L'Atout Coeur de Ville - RENCONTRES ACV 2020 - Banque des territoires

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L'Atout Coeur de Ville - RENCONTRES ACV 2020 - Banque des territoires
“ À LA UNE ”
                                                   Entretien avec Caroline CAYEUX

                                                   “ ON EN PARLE ”
                                                   Atouts et enjeux des villes moyennes

                                                   “ DANS LES TERRITOIRES ”
                                                   Démarches Cœur de Ville
                                                   “ ENSEMBLE ”
                                                   1 milliard d’euros pour le commerce en centre-ville

RENCONTRES
ACV 2020
L’Atout
Cœur de Ville
EN PARTENARIAT AVEC

                      banquedesterritoires.fr/localtis DÉCEMBRE 2020 N°2
L'Atout Coeur de Ville - RENCONTRES ACV 2020 - Banque des territoires
L'Atout Coeur de Ville - RENCONTRES ACV 2020 - Banque des territoires
Olivier Sichel
        Directeur général délégué de la Caisse des Dépôts
        et Directeur de la Banque des Territoires

        D
ÉDITO
                  epuis le lancement du Programme Action Cœur de Ville au printemps 2018, notre engagement en tant
                  que partenaire national, est d’accompagner les dynamiques portées par les territoires et leurs forces
                  vives. Durant les premiers mois, la Banque des Territoires a rempli sa promesse : notre mobilisation
                  massive en soutien à l’ingénierie (plus de trente millions d’euros) a permis aux villes bénéficiaires
        d’accéder à la meilleure expertise pour l’élaboration des plans d’actions et la sécurisation des projets.

        Le temps de la transformation est aujourd’hui arrivé : nous sommes dans une phase où la réalisation des projets
        doit monter en puissance. Toutefois, il est évident que la brutalité de la crise sanitaire peut déstabiliser la feuille
        de route et la mise en œuvre de certaines opérations. Nous saurons nous adapter.

        Le sujet du commerce, crucial pour la redynamisation, resurgit comme une priorité. Et il faut tenir un discours de
        vérité : le confinement dur et durable laisse présager de nombreuses défaillances de commerces dans l’année
        qui vient. Le tissu commercial constitué des 80.000 commerces situés dans les centres des villes petites et
        moyennes subit un choc frontal, d’autant plus difficile que les activités qui font la spécificité des commerces de
        centre-ville sont très directement impactées : cafés, restaurants, tourisme, culture, prêt à porter…

        Dans cette période difficile, votre mobilisation est remarquable : mise en place de solutions de livraisons, de
        plateformes locales d’e-commerce, de drives, d’exonération de loyers sur les locaux commerciaux, de chèques
        cadeaux dédiés à la proximité… vous avez innové et fait la démonstration d’une grande agilité pour apporter
        des réponses à la crise des commerces. Vous avez apporté une preuve supplémentaire que les villes moyennes
        disposent de trésors d’imagination et de créativité. Bien souvent sous votre impulsion, la crise a contribué à faire
        émerger des pratiques et des solutions nouvelles dans vos territoires alliant présence, proximité et nouveaux
        modes de livraison.

        La Banque des Territoires, en tant qu’opérateur de longue durée, a vocation à jouer tout son rôle en accompagnant
        tout ce qui peut contribuer à la réinvention du commerce de proximité. Dans le cadre de la relance, la Banque des
        Territoires déploie de nouvelles offres mobilisables pour vous aider à soutenir vos commerces de proximité. Près
        d’un milliard d’euros sont mobilisés sur ce seul objectif.

        L’enjeu est de faire face à la crise mais aussi de proposer des solutions pour accompagner les transformations
        plus profondes. Nous contribuerons par exemple à la structuration de cent foncières de redynamisation, capables
        de réhabiliter progressivement 6.000 commerces dans vos territoires. Les foncières sont des outils économiques
        à la main des décideurs locaux , à l’efficacité avérée, qui permettent d’impulser les transformations immobilières
        nécessaires à la redynamisation du centre-ville.

        La période actuelle véhicule beaucoup d’incertitudes et les territoires ont besoin de partenaires solides et stables.
        Les enjeux de la redynamisation ne se résument pas au seul sujet du commerce : les impératifs écologiques, les
        nouvelles formes de mobilité, les nouveaux lieux de travail et de production, les lieux dédiés à la formation ou la
        culture, l’accès aux offres de santé constituent autant de leviers au travers desquels l’invention des cœurs de
        ville de demain doit s’envisager.

        Ce numéro spécial de Localtis Mag, édité à l’occasion des rencontres Cœur de Ville 2020 démontre combien
        l’innovation territoriale crée de la valeur pour notre pays.

                                                                                Un média de la Banque des Territoires   Décembre 2020   3
L'Atout Coeur de Ville - RENCONTRES ACV 2020 - Banque des territoires
CAROLINE CAYEUX :
 « Malgré la crise, les prémices
 d’une nouvelle attractivité »
 Pour Caroline Cayeux, maire de Beauvais et présidente de Villes de France, le
 programme Action cœur de ville était sur de bons rails. L’enjeu face à la crise :
 « Tout faire pour éviter que les pas en avant accomplis ne soient réduits
 à néant ». Mais cette crise a aussi doté les villes moyennes d’un nouveau
 capital séduction. Le Plan de relance va être mis à profit. À condition que les
 collectivités aient les moyens d’investir.

   Publié le 7 décembre 2020 - propos recueillis par Claire Mallet / Localtis Mag
À LA UNE
                                     : Quel bilan d’ensemble fe-        des aides d’urgence et des fonds de soutien
                      riez-vous du programme Action cœur de             locaux pour nos commerçants. Je pense par
                      ville ? Ou faisiez-vous avant l’avènement         exemple à Saint-Nazaire, Angers, Limoges,
                      de la crise sanitaire…                            Narbonne… Et aujourd’hui, il y a aussi
                                                                        toutes les mesures que nous terminons de
                      Caroline CAYEUX : Ce programme a été,             mettre en place en faveur de la numérisa-
                      rappelons-le, coconstruit par Villes de France    tion et modernisation des commerces. Nous
                      et le ministère de la Cohésion des territoires,   avons été nombreux à développer des plate-
                      en s’appuyant sur des partenaires que sont        formes de commerce en ligne. Je pense là
                      la Banque des Territoires, l’Anah, Action         à Chartres, Nogent-le-Retroux, Bayonne…
                      Logement, qui ont permis de mettre 5 mil-         Et nous avons aidé à la mise en place de
                      liards d’euros sur la table. Au terme de deux     drive, du click & collect. Ceci, à travers nos
                      ans et demi, beaucoup de choses avaient           communautés d’agglomération, dans la me-
                      été lancées. À la fois en termes d’études,        sure où ce sont elles qui ont la compétence
                      d’ingénierie portée par la Banque des Ter-        économique. Nous avons aussi beaucoup
                      ritoires, de projets immobiliers – je pense       communiqué pour encourager nos habitants
                      notamment à des projets de relogement en          à fréquenter les commerces de centre-ville.
                      centre-ville sur des friches commerciales ou      Il fallait tout faire pour éviter que les pas en
                      des copropriétés abandonnées – et, natu-          avant accomplis avant la crise ne soient ré-
                      rellement, de commerce de centre-ville. Je        duits à néant.
                      dirais que l’attractivité des villes moyennes           Je dirais toutefois que malgré la crise,
                      commençait à se renforcer. Plus de 1 mil-         l’ensemble des outils ont été de nature à
                      liard d’euros a été distribué par les acteurs     donner une nouvelle attractivité à nos villes.
                      partenaires, sans compter la DSIL [dotation       Ainsi, les opérations de revitalisation de
                      de soutien à l’investissement local] abondée      territoire, les « ORT », qui ont été mises en
                      pour ce programme avant le premier confi-         place par presque tous les maires concernés
                      nement.                                           par le programme, demeurent un outil très
                                                                        important plébiscité par les communes. Et
                                    : Dans quelle mesure ce             notre attractivité s’est même révélée encore
                      confinement a-t-il marqué un coup d’arrêt ?       plus forte depuis le confinement.
                                                                              Le Baromètre des territoires que nous
                      Caroline CAYEUX : Il est clair que la ferme-      avons mis en place avec l’Agence na-
                      ture des commerces a été une épreuve. Et          tionale de cohésion des territoires et la
                      est venue freiner une dynamique qui com-          Banque des territoires montre bien cette
                      mençait à porter concrètement ses fruits          nouvelle attractivité dans le paysage terri-
                      quant à la revitalisation de nos centres-         torial. La crise sanitaire et le confinement
                      villes. Nous avons tous très vite mis en place    du printemps dernier ont conduit un certain
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de nos agglomérations sont elles aussi       euros de pertes. Or pour participer à
                                                concernées. Néanmoins, les jeunes mé-        la relance de l’investissement public,
                                                nages préfèrent souvent le centre-ville      encore faut-il avoir de l’auto-finance-
                                                pour les commodités scolaires, hospita-      ment, sans quoi nous ne pouvons pas
                                                lières, sportives, culturelles… Une étude    emprunter. Nous continuons à discuter
                                                réalisée à Beauvais montre que ce sont       avec le gouvernement sur ce point.
                                                surtout les jeunes ménages qui arrivent,     Celui-ci avait prévu 750 millions d’eu-
                                                ainsi que les seniors.                       ros de « compensation Covid », ce ne
                                                                                             sera finalement que 250 millions. On
                                                                                             nous avait parlé d’un « filet de sécu-
                                                              : Estimez-vous que le          rité », or celui-ci ne concerne qu’une
                                                Plan de relance va permettre de don-         part minime de collectivités. Ainsi, au-
                                                ner un « coup d’accélérateur » à Ac-         cune de nos villes [membres de Villes
                                                tion cœur de ville ?                         de France] n’en bénéficiera. En outre,
                                                                                             la compensation ne porte pour l’heure
                                                Caroline CAYEUX : Nous allons en             que sur 2020, alors que l’impact pour
                                                effet, dans le cadre du Plan de re-          les agglomérations sera sur 2021.
                                                lance, continuer à travailler sur l’en-      Nous avions pour notre part proposé
nombre d’habitants de métropoles à                                                           que soit isolé un « budget Covid » que
s’interroger sur leur qualité de vie. Les       jeu des centres-villes. Et en parallèle,
                                                notamment, sur l’axe de la transition        nous aurions pu amortir.
villes moyennes qui avaient amorcé leur
renouveau ont alors attiré leur attention.      écologique. Là-dessus, nous sommes
D’aucuns se rendent compte que pour             en train de finaliser nos dossiers. Une
                                                                                                          : Cet enjeu financier
70 m2 à Toulouse ou à Bordeaux, ils             relance que nous souhaitons la plus
                                                                                             est donc pour vous un dossier prio-
auront au bas mot 150 m2 dans une               territorialisée possible pour qu’avec les
                                                                                             ritaire…
ville moyenne, à proximité d’un parc ou         préfets de département et préfets de
peut-être même dans une maison avec             région, nous puissions travailler à sa
                                                                                             Caroline CAYEUX : Oui, aujourd’hui
jardin… Ainsi, dans l’« imaginaire »            bonne articulation sur les territoires. Ce
                                                                                             c’est l’enjeu majeur. Nous avons tous
et les ambitions des Français, un déclic a      plan doit pouvoir soutenir des projets
                                                                                             du mal à boucler nos budgets. Et cela
eu lieu. Et nous le vérifions sur le terrain.   propres à chacun : nous n’avons pas
                                                                                             va être particulièrement difficile pour
On aurait pu penser que ce nouvel intérêt       tous besoin des mêmes équipements.
                                                                                             les intercommunalités, qui subissent
cesserait après le confinement, et que          Certes, nous aurons tous besoin de
                                                                                             notamment des pertes sur les trans-
les Français n’auraient plus les moyens         nouvelles solutions de mobilités douces
                                                                                             ports, sans oublier par ailleurs la baisse
d’investir. Or je le vois par exemple à         avec des aménagements de pistes cy-
                                                                                             des impôts de production… Là-des-
Beauvais, où deux programmes immobi-            clables, besoin de transition écologique
                                                                                             sus, nous sommes un peu pris en te-
liers sont en cours : les investissements       pour nos bâtiments publics… Ou en-
                                                                                             naille : on ne peut que se réjouir que
n’ont pas été freinés. Et les notaires de       core besoin de continuer à préserver
                                                                                             les entreprises puissent aller mieux
nos villes notent bien une arrivée impor-       notre patrimoine historique et culturel,
                                                                                             mais j’espère que nous serons com-
tante de nouveaux habitants. Le déve-           sachant que la présence d’une ca-
                                                                                             pensés de manière dynamique. Même
loppement du télétravail y contribue sans       thédrale ou d’un musée exceptionnel
                                                                                             sujet, d’ailleurs, avec la taxe d’habita-
doute. Le dernier maillon pour séduire          contribue évidemment à la fréquenta-
                                                                                             tion. Nous sommes donc inquiets sur
ceux qui quittent les métropoles étant          tion de nos centres-villes.
                                                                                             les finances locales. Si nous voulons
celui de la mobilité : TGV, présence d’un             J’exprime toutefois une réserve.       mener à bien des projets pendant ce
aéroport, mobilités douces…                     Nos collectivités ont été mises à mal        mandat, nous sommes dans une al-
                                                avec des pertes de nombreuses re-            ternative très compliquée. Comment
                                                cettes de fonctionnement qui ne sont         continuer à investir ? Non seulement
               : Ce mouvement ne                pas prises en compte dans l’indemni-         pour profiter de l’opportunité du plan
risque-t-il pas de concerner davan-             sation Covid prévue par l’État. Il s’agit    de relance mais aussi, sachant que le
tage la périphérie de vos aggloméra-            notamment de toutes les recettes de          plan de relance ne concerne pas toutes
tions que les centres-villes ?                  fiscalité domaniale : les terrasses et       nos actions, pour que villes et agglo-
                                                parkings que nous avons rendus gra-          mérations puissent emprunter et me-
Caroline CAYEUX : Le programme                  tuits, la fermeture de nos piscines ou       ner à bien leurs propres projets. Nous
Cœur de ville permet justement de               salles de spectacle… Tout ceci repré-        comptons en tout cas nous appuyer sur
réaménager des logements de centre-             sente de grosses pertes budgétaires          Action cœur de ville, mais aussi Terri-
ville avec des conditions financières inté-     qui, pour l’heure, ne seront pas com-        toires d’industrie, deux vecteurs déjà
ressantes. Certes, les communes rurales         pensées. À Beauvais, ce sont 500.000         opérationnels.

                                                                                             Un média de la Banque des Territoires   Décembre 2020   5
L'Atout Coeur de Ville - RENCONTRES ACV 2020 - Banque des territoires
#2

                                                                                                                           SOMMAIRE
est un support d’information-communication réalisé
à l’occasion d’événements portés par la Banque des
Territoires ou par ses partenaires.
Ce numéro de décembre a été conçu en partenariat
avec Villes de France à l’occasion des Rencontres
Coeur de Ville 2020.

     Localtis Mag comprend 3 rubriques :
     • « ON EN PARLE » pour faire le point sur l’actualité et
        alimenter la réflexion
     • « DANS LES TERRITOIRES » pour illustrer le thème par des
        exemples d’initiatives locales et des interviews d’élus locaux
     • « ENSEMBLE » pour mieux comprendre l’action de la
        Banque des Territoires grâce à des échanges, articles
        et exemples de réalisations

     Vous y trouverez :
     • des articles récents de Localtis, le média en ligne de la
        Banque des Territoires, à retrouver sur
        banquedesterritoires.fr/edition-localtis
     • des billets d’experts de la Caisse des dépôts publiés sur
        le blog caissedesdepots.fr/blog
     • des exemples de réalisations de projets à retrouver sur la Base
        d’expériences de Territoires Conseils sur banquedesterritoires.fr

                                                              #2
Éditeur : Caisse des dépôts • Conception : Banque des Territoires • Mise en page : unikstudio.fr • Photographies : Getty
Images sauf mentions • À noter : certaines photographies contenues dans ce magazine ont été réalisées avant l’épidémie
de COVID-19 et ne respectent donc pas l’application des gestes barrières. I DÉCEMBRE 2020
L'Atout Coeur de Ville - RENCONTRES ACV 2020 - Banque des territoires
À LA UNE • Entretien avec CAROLINE CAYEUX

     1
                          “ ON EN PARLE ” P.8
                          • La crise va-t-elle engendrer un exode vers les villes moyennes ?.... p.9
                          • Baromètre 2020 : entretien avec Jérôme Fourquet...................... p.10
                          • Avis d’expert : le commerce en 1 clic ?........................................ p.16
                          • Avis d’expert : déconfinement et mobilités pendulaires................ p.24

                                                                                               2
“ DANS LES TERRITOIRES ” P.29
• Un sentiment de fierté - entretien avec Frédérique Macarez........p.30
• Le levier de l’urbanisme - entretien avec Jean-François Debat....p.34
• Avis d’expert : nouvelle jeunesse pour l’outil « foncière ».............p.36
• Repeupler les cœurs de ville - entretien avec Frédéric Chéreau...p.38
• La reconversion de friche - entretien avec Jérôme Baloge...........p.42

3                          “ ENSEMBLE ” P.45
                           • 1 milliard d’euros pour soutenir le commerce en centre-ville........p.46
                           • Réalisations..................................................................................p.50

                                                                                         Un média de la Banque des Territoires   Décembre 2020   7
L'Atout Coeur de Ville - RENCONTRES ACV 2020 - Banque des territoires
“ ON EN PARLE ”

En 2020, la crise a
renforcé l’intérêt des
Français pour les villes
moyennes : la ville à «taille
humaine» est de plus en
plus désirable. Les enjeux
restent importants :
mutation du commerce,
adaptation de l’habitat,
évolution des mobilités,
sobriété énergétique,
entre autres. Les villes
moyennes pourraient
aussi avoir une carte à
jouer pour accueillir
les industries que le
plan de relance appelle
à relocaliser.
L'Atout Coeur de Ville - RENCONTRES ACV 2020 - Banque des territoires
LA CRISE VA-T-ELLE
engendrer un exode vers
les villes moyennes ?
Effet de la crise, essor du télétravail : près de 400.000 habitants de métropoles pourraient être tentés de
déménager vers une ville moyenne. C’est une surprise du baromètre 2020 de Villes de France réalisé à l’occasion
des troisièmes rencontres Action Cœur de ville qui se tiennent à Paris ce mardi 8 septembre. Des chiffres qui
pourraient être « annonciateurs de tendances en matière de dynamique démographique territoriale ».

   Publié le 7 septembre 2020 par Michel Tendil / Localtis

L
          a crise va-t-elle enclencher un       compatriotes ont peut-être envie de vivre
          exode à l’envers, des métro-          et travailler dans des agglomérations à
                                                                                                           Environ
          poles vers les villes moyennes ?      taille humaine. (...) C’est une attractivité               400.000
          En tout cas, le confinement           qu’on ne soupçonnait pas », commente-                      personnes
semble bien avoir laissé des traces. Grâce      t-on dans l’entourage de la ministre de
à l’essor du télétravail, un quart des actifs   la Cohésion des territoires, près de trois                 pourraient
de grandes villes souhaiteraient démé-          ans après le lancement du programme                        déménager
nager, selon le baromètre des territoires       Action cœur de ville, qui concerne 234
2020 de Villes de France, réalisé en par-       villes et intercommunalités de 20.000                      avec l’essor du
tenariat avec l’ANCT (Agence nationale de       à 100.000 habitants engagées dans la                       télétravail.
la cohésion des territoires) et la Banque       revitalisation de leur centre-ville.
des Territoires, publié ce mardi 8 sep-
                                                      Longtemps négligées par les po-
tembre à l’occasion des troisièmes ren-                                                          élevé, l’offre de commerces encore trop
                                                litiques publiques, les villes moyennes
contres nationales Action cœur de ville.                                                         limitée (de nouveaux chiffres sur la va-
                                                tiennent ainsi leur revanche sur la « mé-
Un taux qui atteint même 36% chez les                                                            cance commerciale devraient être divul-
                                                tropolisation ». Car c’est vers elles que
jeunes actifs de moins de 35 ans, d’après                                                        gués ce mardi), le marché de l’emploi peu
                                                les habitants de métropole souhaitent
ce sondage Ifop effectué à la sortie de la                                                       dynamique… 53% des moins de 35 ans
                                                aller en premier lieu. S’ils en avaient le
période de confinement sur un échantil-                                                          habitant une ville moyenne témoignent
                                                choix, plus de huit Français sur dix pré-
lon de 1.000 personnes représentant la                                                           en effet de difficultés à trouver un em-
                                                féreraient vivre dans une ville moyenne
population française et sur 503 habitants                                                        ploi. Un sentiment partagé par un habi-
                                                que dans une grande ville. Et un habitant
de villes moyennes.                                                                              tant sur deux des villes du programme
                                                de grande ville sur deux se verrait mieux
     En extrapolant ces résultats à             habiter dans une ville moyenne, contre           Action cœur de ville. « L’attente envers
l’ensemble de la population, « environ          30% dans une grande ville, 13% dans              les dispositifs publics pour aider les créa-
400.000 personnes pourraient déména-            une petite ville et 7% dans un territoire        teurs d’entreprise reste très significative
ger avec l’essor du télétravail », soulignent   rural.                                           au moment de la mise en place du plan
les trois commanditaires du baromètre,                                                           de relance », souligne Villes de France.
pour lesquels ces chiffres sont peut-être                                                        Plusieurs membres du gouvernement
« annonciateurs de tendances en matière         FRAGILITÉS                                       viendront détailler ces mesures lors de
de dynamique démographique territoriale                                                          ces troisièmes rencontres auxquelles les
pour les années qui viennent ».                 Les villes moyennes ont de sérieux atouts :      deux tiers des villes du programme seront
                                                la proximité avec la nature, la proximité        représentées. Action coeur de ville se veut
                                                des services et des commerces... Les             « un accélérateur de la relance », insiste-
« AGGLOMÉRATION                                 habitants de villes moyennes se montrent         t-on au ministère de la Cohésion des
À TAILLE HUMAINE »                              également plutôt satisfaits de leur des-         territoires. « Nous avons identifié plus de
                                                serte de transport (routière ou ferroviaire),    1.200 actions prêtes à démarrer qui vont
« Peut-être sommes-nous en train d’as-          de l’offre culturelle ou universitaire. Mais     pouvoir se concrétiser très rapidement à
sister au développement d’une autre vi-         ces territoires conservent des « fragilités »,   partir du moment où le plan de relance
sion de l’aménagement du territoire. Nos        que ce soit le coût de la vie, jugé trop         entre en vigueur. »

                                                                                                  Un média de la Banque des Territoires   Décembre 2020   9
L'Atout Coeur de Ville - RENCONTRES ACV 2020 - Banque des territoires
“ ON EN PARLE ”

 Entretien avec
 Jérôme FOURQUET
 Directeur du département « Opinion » de l’Ifop

 La tendance
 porteuse des grandes
 métropoles est sans

                                                                        © Sebastien CALVET/REA
 doute derrière nous
 Jérôme Fourquet, revient pour Localtis sur les résultats du baromètre 2020 de Villes
 de France. Cette enquête a montré un réel engouement des Français pour les villes
 moyennes dans le contexte de crise sanitaire. Ce qui implique de nombreux enjeux
 en termes d’aménagement du territoire.

                     Publié le 5 décembre 2020
                     Michel Tendil / Localtis
INTERVIEW

                              : Le baromètre 2020 de Villes                                      Ainsi, 84% des Français considèrent qu’il est
                 de France témoigne d’une attractivité                                           préférable d’habiter dans une ville moyenne
                 nouvelle pour les villes moyennes.                                              que dans une grande métropole. Quand on leur
                 Comment expliquez-vous ces résultats ?                                          demande dans quel type de ville ils souhaitent
                                                                                                 habiter, 50% préfèrent une ville moyenne,
                 Jérôme Fourquet : Cette enquête a été                                           contre 30% une grande métropole et 13% une
                 réalisée en juillet dernier, la France sortait de la                            petite ville. La crise n’a fait qu’accélérer un
                 première épreuve du confinement très pénible                                    climat déjà en gestation.
                 à subir, en particulier pour les habitants des
                 grandes métropoles vivant en appartement
                 sans espace vert. Cette épreuve est venue
                 amplifier un bruit de fond, une tendance
                 préexistante depuis quelques années, faisant la
                 part belle aux villes moyennes à taille humaine,
                 en lieu et place des grandes métropoles
                 considérées pendant longtemps comme le nec                                            4% des Français
                                                                                                      8
                 plus ultra, avec pour effet une augmentation
                 très importante des prix de l’immobilier, que                                        considèrent qu’il
                 ce soit à Paris ou à Bordeaux, sans parler                                           est préférable
                 des problématiques de congestion urbaine,
                 des difficultés de déplacement. Parallèlement,
                                                                                                      d’habiter dans
                 on a assisté à la montée en puissance des                                            une ville moyenne
                 préoccupations environnementales. Tous ces                                           que dans une
                 ingrédients ont fait que la cote d’amour des
                 grandes métropoles avait un peu pâli. La crise                                       grande métropole.
                 du Covid est venue rajouter une dimension
                 supplémentaire. (…)
: Pourtant si on                 amplification du développement des              ville, vont engendrer une population
regarde l’évolution démographique             activités pendulaires, de foyers bi-            supplémentaire. Mais il y a aussi celles
de ces dernières années, la                   résidentiels : la famille vit à un endroit      qui sont dans des angles morts, dans
balance penche plutôt du côté des             et un membre quitte cet endroit une             le Nord-Est par exemple, qui ont connu
métropoles…                                   partie de la semaine pour travailler            le déclin industriel, qui sont moins
                                              dans une grande métropole ou en                 bien desservies et où les cadres n’ont
Jérôme Fourquet : On s’est concentré          région parisienne.                              pas spontanément envie d’aller. Alors
sur la dimension des souhaits, des                                                            il faudrait amplifier les politiques de
                                                    On a une deuxième typologie,
imaginaires, des désirs. Cet air du                                                           délocalisation, de déconcentration d’un
                                              celle des villes d’accueil qui offrent
temps est très favorable. La tendance                                                         certain nombre d’administrations : si
                                              une bonne qualité de vie (plus près
porteuse des grandes métropoles                                                               le marché joue son rôle pour les plus
                                              des 50.000 habitants que de 100.000
est sans doute derrière nous. Mais                                                            attractives, il faut compenser pour les
                                              habitants) mais qui doivent préserver
de l’imaginaire aux choix concrets il                                                         autres. L’État s’y retrouve avec des
                                              un certain nombre de caractéristiques :
y a un pas à franchir. Or il existe un                                                        locaux moins chers, les fonctionnaires,
                                              être accessibles ou relativement
certain nombre de freins extrêmement                                                          eux, bénéficieront quand même d’une
                                              proches d’une grande métropole, ce qui
puissants. Il s’agit rien moins que                                                           meilleure qualité de vie. Pour les villes,
                                              plaide pour la ville TGV, dans un rayon
de changer de vie avec toutes les                                                             c’est la garantie de la fonction publique :
                                              de 200 km autour de Paris : Orléans,
conséquences que cela suppose :                                                               elles ne risquent pas de plan social.
                                              Tours, Beauvais… Ces villes peuvent
la scolarisation des enfants, les                                                             C’est une réflexion à avoir.
                                              profiter de cette volonté de décentrage,
trajectoires professionnelles… Autant         sans que ce soit trop coûteux pour la
sur la bataille des représentations, la       famille.
balance penche très clairement en             En troisième lieu, on privilégiera
faveur des villes moyennes, autant la         autant que faire se peut des villes à
concrétisation ne s’est pas encore faite.     fort potentiel touristique, telles que La
Mais il est un peu tôt pour mesurer de        Rochelle, Biarritz…
manière très tangible les déplacements        De la même manière que la connexion
de population.                                ferroviaire, le degré de couverture en
      Parmi les actifs qui travaillent dans   4G ou 5G devient déterminant. Ce sera
les villes de plus de 100.000 habitants,      décisif dans le choix de ces familles
23% souhaitent déménager de leur ville        qui exigent une qualité de services
actuelle. Je rappelle que c’était avant le    absolue. Il est clair que toutes les villes
2e confinement qui est sans doute venu        moyennes ne vont pas bénéficier d’un
conforter cette volonté. En extrapolant       afflux de population important.
ces résultats, on peut estimer que
400.000 individus seraient prêts à                          : Quelles leçons les
déménager. On verra à la suite du 2e          pouvoirs publics peuvent-ils en
confinement si des résultats tangibles        tirer en termes d’aménagement du
s’observent. On a déjà des remontées          territoire ?
de presse ici ou là, de maires de villes
moyennes, des professionnels de               Jérôme Fourquet : Les pouvoirs
l’immobilier qui montrent qu’un certain       publics locaux se lancent déjà dans
nombre de familles ont décidé de              des campagnes de communication
franchir le pas.                              pour débaucher des actifs des
                                              grandes métropoles. On assite ainsi
              : Quel est le                   à une compétition dans le marketing
profil type de ces candidats au               territorial. Il y aura une concurrence
déménagement ? Et vers quelles                pour capter ces talents, ces familles.
villes souhaitent-ils aller ?                 Il faut à la fois développer une
                                              communication séduisante, renforcer
Jérôme Fourquet : Il s’agit souvent de        l‘attractivité des territoires à partir de la
familles avec enfants, avec un certain        qualité de services publics, du cadre de
niveau de vie, qui peuvent se permettre       vie, des écoles, de l’offre culturelle, etc.
de changer de lieu de résidence, tout              Les villes moyennes relativement
en bénéficiant du télétravail. Ce à           bien loties, avec le TGV, qui sont en bord
quoi on pourrait assister, c’est à une        de mer ou à proximité d’une grande

                                                                                              Un média de la Banque des Territoires   Décembre 2020   11
“ ON EN PARLE ”

              : Beaucoup de voix                       : Le programme                On double le niveau de notoriété dans
s’élèvent pour dire que la période        Action Cœur de ville a-t-il contribué      les villes bénéficiaires, ce qui montre
de relance risque d’accentuer les         au regain d’attractivité des villes        que le programme a déjà contribué à
inégalités territoriales. Est-ce que      moyennes ?                                 faire bouger les lignes. Le dispositif
vous partagez cette crainte ?                                                        Action Cœur de ville est tout à fait
                                          Jérôme Fourquet : 23% des Français         utile. L’intérêt se fait surtout sentir au
Jérôme Fourquet : Avec les deux           ont déjà entendu parler du programme.      niveau local, dans le bassin de vie, en
vagues de confinement, il est possible    La proportion est de 30% dans les villes   rendant plus agréable le centre-ville,
que des villes comme Biarritz ou La       moyennes et de 45% dans les villes         mais le programme peut permettre
Rochelle gagnent quelques centaines       moyennes bénéficiaires du dispositif.      dans un second temps de donner
de familles de cadres. Pour Bourges                                                  une bonne image aux touristes. Si les
ou Moulins, ce n’est pas du tout                                                     pouvoirs publics parviennent à des
évident. Comment le plan de relance           « On double                            résultats assez tangibles, ce sera bon
peut accompagner ces villes et sortir                                                pour l’attractivité vis-à-vis des grandes
du principe « les premiers arrivés            le niveau de                           métropoles.
seront les mieux servis » ? En fléchant       notoriété
les crédits vers les départements                                                                    : Quel peut-être
                                              dans les villes                        l’impact de la crise sur le bénéfice
considérés comme moins attractifs. Il
faut les aider en permettant l’arrivée        bénéficiaires, ce                      du programme ?
de fonctionnaires, d’administrations…         qui montre que
Pendant très longtemps l’Etat a joué                                                 Jérôme Fourquet : La crise et les
                                              le programme                           deux confinements peuvent annihiler
ce rôle. On est aujourd’hui dans la
nostalgie de De Gaulle : dans la grande       a déjà contribué                       les efforts engagés depuis des années
période gaullienne, la Datar avait            à faire bouger                         par de nombreux maires pour faire
imaginé les « métropoles d’équilibre ».                                              revenir des commerces. Beaucoup
                                              les lignes. »                          risquent de fermer. Ce sera un enjeu
Il faut réfléchir aujourd’hui à un
aménagement humain du territoire.                                                    très important des mois à venir.
ACCÉLÉRATION DES
    MUTATIONS DU COMMERCE
    « On est face à un choix de société »
    Essor du commerce en ligne, saturation des surfaces commerciales :
    la crise actuelle apparaît comme un accélérateur des mutations du
    commerce. Faudra-t-il envisager un programme de requalification
    des entrées de ville à l’image des programmes Cœur de ville ?
    La question a été posée lors d’une table ronde organisée le
    13 octobre 2020 par l’Observatoire régional du foncier en Île-de-France
    (ORF) avec, en filigrane, le rôle des foncières commerciales.

        Publié le 20 Octobre 2020 par Emilie Zapalski pour Localtis

    I
«           l y a des sites commerciaux          de projets sur la région. « Nous allons
            en Ile-de-France, où nous ne         pratiquement doubler les surfaces ne
            pouvons plus rien faire et pour      serait-ce qu’avec les projets prévus,
            lesquels nous n’avons pas de         a expliqué Laura Jehl, rapporteure du
    solution.» La sentence prononcée par         groupe de travail de l’OR ; c’est surtout
    Pascal Madry, directeur de l’Institut        lié à des CDAC (commissions départe-
    pour la ville et le commerce, est lourde.    mentales d’aménagement commercial)
    Elle intervient dans le cadre d’une table    qui dans la région acceptent largement
    ronde organisée par l’Observatoire           les projets qui derrière se font ou non
    régional du foncier en Île-de-France         selon les aléas économiques ou la
    (ORF) sur « Le foncier commercial :          contestation, comme cela s’est passé
    quels enjeux pour le commerce dans le        pour Europacity, qui n’a finalement pu
    monde post-covid ? » L’occasion pour         aboutir. »
    les acteurs du secteur de partager le
    même constat : la crise sanitaire liée au
    covid-19 a accéléré des mutations déjà
                                                 « NOUS VIVONS EN UNE
    en cours pour le commerce.                   ANNÉE CE QUE NOUS
          La première d’entre elles concerne
                                                 AURIONS DÛ CONNAÎTRE
    la saturation des surfaces commer-           EN TROIS À QUATRE ANS »                     Nous sommes donc face à un choix
    ciales, avec une baisse de leur chiffre                                                  de société, car qu’en est-il du lien so-
    d’affaires, notamment dans les sur-          Le deuxième phénomène que traverse          cial avec une plateforme logistique ? »
    faces moyennes, et un parc qui conti-        le commerce tient à la digitalisation       Une évolution, qui, si on va au bout de
    nue à augmenter en volume. Le groupe         qui s’accentue au fil des ans. Les ac-      sa logique, conduirait aussi, au-delà de
    de travail de l’OR sur l’évolution du fon-   teurs du e-commerce s’imposent, au          la disparition du lien social, à un sys-
    cier commercial en Île-de-France lancé       premier rang desquels Amazon, ca-           tème inégalitaire dans sa couverture
    en 2019 a travaillé sur ces questions,       pable avec seulement 100.000 mètres         territoriale, le géant de l’internet se re-
    déployant également des propositions         carrés de faire le travail de 1300          fusant, pour des questions de rentabili-
    (voir encadré ci-dessous). D’après ses       moyennes surfaces. « Avant, plus vous       té, à assurer la distribution des produits
    données, à l’heure actuelle, l’Île-de-       aviez de magasins, plus vous aviez          achetés dans des territoires reculés.
    France compte 6800 points de vente           de consommateurs, a détaillé Antoine        « Le mouvement du commerce est
    de plus de 300 m2, soit 9 millions de        Frey, président de Frey, spécialiste de     à l’intersection de ces deux cycles, a
    m2 au total. Le foncier commercial y         l’immobilier commercial, mais main-         affirmé Pascal Madry, la crise arrive
    représente 1750 hectares, soit 0,74%         tenant le magasin est davantage vécu        au milieu et les précipite. Nous vivons
    du territoire francilien. Ce foncier a été   comme un show-room en complément            en une année ce que nous aurions dû
    multiplié par 2,6 en trente ans et il        du digital et finalement l’outil par-       connaître en trois à quatre ans. »
    reste encore 7 millions de m2 de stocks      fait pour le commerce, c’est Amazon.

                                                                                             Un média de la Banque des Territoires   Décembre 2020   13
“ ON EN PARLE ”

Mais si ce constat est globalement par-
tagé, les solutions proposées ne sont
pas les mêmes. Au-delà de la première
piste avancée presque par défaut par
Pascal Madry, consistant à abandonner
les sites très isolés et monofonctionnels
pour lesquels il n’y a aucun intérêt à faire
de « l’acharnement thérapeutique »,
ou à maintenir l’activité tant bien que
mal, même en restant sur un schéma
monofonctionnel, en se saisissant du
moratoire sur les zones commerciales
de périphérie prévu par le gouverne-
ment, d’autres options sont proposées.
L’une d’entre elles consisterait à en-
gager des mutations partielles, en re-
voyant les typologies de commerces en
présence et en intégrant de nouvelles
fonctions urbaines, dont du logement. «
Mais nous savons encore très peu faire
cela, il n’y a pas pour le moment de
modèle économique viable, a toutefois
rappelé Pascal Madry, dans ces pro-
jets, pour un mètre carré rénové il faut       ché et du côté des pouvoirs publics,        chez CBRE Retail, il ne correspond
un mètre carré de plus, car on finance         a précisé Pascal Madry. Si un jour on       plus à la manière de consommer des
avec l’extension. »                            veut véritablement accompagner ces          clients, d’où des déclinaisons qui appa-
                                               mutations, il faudra un programme           raissent déjà comme dans l’alimentaire
« LE PRINCIPE DU                               national de requalification des entrées     qui est précurseur dans ce domaine,
                                               de ville, et les outils qui sont en train   mais aussi à la Fnac qui revoit tout son
GRAND FORMAT N’EST                             d’être mis en place pour les centres-       système de distribution, avec l’ouver-
PLUS D’ACTUALITÉ »                             villes semblent intéressants à déplacer     ture de magasins pour des zones cou-
                                               sur les périphéries. » Dans le cadre du     vrant seulement 20.000 habitants. Une
L’option est pourtant plébiscitée par les      plan de relance, la Banque des Terri-       façon de réinventer le commerce.»
représentants des collectivités, comme         toires s’est en effet engagée à soutenir
Jean-Noël Carpentier, maire de Monti-          la création de 100 foncières sur le ter-
gny-lès-Cormeilles (Val-d’Oise). « Il faut     ritoire pour mener des requalifications
recréer de la valeur avec de la multi-         commerciales dans les centres-villes.
fonction, des activités, de l’équipement       Le gouvernement a pour sa part ins-
public, et du logement, pour permettre         tauré un fonds de 60 millions d’euros
que la mutation foncière se fasse, a           pour verser des subventions d’équilibre           « Si un jour
souligné le maire, mais pour cela, il          d’environ 30 000 euros en moyenne                 on veut
faut que les deux mondes, les foncières        pour compenser le déficit financier de
commerciales et le monde de l’habitat,         telles opérations.                                véritablement
se parlent et ça c’est encore difficile.»                                                        accompagner
                                                    Sans aller jusqu’à la diminution
      La reconversion complète de ces          des mètres carrés disponibles, et sans
                                                                                                 ces mutations,
zones en perdition est telle que la re-        imaginer forcément de mutation en                 il faudra un
naturation ou le remplacement complet          profondeur, d’autres, à l’image d’An-             programme
par du logement est une autre solution         toine Frey, estiment qu’il faut donner            national de
envisagée, mais qui est plus facile à          envie aux consommateurs de visiter les            requalification
mettre en oeuvre dans les grandes mé-          magasins et par l’occasion de « faire
tropoles. « On a un problème d’équa-           société ». Un objectif qui demande de             des entrées
tion financière, car entre le bilan de         retravailler les magasins actuels deve-           de ville [...]»
l’investisseur et le bilan de l’aménageur      nus obsolètes. « Le principe du grand
il nous faut une subvention d’équilibre        format n’est plus d’actualité, a renchéri
que l’on ne trouve pas et chez le mar-         Jérôme Le Grelle, executive director
LES PROPOSITIONS                               intercommunaux est incomplète, avec           foncier commercial, incluant toutes les
DU GROUPE DE TRAVAIL                           seulement 14 schémas de cohérence             parties prenantes publiques et privées
                                               territoriale (Scot) et 4 plans locaux d’ur-   et pilotée à l’échelle intercommunale.
DE L’ORF SUR LE                                banisme (PLU). L’Île-de-France a du           Il fait également plusieurs propositions
FONCIER COMMERCIAL                             retard par rapport aux autres régions         sur la mutation du foncier commercial :
                                               françaises. Le Schéma directeur de            donner à l’initiative publique la possibilité
                                               la région Île-de-France (Sdrif) pourrait      d’établir des conventions d’occupation
Depuis 2019, l’Observatoire régional
                                               renforcer cela ». L’une des propositions      précaire sur les locaux commerciaux,
du foncier (ORF) en Île-de-France a
                                               du groupe consiste ainsi à renforcer le       avec l’idée d’en faire des réserves fon-
conduit un groupe de travail sur l’évo-
                                               Sdrif sur la dimension de l’aménage-          cières en site urbain en attendant que le
lution du foncier commercial en Île-de-
                                               ment commercial pour maintenir les            projet soit finalisé, articuler la mutation
France, se concentrant sur les zones
                                               équilibres territoriaux.                      commerciale avec les besoins écono-
commerciales de périphérie. Le groupe
                                                                                             miques locaux et favoriser l’introduction
a mené plus d’un an d’études, d’audi-               Sur la manière d’intervenir en ma-
                                                                                             de logements dans les projets de mu-
tions d’acteurs et d’analyse des mar-          tière de foncier commercial, le groupe
                                                                                             tation commerciale ou encore anticiper
chés. Ses conclusions, présentées le           propose de travailler en mode projet. « Il
                                                                                             dans les schémas de transports collec-
13 octobre 2020 par Nathalie Tessier,          est nécessaire de sortir d’un urbanisme
                                                                                             tifs la future demande de déplacement
sa présidente, aujourd’hui
                                                                                             en transport en commun sur les zones
à la tête de la Foncière pu-
                                                                                             commerciales à faire muter, pour amé-
blique d’Île-de-France, et
                                                                                             liorer leur desserte et encourager les
Laura Jehl, la rapporteure,                « Il est nécessaire de                            possibilités de densification dans les an-
conduisent à plusieurs
propositions. Le groupe                  sortir d’un urbanisme                               nées à venir. Il propose d’expérimenter
                                                                                             un système de «banque de compensa-
préconise dans un premier                                    commercial                      tions» à l’échelle des zones franciliennes
temps d’améliorer l’obser-                    traditionnellement                             pour maintenir les équilibres fonciers,
vation et la connaissance
                                        réalisé par les acteurs                              environnementaux, paysagers, énergé-
du commerce à l’échelle
                                                                                             tiques, voire commerciaux.
des bassins de consom-                       du commerce pour
mation, en favorisant le                                                                          Le groupe préconise enfin d’établir
partage des données com-                   favoriser un pilotage                             une politique proactive et opération-
merciales entre acteurs                          en mode projet »                            nelle de requalification du foncier com-
publics et privés. Il propose                                                                mercial, en s’inspirant de la démarche
aussi de concevoir une                                                                       engagée pour la reconquête des friches
stratégie d’aménagement                                                                      franciliennes, et à partir d’un pilotage
commerciale à l’échelle du territoire.         commercial traditionnellement réalisé         partagé (régions, collectivités, parte-
« Il faut planifier au minimum à l’échelle     par les acteurs du commerce pour fa-          naires) et d’une expérimentation me-
intercommunale, a insisté Laure Jehl           voriser un pilotage en mode projet », a       née sur des territoires pilotes, avant
lors de la présentation des conclu-            ainsi insisté Laure Jehl. Le groupe pro-      généralisation à l’échelle régionale.
sions, or en Île-de-France, la couver-         pose ainsi d’instaurer une gouvernance
ture des documents de planification            partenariale du projet de mutation du

                                                                                             Un média de la Banque des Territoires   Décembre 2020   15
“ ON EN PARLE ”

     AVIS DE L’            expert

     Crise du Covid-19 et digitalisation
     des commerces de proximité
     DYNAMISER LE COMMERCE
     DE CENTRE-VILLE EN UN CLIC ?

                                     C
                                               e phénomène est ampli-                 à prendre en compte pour faire du nu-
                                               fié par la crise du Covid-19.          mérique un levier durable au service de la
                                               Avec la fermeture des com-             résilience des commerces de proximité ?
                                               merces « non essentiels » et           Autant de questions auxquelles cet article
Le commerce en ligne joue
                                     le confinement, les principaux sites de          cherchera à apporter des réponses.
un rôle croissant dans les           e-commerces ont connu une impor-
pratiques de consommation :          tante hausse de trafic et ont gagné de
sa part augmente régulièrement       nouveaux clients, tandis que le drive            LE NUMÉRIQUE, UN LEVIER
et la recherche sur internet         connaissait une croissance spectacu-
s’impose comme une étape                                                              POUR MAINTENIR L’ACTIVITÉ
                                     laire de son chiffre d’affaires.
incontournable dans le processus                                                      DES COMMERCES DE
d’achat. Avec l’évolution des
usages et des modes de vie,
                                     Si ce développement du e-commerce a              PROXIMITÉ AU TEMPS DU
                                     principalement profité à certains sec-
les outils numériques se situent
                                     teurs (l’alimentaire) au détriment d’autres
                                                                                      CONFINEMENT
au cœur des mutations tant
de l’activité des commerçants        (voyage, vêtements) et à certains distri-
que des pratiques des                buteurs (les plateformes d’Amazon, Cdis-         Les collectivités locales, qu’il s’agisse
consommateurs. Ils permettent        count, ou Fnac-Darty ont enregistré les
aux commerçants de proximité
                                                                                      des métropoles, des villes moyennes
de mieux vendre, de mieux
                                     meilleures performances, tandis que les          ou encore de certaines régions et dé-
répondre aux besoins des clients     sites les plus petits ont vu leurs ventes        partements, ont été nombreuses à avoir
et de transmettre les bonnes         reculer), le numérique s’est également           recours aux solutions numériques pour
informations au bon moment.          trouvé au cœur des réponses apportées            soutenir l’activité des commerces de
À ce titre, ils constituent autant   par les collectivités pour soutenir l’activité
un défi qu’une opportunité pour
                                                                                      proximité en période de confinement,
le commerce, notamment en
                                     du commerce de proximité.                        en complément de mesures de secours,
centre-ville.                             Comment se sont développés les              notamment de nature financière et fis-
                                     usages du numérique en matière de                cale, déployées pour aider les commer-
                                     commerce de proximité pendant la pé-             çants à traverser la crise.
                                     riode de confinement ? En quoi le nu-                 Le numérique a ainsi permis de faire
                                     mérique peut constituer une opportunité          connaitre les commerces encore ouverts,
                                     pour soutenir l’activité commerciale             de faciliter la mise en relation directe
                                     maintenant le déconfinement engagé ?             entre les producteurs et les consomma-
                                     Enfin, quels sont les points de vigilance        teurs, ou encore de faciliter la livraison à
Par Marie ABOULKER

domicile des produits des commerçants         nouveaux usages et à utiliser des outils
de proximité. Nombre de collectivités         numériques, les plateformes de vente en
ont ainsi proposé des outils numériques       ligne mais également les réseaux sociaux
de référencement et de vente en ligne,        « traditionnels », permettant de continuer    tant à un maximum de commerçants
visant à soutenir le commerce local, en       à alimenter la relation avec leurs clients,   d’accéder à des canaux digitaux pour
intégrant des services à leur site internet   indépendamment d’une relation mar-            poursuivre leur activité. Cela suppose,
ou encore en développant leur plate-          chande. Ils ont pu bénéficier, au niveau      de la part des collectivités et de leurs
forme d’Open data.                            collectif, d’un accompagnement apporté        partenaires, des actions importantes en
                                              par les collectivités, les unions commer-     matière de sensibilisation et de forma-
                                              ciales ou encore les chambres de com-
LE CONFINEMENT A                              merce, destiné à faciliter leur appropria-
                                                                                            tion à ce type d’outil, mais également
                                                                                            le déploiement de services de vente en
PERMIS DE RENFORCER                           tion de ces nouveaux outils.                  ligne, de drive ou de livraison, acces-
L’ADHÉSION DES                                                                              sibles à l’ensemble des commerçants
CONSOMMATEURS AUX                             UNE OPPORTUNITÉ POUR                          de proximité, irréductibles aux services
PLATEFORMES LOCALES                           ACCOMPAGNER LES                               proposés par Amazon et la grande dis-
DE E-COMMERCE                                                                               tribution. Le retrait en magasin après
                                              COMMERCES À L’ISSUE                           réservation en ligne ou le clic&collect
                                              DU DÉCONFINEMENT                              peuvent également apparaitre comme
À titre d’exemple, les plateformes lo-                                                      des solutions efficaces pour permettre
cales de e-commerce, proposées de-                                                          une relance de la consommation à dis-
                                              Maintenant que le déconfinement est           tance des magasins physiques.
puis quelques années aux collectivités,
                                              engagé, il est possible de faire l’hypo-
ont rencontré un certain succès, alors
                                              thèse que les tendances observées en
qu’elles ont été nombreuses à proposer                                                      LE NUMÉRIQUE PEUT
                                              matière d’utilisation du numérique tant
des offres préférentielles temporaires
avec des abonnements gratuits, des            par les consommateurs que les com-            SERVIR À ACCOMPAGNER
                                              merçants se maintiendront sur la durée        LE DÉVELOPPEMENT D’UN
commissions diminuées ou annulées.
                                              et pourront être encouragés. On peut
     Certains opérateurs ont ainsi connu      également penser que ces nouvelles
                                                                                            COMMERCE DE CONTACT
un développement non négligeable du           pratiques, en partie « subies » pendant
nombre de leurs utilisateurs pendant les 8    le confinement, pourraient révéler aux        Pour autant, à terme, le numérique
semaines de confinement. Ces solutions        commerçants et aux clients certains           peut servir à accompagner le déve-
numériques, en plus de permettre aux          avantages de ces solutions qu’ils n’au-       loppement d’un commerce de contact,
commerçants de maintenir une forme            raient pas essayées en temps normal.          pour accompagner le retour des usa-
d’activité, ont l’avantage de s’adresser à                                                  gers en centre-ville, dans des condi-
                                              Fort de cette prise de conscience, le         tions respectueuses de la sécurité
l’écosystème des commerçants dans son
                                              numérique peut s’imposer comme                sanitaire des consommateurs, sur fond
ensemble, tout en valorisant la possibilité
d’une consommation « locale ».                un outil essentiel au service du              d’une valorisation du local et de réin-
                                              déconfinement, à l’appui d’une                vestissement de la proximité. Ainsi, les
      Parallèlement, le confinement a per-    double logique :                              services numériques peuvent servir de
mis de renforcer l’adhésion des consom-                                                     support à des mesures incitatives pour
mateurs à ce type de service, en même         Tout d’abord, le numérique peut se
                                                                                            la consommation en centre-ville (par
temps qu’il a permis de lever certains        mettre au service d’un maintien d’un
                                                                                            exemple sous forme de bons d’achat
freins couramment observés à l’utilisation    commerce « sans contact », favorisant
                                                                                            mobilisables dans les commerces de
de ces solutions par les commerçants de       le respect de la distanciation physique
                                                                                            centres-villes ou de solutions de fidéli-
centre-ville – souvent des commerçants        et sociale : il s’agit dès lors de soutenir
                                                                                            sation des consommateurs), mais aus-
indépendants, peu familiers du digital.       une activité commerciale fragilisée par
                                                                                            si renforcer la dimension conviviale de
En effet, de nombreux commerçants ont         le confinement, en misant sur le renfor-
consacré plus de temps à se former aux        cement du e-commerce et en permet-

                                                                                            Un média de la Banque des Territoires   Décembre 2020   17
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