PHIA MÉNARD SAISON SÈCHE CONTES IMMORAUX - PARTIE 1 - MAISON MÈRE - Compagnie Non Nova - Tandem Arras Douai
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GOG IQUE DOS S IER PÉDA Douai . Hippodrome . Du 29 janvier au 5 février 2019 PHIA MÉNARD SAISON SÈCHE CONTES IMMORAUX - PARTIE 1 - MAISON MÈRE Compagnie Non Nova
PHIA MÉNARD Compagnie Non Nova France TANDEM Scène nationale | Douai . Hippodrome CONTES IMMORAUX - PARTIE 1 - MAISON MÈRE Mardi 29 janvier | 20:00 Jeudi 31 janvier | 20:00 Durée : 1 h 30 SAISON SÈCHE Mardi 5 février | 20:00 Durée : 1 h 30 Autour des spectacles Navette au départ d’Arras à 19:15 le 31 janvier pour Contes immoraux et le 5 février pour Saison sèche Ciné-Rencontre avec Phia Ménard le mercredi 30 janvier à 20:00 au cinéma Paul Desmarets (Douai) autour des films Tomboy de Céline Sciamma et Les Maîtres fous de Jean Rouch (Navette au départ d'Arras à 19:15 ) 2
SOMMAIRE PHIA MÉNARD PAGE 4 PHIA MÉNARD : AUTOPORTRAIT PAGE 6 LE PROJET I.C.E. PAGE 8 JEAN-LUC BEAUJAULT PAGE 10 CONTES IMMORAUX - PARTIE 1 - MAISON MÈRE PAGE 11 Distribution et mentions PAGE 11 Présentation PAGE 12 À propos du tryptique Contes immoraux PAGE 13 SAISON SÈCHE PAGE 15 Distribution et mentions PAGE 15 Présentation PAGE 16 Entretien avec Phia Ménard PAGE 17 Note d'intention - Extrait PAGE 20 Scénographie PAGE 21 POUR ALLER PLUS LOIN PAGE 22 Qui est Phia Ménard ? PAGE 22 Les Maîtres fous PAGE 23 PISTES PÉDAGOGIQUES PAGE 25 Avant le spectacle PAGE 25 Après le spectacle PAGE 28 LIENS UTILES PAGE 31 3
PHIA MÉNARD C’est en découvrant le spectacle Extraballe de Jérôme Thomas en 1991 que naît chez Phia Mé- nard le désir de se former aux arts et en particulier à la jonglerie. Elle suit des formations en danse contemporaine, en mime et en jeu d’acteur et bien sûr en jonglerie. Dès 1994, elle étudie auprès du maître Jérôme Thomas, les techniques de jongle- rie et de composition, puis intègre la compagnie comme interprète pour la création Hic Hoc. C’est en parcourant les continents avec cette équipe qu’elle nourrit dans les rencontres son désir d’écrire et aiguise son regard sur les formes contemporaines de l’art. Artiste, improvisatrice, elle est créatrice dans plusieurs spectacles de la compagnie jusqu’en 2003 : Le Socle, Le Banquet, Hioc, 4, qu’on en fi- nisse une bonne fois pour toutes… . Parallèlement en 1997, elle suit les enseignements de « la pratique du danseur » et interprète deux pièces courtes des chorégraphes Hervé Diasnas et Valérie Lamielle. Elle fonde la Compagnie Non Nova en 1998 avec Elle crée Le Grain la même année. C’est avec le solo l’envie de porter un regard différent sur l’appré- Ascenseur, fantasmagorie pour élever les gens et les hension de la jonglerie, de son traitement scénique fardeaux, créé en 2001, qu’elle se fera connaître et dramaturgique. « Non nova, sed nove » (Nous comme autrice. Soutenue pour sa démarche sin- n’inventons rien, nous le voyons différemment) en gulière, elle est invitée comme « artiste associée » est un précepte fondateur. Elle regroupe autour de pour trois saisons à la scène nationale Le Carré à ses projets pluridisciplinaires des artistes, techni- Château-Gontier. Elle y développe avec son équipe ciens, penseurs d’horizons et d’expériences divers. et celle de la scène nationale, un travail scénique Ce n’est pas un collectif mais une équipe profes- où l’image spectaculaire de la jonglerie est remise sionnelle dont la direction artistique est assurée en cause au bénéfice d’une nouvelle relation avec par Phia Ménard. le public. Naissent ainsi plusieurs créations et évè- nements : Zapptime, rêve éveillé d’un zappeur, la 4
conférence spectacle Jongleur pas confondre avec Elle a initié au CIFAS à Bruxelles (Centre Inter- le sociologue Jean-Michel Guy, Fresque et Sketches national de Formation en Arts de la Scène), avec 2nd round, et les Hors Pistes : Est-il vraiment sé- le philosophe Paul B. Preciado : In the Mood, un rieux de jongler ?, Ursulines Dance Floor, Ursulines travail sur les questions de Genre et les Humeurs. Mushroom Power. Elle crée en Juin 2015 Belle d’Hier au Festival En 2005 et 2007, elle développe un travail autour Montpellier Danse 2015 à l’Opéra Comédie, pre- de la notion « d’injonglabilité » et crée deux pièces, mière pièce des Pièces de l’Eau et de la Vapeur. Zapptime#Remix et Doggy Bag et deux formes cabaret, Jules For Ever et Touch It avec le sextet En 2017, elle crée Contes immoraux – Partie 1 : Frasques. Maison mère à la documenta 14 à Kassel (juillet), et Les Os Noirs à l’Espace Malraux, scène nationale En 2008, son parcours artistique prend une nou- de Chambéry et de la Savoie (septembre). velle direction avec le projet I.C.E. pour Injongla- bilité Complémentaire des Eléments, ayant pour ob- En 2018, elle met en scène Et in Arcadia Ego à jet l’étude des imaginaires de la transformation et l’Opéra-Comique de Paris avec Christophe Rous- de l’érosion au travers de matériaux naturels. En set, fondateur de l’ensemble musical baroque Les janvier 2008, elle crée le spectacle P.P.P. aux Nou- Talens Lyriques, et l’écrivain Eric Reinhardt pour velles Subsistances de Lyon, première pièce du cy- l’écriture du livret. Sa pièce Saison sèche, Pièce de cle des Pièces de Glace. En octobre de la même an- l’eau, co-écrite avec Jean-Luc Beaujault est créée née, création de la performance L’Après-midi d’un en juillet au Festival d’Avignon. foehn - Version 1 , première des Pièces du Vent au Muséum d’Histoire Naturelle de Nantes. 5
PHIA MÉNARD : AUTOPORTRAIT Je n’ai pas choisi de naître ! J’ai fait le choix de continuer à vivre. J’essaie d’être sincère pour au- tant que je le puisse. J’ai prouvé l’incompatibilité entre mon sexe biologique et mon identité. Je suis une femme en devenir que l’on a éduquée pour devenir un homme. Je tente le plus possible de questionner mes certitudes sur ce que l’on nomme « être humain » et si possible d’en témoigner au travers de l’art. Je vis dans un monde qu’il me faut rendre chaque jour plus humain pour avoir envie de le fréquenter… Mon point de départ de réflexion fut la chance de naître avec la sensation d’être étrangère à un corps. Je sais que cela peut paraître « anormal » pour cer- tains, lorsque ce n’est que singulier. C’est de cette situation que s’est nouée mon en- vie de m’extraire de la réalité. Le premier chemin utopique fut donc celui d’échapper à la réalité d’un corps. Se réapproprier ce dont on ne peut se défaire est le paradoxe de cette situation qui m’a amenée à questionner les failles et trouver les transforma- tions, fussent-elles minuscules. La rencontre avec la jonglerie fut déterminante pour moi par la possibilité qu’offre cet art de l’esca- motage et la vélocité. Pour l’abstraction au monde, jongler est la drogue parfaite, j’en fus accro… Le pouvoir d’attraction d’une telle pratique m’a per- mis de cheminer vers la question scénique avec la rencontre de Jérôme Thomas et d’Hervé Diasnas. Le corps, l’espace, le rythme, l’écriture, l’analyse et la maîtrise du geste, la mémoire, la musicalité, 6
la dramaturgie, toutes ces notions indispensables tales du corps. Lorsque je suis sur scène, je prête m’ont été transmises par ces deux maîtres. Grâce mon corps aux spectateurs pour essayer de lui à eux je me suis confrontée à l’apprentissage d’une faire vivre une expérience qu’il ne ferait pas de lui- vie où les frontières physiques et temporelles n’ap- même. J’aimerais que le spectateur vienne voir nos partiennent qu’aux artistes. De cette décennie formes par l’envie d’être troublé. d’enseignement sur les routes du globe je me suis imprégnée du désir d’écrire ce que je voyais de C’est dans ce champ d’investigation artistique, l’être humain en prise avec le chaos. que je m’évertue à rendre nécessaire ma relation au spectateur, afin d’évacuer toutes formes de Ecrire m’est devenu nécessaire. J’ai fondé une complaisance et de didactisme avec lui. J’essaie de compagnie : Non Nova. Je persiste à dire ce que faire de chaque rendez-vous non une monstration ces mots suggèrent : « Rien de nouveau », mais artistique mais une rencontre singulière avec nos juste une volonté d’amener un regard différent sensations d’être au monde. sur la forme pour interroger le rapport entre art et public. Sommes-nous du cirque, de la danse, du Je ne sais pas combien de pièces font partie du théâtre gestuel ? Encore une fois, c’est une ques- puzzle de mon imaginaire. Je vois celles qui me tion d’identité, celle de savoir si nous avons besoin sont nécessaires en me demandant si elles doivent d’appartenir à ce qui est répertorié pour exister. être partagées. Juste une histoire de communication. Phia Ménard J’ai fait le choix d’être en relation avec l’art d’une façon vitale, cela implique donc que les limites de mes actes ne sont définies que par les limites vi- 7
LE PROJET I.C.E. Les deux pièces, Saison sèche et Contes immoraux Afin de développer cette relation et d'extraire les – Partie 1- Maison mère s’inscrivent dans le projet spectateurs de la contemplation, ma recherche ar- plus global intitulé I.C.E. que mènent Phia Ménard tistique s’articule autour du lien commun à l’être et sa compagnie Non Nova depuis 2008. humain que sont les composantes de la vie tels que l’eau, l’air, la lumière... etc. I.C.E. est un processus artistique non exclusif. La base fondamentale est de tenter d’amener à res- En nommant « Injonglabilité », se pose comme sentir et vivre un imaginaire en interrogeant les concept le développement « Complémentaire » à notions générales de transformations, d’érosions, notre imaginaire de l'utopie de l'homme tentant de d’équilibres vitaux, qu’elles soient corporelles ou dompter ces « Eléments » naturels. mentales au travers d’un répertoire de formes, per- formances, installations, films, écrits. 8
Dans une société où le virtuel tend à s’imposer dans Comment en voyant un corps allongé sur un tapis l'imaginaire, la performance physique avec des ma- de glace, ne pas y projeter son propre corps ? Com- tériaux naturels communs à tous et à toutes, de ment dans le labeur de BLACK MONODIE ne pas surcroît indomptables est un moyen d’interpeller y projeter le sien ? nos sens. L’ensemble du projet I.C.E. est une épopée pour un L’expérimentation empirique est notre modus théâtre à vivre autant qu’à voir. operandi afin d’évacuer une sophistication inac- cessible d’un point de vue technique, financier et A ce jour, trois cycles ont été initiés : surtout humain. Le rapport à la science est essen- tiel dans le questionnement mais il est limité à l’ap- Les Pièces de Glace : prentissage et la compréhension des phénomènes 2008 : P.P.P. : solo pour une interprète en milieu pour éviter qu’il ne devienne une mise en applica- hostile. tion d’un savoir ou sa vulgarisation. 2009 : ICE MAN : projet co-réalisé avec le Collec- tif La Valise, pour leur film Coyote Pizza. Ces Pièces de Glace, Pièces du Vent, Pièces de l’Eau 2010 : BLACK MONODIE : commande de la et de la Vapeur, … sont des chemins d’explorations SACD et du Festival d’Avignon pour le Sujet à Vif. structurées, avec une dramaturgie et autour d’une Ecriture de Phia Ménard et Anne-James Chaton. narration non didactique, avec le désir d’exprimer l’intime et le commun de nos transformations. Les Pièces du Vent : 2008 : L’après-midi d’un foehn Version 1 Les comparaisons entre la transformation des 2011 : L’après-midi d’un foehn et VORTEX éléments vitaux avec celles de nos corps, de nos 2017 : Les Os Noirs gestes, nos pensées, sont les références pour gé- nérer un imaginaire sans frontières. Chaque forme Les Pièces de l’Eau et de la Vapeur : se doit d’avoir un impact sur le spectateur : au-de- 2015 : Belle d’Hier là de son intellect, c’est dans sa chair, son derme, 2017 : Contes Immoraux - Partie 1 - Maison Mère sa fondation que ces formes doivent interpeller. 2018 : Saison Sèche 9
JEAN-LUC BEAUJAULT Biographie Autodidacte et lecteur obstiné, il a forgé son re- (P.P.P. - 2008, BLACK MONODIE - 2010, VOR- gard et son outil théâtral au gré de lectures et de TEX - 2011, Belle d'Hier -2015, Les Os Noirs, Contes rencontres déterminantes. Le travail du corps s'est immoraux – Partie 1 - Maison Mère - 2017, Saison imposé rapidement comme une base nécessaire, Sèche - 2018), Guillaume Gatteau et la Compagnie source primitive de la création. Comédien pendant La Fidèle Idée (Le Palais des fêtes - 2008, Hop là, une dizaine d’années, il travaille ensuite en tant nous vivons ! – 2009, Tarzan Boy - 2013, La Grande que metteur en scène. Transition - 2014, L’Abattage rituel de Gorge Mas- tromas - 2016) et Cécile Briand et la Compagnie Il a été le fondateur, en 1989, avec Jean-Louis Tenir Debout (Le Fil - 2014, Disparaitre - 2015). Ouvrard, du Théâtre Zou, compagnie de théâtre visuel qui traitait l'image comme une langue, avec Il aime l'engagement que demande la recherche de une écriture corporelle et visuelle d'une grande nouvelles formes, qu’elles se situent dans le cirque, précision. la performance, ou dans le travail de texte. Son parcours se concentre depuis les années 2000 À Phia Ménard dont le corps et la jongle initient sur la photographie, la scénographie et des collabo- le travail, il propose une écriture dramaturgique et rations artistiques étroites en tant que dramaturge une scénographie qui donnent à voir le question- avec Phia Ménard et la Compagnie Non Nova nement sur l’identité et le transgenre. 10
CONTES IMMORAUX - PARTIE 1 - MAISON MÈRE Distribution et mentions Écriture et dramaturgie Phia Ménard, Jean-Luc Beaujault Scénographie et interprétation Phia Ménard Composition sonore et régie son Ivan Roussel Régie plateau Pierre Blanchet, Rodolphe Thibaud Costumes et accessoires Fabrice Ilia Leroy Photographies Jean-Luc Beaujault Co-directrice, administratrice et chargée de diffusion Claire Massonnet Régisseur général Olivier Gicquiaud Chargée de production Clarisse Mérot Chargé de communication Adrien Poulard Attachée à la diffusion Anaïs Robert Production Compagnie Non Nova Coproduction documenta 14 – Kassel, Le Carré, Scène nationale et Centre d’Art contemporain de Château-Gontier La présentation de la performance dans le cadre de la documenta 14 en juillet 2017 a été possible grâce au soutien de l’Institut Français et de la Ville de Nantes. La Compagnie Non Nova est conventionnée et soutenue par l’État, Direction régionale des affaires culturelles (DRAC) des Pays de la Loire, la Ville de Nantes, le Conseil Régional des Pays de la Loire et le Conseil Départemental de Loire-Atlantique. Elle reçoit le soutien de l’Institut Français et de la Fondation BNP Paribas. La Compagnie Non Nova est artiste associée à l’Espace Malraux Scène nationale de Cham- béry et de la Savoie, au Théâtre Nouvelle Génération - Centre Dramatique National de Lyon, au TNB, Centre Européen Théâtral et Chorégraphique de Rennes et artiste-compagnon au centre chorégraphique national de Caen en Normandie. 11
CONTES IMMORAUX - PARTIE 1 - MAISON MÈRE Présentation À la fois déesse et maçon, Phia Ménard trace et découpe, plie et scotche d’immenses plaques de carton ondulé. Avec une résolution de guerrière, elle trouve le bon point d’appui pour soulever les cent-cinquante kilos de murs et de toit de cette Maison mère. Mais au-dessus d'elle, l’orage gronde, et un nuage approche... Premier des trois volets de ses Contes immoraux, Maison Mère est avant tout affaire de construc- tion, de destruction et d’éternel recommencement. À l’origine de ce spectacle, il y a une commande de la Documenta 14, exposition quinquennale d’art contemporain. S'inspirant du célèbre plan Marshall (plan de reconstruction des villes européennes bombardées lors de la seconde guerre mondiale), Phia Ménard n’entreprend rien de moins que de construire sous nos yeux un « village Marshall », un Parthénon de carton, pour sauver une nouvelle fois l’Europe. Fidèle à son processus créatif, en prise avec les corps et la matière, la performeuse nantaise bâtit sous nos yeux cette maison de 6x9x3 mètres. Après avoir bataillé pour construire l’édifice, Phia Ménard se voit rattrapée par une ré- alité pluvieuse ; une goutte, quelques gouttes, un déluge et se retrouve ensevelie sous son ouvrage. Écho à sa propre histoire familiale, Phia Ménard ne se laisse pas pour autant enterrer vivante, ni pétri- fier par la beauté des ruines. 12
CONTES IMMORAUX - PARTIE 1 - MAISON MÈRE Phia Ménard à propos du tryptique Contes immoraux Corps » s’entrechoquent avec les réflexions sur l’identité, le corps, la matière qui sont mes bases de recherche. Imaginer une forme pour ces deux points de chute que sont Kassel et Athènes, est un exercice de grand écart. Ce n’est pas par l’immer- sion dans ces cités que je vais nourrir ma base de travail, celle-ci demanderait un temps en amont bien plus long que celui dont je dispose. La lecture, la recherche, le dialogue, la plongée dans les ma- tières, de manière empirique sont mon processus de création. Mon prisme est une série d’éléments qui oscillent entre gestes politiques, affirmation d’un corps, contradiction des éléments. En voici quelques informations et esquisses… Premier Conte : Maison mère – création 2017. Afin que les troupes Alliées contre l’Axe puissent engager leurs troupes sur le sol européen, la stra- tégie du tapis de bombes fut pour toute l’Europe occidentale un drame humain sans précédent. Des villes entières furent détruites ensevelissant leurs habitants. Mon grand-père maternel fut de ces victimes lors des bombardements de la ville de Nantes en septembre 1943. Dans mon enfance, l’image d’une bombe n’avait pas de réalité drama- tique mais comme pour tout enfant, une certaine Le projet initial comporte trois performances, dont forme de fantasme. Ce n’est qu’en réalisant bien Maison Mère est la première. Les deux suivantes, plus tard que nous n’allions pas honorer une tombe dont la finalisation est projetée à l’horizon 2019, pour mon grand-père mais une fosse commune que auront pour titre Temple Père et La Rencontre In- je réalisai l’infamie de la bombe. Peut-être est-ce à terdite. Bien que le titre provisoire du projet global ce moment-là que mon esprit percuta sur le nom soit Les Contes immoraux, il n’y aura pas de mo- du « plan Marshall » de reconstruction de l’Europe. rale, encore moins de didactisme. Les questions Organiser une destruction et gérer la reconstruc- que soulève la proposition de la documenta 14 : tion suivant un modèle de maison pré-fabriquée et « Apprendre d’Athènes », « Pour un parlement des d’une réécriture de l’aménagement urbain. 13
Bâtir un village « Marshall » en carton sur mesure, une artiste grecque, sûr que je n’aurais rêvé que de comme on monte une série de tentes pour des réfu- lui proposer un spectacle des plus dramatiques en giés. Ici, juste au-dessous d’un nuage qui ne semble dynamitant l’Acropole ! pas si menaçant. Simple geste répété comme un robot. Etaler, tracer, couper, assembler, poser, puis La performance s’articulera autour d’un disposi- recommencer encore. Tout semble parfait si ce tif mettant en scène un temple réplique en stuc n’est ce nuage qui semble s’épaissir et s’assombrir. et plâtre fragilisé par une tempête provoquée par Peut-être, un éclair, une légère brise puis enfin une des ventilateurs. Ce temple en pleine érosion sous série de grosses gouttes puis une pluie, voire peut- les bourrasques est l’abri d’un homme. Son entête- être même des trombes d’eau ! Le village Marshall ment : l’empêcher de s’effondrer… s’effondre malgré l’énergie déployée pour le sauver. C’est une bouillie, mélasse dans laquelle les corps Technique : fabrication en stuc et plâtre / système sont noyés… de fabrication de vent / Enveloppe de protection pour le public / peau en silicone de cross-dres- Technique : Construction de carton / installation ser. d’un dispositif sommital de tuyaux d’eau perforés / création d’une masse nuageuse. Troisième Conte : La Rencontre Interdite – créa- tion 2019. Il est un espace où personne n’avait le Second conte : Le Temple Père – création 2019. droit de pénétrer : le cœur du Parthénon, l’antre C’est suite à la visite des ruines de l’Acropole et de la déesse Athéna. C’est la relation à la person- surtout à la rocambolesque histoire de la pro- nalisation du mythe qui m’inspire. Réveiller une grammation avortée de Jan Fabre pour le Festival sensation de la rencontre interdite dans un es- d’Athènes et d’Epidaure, et de la réaction des ar- pace où l’on sent une présence que l’on ne peut pas tistes grecs que m’est apparue l’idée de ce conte… À voir. Être dans un espace dont on ne peut définir la lecture d’un quotidien, une photo nous montrait les limites. C’est l’envie de personnaliser la déesse l’artiste flamand avec en fond le Parthénon, tenant Athéna sous les formes d’un corps vêtu d’une ar- le discours d’un artiste qui allait apprendre aux ar- mure de glace dont on entend les pas et les mor- tistes locaux ce qu’est l’Art dramatique. De ma po- ceaux de plaques de glace s’entrechoquer. Est-ce sition d’artiste, j’ai ressenti aussitôt une fraternité de ce corps qu’émane cette brume ? Et si s’en ap- avec les artistes grecs à qui l’on renvoyait une nou- procher provoquait une réaction orageuse ? velle forme de Troïka. J’imaginai alors l’éminent Fabre en commissaire européen du théâtre dé- Technique : système de brouillard / fabrique de clamant que les créateurs grecs n’étaient « bons » glace pour costume en glace / dispositif lumineux qu’à développer la valeur touristique des ruines et pour créer un orage. qu’ils ne savaient pas faire du théâtre !!! Si j’étais 14
SAISON SÈCHE Distribution et mentions Dramaturgie et mise en scène Phia Ménard, Jean-Luc Beaujault Scénographie Phia Ménard Création et interprétation Marion Blondeau, Anna Gaïotti, Elise Legros, Phia Ménard, Marion Parpirolles, Marlène Rostaing, Jeanne Vallauri, Amandine Vandroth Composition sonore et régie son Ivan Roussel Création lumière Laïs Foulc Régie lumière Olivier Tessier Régie plateau Benoît Desnos, Mateo Provost, Rodolphe Thibaud Costumes et accessoires Fabrice Ilia Leroy Construction décor et accessoires Philippe Ragot Photographies Jean-Luc Beaujault Co-directrice, administratrice et chargée de diffusion Claire Massonnet Régisseur général Olivier Gicquiaud Chargée de production Clarisse Mérot Chargé de communication Adrien Poulard Attachée à la diffusion Anaïs Robert Production Compagnie Non Nova Résidence et coproduction Espace Malraux, Scène Nationale de Chambéry et de la Savoie, TNB, Centre Européen Théâtral et Chorégraphique de Rennes Coproduction Festival d’Avignon, La Criée - Théâtre national de Marseille, Théâtre des Quatre Saisons, Scène conventionnée Musique(s) – Gradignan (33) Saison Sèche a bénéficié d’une aide à la création de la Fondation BNP Paribas. Soutien MC93, maison de la culture de Seine-Saint-Denis, Bobigny et le Théâtre de la Ville - Paris, Bonlieu, Scène nationale d’Annecy, la Filature, Scène nationale de Mulhouse, le Grand T, Théâtre de Loire-Atlantique à Nantes, la Comédie de Valence, Centre Dramatique National de Drôme-Ardèche La Compagnie Non Nova est conventionnée et soutenue par l’État, Direction régionale des affaires culturelles (DRAC) des Pays de la Loire, la Ville de Nantes, le Conseil Régional des Pays de la Loire et le Conseil Départemental de Loire-Atlantique. Elle reçoit le soutien de l’Institut Français et de la Fondation BNP Paribas. La Compagnie Non Nova est artiste associée à l’Espace Malraux Scène nationale de Cham- béry et de la Savoie, au Théâtre Nouvelle Génération - Centre Dramatique National de Lyon, au TNB, Centre Européen Théâtral et Chorégraphique de Rennes et artiste-compagnon au centre chorégraphique national de Caen en Normandie 15
SAISON SÈCHE Présentation Des murs immaculés, un plafond, un espace confi- né dans lequel sept femmes tentent d’évoluer. Leur gestuelle est puissante, précise, autant que leur objectif : mettre à bas le patriarcat. Comme souvent chez Phia Ménard, la scène est le lieu de tous les possibles, et le théâtre semblable à un sport de combat. La matière, les couleurs et les corps sont les ou- tils de cette fronde contre le pouvoir exercé par les hommes. Saison sèche est une proposition pro- téiforme, au croisement de la danse, de la poésie, des arts plastiques et du cinéma anthropologique. La pièce s’inspire très directement du documen- taire Les Maîtres fous de Jean Rouch. Ce film nous donne à voir le rituel de possession des Haoukas (secte apparue au Niger en 1927). Ce rituel permet à ces personnes de sortir d’un état de soumission et de se sentir, un temps, les seuls maîtres de leurs vies. Dans Saison sèche, les protagonistes, le visage peint, entament également un étrange rituel : ils traquent au plus profond de leur chair les traces de l’assignation des genres, pour mieux s’en défaire. Leurs gestes éruptifs ont un effet sur les murs qui les entourent ; l’édifice suinte, vibre, se ramollit… Celle qui fut garçon et jongleur avant de devenir performeuse, chorégraphe et plasticienne, pour- suit sa réflexion sur l’identité et son combat contre les normes. Un voyage inédit, puissant, à l’issue du- quel chacun se sent libre d’être soi. 16
SAISON SÈCHE Entretien avec Phia Ménard Saison Sèche commence là où Belle d’Hier se ter- Dans le deuxième temps, celui du conte, ces cap- mine ; comment s’est opérée la transition à l’inté- tives, sept femmes, vont tenter de détruire l’édi- rieur du Cycle de l’Eau et de la Vapeur ? fice. Les proies deviennent alors des prédatrices dans une bataille pour retrouver leur liberté. Phia Ménard : Lorsque j’ai écrit Belle d’Hier, j’ai Elles se transforment, revêtent leurs peintures et demandé à cinq femmes de « ranger l’humanité » entrent dans la transe. En invoquant les éléments, et les attributs du pouvoir patriarcal, ce qui ou- dans une danse rituelle, elles vont pouvoir tromper vrait tous les champs des possibles pour une re- l’ennemi qui, fasciné, va en oublier d’entretenir ses distribution des rôles. Saison Sèche est arrivé très murs. La moisissure va s’insinuer et de ces murs vite après. Une fois qu’on a fait tomber le prince aseptisés, d’une blancheur symbole de virginité charmant, on s’aperçoit que le château fort n’est et de paix, vont suinter des images d’esprits, des pas tombé pour autant. Au début du spectacle, les énergies terrestres, des souvenirs. La maison ron- interprètes sont entourées de murs aux fenêtres gée par le salpêtre va s’affaisser. Après la glace, le trop hautes, sortes de meurtrières d’où, en un seul vent, l’eau et la vapeur, c’est le tellurisme qui m’ins- endroit, on peut voir les prisonnières sans être vu. pire ici, l’évocation des tremblements de terre, des Dès que les captives, calmées, ne sont plus consi- fissures, de la boue et des liquides qui emportent dérées hystériques, le plafond remonte, mais dès tout sur leur passage. Cette métaphore incarne que l’une d’elles a un geste déplacé, le plafond re- l’idée que seules l’intelligence des femmes, leur ré- descend. Cette cage, matérialisée par le rétrécisse- union et leur sensibilité pourront changer la réalité ment de l’espace, symbolise le pouvoir, la maison sociale de domination. patriarcale. 17
Qui sont ces interprètes d’un nouveau genre, in- Comment se projette-t-on dans l’autre si l’autre est quiétantes et fascinantes, et comment s’est dérou- la différence ? Peut-on se projeter dans un autre lée l’approche créative autour de ce rituel ? corps, un autre genre que le sien ? Et quelles sont les formes pour arriver à cette projection ? Ce sont La performance convoque non pas des esprits des questionnements essentiels à l’œuvre. Pour y mais des avatars, des sortes de drag kings, des êtres parvenir, je convoque les expériences personnelles transgenres qui vont se mettre en mouvement. Les qu’a le spectateur face aux éléments pour le faire interprètes sont, dans un premier temps, vêtues entrer dans l’imaginaire du spectacle. J’instaure d’un costume de taille unique qui ne va véritable- une empathie. ment à aucune. Vient ensuite l’heure de la transformation. Ce ne seront plus des femmes mais des combattantes qui se colorent le corps, qui se préparent au combat. Elles nous déroutent car prendre l’édifice au dé- pourvu est le seul moyen de le faire s’effondrer. Pour Saison Sèche, j’avais en toile de fond le sujet de la violence, qui est la forme visible du patriar- cat. Toutes ces femmes que je rencontre et avec qui je peux avoir un dialogue vont me faire part de ce vécu de violence. Il y a une sorte de soro- rité évidente qui se met en place entre nous. J’ai choisi sept femmes, parmi celles qui sont venues vers moi, dans un processus de cooptation. Nous discutons beaucoup, puis je leur laisse un temps de réflexion. Dans les pièces comme celle-ci où le corps est mis à l’épreuve, où elles se mettent à nu, il est important pour les interprètes de savoir pour- quoi elles s’exposent et de fixer ses limites. Elles doivent différencier qui elles sont sur scène et qui elles sont dans la vie. Toutes mes pièces sont des messages, mais sont avant tout des métaphores. Je veux laisser au spec- tateur la liberté de trouver la lisière entre la repré- sentation et le réel. Comment abordez-vous la relation au public ? Les sept femmes de Saison Sèche pourraient être Les Sept Samouraïs de Kurosawa. Le choix du nombre impair sert à ce que l’équilibre ne puisse être établi que par l’œil du spectateur. L’enjeu le plus difficile, c’est de faire que la huitième com- battante soit un huitième combattant, pour que le spectateur, homme ou femme, puisse être touché. 18
La scénographie doit être fascinante, pour que le histoire très personnelle mais un signe politique : spectateur soit, dès le départ, prêt à vivre une ex- ce sont des corps féminins dans une société pa- périence immersive. J’anesthésie sa résistance pour triarcale. D’avoir eu ce parcours du corps, d’avoir mettre à l’écart le jugement. Je lui propose ensuite dans la société appartenu au pouvoir dans le corps une épreuve physique et sensible. Lorsque je crée, d’un homme et d’être maintenant dans le corps il y a une relation au capillaire, à la chair, une rela- d’une femme me montre que, dans ma nouvelle tion à fleur de peau. Par mes mises en scène, j’in- condition, j’ai perdu le pouvoir. Dans cette peau vente des métamorphoses. Le théâtre comme les d’homme j’étais très en empathie avec ces possibi- éléments ne sont pas figés, ils vivent, se transfor- lités d’un féminisme par solidarité, mais c’était un ment, évoluent. Ils sont les meilleurs partenaires loisir politique. pour pouvoir exprimer la situation de manière épidermique, pour montrer que nous sommes tous Je suis aujourd’hui dans la permanence du corps et des êtres en transition, en mutation. J’ai été très in- suis devenue une féministe guerrière. Face aux si- fluencée par Les Maîtres fous de Jean Rouch. Il y a tuations désespérantes et catastrophiques de nos dans ce documentaire ethnographique la question sociétés, nous, en tant que créateurs, sommes en de la monstruosité qui nous touche et en même devoir de proposer des actes artistiques de valeur temps nous révulse. Mes pièces sont toujours sur et de sens. C’est peut-être utopique mais je me dis le fil entre l’attirance et le dégoût pour faire réagir en rêvant : si Saison Sèche pouvait faire s’effondrer le spectateur. Quelle est notre frontière vis-à-vis le patriarcat ! Et je me donne pour mission d’y arri- de l’autre, nos limites dans notre capacité à ne pas ver, c’est en chemin. juger, à s’assumer, à être soi-même ? Vos pièces sont très intenses, voyez-vous la créa- Entretien mené par Malika Baaziz tion comme une forme d’engagement ? pour le festival d’Avignon Mes pièces de groupe sont des actes politiques. La base de mon travail est le corps comme objet politique dans la société. Dans chaque pièce que j’écris, le corps n’est pas une individualité avec une 19
SAISON SÈCHE Note d'intention - Extrait Je ne suis pas née dans le corps d’une femme. J’ai quelles que soient les rues, les horaires, les lieux. construit mon identité par l’impossibilité d’être Je jouissais de l’innocence, permettez l’image, d’un un homme. Dans notre société, vous êtes soit un dominant (pas très convaincant) parmi d’autres. homme, soit une femme. Le corps d’une personne J’étais un prédateur inconscient de son pouvoir. transgenre n’existe donc pas ici. Peut-être pense- rez-vous que c’est réducteur mais tel est le droit À présent je suis cette femme, un corps différent français, c’est la binarité. Vous m’entendrez alors sur lequel se portent des regards. Un corps scruté, crier encore longtemps : on ne choisit ni de naître, quasi tout de suite sexualisé, dont les tenues, les ni sa couleur, ni son sexe, ni son genre, ni d’être hé- mouvements, les actes sont soumis à une sorte de téro, homo, lesbienne ou trans, on ne choisit rien ! loi de la jungle. La ville d’hier, celle où je déambu- Alors rendez-nous la liberté de vivre.[…] lais est devenue une jungle de regards et de maux. Je suis belle, je suis seule, je cherche de la compa- J’ai aujourd’hui le corps d’une femme et les gestes gnie, je m’ennuie, je devrais avoir un amoureux, je mélangés d’habitudes empruntées aux deux iden- suis sexy, je suis prête à écarter les cuisses, je sais tités, je suis une femme en devenir comme le défi- sucer, j’aime le sexe, je suis une salope… Là voyez- nit Simone de Beauvoir (« On ne naît pas femme, on vous, c’est sûr, pas besoin de papier pour justifier le devient »). Je serais tentée d’y ajouter que l’on mon identité, je suis bel et bien une femme. Je suis devient femme certes, mais à quel prix et au bout sortie de la majorité au pouvoir pour une majori- de combien de combats et de renoncements… Re- té soumise ! Une personne à qui l’on rappelle sans gardez ! Me voici dans la « norme », et au cœur du cesse les limites de sa liberté. sujet. Mon corps a changé de place dans la société et m’a projetée au milieu du conflit. JE SUIS DEVENUE UNE PROIE. Faisons simple, je plante la scène : avant, dans le corps masculinisé, j’étais identifié comme un mâle, Retrouvez la note d’intention complète sur le site de j’avais une liberté quasi absolue de mes mouve- la compagnie : ments, mes actes, mes tenues vestimentaires, http://www.cienonnova.com/i/portfolio/saison-seche/ j’avais un droit à l’invisibilité, à l’indifférence 20
SAISON SÈCHE Scénographie Une scénographie mouvante et des corps sous sur scène un tel spectacle mais l’envie de susciter pression. la tension de l’aqente et de la peur qu’éveillent ces phénomènes invisibles. Je cherche la matière, l’indomptable… Pour Saison Sèche, c’est l’envie de travailler sur l’ondulation et La scène est une boîte faite de trois murs et d’un la sueur qui m’est apparue comme un phénomène plafond et un sol en pente, le tout d’un blanc im- lié au rituel. Je travaille autour des phénomènes de maculé. Cette boîte est une machine dont la hau- tremblement des sols, parois, plafonds, des oscilla- teur du plafond varie suivant les scènes. Les murs tions lumineuses et sonores, et de transformation solides sont en carton alvéolaire épais et résistant. du solide en mou comme une croûte terrestre lais- Ils se déforment et se fissurent au fur et à mesure sant sortir des flux de boues. C’est au cours de nos du rituel, sous l’effet de tremblements mécaniques tournées dans des régions volcaniques, notamment et d’injection d’eau. Le carton, très résistant lors- à l’Ile de La Réunion ou en Indonésie, que j’ai porté qu’il est sec, devient mou dès qu’il est humidifié, un regard fasciné et d’effroi à la matière minérale et laisse apparaître des liquides visqueux noirs. en mouvement des volcans et des tremblements de Plus le rituel prend forme et plus les murs saignent terre. Bien sûr, loin de moi la possibilité de créer jusqu'à rompre de toutes parts. 21
POUR ALLER PLUS LOIN Qui est Phia Ménard ? Je suis un être de la traduction Essai écrit par Phia Ménard, paru dans AND#13, Phia Ménard fut l’invitée de l’émission La Grande le journal du TANDEM Scène nationale table d'été de France Culture consacré à la théma- tique : « Faire Genre », elle y évoque notamment Du corps de l’homme hier à celui de la femme d’au- le spectacle Saison sèche et donne de nombreuses jourd’hui, je me questionne de ce qui nous assigne clefs de lecture de son univers : toutes et tous au patriarcat. J’ai éprouvé le corps masculin et à présent celui du féminin au point de https://www.franceculture.fr/emissions/la-grande- me sentir à l’endroit de la traduction. Mon expé- table-dete/emission-du-mardi-17-juillet-2018 rience de vie et celle de l’art sont un même fleuve d’inspiration. […] Je lutte pour créer des actes sans complaisance mais questionnant les symboles, les codes et nos silences. La normalité et la monstruosité sont de mes sujets récurrents, la puissance des corps et l’incontrôlable des matières les bases de l’écriture. Je me fiche de savoir si je fais du cirque, de la danse, du théâtre ou de la performance ! J’engage un rap- port de liberté de la forme par nécessité de nourrir l’imaginaire du regardant. Retrouvez l'intégralité de l'essai dans le dernier nu- méro du journal du TANDEM, AND#13, consacré à la place des femmes dans la création artistique (disponible en version papier au théâtre d’Arras et à l’Hippodrome de Douai et en version numérique dans l’espace téléchargement de notre site internet http:// www.tandem-arrasdouai.eu/fr/telechargements ) 22
POUR ALLER PLUS LOIN Les Maîtres fous Les Maîtres fous est un documentaire ethnogra- Phia Ménard à propos de l’influence des Maîtres phique français réalisé par Jean Rouch, sorti en fous sur son spectacle : 1955. Il fait partie des sources d’inspiration pour la création du spectacle Saison sèche. « Dans ce film nous suivons la pratique rituelle d’une secte religieuse, les Hauka. Comme tout rituel, ce- Le documentaire illustre les pratiques rituelles de lui-ci est extrêmement codé, les rôles sont distribués et la secte religieuse des Haukas, une secte originaire l’ensemble des participants convoque des Esprits dont du Niger - telles que pratiquées par des immigrés la possession est à la fois belle et terrifiante. D’une pauvres d'Accra (Ghana). Ces rites consistent en force visuelle incroyable, ce film me hante. Là où l'incarnation par la transe des figures de la colo- nous, nous regardons un film, admirons le spectacle, nisation (le gouverneur, la femme du capitaine, le eux convoquent réellement les esprits des colonisa- conducteur de locomotive, etc.) et s'organise au- teurs et semblent certains de pouvoir les influencer. Y tour d'une confession publique, de chorégraphies sont-ils parvenu ? Peut-être…» frénétiques et de sacrifices d'animaux (poules, chien). Jean Rouch expliquera que « ce jeu violent « La forme de ma proposition artistique a été pensée n'est que le reflet de notre civilisation. » Le film fut comme une réponse au problème posé par l’idéologie interdit par l'administration française dans le ter- régnante incarcérant chacun(e) dans des rôles. J’ai ritoire du Niger, puis également, par l'administra- revu Les Maîtres fous de Jean Rouch, où l’on voit la tion britannique, au Ghana et dans d'autres colo- société des Haukas convoquer dans des rituels gro- nies britanniques. tesques, sanguinolents et même sauvages, l’esprit des 23
colons, afin de mettre à bas le colonialisme. Alors je me suis prise à rêver… Si je recréais des rituels où les interprètes iraient chercher au fond d’elles-mêmes tout ce qu’elles découvrent de leur soumission au pou- voir, les choses s’élucideraient. Le pouvoir est basé sur des apparences. On accorde le pouvoir aux hommes dès leur naissance, ainsi soit-il. Dans la construction de l’identité se pose la question de la construction des gestes de la relation à la fraternité, à la sororité (ab- sente du frontispice), ce qui va amener les interprètes à se transformer en apprenant les gestes des hommes. Les gestes masculins sont à considérer comme les traits du pouvoir mais ils résultent d’une construction sociale du rôle et n’ont rien d’inné, de « naturel ». Plus les interprètes vont jouer à se transformer, plus elles vont se créer des avatars, des super héros masculins qui auraient été leur(re)s si elles avaient hérité de ce sexe. Elles se construisent des avatars masculins com- patibles. Jean Rouch Là le patriarcat relâche sa garde… Le ver est désor- mais dans le fruit… Dans cet espace blanc où étaient enfermées les interprètes, les murs commencent à moisir, le salpêtre apparaît, et l’espace dur intraver- sable va se ramollir sous l’effet du rituel de transfor- mations. Les murs vont devenir mous, suinter, pour n’être plus que du papier fragile. L’empereur est nu et tout l’édifice s’écroule. » Retrouvez une Interview de Jean Rouch datant de 1957, après que son film fut récompensé à la Bien- nale internationale du cinéma de Venise : https://www.franceculture.fr/emissions/les- nuits-de-france-culture/extrait-interview-de- jean-rouch-propos-de-son-film-les-maitres Venez découvrir le film Les Maîtres fous de Jean Rouch lors d’un ciné –rencontre avec Phia Mé- nard le mercredi 30 janvier à 20:00 au cinéma Paul Desmarets à Douai (Navette au départ d'Ar- ras à 19:15) 24
PISTES PÉDAGOGIQUES Avant le spectacle « Je n’ai pas choisi de naître ! J’ai fait le choix de conti- Pour aider à comprendre les enjeux des spectacles, nuer à vivre. J’essaie d’être sincère pour autant que les élèves doivent connaître les notions de trans- je le puisse. J’ai prouvé l’incompatibilité entre mon sexualité, transgenre, transidentité, queer en fai- sexe biologique et mon identité. Je suis une femme en sant des recherches sur internet et en les confron- devenir que l’on a éduquée pour devenir un homme. tant tout en portant attention aux sites sur lesquels […] Mon point de départ de réflexion fut la chance de ces définitions apparaissent car celles-ci peuvent, naître avec la sensation d’être étrangère à un corps. Je de ce fait, être orientées. Invitez les élèves à dé- sais que cela peut paraître « anormal » pour certains, couvrir le blog « La vie en queer » et son article qui lorsque ce n’est que singulier. C’est de cette situation nous aide à mieux comprendre le lexique autour de que s’est nouée mon envie de m’extraire de la réalité. la trans idendité : Le premier chemin utopique fut donc celui d’échap- per à la réalité d’un corps. Se réapproprier ce dont on https://lavieenqueer.wordpress.com/2018/06/02/les-expres- ne peut se défaire est le paradoxe de cette situation sions-a-eviter-a-propos-de-la-transidentite/ qui m’a amenée à questionner les failles et trouver les transformations, fussent-elles minuscules. » Sur un plan plus littéraire et artistique, revenir sur les définitions de métamorphose et de métaphore : Phia Ménard les élèves peuvent en proposer à partir de mots ou d’images. Les élèves devront être attentifs à Le questionnement sur le genre ainsi que le chan- ces métamorphoses ou métaphores qu’ils pensent gement de sexe de Phia Ménard est au cœur de sa pouvoir identifier durant le spectacle. démarche artistique. En prenant en compte la ri- chesse des témoignages des reportages enregistrés sur France Culture, mettre les élèves en groupes et leur demander de présenter des aspects différents de la question de la trans-identité ou des difficultés à identifier son orientation voire sa personne sur le plan sexuel. Vous pouvez aider les élèves à prendre conscience que les personnes transgenres nous amènent à réfléchir autrement sur notre monde, renvoient nécessairement à notre identité, à notre rapport aux autres dans toute sa diversité. https://www.franceculture.fr/emissions/la-grande-table- 2eme-partie/le-temps-ou-la-famille https://www.franceculture.fr/emissions/les-pieds-sur-terre/ jetais-un-homme-parfait-0 25
CONTES IMMORAUX - PARTIE 1 - MAISON MERE Les élèves effectueront aussi des recherches sur le Parthénon, les particularités de son architecture et La Grèce Antique sa fonction dans l’antiquité. La création de ce se- cond « Parthénon » est centrale dans le spectacle. Demander aux élèves de rédiger quelques courts Cet exercice pourra aussi permettre d’aborder exposés sur les personnages de l’antiquité sui- l’aspect monumental et titanesque du travail de vants : Athéna et Sisyphe. La présence de ces fi- la performeuse sur scène qui construit cet édifice gures dans le spectacle pourra être mis en débat destiné à la protection. après la représentation. 26
Europe et migration Ils pourront également travailler sur la thématique de l’Europe, son histoire depuis le mythe d’Europe en passant par le Plan Marshall après-guerre la construction progressive de l’Union Européenne et les tensions présentes en son sein aujourd’hui, ainsi que la situation économique actuelle de la Grèce. L’Europe hier et aujourd’hui, son identité et les mouvements migratoires qui la traversent constitue un thème de réflexion pour l’artiste. Les élèves y trouveront un écho aux préoccupations actuelles Par ailleurs, l’accueil des migrants en Grèce, bien que le pays soit en difficulté fait partie des sources d’inspiration de Phia Ménard. Etudier diverses affiches d’Amnesty International afin de définir l’angle d’attaque de l’ONG : Deman- der aux élèves d’imaginer le trajet d’un migrant et d’expliquer le choix de ce dernier. Quelle est la distance minimale parcourue par un migrant selon eux ? Inviter les élèves à participer à l’activité d’écriture suivante : Au sein d’un texte structuré, détaillez le trajet le plus long que vous ayez parcouru. Vous expliquerez les moyens de locomotion empruntés, les heures de départ et d’arrivée, le point de départ et d’arrivée, les motivations de votre voyage et les émotions ressenties au cours de ce périple. 27
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