Israël : ripostes militaires de précision au Hamas de Gaza - Association nationale des croix de guerre et de la ...

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Israël : ripostes militaires de
précision au Hamas de Gaza

Par ses bombardements ciblés en représailles aux tirs de roquettes sur son
territoire, Israël entend créer un climat d’insécurité totale au sein du mouvement
islamiste Hamas.

Le lieutenant-colonel Jonathan Conricus, porte-parole de Tsahal (forces armées
israéliennes) l’a expliqué au cours d’une visioconférence organisée, le 17 mai
2021 entre Jérusalem et Paris, par l’Association des journalistes de défense. La
visioconférence a dû être retardée en raison d’une alerte en cours. Du 10 au 17
mai, les victimes de l’affrontement entre Israël et le Hamas de la bande de Gaza
sont estimées à 10 tués et 294 blessés du côté israélien et 200 tués et plus de
1.300 blessés du côté palestinien.

Un contexte de guerre. Depuis 13 jours, 3.200 roquettes sont tombées sur
Israël, mais avec un nombre réduit de victimes grâce au « dôme de fer », indique
le lieutenant-colonel. Chaque unité du dôme comprend un radar de
trajectographie, des roquettes et une batterie de missiles d’interception de courte
portée. Dérivé du « Patriot » américain, ce système est de conception israélienne.
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En cas de tirs de roquettes décelés, les sirènes alertent la population de
l’agglomération visée, qui se réfugie dans des abris en béton. A la date du 17 mai,
le dôme de fer avait intercepté 90 % des roquettes, dont certaines ont explosé à
Gaza. Il n’entre en œuvre que contre celles risquant d’atteindre des habitations.
Tsahal a détruit 850 cibles considérées comme militaires, tuant 130 combattants.
Les tirs de précision visent à réduire au maximum les dégâts collatéraux, souligne
le lieutenant-colonel Conricus.

Des frappes chirurgicales. Le Hamas, dit-il, dissimule des installations
militaires dans des infrastructures civiles très fréquentées, pour utiliser les
passants comme boucliers humains. Ainsi, le 15 mai, une bombe guidée par GPS a
totalement détruit la tour hébergeant les bureaux de médias étrangers, dont ceux
de l’agence de presse américaine Associated Press et de la télévision qatarie Al-
Jazira. Le personnel avait été sommé d’évacuer les lieux une heure avant
l’attaque. Le ciblage de la tour, sans endommager les immeubles voisins, a été
déterminé car elle abritait aussi les bureaux du service de renseignement du
Hamas, des armes en cours de développement et des moyens logistiques. En
outre, les bombardements ont détruit 100 km de tunnels aux parois bétonnées,
par lesquels transitent des armes et des groupes armés. Il s’agit de perturber les
activités militaires et civiles du mouvement islamiste, précise le lieutenant-
colonel. Les opérations de représailles visent aussi les cadres militaires et les
ingénieurs de haut niveau du Hamas. La prise de décision, processus complexe
auquel participe un conseiller juridique, prend en compte la valeur de la cible et
la réduction maximale du nombre de victimes potentielles. A titre indicatif, dans
le passé, un dirigeant du Hamas a été abattu sans que son épouse, qui se trouvait
à ses côtés, soit blessée.

Le Hamas. Le mouvement palestinien Hamas, qui comprend des branches
politique et militaire, prône la destruction d’Israël et la création d’un Etat dans
les frontières de 1967 avec Jérusalem pour capitale. Il est implanté à Gaza, en
Cisjordanie et dans les camps de réfugiés palestiniens au Liban, en Syrie et en
Jordanie. Avec sa direction politique au Qatar, il dispose de camps d’entraînement
en Syrie, au Liban, au Soudan et en Iran qui lui apporte une aide politique,
financière et militaire. Son opposition à Daech et son hostilité à l’Etat islamique
au Sinaï ont permis au Hamas de se rapprocher de l’Egypte.

Loïc Salmon
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Proche-Orient : Israël, envisager tous les scénarios de riposte

Lève-toi et tue le premier

Sécurité : Israël et la France, face au terrorisme islamiste

Marines : le sous-marin, arme
tactique puis outil stratégique

Arme du combat naval, le sous-marin a pris une dimension stratégique dans la
conduite de la guerre, la dissuasion nucléaire et le déni d’accès à un théâtre.

Alexandre Sheldon Duplaix, chercheur au Service historique de la défense et
conférencier à l’Ecole de guerre, l’a expliqué au cours d’une visioconférence
organisée, le 3 décembre 2020 à Paris, par l’association Les Jeunes IHEDN.

Evolution technologique. Le premier submersible, mu par la force humaine,
apparaît en1776 aux Etats-Unis pour transporter, sans succès, une charge
explosive jusqu’à la coque d’un vaisseau adverse. Au cours du XIXème siècle,
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l’invention des piles et batteries électriques va déboucher sur un mode de
propulsion mixte pour le « torpilleur submersible ». Celui-ci se déplace en surface
au moyen d’un moteur à vapeur, qui lui permet aussi de recharger des batteries
alimentant son moteur électrique pour naviguer en plongée. Pendant la première
moitié du XXème siècle, le sous-marin augmente sa vitesse, grâce à sa forme
hydrodynamique, pour attaquer en plongée des navires de surface avec des
torpilles acoustiques. Toutefois, le « schnorchel », tube d’acier alimentant en air
son moteur diesel pour recharger les batteries sans faire surface, constitue une
vulnérabilité. En 1954, la propulsion nucléaire, développée aux Etats-Unis, lui
permet de s’en affranchir, d’augmenter sa vitesse, de renouveler l’oxygène du
bord et d’alimenter toutes les installations électriques. Le Nautilus devient le
premier sous-marin nucléaire d’attaque (SNA). Dès 1961, l’armement nucléaire
puis la technologie MIRV (missiles à plusieurs têtes suivant une trajectoire
indépendante) donnent une dimension stratégique aux sous-marins américains
lanceurs d’engins (SNLE). Pour combler son retard, l’URSS installe des missiles
balistiques sur ses sous-marins à propulsion diesel-électrique puis construit des
SNLE. Parallèlement dans les années 1950 et 1960, les Etats-Unis immergent des
systèmes d’hydrophones dans les océans Atlantique et Pacifique pour surveiller
les déplacements des submersibles soviétiques. Puis, l’augmentation de la portée
des missiles n’oblige plus les SNLE américains à s’approcher des côtes
soviétiques. L’URSS déploie alors des avions à long rayon d’action pour protéger
les zones de patrouille de ses SNLE. Les Etats-Unis envoient des SNA chasser ses
SNLE et menacent ses bases au moyen de leur aviation embarquée et de missiles
de croisière. Par ailleurs, France, Grande-Bretagne et Chine construisent à leur
tour des SNA pour développer une composante stratégique (SNLE). La Grande-
Bretagne adopte la technologie et les missiles balistiques Polaris américains. Au
début, la France dépend des Etats-Unis pour l’aide technique et l’uranium
nécessaire aux réacteurs de ses sous-marins. Puis, elle met au point le concept de
dissuasion pour interdire une attaque de l’URSS en visant ses principales
métropoles. Dans les années 1980, l’URSS obtient, par espionnage, les codes et
les zones de patrouille des sous-marins américains et les plans des hélices des
SNA. A la fin de la guerre froide (1991), la Russie commence à déployer des SNA
discrets.

Arme égalisatrice. L’arme sous-marine est déployée pendant les guerres de
Crimée (1853-1856) et de Sécession (1861-1865). En 1917, l’Empire allemand
lance la guerre sous-marine à outrance dans l’Atlantique, avant que les Etats-Unis
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soient prêts à intervenir. Les Marines alliées instaurent alors le blocus des ports
allemands et organisent la protection des convois pour le transport rapide des
troupes américaines. Entre les deux guerres mondiales, les Etats-Unis mettent au
point le « plan Orange » pour couper les voies de communications du Pacifique au
Japon, qui prévoit d’y affaiblir la flotte de croiseurs américains par des attaques
de sous-marins avant une bataille navale décisive. L’Allemagne lance la
production de sous-marins en 1942, alors que la Grande-Bretagne a déjà cassé le
code de la machine Enigma utilisée par la Kriegsmarine. La guerre sous-marine
américaine dans le Pacifique coupe les approvisionnements en combustibles du
Japon, dont les pilotes ne peuvent obtenir une formation suffisante dès 1943.
Dans les années 1980, le sous-marin intervient dans la guerre psychologique. Les
Etats-Unis et la Grande-Bretagne l’utilisent dans des opérations spéciales pour
inquiéter l’URSS. Ainsi, suite à l’échouement accidentel d’un submersible
soviétique sur une côte suédoise en 1981, des incursions sous-marines dans les
eaux suédoises sont attribuées à l’URSS et admises par les Etats-Unis en…2000.
Pendant la guerre des Malouines (1982), un SNA britannique coule le croiseur
argentin Belgrado, contraignant la flotte de surface argentine à rester dans ses
ports. Le sous-marin assure des missions de renseignement et d’infiltration-
exfiltration de commandos. Il participe aux guerres contre l’Irak en 1991 et 2003,
avec le lancement de missiles de croisières américains Tomahawk. Des SNA
restent déployés en Adriatique pendant toute la guerre du Kosovo (1998-1999) et
au large de la Libye en 2011. Par ailleurs, le sous-marin classique devient une
arme du combat littoral. Les Marines américaine, britannique et française, qui
n’en possèdent plus, développent des drones sous-marins pour la reconnaissance
et la lutte contre les torpilles, afin de conserver leurs SNA au large. Enfin, les
petits sous-marins sont déjà utilisés par les narcotrafiquants pour le transport de
la drogue et pourraient l’être, bientôt, par les organisations terroristes.

Dissuasion géopolitique. Les Etats-Unis préparent des missiles de croisière,
contre les missiles de croisière développés par la Chine, non contrainte par les
traités de limitation conclus entre Washington et Moscou. Outre la mise en
chantier d’un 2ème porte-avions, celle-ci a construit des pistes d’aviation sur 7
îlots et atolls poldérisés en mer de Chine du Sud, pour protéger ses côtes contre
le Japon, la Malaisie et l’Australie. Elle compte sur le projet, en cours, des «
Routes de la soie » pour apaiser les tensions politiques avec ses voisins, mais veut
empêcher toute indépendance formelle de Taïwan, l’intégrer sans combat et
empêcher la VIIème Flotte américaine, stationnée dans le Pacifique Ouest et
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l’océan Indien, d’intervenir. Elle modernise en conséquence ses sous-marins
classiques anaérobies, pouvant rester en plongée quelques jours sans sortir leur
schnorchel, et développe des SNA qui patrouillent en mer de Chine du Sud. Ses
SNLE sont équipés de missiles balistiques J-L 2 d’une portée de 8.000 km. Les
essais réussis du J-L 3 d’une portée de 14.000 km lui permettront de frapper des
objectifs sur la côte Ouest des Etats-Unis et, si tirés dans le Pacifique, d’atteindre
Washington. Par ailleurs, Israël dispose d’une capacité de frappe nucléaire à
partir de sous-marins anaérobies. L’Inde va lancer un SNA et construit un SNLE.
L’Iran développe des sous-marins classiques pour sa Marine et des petits
submersibles pour l’organisation paramilitaire des Gardiens de la Révolution. La
Russie, qui ne dispose que du sixième des la flotte sous-marine de l’ex-URSS,
développe des drones sous-marins pour patrouiller en Baltique. L’Australie va
construire 12 sous-marins anaérobies bénéficiant de la recherche sur les SNA
français.

Loïc Salmon

Sous-marins militaires

Le sous-marin nucléaire d’attaque : aller loin et durer

Marine nationale : SNA Suffren, campagne d’essais à la mer

Armes nucléaires : arsenaux
modernisés d’ici à 2040
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Les Etats détenteurs de l’arme nucléaire portent leurs investissements futurs
surtout sur les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) et les
performances des missiles.

Ce constat a fait l’objet d’une note publiée, le 2 octobre 2020 à Paris, par deux
membres la Fondation pour la recherche stratégique : Bruno Tertrais, directeur
adjoint, et Emmanuelle Maitre, chargée de recherche.

Perspectives. Après analyse des arsenaux nucléaires, actuels et futurs,
notamment des Etats-Unis, de la Russie, de la Chine, de la Grande-Bretagne, de
l’Inde, du Pakistan et d’Israël, quatre tendances caractérisent leur
modernisation : pérennisation des armes pour les Etats occidentaux,
diversification et amélioration pour les autres ; développement de la composante
maritime, à des degrés divers, pour tous ; montée en gamme des missiles en
portée, vitesse et capacité d’emport ; dualité des systèmes d’armes, classique ou
nucléaire, combinant porteurs (chasseurs-bombardiers ou sous-marins) et
lanceurs (missiles balistiques ou de croisière). Vers 2030, l’Inde et le Pakistan, qui
devraient disposer chacun de 200 à 1.000 armes nucléaires, deviendront des
« puissances nucléaires de deuxième rang », au même titre que la Chine, la
France et la Grande-Bretagne. De leur côté, les Etats-Unis et la Russie pourraient
se lancer dans une course aux armements, en multipliant les têtes nucléaires sur
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les lanceurs balistiques. Toutefois, les conséquences économiques de la pandémie
du Covid-19 pourraient provoquer une baisse des investissements dans ce
domaine.

Les Etats-Unis. La modernisation de la triade nucléaire est estimée à 1.200
Mds$ sur 30 ans. Les SNLE de la classe Columbia (voir encadré), qui effectueront
leur première patrouille en 2030-2031, coûteront le cinquième du budget de la
construction navale militaire pendant une décennie. Leurs missiles Trident 2-
D5LE resteront en service jusqu’en 2084. Le bombardier B-21 Raider, en cours de
développement, remplacera les B-1B et B-2 à partir de la fin des années 2020. Il
emportera des missiles LRSO à longue portée et des bombes B-61-12. Sur les
1.000 exemplaires de LRSO prévus, la moitié sera dotée d’une arme nucléaire. La
bombe B-61-12 restera en service jusqu’en 2038. Transportable sur les F-15, F-16
et PA-200 Tornado, elle sera déployée en Europe avant 2025.

La Russie. Quatre nouveaux SNLE Borei sont entrés en service. A la fin des
années 2020, dix unités seront réparties entre la Flotte du Nord et celle du
Pacifique. Le programme de « drone torpille thermonucléaire » Status-6 Poseidon,
s’il est maintenu, commencera en 2027. La modernisation de la composante
terrestre, entreprise en 2000, sera achevée en 2025 avec 530 lanceurs
opérationnels. Déjà, 140 lanceurs, mobiles ou en silo, RS-24 Yars (SS-27 Mod-2)
peuvent emporter jusqu’à quatre armes nucléaires chacun. Certains lanceurs
SS-19 modifiés sont équipés du planeur hypersonique Avangard, capable de
déborder les boucliers anti-missiles américains, grâce à sa vitesse et sa faculté de
changer de cap et d’altitude. Dans les années 2030, tous les bombardiers
stratégiques actuels à long rayon d’action, Tu-160 et Tu-95, seront remplacés par
l’appareil de nouvelle génération PAK-DA. Ils emporteront le missile AS-23B, mis
au point pendant la décennie précédente.

La Chine. En 2020, 6 SNLE seraient déjà en service et équipés chacun de 12
missiles JL-2. Beaucoup plus discrets, de nouveaux submersibles de type O96 sont
en développement pour constituer un parc de 10 SNLE au cours de la décennie
2030. Ils seront équipés du missile JL-3, en cours d’essais et dont la portée
intercontinentale leur permettra d’élargir leurs zones de patrouille. Après vingt
ans de développement, le missile intercontinental sol-sol DF-41 devrait bientôt
entrer en service. Il aurait une capacité d’emport d’armes nucléaires accrue et
des modes de lancement diversifiés par rapport aux missiles balistiques existants.
A la fin des années 2020, le futur bombardier stratégique H20, comparable au B-2
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américain, pourra emporter des missiles de croisière à charge militaire classique
CJ-10K ou nucléaire CJ-20.

L’Inde. Un 2ème SNLE Arihant doit entrer en service en 2021 et deux sont en
construction. Une base dédiée sur la côte Est (baie du Bengale) pourra en abriter
quatre en 2030-2040. En outre, 2 bâtiments de surface emportent chacun 2
missiles Dhanush à courte portée et à tête nucléaire, dirigés contre le Pakistan.
Le missile balistique intercontinental Agni-5, mobile, menace les centres vitaux
chinois. Une version mer-sol de l’Agnis-6 pourrait voir le jour. Dans les années
2030, l’Inde va augmenter sa capacité de production de matières fissiles et doter
des lanceurs à longue portée de têtes nucléaires multiples.

Le Pakistan. Le missile de croisière Babur-3 équipera les sous-marins classiques
Agosta et quelques submersibles d’origine chinoise prévus dans la décennie 2020.
Le missile sol-sol Abadeel pourra emporter des têtes multiples, pour contrer les
défenses antimissiles indiennes. Les bombes Ra’ad (air-sol) et les missiles de
croisières Babur (sol-sol) sont destinés à la dissuasion nucléaire du Pakistan.

Israël. Six sous-marins classiques auraient été adaptés à l’emport de missiles de
croisière à charge nucléaire. Plusieurs dizaines d’armes nucléaires, en stock,
peuvent déjà équiper les missiles sol-sol Jéricho-II et III, à portée régionale, ou
être embarquées sur les chasseurs bombardiers F-16.

Loïc Salmon

A l’horizon 2030-2040, l’arsenal nucléaire stratégique des Etats-Unis devrait
totaliser : 12 SNLE classe Columbia de 20.810 t en plongée emportant chacun 20
missiles balistiques Trident II D5LE/D5LE2, en remplacement de 14 SNLE Ohio
(18.750 t) ; des missiles balistiques sol-sol GBSD remplaçant les 450 Minuteman
III en service en 2020 ; des bombardiers B-21 transportant des bombes B61-12 et
des missiles de croisière à propulsion nucléaire LRSO pour remplacer 46 B-52H et
20 B-2. L’arsenal nucléaire de la Russie devrait totaliser : 10 SNLE Borei (24.000
t) emportant chacun 16 missiles Balava et 1 SNLE Oscar (18.300 t) adapté pour le
lancement de 6 torpilles Poseidon, en remplacement de 6 SNLE Delta IV et Delta
III (12.600 t) en 2020 ; des missiles balistiques RS-28, SS27 Mod 1 et Mod 2
(RS-24 Yars) ; 60 bombardiers Tu-160M modernisés transportant des bombes
AS-23B. L’arsenal nucléaire de la Chine devrait totaliser : 10 SNLE Jin (11.000 t)
emportant des missiles JL-3, contre 6 emportant chacun 12 missiles JL-2 en 2020 ;
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des missiles balistiques DF-15, DF-21, DF-16, DF-5B, DF-31 et DF-41 ; 20
bombardiers H-20 transportant des bombes CH-AS-X-13. L’arsenal nucléaire de la
Grande-Bretagne devrait se limiter à 4 SNLE Dreadnought (17.200 t) avec
chacun 12 missiles Trident-2-D5 américains. L’arsenal nucléaire de l’Inde devrait
totaliser : 4 SNLE Arihant (5.500-6.500 t) emportant 4-8 missiles H-4 et K-5 ; des
missiles Agni III, IV, V et VI ; des bombardiers Mirage 2000H, Rafale et Su-30MKI
transportant bombes et missiles. L’arsenal nucléaire du Pakistan devrait
totaliser : des sous-marins classiques (1.760 t) avec des missiles Babur-3 ; des
missiles balistiques Abadeel ; des bombardiers F-16 A/B et JF-17 transportant des
bombes Ra’ad-2.

Dissuasion : nécessité de la modernisation des forces nucléaires françaises

Dissuasion nucléaire : modernisation de la composante aéroportée

Armes nucléaires : l’interdiction des essais en question

Lève-toi et tue le premier
L’efficacité de ses services de renseignement (SR) et de ses forces armées a sauvé
Israël lors de crises graves. Les succès de ses opérations clandestines n’ont pu
remplacer la diplomatie pour mettre un terme aux affrontements avec ses
adversaires, Etats ou organisations terroristes.

Cet ouvrage se fonde sur un millier d’entretiens avec des dirigeants politiques,
des hauts responsables du renseignement et même des agents d’exécution ainsi
que sur des milliers de documents fournis par ces sources. Toute opération
secrète du Mossad (SR extérieur), du Shin Bet (SR intérieur), de l’Aman (SR
militaire) ou des forces spéciales nécessite l’autorisation écrite du Premier
ministre…qui peut l’annuler au dernier moment ! Tous les Premiers ministres, qui
se sont succédé depuis 1974, avaient servi auparavant dans les SR ou les unités
spéciales. Dès la création de l’Etat en 1948, les SR envisagent de recourir à des
opérations ciblées, loin derrière les lignes des nations arabes hostiles. A la suite
d’un premier échec, le recours à des juifs autochtones dans les pays « cibles » a
été exclu, à cause des répercussions sur toute la communauté juive locale. En
outre, tout juif « traître » doit être ramené devant un tribunal israélien et non pas
exécuté, en raison de la tradition de responsabilité mutuelle et du sentiment
d’appartenance à une seule grande famille après deux millénaires d’exil. Israël
accède au rang de grande puissance du renseignement en 1956, par l’obtention
du rapport secret sur la dénonciation des crimes du stalinisme, présenté devant le
XXème Congrès du Parti communiste soviétique. La remise d’un exemplaire à la
CIA marque le début de l’alliance secrète entre les SR américains et israéliens. La
guerre secrète inclut rivalités entre SR, mésententes avec les dirigeants
politiques, échecs et dommages collatéraux. Suite à une opération indirecte
concernant un pays allié et ayant entraîné de graves conséquences sur le plan
international, les assassinats ciblés ne visent que des individus menaçant les
intérêts d’Israël et doivent être menés uniquement par ses ressortissants. Une
exécution complexe, entreprise loin à l’étranger, nécessite jusqu’à plusieurs
centaines de participants, âgés pour la plupart de moins de 25 ans. Après la
guerre des Six-Jours (1967), gagnée grâce à l’effet de surprise et anticipée par ses
SR, Israël n’a guère recherché de compromis diplomatique avec les pays arabes
voisins…jusqu’à la guerre du Kippour (1973), qui lui a coûté 2.300 soldats et
aurait pu être mieux préparée par un travail de renseignement en amont. Les SR
israéliens n’ont pas davantage anticipé la bombe à retardement constituée par les
millions de réfugiés palestiniens après les guerres de 1948 et 1967, dont une
partie vient chaque jour travailler en Israël et voit le développement des colonies
juives en Cisjordanie. Dès 1993, les organisations terroristes palestiniennes
recourent aux attentats-suicides, causant des centaines de morts et plus d’un
millier de blessés israéliens. A l’ONU, les Etats-Unis opposent systématiquement
leur véto à toute condamnation de la politique de représailles d’Israël par des
assassinats ciblés. Entre 2000 et 2017, l’Etat hébreu a procédé à environ 2.300
opérations de ce type contre le Hamas, à Gaza, ou lors d’interventions du Mossad
contre des cibles palestiniennes, syriennes et iraniennes. Les Etats-Unis, qui s’en
sont inspiré après les attentats terroristes du 11 septembre 2001, n’en ont
conduit que 401 entre 2001 et 2017.

Loïc Salmon

« Lève-toi et tue le premier », Ronen Bergman. Editions Grasset, 944
pages, 29€. Format numérique, 19,99 €

Proche-Orient : Israël, envisager tous les scénarios de riposte

Sécurité : Israël et la France, face au terrorisme islamiste

325 – Dossier : “Israël, continuum défense-sécurité depuis 50
ans”

Renseignement : pouvoir et ambiguïté des « SR » des pays arabes

Renseignement : anticiper la
surprise stratégique
La compréhension de l’environnement, en vue d’anticiper son évolution, nécessite
la configuration de scénarios possibles et susceptibles de déboucher sur une
crise, une attaque militaire ou un événement déstabilisant la société.

Paul Charon, directeur adjoint de l’Institut de recherche stratégique de l’école
militaire, l’a expliqué au cours d’une conférence-débat organisée, le 24 février
2020 à Paris, par l’Institut des hautes études de défense nationale.

Les échecs. La recherche universitaire relative à l’anticipation stratégique
provient surtout des Etats-Unis, de Grande-Bretagne et d’Israël (voir encadré),
souligne Paul Charon.

L’attaque surprise de l’aviation japonaise contre la base navale américaine de
Pearl Harbor en 1941 a déclenché ensuite des études en ce sens, au sein des
services de renseignement (SR) et du monde universitaire. Les SR américains ont
été surpris par : l’intervention de la Chine pendant la guerre de Corée (1950) ;
l’offensive nord-vietnamienne du Têt (1968) pendant celle du Viêt Nam ; les
attentats terroristes du 11 septembre aux Etats-Unis (2001) ; l’annexion de la
Crimée par la Russie (2014). Dans l’illusion de son invulnérabilité après la guerre
des Six-Jours (1967), Israël a relâché sa vigilance et n’a pas tenu compte des
manœuvres de duperie de l’Egypte (22 exercices militaires à la frontière du
Sinaï), préalables à celle du Kippour (1973). La surprise stratégique ne se
renouvelle jamais de la même façon, car le contexte évolue en permanence avec
le risque de mener une guerre de retard. Ses formes varient : diplomatie avec les
politiques de puissance de la Russie, de la Chine, de la Corée du Nord, de l’Iran et
de la Turquie ; apparition d’acteurs non étatiques comme les organisations
terroristes ; technologies nouvelles ; doctrines employant différemment des
moyens existants. Le travail d’anticipation prépare la résilience d’une société face
à une agression. Un analyste, expert sur un pays, en maîtrise la langue avec ses
nuances, qui lui permettent d’en mieux comprendre les évolutions et de les
anticiper. Mais il manque de sens tactique et n’est guère entendu par les
décideurs des pays démocratiques, obsédés par le court terme. En revanche,
l’analyste de renseignement tactique parvient à les alerter. D’ordinaire
généraliste sans connaissances approfondies, il passe d’une hypothèse à l’autre,
capacité qui fait défaut à l’expert.

Les facteurs intrinsèques. Selon Paul Charon, les SR se trouvent parfois
submergés par la quantité de « bruits », à trier pour détecter le signal opportun
(cas de Pearl Harbor). S’y ajoutent une incapacité à mettre en commun des
renseignements trop éparpillés et un manque de discernement entre niveaux
stratégique et tactique. Ainsi, la CIA savait qu’Al Qaïda préparait des attentats
aux Etats-Unis, mais ignorait où, quand et comment. La focalisation sur une
source jugée excellente (« haut placée ») conduit à la surestimer au détriment des
autres, avec le risque d’une erreur ou d’avoir affaire à un agent double.
Concentrer son attention sur une seule analyse, considérée comme indiscutable,
élimine tous les points de vue différents. Les analystes interprètent, de façon
consciente ou non, les « signaux faibles » à partir de « grilles » qui risquent d’en
écarter comme scénarios improbables. Une stratégie trop explicite peut résulter
d’une ruse, visant à abaisser le niveau de vigilance (cas de la guerre du Kippour).
Il en est de même pour une attaque improbable, malgré le « bruit » alarmant qui
l’entoure, comme crier « au loup » (danger) trop souvent. Le facteur « cognitif »
consiste à traiter une information à partir d’expériences mémorisées ou de
préjugés et non par raisonnement. Le cerveau sélectionne ce qu’il estime la
meilleure interprétation et écarte les informations infirmant l’hypothèse de
départ.

Les dysfonctionnements. Des décisions erronées résultent aussi du poids des
SR, indique Paul Charon. L’action sur le terrain se trouvant soumise à des
procédures, ceux-ci tendent à proposer, des plans tout prêts en cas d’urgence,
pour satisfaire les décideurs politiques. Par ailleurs, ils évitent le partage des
informations pour s’en servir comme leviers, lors des compétitions internes en
matière de budget et de personnels. Ils doivent parfois répondre aux besoins des
décideurs, dont la perception de la menace s’éloigne de celle définie par
l’organisme de coordination du renseignement. Par exemple, la réalité de la
menace du terrorisme, en nombre de victimes par an, ne remet pas en cause le
rang de la France dans le monde ni ne contrarie la remontée en puissance de la
Russie ou de la Chine. Les SR évaluent leurs propres analystes. En effet, un bon
analyste de renseignement tactique fera un piètre analyste d’anticipation, or ce
sont souvent les mêmes personnes, indique Paul Charon.

Les pistes possibles. Il convient aussi d’étudier les succès et de construire une
théorie de la surprise, souligne Paul Charon. Alors que le « puzzle » permet de
répondre à une question précise (tactique), le « mystère » nécessite une analyse
plus approfondie (stratégique). Aux Etats-Unis et au Canada, des équipes mixtes
d’analystes et de chercheurs prennent en compte les analyses alternatives.
L’imagination permet d’anticiper de nouvelles formes d’agressions. La création
d’une filière d’analystes, aux profils diversifiés, permettrait d’approfondir leurs
capacités. Un échange accru avec le monde universitaire, qui voit les choses
différemment, met à l’épreuve les méthodes des SR. Ainsi, un analyste rédige une
dépêche qui, relue par un expert, passe à l’échelon supérieur pour diffusion selon
l’opportunité politique, convertissant une anticipation stratégique en
renseignement tactique.

Loïc Salmon

Aux Etats-Unis, la Direction du renseignement national a autorité sur 16 services
employant 100.000 personnes : la CIA (renseignement extérieur et opérations
clandestines), indépendante du gouvernement fédéral, et les agences des divers
ministères fédéraux ou « départements ». Ainsi, le département de la Défense
dispose de 9 agences : celle de l’armée de Terre ; celle de la Marine ; celle de
l’armée de l’Air ; celle du Corps des marines ; DIA (renseignement à l’étranger) ;
NGA (renseignement géospatial) ; NRO (reconnaissance satellitaire) ; NSA
(renseignement électronique) ; DCHC (contre-espionnage et renseignement
humain). Le département de l’Energie est doté du Bureau de renseignement et de
contre-espionnage. Le département de la Sécurité intérieure dispose du Bureau
de renseignement et d’analyse ainsi que du CGI (garde côtière). Le département
de la Justice recourt au FBI (police judiciaire et renseignement intérieur) et à la
DEA (lutte anti-drogue). Le département d’Etat (Affaires étrangères) dispose du
Bureau de renseignement et de recherche. Le département du Trésor possède son
Bureau de renseignement et d’analyse. La Grande-Bretagne utilise trois services
employant environ 13.000 personnes : MI 5 (renseignement intérieur et lutte anti-
terroriste) ; MI 6 (renseignement extérieur) ; GCHQ (renseignement
électronique). Israël emploie trois services : Mossad (renseignement extérieur,
opérations spéciales et lutte anti-terroriste), rattaché directement au Premier
ministre ; Shin Beth (sécurité intérieure) ; Aman (sécurité militaire).

Recherche stratégique : connaître et comprendre chaque région du monde

DGSE : le renseignement à l’étranger par des moyens clandestins

Etats-Unis : stratégie d’influence et politique étrangère

Proche-Orient : Israël, envisager
tous les scénarios de riposte
Outre le suivi des menaces directes et indirectes de l’Iran, les forces armées
israéliennes (Tsahal) développent leurs capacités de ripostes aux attaques des
mouvements politico-militaires du Hezbollah (Liban) et du Hamas (Gaza).

Un responsable militaire israélien l’a expliqué lors d’une réunion organisée, le 14
janvier 2020 à Paris, par l’Association des journalistes de défense.

L’Iran, qui ne dispose pas encore d’armement nucléaire, s’implique militairement
dans le conflit au Yémen et prépare des attaques contre l’Arabie Saoudite. Il a
tenté, sans succès, d’attaquer Israël à six reprises en deux ans. Malgré la baisse
du niveau de menace directe, son activité en Syrie reste l’objectif prioritaire des
services de renseignement d’Israël. Ce dernier n’intervient pas dans la guerre
civile en Syrie, mais a déjà accueilli 5.000 blessés syriens. De son côté, pour
pallier son éloignement géographique de 1.000 km, l’Iran tente d’atteindre Israël
par des missiles et des roquettes tirés de Syrie ou par ceux fournis au Hezbollah,
qui accroît son influence au Liban. Le soutien militaire de la Russie au régime
syrien, pour des raisons stratégiques qui lui sont propres, est pris en
considération par Israël. Pour assurer la sécurité des militaires russes et
israéliens, des responsables de Tsahal préviennent leurs homologues russes peu
avant une attaque contre une cible iranienne. Depuis 40 ans, la situation sur le
plateau du Golan reste stable, à part deux récentes tentatives d’infiltration en
Israël qui ont été neutralisées.

Le Hezbollah, qui avait lancé 250 roquettes en une seule journée contre la
population civile israélienne en 2006, dispose d’un stock de 130.000 roquettes en
2020. Depuis 18 mois, il peut assembler des composants de missiles, acquis en
Irak et en Syrie, mais n’est pas encore en mesure d’en fabriquer localement. Ces
missiles pourront bientôt atteindre Tel Aviv et le port d’Eilat (Sud du pays). Le
Hezbollah, qui faisait planer une menace contre un million de personnes en 2006,
la porte à 90 % de la population israélienne en 2020. Toutefois, Tsahal peut
intercepter roquettes et missiles, grâce au « Dôme de fer », composé de radars de
trajectographie et de batteries de missiles d’interception de courte portée. En cas
d’alerte par des sirènes, les populations des villes se réfugient dans des abris en
béton. Par ailleurs, le Hezbollah tente depuis huit ans d’établir une infrastructure
opérationnelle au Liban. Il n‘autorise plus les patrouilles de la FINUL (Force
intérimaire des nations unies au Liban), à laquelle participe un contingent
français. Les formes futures d’un conflit font l’objet de réflexions au sein de
Tsahal, en raison des améliorations quantitative et qualitative de l’armement du
Hezbollah.

Le Hamas, organisation islamiste palestinienne, contrôle la bande de Gaza
depuis sa victoire aux élections législatives de 2006. Il utilise la plus grande
partie des subventions de l’Union européenne pour acheter des équipements
militaires et non pour développer des infrastructures civiles. Dans sa lutte contre
Israël, il recourt d’abord au terrorisme par des attentats suicides qui ont déjà fait
143 victimes civiles. Tsahal a alors construit une barrière de sécurité à sa
frontière. Des roquettes ont été lancées, jusqu’à 700 en 48 heures, sur le
territoire israélien. Le « Dôme de fer » n‘intercepte que celles visant des zones
habitées. Enfin, une vingtaine de tunnels ont été découverts, grâce à une nouvelle
technologie israélo-américaine. En outre, un mur souterrain de 55 km et d’un
mètre d’épaisseur sera achevé d’ici à la fin de 2020, pour empêcher toute
infiltration en Israël.

Loïc Salmon

Moyen-Orient : rivalités entre Arabie Saoudite, Iran et Turquie

Israël : réagir à toute menace directe pour continuer à exister

325 – Dossier : “Israël, continuum défense-sécurité depuis 50
ans”

Moyen-Orient : rivalités entre
Arabie Saoudite, Iran et Turquie
La dégradation de la situation régionale profite à l’Arabie saoudite, l’Iran et la
Turquie, qui cherchent à affirmer leur influence et peut-être leur légitimité.

Didier Billion, directeur adjoint de l’Institut de relations internationales et
stratégiques, l’a expliqué au cours d’une conférence-débat organisée, le 28
novembre 2019 à Paris, par l’Association des auditeurs IHEDN région Paris Ile-
de-France.

Le contexte stratégique. Sauf en Tunisie, les révoltes arabes de 2011 ont
conduit à des répressions intérieures et des tensions à l’extérieur, au Soudan, en
Syrie, au Liban, en Irak et en Iran. Les conflits externes ont débouché sur des
impasses militaires, faute de solutions politiques. Daech a perdu ses bastions
territoriaux, mais le terrorisme perdure. Le Moyen-Orient est devenu une région
« apolaire », car les pôles d’attractivité que constituaient l’Irak, l’Egypte et la
Syrie n’existent plus.

L’Arabie Saoudite. Peuplé de 33 millions d’habitants, le royaume d’Arabie
Saoudite veut s’affirmer dans la région. La contestation arabe de 2011 et ses
revendications politico-sociales de dignité et de liberté ont effrayé ses dirigeants.
L’abandon du président égyptien Hosni Moubarak par ses forces armées et les
Etats-Unis leur a fait prendre conscience d’un risque identique. Ils ont alors réagi,
avec succès, par une assistance sociale et un programme d’infrastructures
totalisant 36 Md$, soit 8,5 % du produit national brut. Depuis sa création en
1932, le royaume saoudien était dirigé par une gérontocratie, où la succession
s’effectuait de frère en frère. A son avènement en 2015, le roi Salman (79 ans) va
la changer en désignant, deux ans plus tard, son fils Mohamed ben Salman (MBS)
comme prince héritier, chargé de l’économie, de la police et des forces armées.
Son clan met fin au Conseil d’allégeance fonctionnant par consensus. MBS, qui
comprend une partie des aspirations populaires, décrète certaines réformes,
comme l’autorisation de conduire une voiture pour les femmes, la tenue de
concerts et l’ouverture de quelques cinémas. Pour réduire la dépendance à la
volatilité des prix du pétrole, il procède à la diversification de l’économie et à la
« saoudisation » des emplois. En outre, il enferme, dans un hôtel de luxe, 200
responsables de hauts niveaux pour qu’ils paient effectivement leurs impôts. A
l’extérieur, son action s’enlise dans une guerre contre le Yémen, déclenchée en
2015 et qui perdure en 2019, et une tentative, manquée, de déstabilisation du
Qatar en 2017, lequel en profite pour se moderniser. Pourtant, l’Arabie saoudite
parvient à conserver le soutien des Etats-Unis, grâce à ses achats d’armement. De
son côté, Washington veut s’appuyer sur un Etat stable avec une capacité
d’influence par la religion. Les réserves saoudiennes d’hydrocarbures conservent
leur importance, car l’exploitation massive des gaz de schiste commence à causer
de graves dégâts écologiques dans certaines régions des Etats-Unis. L’opposition
récurrente de l’Arabie Saoudite à l’Iran repose davantage sur une concurrence
géopolitique que sur un antagonisme religieux (sunnisme saoudien contre chiisme
iranien), instrumentalisé par les deux Etats.

L’Iran. Peuplé de 80 millions d’habitants, l’Iran occupe une position centrale sur
le plan géographique, avec des frontières terrestres et maritimes avec 15 Etats, et
aussi en raison de ses réserves considérables en hydrocarbures et sa fierté
nationaliste résultant de sa très longue histoire. Au cours du XXème siècle, il a
connu une révolution constitutionnelle en 1906, la nationalisation de son industrie
pétrolière en 1951 et la chute de la monarchie en 1979. La République islamique
d’Iran combine les légitimités religieuse et républicaine (par des élections). Elle a
mis fin à son prosélytisme révolutionnaire lors de sa guerre contre l’Irak
(1980-1988), où toutes les énergies ont été mobilisées pour défendre le pays et
qui lui a coûté 500.000 morts. Depuis, l’Irak, qui déplore 180.000 morts dans
cette guerre, se méfie de son voisin. En revanche, l’Iran souhaite continuer à
exercer son influence séculaire au Moyen-Orient, grâce à son corps diplomatique
chevronné. L’accord de 2015 sur son dossier nucléaire, valable pendant 10 ans et
qui a impliqué tous les membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU
(Etats-Unis, Grande-Bretagne, France, Russie et Chine), a été scrupuleusement
respecté, avec possibilité d’inspections de l’Agence internationale de l’énergie
atomique. Sa dénonciation unilatérale par Washington, le 8 mai 2018, a été suivie
un an après, jour pour jour, de la reprise de l’enrichissement de l’uranium par
Téhéran. La question des missiles balistiques iraniens, également dénoncée par
Washington, n’était pas incluse dans l’accord sur le nucléaire.

La Turquie. Peuplée de 80 millions d’habitants, la Turquie a connu d’importantes
transformations sociologiques, économiques et politiques au cours des 25
dernières années. Le niveau de vie y a été multiplié par 2,5 en 7-8 ans depuis
l’arrivée du président Recep Tayyip Erdogan. Son réseau d’entreprises de travaux
publics s’est développé en Afrique, où le nombre de contrats est passé de 12 en
2002 à 41 en 2018, et en Amérique latine. Mais la situation s’est dégradée en
juillet 2016 lors de la tentative de coup d’Etat, que les pays occidentaux n’ont pas
condamnée. La réaction a conduit à 70.000 arrestations et à la révocation de
110.000 fonctionnaires, ébranlant l’Etat de droit. Pourtant, l’opposition a conquis
la mairie d’Istanbul. A l’extérieur, le rétablissement de relations avec l’Occident,
amorcé en 1967, s’est arrêté en 1974 avec l’annexion de la partie Nord de l’île de
Chypre. En 2003, la Turquie a refusé l’utilisation de la base d’Incirlik par
l’aviation américaine pour attaquer l’Irak par le Nord, attitude partagée à
l’époque par la France, l’Allemagne et la Russie, opposées à toute action
unilatérale. Surprise par la révolte arabe de 2011, elle a tenté, sans succès, une
médiation dans la guerre civile syrienne. Après la défaite militaire de Daech en
2019, elle a envahi une bande au Nord du territoire syrien pour contrer
l’organisation PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan), qualifiée de terroriste.
Quoique membre de l’OTAN, elle a acheté des missiles anti-aériens S400 à la
Russie, soutien militaire et diplomatique du régime syrien.

Loïc Salmon

Israël, souligne Didier Billion, pratique la fuite en avant grâce au soutien
inconditionnel des Etats-Unis, qui lui procure un sentiment d’impunité vis-à-vis de
la question palestinienne. Le nombre de colons dans les territoires qu’il occupe
est passé de 10.000 en 1973 à 600.000 en 2019. Israël n’accepte pas la solution
de deux Etats pour une raison démographique. L’appui américain s’est renforcé
avec l’administration Trump : déplacement de l’ambassade de Tel Aviv à
Jérusalem (2018) ; reconnaissance de la légalité de la colonisation par le
secrétaire d’Etat Mike Pompeo (2019). En outre, l’Etat hébreu s’est rapproché de
l’Arabie saoudite et des Emirats arabes unis, adversaires, comme lui, de l’Iran.
Quoique micro-Etat, le Qatar s’est placé au centre des jeux d’influence par sa
richesse en gaz naturel et sa diplomatie sportive. Il compense sa faiblesse
militaire par la présence de bases américaine et turque sur son territoire.

Arabie Saoudite, de l’influence à la décadence

Iran : acteur incontournable au Moyen-Orient et au-delà

Turquie : partenaire de fait aux Proche et Moyen-Orient

Moyen-Orient : géopolitique des rivalités des puissances

Etats-Unis : influence religieuse
sur la politique étrangère
Quoique déterminées par des facteurs politiques, économiques et stratégiques,
les relations extérieures des Etats-Unis avec les pays du Moyen-Orient et d’Asie
sont aussi influencées par le lobby politico-religieux « évangélique ».

Mokhtar Ben Barka, professeur de civilisation américaine à l’Université de
Valenciennes, l’a expliqué lors d’une conférence-débat organisée, le 17 octobre
2019 à Paris, par l’Association IHEDN région Paris Ile-de-France.

Identité évangélique. Toutes les religions sont présentes aux Etats-Unis, où y
sont nées des nouvelles comme « Les témoins de Jehova » et la « Scientologie ».
Le protestantisme américain se compose de deux courants : progressiste pour le
principal, ouvert sur la société ; conservateur pour l’évangélisme, dont se
réclament 80 millions de personnes, soit 25 % de la population. Introduit en
Amérique au XVIIIème siècle, l’évangélisme trouve ses racines en Europe dans les
puritanisme, piétisme et calvinisme, issus de la Réforme religieuse du XVIème
siècle en réaction aux effets jugés néfastes de la modernité sur l’orthodoxie
chrétienne. Il se concentre dans le Sud des Etats-Unis parmi les classes sociales,
surtout blanches, les plus modestes, et inclut baptistes, méthodistes, luthériens,
assemblées de Dieu et mormons. Sa théologie repose sur quatre points
doctrinaux : la Bible en tant que parole de Dieu, source unique d’autorité pour les
questions de foi et de vie ; la crucifixion du Christ, sacrifice expiatoire en
rémission des péchés de l’humanité ; l’expérience physique de la renaissance
spirituelle par la conversion ; le zèle missionnaire. Le besoin de repères et de
certitudes s’exprime dans une vision binaire du monde, à savoir le bien et le mal
ou le vrai et le faux. Le puritanisme d’origine considère l’Amérique comme une
nation exceptionnelle, élue de Dieu et qui doit imposer son modèle de vie. Enfin,
les prophéties de la Bible annoncent la fin des temps et la proximité du retour du
Christ, prélude à l’établissement du Royaume de Dieu. A part ces dogmes, chaque
obédience peut choisir son organisation matérielle. L’évangélisme n’ayant ni
magistère ni autorité centrale, aucune instance ne valide les études de théologie
du candidat pasteur, qui peut constituer une église à partir de 2.000 fidèles. Il
doit ensuite la gérer comme une entreprise, dans le monde concurrentiel de la
religion aux Etats-Unis. L’évangélisme condamne la modernité culturelle, mais
pas le progrès technique. Dès le XIXème siècle, ses adeptes organisent des
spectacles avec des grandes réunions accompagnées de musique et de chants,
pour mobiliser les foules. Le financement provient de dons des fidèles, de levées
de fonds par des fondations, d’incitations sur écrans de télévision pendant les
services religieux ou de la publicité proposant des bons de réduction chez
certains commerçants.

Ingérence politique. La théologie évangélique induit des visées politiques et
économiques. Ses adeptes constituent l’une des bases les plus fidèles du courant
ultra conservateur du Parti républicain, avec pour objectif de rechristianiser la
société américaine et d’évangéliser le reste du monde. Pourtant, ils n’en ont
jamais été les alliés naturels. Ainsi, au XIXème siècle, ils avaient soutenu
l’abolition de l’esclavage, la défense des droits des femmes et la lutte contre la
prostitution. Délaissant la politique dans les années 1920, ils y reviennent 50 ans
plus tard. Ils soutiennent le démocrate Jimmy Carter (1977-1981), dont la
politique jugée trop laxiste sur les droits de l’homme les déçoit. Ils apportent
alors une aide électorale et financière à Ronald Reagan (1981-1989) et s’allient au
Parti républicain. En 2000, 78 % d’entre eux votent pour George W.Bush
(2001-2009) et, en 2016, 81 % pour Donald Trump, qu’ils défendent
systématiquement. Les personnalités évangéliques tentent d’influencer le
Congrès, mais leur absence de compétences permet aux personnels politiques
professionnels de les reléguer au rôle de pourvoyeurs de voix. Toutefois, W.Bush,
« born again » (né à nouveau après sa conversion), n’a guère tenté de les
manipuler. Les Partis démocrate et républicain incluent toutes les tendances,
facilitant les compromis.
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