formée en l’un des établissements les plus Club », confie son épouse Kathrin qui par-
chef dans un excellent français. La langue sélects du Royaume-Uni, le chef suisse ne tage avec son mari le goût des voyages et
de Molière ou… d’Escoffier, il l’a apprise cache pas sa fierté, malgré la discrétion et la des rallyes en voiture ancienne : « Ensemble,
très jeune au Palace de Villars, où il a éga- nous avons effectué en 2009 le rallye Pékin–
lement enregistré les rudiments de la cuisine Paris. Pas moins de 9 semaines de route
française sous les ordres d’un chef valaisan, dans une étroite Triumph TR 4 décapotable
Henri Dessibourg, « un vrai perfectionniste ». et nous n’avons pas divorcé ! », plaisante le
Ce sera ensuite Rome, puis le Canada: «En couple avec un humour très britannique.
«Elle adorait notre risotto
1967, j’ai travaillé à l’Expo universelle de
Montréal avec ses onze restaurants et ses aux champignons. Une collection de 6000 livres
banquets de 3000 convives : « Tous les chefs Elle venait très souvent de cuisine
d’Etats étaient reçus au pavillon officiel et manger ici à midi avec Collectionneur dans l’âme, le chef de
c’est là que j’ai cuisiné pour la première fois William et Harry…» Buckingham et Downing Street possède
pour la Reine Elisabeth II, à 22 ans comme quelque 6000 livres de cuisine et en a
premier sous-chef d’un cuisinier zurichois. publié lui-même une dizaine sous son nom.
Une sacrée école, on travaillait, tous les jours Propriétaire d’un appartement à Montreux,
de la semaine, de 7 h du matin jusqu’au soir, modestie qui sont ses marques de fabrique: le chef y fait escale aussi souvent qu’il le
et cela pendant 6 mois. » L’homme qui pose « Seul le pape n’est pas encore venu manger peut. Comme en témoigne sa silhouette
volontiers en toque et nœud papillon se sou- ici », confie-t-il à un journaliste. Son établis- longiligne, il pratique son jogging quotidien
vient de tout, d’autant plus qu’en vrai per- sement chic et privé est situé à Belgravia, en au Montreux Palace et mange sainement les
fectionniste, il a gardé tous les menus, billets plein quartier de Westminster, parmi les plus mets que lui apprête sa femme. Parmi ses
d’avions et articles de presse qui jalonnent chers de Londres. Il est connu pour être celui plats préférés, la cuisine asiatique tient le
son parcours. à qui la famille royale d’Angleterre confie les haut du buffet, tout comme le boudin et les
buffets de ses réceptions officielles. tripes qu’il ne manque pas d’emporter dans
Au Montreux Palace Des 50 ans du prince Charles au mariage de ses bagages. On est loin du rosbif arrosé de
De retour en Suisse, il officie dans les cui- William et Kate, le chef a concocté, en vingt sauce à la menthe…
sines du Montreux Palace, puis du Badrutt’s ans, une bonne centaine de banquets pour Olivier Grivat
Palace de St-Moritz sous la baguette d’un le compte de Buckingham Palace. En 2013,
chef français de 82 ans qui avait travaillé il a comblé les 750 convives conviés au
avec le grand Auguste Escoffier : « C’était la Westminster Hall à l’occasion des 60 ans de
cuisine au beurre et à la crème comme on règne d’Elisabeth II. Une reine qu’il a côtoyé
en fait plus ». Le contraste sera saisissant en à nombreuses reprises, même si c’est avant
arrivant au Japon pour travailler au pavil- tout pour le prince Charles que le Suisse offi-
lon suisse de l’Expo universelle d’Osaka, en cie en cuisine. Il a bien connu Lady Diana et
1970. « Là, c’était tout le contraire, tout zen se souvient avec émotion de ses funérailles
avec les poissons qui arrivaient vivants pour suivies par le monde entier : « Elle adorait Avant de cuisiner pour Buckingham, le chef
être apprêtés par 25 cuisiniers japonais pla- notre risotto aux champignons. Elle venait Anton Mosimann a effectué ses premières
cés sous mes ordres, à 23 ans ! » De retour très souvent manger ici à midi avec William gammes au Palace de Villars-sur-Ollon, bien
en Suisse, il travaille au Lausanne Palace, à et Harry. » Il a aussi cuisiné au 10 Downing avant l’arrivée du Club Med…
4 Infôtellerie – Mars 2015 – No 81
Gastronomie Infôtellerie – Mars 2015 – No 81 5
Trois-Couronnes à Vevey
Ses recettes contre le franc fort
Depuis le 15 janvier, l’hôtelle-
rie souffre d’un franc peu abor-
dable pour les touristes euro-
péens. Jay Gauer, le directeur
des Trois-Couronnes à Vevey
commente ses recettes pour
résister à l’orage monétaire.
« Le jour où la BNS a supprimé le taux plan-
cher de Fr. 1.20, il fallait vraiment être sur
une autre planète pour l’ignorer. J’étais en
voyage à l’étranger et je l’ai su tout de suite.
Même aux îles Fidji, on doit savoir que la
Suisse est devenue plus chère… » Directeur
de l’Hôtel des Trois-Couronnes à Vevey, Jay
Gauer ne se laisse pas abattre par les vents
contraires de la monnaie européenne. Ce
fils, petit-fils et arrière petit-fils d’hôteliers
est tombé tout petit dans la marmite hôte-
lière, tout comme son père, Jean-Jacques
Gauer, et sa mère, Emeline, descendante
d’Alexandre Seiler, à l’origine des hôtels
Seiler à Zermatt »1 et qui est au cœur du
développement touristique suisse.
« L’euro est un peu remonté et la baisse
n’est plus que de 10 ou 11%. Mais même si
l’on devait revenir à Fr. 1.20, le fait de ne pas
rester les bras croisés dans cette période est
important. Réagir et adapter ses prix, c’est
un message qui passe assez bien auprès de
la clientèle. Vevey n’est pas une destination
“premium” comme Zurich ou Genève, où il
existe une demande très forte. On doit être
réactifs et savoir se remettre en question. Si
l’on remonte à la période d’avant la crise,
en 2007, la Suisse s’est beaucoup appré-
ciée. Depuis 50 ans, le franc s’est hissé d’un
multiple de 6 face au dollar, c’est énorme.
Mais ce n’est pas parce que le tourisme et
l’économie ont résisté par le passé qu’il va
en aller de même pour les 50 prochaines
années. Chaque établissement a sa propre
réalité liée à ses structures de clientèle, de
coûts et à ses saisonnalités. En parallèle, il
n’existe pas de recette magique face à l’ap-
préciation du franc. Nous testons des idées
et analysons les résultats ».
Jay Gauer, 34 ans, est arrivé aux Trois-Couronnes en janvier 2010 en tant que résident-
7 nuits au prix de 5 manager. Il en est le directeur depuis janvier 2012.
Sans tarder après le 15 janvier, les Trois-
Couronnes et Jay Gauer ont créé une caté- ciales liées à la hausse soudaine du franc Malgré le fait que nous avions acheté ces
gorie de prix non-remboursable, avec des suisse ont été accompagnées de la mention produits européens avant le 15 janvier, nous
rabais d’environ 10% et possibilité de sur- “pour une période indéterminée”, ce qui appliquons sans attendre les nouveaux taux
classement garanti. Pour des séjours un peu laisse une marge de manœuvre quant à l’im- de change. »
plus longs, il est possible de dormir sept portance des avantages et à leur durée dans «Nous essayons de montrer à nos hôtes
nuits et de n’en payer que cinq ou trois le temps. Nous leur avons aussi proposé des qu’ils ont fait un deal, poursuit Jay Gauer. Ce
nuits au prix de deux : « Nous avons envoyé rabais de 15% pour tous les produits que n’est pas parce que vous avez fait une affaire
une offre à tous nos clients sur le thème l’on achète et que l’on revend sans valeur que vous allez forcément ne dépenser que le
“N’attendez pas que l’euro remonte pour ajoutée, comme les produits cosmétiques montant exact de l’affaire conclue. Le client
réserver !”. En effet, toutes les offres spé- au spa ou les bouteilles de vins européens. va peut-être dépenser plus, parce qu’il aura
1 Après un apprentissage en Allemagne, Alexandre Seiler a ouvert une fabrique de savons et bougies avec deux de ses frères, Franz, notaire à Blitzingen et Joseph, prêtre et professeur
au collège de Brigue, nommé plus tard vicaire de Zermatt. Ce dernier l’encourage à se lancer dans l’hôtellerie. Il ouvre le Monte-Rosa, puis le Mont-Cervin en 1867. Sa notoriété
croîtra avec la première ascension du Cervin par Ed. Whymper, résident de l’un de ses hôtels, en 1865
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Trois-Couronnes à Vevey
déjà libéré sa conscience en concluant une destination de ski s’est exprimé dans le Blick multiplier le prix d’achat par 2 (pour les vins
bonne affaire. Cela a été tout récemment en commentant le mauvais accueil et les prix les plus chers) ou jusqu’à 3,5 pour en obte-
le cas avec les clients du site de vente en surfaits qu’il a rencontrés en Suisse. En guise nir le prix de vente. Depuis lors, le prix des
ligne Qoqa, qui ont dépensé plus que l’offre de réaction, un ami hôtelier de Zermatt, vins suisses est arrêté selon un système de
de base. Si l’on étudie le comportement Daniel Lauber du « Cervo », lui a répondu marge fixe en francs, avec deux paliers selon
des Suisses réservant des séjours à l’étran- publiquement qu’il tenait à lui démontrer le le prix d’achat : « Il faut faire boire des vins
ger depuis le 15 janvier, ce n’est pas parce contraire et l’a invité à passer une semaine locaux aux gens locaux. Si nous ne buvons
que l’euro a baissé qu’ils dépensent moins. dans son établissement à sa date de conve- pas nos propres vins, qui les boira ? », s’inter-
Ils veulent en avoir pour leur argent. On ne nance. C’est une belle manière de réagir ! Si roge le directeur. Le but est de proposer au
peut certes pas effectuer des baisses de prix l’on parle avec nos fournisseurs, ils constatent consommateur une bouteille dont le tarif ne
également tous que les commandes ont s’éloigne pas trop de celui payé à la cave.
diminué depuis janvier, même si chacun Pourquoi un consommateur serait-il d’ac-
possède ses structures de coûts. La plupart cord de payer 70 francs une bouteille que le
«Nous essayons de mon- d’entre eux ont joué le jeu et ont également vignerons vend 15 francs ? Généralement, le
adapté leurs prix. En parallèle de la réaction client local connaît le prix pratiqué par le pro-
trer à nos hôtes qu’ils sur les prix, il est important de continuer à ducteur. Et à partir de 80 francs la bouteille,
ont fait un deal. Ce n’est investir afin d’améliorer la qualité de nos le client préfère commander un vin étranger
pas parce que vous avez prestations. En ce qui nous concerne, nous (excepté pour certains vins rares). En rédui-
fait une bonne affaire sommes en train de rénover nos chambres sant le prix des vins suisses de 15% à 25%
que vous allez forcément ainsi que notre espace de restauration. depuis l’été 2014, les Trois-Couronnes ont
fait augmenter la quantité de bouteilles ven-
ne dépenser que le mon- Vins suisses moins chers dues, y compris des crus étrangers : « Nous
tant exact de l’affaire Jay Gauer a aussi décidé de favoriser les avons pu améliorer nos marges grâce à une
conclue… » vins suisses en pratiquant des prix différen- meilleure politique d’achat sur les vins étran-
ciés pour les rendre plus attractifs : « L’idée gers. En fin de compte, ce sont les quantités
partout, mais il est nécessaire d’avoir un pro- m’a été soufflée au départ par Federico qui ont augmenté. C’est bon signe pour les
duit que l’on peut adapter à la demande. Il Sommaruga, de Suisse Tourisme. Il avait été deux produits ».
faut également faire des efforts au niveau de frappé de voir le prix de vins vaudois ven- Avec la fin du taux plancher, Jay Gauer s’est
l’accueil et cela, ce n’est pas forcément une dus dans les Grisons. Observée chez le roi de résolu à adapter «pour une période indéter-
question de change, même s’il n’est guère la truffe Reto Mathis, à Saint-Moritz, l’idée minée» le prix des vins européens en bou-
possible d’accroître le personnel. Il faut faire de départ est de fixer les prix à la carte de teille en maintenant une baisse de 15%.
avec ce que l’on a et certains hôteliers en manière différenciée pour les vins suisses Chacun doit faire des efforts pour que la
Suisse montrent l’exemple avec de la créati- et les vins étrangers. Jusqu’à l’été 2014, promotion de nos produits soit efficace.»
vité. En Autriche, le directeur d’une grande Jay Gauer utilisait le coefficient consistant à Olivier Grivat
L’Hôtel des Trois-Couronnes à Vevey ; une perle de l’hôtellerie lémanique.
Infôtellerie – Mars 2015 – No 81 7
Economie
Suisse Tourisme veut élargir son ho
Face à une baisse attendue du cette donne. ST demande au Parlement des la nouvelle situation monétaire et de la crise
ressources supplémentaires de 30 millions, persistante de l’Ukraine. La plupart des éta-
tourisme de 10%, l’organisa-
soit un total de 270 millions pour les quatre blissements interrogés estiment que le franc
tion faîtière veut conserver la ans à venir. Sans ces ressources, les activités fort affectera à moyen et à long terme la
clientèle des marchés européens de promotion de ST seraient restreintes au marche de leurs affaires. Beaucoup d’hôte-
proches et diversifier davantage marketing de base en Suisse, au maintient liers sont menacés dans leur existence même
de la clientèle sur les marchés traditionnels et de nombreux emplois sont aujourd’hui
les marchés lointains à fort européens sensibles aux prix et à des activi- en jeu. La branche est confrontée à des
potentiel. tés limitées de diversification dans les mar- défis de taille, qu’elle devra relever par ses
chés lointains, assurent les dirigeants de propres forces, mais aussi par des mesures
« La fin du cours plancher à Fr. 1.20 décidé Suisse Tourisme. Une campagne promotion- de politique économique à effet immédiat :
par la BNS nécessite une expansion sur de nelle de stabilisation doit atténuer largement « La branche a énormément investi ces der-
nouveaux marchés et une concentration tou- nières années dans la qualité des produits
jours plus importante sur des groupes cibles et des services, relève Andreas Züllig, nou-
prometteurs », estime Suisse Tourisme. A veau président d‘hotelleriesuisse. Il importe
moyen terme, l’Europe demeurera certes la aujourd’hui cette stratégie afin de nous
colonne vertébrale du tourisme et les clients « En 2014, Vaud cumule différencier de la concurrence étrangère.
européens doivent absolument être conser- Nous disposons de produits exceptionnels
2 655 696 nuitées hôte-
vés, mais il va falloir élargir encore l’horizon. dans des paysages d’une beauté unique. »
En 2014, 13 millions de nuitées d’hôtes lières, soit une hausse de Andreas Züllig insiste sur le rôle qui revient
européens ont été enregistrées dans l’hôtel- 53 193 unités. Il s’agit du aux instruments éprouvés de la promotion
lerie, soit 36% du total des nuitées. Les mar- meilleur résultat jamais touristique : « Le programme d’impulsion
chés particulièrement sensibles aux prix tels atteint à ce jour... » 2016-2019 est capital pour éviter un arrêt
que l’Allemagne et les Pays-Bas nécessitent des investissements et mettre en œuvre des
un marketing encore plus ciblé. « Touristes idées novatrices ».
voyageant en train, amoureux de la nature les effets du taux de change. Cette cam- L’abolition du cours plancher de l’euro a
ou amateurs de circuits touristiques seront pagne d’un montant total de 3,9 millions entraîné, du jour au lendemain, un désavan-
explicitement ciblés », promet Suisse sera financée par ST, avec la participation tage de coûts de quelque 20% pour l’hôtel-
Tourisme (ST) qui envisage aussi de renforcer de la branche et de partenaires nationaux, lerie suisse par rapport à ses concurrents
ses activités dans des marchés moins sen- sans que des ressources supplémentaires ne étrangers. Du coup, la branche a besoin
sibles au franc fort, comme la Scandinavie, soient demandées à la Confédération. Sur de mesures supplémentaires à effet rapide.
la France et le Royaume-Uni. Dans certaines le plan du contenu, elle aura pour ambas- hotelleriesuisse réclame donc un programme
métropoles désormais desservies par des sadeurs les personnages Sebi et Paul, et, à d’urgence destiné à stimuler le tourisme
vols directs (Riga, Ljubljana et Zagreb), ainsi partir de l’été, des personnalités comme intérieur, mais aussi l’octroi, par la Société
que dans les centres urbains de la Turquie le conseiller fédéral Johann Schneider- Suisse de Crédit Hôtelier, d’allégements
(par exemple Izmir), ST axera sa promotion Ammann. Ils relateront leurs expériences d’intérêts et de reports d’amortissements
sur la clientèle à fort pouvoir d’achat en col- en Suisse et inciteront les Suissesses et les de cinq ans et une augmentation des res-
laboration avec SWISS et les ambassades et Suisses à passer leurs vacances au pays. Une sources allouées en 2015 au programme de
consulats suisses, ainsi que les voyagistes et première action est prévue à Pâques. Des promotion Innotour.
les médias. effets d’atténuation de l’impact du franc fort Depuis des années, l’hôtellerie suisse lutte
La Suisse reste une destination de rêve pour permettent de générer jusqu’à 1,2 million de contre le niveau des coûts élevé comparé
les voyageurs aisés venant de marchés loin- nuitées supplémentaires (hôtellerie et para- à ses voisins. L’écart des prix s’est encore
tains. En Asie, des ressources supplémen- hôtellerie), soit un supplément de chiffre accentué depuis le 15 janvier : « Nous
taires permettront à ST de promouvoir le d’affaires de 2,43 milliards par an. avons besoin de mesures concrètes en ce
tourisme individuel et des séjours en Suisse qui concerne les importations parallèles, le
en toute saison. Dans le domaine du tou- Miser sur l’innovation principe du Cassis-de-Dijon et la loi sur les
risme d’affaires, les activités promotionnelles Par rapport à 2013, les chiffres 2014 enre- cartels, afin de renforcer la compétitivité de
se focaliseront sur les voyages de motiva- gistrent une légère hausse de 0,9%, assure l’hôtellerie suisse, indique Andrea Züllig. Il
tion. Dans cet objectif, les succursales de ST hotelleriesuisse. La forte valorisation du incombe aux responsables politiques d’assu-
dans les pays du Golfe et en Asie du Sud- franc place l’hôtellerie devant d’énormes rer des conditions-cadres équitables ».
est seront renforcées. Ces mesures à moyen défis. Pour y répondre, l’organisation
terme ne pourront être réalisées qu’avec une entend miser plus encore sur l’innovation, Excellent bilan pour le canton
hausse correspondante du budget de ST, la qualité et la coopération. L’association de Vaud
estime celui-ci. réclame aussi des mesures d’urgence La hausse de 2% des nuitées vaudoises
ciblées, à inscrire dans le cadre des pro- constatée est due à une croissance durable
30 millions supplémentaires grammes d’encouragement existants, ainsi des hôtes suisses, mais aussi à une améliora-
demandés à Berne que des conditions cadres équitables. Les tion sensible des nuitées européennes
La demande de financement de 240 mil- bons résultats sont à mettre au compte Vaud cumule 2 655 696 nuitées hôtelières en
lions de francs initialement prévue pour les d’une hausse de la demande intérieure, 2014, soit une hausse de 53 193 unités. La
années 2016 à 2019 correspondait à un ainsi que d’une augmentation de la clientèle moyenne suisse s’élève à +0,9%. Il s’agit du
catalogue stratégique établi avec un taux de en provenance d’Asie et des Etats du Golfe. meilleur résultat jamais atteint à ce jour.
change fixe de l’euro de Fr. 1.20. L’abolition Le recul des hôtes européens et de la clien- Si le marché suisse représente la plus forte
du taux plancher a radicalement modifié tèle russe devrait s’accentuer sous l’effet de progression, les hôtes européens en pro-
8 Infôtellerie – Mars 2015 – No 81
Economie
orizon Top 5 des pays de provenance
des hôtes dans le canton de
Vaud en 2014
1. Suisse, 1 110 276 nuitées
2. France, 296 970 nuitées
venance de France, Allemagne et Belgique dont provient plus de la moitié des hôtes 3. Allemagne, 148 012 nuitées
affichent également une évolution positive étrangers du canton, contribue aux bons 4. Royaume-Uni, 118 013 nuitées
en 2014. A noter que les pays du Golfe résultats. Malgré le recul de ces dernières 5. USA, 113 951 nuitées
et les USA montrent une forte croissance. années, l’OTV et les destinations vaudoises Tous pays confondus : 2 655 696 nuitées
L’évolution positive du marché suisse ont sans cesse maintenu leurs investisse-
(+2,8%) représente l’augmentation la plus ments sur les marchés traditionnels euro-
importante (+30 328 nuitées) : « Ce résultat péens avec leurs propres représentants moins sensibles au cours du change et
très encourageant démontre que les hôtes basés à Paris, Milan, Francfort et Londres, leur venue compense en partie la situation
suisses continuent de porter un intérêt pour ainsi qu’avec Suisse Tourisme. En parallèle, conjoncturelle européenne de ces dernières
leur pays et ont envie de découvrir l’offre l’OTV maintient une stratégie de diversifica- années », conclut Andreas Banholzer.
touristique des destinations vaudoises. Nous tion, notamment sur les marchés lointains. Enfin, si l’on compare à 2013, l’augmen-
allons poursuivre en 2015 nos démarches de Si la Russie enregistre en 2014 une forte tation des nuitées a été réalisée principa-
promotion au niveau national », commente diminution (–6134 nuitées ; –10,1%) due à lement durant l’été, notamment en août
Andreas Banholzer, directeur de l’OTV. Le la situation en Ukraine et l’effondrement du (+8% de nuitées) malgré une météo plu-
marché suisse demeure le premier marché. rouble, la Chine et l’Inde poursuivent une vieuse. Il est très difficile à l’heure actuelle de
Si en 2009, celui-ci représentait 35% des évolution positive (Chine : +3021 nuitées ou faire des pronostics. La branche touristique a
nuitées totales (883 000 nuitées), il atteint +4,6% ; Inde : +2423 nuitées ou +6,4%). de nombreux défis à relever pour faire face
aujourd’hui 42% (1 110 276 nuitées). Les USA génèrent également une impor- à la force du franc. La situation monétaire
Du côté des marchés européens de proxi- tante augmentation en 2014 (+12 925 actuelle, si elle se confirme, aura des réper-
mité, l’Allemagne (+5193 nuitées ou nuitées ou +12,8%) due principalement cussions sur la demande. Dans ce contexte,
+3,6%), la France (+3010 nuitées ou +1%) au tourisme d’affaires). La plus forte aug- l’OTV et ses partenaires (notamment l’Office
et la Belgique (+1317 nuitées ou +1,2%) mentation en valeur absolue concernant des vins vaudois) vont soutenir les mesures
enregistrent des progressions. Le Royaume- les hôtes étrangers s’observe pour les pays promotionnelles de Suisse Tourisme à hau-
Uni est par contre en baisse (–10 786 nui- du Golfe (+21 168 nuitées ou +43,9%), teur de 100 000 francs sur le marché suisse.
tées ou –8,4%) ainsi que l’Espagne (–4804 qui est à mettre en relation avec les dates Un montant de 80 000 francs a été aussi
nuitées ou –11,6%). Le lent redressement du Ramadan plus précoces en 2014 : « Les décidé pour promouvoir le marketing du
économique des pays de la zone euro, hôtes des pays hors de la zone euro sont canton en Suisse et à l’étranger. (cp/OG)
Le train des vignes qui relie Vevey à Puidoux en traversant les terrasses de Lavaux. (photo Marcus Gyger/Suisse Tourisme)
Infôtellerie – Mars 2015 – No 81 9
Groupe Barrière
Casinos frontaliers victimes de l’e
Rien ne va plus pour les mai- sous en Suisse, on ne peut pas demander Barrière en Alsace à 2 km de la frontière, à
aux fabricants de produire des machines que Blötzheim, a perdu du jour au lendemain
sons de jeux suisses ? Déjà
pour la Suisse. Depuis deux ou trois ans, il plus de 20% du chiffre d’affaires au len-
touché par l’interdiction de la semble heureusement que la CFJ a assoupli demain du 15 janvier. Cela prouve claire-
fumée et les casinos en ligne, le ses règles. ment que le casino alsacien marche avec la
Casino Barrière de Montreux clientèle suisse. De plus, l’Etat français s’est
– Dans les facteurs négatifs, il y a eu aperçu qu’il était allé trop loin dans ses exi-
est frappé par la chute de aussi l’interdiction de la fumée… gences fiscales et il se montre désormais plus
l’euro. Gilles Meillet, le nou- – L’interdiction de la cigarette entraîne une ouvert à la discussion.
veau directeur des casinos perte de 17 à 20% du chiffre d’affaires,
une perte impossible à récupérer. Affirmer – Les casinos helvétiques versent moins
à l’international du groupe
que les non-fumeurs viennent jouer en plus d’argent aux caisses de l’AVS…
Barrière, fait le point. grand nombre si les fumeurs ne viennent – Oui, et c’était précisément le but de la
plus est archi-faux ! Vaud est le seul canton réouverture des maisons de jeux en 2001.
– La présence des casinos et des mai- à ne pas admettre des machines à sous dans Rien que pour Montreux, l’impôt que pré-
sons de jeux en Suisse date de 2001. un fumoir. Dans tous les autres cantons, la lève Berne est tombé de 69 millions en 2009
Montreux reste le No 1 helvétique, mais chose est possible. On le comprend pour les à 43 millions de francs en 2013.
avec des résultats en baisse… jeux de table dans le souci de protéger le per-
– L’activité baisse dans tous les casinos du sonnel, mais pourquoi pour des machines ? – Le groupe Barrière possède aussi un
monde, ce n’est pas seulement la Suisse A Fribourg, 50% du parc est dédié aux casino à Courrendlin (JU) et à Fribourg.
qui est touchée. C’est lié essentiellement fumeurs et 50% aux non-fumeurs. Est-ce la même situation qu’à Montreux ?
à la situation économique et à la diversifi- – Fribourg a été victime de l’ouverture
cation des loisirs. N’importe qui peut jouer – De 2007 à 2013, les recettes des mai- du Casino de La Rotonde à Neuchâtel, à
au casino en ligne sur internet, sur des sites sons de jeux suisses se sont réduites 30 minutes de voiture. C’est la même zone
répartis dans le monde entier. Les loteries et de 25% pour atteindre 746 millions de d’achalandise. Il a perdu 13% de son chiffre
les jeux de grattage prennent aussi de plus francs. Pour 2014, la baisse serait de 5 à d’affaires. Pour réagir, nous avons effectué
en plus de place: Euro Millions, Swiss Loto, 6%. Cela va-t-il continuer en 2015 ? des travaux qui doivent être achevés à fin
etc. – A Montreux et pour tous les casinos fron-
taliers, la fin du taux plancher nous péna-
– Mais en cas de crise, les joueurs ne lise énormément. On l’a vu tout de suite
misent-ils pas davantage ? aux montants des devises échangées à nos
– Les joueurs ne viennent pas gagner leur guichets. Sur un mois on a perdu 30% du « Vaud est le seul canton
vie au casino. Pour les loteries il en va dif- montant total des devises au profit, pour à ne pas admettre des
féremment. Elles sont plus accessibles. Le une bonne part sans doute, des casinos de
casino exige une démarche particulière pour Divonne et d’Evian qui ont gagné du ter-
machines à sous dans
jouer. Il ne suffit pas de passer devant un rain. Et l’on n’est qu’en hiver. Qu’en sera-t-il un fumoir. Dans tous les
kiosque à journaux. Il faut présenter sa carte durant la belle saison où les joueurs viennent autres cantons, la chose
d’identité, passer du temps à jouer. Quand d’Italie ou d’Allemagne. J’ai bien peur qu’ils est possible. A Fribourg,
Montreux a ouvert il y a juste douze ans, la ne viennent pas. Le pire est pour les casinos 50% du parc est dédié aux
Commission fédérale des maisons de jeux tessinois qui ont dû procéder à des licencie-
ments. Autrefois No 1 en Suisse, Mendrisio
fumeurs et 50% aux non-
(CFMJ) se montrait plutôt coopérative. Par la
suite, Berne a changé de registre. L’autorité est en train de négocier un accord avec la fumeurs… »
de tutelle est devenue plus restrictive, ville, Locarno souffre aussi, tout comme
ordonnance par ordonnance. Aujourd’hui Lugano.
la Suisse possède une législation parmi les avril. Le restaurant qui était installé dans la
plus contraignantes d’Europe. Il y a trois ans – Avec quelles conséquences pour l’em- salle de jeux et qui ne pouvait donc accueillir
par exemple, un joueur autrichien a profité ploi à Montreux ? les familles n’était pas attractif. Nous avons
involontairement d’un défaut technique – Nous avons fermé le restaurant du haut et remis la salle des machines à sous et les jeux
d’une machine à sous pour réussir des gains agrandi celui du bas par un magnifique jar- de table au même étage. Nous avons aussi
incroyables suite à une succession de parties din d’hiver, ce qui nous a permis de recentrer ouvert de grandes baies pour permettre aux
gratuites. La Commission fédérale des jeux les équipes. Nous étions 220 employés, nous joueurs de voir vers l’extérieur. Jusque-là
a interdit toutes les machines de ce type. Or sommes aujourd’hui 200, dont une bonne c’était un casino aveugle. Nous avons aussi
c’était parmi les meilleures du parc suisse et cinquantaine de croupiers, beaucoup d’Ita- réaménagé le parking souterrain avec accès
c’est la même CFMJ qui les avait homolo- liens et des Français. Nous prenons garde à direct au casino et créé une brasserie libre
guées. Malgré tous nos recours, nous avons conserver une majorité d’employés suisses d’accès, pour un total des travaux d’un mil-
dû remplacer 160 machines – pour près formés en Suisse. lion de francs. A Courrendlin, qui est un tout
d’un million de francs – par des modèles petit casino mais qui se porte bien, nous
qui plaisent moins aux joueurs. Les clients – Malgré cela, le Casino de Montreux avons aussi procédé à des travaux pour en
veulent passer du temps à jouer et ce type reste le No 1 en Suisse… faire un endroit convivial et ouvert vers l’ex-
de machines à sous s’y prêtait bien. Si, pour – Oui, même si Montreux a baissé un peu térieur. C’est le prix à payer pour se battre
50 francs, il ne joue que 10 minutes au lieu plus que les autres, en raison de l’impact contre tous les autres types de jeux.
d’une heure, il se sentira frustré. La Suisse frontalier. Les casinos de Baden ou de Berne En France, les grands casinos du groupe sont
est le seul pays au monde à avoir pris cette sont moins touchés. En revanche, celui de généralement accouplés à un, deux ou trois
mesure. Il existe 3000 à 4000 machines à Bâle, qui possède un concurrent du groupe hôtels. Qu’en est-il à Montreux ?
10 Infôtellerie – Mars 2015 – No 81Vous pouvez aussi lire
