Ambiances thermiques DOSSIER - Travail et sécurité
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LE MENSUEL DE L’INRS POUR LA PRÉVENTION DES RISQUES PROFESSIONNELS DOSSIER Ambiances thermiques N° 827 JUIN 2021 – 6 € n ÉMERGENCES n EN IMAGES n EN ENTREPRISE n SERVICES AGV : l’analyse Industrie légère. Métiers des arts Droit en pratique. des risques trace Vent debout du verre. Le plomb L’inaptitude le chemin de la flexibilité contre les TMS sur la voie de l'exclusion au travail
SOMMAIRE 10 © Grégoire Maisonneuve pour l’INRS/2021 © Gaël Kerbaol/INRS/2021 © 3Zigs pour l’INRS 26 12 04 ACTUALITÉS DOSSIER 12 n Batteries au lithium Toujours plus, mais pas sans risque AMBIANCES n Crise sanitaire THERMIQUES La santé psychique des marins 13. Souffler le chaud et le froid mise à rude épreuve sur les conditions de travail n Nuisances sonores 16. Un façonnage à chaud Un riche éventail de solutions de réduction du bruit 18. Un chantier bien préparé hiver comme été n Conduites addictives 20. Les paradoxes des chantiers Des chiffres pour alerter, identifier souterrains et prévenir 22. Sous le soleil, exactement 23. Se réinventer pour mieux se protéger 10 LE GRAND ENTRETIEN « La sûreté n’est jamais acquise, c’est un combat permanent » Karine Herviou, directrice générale adjointe 26 ÉMERGENCES de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), et Nicolas Dechy, spécialiste Automatisation. AGV : l’analyse des facteurs organisationnels et humains des risques trace le chemin de la flexibilité 2 travail & sécurité – n° 827 – juin 2021
© Gaël Kerbaol/INRS/2021 38 © Patrick Delapierre pour l’INRS/2021 © Philippe Castano pour l’lNRS/2021 28 42 28 EN IMAGES Industrie légère Vent debout contre les TMS Revue mensuelle publiée par l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles 65, boulevard Richard-Lenoir – 75011 Paris Tél. : 01 40 44 30 00. Fax : 01 40 44 30 41 Dépôt légal 1950-9005. ISSN 0373-1944 www.inrs.fr 36 EN ENTREPRISE Abonnez-vous : www.travail-et-securite.fr Photo de couverture : Gaël Kerbaol/INRS/2017 36. Réparation de véhicules automobiles E-mail rédaction : ts@inrs.fr L’atelier rutile, les salariés jubilent Prix au numéro : 6 € Abonnement annuel (France métropolitaine) : 60 € 38. Tréfilage Directeur de la publication : Stéphane Pimbert Ne pas perdre le fil de la prévention Rédactrice en chef : Delphine Vaudoux Assistante : Bahija Augenstein, 01 40 44 30 40 40. Fret aérien Secrétaire de rédaction : Alexis Carlier Rédacteurs : Grégory Brasseur, Katia Delaval, Lucien Fauvernier, Les bonnes pratiques se mettent à quai Damien Larroque, Céline Ravallec Ont collaboré à ce numéro : Claude Almodovar, 42. Métiers des arts du verre Philippe Castano, Patrick Delapierre, Jean-André Deledda, Le plomb sur la voie de l’exclusion Grégoire Maisonneuve, Vincent Nguyen Maquettiste : Amélie Lemaire Reporter-photographe : Gaël Kerbaol Iconographe : Nadia Bouda Chargée de fabrication : Sandrine Voulyzé Documents officiels : assistance juridique, 01 40 44 30 00 44 SERVICES Abonnements-diffusion : 01 40 94 22 22 Photogravure : Key Graphic Impression : Maury n Droit en pratique Ce journal est imprimé par une imprimerie certifiée Imprim’vert®, n Focus juridique avec des encres à base d’huile végétale sur papier issu n Questions-réponses de forêts gérées durablement.
ACTUALITÉS BATTERIES AU LITHIUM Toujours plus, mais pas sans risque Les batteries au lithium ont envahi notre quotidien, professionnel comme personnel. Si leurs performances progressent régulièrement pour gagner en autonomie, elles ne sont pas sans danger. Explications avec Stéphane Miraval, expert d’assistance conseil à l’INRS. TRAVAIL & SÉCURITÉ. Où trouve-t-on des variations de température. Elles doivent être pla- des batteries au lithium ? cées dans des récipients incombustibles, hermétiques, Stéphane Miraval. C’est bien simple, dans presque tout recouverts de sable ou de vermiculite, tout en les ce qui est rechargeable. Elles sont largement utilisées tenant éloignées des autres batteries. Il est important dans les engins de déplacement électriques (voiture, également de respecter les préconisations du fournis- trottinette, vélo, chariot, bus, drone…) et dans l’outillage seur : par exemple, on ne laisse pas une batterie en électroportatif, les ordinateurs portables, les charge sans surveillance, on utilise le chargeur indiqué téléphones… pour résumer, elles sont omniprésentes ou fourni capable de communiquer convenablement dans notre univers professionnel. avec le BMS 1 de la batterie pour ne pas risquer de sur- tension ou une charge inappropriée de cette dernière pouvant entraîner une explosion et une destruction totale. Ensuite, il faut les stocker dans des zones adé- quates – dans des armoires spécifiques ou des locaux ventilés –, délimitées et signalées, pour qu’en cas de feu, les intervenants soient informés de la présence de batteries. Enfin, une batterie en bon état est hermé- tique. Il ne faut donc pas la percer, la faire tomber, l’ex- poser à des températures trop basses ou trop élevées (en dessous de 0 °C ou à plus de 45 °C en général, mais toujours se référer aux préconisations du fabricant de la batterie). © Gaël Kerbaol/INRS/2016 Comment réagir en cas de départ de feu sur une batterie ? S. M. C’est un feu très compliqué à éteindre. Chaque année, on déplore des accidents, des départs de feu dans des locaux professionnels, sur des chantiers ou sur des voitures électriques, responsables de la des- truction a minima de l’équipement et parfois du local. Si le feu prend, en attendant l’arrivée des pompiers, on Quels risques présentent ces types de batteries ? peut laisser brûler la batterie, en la surveillant pour évi- S. M. Il y en a trois principaux : le risque d’incendie- ter que le feu ne se propage à son environnement. On explosion, le risque chimique et le risque électrique. En préconise aussi d’immerger la batterie dans une règle générale, lorsque la batterie est en bon état grande quantité d’eau – mais ça n’est pas toujours (neuve ou usagée), certains risques sont quasi inexis- facile – tout en étant particulièrement vigilant lorsque tants. En revanche, quand la batterie est endom- l’on sort la batterie de l’eau car il y a un risque de ré- magée – percée, gonflée, déformée, lorsque de l’élec- inflammation. Un extincteur est assez peu efficace car, trolyte s’écoule –, il y a un risque chimique, mais aussi comme je l’ai déjà indiqué, la batterie est hermétique d’incendie-explosion. Un court-circuit peut se produire et l’agent d’extinction ne pénètre pas efficacement à et la batterie peut prendre feu. La température peut l’intérieur de cette dernière. Il peut cependant être effi- s’emballer, et la batterie brûler, exploser ou dégager cace pour limiter la propagation de l’incendie à l’envi- des fumées toxiques et inflammables. Les électrolytes ronnement de la batterie. n Propos recueillis par D. V. qui s’écoulent sont généralement dangereux pour la 1. Battery Management System : système électronique supervisant santé (toxiques, corrosifs, allergisants…) et les fumées la gestion de la batterie. Dans la plupart des cas, il gère le niveau de charge et empêche le fonctionnement dans certaines situations sont susceptibles de contenir du fluorure d’hydrogène, (températures ou tensions non recommandées, etc.). du formaldéhyde et des oxydes métalliques… Comment faire pour limiter ces risques ? S. M. Tout d’abord, éviter de manipuler des batteries En savoir plus qui semblent endommagées. Celles-ci doivent être n LES BATTERIES au lithium. Connaître et prévenir les risques. ED 6407, INRS. isolées, dans une armoire résistant au feu ou un espace À consulter sur www.inrs.fr dédié, à l’abri de l’humidité, des sources de chaleur et 04 travail & sécurité – n° 827 – juin 2021
CRISE SANITAIRE FABRICATION ADDITIVE La santé psychique des Un usage en progression marins mise à rude épreuve constante Selon les derniers chiffres publiés par l’Insee, 4 % des sociétés de 10 personnes ou plus ont eu MARINS BLOQUÉS au port, retours à domicile donné de navigation. Là, ils se sont retrouvés recours à la fabrication additive impossibles, vie à bord qui s’éternise… La embarqués pour une durée indéterminée. Ils (impression 3D), en 2019. Les pièces, Covid-19 a rendu le quotidien du personnel ont dû puiser énormément dans leurs res- réalisées en interne ou en faisant appel aux services d’une autre navigant très difficile à vivre. Des conditions sources psychiques : le sommeil est moins société, se perfectionnent de travail qui ont épuisé psychiquement les bon à bord, l’anxiété devient permanente, il avec notamment l’utilisation marins confrontés à un surplus de stress, faut aussi composer avec le groupe de tra- de nouveaux matériaux. Cette vail au quotidien, tout est exacerbé compte technique reste surtout l’apanage tenu de l’isolement… La crise suicidaire des grandes sociétés, même émerge quand la personne ne trouve plus de si son utilisation augmente ressources internes pour pouvoir apaiser également dans les sociétés cette sensation de danger imminent. Le sui- de toutes tailles au-delà de cide apparaît alors comme la seule façon 20 salariés. Pour ce qui est des d’arrêter de souffrir… » secteurs d’activité, la fabrication Si la psychologue ne déplore pas, fort additive progresse dans l’industrie, heureusement, de passage à l’acte, cet où elle est la plus répandue, en particulier dans la fabrication épisode exceptionnel vient éclairer la nécessité d’une meilleure prise en charge de la santé psychique de ces travailleurs. « J’avais déjà impulsé une réflexion sur ce sujet, en 2017, par le biais d’une étude sur l’état de stress post-traumatique chez les gens de mer : dans cette population expo- © Patrick Delapierre pour l’INRS/2020 sée à des situations professionnelles à © Fabrice Dimier pour l’INRS/2018 risque, le taux de syndrome de stress post- traumatique est de 20 %, soit dix fois plus que dans la population générale. » En plus de préconisations à l’intention des marins pour protéger leur santé psychique à bord – être attentif aux temps de repos, s’aménager des temps pour soi au sein de la vie en équipage, oser parler de ses res- sentis avec ses collègues –, le Crapem a également ouvert une ligne gratuite d’anxiété, et pour certains à des idées sui- d’écoute et de soutien psychologique de produits informatiques, cidaires comme l’indique Camille Jégo, psy- pour ces professionnels de la mer. Une ini- électroniques et optiques, d’équipements électriques chologue coordinatrice du Centre ressources tiative essentielle pour libérer la parole et et de machines et équipements d’aide psychologique en mer (Crapem) au permettre aux personnels navigants de ne (36 %). Alors que l’utilisation sein du centre hospitalier de Saint-Nazaire : pas se sentir abandonnés, seuls face à de la fabrication additive gagne « Les marins se préparent pour un temps leurs difficultés. n L. F. du terrain, il faut s’interroger sur les risques associés. Selon Cosmin Patrascu, expert d’assistance conseil à l’INRS, « il est important de repérer les risques associés à cette activité 60 % des salariés déclarent se sentir plus qui sont essentiellement des risques chimiques (provenant des attachés à leur mission et à la culture de leur produits utilisés, des produits émis entreprise depuis le début de la pandémie. et des produits annexes) ainsi que des risques d’incendie-explosion. Un chiffre qui témoigne des efforts réalisés Cette évaluation doit se faire à toutes les étapes de la fabrication par les sociétés pour préserver les liens entre (stockage, pesée, finition, nettoyage, etc.) ». Dans un leurs employés malgré le télétravail. webinaire disponible sur le site web de l’INRS (www.inrs.fr), l’expert Source : Enquête avril 2021 Émeraude Escape. revient largement sur le sujet. travail & sécurité – n° 827 – juin 2021 05
ACTUALITÉS NUISANCES SONORES Un riche éventail de solutions de réduction du bruit MONDE MODIFICATION d’une machine textile, cor- présentant des solutions par l’exemple rection acoustique de locaux agroalimen- pouvant constituer le point de départ d’une ALLEMAGNE taires, réfection d’une plate-forme de discussion, indique Nicolas Trompette, conduite de concasseur… La nouvelle base expert d’assistance conseil en acoustique Au printemps 2020, d’importants foyers d’infection à la Covid de données de l’INRS appelée « Techniques au travail à l’INRS. Une recherche par mot- ont été découverts dans les de réduction du bruit en entreprise » pré- clé sur le texte intégral est possible pour abattoirs allemands. Les mauvaises sente plus de 100 applications industrielles trouver rapidement les applications sou- conditions de travail ont été différentes. Pour chacune d’elles, une fiche haitées. Outre les mises en œuvre dans l’in- rapidement mises en cause détaille des solutions concrètes ayant permis dustrie, des exemples d’actions menées dans l’explosion du nombre de réduire l’exposition au bruit des salariés. dans le secteur tertiaire (crèches, bureaux…) de salariés infectés. Afin Toutes les solutions ont été mises en œuvre ont été intégrés. Cette base de données a de juguler les contaminations dans le cadre des actions suivies par les également vocation à être enrichie. » Pour et de garantir aux professionnels centres de mesures physiques des services toute demande de renseignements com- des conditions de travail sûres et prévention des Carsat et de la Cramif. plémentaires sur une technique de réduc- saines, le gouvernement a décidé Chaque fiche précise le gain obtenu en tion du bruit en entreprise, il est possible de de renforcer la législation existante. comparant les niveaux de bruit avant et contacter info@inrs.fr en mentionnant le Une nouvelle loi sur la santé après réalisation des travaux, ainsi que les nom de la base de données et le numéro et la sécurité au travail dans ce secteur est entrée en vigueur avantages et les inconvénients relevés. de la fiche concernée. n G. B. le 1er janvier dernier. Désormais, « Les préventeurs peuvent ainsi s’appuyer En savoir plus : www.inrs.fr/risques/bruit/ce-qu-il-faut- les contrats de sous-traitance sur des fiches utilisables sur le terrain en retenir.html sont interdits dans l’abattage, la découpe et la transformation de la viande. Par ailleurs, depuis LE CHIFFRE le 1er avril 2021, le recours à l’intérim 37 % DU MOIS est restreint et très encadré. des « dirigeants commerciaux » (cadres, EUROPE dirigeants d’entreprise, consultants, professions libérales…) L’EU-Osha, l’Agence européenne souffrent en permanence de troubles du sommeil, contre pour la sécurité et la santé au travail, propose de nombreux 30 % pour l’ensemble des salariés. C’est 3 % de plus que outils utiles pour faire la promotion dans le précédent baromètre de 2016. de lieux de travail sains. Qu’il Source : Baromètre Santé & qualité de vie au travail, dirigeants commerciaux s’agisse d’utiliser les éléments de France (DCF), Malakoff Humanis, mars 2021. prêts à l’emploi, d’organiser un événement ou de produire une vidéo, des ressources multiples sont à disposition sur le site ACCIDENT DU TRAVAIL de l’institution. La « boîte à outils » de la campagne européenne La prévention des risques professionnels de l’agence a été repensée se dote d’un nouvel outil et inclut de nouvelles informations Un nouvel outil d’aide en prévention des risques professionnels, « Agir suite à un accident désormais disponibles dans du travail », est disponible en ligne. Développé par l’INRS et l’Assurance maladie-risques 25 langues. L’objectif est d’expliquer professionnels, il s’adresse plus particulièrement aux TPE de 1 à 50 salariés. Son principe : pas à pas « comment réaliser aider ces établissements à identifier les causes qui ont provoqué un accident, afin une campagne de sensibilisation de mettre en place des actions correctives. Pour cela, l’outil repose sur une série particulièrement efficace ». de questions organisées selon cinq rubriques : organisation du travail, environnement Il y a également des conseils en de travail, tâches réalisées au moment de l’accident, produits et matériels utilisés, matière de planification et d’image victime. En fonction des réponses données – oui/non/non concerné –, l’outil propose de marque, ainsi que les exemples des solutions en lien avec les circonstances de l’accident. Il aide ainsi l’entreprise les plus récents de campagnes à identifier et choisir des actions correctives à mettre en œuvre à travers un plan innovantes menées en Europe d’action. « Chaque accident est unique et résulte de causes multiples. Il peut être et ailleurs. L’Agence a mis en ligne la conséquence d’un défaut d’organisation, pas forcément identifié au préalable. en outre des publications, outils Cet outil vise à éviter que des mêmes causes persistantes entraînent d’autres accidents, et orientations pratiques, études résume Anne Sophie-Valladeau, expert d’assistance conseil à l’INRS. Sa finalité de cas, films Napo… est d’inciter l’entreprise à agir à la suite d’un accident et à réinterroger son document À retrouver sur : https://healthy- unique d’évaluation des risques, et, si nécessaire, à revoir son plan d’action. » workplaces.eu/fr Outil « Agir suite à un accident du travail », référence outil82, accessible en ligne sur www.inrs.fr. 06 travail & sécurité – n° 827 – juin 2021
L’IMAGE DU MOIS Du 17 avril au 20 juin 2021 se déroule la 4e édition d’Usimages, biennale de la photographie du patrimoine industriel organisée par l’Agglomération Creil Sud Oise. À travers treize expositions en plein air, cette biennale met en valeur la photographie industrielle contemporaine et revisite des fonds photographiques. Avec comme fil rouge la thématique « Santé et sécurité au travail », l’INRS a été invité à participer à cette édition. L’occasion de présenter une dizaine de photos du monde du travail, issues du fonds photographique de l’INRS qui comporte plus de 70 000 images. © Gaël Kerbaol/INRS/2021 travail & sécurité – n° 827 – juin 2021 07
ACTUALITÉS CONDUITES ADDICTIVES Des chiffres pour alerter, identifier et prévenir La Mildeca vient d’éditer les données de consommation LES RÉGIONS de substances psychoactives © Philippe Castano pour l’INRS/2020 NORD-EST de la population active, Le centre interrégional et leurs conséquences de mesures physiques de l’Est sur l’emploi. Objectif : aider (Cimpe) a créé le réseau Car-In-Vent qui regroupe à la prise de conscience des distributeurs-installateurs des DRH et des dirigeants de ventilation. Il est animé par le département prévention afin d’agir en prévention. des risques professionnels de la Carsat Nord-Est, qui assure également la formation LA MISSION interministérielle de lutte contre multiplié par 2 lorsqu’il existe une consom- des installateurs-distributeurs les drogues et les conduites addictives (Mil- mation chronique hebdomadaire excessive de matériels de ventilation deca) vient de publier un document présen- (plus de 2 verres/jour pour une femme, le aux bonnes pratiques du réseau tant les données de consommation de double pour un homme). Toujours pour le Assurance maladie-risques substances psychoactives (tabac, alcool, risque d’accident du travail grave, il est aug- professionnels. Pour une entreprise cannabis et médicaments psychotropes menté de 50 % pour les personnes ayant une porteuse d’un projet nécessitant anxiolytiques) de la population active, alcoolisation ponctuelle importante au la création ou la modification d’une installation de ventilation, recueillies auprès de la cohorte Constances 1. moins une fois par semaine. le réseau permet d’avoir accès à Pour ce qui est du tabac, 27 % des hommes une liste de professionnels formés et 23 % des femmes déclarent en consommer, Mésusage de médicaments (non conventionnés) aux bonnes parmi lesquels une proportion importante Le cannabis, quant à lui, serait consommé pratiques du réseau prévention. d’employés et d’ouvriers. au moins une fois par semaine par 8 % des Pour en savoir plus : www.carsat- Parmi les personnes interrogées, 19,8 % hommes et 4 % des femmes de la cohorte, la nordest.fr d’hommes et 8 % de femmes affirment avoir tranche d’âge 18-35 ans étant de loin la plus « un usage dangereux de l’alcool », avec un représentée. La consommation de canna- AUVERGNE- risque plus élevé chez les employés, ainsi bis, même occasionnelle, est associée à un RHÔNE-ALPES que chez les ouvriers et les femmes cadres. risque de perte d’emploi à un an presque « Liberté de création des auteurs, « Les secteurs d’activité où la part d’usagers multiplié par 2. surreprésentation des à risque est la plus élevée sont l’industrie, le Enfin, dans la cohorte Constances, 4,9 % des microstructures, absence de commerce, les services à la personne et femmes et 2,8 % des hommes de la popula- personnel permanent… Les entraves à la mise en place d’une l’éducation », précise le document. Ceux tion active occupée déclarent avoir eu au politique de prévention ambitieuse présentant des prévalences moindres sont moins une période de « mésusage » de sont nombreuses. Pourtant, ceux de la santé et de l’administration. médicaments psychotropes anxiolytiques derrière la culture de la prévention L’exploitation des données de la cohorte sur la période 2009-2014, le mésusage étant se cache un formidable outil au entre 2012 et 2015 révèle également que le ici défini comme la « consommation en service de la performance des risque d’accident du travail grave est continu au-delà de la prescription autorisée entreprises du spectacle. » de douze semaines ». Cette situation est Forts de ce constat, Auvergne- plus fréquente dans les catégories d’âge les Rhône-Alpes Spectacle vivant, LE PUBLIC, SOURCE plus élevées. Par ailleurs, la prévalence aug- les Nuits de Fourvière et l’Anact DE STRESS mente lorsque le niveau socio-économique ont travaillé ensemble pour créer un site internet dédié diminue, mais aussi avec l’intensité du stress Les métiers en contact avec le public à la prévention des risques peuvent générer un risque psychosocial au travail. dans le spectacle vivant. caractérisé par une intense demande Autant d’éléments qui peuvent aider à iden- Destiné à l’ensemble des acteurs émotionnelle au travail. L’étude tifier plus précisément, en fonction de la de ce secteur, il propose rapportée par la Mildeca constate nature des activités professionnelles et du des outils pratiques pour que cette exposition stressante profil des salariés, les risques d’addiction. promouvoir et faciliter la mise au public est associée à des risques Ceux-ci doivent faire l’objet d’une démarche en œuvre de la culture plus importants d’usage de tabac, de prévention associant la mise en place de de la prévention au sein de cannabis et d’alcoolisations mesures collectives et la gestion des situa- des entreprises de spectacle : ponctuelles importantes. Chez tions individuelles. n D. V. fiches pratiques, actes des les femmes exposées, il existe 1. Constances : cohorte épidémiologique française constituée rencontres, répertoire un risque au moins multiplié par 2 d’un échantillon représentatif de 200 000 adultes âgés de liens… de dépendance à l’alcool. de 18 à 69 ans lors de l’inclusion, qui fréquentent les centres www.prevention-spectacle.fr d’examens de santé de la Sécurité sociale. 08 travail & sécurité – n° 827 – juin 2021
CONCOURS VIDÉO Les lycéens filment la prévention Les résultats du 9e concours annuel de l’INRS « Santé et sécurité bac pro conducteur routier du lycée des métiers Pierre-Gilles au travail : de l’école au travail » ont été annoncés le 28 mai de Gennes à Gérardmer pour leur vidéo Les bons gestes dernier. Organisé sous le parrainage des ministères de véhicule à l’arrêt, véritable mise en situation des risques l’Éducation nationale et de l’Agriculture, et en partenariat qui entourent un camion, même à l’arrêt, puisque, comme avec la CCMSA (Caisse centrale de la mutualité sociale le rappelle d’entrée de jeu le clip, « pour les conducteurs agricole), ce concours vient récompenser quatre créations routiers 9 accidents sur 10 ont lieu véhicule à l’arrêt ». vidéo réalisées par des apprentis ou élèves de lycées • Le troisième prix récompense La routine, vidéo réalisée professionnels. La richesse des formats, l’originalité par les élèves de 1re année du bac mécanique du CFAI Henri- des propositions et leur nombre très important - pas moins Martin à Lézignan-Corbières, autour des risques en atelier de 82 vidéos ont été reçues - témoignent de l’intérêt des automobile. Le spectateur est invité à suivre les méfaits d’un jeunes générations pour les questions de prévention. pneumatique « en roue libre » sur différents postes de travail. • Le premier prix, a été décerné à Chasse aux risques, « L’idée du pneu que l’on suit dans l’atelier a été plébiscitée des élèves de terminale CAP agent polyvalent de restauration car le montage rappelle ce que l’on voit dans les vidéos du lycée Renée-Bonnet à Toulouse. La vidéo met en scène du réseau social Tik Tok, très à la mode chez les jeunes » sous forme de stop motion différentes situations de travail explique la responsable pédagogique Olivia Ollichon. dangereuses en cuisine, suivies des bonnes pratiques pour • Le coup de cœur du jury est allé à C’est à toi que je parle, éviter les accidents. « L’idée du stop motion s’est imposée une réalisation des apprentis bac pro technicien de fabrication car c’était une façon originale de mettre en scène la prévention bois et matériaux associés (TFBMA) du lycée professionnel pour une classe qui n’était pas très à l’aise face à la caméra », Schweisguth à Sélestat. Au programme : un slam/rap commentent Élodie Laur, responsable pédagogique, et Clarisse sur l’intérêt du respect des règles de sécurité dans le monde Longchamps, professeure d’art appliqué associée au projet. professionnel… • Le second prix revient aux élèves de la classe de première L’ensemble des vidéos sont visibles sur https://inrs2021.ondailymotion.com/ LES PARUTIONS INRS n Guide de choix. Acquisition applications fixes (stockage de surplus d’énergie électrique...). de chariots ou d’aides à la manutention Lors des phases de manipulation, de stockage, de transport, de personnes. Aide et soin à la personne de collecte ou encore de tri de ces batteries, les salariés Ce guide propose une démarche et des peuvent être exposés à des risques d’incendie, d’explosion conseils pour choisir, acquérir ou louer un mais aussi électriques, chimiques. Ce guide à destination équipement en intégrant non seulement des employeurs, chargés de prévention, responsables HSE les exigences techniques et les usages et utilisateurs, explique ces différents risques et propose attendus, mais aussi la santé et la les mesures de prévention adaptées. sécurité des utilisateurs professionnels. ED 6407 (nouveauté) ED 6414 (nouveauté) n Santé au travail : passez à l’action. Restauration rapide n La démarche ALM. Accompagner la mobilité Ce dépliant de sensibilisation, destiné Le milieu de l’aide et du soin est aux TPE-PME, présente les principaux un secteur très accidentogène risques professionnels liés au secteur où la manutention de personnes de la restauration rapide, ainsi que est à l’origine des deux tiers des les chiffres-clés en matière d’accidents accidents du travail et de l’essentiel du travail et de maladies professionnelles des maladies professionnelles. liés à cette activité. Il rappelle également La démarche ALM a pour objectif les principales situations à l’origine de réduire l’exposition au risque d’accidents du travail et les solutions de troubles musculosquelettiques de prévention à aborder. (TMS) et aux chutes liés au portage ED 6399 (nouveauté) des patients. Ce dépliant fait le point sur cette démarche, qui permet de réaliser des soins de qualité n Moins fort le bruit tout en préservant l’autonomie des patients et des bénéficiaires Ce dépliant de sensibilisation ainsi que la santé et la sécurité des soignants et des aidants. à destination des salariés détaille les ED 6415 (nouveauté) dangers liés au bruit au travail, explique la bonne attitude à avoir n Les batteries au lithium. Connaître et prévenir les risques quand le bruit devient une gêne Les batteries au lithium sont aujourd’hui omniprésentes dans le et liste les mesures de prévention milieu professionnel, que ce soit dans des applications mobiles que la loi exige de mettre en place. (équipement électronique portable, véhicule...) ou des ED 6020 (nouveauté) Les brochures sont à consulter et à télécharger sur www.inrs.fr ou à demander, lorsqu’elles existent en format papier, aux caisses régionales (Carsat, Cramif et CGSS). travail & sécurité – n° 827 – juin 2021 09
LE GRAND ENTRETIEN « La sûreté n’est jamais acquise, c’est un combat permanent » NICOLAS DECHY, KARINE HERVIOU © Grégoire Maisonneuve pour l’INRS/2021 Dix ans après l’accident au Japon de la centrale de Fukushima Daiichi, Karine Herviou, directrice générale adjointe de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), et Nicolas Dechy, spécialiste des facteurs organisationnels et humains au sein du même institut, détaillent les enseignements tirés par le nucléaire français. Travail & Sécurité. Quelles leçons ont été tirées installations à l’égard des situations de perte totale et en France de l’accident de la centrale de Fukushima durable de sources électriques ou de refroidissement Daiichi ? affectant plusieurs installations d’un même site, pouvant Karine Herviou. Très rapidement, en mars 2011, le gou- être dues à des aléas supérieurs à ceux qui avaient été vernement a demandé aux industriels un rapport sur le pris en compte initialement. Le concept de « noyau dur », comportement de leurs installations nucléaires en cas constitué d’un nombre limité de dispositions permettant d’aléas naturels extrêmes – séismes, inondations… L’IRSN de faire face à des situations exceptionnelles, a alors a expertisé ces dossiers et dégagé deux grandes conclu- été introduit. sions. Tout d’abord, nous avons rappelé l’importance d’avoir des installations conformes à leurs référentiels n Propos recueillis Dix ans après, y a-t-il eu des changements concrets ? par Lucien de sûreté, que les exigences sur papier soient bien celles Fauvernier K. H. Oui, des modifications importantes ont été appor- que l’on retrouve en pratique sur le terrain. Ensuite, nous et Delphine tées aux centrales nucléaires ou sont prévues. Jusqu’en avons souligné la nécessité de renforcer la sûreté de ces Vaudoux 2015, lors d’une première phase « réactive », des moyens 10 travail & sécurité – n° 827 – juin 2021
mobiles de secours ont été mis en place sur les sites, tences individuelles mais aussi le collectif. De même, l’autonomie des batteries de secours a été augmentée, s’il est illusoire d’évacuer totalement les décisions erro- l’instrumentation des piscines d’entreposage du com- nées, il est possible de sensibiliser les équipes aux REPÈRES bustible usé a été améliorée. De plus, une Force d’ac- conditions d’occurrence des erreurs, ainsi qu’aux biais tion rapide nucléaire (Farn) a été créée par EDF. de communication, comme les gradients d’autorité, 1991 Constituée de 300 personnes réparties sur quatre sites les effets de langage… C’est, dans le domaine de l’avia- Arrivée de Karine en France, elle peut intervenir sur un site accidenté en tion, ce qui s’appelle du crew ressource management. Herviou à l’IRSN (IPSN à l’époque) moins de 24 heures pour rétablir l’alimentation en eau, Il y a aussi une réflexion de fond sur les enjeux éthiques en tant que chargée électricité, air... Les équipiers de la Farn sont des ingé- pour aider à éclairer des prises de décision qui enga- d’évaluation nieurs, des techniciens connaissant parfaitement le geraient la sécurité du personnel. de la conduite fonctionnement des centrales, et qui ont un aména- K. H. Il ne faut pas oublier aussi que le facteur humain des accidents sur gement de leur temps de travail pour s’entraîner aux est, dans sa capacité d’adaptation et d’agilité, une les réacteurs EDF situations extrêmes. Une deuxième phase, qui s’achè- énorme richesse pour pallier les déficiences techniques. 1995 vera prochainement, vise à mettre en place des systèmes À Fukushima, les opérateurs ont eu l’idée, par exemple, Karine Herviou d’alimentation en eau et électricité plus pérennes, d’utiliser les batteries d’automobiles pour alimenter en intègre le service protégés contre les aléas naturels extrêmes : depuis électricité leurs instruments de contrôle, et les camions de gestion de crise février 2021, tous les réacteurs sont dotés d’un diesel de la centrale pour approvisionner en eau de mer les de l’IRSN (Institut d’ultime secours, pour assurer, même en situation très systèmes de sûreté. En France, lors de l’inondation de radioprotection dégradée, l’approvisionnement en électricité. D’ici fin partielle de la centrale du Blayais en 1999, le responsable et de sûreté 2022, il devrait en être de même avec des appoints du site a pris sur lui de ne pas faire intervenir d’équipiers nucléaire) d’eau d’ultime secours pour assurer le refroidissement extérieurs en renfort de crainte qu’ils ne soient acci- 2001 des installations. En parallèle, des centres de crise locaux dentés à cause de la tempête… Ces deux exemples Nicolas Dechy bunkérisés sont en construction. La phase trois, quant témoignent bien des capacités de réaction et d’inno- rejoint l’Ineris à elle, consiste à équiper les centrales de nouveaux vation des collectifs de travail face à une situation en tant qu’ingénieur systèmes pour, par exemple, limiter les rejets en cas totalement inattendue. en charge d’accident de fusion du cœur. d’enquêtes après Nicolas Dechy. L’accident de Fukushima a une fois de Peut-on dire, aujourd’hui, qu’un incident de la accident et du plus souligné l’importance des personnes et des orga- gravité de Fukushima est impossible en France ? retour d’expériences nisations pour gérer les situations imprévues. Il convient K. H. Par définition, si nous savions quel serait le prochain 2009 de noter que les modifications qui ont suivi sont aussi accident, nous ferions en sorte qu’il n’arrive pas. Plus Karine Herviou organisationnelles. Il est nécessaire d’avoir des moyens sérieusement, l’amélioration des installations est là, ne devient cheffe humains suffisants pour mettre en œuvre les dispositions serait-ce que par les premières dispositions mises en de projet EPR – matérielles en cas de crise. Sur ce volet, des recherches place depuis 2011. Il y a encore des efforts à faire, notam- réacteur de en sciences humaines et sociales sont menées pour ment en ce qui concerne la mise en conformité des Flamanville mieux préparer les opérateurs, lors de situations stres- installations avec, par exemple, la résistance aux séismes 2010 santes, à prendre des décisions dans des circonstances des groupes électrogènes de secours. Mais il y a aussi Nicolas Dechy inédites en collaboration avec les pouvoirs publics, des améliorations à prévoir concernant les retours rejoint l’IRSN stimuler leurs capacités d’agilité et de résilience… d’expérience qui ne sont pas suffisamment intégrés, au service homme, partagés, diffusés. Il y a aussi la question de la carac- organisation et technologie Dans chaque accident nucléaire majeur – Three térisation des aléas naturels considérés comme excep- en charge Mile Island, Tchernobyl, Fukushima Daiichi – des tionnels, jusqu’où aller dans leur prise en compte ? d’expertises erreurs ont été commises par les opérateurs. Concernant les travaux de recherche et de dévelop- sur la maintenance Comment prendre en compte ces facteurs humains ? pement en sciences humaines et sociales, les réflexions et la sous-traitance N. D. Cette problématique est identifiée depuis les sont engagées, des choses changent. Hier, les opéra- puis, à partir années 1980 et l’accident de Three Mile Island. Au cours teurs n’étaient formés qu’à des situations de crise bien de 2016, sur les de ce dernier, les opérateurs ont été induits en erreur définies. Aujourd’hui, les mises en situation sont plus améliorations du fait d’informations erronées sur l’interface homme- innovantes, viennent tester leurs capacités à prendre apportées par EDF machine en salle de commande. Mais Fukushima a des décisions sur des situations très dégradées. Il y a suite à l’accident rendu cette réflexion encore plus impérieuse. Interve- donc des améliorations notables, mais dire que nous de Fukushima nir dans une centrale où la situation est très dégradée, avons fait le tour de la question est impossible. La sûreté 2020 faire face à des événements inédits qui peuvent mena- n’est jamais acquise, c’est un combat permanent. Karine Herviou cer votre vie, mais aussi celle de votre famille, met for- N. D. Certaines améliorations sont patentes et font pen- devient directrice cément une pression et un stress élevés sur les individus. ser que les choses vont dans le bon sens : la Farn, les générale adjointe Ce risque ne pourra pas être éliminé. En revanche, des doctrines et les organisations de crise revues en pro- de l’IRSN, après pratiques individuelles et collectives à adopter en cas fondeur, la création de centres de crise nouveaux et avoir été directrice des démarches de catastrophe peuvent être acquises, notamment résistants à des situations extrêmes… Une fois ces avan- de sûreté et des grâce à des exercices de mise en situation. Ainsi, tous cées listées, on comprend aisément que tout cela est nouveaux réacteurs les opérateurs de centrale, en plus de leurs deux années très exigeant en termes de travail. Il faut à la fois main- (2017) de formation initiale, font des exercices de conduite tenir les installations dans des états de sûreté très éle- en situation d’urgence quinze à vingt jours par an. Cer- vés, faire en sorte qu’au quotidien les opérateurs, les tains scénarios d’accident sont classiques et suivent managers et les régulateurs développent des capaci- les protocoles d’urgence, mais les opérateurs s’entraînent tés d’autocritique et soient prêts à faire face à des aussi sur d’autres configurations, avec des probléma- situations accidentelles inédites… C’est un travail de tiques inédites qui mettent à l’épreuve leurs compé- longue haleine sans cesse renouvelé. n travail & sécurité – n° 827 – juin 2021 11
DOSSIER 13. Souffler le chaud et le froid sur les conditions de travail 16. Un façonnage à chaud 18. Un chantier bien préparé hiver comme été 20. Les paradoxes des chantiers souterrains 22. Sous le soleil, exactement 23. Se réinventer pour mieux se protéger Ambiances thermiques n Réalisé par Grégory Brasseur avec Damien Larroque et Céline Ravallec © Gaël Kerbaol/INRS/2021 12 travail & sécurité – n° 827 – juin 2021
AMBIANCES THERMIQUES Souffler le chaud et le froid sur les conditions de travail L’exposition à la chaleur comme au froid peut avoir des effets graves sur la santé et être à l’origine d’accidents du travail parfois mortels. Rappel des faits, à l’approche de l’été, alors que les effets du changement climatique pourraient encore peser sur les conditions de travail, notamment à l’extérieur. © Gaël Kerbaol/INRS/2017 UN JOUR de canicule, après plu- montagne, opérateurs affectés sieurs mois d’inactivité, un ripeur à la préparation et au condition- débutant fait un malaise qui lui est nement de produits frais ou surge- fatal. Par 40 °C à l’ombre, un maçon lés, boulangers, fondeurs, verriers, de 44 ans gâche du béton au rez- soudeurs, teinturiers, etc. de-chaussée et le transporte à D’un point de vue réglementaire, il l’étage dans des seaux pour bou- n’est donné, dans le Code du tra- cher un puits de lumière. En milieu vail, aucune indication de tempé- Le Code du travail un risque. Au froid, c’est en des- de journée, il succombe à la suite rature minimale ou maximale en ne donne aucune sous des 5 °C qu’une vigilance d’une hyperthermie. Seule pour ran- deçà ou au delà de laquelle il serait indication de particulière s’impose. Par ailleurs, température minimale ger des cartons en chambre froide dangereux ou interdit de travailler. la question du confort thermique, ou maximale en deçà à - 20 °C, une assistante de direction On estime toutefois qu’au-delà de ou au-delà de laquelle relatif au bien-être ressenti dans tombe. Elle est retrouvée incons- 30 °C pour une activité sédentaire il serait dangereux ou une ambiance donnée, concerne ciente par des équipiers 1. et de 28 °C pour un travail phy- interdit de travailler. toutes les activités – y compris ter- Chaque année, la chaleur comme sique, la chaleur peut constituer tiaires – et peut avoir un impact sur le froid sont à l’origine de drames les conditions de travail. sur le lieu de travail. D’après Grâce à des mécanismes de Météo France, 2020 a été l’année régulation internes, l’homme est la plus chaude jamais enregis- PAROLE D’EXPERT capable de maintenir une tem- trée en France depuis le début pérature corporelle relativement des mesures, en 1900. Dans un EMMANUELLE TURPIN-LEGENDRE, constante, autour de 37 °C, en contexte d’épidémie de Covid-19, physiologiste à l’INRS équilibrant pertes et apports de l’été 2020 a été marqué par trois « L’acclimatation aux températures chaudes est chaleur. Plusieurs mécanismes vagues de chaleur dont l’une par- possible. Elle est progressive, avec des effets dès d’échange de chaleur du corps ticulièrement intense à l’origine le premier jour, pour être effective entre le 8e et le 12e. avec l’environnement sont en jeu : d’une surmortalité pour la classe Elle se traduit par des adaptations physiologiques : la convection (entre la peau et l’air), d’âge de 45 à 64 ans. Par ailleurs, réduction de la température centrale et de la la conduction (entre la peau et un fréquence cardiaque au travail, meilleure sudation… 12 accidents du travail mortels en objet à son contact), le rayonne- L’acclimatation se perd au-delà de 8 jours sans lien possible avec la chaleur ont ment et l’évaporation. « Au froid, exposition à la chaleur, ce qui demande une vigilance été notifiés par l’inspection médi- particulière au retour des congés notamment. notre adaptabilité est plus limi- cale du travail, dont 5 survenus Au froid, l’acclimatation existe avec des ajustements tée dans le temps. Elle repose sur pendant ces périodes 2. physiologiques plus modestes, notamment au niveau des phénomènes de régulation des mains, qui permettent de percevoir moins physiologique tels que le frisson De l’inconfort au danger d’inconfort et de conserver une certaine dextérité. et la vasoconstriction (diminution Les salariés soumis aux tempé- Les facteurs individuels jouent également un rôle. du diamètre des vaisseaux pour ratures extrêmes (chaudes ou Les mécanismes de thermorégulation diminuent avec éviter une déperdition de chaleur froides) sont nombreux, que l’acti- l’âge. Certaines pathologies chroniques ou la prise à la périphérie) mais également de médicaments peuvent augmenter la vulnérabilité. vité ait lieu à l’extérieur ou que ce sur l’alimentation et l’activité phy- Enfin, une meilleure condition physique améliore soit les procédés de production sique qui aident à compenser les capacités cardiovasculaires et la réponse qui les y exposent : ouvriers de la physiologique de la personne exposée au froid temporairement les pertes de construction ou des travaux rou- ou à la chaleur. » chaleur », indique Emmanuelle tiers, employés de stations de Turpin-Legendre, physiologiste >>> travail & sécurité – n° 827 – juin 2021 13
DOSSIER © Fabrice Dimier pour l’INRS/2016 au département homme au tra- taires, le froid augmente le risque coup de chaleur. Celui-ci est une Les opérateurs vail à l’INRS. Des critères d’accli- de troubles musculosquelettiques défaillance aiguë de la thermo- affectés à la préparation et au matation et des caractéristiques (TMS) », ajoute Michel Lebrun, ingé- régulation, associant notamment conditionnement de individuelles entrent également en nieur-conseil au centre interrégio- une augmentation de la tempé- produits frais jeu, ainsi que des facteurs com- nal de mesures physiques de la rature corporelle au-dessus de ou surgelés sont portementaux. Dans des environ- Carsat Auvergne. Il peut exacerber 40 °C et des signes neurologiques, particulièrement exposés à des nements très froids ou très chauds, les effets des vibrations transmises qui peut mettre en jeu le pronos- températures en l’absence de mesures de pré- au système main/bras. Enfin, il est tic vital », insiste Dr Bernard Siano. très basses. vention, nos capacités d’adapta- parfois à l’origine d’accidents (glis- Sous l’effet de la chaleur, la perte tion peuvent être dépassées, avec sades, perte de dextérité...). de vigilance et l’allongement des parfois des conséquences graves. Des troubles multiples « En cas d’exposition au froid, l’af- On estime qu’au-delà de 30 °C fection principale par sa gravité est l’hypothermie, qui correspond pour une activité sédentaire et de 28 °C à une chute de la température interne en dessous de 35 °C et pour un travail physique, la chaleur peut entraîner le décès », souligne peut constituer un risque. Au froid, Dr Bernard Siano, responsable du département études et assis- la vigilance s’impose en dessous des 5 °C. tance médicales à l’INRS. Le froid peut être à l’origine de gelures, qui peuvent survenir en quelques secondes au contact de la main En cas d’exposition à la chaleur, temps de réaction peuvent égale- nue avec un corps métallique. Il des symptômes tels qu’une fatigue ment générer des accidents. peut également provoquer des inhabituelle ou un malaise géné- « Pour évaluer les risques, il engelures, de l’urticaire ou des ralisé, des nausées, des maux de convient d’envisager le bilan ther- troubles vasculaires. « Associé à tête, des étourdissements ou ver- mique de l’individu dans son envi- des facteurs tels que la répétitivité tiges, des crampes musculaires… ronnement. Ce bilan est influencé des gestes ou les postures contrai- peuvent être précurseurs de par des facteurs liés aux carac- gnantes, par exemple dans les troubles plus importants. « Les plus téristiques physiques de l’envi- ateliers de découpe agroalimen- graves sont la déshydratation et le ronnement (température, rayon- 14 travail & sécurité – n° 827 – juin 2021
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