Le travail temporaire - Luxembourg le 18 septembre 2018 - Chambre des salariés
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3/25 À la suite de la série de notes déjà publiées portant sur « Le socle européen des droits sociaux », « Les institutions et organes de l’Union européenne », « Les allocations familiales », « Le congé parental » et « Les absences pour maladie », la Chambre des salariés propose d’examiner plus en détail la question du « travail temporaire » par le biais de cette nouvelle publication. CONTENU RÉSUMÉ ............................................................................................................................................ 4 QUELLE EST L’AMPLEUR DU PHÉNOMÈNE AU LUXEMBOURG ET QUI CONCERNE-T-IL ? . 5 PROPORTION DU TRAVAIL TEMPORAIRE ............................................................................................... 5 NATIONALITÉ...................................................................................................................................... 7 FRONTALIERS .................................................................................................................................... 7 TYPES DE CONTRAT ........................................................................................................................... 7 Emploi temporaire et frontaliers .................................................................................................. 8 GENRE .............................................................................................................................................. 9 ÂGE ................................................................................................................................................ 10 QUALIFICATIONS .............................................................................................................................. 10 PROFESSIONS ................................................................................................................................. 11 BRANCHES D’ACTIVITÉS .................................................................................................................... 12 QUELLES SONT LES PERSPECTIVES DES SALARIÉS EN CDD ? ........................................... 14 RAISONS ......................................................................................................................................... 14 SALAIRE .......................................................................................................................................... 14 RISQUE DE PAUVRETÉ AU TRAVAIL .................................................................................................... 18 PERSPECTIVES ................................................................................................................................ 18 DURÉE DES CONTRATS ..................................................................................................................... 20 EMBAUCHES .................................................................................................................................... 22 QUELQUES CONCLUSIONS EN MATIÈRE DE CONTRATS TEMPORAIRES AU LUXEMBOURG .......................................................................................................................................................... 25
4/25 Résumé S’il s’agit d’un phénomène qui reste toujours minoritaire, le travail temporaire ne cesse de prendre de l’ampleur au Luxembourg : depuis 2003, la part du travail temporaire dans l’emploi salarié a connu la plus forte progression à travers l’Europe (+190%) pour se fixer à 9% des résidents. Dans l’emploi temporaire, on retrouve toutes les formes plus ou moins typiques de contrat à durée déterminée (CDD) : l’apprenti (et le stagiaire), l’intérimaire, le saisonnier, l’étudiant, l’intermittent du spectacle, le chercheur(- enseignant), le chargé d’éducation, la personne en mesure d’insertion ou les contrats plus classiques en vue d’une tâche spécifique ou d’un remplacement. En plus de la flexibilité qu’il apporterait aux entreprises, le travail temporaire est souvent justifié parce qu’il offrirait de l’expérience et un tremplin vers le travail à durée indéterminée (CDI), source de stabilité pour le travailleur et son ménage. Or, à y regarder de plus près, si elle le fut un jour, cette assertion est de moins en moins vraie : l’emploi temporaire tend à devenir un risque certain pour le salarié. Les raisons pour lesquelles ces salariés en CDD ont consenti à occuper un emploi temporaire ont fortement évolué au cours du temps : l’impossibilité de trouver un emploi permanent a pris le dessus sur les autres raisons évoquées en grimpant de 11 à 57% des situations, tandis que le choix délibéré s’est stabilisé autour de 6,5%. Le salarié en CDD hors apprentis gagne en moyenne un tiers de moins qu’un salarié en CDI, soit un écart négatif parmi les plus importants d’Europe alors que, dans certains pays, ce salaire peut être supérieur à celui du CDI. En outre, le risque que ce salarié encourt d’être confronté à la pauvreté est, avec 25,6%, de huit points supérieur à la moyenne européenne et 2,5 fois plus élevé que pour le salarié en emploi permanent au Luxembourg. Non content de devoir largement subir son emploi temporaire et d’encourir un risque accru de pauvreté au travail, le salarié en CDD voit en sus les perspectives de sortir de sa position précaire se dégrader notablement : alors qu’ils étaient en 2006 36% des temporaires résidents à se maintenir dans ce type de contrat d’une année à l’autre, ils sont désormais 49% dans le cas. Pendant ce temps, la transition vers l’emploi permanent s’est ralentie, avec seulement 34% des temporaires qui peuvent accéder à un CDI l’année suivante plutôt que 47% auparavant. Il importerait donc que les institutions compétentes fournissent des données plus fines afin de pouvoir mieux cerner les mécanismes à l’œuvre et de fournir des solutions politiques qui réduiraient pour le salarié les risques générés par l’emploi temporaire, notamment en renforçant les législations ad hoc qui sont censées protéger les salariés.
5/25 Un travail temporaire à risque En plus de la flexibilité qu’il apporterait aux entreprises, le travail temporaire (contrat à durée déterminée 1) est souvent justifié parce qu’il offrirait une expérience sur le marché du travail et un tremplin vers le travail à durée indéterminée, source de stabilité pour le travailleur et son ménage. Jetons-y un œil… Quelle est l’ampleur du phénomène au Luxembourg et qui concerne-t-il ? Proportion du travail temporaire Depuis 2003, la proportion du travail temporaire parmi les salariés résidents de 15 à 64 ans a connu une forte progression (+ 190%), en dépit de la baisse qui s’est produite entre 2015 et 2017 et de son caractère relativement limité – mais en rattrapage - en comparaison européenne (9%, soit un stock de 21.900 salariés résidents, contre 16% en zone euro). Ce quasi triplement de la part du travail temporaire hors salariés frontaliers constitue la plus forte progression à travers l’Union européenne. Source : Eurostat ; EFT = enquête sur les forces de travail (rupture de série pour le Luxembourg en 2007, 2009 et 2015) et ESS = enquête sur la structure des salaires Si la rupture économique de 2009 peut sans doute expliquer en partie ces évolutions, elle n’explique cependant pas tout, étant donné que les tendances relevées ci-avant ont débuté bien avant la crise ; le mouvement de l’emploi temporaire a commencé en réalité dans le milieu des années 1990 : le taux de croissance annuel moyen de l’emploi temporaire est passé de 0,2% avant 1995 à 8,6% depuis 1996. 1 Selon Eurostat, « un emploi peut être considéré comme temporaire si employeur et employé s’accordent sur le fait que son terme est déterminé par des conditions objectives comme une date spécifique, la réalisation d’une tâche ou le retour d’un autre employé qui été remplacé de manière temporaire (généralement précisé dans un contrat à durée déterminée) ». Parmi les cas typiques, on trouve les : « a) personnes ayant un contrat de travail saisonnier ; b) personnes engagées par une agence ou un bureau de placement et embauchées par une tierce personne pour effectuer une tâche spécifique (excepté en cas de signature d’un contrat à durée indéterminée) ; c) personnes ayant des contrats de formation spécifiques » et, plus typiquement pour le Luxembourg, également les intermittents du spectacle, les étudiants, les chargés d’éducation, les chercheurs et enseignants- chercheurs ou les personnes en mesure d’insertion de l’ADEM (CAE, CIE, stages de réinsertion…).
6/25 Emploi temporaire au Luxembourg (milliers, 1983-2017) 25,0 20,0 15,0 10,0 5,0 0,0 1983 1985 1987 1989 1991 1993 1995 1997 1999 2001 2003 2005 2007 2009 2011 2013 2015 2017 Source : Eurostat, EFT On se souviendra que les années 1980 et 1990 se sont caractérisées à l’échelle européenne par une vague de réformes des législations du travail en vue de flexibiliser le marché de l’emploi dans une tentative d’enrayer une forte progression du chômage devenu structurel. Or, ces réformes ont avant toute chose visé les contrats temporaires, comme le montrent les données de l’OCDE portant sur la rigueur de la protection de l’emploi dans l’UE-14 (seuls pays européens pour lesquels les données historiques sont disponibles). Évolution du degré de protection de l’emploi Évolution du degré de protection de l’emploi 2013/1985 2013/1985 (contrats permanents) (contrats temporaires) 6 6 IT 5 PT 5 DE GR BE 4 4 SE ES ES PT DK 1985 FR 1985 3 GR AT SE NL 3 IT FI FR DE DK 2 2 BE IE NL AT FI 1 UK 1 UK IE 0 0 0 1 2 3 4 5 6 0 1 2 3 4 5 6 2013 2013 Note : selon l’OCDE, plus l’indice (ici en sa version 1) est élevé, plus la législation nationale serait stricte. Le positionnement sur la bissectrice indique un statuquo législatif entre les deux dates. Les données pour le Luxembourg n’existe pas avant 2008 et se maintiennent à 2,25 pour les CDI et à 3,75 pour les CDD. Source : OCDE On constate en effet que la protection de l’emploi permanent est restée relativement inchangée entre 1985 et 2013 dans l’UE-14, à l’exception par exemple du Portugal et de l’Espagne où la législation s’est assouplie. En revanche, la législation portant sur les contrats temporaires a connu une évolution pratiquement généralisée entre quelques pays qui l’ont renforcée et la majorité qui ont flexibilisé le recours aux CDD par deux canaux : l’assouplissement des dispositions relatives soit au CDD même, soit à l’accès aux agences de travail temporaire. Ces évolutions se sont d’ailleurs produites en deux temps : alors que le gros des réformes du contrat temporaire a été réalisé dans la première partie de période entre 1985 et 2000, suivi par un ralentissement entre 2000 et 2013, les mouvements de flexibilisation des CDI ont davantage eu lieu dans la seconde période. Ces réformes menées au cours des années 1990 ont ainsi conduit à segmenter quelque peu le marché
7/25 du travail et permis aux employeurs de privilégier à l’embauche d’un salarié en CDI (au coût élevé de séparation potentielle) la rotation de plusieurs emplois à durée déterminée à coût de séparation nul ; ceci s’opère alors au détriment des salariés qui occupent ces postes temporaires et qui se retrouvent enfermés dans le segment précarisant d’un marché du travail dual duquel ils peinent à sortir. Nationalité Il est notable que, parmi les résidents, l’on est davantage susceptible d’être en emploi temporaire si l’on ne dispose pas de la nationalité (10,4%) que si l’on est de nationalité luxembourgeoise (7,5%). Frontaliers Les statistiques relatives à l’emploi tirées des enquêtes annuelles sur les forces de travail (EFT) ont le désavantage d’exclure les frontaliers, soit 45% des salariés. En travaillant avec l’enquête quadriennale sur la structure des salaires (ESS) qui intègre les non- résidents et permet ainsi de scruter le marché du travail dans son ensemble, on observe toujours à l’aide du premier graphique relatif à la proportion des temporaires que, à l’instar de l’année 2014 où l’écart était de 1,2 point de pourcentage, la série tirée de l’ESS est toujours supérieure à celle de l’EFT. Ainsi, pour l’année 2014, l’emploi temporaire chez les résidents, qui s’élève à 8% selon l’EFT, monte à quelque 9% avec l’ESS, respectivement à 9,2% en incluant les frontaliers (27.859 salariés), soit une hausse de la part des temporaires de 76,9% depuis 2002. Cet ordre de grandeur et la tendance à la hausse de l’emploi temporaire sont confirmées par les données de l’IGSS portant sur la période 2009-2017, toutes zones de résidence confondues 2 (cf. aussi l’encadré ci-après). Types de contrat Grâce à l’enquête sur la structure des salaires ou au recensement de l’IGSS qui incluent tous deux les frontaliers, on peut distinguer trois types de contrat à durée déterminée sur ces 9,2% d’emplois salariés temporaires : l’apprentissage ou stage (0,9 point du total), l’intérim (3,2 points) et les autres CDD (5,1 points). Autrement dit, 10% de l’emploi temporaire relevaient de l’apprentissage, 35% de l’intérim et 55% des autres CDD en 2014 (respectivement 11, 26 et 63% en 2017). 2 Les données de l’IGSS ont pour particularité de ne pas offrir une moyenne annuelle mais un instantané au 31 mars de chaque année sur une période moins longue que dans les enquêtes européennes. En 2017, étaient dénombrés au 31 mars 33.890 salariés en emploi temporaire, soit 8,3% des salariés contre 35.380 unités et 8,4% en 2018. De manière générale, les données au 31 mars 2018 de l’IGSS, que nous laissons de côté dans la présente analyse, ne changent pas la donne en termes de tendances décrites.
8/25 Évolution et poids des types de contrat temporaire (% de l'emploi salarié, ESS) 10 9,2 9,2 9 8 7,3 7 6 5,1 5 4,8 3,9 4 3,5 3,2 3 2,4 2 1,1 0,9 0,9 1 0 Apprentis Intérimaires Autres CDD Total 2006 2010 2014 Source : Eurostat, Statec (ESS 2014) Depuis 2006, l’apprentissage dans l’emploi salarié a baissé (- 18%), tandis que la part de l’intérim a progressé (+ 33%) avec celle des autres CDD (+ 26%) ; les données de l’IGSS confirment à nouveau cette tendance pour la période 2009-2017, avec une plus forte dynamique du côté des CDD (respectivement - 11,0%, + 33,8% et + 48,3%). Emploi temporaire et frontaliers Les premiers résultats de la vague 2014 de l’ESS publiés par le Statec montrent une présence relativement constante des frontaliers dans l’emploi temporaire local. Ainsi, les frontaliers français (12%) sont largement au-dessus de la moyenne de 9,2%, tandis que les Allemands et les Belges se situent largement sous cette dernière. Ces données globales selon le pays de résidence sont pratiquement inchangées depuis 2010 (9% de temporaires pour les résidents, 13% pour les frontaliers français et 6% pour les Belges et les Allemands). Source : Statec, ESS 2014 Mais l’autre enseignement intéressant est celui de la composition du travail temporaire chez les résidents et les frontaliers. C’est chez les résidents que les CDD sont les plus fréquents (6%), particulièrement chez les salariés non luxembourgeois, alors que le taux de CDD chez les frontaliers ne varie que de 3,4% pour les Allemands à 4,2% pour les Français.
9/25 Les apprentis se dénombrent avant tout parmi les résidents, même si l’Allemagne, dont le système d’apprentissage est le plus développé, contribue à l’emploi temporaire des non-résidents. En revanche, l’intérim est largement plus présent chez les frontaliers que chez les résidents, à l’exception de l’Allemagne (jusqu’à 7,6% pour ceux qui résident en France selon l’ESS). Les données de l’IGSS qui sont plus proches de nous dans le temps confirment dans les grandes lignes cette répartition de l’emploi temporaire. En zoomant sur le seul intérim avec les données de l’IGSS, on s’aperçoit que, en moyenne entre 2010 et 2017, 92% des intérimaires résidents ne disposent pas de la nationalité luxembourgeoise. Les frontaliers français sont très présents dans le secteur, bien qu’ayant cédé un peu de terrain ; ils représentent en moyenne entre 2010 et 2017 56,8% des intérimaires, pour seulement 8,5% du côté des frontaliers belges, 3,7% du côté allemand et 31% pour les résidents. % DES I N TÉR I MA I RES SEL ON L E PAYS DE R ÉSI DEN CE ( A U 3 1 MA R S) Allemagne Belgique France Luxembourg 70,0% 64,2% 60,0% 57,3% 50,0% 40,0% 30,0% 30,0% 25,6% 20,0% 10,0% 7,4% 9,0% 0,0% 2,8% 3,7% 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 Source : IGSS, au 31 mars Si les frontaliers sont donc surreprésentés parmi les intérimaires (plus de 3% des salariés contre 1% chez les résidents en 2017) sous l’influence des frontaliers français (57% du total en 2017), le cas inverse est vrai pour les CDD (et l’apprentissage) ; les résidents y représentent 63,5% du total des CDD en 2017, avec une prépondérance des non-nationaux. Globalement, les résidents se trouvent légèrement plus affectés par toutes ces formes d’emploi temporaire que les non-résidents. Genre Selon l’EFT, le statut de salarié en emploi temporaire concerne de manière équivalente à la fois les femmes et les hommes résidents (9,3% pour 8,7%) ; or, si la situation respective de chacun est relativement proche en 2017, les premières sont néanmoins désavantagées en moyenne de long terme (7,7% contre 6,3%). Nonobstant, ce sont les hommes qui ont récemment connu la plus forte progression annuelle moyenne de leur ratio (+ 5,2% contre 1,8% pour les femmes depuis 2010). Les données de l’IGSS qui incorporent les non-résidents confirment par ailleurs cette situation dans les grandes lignes.
10/25 Âge En regardant la situation en 2017 à travers le prisme de l’âge à l’aide des données de l’IGSS, on observe que la question concerne davantage les jeunes de 15 à 24 ans (44% des salariés de cette tranche) que les classes d’âge moyen 25-54 ans (6,8%) ou plus avancé de plus de 54 ans (3,6%), ce que l’EFT corrobore de son côté. Part des salariés en emploi temporaire selon l'âge (en %, I GSS) 50,0% 5% 4,1 45,0% 43,9% 4% 40,0% 4% 3,1 35,0% 2,7 3% 30,0% 3% 25,0% 2% 20,0% 2% 15,0% 1% 10,0% 6,8% 5,0% 3,6% 1% 0,0% 0% 15-24 ans 25-54 ans plus de 54 ans 2017 variation annuelle 2009-2017 (échelle de droite) Source : IGSS, au 31 mars Toutefois, la progression connue par ces différentes tranches d’âge depuis 2009 est remarquablement plus forte chez les plus de 54 ans (+ 38% en huit ans, soit 4,1% par an) que chez les 25-54 ans (+ 23,6%) ou les 15-24 ans (+ 27,7%). Les données de l’EFT sur les seuls résidents procurent une même dynamique mais avec un écart plus marqué entre les seniors et les plus jeunes ; le gros de la progression de l’emploi temporaire chez les jeunes résidents s’est en réalité produit entre 1996 et 2009, et tout particulièrement depuis 2003, comme l’avait illustré le « Regards » 16/2010 du Statec. Tant l’ESS que l’IGSS nous enseignent en outre que, chez les jeunes salariés, la majeure partie des emplois temporaires (56%) sont occupés sous la forme du CDD, pour 31% d’apprentissage et 13% d’intérim. Si plusieurs explications peuvent être avancées sur la prépondérance du travail temporaire chez les jeunes (l’apprentissage largement dominé par les jeunes travailleurs, débuts dans la vie active - de plus en plus - souvent par des remplacements à durée déterminée ou tentative d’insertion par le biais des mesures à durée déterminée de l’ADEM), il conviendra de s’interroger sur l’accélération récente de l’emploi temporaire chez les plus âgés et de vérifier si elle constitue une nouvelle tendance 3. Qualifications Autre caractéristique du travail temporaire, celle de la qualification, alors qu’il affecte plus fortement les travailleurs peu qualifiés (15% d’entre eux), d’abord par le biais de l’intérim et des CDD, à l’inverse des salariés les plus qualifiés (6%). 3 À titre d’exemple, on peut mentionner à l’aide des données de l’IGSS que, du côté des seniors en CDD, ce sont les résidents non luxembourgeois d’au moins 55 ans qui ont connu la plus forte hausse relative, suivis des frontaliers belges de 55-59 ans, des frontaliers français et belges de plus de 60 ans. Du côté de l’intérim chez les seniors, ce sont également les résidents non luxembourgeois de plus de 55 ans suivi des frontaliers belges de la tranche des 55-59 ans qui ont vu leur population croitre le plus rapidement. Ensemble, toutes ces catégories représentent 63% de la hausse des emplois temporaires chez les seniors. De même, avec l’aide de l’ADEM, on observe par exemple que le nombre de mesures d’insertion occupées par les plus de 45 ans a cru de 187% entre le 31 mars 2009 et le 31 mars 2017, si bien que la part de cette classe d’âge dans la population en mesure est passée de 19 à 30%.
11/25 Source : Statec (ESS 2014) Hors frontaliers, l’EFT témoigne aussi d’une présence plus forte en 2017 de travail temporaire parmi les moins qualifiés (13,1%), suivis cette fois des plus qualifiés (9,3%) et des moyennement qualifiés (6,9%). Professions On ne sera dès lors pas étonné de voir apparaître des taux plus importants de travailleurs temporaires résidents d’abord dans les professions dites élémentaires (13%), suivies des commerçants, vendeurs et des personnels au service direct des particuliers avec les professions intermédiaires qui ferment la marche en 2017. SA L A R I ÉS EN EMPL OI TEMPOR A I R E PA R CATÉGOR I E PR OF ESSI ON N ELL E (%, EF T) % des salariés dans la profession % des salariés temporaires 34,7% 14,6% 13,0% 12,3% 11,9% 10,0% 9,6% 9,2% 8,7% 7,7% 7,6% 6,6% 5,9% 5,6% 5,5% 3,2% P R O F E S S I O NS P ERSONNEL D ES EM P L OYÉS D E P R O F E S S I O NS M ÉTI ERS C O N D U C T E UR S P R O F E S S I O NS D I R E C T E U RS , A G R I C UL T E U RS E T P R O F E S S I O NS SA NS RÉP ONSE É L É M E N T A IR E S S E R V I C ES D I RE C TS TY P E I N T E L L E C T UE L L E S Q U A L IF IÉ S D E D ' I N S T A L L A T I O NS I N T E R M É DI A IR E S C A DRES DE OUV RI ERS M I L I T A IR E S AUX A D M I NI ST R A T IF E T S C I E N T I FI Q UE S L ' I N D US T RI E E T DE E T D E M A C HI NE S , D I REC TI ON ET Q U A L IF IÉ S D E P A R T I C UL I ER S , L ' A R T IS A N A T E T O U V R I E RS D E GÉRA NTS L ' A G RI C U L T UR E, C O M M E RÇ A NT S E T L ' A S S EM B L A GE DE LA V ENDEURS S Y L V IC U L T U RE E T DE L A P ÊC HE Source : Eurostat, EFT
12/25 Si l’ESS 2014, frontaliers compris, indiquait que certains directeurs, cadres et gérants pouvaient être occupés en emploi temporaire (1%), l’EFT portant sur les résidents ne semble plus en trouver de traces en 2017. Par comparaison, l’ESS indiquait aussi qu’en 2014, les salariés actifs dans les statuts professionnels élémentaires, résidents et frontaliers, étaient occupés à 19% en emploi temporaire, dont 11,4% en CDD et 7,6% en intérim, et se trouvaient aussi en tête de classement. Notons encore sur le graphique précédent que, parmi les professions intellectuelles et scientifiques, 7,7% des salariés sont en CDD, ce qui représente en fait 35% de l’emploi salarié temporaire total. Branches d’activités Les données de l’ESS permettent de se faire une idée de la présence des emplois temporaires par branche d’activités. Ainsi, ce serait le secteur de la santé et de l’action sociale qui affiche la plus grande proportion de salariés en CDD (9,6%), l’industrie manufacturière fermant la marche (3,4%) derrière la construction et le transport. C’est le commerce/automobile qui dispose du plus haut taux d’apprentis. Les activités de services administratifs et de soutien emploient, abstraction faite de l’intérim, 5,7% de temporaires ; l’intérim passe en effet par ce secteur, qui abrite les agences d’intérim et est fournisseur de main-d’œuvre redistribuée dans les différentes branches, si bien que le taux de temporaire s’élèverait à 42% dans les activités de services aux entreprises si l’on n’isolait pas cette forme de contrat à durée déterminée. Salariés en emploi temporaire par branche d'activité (% des salariés, ESS) CDD Apprentis Intérim (éch. de droite) 12,0% 40% 36% 35% 10,0% 9,6% 9% 30% 8,3% 8,0% 25% 6% 6,0% 5,80% 5,7% 20% 5,3% 4,4% 4,2% 15% 4,0% 3,9% 4,0% 3,6% 3,5% 3,4% 10% 2,0% 5% 0,0% 0% Santé humaine Enseignement Ensemble de Arts, spectacles Administration Activités de Commerce; Information et Hébergement Activités Autres activités Transports et Construction Industrie et action sociale l'économie et activités publique services réparation communication et restauration financières et de services entreposage manufacturière récréatives administratifs d'automobiles d'assurance et de soutien et de motocycles Source : Eurostat, Statec (ESS 2014) Ces informations sont difficilement comparables aux données historiques. On peut toutefois noter que l’enseignement, que le Statec place à 9%, a affiché en 2006 le plus haut taux de CDD (24%) devant le secteur de la santé et de l’action sociale (8,9%). Ce dernier semble donc avoir stabilisé son taux de temporaires, à l’instar de la construction et de l’hébergement/restauration, alors que le commerce/automobile voit son taux progresser de 1,7 point sur la période.
13/25 Si l’on observe cette fois la dynamique du recrutement hors intérim dans les secteurs sur un passé très récent à l’aide du Tableau de bord du marché de l’emploi (IGSS/RETEL), le paysage change légèrement. Certaines branches opèrent des recrutements en CDD supérieurs à la moyenne, comme les activités de services et de soutien aux entreprises (hors intérim) et l’Administration publique (essentiellement dans l’enseignement). D’autres sont moins promptes à l’embauche de CDD à l’instar de l’Horesca. Comparaison du recrutement en CDD non intérimaires dans les secteurs entre la période du 31 janvier 2017 au 31 janvier 2018 et du 31 mars 2014 au 31 mars 2015 45% 43% 43% 42% 41% 40% 40% 35% 35% 33% 33% 32% 31% 30% 30% 29% 26% 25% 25% 23% 23% 23% 23% 22% 20% 20% 20% 19% 15% 10% 5% 0% Activités de services Administration Santé humaine et Commerce/autom obile Transports et Industrie Activités financières et Hébergement et Construction Activités spécialisées, Information et administratifs et de publique action sociale entreposage manufacturière d'assurance restauration scientifiques et communication soutien techniques % des recrutements en CDD dans le secteur 2018/2017 % du recrutement en CDD dans le secteur 2015/2014 Moyenne 2017-2018 et 2014-2015 Source : IGSS/RETEL L’illustration précédente porte sur les principales branches pourvoyeuses d’emplois, mais d’autres branches avec des réservoirs d’emploi moindres peuvent jouer davantage encore la carte des CDD. % des recrutements en CDD 2017-2018 par secteur Activités Eau, assainissement, extraterritoriales 72% déchet 20% Enseignement privé 64% Electricité, gaz, vapeur, air 16% Arts, spectacles et activités récréatives 48% Activités immobilières 13% Ménages en tant Industrie extractive 33% qu'employeurs/producteurs 1,6% Agriculture, sylviculture et pêche 30% Non déterminé 9,2% Autres activités de services 27% Source : IGSS/RETEL
14/25 Quelles sont les perspectives des salariés en CDD ? Raisons Les raisons pour lesquelles les salariés résidents consentent à occuper un emploi temporaire évoluent fortement au cours du temps : l’impossibilité de trouver un emploi permanent prend l’ascendant sur les autres raisons invoquées en grimpant à 57% des situations, tandis que le choix volontaire se stabilise autour de 6,5% et que le recours à une période d’essai à travers le contrat temporaire ou l’accomplissement d’une formation reculent. Source : Eurostat, EFT Salaire En partie du fait du profil que l’on vient de dresser, le salaire des personnes en emploi temporaire est inférieur à celui des emplois permanents. Le CDI luxembourgeois est d’ailleurs à la fois supérieur (102%) à la moyenne (59.744 €) et la médiane 4 (47.624 €) des revenus des salariés. Le salarié en CDD hors apprentis gagne en moyenne, abstraction faite des primes annuelles, un bon tiers de moins (39.880 €) qu’un salarié en CDI (60.932 €) en 2014. Si un apprenti émarge en moyenne à 16.653 € (27% du CDI), l’intérimaire gagne 58% du revenu du travailleur permanent (35.544 €) 5. 4 On rappellera que la moyenne est la valeur de chaque élément d’un ensemble (ici le revenu des hommes ou femmes), s’approchant de la valeur fictivement la plus répandue dans le groupe, alors que la médiane est la valeur centrale de la distribution des revenus (des hommes ou femmes) entre les 50% des revenus les plus élevés et les 50% les moins élevés dans le groupe. 5 Le salaire minimum était alors de 23.052 euros et son pendant pour les salariés qualifiés de 27.663 euros.
15/25 Source : Statec (ESS 2014), données en équivalent temps plein Si l’on compare cette situation à celle qui prévalait en 2006 à l’aide des données disponibles, il apparaît que l’écart entre les CDD et les CDI se creuse : en 2006, le salarié engagé à durée déterminée gagnait seulement 26% de moins que le salaire médian d’un salarié en emploi permanent (Statec). En prenant en compte les primes annuelles de chacun, le différentiel s’agrandit en défaveur des travailleurs temporaires ; cet écart négatif qui compte déjà parmi les plus importants hors primes devient donc, primes incluses, le plus grand d’Europe, alors que, dans quelques pays, ce salaire peut être supérieur à celui du CDI. Salaire moyen des CDD en % du salaire moyen des CDI 140,0% 120,0% 100,0% 80,0% 72,3% 61,2% 60,0% 40,0% 20,0% 0,0% Malte Slovaquie Autriche Suède Estonie Suisse Finlande Roumanie Islande Bulgarie Lituanie Danemark Grèce Royaume-Uni Norvège Allemagne Espagne Zone euro Pays-Bas Croatie France Chypre Slovénie Italie République tchèque Belgique Irlande Lettonie Portugal Hongrie Pologne Union européenne Luxembourg Source : Eurostat, ESS (2014) ; en équivalent temps plein, hors apprentis et administration publique, primes annuelles comprises Selon Eurofound 6, même si l’on compare des salariés en CDI d’une ancienneté maximale de deux ans avec les travailleurs temporaires, ces derniers restent défavorisés par rapport aux premiers ; est ainsi écartée l’hypothèse que ce serait l’ancienneté des salariés en emploi permanent qui expliquerait ce différentiel salarial négatif. La même Fondation européenne a en outre montré que le différentiel de salaire est généralement plus marqué dans le bas de la distribution des salaires que dans les quintiles supérieurs. Ainsi, le Luxembourg fait même partie des huit pays européens où l’écart entre CDD et CDI est non plus négatif 6 Recent developments in temporary employment : employment growth, wages and transitions, 2015
16/25 mais bien positif pour le quintile de revenu supérieur (5e quintile), c’est-à-dire que les salariés en emploi temporaire gagnent davantage que les emplois permanents dans cette tranche supérieure de revenus 7 (contrairement à ce qui se produit dans la tranche inférieure de revenus du 1er quintile). Différentiel salarial entre les salariés en CDD et en CDI Source : Eurofound, op.cit. (2010) C’est aussi au Luxembourg que l’on trouve les contrastes les plus saisissants entre la distribution en quintiles de revenus des salariés temporaires et celle des salariés permanents. Ainsi, alors qu’au Luxembourg la distribution des CDI en quintiles colle à la moyenne européenne (près de 40% des salariés en emploi permanent se retrouvent dans les 1er et le 2e quintiles contre quelque 22% dans le 5e quintile), le pays se singularise nettement en matière de salariés en CDD : quelque 75% des temporaires sont logés dans les deux premiers quintiles (deuxième plus haut taux d’Europe) contre seulement moins de 5% dans le 5e quintile 8. 7 On peut sans doute penser aux enseignants-chercheurs, aux chargés d’éducation ou encore à divers types de consultant. À noter que lorsque l’on ajuste et contrôle ce différentiel salarial entre CDI et CDD à l’aide de différentes caractéristiques sociodémographiques, liées à l’emploi occupé ou à l’entreprise occupante, l’écart salarial total se maintient dans une moindre ampleur. Néanmoins, s’il se réduit légèrement en bas de la distribution de revenus, il s’accroît fortement en haut de la distribution dans plus de la moitié des pays, y compris au Luxembourg (près de 15% contre moins de 10% en faveur des temporaires au 5e quintile). 8 Pour rappel, au Luxembourg, la valeur limite supérieure des 1er et 2e quintiles est actuellement respectivement de 21.969 et de 29.289 euros, tandis que le seuil d’entrée dans le 5e quintile est de 52.337 euros (Eurostat, 2016).
17/25 Distribution des salariés en quintiles de salaire Source : Eurofound, op.cit. (2010) Par ailleurs, on notera incidemment que, ici aussi, les habituels écarts entre hommes et femmes persistent en défaveur des secondes. En effet, au Luxembourg, correction faite des effets du temps de travail, les femmes en emploi temporaire gagnent en moyenne de 9 à 17% de moins que les hommes. Toutefois, lorsque l’on compare leur médiane respective, un léger rééquilibrage se produit au niveau des autres CDD et des intérimaires qui gagnent seulement de 3,5 à 12,5% de moins par rapport à la médiane masculine. Différences de revenu femmes/hommes Salaire moyen Salaire médian Apprentis 87,6% 85,0% Intérimaires 83,1% 87,5% Autres CDD 91,8% 96,5% CDI 93,6% 105,5% Total 93,9% 105,1% Source : Statec, ESS (2014) Si la médiane des salaires des femmes en autres CDD est pratiquement égale aux salaires des hommes, les femmes en emploi permanent disposent de leur côté d’un revenu équivalent à 105% du revenu médian masculin, ce qui porte le total pour l’ensemble des femmes en emploi temporaire et permanent à 105% (49.089 € contre 46.692 €) ; en moyenne, ce total retombe pourtant à 94% 9 (taux d’ailleurs contenu par les CDI, forme la plus répandue de contrat). Ceci illustre le fait souligné par le Statec qu’à la fois « dans le bas et le haut de la distribution des salaires, les hommes ont des salaires plus élevés que les femmes, alors que dans les salaires du milieu 9 Selon le Statec, l’écart salarial entre femmes et hommes ainsi observé (-6%) est au Luxembourg le plus bas de l’Union européenne avec celui de la Roumanie.
18/25 de la distribution [5e, 6e 7e déciles], il y a un avantage en faveur des femmes ». Les hommes progressent plus haut que les femmes, et leur moyenne est ainsi tirée vers le haut par leurs salaires élevés (61.182 € contre 57.459 €). Alors que l’on raisonne en équivalent temps plein, le positionnement des femmes en termes de branches d’activité ou de profession joue un rôle influent 10. Risque de pauvreté au travail En outre, le risque que le salarié occupant un emploi temporaire encourt d’être confronté à la pauvreté est, avec 25,6%, de huit points supérieur à la moyenne européenne et 2,5 fois plus élevé que pour le salarié en emploi permanent au Luxembourg. Source : Eurostat, Enquête communautaire sur les revenus et les conditions de vie - ECRCV (EU-SILC) Perspectives Or, force est de constater que les perspectives des travailleurs temporaires de sortir de leur emploi précaire se sont notablement dégradées : alors qu’ils étaient 36% des salariés résidents en emploi temporaire à se maintenir dans ce type de contrat en 2006, ils sont désormais 49% 11. La transition vers l’emploi permanent s’est également ralentie, avec seulement 34% des temporaires qui peuvent accéder à un CDI l’année suivante, tandis que la transition vers le chômage et l’inactivité restent stables (17% au total). A contrario, on note que la fréquence de transition d’un CDI vers un CDD est pratiquement inexistante (1,4% en moyenne) pendant que le taux de transition des CDI vers le non- emploi (chômage + inactivité) ne s’élève qu’à 5% en moyenne. 10 Toujours selon le Statec, les femmes sont ainsi davantage « concentrées dans les activités où les salaires médians sont plus élevés, tels la santé, l’enseignement, les activités financières. Ceci explique que le salaire médian des femmes prises dans leur ensemble soit plus élevé que celui des hommes, alors que dans la plupart des branches prises individuellement, ce soit le contraire » (paradoxe de Simpson). 11 La zone euro est passée de 55,7% en 2008 à 59,8%.
19/25 Luxembourg 2006-2016 : transition de l'emploi temporaire (% des salariés en emploi temporaire) 60,0 50,0 46,6 49,2 40,0 36,2 34,0 30,0 20,0 10,4 10,0 10,9 6,6 5,7 0,0 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 Transition vers le chômage Transition vers l'inactivité Transition vers un emploi permanent Transition vers un emploi temporaire Source : Eurostat, ECRCV En moyenne depuis 2006, il ne semble guère y avoir de relation entre la très conjoncturelle croissance de l’emploi et la fréquence des transitions en provenance d’un emploi à durée déterminée. En revanche, comme illustré ci-dessous, il semblerait que plus le travail temporaire est minoritaire sur le marché de l’emploi (et le CDI donc la norme), plus la fréquence des transitions vers l’emploi permanent est élevée. Part de CDD 2006-2015 et transition CDD/CDI 2007-2016 70,0 % de CDD en transition vers un CDI 60,0 RO UK 50,0 EE LV IS LT AT SK NO 40,0 BE HU SE SI BG CZ DK HR DE 30,0 LU CH MT FI EU28 PT CY NL PL 20,0 IT Z€ EL ES 10,0 FR 0,0 0,0 5,0 10,0 15,0 20,0 25,0 30,0 % de salariés en CDD Source : Eurostat, EFT et ECRCV Si le Luxembourg compte relativement peu de CDD parmi ses salariés, notamment par rapport à la moyenne européenne, il connaît néanmoins aussi une relative faiblesse quant à la fréquence à laquelle les emplois temporaires transitent globalement vers les emplois permanents. Douze pays ont réussi à améliorer leur moyenne sur cette période ; l’espoir de la personne en emploi temporaire de transiter vers un CDI s’est amenuisé au Luxembourg, avec un seul temporaire sur trois qui y aboutit. Y aurait-il là un danger pour les travailleurs temporaires au Luxembourg de se trouver piégés dans une trappe à précarité les privant de l’accès à des bonnes conditions d’emploi que peut offrir un emploi permanent ?
20/25 Durée des contrats Il est également possible de suivre l’évolution de la durée des contrats temporaires. Les personnes en emploi temporaire seront davantage précarisées lorsqu’elles exercent des « petits boulots » ou enchaînent des missions de courte durée, à l’instar du « personnel de services directs aux particuliers » 12. En recourant aux données du Tableau de bord du marché de l’emploi qui incluent les frontaliers, le passé très récent est observable : entre 2017 et 2018, ce sont surtout les CDD hors intérimaires d’une durée de plus d’1 mois à 6 mois qui servent aux recrutements temporaires (51%), en tassement par rapport aux 54,4% entre 2015 et 2016. Les contrats de moins d’un mois ont progressé à 20% des nouvelles embauches en CDD (par rapport aux 16,6% entre 2015 et 2016) ; seuls 6% des CDD étaient supérieurs à 12 mois au cours de cette brève période (stable par rapport 2015-2016). Source : IGSS/RETEL Selon l’EFT qui répartit cette fois les CDD des résidents en huit catégories de durée, depuis 2009 qui est la première année commune à toutes les catégories, la progression la plus forte (+ 143%) échoit à la catégorie des contrats les plus courts (moins de 1 mois), suivis des 7-12 mois (+ 133%), des plus de 36 mois (+ 100%) et des 25-36 mois (+ 93%) 13. 12 Salariés d'exécution effectuant un travail généralement manuel en vue de produire des services domestiques ou équivalents destinés aux particuliers dans les domaines tels que le service restauration-hôtelier, les soins personnels, le travail domestique, la conciergerie en dehors des établissements d'enseignement et de santé (INSEE). 13 En prenant comme point de référence 2003, il n’est possible d’observer que quatre sous-catégories de CDD selon leur durée. Ce sont alors les contrats de 19-24 mois qui ont évolué le plus vite (+ 360%) et plus rapidement que la moyenne (+ 305%), suivis des 24-36 mois (+ 263%), des 4-6 mois (+ 250%) et des 7-12 mois (+ 190%) qui sont tous sous la moyenne.
21/25 Évolution des CDD selon leur durée (2009=100) 350 300 243 250 233 200 200 193 150 153 133 119 115 100 50 0 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 Total Moins de 1 mois De 1 à 3 mois De 4 à 6 mois De 7 à 12 mois De 13 à 18 mois De 19 à 24 mois De 25 à 36 mois Plus de 36 mois Source : Eurostat, EFT. À noter qu’Eurostat qualifie les données pour les contrats de moins d’un mois au Luxembourg de peu fiables et qu’il y a eu une rupture de série en 2015 pouvant expliquer en partie la forte hausse cette année-là. Logiquement, les catégories qui ont crû largement plus rapidement que les autres catégories, ont vu leur part dans l’emploi temporaire résident s’accroître également. En dépit de leur forte poussée, les CDD de moins d’un mois restent minoritaires à 8% des temporaires alors que ce sont les 7-12 mois qui constituent, avec un quart des effectifs, la principale catégorie des temporaires. PART DES DIFFÉRENTES DURÉES DE CDD DANS L'EMPLOI TEMPORAIRE RÉSIDENT (2017 - EN %, EFT) De 13 à 18 mois 6% Moins de 1 mois De 7 à 12 mois 8% 26% De 1 à 3 mois 9% De 19 à 24 mois Plus de 36 mois 11% 14% De 4 à 6 mois 13% De 25 à 36 mois 13% Source : Eurostat, EFT Les contrats de 0 à 6 mois représentent 30% du total, pour 43% qui reviennent aux 6-24 mois et 27% à partir de 25 mois. Agrégé différemment, on peut aussi dire que les contrats de 0-12 mois constituent ainsi 56% de tous les CDD des résidents en 2017 contre 44% pour les contrats de 13 à plus de 36 mois 14. Eurostat calcule un taux d’emploi précaire, c’est-à-dire dont la durée ne dépasse pas trois mois. Il s’agit ici évidemment d’une définition de la précarité de l’emploi qui n’engage qu’Eurostat, puisque disposer 14 On se souviendra que certaines catégories de salariés peuvent, le cas échéant, être dans une relation contractuelle supérieure à 24 mois, comme les intermittents du spectacle, les chercheurs, les étudiants, les apprentis.
22/25 d’un contrat d’une durée de 4 à 36 mois ne représente pas forcément un gage sérieux de pérennité ; ce taux d’emploi des 0-3 mois dans le total des emplois calculé par Eurostat pourra ainsi être aisément requalifié d’hyperprécaire. Bien qu’elle y contribue certainement, la précarité se conçoit de manière plus large que par la très courte durée d’un contrat, par exemple à travers l’exclusion sociale telle que la recense la stratégie Europe 2020. L’emploi précaire est plus généralement une forme d’emploi insécurisant, n’offrant aucune garantie, notamment en termes de durée et de stabilité (horizon temporel, revenu et avantages, lien social, accès aux indemnités sociales ou à la formation continue, refus de crédits bancaires…) qui tendra à pousser le salarié qui le subit à faire, sous une forme ou une autre, une demande de soutien social (aux organismes et institutions appropriés) 15. Selon Eurostat, en 2017, 1,5% des emplois résidents dispose d’une durée inférieure ou égale à trois mois, ce qui place le Luxembourg en-dessous du niveau de l’UE (2,3%), de la Belgique (3,9%) ou de la France (5,1%), l’Allemagne se plaçant à 0,4%. Si l’on s’intéresse, non pas à la part de l’emploi précaire dans l’emploi total (comme Eurostat), mais plutôt dans l’emploi temporaire, on observe que ces emplois hyperprécaires ont eu tendance à se maintenir à leur relativement faible niveau, sous l’influence des 1-3 mois qui progressent comparativement très peu depuis 2009, alors que les contrats de moins d’un mois ont connu la plus forte hausse parmi les temporaires au Luxembourg. Part de l'emploi ≤ 3 mois dans l'emploi temporaire 40% 37,3% 35,0% 35% 30,5% 29,8% 30% 25% 20% 16,2% 16,4% 16,2% 14,9% 15% 10% 4,8% 5% 3,1% 0% 2009 2017 Luxembourg France Belgique Union européenne Allemagne Source : Eurostat, EFT Ceci n’est pas forcément le cas chez les voisins, l’Allemagne mise à part (mais pour qui les données portant sur les contrats de 1 à 3 mois manquent), ou dans l’Union européenne. Embauches Pour résumer la dynamique de l’emploi salarié en fonction de la durée du contrat, on peut dire que, quelle que soit la source choisie, les trois séries confirment une tendance nette sur la période qu’elles couvrent : les emplois permanents évoluent relativement largement moins rapidement que les CDD et l’intérim. 15 Dès lors, il faut aussi pouvoir convenir que la limitation temporelle d’un contrat ne provoque pas nécessairement en soi une précarisation certaine, alors que, par exemple, le salarié pourrait être hautement rémunéré dans le même temps et occuper un emploi de qualité dans de bonnes conditions de travail, et ce par choix. De même, le contrat à durée indéterminée n’exclut pas d’office les situations de précarité de l’emploi.
23/25 Évolution des types de contrat salarial 2003-2017 Évolution des types de contrat salarial 2009-2017 (en %, EFT*) (en %, IGSS*) 305,6% 80,1% 350,0% 90,0% 80,0% 300,0% 62,4% 70,0% 250,0% 60,0% 200,0% 50,0% * frontaliers inclus 150,0% * hors frontaliers 40,0% 30,0% 18,6% 100,0% 21,4% 41,4% 32,8% 20,0% 50,0% 8,10% 10,0% 0,0% 0,0% CDD CDI Total CDD Intérim CDI Apprentissage Total ÉVOLUTION DES TYPES DE CONTRAT SALARIAL 2006-2014 (EN %, ESS*) 70,0% 65,4% 60,0% 54,7% 50,0% 40,0% Intérim 33,5% CDD 30,0% Apprentissage 20,0% 21,5% 24,0% 10,0% CDI 0,0% * frontaliers inclus Source : Eurostat (EFT/ESS), Statec (ESS 2014), IGSS (au 31 mars) En dépit de l’accélération relative des contrats temporaires, les embauches restent dominées dans l’absolu par les contrats à durée indéterminée, comme le confirment les trois séries mobilisables. Hors contrats d’apprentissage davantage liés au système d’éducation, les CDI représentent autour de 80% des nouveaux emplois depuis 2002, tandis que les CDD autres que l’intérim contribuent à hauteur de 10 à 13% du total de la création d’emploi contre 5 à 7% du côté du travail intérimaire. Les graphiques suivants illustrent ces développements et la contribution en points de pourcentage des diverses formes de contrat à la croissance nette de l’emploi total. Quelle que soit la source choisie, les trois séries confirment la tendance.
24/25 Contribution à la croissance de l'emploi 2002- Contribution à la croissance de l'emploi 2009-2017 2017 des types de contrat des types de contrat* (points de %, EFT) (points de %, IGSS) 45,0 40,6 + 21,6% 40,0 8,3 35,0 1 30,0 2,9 dont 25,0 CDD CDI CDI CDD 20,0 Croissance totale en % intérim 15,0 32,3 17,7 10,0 5,0 0,0 * hors apprentissage Contribution à la croissance de l'emploi 2006-2014 des types de contrat* (points de %, ESS) 30,00% 25,00% 24,05% 20,00% 20,2 pp 15,00% 10,00% * hors apprentissage 5,00% 2,3 pp 1,6 pp 0,00% TOTAL DURÉE INDÉTERMINÉE DURÉE DÉTERMINÉE INTÉRIM Source : Eurostat (EFT/ESS), Statec (ESS 2014), IGSS (au 31 mars) En recourant aux données du Tableau de bord du marché de l’emploi, il est possible de zoomer sur le détail des recrutements au cours d’un passé très récent. Entre les 31 janvier 2017 et 2018, les 154.990 nouveaux recrutements de salariés ont été réalisés pour 56% au moyen de CDI contre 44% par le biais de contrats temporaires à hauteur de 21 points de pourcentage sous la forme intérimaire et 23 points à l’aide d’un CDD. Nouvelles embauches entre les 31 janvier 20017 et 2018 Création nette d'emplois entre les 31 janvier 20017 et 2018 180000 18000 160000 16000 140000 14000 31,5% 120000 12000 100000 56% Emplois en CDI 10000 CDI Emplois en CDD CDD 80000 8000 Inétirm Emplois intérimaires 60000 6000 58,8% 23% 40000 4000 20000 2000 21% 9,7% 0 0 Source : IGSS/RETEL Toutefois, en termes de création nette d’emplois, en tenant compte des fins de contrat, la plus grande contribution aux 16.660 nouveaux emplois sera venue des CDD (58,8%) puis des CDI (31,5%) et enfin de l’intérim (9,7%). Si l’on élargit un peu l’angle rétrospectif, entre les données disponibles les plus anciennes (31 mars 2014) et les plus récentes (31 janvier 2018), la contribution à la hausse des recrutements (+ 25%) est fournie par les CDI à hauteur de 13 points de pourcentage, des contrats intérimaires pour 7 points et des CDD avec 5 points.
25/25 Quelques conclusions en matière de contrats temporaires au Luxembourg Le travail intérimaire devient de plus en plus fréquent au Luxembourg au fil des années. S’il peut afficher une certaine sensibilité aux cycles économiques, avec une recrudescence en période d’incertitude ou de crise, le mouvement constitue toutefois une vague de fond depuis le milieu des années 1990 sous l’impulsion des inclinaisons politiques à la flexibilisation de l’emploi et à l’assouplissement du marché du travail. Dans certains cas, le travail temporaire, à l’instar du travail intérimaire, offre possiblement un tremplin aux salariés afin qu’ils s’insèrent définitivement dans le marché de l’emploi, mais il reste néanmoins caractérisé avant tout par une très grande précarité ; il n’y a donc pas lieu de le promouvoir davantage comme instrument de la politique de l’emploi. La fréquence des transitions d’un CDD vers un CDI est en effet moins élevée qu’auparavant, la persistance dans l’emploi temporaire s’étant donc renforcée. L’emploi temporaire qui est en outre dorénavant largement subi offre globalement une rémunération plus faible que l’emploi permanent et fait peser un risque accru de pauvreté monétaire sur le salarié. La flexibilité de l’emploi et la dérégulation du marché réclamées par certains acteurs n’est pourtant pas déterminante du niveau général de l’emploi qui dépend essentiellement du niveau d’activité. À ce titre, le recours au CDD constitue davantage un effet d’aubaine pour les employeurs qui réclament de la flexibilité et pour qui l’emploi temporaire réduit en réalité les coûts potentiels d’ajustement de l’emploi. Pourtant, à moyen ou long terme, le CDI devient d’autant plus largement favorable à l’employeur qui aura investi dans la formation de son salarié que ce dernier acquiert davantage d’expérience et de know-how le rendant encore plus productif. L’emploi temporaire représente une forme de précarité, et toute augmentation de la précarité conduit à intensifier les flux d’entrée et de sortie du chômage et, par conséquent, à sous-estimer le stock de chômeurs à un moment donné. L’emploi précaire est plus généralement une forme d’emploi insécurisant, n’offrant aucune garantie, notamment en termes de durée et de stabilité (horizon temporel, revenu et avantages, lien social, accès aux indemnités sociales ou à la formation continue, refus de crédits bancaires…) qui tendra à pousser le salarié qui le subit à faire, sous une forme ou une autre, une demande de soutien social (aux organismes et institutions appropriés). Face à ces évolutions, il importe que les institutions compétentes fournissent des données plus fines afin de pouvoir mieux cerner les mécanismes à l’œuvre et de fournir des solutions politiques qui réduiraient pour le salarié les risques de l’emploi temporaire, notamment en renforçant les législations ad hoc qui sont censées protéger les salariés.
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