LA MISE EN VALEUR DES PAYSAGES ET LEUR PROTECTION - 17No

 
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LA MISE EN VALEUR DES PAYSAGES ET LEUR PROTECTION - 17No
LA REVUE ANNUELLE DE L’ASSOCIATION
DES ARCHITECTES PAYSAGISTES DU QUÉBEC

                                        No ○
                                           17

                                        LA MISE EN VALEUR
                                        DES PAYSAGES
                                        ET LEUR PROTECTION
LA MISE EN VALEUR DES PAYSAGES ET LEUR PROTECTION - 17No
LA MISE EN VALEUR DES PAYSAGES ET LEUR PROTECTION - 17No
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 sur les terreaux
  pour la gestion
des eaux pluviales

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      emiliechagnon@savaria.ca
      514-977-5147 savaria.ca
LA MISE EN VALEUR DES PAYSAGES ET LEUR PROTECTION - 17No
Passerelle piétonne —
                                                               Nouveau produit 2022

                                        Les aires de jeux de Cour à bois sont spécialement
                                           conçues pour laisser libre cours à l’imagination.
                                          En bois d’ici, naturel et sans traitement.

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20044_CàB_aapq_2022_01_18.indd 1                                                      2022-01-18 15:02:18
4                                  PAYSAGES — No 17
LA MISE EN VALEUR DES PAYSAGES ET LEUR PROTECTION - 17No
07 – 55                                       56 – 75
Éditeur
Association des architectes
                                                       LA MISE EN VALEUR                             RÉPERTOIRE
paysagistes du Québec
420, rue McGill, bureau 406
                                                       DES PAYSAGES                                  DES ANNONCEURS
Montréal (Québec) H2Y 2G1                              ET LEUR PROTECTION
—
Direction éditoriale
et de production                                       07    Mot de la présidente
Louise Vachon                                                                                        76 – 95
Catherine Fernet
—
                                                       10    Collaboration                           NOUVELLES
Révision des textes
                                                       12    Points de vue sur le paysage
                                                                                                     DE L'ASSOCIATION
Sylvie Lemay
—                                                            CHANTAL PRUD’HOMME
Soutien administratif
                                                                                                     79    Mot de la directrice générale
Nancy Bond                                             14    Désignation et catégorisation
—
Direction artistique
                                                             des paysages culturels patrimoniaux     80    Conseil et comités AAPQ
et design graphique                                          ISABELLE GIASSON
Le Séisme                                                                                            81    Activités 2021
—                                                      18    Les quatre défis de la pratique
Page couverture
                                                             du grand paysage pour                   85    Nouveaux membres
et illustrations
Julien Posture, illustrateur                                 l’architecte paysagiste
—                                                            LOUIS-PHILIPPE ROUSSELLE-BROSSEAU       86    Lauréats 2021
Impression
Héon et Nadeau                                         22    Potentiel panoramique
—                                                                                                    92    Répertoire des bureaux
Publicité
                                                             du contrefort appalachien,
514 526-6385                                                 MRC d’Arthabaska
info@aapq.org                                                CÉLINE BONNOT

Recevoir vos commentaires, questions
                                                       26    Connaître la valeur économique
et suggestions est toujours un privilège.
Écrivez-nous !                                               des paysages pour en assurer
info@aapq.org                                                la protection et la mise en valeur
—                                                            SOPHIE DEBLOIS
facebook.com/pageaapq

Tous droits réservés
                                                       30    La mise en valeur et la protection
ISSN 1911-8554                                               de paysages
                                                             ÉLAINE GENEST
Reproduction interdite sans l’autorisation
de l’AAPQ. PAYSAGES, la revue annuelle
                                                       34    Superpositions, connexions
de l’Association des architectes paysagistes
du Québec, est publiée une fois par année.                   et médiations, la réémergence
La publication dans ses pages d’annonces de                  d’un grand parc urbain
type publireportage et de publicités ne signifie             JONATHAN CHA
pas que l’AAPQ recommande ces produits
et/ou services. Les opinions et idées contenues
dans les articles n’engagent la responsabilité
                                                       38    Un campus au futur antérieur :
que de leurs auteurs.                                        quand l’étude du patrimoine
                                                             oriente le développement
La couverture est imprimée sur du papier                     CAMILLE PLOURDE-LESCELLEUR
RollandOpaqueMC contenant 30 % de fibres
recyclées postconsommation, fabriqué à partir
d’énergie issue du biogaz, procédé ECF, certifié       42    La conservation et la mise en valeur
FSC®. Les pages intérieures sont imprimées sur               du patrimoine comme moyens
du papier HUSKY OFFSET 140M, certifié FSC®.                  de révéler l’identité de nos paysages
                                                             MIRA HAIDAR, MICHELINE CLOUARD,
                                                             JULIE ST-ARNAULT

                                                       46    Le paysage culturel de Wendake :
                                                             valoriser et célébrer l’identité
                                                             MARIE-FRANCE TURGEON

                                                       50    Le paysage humanisé
                                                             de L’Île-Bizard
                                                             SABINE COURCIER

                                                       53    Quelques enseignements à tirer
                                                             de l’observatoire photographique
                                                             des paysages de Memphrémagog
                                                             GÉRALD DOMON

                                                   ASSOCIATION DES ARCHITECTES PAYSAGISTES DU QUÉBEC                                       5
LA MISE EN VALEUR DES PAYSAGES ET LEUR PROTECTION - 17No
6   PAYSAGES — No 17
LA MISE EN VALEUR DES PAYSAGES ET LEUR PROTECTION - 17No
MOT DE LA PRÉSIDENTE

                           NOS PAYSAGES, NOTRE FIERTÉ
                           Cette année s’annonce très chargée en émotions à la perspective de la parution

PRÉSIDENTE DE L’AAPQ
                           au printemps de la première Politique nationale d’architecture et d’aménagement
                           du territoire au Québec.
CATHERINE FERNET
                           L’AAPQ a assisté à de multiples rencontres ces derniers mois, tant dans le
                           cadre du comité consultatif mis sur pied par le gouvernement pour recueillir
                           les commentaires des parties prenantes qu’auprès de l’Alliance ARIANE pour
                           la préparation du Sommet québécois de l’aménagement du territoire tenu en
                           janvier dernier. Notre implication a permis d’échanger sur plusieurs sujets liés au
                           paysage, entre autres l’intégration architecturale, les changements climatiques,
                           la conservation du patrimoine paysager, et l’identité culturelle et territoriale liée
                           aux paysages. Bref, nous avons pu nous prononcer sur l’importance de ces
                           enjeux pour informer le gouvernement et l’appuyer afin d’en arriver à une vision
                           commune en matière de paysage.

                           Quels paysages voulons-nous admirer lorsque nous nous déplaçons tant en
                           milieu urbain qu’en milieu agricole ? Quelles interventions sur le paysage vous
                           semblent inappropriées ? Quel est un bon projet d’intégration architecturale ou
                           d’infrastructure ? Quelle est la valeur du paysage ? Il est primordial que chacun
                           d’entre nous puisse répondre à ces questions si nous voulons que les paysages
                           du Québec évoluent vers des paysages qui nous représentent, qui se distinguent
                           par les caractéristiques de chacune de nos communautés et qui reflètent ce que
                           nous voulons montrer au reste du monde !

                           Vous trouverez dans cette édition de la revue PAYSAGES une partie des
                           réponses à ces questions. Les articles qu’elle contient vous captiveront et
                           vous éclaireront sur la manière dont les architectes paysagistes identifient les
                           transformations qui s’opèrent sur le territoire québécois et sur la façon dont ils
                           entrevoient la cohabitation de la mise en valeur, de la protection des paysages et
                           du développement.

                           Je vous laisse donc à vos lectures, chers collègues et amis, et vous invite à vous
                           mobiliser et à vous faire entendre sur l’importance de servir les intérêts de nos
                           paysages, car ils contribuent à forger notre identité territoriale collective.

                           Bonne lecture !

                       ASSOCIATION DES ARCHITECTES PAYSAGISTES DU QUÉBEC                                        7
LA MISE EN VALEUR DES PAYSAGES ET LEUR PROTECTION - 17No
LA MISE EN VALEUR DES PAYSAGES ET LEUR PROTECTION - 17No
LA MISE
   EN VALEUR
DES                        Section                ①

    PAYSAGES
ET LEUR
 PROTECTION

   ASSOCIATION DES ARCHITECTES PAYSAGISTES DU QUÉBEC   9
LA MISE EN VALEUR DES PAYSAGES ET LEUR PROTECTION - 17No
PLANIFICATION DES PAYSAGES                           PAYSAGE RÉGIONAL
COLLABORATION
                                                         Points de vue sur le paysage                         Les quatre défis de la pratique du grand
                                                                                                              paysage pour l’architecte paysagiste

                                                         Chantal Prud'Homme
                                                                                                              Louis-Philippe Rousselle-Brosseau
                                                         Architecte paysagiste de formation, Chantal
                                                         Prud’Homme a développé une expérience unique         Monsieur Rousselle-Brosseau est titulaire
                                                         en patrimoine et en paysage. Elle a occupé           d’un baccalauréat et d’une maîtrise en architec-
                                                         notamment le poste de vice-présidente du Conseil     ture de paysage. Il a développé une spécialité
                                                         du paysage québécois, réalisé de nombreuses          en patrimoine paysager, en caractérisation pay-
                                                         études dans diverses régions du Québec et col-       sagère et en participation citoyenne.
                                                         laboré à des ouvrages, dont le Manuel de bonnes
                                                         pratiques, Paysages du Québec pour Paysages
                                                         estriens et l’Atlas du paysage du mont Royal.

                                                                                                              ANALYSE DES PAYSAGES
                                                                                                              Potentiel panoramique du contrefort
                                                         PATRIMOINE
                                                                                                              appalachien, MRC d’Arthabaska
                                                         Désignation et catégorisation
                                                         des paysages culturels patrimoniaux

                                                                                                              Céline Bonnot

                                                                                                              Céline accompagne les collectivités pour bâtir des
                                                         Isabelle Giasson                                     milieux de vie résilients, conviviaux et ressourçants.
                                                                                                              Intervenant de l’échelle du site au territoire, elle
                                                         Isabelle Giasson dirige le département d’archi-      accorde une grande attention à l’expérience paysa-
                                                         tecture de paysage chez EVOQ. En 2021, elle          gère des usagers, à l’accès aux lieux de nature, aux
                                                         devient membre du conseil d’administration           paysages nourriciers et à la biodiversité.
                                                         d’ICOMOS Canada, une organisation dont le
                                                         mandat vise à améliorer la conservation du patri-
                                                         moine culturel au bénéfice des communautés.
                                                         Isabelle possède une bonne connaissance des
                                                         normes et exigences applicables en architecture      PROTECTION DES PAYSAGES
                                                         de paysage, et maitrise les principes et pratiques   Connaître la valeur économique
                                                         des Normes et lignes directrices pour la conser-     des paysages pour en assurer
                                                         vation des lieux patrimoniaux au Canada.             la protection et la mise en valeur
   À LA UNE
   La mise en valeur des paysages
   et leur protection vues
   par Julien Posture

                                                                                                              Sophie DeBlois

                                                                                                              Titulaire d’un baccalauréat en histoire de l’art
                                                                                                              et d’une maîtrise en aménagement, option
                                                                                                              conservation du patrimoine bâti, Sophie œuvre
   Julien Posture                                                                                             dans le domaine de la culture, de l’éducation et du
                                                                                                              patrimoine bâti et paysager depuis près de 15 ans.
   Julien Posture est un illustrateur et chercheur                                                            Elle travaille présentement comme chargée
   basé à Montréal. Il aime créer des images pour                                                             de projet de l’Entente sur la mise en valeur et la
   illustrer des enjeux sociaux et culturels et écrire                                                        protection des paysages de la Capitale-Nationale
   sur la vie sociale et culturelle des images.                                                               pour Développement Côte de Beaupré.

   10                                                                   PAYSAGES — No 17
ANALYSE DES PAYSAGES                                          PATRIMOINE                                              PATRIMOINE
La mise en valeur et la protection                            Un campus au futur antérieur :                          Le paysage culturel de Wendake :
de paysages                                                   quand l’étude du patrimoine oriente                     valoriser et célébrer l’identité
Dans le contexte d'études de localisation, de design          le développement
et d'intégration d'infrastructures majeures au Québec

                                                                                                                      Marie-France Turgeon
                                                              Camille Plourde-Lescelleur
Élaine Genest                                                                                                         Marie-France Turgeon dirige les projets de
                                                              Chargée de projet en architecture de paysage            conception et réalisation chez EVOQ. Elle a mené
Architecte paysagiste titulaire d’une maîtrise                pour la coopérative Les Milles Lieux, madame            une quinzaine de projets d’envergure sur des sites
en urbanisme, Élaine Genest a développé une                   Plourde-Lescelleur a contribué depuis 2016              historiques ou patrimoniaux à Québec et à Montréal
profonde expérience en matière de design et de                à plusieurs projets institutionnels publics de grande   pour des municipalités, des universités et des
planification du territoire, d’évaluation et d’inser-         envergure et se spécialise dans la rédaction            communautés autochtones.
tion environnementales d’infrastructures diverses,            de plans directeurs. Elle complète présentement
et de recherches appliquées. Elle est spécialisée             sa maîtrise en santé publique.
en conception d’outils méthodologiques et en
analyse des paysages patrimoniaux. Elle œuvre
                                                                                                                      PROTECTION DU TERRITOIRE
au sein de Cima+.
                                                                                                                      Le paysage humanisé de L’Île-Bizard
                                                              PAYSAGE COMME RÉVÉLATEUR                                Une approche innovante de protection
                                                              La conservation et la mise en valeur                    et de mise en valeur d'un territoire champêtre

AMÉNAGEMENT DE L'ESPACE
                                                              du patrimoine comme moyens
Superpositions, connexions                                    de révéler l’identité de nos paysages
et médiations, la réémergence
d’un grand parc urbain
L'approche conceptuelle
du Plan directeur de conservation,
d'aménagement et de développement
du parc Jean-Drapeau 2020-2030

                                                                                                                      Sabine Courcier

                                                                                                                      Sabine Courcier est détentrice d’un baccalauréat
                                                                                                                      en biologie, d'une maîtrise en environnement et
                                                                                                                      aménagement, et d'un doctorat en aménagement.
                                                                                                                      Elle a travaillé à la Chaire en paysage et envi-
                                                                                                                      ronnement de l’Université de Montréal. Sabine
                                                                                                                      est conseillère en aménagement au Service des
                                                                                                                      grands parcs, du Mont-Royal et des sports de la
                                                                                                                      Ville de Montréal depuis 2008.
Jonathan Cha

Docteur en aménagement de l’espace et urba-
nisme, urbanologue, architecte paysagiste et
                                                              Mira Haidar, Micheline Clouard,
conseiller principal en aménagement au parc                   Julie St-Arnault                                        PAYSAGES EN ÉVOLUTION
Jean-Drapeau, où il a été un acteur de première                                                                       Quelques enseignements à tirer
ligne du Plan directeur de conservation, d’aména-             Depuis 1999, Vlan paysages développe une
                                                              démarche paysagère qui procure des expériences          de l’observatoire photographique
gement et de développement 2020-2030. Il a
réalisé de nombreuses études patrimoniales                    sensorielles et cinétiques et construit des projets     des paysages de Memphrémagog
et paysagères sur le territoire montréalais et siège          engageants et signifiants. La firme œuvre fré-
à plusieurs comités d'experts en matière d’archi-             quemment au sein d’équipes multidisciplinaires
tecture, d’urbanisme, de patrimoine et de                     et accorde une importance primordiale au
paysage culturel.                                             contexte social, biophysique, naturel, urbain,
                                                              culturel et social du projet pour assurer une
                                                              pratique expérimentée du design en matière
                                                              d’architecture de paysage.

                                                                                                                      Gérald Domon

                                                                                                                      Gérald Domon est professeur associé à l'École
                                                                                                                      d'urbanisme et d’architecture de paysage et
                                                                                                                      directeur scientifique associé de la Chaire en
                                                                                                                      paysage et environnement. Il est un spécialiste
                                                                                                                      reconnu en matière de caractérisation, de protec-
                                                                                                                      tion et de mise en valeur des paysages ruraux.

                                                        ASSOCIATION DES ARCHITECTES PAYSAGISTES DU QUÉBEC                                                              11
①                        Planification des paysages

                         POINTS DE VUE
                         SUR LE PAYSAGE
Chantal Prud’Homme
Architecte paysagiste

     Malgré l’ampleur de ce qu’il reste à accomplir dans la valorisation des
paysages au Québec, l’année 2021 a été riche en dénouements avec la reconnais-
sance du paysage humanisé de L’Île-Bizard et du paysage culturel patrimonial
des Pointes-aux-Iroquois-et-aux-Orignaux à Rivière-Ouelle.

Comme j’ai travaillé, depuis plus de 40 ans, à de nombreux dossiers,       La petite taille d’un village ne le met pas pour autant à l’abri de trans-
des études d’impact aux analyses paysagères en passant par les             formations malheureuses. Au contraire. Un seul geste peut défigurer
évaluations patrimoniales, l’idée m’est venue de faire part de mes         un ensemble cohérent, alors qu’un ensemble varié, le long d’une rue
réflexions et points de vue sur le paysage. Quelle place prend le          ou dans un quartier par exemple, pourra supporter plus aisément
paysage dans l’ensemble de nos actions ?                                   des insertions contrastées. Bien sûr, il y aura toujours les partisans
                                                                           du contraste architectural, quel que soit l’endroit ! Mais c’est la
Depuis un an, j’habite Saint-Vallier, un village de Bellechasse au         notion d’ensemble qui m’interpelle en relation avec le paysage.
bord du fleuve. J’avais le goût d’un milieu de vie à petite échelle plus
humaine et un goût de beauté, car Saint-Vallier fait partie de la liste    DÉCODER LA VALEUR DE L’ENSEMBLE
des 40 plus beaux villages du Québec 1. L’endroit m’a conquise par         ET AGIR EN COHÉRENCE
le soin porté à la préservation du cadre bâti, à ses quelques amé-
nagements publics bien faits, à l’affichage soigné et à la proximité       L’appartenance d’un lieu à un plus grand ensemble devrait être privi-
du fleuve, avec son aspect sauvage non contrôlé et ses trois accès         légiée et surtout mieux comprise. Les unités de paysage pourraient
publics riverains.                                                         devenir un soutien à cet égard : paysages de plaines, de plateaux ou
                                                                           de collines constituent autant de réalités physiographiques diffé-
À quoi tient la qualité paysagère de ce village ? Un Plan d’implanta-      rentes auxquelles correspondent un relief, une organisation du réseau
tion et d’intégration architecturale (PIIA) y régit les transformations    hydrographique et des dépôts de surface particuliers qui influent sur
des éléments bâtis existants et les nouvelles insertions. Comme            la structure paysagère et l’occupation des sols; l’assise des paysages
partout ailleurs, cet équilibre demeure fragile; il dépend de la qualité   est avant tout géographique ! Le Cadre écologique de référence du
des analyses et de la compétence des membres qui composent le              Québec (CERQ) me semble nettement sous-utilisé alors qu’il peut
Comité consultatif d’urbanisme (CCU), ainsi que de la confiance            servir d’outil pour mettre le paysage en relation avec des paramètres
accordée par le conseil municipal en respect des recommandations           de protection de l’environnement, dont la biodiversité.
faites par le CCU. Mais les membres du CCU sont-ils suffisamment
outillés pour juger des futures transformations de leur paysage ?

12                                                               PAYSAGES — No 17
Les unités de paysage correspondent à des portions représen-              disgracieuses sont préoccupants. Pour chaque projet, quand la
tant généralement un assemblage organique du territoire. Mais             notion de paysage intervient-elle ? Comment s’articule le dialogue
le découpage d’unités de paysage pose un défi de taille en ce qui         à l’échelle du paysage pour mettre les éléments bâtis (architecture,
a trait à l’aménagement du territoire et à l’urbanisme. En effet, le      structures de génie, de transport, etc.) en relation les uns avec les
cadastre constitue l’outil de référence en matière de découpage de        autres et avec les attributs naturels du paysage ? Les simulations
la majorité des affectations et zonages; il demeure un système qui        visuelles réalisées à partir de points de vue collectifs, illustrant les
se superpose souvent au relief et qui peut en faire totale abstraction.   transformations générées par un projet à l’échelle du paysage, ne
Il en résulte des règlements qui peinent à prendre en compte, entre       sont pas suffisamment utilisées.
autres, les dimensions d’espace et de relief du territoire essentielles
à la découverte et à l’appréciation des paysages.                            Le défi du paysage requiert une sensibilité et
Au Québec, diverses études et la mise en place de chartes de                 une expertise des équipes dans la réalisation
paysage 2 ont suscité la participation de nombreux intervenants.             de projets signifiants, car la prise en compte
D’autres études ainsi que des atlas ont servi, quant à eux, à docu-          du paysage exige de sortir du cadre étroit
menter la connaissance de paysages du Québec. L’atlas réalisé pour
le territoire de la Communauté métropolitaine de Québec (CMQ) 3,
                                                                             des limites du site.
certainement l’un des premiers à avoir été élaboré au Québec,
a permis de reconnaître 44 unités de paysage d’intérêt métropo-           Les donneurs d’ouvrage et les directives qui encadrent les mandats
litain pour lesquelles les intéressés sont assujettis à des mesures       doivent pouvoir exiger cette expertise, et ce, de façon spécifique.
relatives à leur protection, leur mise en valeur, leur aménagement
et leur planification dans le cadre de la révision du Plan métropo-       La densification, essentielle d’ailleurs, en milieu urbain, périurbain
litain d’aménagement et de développement de la CMQ de 2021 4.             ou villageois compromet le devenir de nombreux espaces libres
Pour nourrir cette réflexion, une synthèse des transformations des        (parcs, boisés) ou ouverts qui, tout en permettant à la trame bâtie de
paysages de la CMQ au cours de son histoire5 a été réalisée. On           respirer, peuvent constituer des espaces d’appropriation collective
peut y constater à quel point les paysages d’aujourd’hui diffèrent        ou des points de vue collectifs sur le paysage. La recherche effrénée
des paysages d’autrefois.                                                 de sites avec points de vue sur le paysage par les promoteurs raréfie
                                                                          de plus en plus l’accessibilité aux points de vue à partir de l’espace
De même, les principes directeurs énoncés dans l’Atlas du pay-            collectif de la route ou de la rue.
sage du mont Royal s’avèrent toujours d’actualité afin d’orienter
les interventions pouvant avoir une incidence sur le paysage de la        Peu d’études documentent la valeur économique des espaces
montagne : contribuer à la valeur de l’ensemble et à la valorisation      ouverts. On peut lire dans une récente revue de littérature que « les
du paysage, respecter le génie du lieu, satisfaire aux plus hautes        espaces ouverts liés aux milieux hydriques (rivières, ruisseaux,
normes de qualité et intervenir avec une vision à long terme 6.           étangs) figurent au nombre des milieux naturels qui possèdent la
                                                                          plus grande valeur ajoutée sur les prix de vente des propriétés pri-
Ces démarches contribuent grandement à une sensibilisation au             vées ». La proximité physique avec un espace ouvert, son accessibi-
paysage. Mais le paysage demeure-t-il confiné à un objet de connais-      lité, son niveau d’entretien, de même que la qualité et la profondeur
sance ou à de longues démarches de sensibilisation pendant que            de la vue représentent des variables qui influent sur le prix de vente
le territoire continue à se transformer en réponse à des règlements       de telles propriétés privées 7.
caducs ou en retard de plusieurs années sur les enjeux qui font dis-
paraître ses qualités ? Alors que le paysage résulte d’un ensemble           À l’heure de l’urgence climatique, le défi
d’usages, le succès ou l’harmonisation de cet effet d’ensemble sont
confrontés à de nombreux intervenants de différents domaines dont            du paysage ne devrait pas être mis en
les responsabilités et objectifs peuvent diverger ou même s’oppo-            opposition dans la balance des options pour
ser : agriculture, patrimoine, développement immobilier, transport,          contrer les changements climatiques, alors
culture, tourisme, forêt, industrie, environnement, etc. Qui se soucie
de la qualité et de la valeur de l’ensemble, de ce tout qui est plus
                                                                             qu’il se révèle plutôt un allié.
grand que la somme de ses parties ?
                                                                          La diminution des gabarits résidentiels, l’atténuation d’une suren-
Certes, le paysage peut servir de formidable sujet de concertation        chère sur l’éclairage extérieur, la mise en place de trames vertes le
pour un territoire donné, mais devant l’absence d’une loi sur le pay-     long des rivières, ponctuées d’accès collectifs favorisant la connec-
sage au Québec et la faible prise en considération du paysage dans        tivité des paysages ou la limitation du déboisement des lots dans les
la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme, des actions concrètes            pentes et sur les sommets ne sont que des exemples parmi d’autres,
doivent être menées.                                                      favorables à une meilleure qualité paysagère et à une meilleure pro-
                                                                          tection de l’environnement, alors que le Groupe d’experts inter-
MIEUX MAÎTRISER L’ÉVOLUTION DES PAYSAGES                                  gouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) aborde l’idée de
                                                                          décroissance. Au delà de la protection des paysages remarquables,
Les campagnes, les villages, les quartiers et les villes se transfor-     le souci de la qualité du paysage interpelle notre manière de créer
ment plus vite que les réflexions et actions menées sur leurs pay-        et de transformer nos milieux de vie et nos paysages du quotidien.
sages. La perte de paysages identitaires, le manque de nuances
dans l’emplacement, le gabarit et le caractère architectural de nou-
veaux bâtiments en relation avec leur milieu d’insertion, la perte de
points de vue collectifs sur le paysage et le mitage de versants et                                            Accédez aux références de cet article :
de sommets par des déboisements importants créant des trouées                                                  bit.ly/35fN9Fe

                                            ASSOCIATION DES ARCHITECTES PAYSAGISTES DU QUÉBEC                                                     13
Jamie Robertson

                  ②                       Patrimoine

                                          DÉSIGNATION
                                          ET CATÉGORISATION
                                          DES PAYSAGES
                                          CULTURELS
                                          PATRIMONIAUX
                  Isabelle Giasson
                  Architecte paysagiste, associée AAPC

                  EN COLLABORATION AVEC Sarah Debs Étudiante en architecture et architecture de paysage

                  14                                                            PAYSAGES — No 17
« Le patrimoine désigne tout d’abord la relation
                      de l’Homme à son milieu, son appréciation de celui-ci.
                       C’est l’harmonie entre le "naturel et le construit, entre
                     l’ancien et le plus récent, entre vivant et matière inerte" ».
                                                               LAHOUD, 2020

Le paysage culturel patrimonial englobe tout lieu qui, de par sa            En 2008, on raffine encore plus la définition en ajoutant deux
« signification esthétique, historique, scientifique, culturelle, sociale   sous-catégories au paysage évolutif. La première est appelée « pay-
ou spirituelle » (ministère de la Culture et des Communications,            sage relique », c’est-à-dire dont le processus évolutif s’est arrêté
2021), témoigne de l’identité locale et de la valeur paysagère d’une        subitement ou graduellement, mais dont les caractéristiques prin-
région. La catégorisation de « paysage culturel patrimonial » vient         cipales restent encore visibles; la seconde est appelée « paysage
donc de cette volonté de préserver ces fragments naturels qui forgent       vivant », c’est-à-dire dont la société contemporaine est en relation
les communautés et de les protéger de l’intervention de l’Homme.            avec les valeurs et le mode de vie traditionnels, tout en s’adaptant
                                                                            aux conditions actuelles. Le paysage témoigne toutefois encore de
Plusieurs éléments apparaissant au sein du paysage peuvent se               son évolution progressive au cours des siècles.
révéler utiles quant à sa caractérisation de paysage culturel, par
exemple les matériaux, la localisation, l’organisation spatiale, les        Au Québec, ce n’est qu’en 2012 que le texte de la Loi sur le patri-
connotations spirituelles, lesquels, une fois retirés du lieu, défi-        moine culturel inclut la notion de paysage culturel. Or cette loi ajoute
gurent sa valeur patrimoniale.                                              certains concepts à la définition proposée par l’UNESCO afin d’en-
                                                                            courager « la connaissance, la protection, la mise en valeur et la
Actuellement, le processus de désignation d’un paysage demande              transmission du paysage culturel sous toutes ses formes » (minis-
de la patience et de la persévérance. Il est ardu, certes, mais             tère de la Culture et des Communications, 2021).
nécessaire à la bonne préservation des communautés actuelles,
ancestrales et futures occupant le lieu. Le présent article traite des      Le ministère de la Culture et des Communications du Québec décrit
catégorisations, du processus de désignation et des pistes d’in-            le patrimoine ainsi : « tout objet ou ensemble, matériel ou immaté-
tervention de mise en valeur des paysages culturels patrimoniaux.           riel, reconnu et approprié collectivement, dont la connaissance,
                                                                            la sauvegarde, la transmission ou la mise en valeur présente un
IDENTIFICATION ET CARACTÉRISATION                                           intérêt public ».

« Apprendre à connaître et à comprendre les lieux dans lesquels                On introduit ainsi la notion de sentiment
on intervient nous permet d’insérer quelque chose qui n’est pas
seulement compatible, mais qui ajoute un sens. » (Corriveau, 2020)             d’appartenance au paysage, qui contribue
Afin de protéger ces lieux de manière optimale, il importe de se               fortement à sa désignation de paysage
pencher sur les différentes définitions et de saisir l’essence des             culturel. Un paysage peut donc être qualifié
paysages culturels patrimoniaux. L’UNESCO qualifie ces lieux
d’ « œuvre conjuguée de l’homme et de la nature », faisant partie de
                                                                               de patrimonial si on s’y identifie, si on en
l’« identité collective ». À noter que les paysages mentionnés dans            est fier.
cette définition sont tant « intentionnels » (créés de toute pièce par
l’Homme) qu’évolutifs (qui témoignent d’une occupation territoriale         Le Canada compte aujourd’hui trois paysages figurant sur la Liste
et d’une évolution en fonction des dimensions sociales, culturelles,        du patrimoine mondial de l’UNESCO : le Paysage de Grand-Pré
religieuses et économiques des communautés, en fonction des                 (Nouvelle-Écosse), Pimachiowin Aki (Manitoba et Ontario) et
conditions environnementales ou culturelles, etc.).                         Writing-on-Stone (Áísínai’pi) (Alberta).

                                             ASSOCIATION DES ARCHITECTES PAYSAGISTES DU QUÉBEC                                                  15
DÉSIGNATION D’UN PAYSAGE CULTUREL
PATRIMONIAL AU QUÉBEC
                                                                                       Le « marais » de Grand-Pré et les vestiges des anciens
Même si le processus de désignation d’un paysage culturel patrimo-                     villages associés constituent un paysage culturel qui
nial est complexe, il est primordial d’entreprendre l’intégralité des                  témoigne d’un effort technique multiséculaire remarquable
démarches dans l’optique de préserver ces lieux culturels. En ce qui                   de poldérisation agricole, dans une situation maritime aux

                                                                           Grand-Pré
concerne les paysages, le gouvernement du Québec a le droit, s’il                      coefficients de marées exceptionnels. Il montre en particu-
le juge pertinent, de désigner un paysage culturel patrimonial. La                     lier la permanence de son système de drainage hydraulique
demande de désignation doit lui être adressée.                                         à base de digues et d’aboiteaux et de son usage agricole
                                                                                       par le biais d’un système communautaire de gestion fondé
Une demande présentée par l’ensemble des municipalités locales                         par les Acadiens et repris par les Planters et leurs suc-
et régionales de comté et des communautés métropolitaines dont                         cesseurs contemporains. Grand-Pré témoigne également
la localisation englobe une partie du territoire à préserver doit être                 de l’histoire des Acadiens aux XVIIe et XVIIIe siècles et
soumise au ministre. Plusieurs informations citées au chapitre II,                     de leur déportation. Source : whc.unesco.org/fr/list/1404/
section III, article 18 de la Loi sur le patrimoine culturel doivent
apparaître dans la demande de désignation; sans ces renseigne-
ments, la demande ne pourra être traitée.

Parmi les données requises, il importe de préciser :

     1. La délimitation du territoire visé;
     2. Le diagnostic paysager – qui englobe les analyses quantita-
     tives et qualitatives caractérisant le territoire, l’exposé de ses
     caractéristiques, ainsi qu’une démonstration de la reconnais-

                                                                                                                                             Jamie Robertson
     sance du territoire par la communauté concernée;
     3. Une charte du paysage culturel patrimonial présentant les
     actions entreprises pour sa mise en valeur et sa protection.

Un mois avant la tenue de la séance du conseil local du patri-
moine, les municipalités concernées par la demande de désigna-
tion peuvent faire leurs représentations et publier un avis public de
cette séance. Ce n’est que 60 jours après la date de l’avis, et après
consultation du conseil local du patrimoine, que le conseil de la
municipalité peut adopter la résolution relative à la demande de
désignation du paysage culturel patrimonial.

Après avoir pris l’avis du Conseil du patrimoine culturel du Québec,
le ministre décide si la demande se qualifie pour l’élaboration d’un
plan de conservation par les demandeurs. Si c’est le cas, la dési-
gnation de paysage culturel patrimonial ne sera obtenue que si le
plan de conservation élaboré par les municipalités concernées est
approuvé par le ministre et respecté par les agents locaux.

Les municipalités demandant la désignation d’un paysage cultu-
rel patrimonial doivent produire un rapport tous les cinq ans; elles
doivent également témoigner du respect et du suivi du plan de
conservation en vigueur.

Il s’agit donc d’un processus complexe, d’étapes nombreuses et
d’une attente considérable avant de pouvoir designer un site comme
paysage culturel patrimonial. De surcroît, il est parfois difficile pour
les organismes de comprendre les avantages de cette désignation,
d’autant plus que la démarche engendre une mobilisation impor-
tante de ressources physiques et économiques.

16                                                               PAYSAGES — No 17
CLASSIFICATION DES PAYSAGES
CULTURELS PATRIMONIAUX
                                                                                            La première désignation de paysage culturel patrimonial
Le patrimoine est l’objet de politiques et de règlements à plusieurs                        à avoir été accordée au Québec l’a été à Rivière-Ouelle,
niveaux. En effet, il existe au Canada trois grandes juridictions res-                      en 2021, une première au Québec ! Ce territoire, formé de
ponsables du patrimoine, soit le fédéral, le provincial et le municipal.                    crêtes rocheuses boisées en bordure du Saint-Laurent,

                                                                           Rivière-Ouelle
                                                                                            représente un intérêt historique, emblématique et identi-
Au niveau fédéral, les paysages culturels patrimoniaux doivent être                         taire. Ce nouveau statut représente l'aboutissement de huit
des propriétés fédérales, ou des sites d’intérêt national, comme le                         ans de démarches entre la MRC de Kamouraska, la muni-
lieu historique national du Canada des Forges-du-Saint-Maurice.                             cipalité de Rivière-Ouelle et le gouvernement du Québec.
Le Registre canadien des lieux patrimoniaux (RCLP) présente des
endroits désignés comme arrondissements historiques ou paysages
culturels; ils comprennent souvent plusieurs caractéristiques natu-
relles ou faites par l'homme. (Lieux patrimoniaux du Canada, 2021)

Au niveau provincial, il existe plusieurs catégories de désignations.
Tout d’abord, les sites patrimoniaux déclarés concernent principale-
ment des quartiers, des secteurs facilement délimités par une mise
en relation du bâti et du paysage. Toute demande d’intervention
dans ces lieux doit être adressée au ministère. Les désignations
attribuées par le gouvernement concernent généralement de très

                                                                                                                                                      Le Placoteux
grands territoires ruraux pouvant couvrir plusieurs municipalités.
Néanmoins, on compte peu de demandes d’intervention pour ces
lieux désignés, à part lorsqu’elles sont fortement recommandées
par des entreprises expertes en patrimoine. Enfin, certaines dési-
gnations accordées par le ministre servent à marquer la signification
historique de personnes ou de lieux, sans mesure de contrôle par-
ticulière, afin de souligner leur importance. Le fleuve Saint-Laurent
en est un exemple pertinent. Le seul endroit au Québec à avoir été
désigné paysage culturel patrimonial est Rivière-Ouelle, tel que
mentionné précédemment.

Au niveau municipal, le classement des sites est semblable à celui
du provincial. Une fois l’endroit désigné, il faut entretenir un rapport
étroit avec la Ville, et plus précisément avec le Conseil du patrimoine
de Montréal, avant de soumettre toute demande d’intervention sur
ce genre de territoire. Le Conseil du patrimoine de Montréal est
une instance consultative de la Ville; elle n’est pas décisionnelle,
contrairement à la Commission d’urbanisme du Québec, mais
recommande ou non les interventions auprès du Comité exécutif de           CONCLUSION
la Ville de Montréal. Depuis 2018, le provincial a délégué son pou-
voir d’autorisation au municipal afin de simplifier certains dossiers      Les paysages culturels patrimoniaux nous permettent de prendre
et accélérer les procédures.                                               conscience de la relation entre l’Homme et son environnement, tout
                                                                           en mettant l’emphase sur l’évolution de ces paysages à travers le
Au niveau fédéral, la Commission des Lieux et Monuments                    temps et les époques. Il existe un guide gratuit intitulé Les normes
Historiques du Canada (CLMHC), établie en 1953, a pour mission             et lignes directrices pour la conservation des lieux patrimoniaux qui
de recenser les lieux historiques les plus importants du pays (ou          établit un ensemble pancanadien cohérent de principes et lignes
LHN : Lieux Historiques Nationaux). Elle recommande la désignation         directrices en matière de conservation. Il met de l’avant une idéologie
de plusieurs de ces lieux et fournit au ministre de l’Environnement        raisonnée pour la conception d’intervention en milieu patrimonial,
des recommandations quant à la désignation de tout lieu, événe-            devenant ainsi la référence nationale pour l’évaluation des interven-
ment ou personnage historique. Les informations concernant les             tions proposées pour les lieux patrimoniaux. Ce guide sert d’outil
désignations se trouvent dans l’Annuaire des désignations patrimo-         pour faciliter les démarches à entreprendre en matière de conser-
niales fédérales, qui en comprend plus de 3600 au Canada.                  vation par les municipalités et agents qui seraient moins familiers
                                                                           avec la gestion des paysages culturels patrimoniaux.

                                                                           Bien que les démarches de désignation de ces sites soient longues
                                                                           et restent à bonifier, il demeure nécessaire d’élaborer un plan de
                                                                           conservation afin de préserver les ressources naturelles et histo-
                                                                           riques qui font l’identité de ces lieux et en déterminent la valeur.

                                                                                                                                Accédez à la bibliographie :
                                                                                                                                bit.ly/3JN2f48

                                             ASSOCIATION DES ARCHITECTES PAYSAGISTES DU QUÉBEC                                                                   17
③                       Paysage régional

                        LES QUATRE DÉFIS
                        DE LA PRATIQUE
                        DU GRAND PAYSAGE
                        POUR L’ARCHITECTE
                        PAYSAGISTE
Louis-Philippe Rousselle-Brosseau
Architecte paysagiste

     Un architecte paysagiste, ça travaille sur quoi ? Ça peut sembler évident,
mais au fond, ce n’est toujours pas clair. Depuis une dizaine d’années, j’ai décidé
de m’intéresser principalement aux questions de grand paysage et de territoire,
comme d’autres praticiens avant moi. Je me suis couramment fait taxer d’ur-
baniste (ce que je ne suis pas !), d’aménagiste, de géographe, et on me répète
souvent « Ah oui ! C’est vrai, toi tu travailles dans les études... », alors que les
études ne représentent qu’une partie de mon travail.

❶ PREMIER DÉFI : L’AMBIGUÏTÉ DE LA NOTION                                Ces questions d’aménagement du paysage régional sont investies
DE PAYSAGE POUR LE PRATICIEN                                             par de nombreux corps professionnels : urbanistes, aménagistes
                                                                         du territoire, ingénieurs, spécialistes du patrimoine et du tourisme,
La pratique de l’architecture de paysage s’oriente surtout autour        pour ne nommer que les principaux. De cette situation découle une
de la conception d’espaces extérieurs publics ou privés, d’échelle       question primordiale : l’architecte paysagiste peut-il être considéré
souvent limitée au site, et outre les parcs régionaux ou nationaux, le   comme un spécialiste du paysage1 ? Un peu, peut-être, mais il existe
plus souvent en milieu urbain. Or, le paysage régional est confronté     un certain nombre de défis à relever pour que l’architecte paysa-
à de nombreux enjeux qui requièrent une attention professionnelle        giste puisse devenir le principal praticien de l’aménagement du
et pour lesquels les architectes paysagistes pourraient jouer un rôle    [grand] paysage.
important : résilience face aux changements climatiques, déprise et
transformation des paysages ruraux, mise aux normes écologiques          Le premier de ces défis émane de la profession elle-même. Il existe
des paysages agricoles, requalification des paysages industriels,        une marge importante entre définir l’architecte paysagiste comme
revitalisation des paysages urbains et villageois, développement         un concepteur, ce qui exclut le développement d’une connaissance
d’aménagements pour une pratique du tourisme harmonieuse                 nécessaire au design à grande échelle, et le définir comme un spé-
et durable…                                                              cialiste du paysage à toute échelle qui mobilise des outils issus du
                                                                         design, de la géographie, du patrimoine, de l’ethnologie, etc., ce
                                                                         qui ouvre un champ de pratique plus englobant orienté autour de
                                                                         l’objet paysage.

18                                                             PAYSAGES — No 17
❷ SECOND DÉFI : LES TEMPS ET LES OUTILS                                        les autres matériaux du projet de grand paysage. Ainsi, nous pou-
                                                                 DU DESIGN EN GRAND PAYSAGE                                                     vons nous asseoir avec les urbanistes et aménagistes régionaux
                                                                                                                                                et locaux afin d’intégrer des paramètres paysagers à la réglemen-
                                                                 La pratique du grand paysage s’apparente aux autres disciplines                tation (zonage, PIIA, PPU, PPCMOI, etc.), par exemple la réduction
                                                                 du design, dans le sens où elle cherche à créer ou modifier un envi-           des marges de recul, l’introduction de zonages mixtes, la défi-
                                                                 ronnement en poursuivant une certaine finalité. On associe à tort              nition de matériaux et gabarits de bâtiments en phase avec le
                                                                 cette pratique à une discipline strictement scientifique où les études         milieu d’insertion, les paramètres de végétalisation, etc. Comme
                                                                 dominent. L’architecte paysagiste est habitué à l’instantanéité :              concepteur, l’architecte paysagiste synthétise donc les désirs
                                                                 l’étude du site débouche sur la conception, suivie des plans et devis          paysagers d’une population et les transmet aux professionnels en
                                                                 puis de la construction, le tout en l’espace de quelques mois ou               matière de réglementation. À long terme, une fois les règlements
                                                                 quelques années. En grand paysage, le matériau est le paysage lui-             en vigueur, le paysage de la grande artère suburbaine changera.
                                                                 même; le concepteur joue avec des matières sociales, culturelles,              La conception de ce paysage aura mobilisé une équipe d’archi-
                                                                 géographiques et politiques, des comportements, des usages, des                tectes paysagistes, un groupe de citoyens, des aménagistes et
                                                                 savoir-faire et des règlements, entre autres. Pour transformer ou              des urbanistes et, par la suite, des architectes, des promoteurs et
                                                                 concevoir un grand paysage, il faut savoir jouer avec ces matériaux            des ouvriers de la construction. L’architecte paysagiste est donc
                                                                 et savoir être patient, car le résultat se concrétisera lentement, par         un concepteur-médiateur; il sait réfléchir l’espace selon des para-
                                                                 phases. Les parties prenantes autour de la table du concepteur                 mètres techniques, matériels et sensibles.
                                                                 sont donc plus nombreuses, et surtout plus diversifiées. Le paysage
                                                                 régional est par essence un projet collectif. Il faut donc mobiliser           En milieu rural, le processus reste le même. Par exemple, dans le
                                                                 divers processus de co-conception afin de comprendre la relation               cadre d’un projet de paysage panrégional, après avoir bien identifié
                                                                 ou les valeurs que la population concernée entretient avec son pay-            les dynamiques paysagères en œuvre sur le territoire, par exemple
                                                                 sage comme cadre de vie.                                                       l’intensification du paysage agricole ou le mitage des paysages
                                                                                                                                                forestiers par le développement résidentiel, il est possible de
                                                                 On cherchera à comprendre quels sont les paysages de grande valeur             regrouper une série d’actions à mener au sein d’un plan paysage.
                                                                 et les raisons de cette relation. On voudra aussi comprendre, au               Cet outil deviendra la feuille de route à suivre afin de créer le pay-
                                                                 moment présent, quels sont les paysages qu’une population souhaite             sage futur collectivement souhaité. Pour chaque action requise par
                                                                 voir se perpétuer ou léguer, et quels sont ceux qu’elle souhaiterait           le plan paysage, une série d’outils sont énumérés. Dans l’éventua-
                                                                 voir changer. Des ateliers de ce type permettent de faire ressortir une        lité de la création d’un paysage de haies et de bandes riveraines
                                                                 série de paramètres de conception pour le futur paysage régional.              en milieu agricole, par exemple, il importera, d’une part, de mener
                                                                                                                                                des actions de sensibilisation auprès des agriculteurs et, d’autre
                                                                 Par exemple, il est assez rare que les citoyens que nous avons                 part, d’identifier un groupe de propriétaires agricoles ouverts au
                                                                 rejoints lors d’ateliers apprécient le paysage commercial subur-               projet comme point de départ et, enfin, de faire appliquer la régle-
                                                                 bain, marqué par des aménagements de type strip commercial,                    mentation. Parmi les outils possibles pour arriver à ces fins sur un
                                                                 de fortes marges de recul, d’imposants stationnements et un                    horizon de 5 à 20 ans, notons la table de concertation, la création
                                                                 manque de mixité d’usages. Dès lors que nous comprenons les                    d’une coopérative de gestion des bandes riveraines pour un bassin
                                                                 raisons de cette dépréciation, nous sommes en mesure de mobiliser              versant, l’obtention par une MRC de subventions provinciales ou
                                                                                                                                                fédérales (p. ex. programme Prime-Vert), etc.

                                                                 ↓ Carte mentale des îles de Verchères / À Verchères, une excursion
                                                                 avec les agriculteurs insulaires a permis de dégager des lieux de grande
                                                                 importance sociale et culturelle insoupçonnés des planificateurs.
Louis-Philippe Rousselle-Brosseau, Coopérative Les Mille Lieux

                                                                                                                      ASSOCIATION DES ARCHITECTES PAYSAGISTES DU QUÉBEC                                           19
EXEMPLE DE PLAN PAYSAGE
     POUR LA MRC DE LA VALLÉE-DU-RICHELIEU

                                                                                  Orientations

                                                                                  IDENTITÉ ET PATRIMOINE PAYSAGERS

                                                                                            1.1 Reconnaître et protéger les patrimoines paysagers,
                                                                                            architecturaux et immatériels des villages jumeaux du Richelieu.

                                                                                            1.2 Préserver le caractère villageois des autres noyaux de la MRC.

                                                                                            1.4 Identifier et protéger les caractéristiques fondamentales
                                                                                            des paysages suburbains de grande valeur ou rares.

                                                                                            1.5 Protéger les caractéristiques identitaires des plaines
                                                                                            agricoles, et intégrer ces caractéristiques au sein des projets.
Coopérative Les Mille Lieux

                                                                                            1.6 Mettre en valeur les pratiques territoriales associées
                                                                                            à la pomiculture et à l’acériculture.

                                                                                            1.9 Créer des paysages d’abords autoroutiers qui sont le reflet
                                                                                            du dynamisme commercial et entrepreneurial régional.

                                                                                            1.10.1 Aménager des seuils d’entrée dans la région
                                                                                            en aménageant les abords des grands corridors routiers.

                                                                                            1.10.2 Aménager des seuils d’entrée dans la région en
                                                                                            protégeant les vues d’exception sur les collines montérégiennes.

                                                                                  MILIEUX NATURELS ET ESPACES VERTS

                                                                                            2.1 Protéger les corridors forestiers et écologiques actuels.

                                                                                            2.2 Protéger les milieux naturels sensibles du développement.

                                                                                            2.7 Briser la limite franche entre les secteurs habités
                                                                                            et les milieux naturels.

                                                                                            2.4 Consolider les corridors forestiers via la trame bleue.

                                                                                            2.5 Renaturaliser les abords des cours d’eau agricole.s

                              0   2.5   5 km
                                                                                  PAYSAGES AGRICOLES ET NOURRICIERS
                                                                                   ROSE     3.1 Protéger les paysages de cultures traditionnelles.
                                                                                  ET NOIR

                                                                                            3.2 Assurer la protection du territoire agricole à long terme.

                                                                                            3.4 Revaloriser les tiers-paysages (friches) à des fins agricoles.
     ↑ Chacune des actions du plan paysage est liée à une                                   3.5 Créer des espaces d’innovation en agriculture
     série d’outils de tout ordre (réglementaire, financier,                                et agroalimentaire.
     participatif, etc.) permettant de la concrétiser.
                                                                                  DENSIFICATION HARMONIEUSE

                                                                                            5.3 Adopter des stratégies de densification harmonieuses
                                                                                            dans les paysages suburbains.

     20                                                        PAYSAGES — No 17
❹ UN DÉFI POUR L’AVENIR : LA FORMATION DES FUTURS
                                                                                                        ARCHITECTES PAYSAGISTES À UNE ÉCHELLE DE DESIGN
                                                                                                        RÉGIONALE, ADAPTÉE AUX ENJEUX CONTEMPORAINS

                                                                                                        Entre 2011 et 2019, j’ai eu l’occasion d’animer à quelques reprises
                                                                                                        les ateliers « Espace régional » et « Grand paysage » au baccalauréat
                                                                                                        et à la maîtrise en architecture de paysage à l’Université de Montréal.

                                                                    Louis-Philippe Rousselle-Brosseau
                                                                                                        Je constate que la formation évolue en s’ouvrant graduellement
                                                                                                        vers le projet de grand paysage. Cependant, il est primordial qu’une
                                                                                                        place de plus en plus importante soit accordée à l’apprentissage de
                                                                                                        la conception de paysages à grande échelle à l’aide de matériaux non
                                                                                                        conventionnels, dont les humains et les règlements. Une introduction
                                                                                                        à la co-conception et aux méthodes de consultation semble incon-
                                                                                                        tournable, tout comme une introduction sérieuse aux lois, règlements
↑ Activité de co-conception avec des citoyens,
des aménagistes et des élus municipaux                                                                  et statuts qui influencent le devenir des paysages régionaux.

                                                                                                        Il existe aussi un besoin essentiel, dès la formation à la profession,
                                                                                                        d’apprendre à collaborer avec les aménagistes, les urbanistes, les
                                                                                                        géographes, les ethnologues et les spécialistes du patrimoine afin de
                                                                                                        se former au projet de paysage tout autant qu’au projet d’architecture
                                                                                                        de paysage, en saisissant bien de quelle manière l’architecte paysa-
                                                                                                        giste peut ou doit être l’architecte derrière ces projets de conception
                                                                                                        de longue haleine et porteurs de nombreuses voix. Il s’agit d’une
❸ TROISIÈME DÉFI : LE PAYSAGE EST UN PATRIMOINE                                                         condition essentielle pour que la pratique fertile de l’intégration du
VIVANT, MAIS TOUT PAYSAGE EST-IL PATRIMOINE ?                                                           paysage à l’aménagement du territoire et à ses outils se généralise
                                                                                                        et que l’on puisse enfin concevoir le territoire comme une mosaïque
Au cours des deux dernières décennies, le projet de grand pay-                                          de paysages collectivement partagés et aménagés.
sage au Canada s’est surtout manifesté par l’adoption de statuts de
protection. En Ontario, l’Ontario Heritage Act (2005) a introduit le
statut de Cultural Heritage Landscape 2, alors qu’au Québec, la Loi
sur la conservation du patrimoine naturel (2002) a instauré le statut
de paysage humanisé 3, et la Loi sur le patrimoine culturel (2012),
le statut de paysage culturel patrimonial 4. D’ailleurs, les premiers
statuts de paysage humanisé et de paysage culturel patrimonial
ont été octroyés en 2021 à L’Île-Bizard (Montréal) et au site des
Pointes-aux-Iroquois-et-aux-Orignaux (Rivière-Ouelle). Ces pay-
sages exceptionnels seront préservés et feront l’objet de projets
impliquant leur collectivité respective.

Il est intéressant de constater que tous ces statuts ont le potentiel
d’ériger le paysage au rang de patrimoine. D’ailleurs, par définition,
le paysage est le produit d’une culture et d’une époque, ce qui l’érige                                                          Notes
de facto et potentiellement au rang de patrimoine collectif. Toute-
                                                                                                                                 1. Au sens de la définition généralement admise du
fois, contrairement aux autres formes de patrimoine, le paysage                                                                  concept de paysage : une portion de territoire dont
n’est pas immuable; il est en fait en constante évolution, et cette                                                              l’aspect découle d’interactions entre des humains et
évolution découle d’une interrelation changeante d’une population à                                                              des facteurs géographiques et naturels.
son territoire en fonction de l’époque et de la culture. Si l’on souhaite                                                        2. Cultural heritage landscape: means a defined geo-
le protéger, il y a un risque qu’à terme, les facteurs qui maintiennent                                                          graphical area of heritage significance which has been
ce paysage vivant n’existent plus ou ne soient plus en adéquation                                                                modified by human activities. Such an area is valued by
avec l’époque. Parle-t-on encore de paysage ? Il y a paradoxe.                                                                   a community, and is of significance to the understan-
                                                                                                                                 ding of the history of a people or place.

Bref, la protection du grand paysage ne peut être la seule manière                                                               3. Un paysage humanisé vise la protection de la
de le mettre en projet. Les statuts de protection s’attachent à                                                                  biodiversité d’un territoire habité, terrestre ou aqua-
                                                                                                                                 tique dont le paysage et les composantes naturelles
l’exceptionnel. Or, nous vivons dans des paysages du quotidien, des
                                                                                                                                 ont été façonnés, au fil du temps, par des activités
paysages bien vivants, et notre qualité de vie en dépend. Le paysage                                                             humaines en harmonie avec la nature. Ce paysage et
de l’ordinaire peut servir de cadre ou de porte d’entrée de l’aménage-                                                           ces composantes présentent un caractère distinct dont
ment du territoire par sa nature visuelle et concrète. Le paysage est le                                                         la conservation dépend fortement de la poursuite des
                                                                                                                                 pratiques qui en sont à l’origine.
reflet du milieu de vie, et tout citoyen peut se l’approprier et émettre
des souhaits quant à son devenir. L’aménagement du grand paysage                                                                 4. Paysage culturel patrimonial : tout territoire reconnu
devient alors un moyen de démocratiser l’aménagement du territoire.                                                              par une collectivité pour ses caractéristiques paysa-
                                                                                                                                 gères remarquables résultant de l’interrelation de fac-
Au-delà des considérations patrimoniales, le grand paysage peut
                                                                                                                                 teurs naturels et humains qui méritent d’être conservées
avant tout être vu comme un bien commun qu’il importe d’aménager                                                                 et, le cas échéant, mises en valeur en raison de leur
sous l’égide de considérations sociales et environnementales.                                                                    intérêt historique, emblématique ou identitaire.

                                                 ASSOCIATION DES ARCHITECTES PAYSAGISTES DU QUÉBEC                                                                                    21
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