Le Journal del'Andra - Mémoire Pour que demain, ils se souviennent P.8
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le
PRINTEMPS 2021 N°38
Journal
del’Andra
ÉDITION MEUSE/HAUTE-MARNE
P.8
Mémoire
Pour que demain,
ils se souviennent…
Sommaire
l’essentiel éclairage immersion
P.24 Transports des colis de
déchets radioactifs :
opération sous haute
surveillance
P.26 Une alvéole truffée
de capteurs
’édito de David Mazoyer,
P.4 L
directeur du Centre P.27 Portrait
de l’Andra en Meuse/ Grégory Waz :
Haute-Marne la VRD de A à Z
P.8 D
ossier P.28 Reportage
rojet Acaci : concertation
P.4 P
préalable du 7 au 18 avril
2021
Mémoire : Pour Au labo, un robot qui a
du chien !
P.4 Un groupe de suivi pour que demain, ils
le futur chantier de Cigéo
se souviennent… territoire
P.5 L’Andra publie
Les Essentiels 2021 de P.10 S
e souvenir pendant des siècles : P.30 Sondage : que pensent les
l’Inventaire national des tout un programme habitants de Meuse et de
matières et déchets Haute-Marne des activités
P.13 Le programme Mémoire de l’Andra
radioactifs de l’Andra ?
P.14 Archiviste à l’Andra : un poste clé
P.5 danslesmédias P.31 Foncier : une acquisition
P.15 Passeurs de mémoire progressive des terrains
« 100 000 ans », un
podcast à l’écoute du P.16 Archéologie, linguistique, nécessaires à Cigéo
temps sémiotique, etc. : la pluridisciplinarité P.32 Interview
au service de la mémoire « Contribuer à l’un des
P.5 L’environnement local
à l’honneur P.17 Vous avez dit « mémoire du futur » ? grands défis de notre
génération »
P.18 L’art pour construire une « culture
autour du nucléaire » P.33 Emploi : l’alternance, un
pari gagnant-gagnant
P.19 Memory of Mankind : témoigner
de notre époque à nos lointains P.33 Concours : la chasse au
descendants patrimoine industriel est
ouverte !
P.6 L
’événement P.20 P
rojets de stockage géologique : P.34 #On vous répond
Cigéo : avis ça bouge à l’international ! « Y a-t-il des déchets
de l’Autorité
P.21 F
aire Cigéo aujourd’hui, radioactifs étrangers
environnementale
une assurance face aux incertitudes stockés en France ? »
sur la demande de
déclaration d’utilité de demain P.34 #Ils sont venus nous voir
publique P.22 Existe-t-il des alternatives à Cigéo ? P.35 Photomystère
le Édition Meuse/Haute-Marne No38
Journal Centre de Meuse/Haute-Marne
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2 Journal de l’Andra • Édition Meuse/Haute-Marne • Printemps 2021
l’essentiel
LE POINT DE VUE D’ASTER
Le robot chien SPOT fait ses premiers pas dans le Laboratoire souterrain de l’Andra. Ce compagnon technologique
à quatre pattes pourrait bien se révéler très utile au projet Cigéo… À lire pp. 28-29.
Journal de l’Andra • Édition Meuse/Haute-Marne • Printemps 2021 3
l’essentiel
2021, de l’État en août dernier, a été étudié par l’autorité
environnementale qui a rendu son avis mi-janvier. Les
année clé services de l’État et les collectivités sont également
amenés à émettre leur avis. La DUP sera ensuite soumise
pour la DUP à enquête publique durant la deuxième partie de l’année.
Le programme de concertation de l’année 2021 va nous
David Mazoyer,
directeur du Centre de amener à discuter de la gouvernance et de la phase
l’Andra en Meuse/ industrielle pilote de Cigéo, mais également à continuer
Haute-Marne nos échanges sur l’organisation du futur chantier
du projet pour vous associer à deux nouveaux sujets :
Les équipes du Centre de l’Andra en Meuse/ la réhabilitation de la voie ferrée entre Nançois-sur-
Haute-Marne sont pleinement mobilisées sur le Ornain et Gondrecourt-le-Château par SNCF Réseau,
développement du projet Cigéo, malgré le contexte ainsi que la déviation de la route départementale
sanitaire qui nous a amenés à nous adapter ces 60/960 à Saudron par le conseil départemental
derniers mois. Les travaux dans le Laboratoire de la Haute-Marne, en lien avec celui de la Meuse.
souterrain se poursuivent avec le déploiement du
chantier 4 qui porte sur la construction de nouveaux Nous avions l’habitude d’accueillir de nombreux
démonstrateurs, l’étude de nouvelles techniques de visiteurs sur notre site. Les échanges avec les publics
soutènement et la mise en place d’essais utiles pour se déroulent désormais selon des formats nouveaux, à
l’acquisition de données scientifiques. distance, depuis quelques mois. Nous espérons pouvoir
vous recevoir autour des animations que nous préparons
L’instruction de la demande de déclaration d’utilité pour ce printemps sur le thème de l’environnement
publique (DUP) pour Cigéo marque cette année 2021. Ce et vous faire découvrir les outils qui nous permettent
dossier de plus de 3 000 pages, déposé auprès des services d’observer et de comprendre celui qui nous entoure.
Projet Acaci : Un groupe de suivi
concertation pour le futur chantier
préalable du de Cigéo
7 au 19 mai 2021 La concertation autour du projet Cigéo se poursuit au Centre
de l’Andra en Meuse/Haute-Marne. Lors d’une réunion qui
À l’horizon 2029, le Centre industriel de s’est tenue le 27 octobre 2020 à Gondrecourt-le-Château,
regroupement, d’entreposage et de stoc- l’Andra a prévu de mettre en place un groupe de travail dédié
kage (Cires) de l’Aube atteindra sa capacité au futur chantier de Cigéo, avec comme objectif l’élaboration
de stockage autorisée, soit 650 000 m3 de d’une charte.
déchets de très faible activité (TFA). Or,
entre 2 100 000 m3 et 2 300 000 m3 de La gestion du chantier et de ses nuisances est un sujet prioritaire pour les rive-
déchets TFA vont être produits d’ici 2050- rains des futures installations de Cigéo. Une soixantaine de participants a ainsi
2060. Le projet Acaci (pour Augmentation participé à la réunion organisée le 27 octobre dans le cadre de la concertation
de la CApacité de stockage autorisée du sur la thématique « Aménagement de l’espace et Cadre de vie ». Au programme :
Cires) viserait, sans faire évoluer la sur- la planification du chantier tel qu’il est envisagé par l’Andra et les différentes
face de la zone de stockage existante du typologies de travaux.
Cires et tout en conservant son niveau
de sûreté, à augmenter de près de 50 % Une charte pour accompagner le projet
sa capacité de stockage. Ce projet fera Afin d’associer pleinement le public, l’Agence a proposé la création d’un groupe
l’objet de plusieurs réunions publiques et de suivi de chantier. Objectif : réunir une vingtaine de personnes aux profils variés
visites guidées ouvertes à tous. L’occasion (professionnels du BTP, élus, associations locales, représentants du CLIS, rive-
de comprendre la raison d’être du projet rains…) pour suivre l’évolution du chantier dans le temps et collaborer, préala-
Acaci et d’exprimer son avis sur les thèmes blement aux premiers aménagements prévus, à l’élaboration d’une charte. Ce
proposés à concertation préalable. document conçu pour évoluer au fil du projet sera soumis, à terme, à toutes les
entreprises qui interviendront sur le chantier.
Pour plus d'infos :
https://concertation.andra.fr/
4 Journal de l’Andra • Édition Meuse/Haute-Marne • Printemps 2021
l’essentiel
L’Andra publie Les Essentiels lechiffre
2021 de l’Inventaire national
des matières et déchets
radioactifs 1 000
C’est le nombre de mètres de
démonstrateurs d’alvéoles de
Comme chaque année, Les Essentiels 2021 présentent
haute activité (HA) construits au
l’évolution des stocks de matières et déchets radioactifs
Laboratoire souterrain de l’Andra
produits en France (stocks à fin 2019), en complément de
l’édition de l’Inventaire national, réalisée tous les cinq ans*. à moins 500 mètres sous terre.
Les Essentiels 2021 rappellent également les « inventaires Ce cap a été franchi à la fin
prospectifs » de la dernière édition de l’Inventaire national : de l’année 2020.
des estimations des quantités de matières et déchets, En onze ans de travaux, ces
selon plusieurs scénarios contrastés liés au devenir des microtunnels expérimentaux
installations et à la politique énergétique de la France à long terme. dédiés au stockage des colis de
L’Inventaire national est un outil précieux pour le pilotage de la politique de gestion déchets de haute activité (HA)
des matières et déchets radioactifs. ont permis à l’Andra de
* depuis la loi du 7 décembre 2020 modifiant l’Article L542-12 du code de l’environnement. consolider ses connaissances
scientifiques et techniques sur ce
Toutes les données sont disponibles sur type d’ouvrage, en prévision du
https://inventaire.andra.fr
projet Cigéo.
danslesmédias
L’environnement
local à l’honneur
« 100 000 ans », un podcast
Pour 2021 et 2022, le Centre de l’Andra
à l’écoute du temps en Meuse/Haute-Marne développe de
nouvelles animations pour les scolaires
Fin 2020, Binge Audio a dévoilé le podcast « 100 000 ans ». Co-produit et les familles sur le thème de l’environ-
par l’Andra, cette enquête menée par Anne-Cécile Genre nous invite nement. Certaines d’entre elles seront
à explorer une question essentielle, celle du temps. De quoi le temps proposées en extérieur afin de respec-
est-il fait ? Comment le compte-t-on ? Comment définit-on sa précision ? ter les recommandations liées à la crise
Est-il le même pour tous ? Au cours d’une pérégrination de plus d’un sanitaire actuelle. Au printemps, venez
an qui débute au Laboratoire souterrain de l’Andra, la journaliste part en famille découvrir le parcours pédago-
à la rencontre d’un paléontologue, d’une physicienne, de la petite-fille gique dédié à l’observation de l’environ-
de Marie Curie, d’un cosmologue, d’une sprinteuse ou encore d’une nement à proximité de l’Écothèque. Des
écrivaine de science-fiction… En 6 épisodes, ce podcast passionnant expositions temporaires présentées au
interroge notre rapport au temps, mais surtout, notre humanité. Bâtiment d’accueil du public compléte-
ront le programme.
Pour le découvrir, c’est ici :
https://andra.fr/ca-fait-combien-100-000-ans Toutes les informations sur
https://meusehautemarne.andra.fr
Journal de l’Andra • Édition Meuse/Haute-Marne • Printemps 2021 5
l’essentiel
ÉVÉNEMENT
Cigéo : avis de l’Autorité
environnementale sur
la demande de déclaration
d’utilité publique
Dans le cadre du dossier de demande de déclaration d’utilité
publique (DUP) de Cigéo, déposé par l’Andra en août 2020,
l’Autorité environnementale* a publié son avis le 13 janvier 2021.
Sébastien Crombez, directeur sûreté, environnement et stratégie
filières de l’Andra nous éclaire sur cet avis et les recommandations
formulées par l’Autorité environnementale. Interview.
Qu’est-ce que l’Andra retient
de cet avis ?
L’Autorité environnementale porte
tout d’abord un jugement global sur
la qualité de l’étude d’impact. Il est
plutôt positif puisqu’elle note qu’il
« s’agit d’un dossier d’une ampleur
peu commune, dont l’étude d’im-
pact est déjà très importante » et
Sébastien Crombez,
directeur sûreté, environnement et stratégie que « l’évaluation environnemen-
filières de l’Andra tale est très détaillée et prend soin
d’expliciter de façon didactique les
questions techniques abordées ».
En quoi consiste l’avis de L’avis ne contient pas d’éléments projet, remis par l’Andra en 2016,
l’Autorité environnementale ? remettant en cause les choix struc- et qui a donné lieu à l’avis de l’ASN
L’Autorité environnementale rend turants d’implantation du projet. Il du 11 janvier 2018.
un avis sur tous les projets sou- formule cependant une quarantaine
mis, par leurs caractéristiques, à de recommandations, appelant à Que répond l’Andra sur les
une évaluation environnementale, l’étude de mesures complémen- interrogations de l’Autorité
comme c’est le cas pour le pro- taires ou de justifications. environnementale vis-à-vis de
jet Cigéo. Cet avis est consultatif L’Autorité environnementale conforte la réversibilité ?
et porte sur la qualité de l’étude également le choix de l’Andra d’ac- La réversibilité est un élément
d’impact et la prise en compte de tualiser l’étude d’impact au fur et à essentiel pour l’Andra, puisque
l’environnement. Il a notamment mesure des demandes d’autorisa- c’est elle qui permettra aux géné-
pour but d’améliorer l’information tion. Elle confirme que cette vision rations futures de choisir, soit de
du public et la conception du pro- est « appropriée pour assurer l’infor- poursuivre la construction puis l’ex-
jet. Il intervient donc à un stade mation du public et du législateur sur ploitation des tranches successives
précoce de la procédure afin que les enjeux environnementaux tout au du stockage, soit de réévaluer les
les améliorations éventuelles, ou long du projet ». Le projet nécessitera choix définis antérieurement et de
compléments d’information jugés en effet plusieurs autorisations, en faire évoluer les solutions de ges-
utiles, soient intégrés au dossier particulier une demande d’autorisa- tion. La réversibilité repose sur des
avant l’enquête publique. tion de création (DAC), à venir, au dispositions de conception permet-
Cet avis, comme le précise l’Auto- cours de laquelle toutes les ques- tant non seulement la récupérabilité
rité environnementale, n’a pas voca- tions techniques relatives à la sûreté des colis, mais aussi la capacité,
* L’Autorité
tion à se prononcer favorablement de l’installation feront l’objet d’une pour l’installation, de s’adapter à
environnementale du ou défavorablement sur le projet, ni instruction approfondie par l’Auto- des changements de programme
conseil général de à juger de son opportunité, mais il rité de sûreté nucléaire (ASN) et son industriel de stockage, ou à des
l’Environnement et
du Développement constitue un éclairage à la fois pour appui technique, l’Institut de radio- évolutions de la politique natio-
durable (CGEDD) a été le public, pour l’Andra qui porte le protection et de sûreté nucléaire nale en matière de gestion des
saisie par le ministère
de la Transition
projet et pour l’autorité en charge (IRSN), dans la suite de l’examen déchets radioactifs. Ces dispo-
écologique. de la décision. du dossier d’options de sûreté du sitions seront examinées dans le
6 Journal de l’Andra • Édition Meuse/Haute-Marne • Printemps 2021
l’essentiel
(notamment les situations acciden-
telles). Ces éléments figuraient dans
le dossier d’option de sûreté du pro-
jet et sont un des éléments requis
dans la demande d’autorisation de
création. L’Andra veillera à les faire
figurer de façon plus lisible dans le
dossier de DUP.
D’autres recommandations ren-
voient à des étapes ultérieures de
la procédure. Par exemple, en ce
qui concerne les impacts environ-
nementaux des aménagements, dif-
férentes options restent ouvertes
et sont soumises à consultation.
Les recommandations seront alors
prises en compte dans le cadre des
procédures dédiées.
Quelles sont les prochaines
étapes ?
Le dossier de DUP, d’ores et déjà
accessible au public sur le site web
de l’Andra, est en cours d’instruc-
tion par les services de l’État. Il
fera ensuite l’objet d’une enquête
publique afin que chacun puisse
s’informer sur le projet et donner
son avis. À l’issue de cette enquête
publique, la déclaration d’utilité
publique de Cigéo pourrait être déli-
vrée par décret du Premier ministre,
limité de colis de déchets radioac- après avis du Conseil d’État. ●
tifs. Cette phase inclut des essais
L’évaluation de récupérabilité. Des revues pério-
environnementale diques de réversibilité sont égale-
ment prévues pendant la phase
est très détaillée industrielle pilote et tout le long du
et prend soin projet. Elles permettront d’infor-
d’expliciter de mer et de consulter régulièrement
le public sur l’ensemble des enjeux
façon didactique liés à la réversibilité du stockage.
les questions
techniques Comment l’Andra va-t-elle
prendre en compte l’avis de
abordées » l’Autorité environnementale ?
De façon générale, un mémoire en
réponse aux recommandations de
cadre de la demande d’autorisation l’Autorité environnementale sera
de création. produit et joint au dossier de DUP
La réversibilité repose aussi sur le pour l’enquête publique. Il pourra
développement progressif de l’ins- apporter les éléments de justifica-
tallation. Il conduit notamment à tion demandés ou renvoyer à des
démarrer l’exploitation de Cigéo compléments dans l’étude d’impact,
par une phase industrielle pilote dès cette version ou lors des actua-
permettant de conforter les choix lisations successives.
effectués et les solutions techniques Par exemple, en matière de sûreté,
développées par l’Andra : d’abord l’Autorité environnementale s’inter-
Retrouvez l’intégralité des
avec des maquettes de colis (sans roge sur la prise en compte par l’An- documents du dossier de DUP
radioactivité) puis avec un nombre dra de plusieurs éléments importants https://bit.ly/3ks6Zkb
Journal de l’Andra • Édition Meuse/Haute-Marne • Printemps 2021 7
éclairage 8 Journal de l’Andra • Édition Meuse/Haute-Marne • Printemps 2021
éclairage
Mémoire
Pour que demain,
ils se souviennent…
Dangereux pour l’Homme et l’environnement,
les déchets radioactifs doivent être isolés et
confinés tout le temps qu’ils présentent des risques.
C’est pourquoi l’Andra déploie des solutions de
stockage, en surface ou en profondeur, dans des
installations dédiées qui, une fois fermées, et après
une période de surveillance, ne nécessitent aucune
intervention de la part des générations futures.
Mais lorsqu’il est question de durées allant de
quelques dizaines d’années à plusieurs centaines
de milliers, la mémoire revêt un enjeu particulier
et doit être préservée et transmise dès aujourd’hui…
et pour demain. C’est l’ambition du « programme
Mémoire » de l’Andra. Il vise à nourrir la conscience
de l’existence des centres de stockage au présent
et à réfléchir aux solutions qui permettront de
transmettre et prolonger le plus longtemps possible
la mémoire de ces installations. Un défi à relever
de génération en génération.
P.10 Se souvenir pendant des siècles : tout un programme
P.13 Le programme Mémoire de l’Andra
P.14 Archiviste à l’Andra : un poste clé
P.15 Interview : Passeurs de mémoire
P.16 A
rchéologie, linguistique, sémiotique, etc. :
la pluridisciplinarité au service de la mémoire
P.17 Vous avez dit « mémoire du futur » ?
’art pour construire une « culture autour du nucléaire »
P.18 L
P.19 Memory of Mankind : témoigner de notre époque à nos
lointains descendants
Journal de l’Andra • Édition Meuse/Haute-Marne • Printemps 2021 9
éclairage DOSSIER
dispositifs doivent être mis en place
pour que la mémoire perdure aussi
longtemps que possible et ce, mal-
gré d’éventuelles ruptures sociales
ou politiques, explique Jean-Noël
Dumont, responsable du pro-
gramme Mémoire à l’Andra. Le pre-
mier objectif de notre démarche est
d’éviter, par exemple, que ne soit
construite une école ou un hôtel
au-dessus d’un ancien centre de
stockage de surface. Et, pour le
stockage géologique profond (le
projet Cigéo), d’éviter le plus long-
temps possible que des humains
aillent forer ou excaver, sans pré-
cautions, à proximité des déchets,
ce qui reste malgré tout peu pro-
bable et supposerait le déploiement
d’une technologie importante. »
Mais ce n’est pas l’unique raison.
Documents Andra gravés sur un disque de saphir « Pendant les premiers siècles,
nous pensons qu’il est crucial de
transmettre une connaissance
Se souvenir pendant des siècles :
détaillée sur les infrastructures de
stockage, les caractéristiques des
tout un programme
déchets stockés, la manière dont
ils sont conditionnés ou encore sur
les raisons qui fondent leur sûreté »,
Quand les sites de stockage de déchets radioactifs seront fermés, souligne Jean-Noël Dumont. Cette
que les paysages changeront et que les sociétés évolueront, mémoire plus « technique » pourra
comment les générations futures pourront-elles éviter de s’exposer en effet aider de futurs exploitants,
à un risque ? Comment prendront-elles les décisions appropriées ingénieurs et autorités de sûreté
et retrouveront-elles la trace de l’époque ayant produit les déchets ? à prendre des décisions en toute
C’est à ces questions que l’Andra cherche à répondre à travers connaissance de cause concer-
son programme sur la mémoire des centres de stockage. Objectif : nant le devenir des sites sur les-
préserver et transmettre les informations essentielles quels se trouvent les installations
à nos descendants. de stockage. « Elles font également
partie de l’héritage scientifique et
DÉCHETS RADIOACTIFS : POURQUOI EST-IL ESSENTIEL DE S’EN SOUVENIR ? technologique que notre généra-
tion transmettra aux suivantes. En
Si la mémoire est un sujet qui des centaines de milliers d’années. conserver la mémoire leur permet-
anime l’Andra, c’est d’abord en « Même si les centres de stockage tra de comprendre les événements
raison de la nature des déchets sont conçus pour être sûrs sans passés, au même titre que d’autres
qu’elle est chargée de gérer et qui, intervention humaine et même en types de patrimoines (architectural,
pour certains, resteront radioactifs cas d’oubli, une fois fermés, des littéraire, artistique, etc.). »
Vertiges de - 300 000 ans - 100 000 ans - 50 000/-10 000 ans - 25 000 ans
l’Histoire
Se projeter sur des centaines
de milliers d’années est verti-
gineux. Comment notre espèce
et nos sociétés auront-elles évo-
lué dans 100 000 ans ? Pour ten-
ter d’appréhender une telle Premières traces Homo Sapiens Les autres Dame de Brassenpouy
échéance de temps, il est utile de l’existence se répand sur espèces humaines (la première représentation
de porter un regard en arrière… d’Homo Sapiens la planète disparaissent connue d’un visage humain)
10 Journal de l’Andra • Édition Meuse/Haute-Marne • Printemps 2021éclairage
COMMENT TRANSMETTRE mémoire, s’adresse principalement pour que peintres, écrivains, sculp-
LA MÉMOIRE ? aux exploitants et autorités du futur. teurs, graphistes, photographes…
Il ne s’agit pas uniquement d’enregis- imaginent les moyens de prévenir
Répondre à ces impératifs n’est trer les documents au fur et à mesure nos descendants de l’emplacement
pourtant pas aisé. Cela suppose qu’ils sont produits. Il faut surtout des déchets (lire p. 18).
non seulement de sélectionner organiser cette information de sorte Toujours pour s’adresser au plus
parmi toutes les connaissances qu’elle soit accessible et pertinente vaste public possible, l’Andra a
et données disponibles celles qui sur la durée. C’est un travail de longue souhaité créer une collection de
seront les meilleurs témoins de haleine, qui demande beaucoup de livres (lire encadré page suivante)
nos actions pour un large public, rigueur et de patience à nos archi- mais aussi se tourner vers ceux qui
et celles qui s’avéreront les plus vistes » (lire p. 14). relaient de l’information au présent.
pertinentes pour les exploitants « Nous répondons toujours favora-
et décideurs du futur. Cela invite PAR QUELS MOYENS blement aux journalistes et nous tra-
aussi à questionner les supports de CONCERNER LE PLUS DE vaillons avec des youtubeurs dont
transmission et leur résistance au MONDE ? la voix est très entendue des plus
temps. Ces archives papier seront- jeunes générations », précise Jean-
elles encore lisibles dans 500 ans ? Pour préserver la conscience de Noël Dumont.
Les riverains des sites compren- l’existence des stockages, tout le Et parce qu’un travail sur la mémoire
dront-ils encore nos langues et nos monde a un rôle à jouer, spécialistes invite à se projeter et donc à inno-
symboles dans 1 000 ans ? Quelles ou non, riverains des installations ver, l’Andra s’appuie aussi sur les
civilisations nous succéderont dans ou pas. C’est le sens du deuxième études et les recherches, troisième
100 000 ans ? pilier du programme Mémoire : les pilier de son programme, pour
Pour explorer toutes les pistes interactions sociétales. « Il s’agit de interroger les supports existants
et imaginer non pas un mais plu- toucher les publics les plus larges de transmission de la mémoire et
sieurs dispositifs de conserva- possible afin que cette conscience en tester de nouveaux. Experts de
tion et de transmission, l’Andra a soit ancrée dans la société et que la l’Agence et chercheurs de diffé-
mis en place un vaste programme société elle-même puisse s’en saisir rents horizons explorent ainsi des
d’études et de travaux, appelé « pro- de façon autonome. Car l’Andra n’a disciplines variées comme la >>
gramme Mémoire des stockages de pas la prétention d’exister éternel-
déchets radioactifs pour les géné- lement », assure le responsable du
rations futures ». Il s’appuie sur programme Mémoire.
quatre piliers : la documentation Pour faire vivre ce deuxième pilier,
réglementaire et les archives, les de nombreux projets et actions ont
interactions sociétales, les études été menés ou sont en cours. Sur
et recherches, et la collaboration chaque site où l’Andra intervient,
internationale. des groupes mémoires ont par Jean-Noël Dumont,
« Le premier pilier, réglementaire et exemple été créés il y a dix ans. Ils responsable du programme
Mémoire à l’Andra
institutionnel, repose sur deux types sont constitués de riverains réunis
de documents, exigés par la régle- pour réfléchir aux moyens de trans-
mentation française. Le premier, le mettre l’existence des centres de
dossier synthétique de mémoire, la Manche, de l’Aube et de ce qui
ne doit pas être trop volumineux ni n’est encore qu’en projet, Cigéo, Il s’agit de toucher les publics
trop complexe à comprendre pour en Meuse/Haute-Marne (lire p. 15). les plus larges possible afin
s’adresser au plus large public pos- Trois appels à projets « Art et
sible, précise Jean-Noël Dumont. Mémoire » ont aussi été lancés par que cette conscience soit ancrée
Le deuxième, le dossier détaillé de l’Agence en 2015, 2016 et 2018 dans la société »
- 15 000 ans - 12 000 ans - 5 000 ans - 500 ans - 200 ans
Peintures Débuts de l’agriculture Invention de Essor scientifique et technique Révolution
rupestres et du regroupement l’écriture (fin de la en Occident industrielle
(Lascaux) urbain (Mésopotamie) Préhistoire) (Copernic, Galilée…)
Journal de l’Andra • Édition Meuse/Haute-Marne • Printemps 2021 11éclairage DOSSIER
connaissances socio-anthropolo-
giques, explique Laëtitia Ogorzelec-
Guinchard. Tel mécanisme va-t-il
permettre à la population aujourd’hui
d’adhérer à l’histoire d’un site, au
patrimoine qu’il représente, pour
ensuite le transmettre à son tour, par
exemple ? » Cela devrait permettre
ensuite à l’Andra et ses homologues
d’expliciter et d’améliorer les outils
qu’ils ont imaginés, dans le cadre
du nouveau programme de colla-
boration internationale – IDKM –
(lire p. 19) qui a été lancé en 2020.
En phase de fermeture, le Centre de stockage de la Manche est un site
précurseur pour la conservation et la transmission de la mémoire. QUE SE PASSERAIT-IL SI ON
OUBLIAIT LE STOCKAGE ?
chimie du papier et des encres, nucléaire de l’OCDE. Le groupe Avec ces différents piliers du pro-
l’étude des signes et leur signifi- d’experts de ce projet, qui s’est gramme Mémoire, l’Andra a donc
cation (sémiotique graphique et conclu en 2019, réunissait essen- engagé un travail de fond sur de
sonore) ou encore les sciences tiellement des représentants d’or- nombreux axes afin de construire
humaines et la socio-anthropolo- ganismes impliqués dans la gestion au fur et à mesure un dispositif
gie (lire pp. 16-17). des déchets radioactifs, mais aussi mémoriel capable de traverser les
« Quand j’ai découvert le programme de transmission (archivistes). siècles.
Mémoire de l’Andra, j’ai trouvé très Car, et c’est le quatrième pilier du Toutefois, au-delà, à l’échelle plu-
intéressant que des ingénieurs se programme Mémoire de l’Andra, la rimillénaire, cet exercice pourrait
posent des questions anthropolo- collaboration internationale s’avère ne pas persister… et les sites de
giques fondamentales concernant être très enrichissante aussi quand stockage de déchets radioactifs
les capacités de résistance au temps il s’agit de penser la mémoire des pourraient être oubliés. « Nous
d’un dispositif technique qui nous sites de déchets radioactifs. C’est faisons tout pour que la mémoire
engage à nous placer sous l’horizon ainsi qu’entre 2011 et 2019, RK&M perdure le plus longtemps pos-
d’un très long terme », témoigne a permis d’élaborer une compré- sible. 500 ans au moins, souligne
Laëtitia Ogorzelec-Guinchard, uni- hension commune des enjeux Jean-Noël Dumont. Mais parce
versitaire et socio-anthropologue. mémoriels et des grands principes que cet oubli fait partie des scé-
à mettre en œuvre, en laissant à narios possibles que l’Autorité de
POURQUOI LA MÉMOIRE chaque pays le soin de les décliner sûreté nucléaire nous demande
DES SITES DE DÉCHETS suivant ses spécificités, pour faire de prendre en compte, nous nous
RADIOACTIFS GAGNE- comprendre génération après géné- assurons par ailleurs de conce-
T-ELLE À ÊTRE PENSÉE ration où, pourquoi et comment les voir des stockages qui permettent
À L’INTERNATIONAL ? déchets radioactifs ont été stockés. de garantir que, même si on avait
« Aujourd’hui, notre rôle en tant que oublié leur existence et qu’on venait
Depuis le mois d’octobre 2020, chercheurs extérieurs à l’Andra, à construire en surface ou à creu-
cette chercheuse et son équipe c’est d’analyser les mécanismes ser, les conséquences environne-
travaillent à un programme de de cette boîte à outils un par un mentales ou sanitaires seraient très
recherche intitulé TMS pour « trans- en les mettant à l’épreuve de nos limitées. » ●
mettre la mémoire des sites de stoc-
kage de déchets radioactifs ». Dans
ce cadre, elles ont proposé à l’An-
dra d’analyser la boîte à outils sur Des livres pour se souvenir
la mémoire (en tout 35 mécanismes
— « Après avoir mené de nombreux travaux en rapport avec la
tels les musées, les archives, la
mémoire, nous avons souhaité lancer une collection dédiée à ce
réglementation, la surveillance, les sujet. Nous éditons des ouvrages qui sont suffisamment
marqueurs et capsules temporelles, documentés et intéressants pour qu’on ait envie de les garder »,
le patrimoine industriel, l’art ou les confie Jean-Noël Dumont. Le premier ouvrage de la collection
accords internationaux…) imaginée Mémoire de l’Andra vient ainsi de sortir. Il revient sur l’étude
dans le cadre du projet internatio- réalisée par le chercheur Frédéric Ogé sur le canal du Midi et sur
nal RK&M (Preservation of Records, ce que cet ouvrage, construit sous Louis XIV, lui a appris sur la
Knowledge and Memory), sous transmission de la mémoire.
l’égide de l’Agence pour l’énergie
12 Journal de l’Andra • Édition Meuse/Haute-Marne • Printemps 2021éclairage
Le programme Mémoire de l’Andra
4 piliers pour conserver et transmettre la mémoire dans le temps
La documentation
règlementaire Les interactions La collaboration Les études et
et les archives sociales internationale recherches
LA MÉMOIRE TECHNIQUE LA MÉMOIRE ACTIVE LA MÉMOIRE TRANSNATIONALE LA MÉMOIRE AU FUTUR
Dossier détaillé et dossier Expositions, visites, groupes IDKM : plateforme de réflexion Innovation scientifique
synthétique de mémoire, mémoire, parrainages, à l’international (sciences de la nature,
servitudes publiques* art et littérature, médias… > Élaborer une connaissance technologies, sciences
> Transmettre toutes > Ancrer la conscience de commune et partagée humaines et sociales)
les informations sur les l’existence des centres de de la conservation et de > Prévenir nos très lointains
stockages pour permettre stockage dans la société. la transmission de la mémoire. descendants de la présence
à nos descendants de prendre des centres de stockage.
des décisions en toute
connaissance de cause.
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LE SAVIEZ-VOUS ? sc Le
Même après leur fermeture,
les centres de stockage et leur
environnement continueront
d’être surveillés par l’Andra
pendant quelques centaines L’oubli : étant donné l'incertitude de conserver
d’années. la mémoire sur de très longues périodes,
Cette surveillance sera
… les centres de stockage sont conçus pour rester sûrs
progressivement réduite
10 longtemps après leur fermeture sans qu'aucune
jusqu’à ce que la sûreté 00 intervention des générations futures ne soit
des centres de stockage 00 A
ne nécessite plus NS nécessaire. L'oubli est donc possible au-delà de
quelques siècles sans que cela ne présente
d’interventions humaines.
de risques importants. >>
*Contraintes administratives qui doivent être annexées au plan local d’urbanisme ou à la carte communale.
Journal de l’Andra • Édition Meuse/Haute-Marne • Printemps 2021 13éclairage DOSSIER
sont imprimées sur du papier per-
Archiviste à l’Andra : manent (voir p.16) et dupliquées en
deux exemplaires puis conservées
un poste clé sur le centre de stockage concerné
et aux Archives nationales.
Pour sélectionner, conserver et transmettre la mémoire Mais les archivistes de l’Andra
de ses centres de stockage, l’Agence a établi une constituent aussi un « dossier syn-
solution mémorielle dite de référence. Elle s’appuie thétique de mémoire ». « Alors que
notamment sur le travail minutieux des archivistes. le dossier détaillé va représenter plu-
Rencontre. sieurs mètres linéaires d’archives, le
dossier synthétique représente un
volume de données plus restreint,
composé de trois niveaux autopor-
teurs, dans lequel on va compiler
des informations essentielles diffu-
sables à un large public : une “ultra-
synthèse” (une page recto-verso), un
dossier de quarante pages (concep-
tion du centre, nature et inventaire
des déchets stockés, dispositifs
de sûreté, risques résiduels à long
terme…) et des fiches repères »,
décrypte l’archiviste de l’Andra.
Quant au troisième dispositif archi-
vistique, il n’est pas encore mis en
œuvre. Il s’agira de demander l’au-
torisation d’inscrire l’emprise fon-
cière du CSM au cadastre, ainsi que
Sophie Loisy, archiviste aux centres de stockage de l’Aube et de la Manche. d’établir des servitudes : un plan
territorial créé à l’époque napo-
léonienne dans sa forme actuelle
Chaque jour depuis 2009, Sophie passive. « Et pour ces trois derniers, mais dont l’origine remonte à
Loisy, archiviste à l’Andra, collecte, le métier d’archiviste a toute son l’Antiquité et aujourd’hui encore uti-
classe, décrit, conserve et met à dis- importance », poursuit Sophie Loisy. lisé et conservé dans les centres
position du personnel de l’Agence d’archives départementales pour
qui en fait la demande les archives Transmettre les informations préserver la mémoire.
liées aux activités de l’Andra. « Ces nécessaires sur le temps long La mise en œuvre de la solution
archives classiques sont conservées Le premier, baptisé « dossier détaillé de référence demande donc beau-
telles qu’elles ont été produites par de mémoire », se compose à l’heure coup de temps et de rigueur. C’est
les différents services de l’Andra. actuelle pour le CSM d’environ pourquoi elle est déjà en cours
Mais en parallèle, nous avons engagé 11 000 documents destinés aux de constitution sur le Centre de
un travail de sélection et de structu- ingénieurs ou techniciens de demain stockage de l’Aube (CSA) depuis
ration très précis pour transmettre « pour comprendre comment on a 2005. Pour Sophie Loisy, « être en
au plus large public possible, des travaillé à l’époque, comment on a posture de construire la mémoire est
ingénieurs aux riverains du futur, la stocké les déchets radioactifs, quels vraiment responsabilisant et enthou-
mémoire de nos centres, explique étaient ces déchets, et si besoin, siasmant ». ●
Sophie Loisy. C’est ce qu’on appelle intervenir sur le centre dans les meil-
la solution de référence. » leures conditions ». Ces informations
Ce besoin de préserver la mémoire
des sites de stockage est apparu
dans les années 1980 lorsque
l’Andra a commencé à préparer Qu’est-ce que la mémoire active ?
la fin de l’exploitation du Centre — La mémoire active consiste à faire vivre et à préserver la connaissance des
de stockage de la Manche (CSM). centres de stockage. Elle s’appuie localement, d’une part sur l’organisation
Depuis, le CSM est devenu le site d’expositions, de visites du site ou d’actions de parrainages des associations ou
pilote pour la mise en œuvre de acteurs locaux et, d’autre part, sur l’existence d’un « groupe mémoire » chargé de
cette solution basée sur une mul- se réunir régulièrement. Elle est complétée par d’autres actions, aux niveaux
titude de dispositifs de mémoire national et international : échanges avec les médias, production de supports divers
active (lire encadré) et trois dis- par l’Andra.
positifs archivistiques de mémoire
14 Journal de l’Andra • Édition Meuse/Haute-Marne • Printemps 2021éclairage
INTERVIEW
Passeurs
de mémoire
la mémoire du site. Ainsi, la ques- Il ne s’agit
tion qui nous anime au quotidien pas de dire quoi
c’est de savoir comment la trans-
mettre aux générations futures de penser, mais de
façon pédagogique. Nous créons transmettre
Tiphanie Prunaux,
donc des outils pour garder la l’existant pour faire
mémoire du site, à utiliser tout
membre du groupe mémoire
de suite. C’est aussi un moyen de que les générations
du Centre de l’Andra en
Meuse/Haute-Marne sensibiliser les jeunes à la conser- qui arrivent
vation de la mémoire à une époque aient tout en main
où le numérique nous envahit et
Depuis 2011, un « groupe mémoire » plaide pour l’instantané. Il ne s’agit pour agir, passer
a été créé pour chaque site de pas de dire quoi penser, mais de le relais, voire faire
l’Andra afin de réfléchir aux moyens transmettre l’existant pour faire autrement. »
de transmettre la mémoire des que les générations qui arrivent
centres de stockage aux générations aient tout en main pour agir, pas-
futures. De la réalisation d’une ser le relais, voire faire autrement. Toute la trame narrative vient de
œuvre participative à la création nous et nous avons validé le style
d’une BD, les membres du groupe Qui compose votre groupe ? du dessin, les décors.
du Centre de l’Andra en Meuse/ Quels sont les profils (métiers, En 2017, à l’occasion de la Fête de
Haute-Marne s’emploient à créer des genres, âges…) ? la science, nous avons également
outils pédagogiques pour construire Nous sommes le plus souvent sept réalisé une œuvre mémorielle
cette mémoire au présent. Tiphanie ou huit lors de nos réunions. Il y a avec la participation du public,
Prunaux y participe depuis plus de six des trentenaires avec des métiers appelée « Devoir de mémoire ».
ans. Témoignage. différents : une coiffeuse, une per- Sur ce tableau, chaque visiteur
sonne travaillant dans le tourisme, était invité à laisser son empreinte
un gendarme ou encore moi, ins- de telle sorte qu’à la fin, en s’éloi-
Depuis quand et pourquoi titutrice en école primaire. Et gnant pour le regarder, se des-
vous êtes-vous engagée dans d’autres sont à la retraite. Notre sinent deux mains qui se passent
le groupe mémoire de Meuse/ groupe est donc assez hétérogène. un relais. J’ai beaucoup aimé ce
Haute-Marne ? Et nous sommes aiguillés par le projet car il s’est avéré être un
J’ai intégré le groupe en 2014. personnel de l’Andra qui nous aide superbe outil de discussion et
Quand j’ai appris son existence à réaliser nos idées… et à ne pas de transmission.
au hasard d’une rencontre, c’est partir dans tous les sens !
le sujet de la mémoire qui m’a Quels sont vos objectifs pour
intéressé et intrigué. J’ai fait des Pendant ces années, vous avez les années à venir ?
études d’Histoire et je trouvais réalisé de nombreux projets. Notre objectif à présent est d’uti-
l’approche vraiment originale. De quelle(s) réalisation(s) liser la BD que nous avons créée et
Il s’agissait d’une mémoire à êtes-vous la plus fière ? publiée en 2019. À nous d’imagi-
construire, et non d’une mémoire Deux réalisations m’ont parti- ner des actions pour la présen-
passée, à comprendre et à ana- culièrement marquée. La pre- ter à un large
lyser à travers les témoignages, mière, c’est la création d’une BD, public, attirer
autres écrits ou les monuments. La Mémoire oubliée. Au-delà du les familles
C’est assez intriguant de se mettre choix de ce support ludique pour et surtout, en
dans une posture un peu futuriste transmettre la mémoire, la phase parler. ●
quand on parle de mémoire. de conception a été passionnante.
Pendant plus d’un an, nous avons
Voilà près de 10 ans que votre travaillé main dans la main avec
groupe existe : pouvez-vous un dessinateur et un scénariste.
nous rappeler ses missions ?
Sa mission est d’abord citoyenne :
informer la population et préserver Pour lire la BD, rendez-vous sur https://bit.ly/3bCP33y
Journal de l’Andra • Édition Meuse/Haute-Marne • Printemps 2021 15éclairage DOSSIER
Archéologie, linguistique, sémiotique, etc. :
la pluridisciplinarité au service de la mémoire
L’Andra soutient plusieurs études afin d’identifier ou de mettre au point des supports
et des systèmes de communication résistants et durables dans le temps.
Une démarche de recherche qui mobilise de nombreuses disciplines scientifiques.
DU PAPIER ET DE L’ENCRE À L’ÉPREUVE DU TEMPS ?
En fonction des conditions d’humidité et de température de leur stockage,
les documents imprimés deviennent, avec les années, de moins en moins
lisibles ou s’effritent. Afin de conserver le plus longtemps possible les données
archivées sur les centres de stockage, l’Andra étudie donc la bonne tenue des
papiers et encres dans le temps.
« Pour la mémoire, nous utilisons un papier spécifique appelé papier permanent.
Ce support, que l’on trouve dans le commerce, répond à des normes de
composition. Mais pour mieux connaître sa durabilité dans le temps, nous avons
entrepris des recherches depuis 2014 », explique Denise Ricard, ingénieure des
matériaux organiques à l’Andra. Si le papier ordinaire finit par former des acides
qui vont accélérer sa dégradation, le papier permanent, lui, intègre notamment
une réserve alcaline qui va neutraliser ces acides.
Pour acquérir plus de connaissances sur ce support, une thèse a débuté en
octobre 2020. « L’un des objectifs est de modéliser la durabilité du papier, mais
aussi de comparer plusieurs marques de papiers permanents afin de vérifier siXxx
leur comportement est identique dans le temps, confie Denise Ricard. Second
objectif : étudier la formulation de plusieurs encres vendues sur le marché et
trouver la ou les plus stables vis-à-vis du vieillissement. » Car, contrairement au
papier, les encres ne répondent à aucune norme et leur formulation évolue
très vite en fonction des nouveaux produits proposés par les industriels.
ET QUAND LE PAYSAGE AURA CHANGÉ ?
Outre la durabilité des documents d’archives, l’Andra s’interroge sur les
moyens de maintenir la trace des centres de stockage dans le paysage
à l’échelle plurimillénaire. L’Agence a ainsi entrepris des recherches en
archéologie des paysages, en partenariat avec le laboratoire Loterr de
l’université de Lorraine.
Dominique Harmand, professeur de géographie, et Vincent Ollive,
géomorphologue, ont testé, en 2019, la mise en place de marqueurs
spécifiques qui pourraient signifier la présence du site de Cigéo en Meuse/
Haute-Marne. « Couramment, en archéologie, les sites sont découverts grâce
Expérimentation de marqueurs dans le paysage
à des pièces de monnaie, des tuiles… que l’on trouve dans les champs ou sur le site de Meuse/Haute-Marne.
dans les forêts, explique Vincent Ollive. Nous avons donc déposé sur le site de
Meuse/Haute-Marne des artefacts de différentes formes : cylindres, cubes,
demi-sphères… teintés en bleu, rose, jaune… qui tranchent avec les formes
et les couleurs de la nature. De cette manière, l’archéologue du futur pourra
déduire qu’il y a forcément eu une présence humaine sur ce site. »
Ces objets en céramique (géopolymères) pourront résister à de rudes
conditions climatiques. Mais pour étudier leur comportement et
l’interprétation que pourraient en faire nos très lointains descendants,
les chercheurs vont désormais analyser les déplacements des artefacts
et inviteront un groupe d’individus non informés pour observer leurs
Petits objets géopolymères et céramique.
réactions face à la présence de céramiques.
16 Journal de l’Andra • Édition Meuse/Haute-Marne • Printemps 2021Vous pouvez aussi lire
