LAS NOTICIAS DE S. Fragments de la vie d'une coopérante en Colombie
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LAS NOTICIAS DE S. Fragments de la vie d’une coopérante en Colombie N°5– Mai 2015 Chers et chères ami-e-s, famille, Au cours de ces derniers mois, j’ai eu l’occasion, à plusieurs reprises, de m’émerveiller de la beauté des pay- sages de Colombie, pays qui figure parmi les plus riches en biodiversité. La Colombie offre en effet une va- riété de climats, et donc de paysages, incroyable. Malheureusement, l’augmentation de l’exploitation des ressources naturelles met en danger ces paysages exceptionnels, tels que les páramos par exemple (voir p.4). Je vous embrasse, Sandra Rencontre nationale des coopérant-e-s Parc national del Cocuy 1
La Colombie, victime de la malédiction des ressources naturelles La Colombie est un pays extrêmement riche en ressources naturelles et souffre de ce que l’on nomme « la malédic- tion des ressources naturelles ». En effet, ces richesses profitent à quelques grandes entreprises avec la complicité des autorités et élites du pays et, en aucun cas, à la population colombienne. La Colombie est le premier pays exportateur de char- phréatiques. Or cette pollution n’est pas sans consé- bon d’Amérique latine et le dixième producteur mon- quences pour la santé humaine. Par exemple, les parti- dial d’or. Cependant, malgré les importants profits gé- cules de minéraux en suspension dans l’air sont respon- nérés par l’industrie minière et pétrolière, les condi- sables de maladies pulmonaires et la pollution des cours tions de vie des populations vivant dans les zones d’ex- d’eau est notamment associée à certains cancers. Les ploitation se sont détériorées. Par exemple, dans le enfants sont particulièrement vulnérables et sont donc département du Chocó, sur la côte Pacifique, l’aug- les premières victimes des problèmes de santé liés aux mentation de l’exploitation de l’or a été accompagnée effets de la pollution. d’une forte hausse des indices de pauvreté. Le Chocó Une législation favorable aux entreprises vit de fait, en ce moment, une crise humanitaire. Mal- gré les promesses du gouvernement, il n’y a pas eu En 2001, la Colombie a adopté un nouveau Code minier. d’investissements dans la santé, l’éducation ou les in- Un cabinet d’avocats représentant les intérêts des socié- frastructures suite aux rentrées du boom minier. tés inscrites au registre minier et d’entreprises minières canadiennes a conseillé l’État lors de l’élaboration de ce En outre, les impacts environnementaux de l’exploita- dernier. Le nouveau cadre juridique régissant l’industrie tion minière sont importants : pollution des sols, de minière a permis l’augmentation des activités d’explora- l’eau et de l’air, déviations de cours d’eau et défores- tion et d’exploitation. De plus, ce Code minier attribue à tation. Le mercure et le cyanure, par exemple, qui sont l’État uniquement un rôle de régulation et de contrôle et utilisés lors du processus d’extraction de l’or, se re- lui interdit d’exploiter directement les ressources mi- trouvent dans les sols, les cours d’eau et les nappes nières. L’État colombien a déclaré l’industrie mi- Les frailejones sont des plantes endémiques des páramos 2
nière activité d’utilité publique et d’intérêt social. Celle- ci fait partie des « locomotives » du développement économique promues par le gouvernement. Afin de stimuler l’investissement des entreprises mi- nières, le gouvernement leur a accordé de très nom- breuses concessions. En effet, 40% du territoire colom- bien fait soit l’objet d’une demande de concession mi- nière, soit a déjà été attribué à l’exploitation minière. De plus, de nombreux titres miniers ont été attribués sans respecter les réserves autochtones ou territoires communautaires des Conseils afro-colombiens et cer- tains se situent en zones de parcs nationaux ou de ré- serves forestières. Le gouvernement cherche égale- ment à raccourcir le temps nécessaire à l’obtention d’une licence d’exploitation minière. Or, des études d’impact environnemental sérieuses requièrent des mois de travail. Cette politique de développement éco- nomique viole ainsi le droit à l’autodétermination et à la consultation des peuples autochtones et afro- colombiens et met en péril la préservation de l’envi- Parc national del Cocuy ronnement. Au niveau fiscal également, l’État est très généreux avec les entreprises étrangères. Les royalties et les im- pôts que celles-ci paient pour pouvoir exploiter les res- une source de revenus et de subsistance nécessaire pour sources du pays sont très peu élevés en comparaison certaines communautés. Il est très difficile, actuellement, des bénéfices générés par l’industrie minière et pétro- pour les mineurs indépendants qui souhaiteraient deve- lière. Compte tenu des exonérations d’impôts qu’elle nir légaux de remplir les conditions nécessaires à la for- octroie et des coûts des impacts environnementaux et malisation de leur activité, puisque les règles et les stan- sociaux de l’exploitation minière et pétrolière, on dards du code minier sont pratiquement impossibles à pourrait dire que la Colombie paie les entreprises pour respecter pour un petit mineur. venir extraire ses ressources. Violations des droits humains L’exploitation minière illégale L’intensification de l’activité minière a aussi provoqué Outre l’exploitation minière à grande échelle pratiquée une augmentation des violations des droits humains et par des multinationales, l’exploitation minière illégale des expropriations de terres riches en minéraux. La ma- cause également de nombreux dommages environne- jorité des violations des droits humains en Colombie ces mentaux et sanitaires. En Colombie, l’activité minière dernières années - déplacements forcés, menaces et illégale est devenue une source importante de revenus attaques contre des défenseurs environnementaux et des pour les groupes armés illégaux et les divers groupes leaders communautaires, assassinats - a en effet eu lieu criminels. À l’heure actuelle, l’extraction de l’or rap- dans des régions d’activités minières ou pétrolières. porterait plus que le narcotrafic à certains de ces Dans un contexte de négociation de la fin du conflit armé groupes. Cette activité minière illégale divise forte- entre le gouvernement et les FARC, il est fort probable ment les communautés car certains leaders autorisent que les investissements étrangers vont fortement aug- l’entrée des excavatrices sur leur territoire, malgré les menter ces prochaines années. Étant donné le niveau dégâts occasionnés par l’exploitation, en échange de extrêmement élevé des violations des droits humains rémunérations ou bénéfices personnels. Finalement, prévalant dans les zones d’exploitation minière et pétro- l’exploitation minière illégale constitue une activité lière, il est à craindre qu’une augmentation des investis- permettant de laver l’argent sale. sements réalisés par des entreprises étrangères en Co- Il convient, néanmoins, de distinguer l’exploitation illé- lombie provoque une hausse des violences à l’encontre gale contrôlée par des groupes criminels de l’exploita- des communautés défendant leur territoire et des défen- tion informelle pratiquée par les communautés. L’ex- seurs de l’environnement. ploitation minière à petite échelle représente, en effet, 3
Les páramos, mis en péril par l’exploitation minière Les páramos sont un écosystème tropical de montagne et constituent un important réservoir d’eau potable. 99% des páramos se situent dans la cordillère des Andes et 49% des páramos se trouvent en Colombie. Páramo de Pasquillas, à proximité de Bogota Les páramos se situent entre 3200 et 4700 mètres d’alti- et l’élevage dans des zones d’altitude. Ces dégradations tude et sont riches d’une biodiversité unique. En effet, sont, à leur tour, amplifiées par les effets des change- une végétation particulière y pousse, comme les fraile- ments climatiques. L’augmentation de quelques degrés jones par exemple (voir photo ci-dessus). Les frailejones aurait pour conséquence la migration de certaines es- poussent extrêmement lentement et sont très fragiles. Ils pèces vers des zones plus élevées et plus froides. À long jouent un rôle important pour cet écosystème car ils ab- terme, une augmentation des températures provoque- sorbent et conservent l’eau provenant de la brume. Les rait la migration dans les zones plus en altitude de l’éco- páramos constituent également un corridor biologique système dans son ensemble et la disparition des gla- pour la faune de la région : ours andins, condors et pu- ciers. mas, notamment, vivent entre forêts et páramos. L’exploitation minière représente un risque considé- Les páramos fournissent 70% de l’eau potable du pays. De rable. En effet, les autorités colombiennes ont délivré nombreux cours d’eau y prennent leur source. Malheu- des titres miniers pour des territoires se situant dans reusement, les páramos sont insuffisamment protégés. des zones de páramos. On estime que vingt-deux pára- Des 34 páramos que comptent la Colombie, seuls 39% mos sont actuellement en danger de disparition à cause font partie de parcs naturels protégés. de l’industrie minière. Les páramos constituent un écosystème fragile et ils sont La poursuite de la dégradation des páramos aurait des donc extrêmement vulnérables aux interventions hu- conséquences désastreuses, non seulement en termes maines et aux effets des changements climatiques. Les de dommages occasionnés à un écosystème unique, principales causes de la dégradation des páramos sont mais aussi pour l’accès à l’eau potable de la population l’activité minière ainsi que l’introduction de l’agriculture colombienne. 4
Glencore : une entreprise suisse active en Colombie Pensamiento y Acción Social, en partenariat avec le Groupe de travail Suisse-Colombie, a publié un rapport alterna- tif sur l'impact des activités de la multinationale suisse Glencore en Colombie. Ce rapport alternatif prend la forme d’un shadow report tenu du fait que les criantes inégalités dans la distribu- et il répond aux informations présentées dans les rap- tion des terres et l’absence d’une réforme agraire font ports de durabilité publiés par l’entreprise. Il démontre partie des principaux facteurs à la source du conflit ar- que Glencore ne respecte pas tous ses engagements en mé, il convient de souligner que les intérêts du secteur termes de responsabilité sociale. minier et la politique de développement économique du gouvernement vont à l’encontre d’une économie Cela fait une vingtaine d’années que Glencore, numéro paysanne de subsistance. Les investissements dans des un mondial dans le commerce de matières premières, projets d’exploitation minière à grande échelle affec- opère en Colombie. Les activités d’exploitation minière tent fortement les conditions de vie et les droits des de l’entreprise se déploient dans le contexte d’un con- communautés. flit armé qui a fait plus de six millions de victimes et pro- voqué des déplacements forcés qui ont laissé cinq mil- Impacts des activités d’exploitation minière lions d’hectares de terres abandonnées. L’enquête menée par PAS pendant 4 ans pour rédiger Investissements économiques et conflit armé ce rapport a permis de mettre en lumière de graves in- fractions aux normes environnementales liées à l’ex- La majorité des investissements dans l’exploitation des ploitation du charbon dans des zones de réserves fores- ressources naturelles s’est réalisée dans des régions for- tières, la déviation illégale de cours d’eau et l’exposition tement affectées par le conflit armé, où la population a des populations vivant à proximité des mines à des ni- été victime de nombreux déplacements forcés et acca- veaux de pollution de l’air dépassement largement les parements de terres par les acteurs du conflit. Compte Signez l’Initiative pour des multinationales responsables E-Changer et CoMundo font partie de la coalition de 66 organisations soutenant l’initiative pour des multinationales respon- sables. Cette initiative demande à ce que les entreprises soient tenues de protéger les droits humains et les normes environ- nementales dans l’ensemble de leurs activités et donc également à l’étranger. Les Principes directeurs de l’ONU relatifs aux entreprises et aux droits humains, adoptés en 2011, demandent l’instauration d’un «devoir de diligence raisonnable». Il est de la responsabilité de l’entreprise de garantir que ses activités ne causent pas de violations des droits humains. Elle a également le devoir de d’assurer que ses filiales les respectent. En cas d’atteintes aux droits humains, elle doit en rendre compte, ainsi que des mesures prises pour y remédier, de manière transparente. Les Prin- cipes directeurs de l’ONU ne prévoient, cependant, aucun mécanisme contraignant de mise en œuvre. Il s’agit de ce qu’on appelle du soft law. En Suisse, l’initiative pour des multinationales responsables cherche à inscrire dans la législation suisse, et donc à les rendre contraignantes, les obligations comprises dans les Principes directeurs de l’ONU. L’initiative stipule que les entreprises suisses devront répondre des violations des droits humains ou des normes environ- nementales commises par leurs filiales à l’étranger. L’inscription dans la législation suisse de l’obligation pour les entreprise de respecter les droits humains et les standards environnementaux permettra aux victimes de porter plainte en Suisse afin d’obtenir réparation pour les dommages qu’elles ont subis. Pour signer l’initiative : http://konzern-initiative.ch/?lang=fr 5
limites autorisées par la législation colombienne. C’est d’ailleurs à cause de cette pollution que les autorités ont ordonné la relocalisation des trois communautés situées proche des mines. En outre, les organes de contrôle colombiens ont égale- ment ouvert des procédures judiciaires en raison du fait que Glencore a occulté durant de nombreuses années le contrôle qu’exerçait l’entreprise sur ses filières en Co- lombie. Cette manœuvre lui a permis de payer des royalties et impôts nettement inférieurs à ceux qu’elle aurait dû payer normalement. Les indices de pauvreté dans les régions d’exploitation du charbon demeuraient, quant à eux, parmi les plus élevés du pays. En ce qui concerne la relocalisation des communautés en raison de la pollution de l’air, dans le département du Rivière proche de la communauté El Hatillo qui doit être relocalisée. L’eau, autrefois cristalline, est maintenant polluée par l’exploitation de César, le processus accuse de sérieux retards malgré les la mine de charbon. affirmations de l’entreprise concernant ses succès en la matière. La relocalisation a été ordonnée en 2010 et, à agents de sécurité. Finalement, la réussite du processus ce jour, la population continue de vivre dans une zone de relocalisation dépend d’une réelle ouverture au dia- polluée avec les complications de santé que cela en- logue avec les communautés affectées, ainsi qu’une gendre. meilleure corrélation entre investissements sociaux et Recommandations du rapport besoins réels de la population. Le rapport recommande à Glencore de respecter les PAS espère que son rapport sur les activités de Glen- obligations comprises dans les législations colombienne core en Colombie permettra d’entamer une discussion et suisse concernant les droits humains, le droit du tra- fructueuse avec l’entreprise à propos des recommanda- vail, les normes environnementales et le droit fiscal, ain- tions et conclusions du rapport. PAS souhaite, de plus, si que d’améliorer le suivi de l’application de ces der- que cette publication réussisse à attirer l’attention, no- nières. De plus, il est indispensable que l’entreprise éla- tamment de la Suisse, sur le besoin de renforcer la sur- bore de manière participative, avec les populations con- veillance des impacts environnementaux et en termes cernées, des mesures pour atténuer et prévenir les de droits humains découlant des activités à l’étranger risques qu’elles encourent et ainsi empêcher que se pro- de Glencore et sur l’importance d’un suivi sérieux en duisent de nouvelles agressions ou menaces par des matière de responsabilité sociale des entreprises. Pour soutenir le projet Contacts CCP :17-7786-4 Mes coordonnées : Depuis l'étranger www.pas.org.co sandra@pas.org.co IBAN : CH5-109000 000 1700-77864 Groupe de soutien BIC :POFICH BEXXX Personne de contact : Ariane Ninck-Lehmann Sans oublier de mentionner: arianelehmann@hotmail.com « PAS-Colombie », Sandra Froidevaux www. e-changer.ch 6
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