Aliments protéiques dans les systèmes mixtes intégrés polyculture-élevage en régions tropicales - INRA Productions Animales

 
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Aliments protéiques dans             INRA Prod. Anim.,
                                    2018, 31 (3), 221-236

  les systèmes mixtes intégrés polyculture-
  élevage en régions tropicales
Harry ARCHIMÈDE1, Denis BASTIANELLI2, Audrey FANCHONE1, Jean-Luc GOURDINE1, Louis FAHRASMANE1
1
  INRA, UR143, Unité de Recherches Zootechniques, Guadeloupe, French West Indies
2
  SELMET, CIRAD, INRA, Montpellier SupAgro, 34000, Montpellier, France
Courriel : harry.archimede@inra.fr

„„ Pour les systèmes d’élevage des régions tropicales la complémentation en protéines des rations est un enjeu
peut-être encore plus crucial qu’en régions tempérées. L’utilisation de cultures duales, pouvant être utilisées à la
fois pour l’alimentation de l’Homme et des animaux, offre des perspectives intéressantes comme alternative au
tourteau de soja.

Introduction                                               de travail, production de fumure orga-        monogastriques. Cependant dans cer-
                                                           nique, valorisation de ressources four-       tains agrosystèmes l’utilisation de four-
                                                           ragères, lutte contre l’enherbement.          rages tant pour les ruminants que pour
   La résilience des agrosystèmes tro-                     Les pondérations entre ces différentes        les monogastriques non herbivores a
picaux face aux changements clima-                         fonctions conduisent à des apprécia-          été développée comme alternative au
tiques et leur potentiel à contribuer à                    tions différentes de l’intérêt ou non de      modèle céréale/tourteau afin : i) de valo-
la sécurité alimentaire dépend, en par-                    certaines ressources végétales pour           riser la biodiversité locale; ii) de réduire
tie, du développement de pratiques                         l’alimentation animale. Comme l’animal        la concurrence entre l’Homme et l’ani-
agro-écologiques (Archimède et al.,                        d’élevage, la ressource végétale peut         mal pour l’utilisation des ressources
2014). Certaines de ces pratiques sont                     aussi avoir plusieurs fonctions autres        alimentaires. Les concepts « food-feed »
déjà effectives notamment au sein des                      qu’alimentaire : alicament, plante de         et « food-feed-fuel » (Preston, 2009) ont
Systèmes Mixtes Intégrés Polyculture-                      services (couverture du sol, engrais vert,    émergé avec comme conséquence une
Élevage (SMIPE) (Altieri et Nicholls,                      répulsion des pathogènes…). Parmi             évaluation multicritère des ressources
2012) qui fournissent plus de 60 % des                     ces ressources, les légumineuses, ont         végétales et du fractionnement des
produits animaux dans ces régions                          en plus la caractéristique de pouvoir         récoltes de ressources cultivées, en
(Herero et al., 2010). Cependant, en                       fixer l’azote atmosphérique et le phos-       aliment pour l’Homme, aliment pour
régions tropicales, les profils des agro-                  phore soluble dans le sol, réduisant          l’animal et combustible, permettant
systèmes incluant de l’élevage sont                        leur dépendance aux fertilisant et ren-       une valorisation optimale.
variés : systèmes agroforestiers ali-                      dant les minéraux disponibles pour les
mentaires (ou vivrier), systèmes mixtes                    autres plantes (Bossuet et Vadez, 2013 ;        Des travaux ont été réalisés en zone
polyculture-élevage avec différents                        Schultze-Kraft et al., 2018).                 tropicale sur la valeur alimentaire de
niveaux d’intégration, systèmes spécia-                                                                  nombreuses ressources riches en proté-
lisés d’élevage, etc. Ils produisent une                     L’intérêt et la valeur alimentaire de ces   ines: légumineuses herbacées, feuilles
large gamme de ressources utilisables                      ressources protéiques varient avec leurs      d’arbres et arbustes fourragers, copro-
comme ingrédients énergétiques et/                         caractéristiques intrinsèques (phyto-         duits de cultures, légumineuses à graines,
ou protéiques des rations. Les animaux                     chimie, teneur et digestibilité des proté-    coproduits industriels d’oléo-protéagi-
présents dans ces agrosystèmes ont                         ines, profil en acides aminés…) et celles     neux et de protéagineux, etc. En plus de
des fonctions diverses et fournissent                      des animaux cibles (ruminants vs mono-        ces ressources végétales, d’autres sources
de nombreux services écosystémiques                        gastriques, espèces, stades physiolo-         protéiques ont été étudiées : levures et
(MEA, 2005) : production d’aliments                        giques…). Généralement les ressources         micro-organismes, algues, insectes, vers
protéiques (viande, lait, œufs), force                     les moins fibreuses sont réservées aux        de terre, etc. L’encyclopédie en ligne

https://doi.org/10.20870/productions-animales.2018.31.3.2338                                              INRA Productions Animales, 2018, numéro 3
222 / Harry archimède, Denis bastianelli, Audrey fanchone, Jean-Luc GOURDINE, Louis FAHRASMANE

des aliments Feedipedia (https://www.             sources concentrées de protéines, base           profil en acides aminés des aliments du
feedipedia.org/) présente des données             de la plupart des systèmes intensifs             fait de la synthèse de protéines micro-
qualitatives sur la valeur alimentaire de         dans le monde. Or, si la culture du soja         biennes dans leur tube digestif.
la plupart de ces ressources.                     est efficace dans des régions dont les
                                                  caractéristiques agronomiques sont                   Indépendamment de leur valeur
   Cette synthèse porte principalement            favorables et dans lesquelles la dispo-          nutritionnelle, les ressources protéiques
sur les ressources végétales produites            nibilité foncière est élevée, de nom-            peuvent être classées selon différents
et potentiellement disponibles dans les           breuses ressources ont un potentiel de           critères. Ici, les ressources ont été clas-
Systèmes Mixtes Intégrés Polyculture-             production de protéines relativement             sées sur la base de leurs contributions
Élevage (SMIPE), qui permettent une               élevé comparativement au soja comme              aux principaux services écosystémiques
coexistence synergique entre les                  l’illustre la figure 1.                          rendus par les agrosystèmes. Ces ser-
cultures alimentaires et l’élevage en                                                              vices sont regroupés en quatre catégo-
zone tropicale (Herrero et al., 2010).              La teneur en fibres (NDF, ADF) est             ries (MEA, 2005) : i) approvisionnement
Notre objectif n’est pas de présenter un          un critère discriminant de l’utilisation         (production de nourriture, composés
panorama exhaustif mais de tenter de              efficiente des ressources végétales              biochimiques, matières premières…) ; ii)
dégager des lois générales et des prin-           même quand elles sont très riches en             régulation (régulation des pathogènes
cipes d’utilisation pour les familles de          protéines. Les fibres affectent différem-        et nuisibles, modification du climat…) ;
ressources les plus utilisées, qui seront         ment la digestibilité de la matière orga-        iii) culturel (agrément, (éco) tourisme…) ;
illustrées par quelques exemples. Ces             nique des aliments selon qu’ils soient           iv) auto-entretien (constitution des sols,
ressources ont été choisies car relative-         consommés par des ruminants ou des               recyclage des nutriments…). Une pondé-
ment bien documentées et largement                monogastriques non herbivores. Ainsi,            ration de ces services est toutefois néces-
utilisées en zone tropicale.                      les feuillages sont faiblement digérés           saire dans le contexte de la recherche
                                                  par les porcs. Les monogastriques non            de la souveraineté alimentaire, de lutte
                                                  herbivores sont aussi plus sensibles à           contre le réchauffement climatique et de
1. Typologie et usage                             certains métabolites secondaires aux             la prise en compte des contraintes inhé-
des ressources protéiques                         activités antinutritionnelles. Enfin, il         rentes aux SMIPE des régions tropicales.
                                                  convient d’analyser les ressources végé-
                                                  tales au regard de leur profil en acides            La fonction première des SMIPE est de
  Les ressources protéiques sont sou-             aminés qui diffère inter- et intra-res-          produire des vivres pour l’Homme. Les
vent comparées au soja qui sert de                sources (tableau 1). Sur ce critère, les         aliments spécialisés pour l’animal sont
référence car il est l’une des principales        ruminants sont moins tributaires du              des composantes d’ajustement de ces
                                                                                                   systèmes. Ces systèmes sont plus ou
Figure 1. Productivité (protéines et protéines digestibles, t/ha/an) de certaines
                                                                                                   moins complexes et riches en espèces
ressources tropicales (source Feedipedia. www.feedipedia.org).                                     végétales en fonction des contextes his-
                                                                                                   toriques, pédoclimatiques, socio-cultu-
  6                                                                                                rels. Les systèmes les plus complexes
                                                                                                   se composent de plusieurs strates de
                                                                                                   végétations (arborée, arbustive, herba-
  5
                                                                                                   cée) dont les cycles d’exploitation sont
                                                                                                   infra-annuels à pluriannuels. La dispo-
  4                                                                                                nibilité des biomasses alimentaires les
                                                                                                   plus abondantes, valorisables par les ani-
                                                                                                   maux, est souvent discontinue car calée
  3
                                                                                                   sur les cycles de production des cultures
                                                                                                   vivrières. L’utilisation optimale des « ali-
  2                                                                                                ments » pour animaux nécessite donc la
                                                                                                   mise en place de stratégies de conserva-
                                                                                                   tion, le séchage généralement, pour les
  1
                                                                                                   rendre disponibles toute l’année.

  0                                                                                                  Sous la poussée démographique
          e

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                                       ille

                                                     ille

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                                                                                  feu dou

                                                                                                   terres est devenue un facteur limitant
                                      eu

                                                  feu

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           feu us

                                   cf

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                                               ia
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 So

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                                              cid
            Vi

                                                                  Mu

                                                                                                   sur la production de ressources végé-
         Ca

                                                                              Pa
                                 Ma

                                            yri
                                        Gl

                                                                                                   tales. La production de certains vivres
              Protéines (t/ha)    Protéines digestibles ruminant (t/ha)                            énergétiques (racines et tubercules) et
                                                                                                   protéiques (légumineuses à graines)
              Protéines digestibles Porc (t/ha)                                                    s’accompagne de coproduits fibreux

INRA Productions Animales, 2018, numéro 3
Tableau 1. Composition en matières azotées totales et acides aminés de certains fourrages disponibles dans les régions tropicales.

                                                                                                                                 Acides Aminés (g/kg de protéines brutes)                            MAT
                                             Réf                         Aliment
                                                                                                     Arg     Hist   Isoleu    Leu      Lys      Met     Phen    Threo     Tryp   Val   Cyst   Tyr   (% MS)

                                              1    Azolla filiculoides                               6,1     2,4      4,5      9,2      5,0     1,4      5,2      5,3      1,5   6,0   1,9    3,5    23,2
                                             10    Feuillage d’arachide, Arachis hypogæa             5,2     1,9      3,7      7,0      4,1     0,9      5,4      4,0      ND    5,1   ND     3,8    17,5
                                              5    Feuilles de leucène, Leucaena leucocephala        6,4     2,4      4,5      8,0     5,9      2,1      5,5      4,1      ND    5,6   0,5    3,7    25,5
                                              4    Feuilles de leucène, Leucaena leucocephala        5,0     1,9      3,7      6,2     4,0      ND       4,3      4,2      ND    4,8   ND     ND     27,9
                                             10    Feuilles de leucène, Leucaena leucocephala        5,7     2,0      4,1      7,9     5,8      1,2      5,6      4,0      ND    5,3   ND     4,3    28,3
                                              8    Graines de leucène, Leucaena leucocephala         4,0     1,8      9,5      5,8     4,3      1,3      3,9      3,3      ND    4,7   1,4    3,7    25,9
                                              3    Feuilles de malanga, Xanthosoma sagittifolium     5,0     1,9      3,7      7,5     5,6      1,8      4,7      4,2      1,3   4,8   1,3    4,9    17,0
                                              9    Feuilles de malanga, Xanthosoma sagittifolium     3,0     1,0      2,4      4,2     2,6      0,8      2,6      2,2      1,0   2,9   0,6    2,1    16,3
                                              3    Tiges de malanga, Xanthosoma sagittifolium        3,1     1,5      2,6      4,9      4       1,1      2,9      2,9      0,8   3,8   1,3    2,9    9,1
                                              3    Feuilles de murier, Morus alba                    5,3     2,1      4,3      8,2     5,7      1,6      5,2      4,6      1,1   5,4   1,3    3,4    16,0
                                              3    Feuilles de trichanthera, Trichanthera gigantea   4,9     2,2      4,1      7,2     4,3      1,5      4,6      4,3      1,0   5,0   1,4    3,3    16,6
                                              5    Feuilles de Boehmeria nivea                       6,7     3,1      5,0      8,1     6,4      2,7      5,5      4,8     ND     5,9   1,4    3,1    27,6
                                              4    Feuilles de centrosena, Centrosena pubescens      3,5     1,6      3,2      5,0     3,3      ND       3,6      3,1     ND     4,2   ND     ND     19,8
                                              5    Feuilles de manioc Manihot esculenta              7,2     2,8      4,5      3,3     5,5      2,3      4,5      3,5     ND     8,6   0,5    4,6    37,6
                                              4    Feuilles de manioc, Manihot esculenta             5,4     2,1      4,3      7,1     4,3      ND       4,8      4,4     ND     5,4   ND     ND     28,0
                                              9    Feuilles de manioc, Manihot esculenta             1,9     0,7      1,7      2,9     1,9      0,6      1,9      1,4     0,7    2,0   0,5    1,4    23,1
                                             6     Feuilles de manioc, Manihot esculenta             ND      2,2      4,1      8,7     5,1      1,6      ND       4,4     ND     5,9   ND     ND     26,4
                                             10    Feuilles de patates douces, Ipomea batatas        5,9     1,9      4,4      8,8     5,6      1,5      5,7      4,0     ND     5,3   ND     4,0    26,4
                                             3     Feuilles de patates douces, Ipomea batatas        5,3     2,1      3,9      8,5     4,6      1,4      7,1      5,0     ND     5,7   ND     4,3    28,2
                                             9     Feuilles de patates douces, Ipomea batatas        2,0     0,8      1,6      2,8     1,7      0,6      1,8      1,6     0,7    2,1   0,4    1,4    22,5
                                             6     Feuilles de patates douces, Ipomea batatas        5,3     2,1      3,9      8,5     4,3      1,4      7,1      5,0     4,3    5,7   3,2    4,3    28,2
                                             4     Fanes de patates douces, Ipomea batatas           4,5     1,6      3,9      6,7     3,2      ND       4,3      4,4     ND     5,1   ND     ND     17,6
                                             9     Feuilles d’erythrina, Erythrina glauca            1,5     0,6      1,1      1,9     1,5      0,4      1,4      1,0     0,5    1,6   0,3    1,1    28,0
                                             4     Feuilles de moringa, Moringa oleifera.            5,7     1,9      3,8      6,2     3,8      ND       6,6      4,2      ND    4,8   ND     ND     32,0
                                              5    Feuilles de pois d’Angole, Cajanus cajan          5,7     2,7      5,1      8,8      5,9     2,0      5,5      4,6      ND    6,3   0,4    3,5    20,0

INRA Productions Animales, 2018, numéro 3
                                                                                                                                                                                                             Aliments protéiques dans les systèmes mixtes intégrés polyculture-élevage en régions tropicales / 223
Acides Aminés (g/kg de protéines brutes)                                                                    MAT
                                             Réf                                 Aliment
                                                                                                                             Arg          Hist       Isoleu        Leu          Lys         Met         Phen        Threo         Tryp         Val         Cyst          Tyr      (% MS)

                                               4     Feuilles de pois d’angole, Cajanus cajan                                 5,6         2,2          4,8          7,8         4,8          ND           5,3         4,6          ND          6,0          ND           ND          21,7
                                               7     Graines de pois d’angole, Cajanus Cajan                                 13,5         7,9          7,7         16,5        14,8          2,7         22,2         8,2          ND          8,7          5,5          5,5        22,0
                                               2     Fourrage de glycine jeune, Glycine wightii                               5,4         2,2          4,8          8,6         6,0          1,5          5,3         5,1          ND          5,8          ND           3,6        16,9
                                               2     Fourrage de glycine vieux, Glycine wightii                               4,9         2,2          5,0          8,5         5,5          1,5          6,0          5           ND          5,8          ND           3,6        16,6
                                               2     Fourrage de glycine jeune, Neonotonia wightii                            5,4         2,1          4,8          9,0         5,1          0,6          5,1         5,2          ND          6,0          ND           3,5        27,0
                                               2    Fourrage de glycine vieux, Neonotonia wightii                             3,8         2,2          4,9          8,8         5,6          1,1         5,2          5,1          ND          6,0          ND           3,5        24,8

INRA Productions Animales, 2018, numéro 3
                                               4    Fourrage de kudzu, Pueraria phaseoloides                                  4,2         1,9          3,8          6,1         3,4          ND          4,5          4,4          ND          4,8          ND           ND         18,0
                                                    Fourrage de siratro jeune, Macroptilium
                                               2                                                                              5,4         2,0          5,1          8,9         5,4          1,5         6,1          5,4          ND          6,0          ND           4,0        17,9
                                                    atropurpureum
                                                    Fourrage de siratro vieux, Macroptilium
                                               2                                                                              5,7         2,1          5,1          8,8         5,4          1,6           6          5,3          ND          6,1          ND           3,7        19,1
                                                    atropurpureum
                                               4    Fourrage de mucuna, Mucuna periens                                        3,7         1,7          3,6          5,6         3,2          ND          3,8          3,6          ND          4,5          ND           ND         22,8
                                               4    Fourrage de niébé, Vigna unguiculata                                      3,2         1,4          3,4          5,4         3,2          1,3         3,5          3,6          ND          4,4          ND           1,7        16,6
                                               4    Fourrage de niébé, Vigna unguiculata                                      5,1         1,9          3,8          6,4         3,3          ND          4,9          4,9          ND          4,9          ND           ND         27,2
                                               4    Fourrage de Psophocarpus candes                                           3,2         1,5          3,2          5,3         3,8          1,4         3,4          3,6          ND          4,1          ND           1,7        20,7
                                               4    Fourrage de Pueraria phaseoloides                                         3,2         1,6          3,3          5,3         3,8          1,2         3,4          3,6          ND          4,3          ND           1,7        14,5
                                                    Fourrage de soja pérenne
                                               5                                                                              6,0         2,9          4,5          8,0         6,4          2,2         5,3          4,3          ND          5,4          0,5          2,8        26,0

                                                    Fourrage de stylosanthes, Stylosanthes
                                               4                                                                              3,2         1,6          3,0         4,9          3,1          1,2         3,2          3,2          ND          3,9          ND           1,5        15,5
                                                    guianensis
                                                    Fourrage de stylosanthes, Stylosanthes
                                               4                                                                              5,2         2,1          4,0         6,6          3,6          ND          5,1          4,8          ND          4,8          ND          ND          18,2
                                                    guianensis
                                               7    Graines Canavalia, Canavalia ensiformis                                  11,9         8,6          9,8         17,0        17,0          2,7         12,9         8,6          ND          11,4         6,8          8,1        20,8
                                               3    Graines de maïs, Zea mays                                                 3,7         1,0          1,7         3,3          2,8          0,7         2,4          2,8          0,5         3,5          1,5          0,5         8,1
                                               1    Salvinia molesta                                                          5,5         2,1          4,6         8,8          4,9          1,7         5,5          5,5          1,4         6,1          1,9          3,0        12,9

                                            Réf : 1) Leterme et al., 2009 ; 2) Tokita et al., 2006 ; 3) Leterme et al., 2005 ; 4) Kambashi et al., 2014 ; 5) Miranda et al., 2012 ; 6) An et al., 2003 ; 7) Ade-Omowaye et al., 2015 ; 8) Ly et al., 1998 ; 9) Régnier et al., 2012 ; 10) Phuc
                                            et Lindberg, 2001.
                                                                                                                                                                                                                                                                                                 224 / Harry archimède, Denis bastianelli, Audrey fanchone, Jean-Luc GOURDINE, Louis FAHRASMANE
Aliments protéiques dans les systèmes mixtes intégrés polyculture-élevage en régions tropicales / 225

riches en protéines. Ces coproduits de       souvent présents à forte concentra-                                                  2. Panorama
cultures vivrières sont des ressources       tion dans les légumineuses tropicales.                                               des ressources
stratégiques car leur emprise sur le sol     Bien qu’ils soient souvent considérés
est nulle si on fait l’hypothèse que leur    comme facteurs antinutritionnels,
vocation première est de produire des        avec une activité plus importante chez                                               „„2.1. Les cultures
aliments pour l’Homme. Ces ressources        les monogastriques non herbivores                                                    vivrières protéiques :
émargent à la catégorie des plantes          (Mueller-Harvey, 2006), ils peuvent                                                  les légumineuses à graines
duales ou « feed-food ». Les arbres et       dans certaines limites avoir des effets
arbustes fourragers ont un autre statut      bénéfiques chez les ruminants (Fructos                                                  Une récente publication très détaillée
tout aussi important surtout lorsque         et al., 2004). Il est toutefois difficile de                                         de la FAO consacrée aux légumineuses
ce sont des plantes alimentaires. Ils        définir un seuil de « nocivité » du fait                                             à graines (Sharasia et al., 2017) désignait
contribuent à toutes les catégories de       de la diversité des TC. Généralement                                                 ces dernières de manière générique par
services écosystémiques. Ils tendent à       quand les concentrations en TC n’ex-                                                 le terme pois. Les oléo-protéagineux,
s’imposer dans les agrosystèmes car, en      cèdent pas 5 % de la Matière Sèche (MS)                                              par exemple le soja (Glycine max (L.)
plus de l’apport d’aliments, ils résistent   des impacts positifs sont enregistrés                                                Merr.) et l’arachide (Arachis hypogaea
davantage à la sécheresse et contri-         sur le plan nutritionnel des ruminants,                                              (L.)), n’intègrent pas cette classification
buent à recycler les minéraux lessivés       santé et environnemental (Archimède                                                  bien que cela fasse débat (Vollmann,
dans les horizons inférieurs des sols. Les   et al., 2018). Les TC réduisent la solu-                                             2016). Les légumineuses à graines
fruits sont consommés par l’Homme et/        bilité de l’azote d’origine alimentaire                                              appartiennent notamment aux genres
ou l’animal, les feuilles sont des four-     dans le rumen et accroissent le flux                                                 Phaseolus et Vigna. En région tropicale
rages alors que les fractions les plus       de protéines digestibles dans l’intes-                                               les légumineuses à graines, largement
lignifiées de la biomasse sont des com-      tin des ruminants. Ils orientent les                                                 cultivées en Afrique, Amérique latine et
bustibles pour la production d’énergie       fermentations microbiennes dans le                                                   Asie, sont avant tout des aliments pour
à la ferme. Cette catégorie de ressource     rumen avec comme conséquence une                                                     l’Homme et ne sont qu’occasionnelle-
correspond aux « feed-food-fuel » ou         réduction de l’émission du méthane                                                   ment consommées par l’animal. Il y a
« aliments vs carburants ».                  entérique. Ils permettent aussi de                                                   une grande diversité des légumineuses
                                             réduire le stress lié au parasitisme gas-                                            à graines dont de nombreuses sont des
   Les légumineuses fourragères, clas-       tro-intestinal chez les petits ruminants                                             spécificités régionales. L’Inde est le pre-
sées « feed », sont peu utilisées en ali-    en perturbant le parasite à différentes                                              mier producteur mondial avec 24 % de
mentation animale comparativement            étapes de son cycle de développement                                                 la production et 33 % des surfaces en
aux graminées (Shelton et al., 2005). Au     et en orientant le profil des nutriments                                             2011-2013 (Sharasia et al., 2017). Les
sein de ce groupe, la culture de légumi-     absorbés par l’animal (Archimède et al.,                                             principales légumineuses à graines pro-
neuses fourragères annuelles est peu         2018).                                                                               duites sont présentées dans la figure 2.
pratiquée dans les SMIPE alors que les
légumineuses pérennes sont présentes         Figure 2. Principales les légumineuses à graines produites (d’après Sharasia et al.,
dans les agrosystèmes forestiers où elles    2017).
sont à la fois des plantes de couverture
et des aliments (banque protéique) pour
les animaux d’élevage. Leur potentiel à
                                               Production mondiale, 103 tonnes

être source d’ombrage est alors un atout.                                        30 000
Dans les SMIPE, on peut les retrouver sur                                        25 000
des jachères longues. Le choix des légu-
mineuses est déterminé à la fois par la                                          20 000
production de biomasse et leur valeur
alimentaire, mais aussi par leur capacité                                        15 000
à enrichir le sol (en azote notamment)
                                                                                 10 000
pour les cultures à venir. Cette dernière
propriété est favorisée par le dévelop-                                           5 000
pement plus ou moins important de
rhizobium sur les racines des légumi-                                                    0
                                                                                               a)

                                                                                                          r)

                                                                                                                                                              L.)

                                                                                                                                                               a)

                                                                                                                                                                 )

                                                                                                                                                                 )

                                                                                                                                                                .)

                                                                                                                                                                 )

                                                                                                                                                                .)

                                                                                                                                                               a)

                                                                                                                                                                      s

neuses. Les apports d’azote peuvent
                                                                                                                                                             ik.

                                                                                                                                                            jan

                                                                                                                                                             sp

                                                                                                                                                                     tre
                                                                                                                                                           aL

                                                                                                                                                            sp
                                                                                             gn

                                                                                                                                                           lat

                                                                                                                                                           ne
                                                                                                         ce

                                                                                                                                                          ed
                                                                                                                   um

                                                                                                                                                         ca

                                                                                                                                                         us

                                                                                                                                                                     Au
                                                                                                                                                      icu

                                                                                                                                                       cia
                                                                                                Vi

                                                                                                                                                     fab

                                                                                                                                                        ra

dépasser 100 kg N/ha (Muhr et al., 1997).
                                                                                                      Ci

                                                                                                                                                      M

                                                                                                                                                   pin
                                                                                                                tiv

                                                                                                                                                   ter
                                                                                                     e(

                                                                                                                                                     s
                                                                                             et

                                                                                                                                                    u

                                                                                                                                                     i
                                                                                                                                                 (V
                                                                                                                                                 nu
                                                                                                                                                 ris

                                                                                                                                                   a
                                                                                                                                                ng
                                                                                                              sa

La concentration en Matières Azotées
                                                                                                                                               Lu

                                                                                                                                               ub
                                                                                                                                               ici
                                                                                         lus

                                                                                               ich

                                                                                                                                               a

                                                                                                                                             aja

                                                                                                                                             es
                                                                                                                                           au
                                                                                                           m

                                                                                                                                            lin

                                                                                                                                           (V

                                                                                                                                           s(

                                                                                                                                           as
                                                                                      eo

                                                                                             ch

Totales (MAT) de la partie consommable
                                                                                                                                         (C

                                                                                                                                         sc
                                                                                                          isu

                                                                                                                                         cu
                                                                                                                                        gn

                                                                                                                                      pin

                                                                                                                                        gn
                                                                                                                                      ole
                                                                                     s

                                                                                                                                     Ve
                                                                                  ha

                                                                                   is

                                                                                                      (P

                                                                                                                                   ole
                                                                                                                 Vi

                                                                                                                                     ns

varie de 60 à 300 g/kg MS en fonction de
                                                                                                                                     Vi
                                                                                                                                   Lu
                                                                                                                                   er
                                                                                         Po
                                                                                 (P

                                                                                                              é(

                                                                                                                                  a(
                                                                                                                                  Le
                                                                                                     is

                                                                                                                                ng

                                                                                                                                év
                                                                                                     po

l’espèce et du mode de gestion.
                                                                                                           éb
                                                                     ts

                                                                                                                     s(

                                                                                                                               ar
                                                                                                                             d’A

                                                                                                                             tF
                                                        ico

                                                                                                                           mb
                                                                                                          Ni

                                                                                                                  lle
                                                                                              tits

                                                                                                                          se
                                                 r

                                                                                                                nti

                                                                                                                          is
                                              Ha

                                                                                                                        ba
                                                                                             Pe

                                                                                                                      Po

                                                                                                                       ve

 Certains métabolites secondaires
                                                                                                                Le

                                                                                                                     is
                                                                                                                   Fè

                                                                                                                  Po

dont les Tannins Condensés (TC), sont

                                                                                                                                   INRA Productions Animales, 2018, numéro 3
226 / Harry archimède, Denis bastianelli, Audrey fanchone, Jean-Luc GOURDINE, Louis FAHRASMANE

   Les légumineuses à graines sont               Mis à part quelques espèces de légu-         de facteurs antinutritionnels (lectines,
généralement des sources d’éner-              mineuses à graines, leur consommation           inhibiteurs de trypsine). Le séchage au
gie, d’acides aminés, de minéraux, de         en frais par les porcs et les volailles n’est   soleil, le traitement par la chaleur amé-
vitamines et d’acides gras essentiels.        pas recommandée alors qu’elles peuvent          liorent son utilisation digestive par les
Consommées fraiches, certaines légu-          être consommées sans restriction par            animaux monogastriques. Cependant
mineuses à graines peuvent contenir           les ruminants (Mekbungwan., 2007). La           les taux d’incorporation recomman-
des facteurs antinutritionnels (inhibi-       production de légumineuses à graines            dés sont de moins de 20 % de la ration
teurs de protéases, tannins, lectines,        s’accompagne de fanes présentant géné-          totale (Sherasia et al., 2017).
inhibiteurs d’amylases, glycosides,           ralement de bonnes qualités alimentaires
phytates, alcaloïdes) qui limitent leur       pour les ruminants (cf. paragraphe 3.2).           b. Le pois d’Angole
digestion et ingestion (Mekbungwan,                                                                 (Cajanus cajan)
2007). Ces facteurs antinutritionnels            a. Le niébé (Vigna unguiculata)                 Cajanus cajan, qui est très répandu dans
sont généralement détruits par un trai-          Originaire d’Afrique, Vigna unguicu-         les régions tropicales et subtropicales, est
tement à la chaleur (cuisson, grillage)       lata, a été largement propagée dans             particulièrement adapté à l’agriculture
ou dans certains cas par macération           les régions tropicales et subtropicales.        pluviale dans les zones semi-arides. On
(Mekbungwan, 2007). La teneur en              En Afrique, le niébé est la légumi-             le retrouve entre 30° de latitude nord et
protéines brutes et le profil en acides       neuse à graines la plus consommée               30° de latitude sud. Il est adapté à une
aminés de certaines légumineuses              par l’Homme. Il est cultivé en rotation         grande diversité de sol (pH de 4,5 à 8,4)
à graines sont présentées dans le             ou cultures associées à des céréales. Il        et supporte des températures de 20 à
tableau 1. Une récente étude, relative-       s’adapte à une grande diversité de sols         40°C. C’est une culture annuelle mais sa
ment exhaustive, sur les légumineuses         à condition qu’ils soient bien drainés.         conduite peut être pluriannuelle.
à graines cultivées en régions chaudes,       Le niébé est tolérant à l’ombrage. Il y
a été réalisée par la FAO (Sharasia et al.,   en existe de nombreuses variétés, plus             Le Cajanus cajan cru peut remplacer
2017). Dans ce paragraphe nous nous           ou moins précoces, sélectionnées pour           le tourteau de soja dans le concentré
limiterons à la présentation quelques         la production de fourrage, de graines           des rations de ruminants ou directe-
légumineuses à graines parmi les plus         ou mixtes. La productivité de chacune           ment pour supplémenter les fourrages
cultivées en région tropicale et pré-         de ces variétés varie avec les itinéraires      pauvres sans pénaliser l’ingestion et les
sentes sur les différents continents          techniques. Les productions de graines          performances de production (Cheva-
(figure 2). Elles sont de type herbacé        des variétés de niébé mixtes peuvent            Isarakul et al., 1992). Il peut être incor-
(Phaseolus vulgaris L., Vigna ungui-          varier de 536 à 1798, 141 à 717 et 61 à         poré jusqu’à 30 % dans les rations de
culata), grimpant et/ou buissonnant           361 kg/ha/récolte en culture pure avec          caprins (Ahamefule et al., 2006). Chez
(Lablab purpureus) et arbustif (Cajanus       traitement pesticides, en culture pure          le porc en croissance, l’incorporation
cajan). Elles ont des usages diversifiés      sans traitement et en cultures associées        du Cajanus cajan cru ne peut excéder
comme le Lablab purpureus qui est une         respectivement (Tarawali et al., 1997).         20 % de la ration. Au-delà, une réduc-
plante duale utilisée indifféremment          Des travaux plus récents conduits en            tion de l’ingestion et de l’efficience de
comme vivre, fourrage pour le bétail,         Afrique de l’ouest reportent des pro-           l’utilisation de l’aliment sont observées
engrais vert. À l’opposé, Phaseolus vul-      ductions moyennes de graines de 998             (Amaefule et al., 2016).
garis L, Vigna unguiculata et Cajanus         et 862 kg/ha/récolte pour des variétés
cajan plantées principalement comme           à graines et fourrages respectivement              c. Le haricot
vivre bien que leurs fanes et feuillages      (Samireddypalle et al., 2017).                        (Phaseolus vulgaris L.)
puissent être mobilisés en alimenta-                                                             Le haricot (Phaseolus vulgaris L.) est
tion animale. Les plages de variation            Bien que la culture du niébé soit princi-    originaire d’Amérique centrale et du
des teneurs en MAT, Matières grasses,         palement motivée par l’alimentation de          sud. En Europe, il est le plus souvent
amidon et NDF des légumineuses à              l’Homme, les ruminants l’utilisent effi-        consommé en vert avant la maturation
graines sont 24-32 %, 1-3 %, 40-50 %          cacement sous forme de graines crues            des graines. Dans ses régions d’origine,
et 15,5-27 % de la MS respectivement.         et de fourrages frais, séchés ou ensilés.       des haricots secs sont produits avec
À titre de comparaison, ces mêmes             Chez le mouton, les graines de niébé            des cycles de végétation de 50 à 80
plages de variation des teneurs en            crues peuvent se substituer au Tourteau         jours. Le rendement moyen des hari-
MAT, Matières grasses et carbohydrates        d’Arachide (TA), comme source de pro-           cots secs est de 0,5 à 1,5 tonnes MS/
solubles sont de 30-43 %, 21-50 % et          téines, avec un effet positif sur l’inges-      ha avec des valeurs maximales allant
12-16 % de la MS pour les deux prin-          tion (+ 16 %) et la croissance (+ 28 %)         jusqu’ à 2,8 à 5 tonnes MS/ha/récolte.
cipaux oléo-protéagineux (arachide,           (Singh et al., 2006). La ration mixte était     Les haricots contiennent différents
soja). Comparativement aux céréales,          composée d’un foin (50 % de la MSI) de          facteurs antinutritionnels détruits par
les protéines des légumineuses graines        mauvaise qualité (6 % de MAT) et d’un           la cuisson. Différents essais ont été
sont généralement riches en lysine            mélange (57 % de céréales, 40 % TA ou           conduits chez les ruminants et animaux
mais relativement pauvres en acides           niébé). Contrairement aux ruminants,            monogastriques. Des incorporations de
aminés soufrés (méthionine et cysté-          de faibles performances sont observées          haricots jusqu’à 26 % dans des rations
ine) et en tryptophane. La solubilité des     chez les porcs et volailles consommant          de bovins n’ont pas eu d’impacts néga-
protéines dans le rumen est élevée.           du niébé cru à cause de la présence             tifs sur l’ingestion et les performances

INRA Productions Animales, 2018, numéro 3
Aliments protéiques dans les systèmes mixtes intégrés polyculture-élevage en régions tropicales / 227

bien que la digestibilité totale de la       solubles, plus pauvres en NDF et plus            Avec les fanes d’arachide, Prasad et
ration ait été réduite à partir de 13 %,     digestibles, ce qui les rend plus riches en   al. (2010) comparant 10 génotypes
d’où des recommandations d’inclusion         énergie. La valeur alimentaire des fanes      rapportent des croissances d’agneaux
inférieures à 15 %. Chez le porc et les      varie avec l’espèce et la variété, le stade   variant de 65 à 137 g/j avec des rations
volailles il est recommandé de réaliser      de maturité à la récolte, la proportion de    composées exclusivement de fanes.
un traitement thermique (à 102°C pen-        feuilles, gousses, et tiges. Des facteurs     Ces croissances ont été associées à des
dant 20 min ou à 136°C pendant 1,5           environnementaux, dont le climat, le          ingestions variant de 55,8 à 107 g MO/
min) avant d’introduire les haricots dans    sol, la saison, etc., affectent aussi tant    kg PV0,75, et des digestibilités de la MO
la ration (Sherasia et al., 2017).           la production que la composition des          variant de 65,5 à 72,7 %. Les teneurs
                                             graines et des fanes. Les fanes de niébé      en MAT, NDF et ADL (« acid detergent
   d. Le lablab (Lablab purpureus)           ou d’arachide peuvent avoir une valeur        lignin ») de ces ressources variaient de
   Le lablab est une plante vivace et        commerciale élevée sur les marchés            11,8 à 19,4, de 35,5 à 43,8 et de 3,8 à
une très ancienne culture vivrière. Il       urbains africains (Ayantunde et al., 2014).   6,4 % MS, respectivement. Les pailles de
est adapté à la sécheresse et peut s’im-     Les productions de fanes des variétés de      soja ont, elles, une valeur plus faible et
planter dans des environnements variés       niébé mixtes ont varié de 1,404 à 2,787,      ne peuvent être utilisées que comme
(pluviométrie, température, altitude,        0,551 à 2,595, et 0,297 à 0,867 tonnes/ha/    fourrage (Heuzé et al., 2016).
sol). Le lablab est cultivé en culture       récolte en culture pure respectivement
pure ou en association. C’est l’une des      avec utilisation de pesticides, en culture      b. Les fanes de cultures
principales cultures de légumineuses         pure sans utilisation de pesticides et en           énergétiques duales
fourragères et d’engrais vert d’Austra-      culture associée (Tarawali et al., 1997).       Ce sont des coproduits fibreux de
lie (Murphy et Colucci, 1999). Le lablab     Des études plus récentes rapportent des       certains fruits et tubercules amyla-
peut produire jusqu’à 6 tonnes de MS /       productions moyennes de fanes de 2,100        cés disponibles après leur récolte et/
ha/récolte (Adebisi et Bosch, 2004). En      et 2,800 tonnes/ha/récolte pour des           ou prélevés tout au long du cycle de
moyenne, en culture pure, le lablab pro-     variétés à graines et fourragères, respec-    végétation. Ils sont principalement
duit 2,5 à 5 tonnes de MS /ha/récolte        tivement (Samireddypalle et al., 2017).       consommés par les ruminants mais des
de gousses vertes, 450 kg/ha/récolte                                                       travaux récents ont été consacrés à leur
de graines sèches en culture associée           Généralement les fanes sont des four-      évaluation pour l’alimentation du porc
(Adebisi et Bosch, 2004). Jusqu’ à 1 500     rages de qualité moyenne qui peuvent          (Kambashi et al., 2014 ; Régnier et al.,
kg/ha/récolte de graines sèches sont         être utilisés comme seul fourrage ou          2012, 2013 ; Leterme et al., 2005, 2012),
produites en culture pure (Adebisi et        supplément à des fourrages pauvres.           (cf. encadré 1 qui résume les principes
Bosch, 2004). Le lablab a été substitué      Des rations mixtes composées à parts          d’utilisation de ces ressources pour le
au lupin dans des rations composées          égales de P. purpureum et de fanes de         porc). Parmi ces cultures, aujourd’hui
de fourrage et de paille consommées          niébé de différentes variétés ont été         4 ressources majeures sont relative-
par des moutons (Garcia et al., 1990).       évaluées sur des moutons « West African       ment bien référencées : Ipomea bata-
Avec des taux de substitution au lupin       dwarf » âgés de 10 mois et pesant en          tas (patates douces), Manihot esculenta
de 60 %, de plus faibles digestibilités et   moyenne 9 kg. Des croissances rela-           Crantz (manioc), feuilles de Colocasia
croissances ont été enregistrées avec        tivement faibles ont été enregistrées         esculenta (taro) et Xanthosoma sagitti-
le lablab. Chez le porc, les faibles appé-   (29 à 36 g/j) du fait du faible potentiel     folium (malanga).
tibilité et digestibilité des protéines      des animaux utilisés alors que de bons
(50 %) limitent son utilisation (Laswai      indices de consommations (6,3 à 10,9          • Les fanes de patate douce
et al., 1998). Le toastage et la cuisson     kg fourrage/kg de croît) étaient obser-       (Ipoma batatas)
permettent d’élever la digestibilité de      vés (Anelea et al., 2010). Koralagama et         La production de fanes varie avec la
l’azote à 65 et 74 % chez des porcs en       al. (2008) rapportent des croissances         variété et l’itinéraire technique, mais
croissance-finition (Laswai et al., 1998).   de 32 et 48 g/j vs 23 et 51 g/j avec des      elle est de l’ordre de 4 à 5 tonnes de MS/
L’indice de consommation observé avec        moutons (10 mois, 22 kg de poids vif )        ha titrant 12 à 17 % de MAT (Ruiz et al.,
la ration à base soja a été de 4,9 contre    consommant des cannes de maïs à               1980). La composition des fanes est celle
18,3, 5,2 et 6,6 avec les rations à base     volonté associées à 155 et 311 g de fane      de l’association des feuilles (22 à 33 %
lablab cru, bouilli et toasté respective-    de niébé de la variété fourragère ou          MAT) et de tiges (10 à 14 % de MAT ; An
ment (Laswai et al., 1998).                  duale. En comparaison, la canne de maïs       et al., 2003). Les tiges contribuent pour
                                             seule avait entrainé des pertes de poids      environ 25 % de la MS. La production
„„2.2. Les coproduits                        de 23 g/j alors que 300 g de concentré        de feuilles augmente avec la pratique
des cultures vivrières                       commercial permettait une croissance          de défoliation pendant le cycle de
énergétiques et protéiques                   de 62 g/j. Les indices de consommation        culture. La production de tubercules est
                                             ont été respectivement de 11,1 ; 21,3 ;       par contre pénalisée par la défoliation
  a. Les fanes                               14,9 ; 29,6 ; 14,6 pour les rations mixtes    passant de 5,7 à 3,6 tonnes de MS/ha/
     des légumineuses à graines              avec 311 g concentré commercial, 150          récolte (Backer et al., 1980). L’ingestion
     et d’oléo-protéagineux                  g niébé fourrager, 300 g de niébé four-       volontaire de feuilles respectivement de
  Comparativement aux pailles, les fanes     rager, 150 g de niébé dual et 300 g de        patate par les bovins zébus, leur crois-
sont plus riches en protéines et glucides    niébé dual.                                   sance et indice de c­ onsommation est de

                                                                                            INRA Productions Animales, 2018, numéro 3
228 / Harry archimède, Denis bastianelli, Audrey fanchone, Jean-Luc GOURDINE, Louis FAHRASMANE

                                                                                                                    famille sont cultivées pour leurs tuber-
  Encadré 1. Principes d’utilisation des feuillages pour l’alimentation des porcs.
                                                                                                                    cules : le malanga (Xanthosoma sagitti-
  Les aliments riches en fibres sont mieux valorisés par les ruminants. Cependant, la pratique de dis-              folium) et le taro (Colocasia esculenta). La
  tribution de feuillage existe dans les élevages porcins moins intensifs et les systèmes mixtes intégrés           quantité de feuilles produites varie avec
  polyculture-élevage. Différents fourrages ont été testés avec succès dans l’alimentation des porcs en             les espèces, les variétés et les stratégies
  substitution partielle au soja : lentilles d’eau (Lemna spp.), manioc (Manihot esculenta), patate aquatique       de récolte. Des quantités de biomasse
  (Lpomoea aquatica), patate douce (Lpomoea batatas), taro (Colocasia esculenta), malanga (Xanthosoma               de feuilles, de pétioles et de racines res-
  sagittifolium).                                                                                                   pectivement de 1,3, 0,95 et 3,2 tonnes
                                                                                                                    MS/ha ont été rapportées avec le taro
  La relative bonne digestibilité de ces fourrages est un important critère pour leur utilisation. Leur relative    (Kaensombatha et al., 2012). Les feuilles
  richesse en protéines doit être appréciée au regard de la part de la fraction soluble et de celle des protéines   prélevées lors de la récolte des tuber-
  liées aux parois végétales (6 à 72 %) qui conditionnent leur digestibilité. Les teneurs en acides aminés          cules ne représentent que 28 % de la
  des feuillages de plantes tropicales varient de 49 à 92 % des MAT. Les digestibilités des protéines de ces        biomasse mesurée avec 3 et 4 récoltes
  fourrages sont généralement faibles (< 65 %), mais le profil en acides aminés est équilibré par rapport           de feuilles tout au long du cycle. La
  aux besoins du porc. La consommation de feuilles garantit l’apport de minéraux en quantité et qualité             composition chimique des feuilles de
  suffisantes. Les protéines apportées par les fourrages doivent contribuer pour moins de 50 % des proté-           taro et malanga varie fortement : entre
  ines totales de la ration. La fraction énergétique de la ration doit être pauvre en fibres et protéines pour      16,9 à 25,8 % pour la MAT et entre 18,6
  limiter d’une part l’encombrement et d’autre part des déséquilibres en acides aminés. Les ingrédients             à 37,1 % pour le NDF (Kambashi, 2014).
  énergétiques à privilégier sont les fruits et tubercules tropicaux, et le jus de canne.                           Les feuilles ont été évaluées principale-
                                                                                                                    ment comme fourrage pour les porcs. La
                                                                                                                    principale limite à leur utilisation fraiche
2,37 kg MS/100 kg PV, 650 g/j, et 8,5 kg/kg                Elles sont riches en lysine mais pauvres                 est la présence d’acide oxalique qui
croit, (Backer et al., 1980). Les fanes de                 en méthionine. Les feuilles de manioc                    limite l’ingestion. Cette contrainte est
patate ont aussi été étudiées comme                        sont riches en minéraux en particulier                   surmontée avec le séchage et l’ensilage
alternative au soja pour l’alimentation                    calcium, magnésium, fer, manganèse                       (Hang et Preston, 2010). L’introduction
du porc. Des Gains Moyens Quotidiens                       et zinc. La concentration des feuilles en                des feuilles de malanga en substitution
(GMQ) de 464 g/j ont été mesurés avec                      acide cyanidrique libre, potentiellement                 de 50 % du tourteau de soja dans des
des porcelets croisés « Large White x                      toxique, est très variable en fonction                   rations à base de jus de canne destinées
Mong Cai » de 16 kg consommant des                         des variétés, de l’âge des feuilles et de                au porc en croissance n’a pas dégradé la
rations à base de farine de manioc et                      la qualité du sol. L’acide cyanidrique est               croissance des animaux. Kaensombatha
de son de riz (respectivement 14 % et                      détruit avec un séchage et de l’ensilage                 et Frankow-Lindberg (2012) rapportent
34 % de la MS de la ration) avec de l’en-                  (Ravindran, 1993). Les feuilles peuvent                  que les protéines de taro peuvent rem-
silage de feuilles de patate (20 % de la                   être consommées, fraîches, fanées ou                     placer jusqu’à 50 % des protéines de
MS de la ration) comme source azotée                       ensilées par les ruminants. Le fanage                    soja sans effet négatif sur la croissance
(An et al., 2003).                                         ou l’ensilage est recommandé pour les                    de porcs « Landrace × Yorkshire » et de
                                                           variétés les plus riches en acide cyani-                 porcs indigènes (Moo Lath Lao pigs).
• Les feuilles de manioc (Manihot                          drique. Les feuilles contiennent aussi
esculenta Crantz)                                          des tannins qui peuvent altérer leur                     „„2.3. Les plantes aquatiques
    Le manioc est d’abord cultivé pour                     digestibilité chez les ruminants. Les
sa production de tubercules qui peut                       quantités optimales (croissance, inges-                     Les plantes aquatiques les plus uti-
atteindre 10 000 kg MS/ha/récolte soit                     tion et digestion de la ration, coût) de                 lisées pour nourrir les animaux sont la
15 à 35 tonnes de matière fraiche. Au                      feuilles de manioc fanées à distribuer                   jacinthe d’eau, les lentilles d’eau (Lemna
stade de récolte des tubercules, la bio-                   à des caprins en croissance varient de                   spp.), l’azolla (Azolla sp.), et les épinards
masse totale de MS produite est com-                       22 à 44 % suivant les auteurs (Hue et al.,               aquatiques (Lpomea aquatica). On peut
posée de 45 % de racines, de 35 % de                       2012). Des consommations volontaires                     rattacher à cette catégorie les Spirulines
tiges et de 20 % de feuilles (Ravindran                    d’environ 4,8 % du poids vif ont été enre-               (Arthrospira sp.) qui sont des cyanobac-
et al., 1993). La production de feuillages                 gistrées avec des agneaux en croissance.                 téries. Nous nous limiterons ici à deux
(feuilles et jeunes tiges) est d’environ                   La farine de feuilles de manioc peut rem-                genres bien que la littérature (Preston,
0,6 tonne de MS/ha/récolte. La quan-                       placer 30 % des protéines de rations for-                2006 ; Costa et al., 2016 ; Nampoothiri,
tité de biomasse de feuilles varie avec                    mulées avec de la farine de poisson et du                2017 ) rapporte des travaux sur une plus
l’itinéraire technique. Quand des prélè-                   tourteau de soja pour de jeunes porcs en                 grande diversité de ressources.
vements sont réalisés tout au long du                      croissance (Diarra et al., 2017).
cycle de développement de la culture,                                                                                 a. L’azolla (Azolla sp.)
la production de feuillage peut atteindre                  • Les feuilles de malanga                                  Les azolla sont des fougères aquatiques.
4, 5 tonnes de MS/ha/récolte (Khang et                     (Xanthosoma sagittifolium)                               Ce genre comprend de nombreuses
al., 2005). La teneur en MAT des feuilles                  et de taro (Colocasia esculenta)                         espèces qui ont une aire de répartition
est en moyenne de 21 %, mais elle varie                       La famille des Araceae compte                         spécifique (www.feedipedia.org). L’azolla
fortement en fonction des variétés et de                   deux genres cultivés : Colocasia et                      a une utilisation très ancienne, comme
l’âge (de 15 à 40 % ; Ravindran, 1993).                    Xanthosoma. Deux espèces de cette                        biofertilisant, dans les rizières en Asie.

INRA Productions Animales, 2018, numéro 3
Aliments protéiques dans les systèmes mixtes intégrés polyculture-élevage en régions tropicales / 229

Il est généralement cultivé à des tem-          recherche à maximiser la production.          brutes et en lignine et moins pourvues
pératures variant de 20-30°C bien qu’il         Cette production peut se développer           en parois cellulaires que les graminées
existe certaines espèces originaires des        sur des effluents de bio-digesteur et         tropicales. Il existe une grande varia-
régions tempérées. Selon les condi-             d’élevage. Cependant, l’une des prin-         bilité interspécifique et intra-spéci-
tions de culture, l’azolla double sa bio-       cipales contraintes du développement          fique pour les principaux composants
masse en 3 à 10 jours. Les rendements           des cultures d’algues est la disponibilité    chimiques. La composition moyenne
atteignent 0,7-0,9 tonnes MS/ha/an              en eau. Par ailleurs certaines micro-al-      des légumineuses tropicales en MAT
dans les rizières asiatiques. Des rende-        gues sont utilisées en alimentation           est de 166 g/kg MS, alors que la plage
ments plus élevés (2,78 tonnes MS/ha/           humaine.                                      de variation est de 60 à 300 g/kg MS
an) sont rapportés avec Azolla pinnata                                                        (Minson, 1990).
(www.feedipedia.org). En Inde, des agri-        „„2.4. Les légumineuses
culteurs produisent de l’azolla sur de          herbacées                                        Les meilleurs résultats ont été obtenus
petits étangs ombragés pour l’alimen-                                                         avec le genre Stylosanthes. Stylosanthes
tation des vaches laitières. Une surface          De nombreuses légumineuses four-            spp. qui regroupe plus de 30 espèces
de 4-4,5 m² et 10-15 cm de profondeur           ragères ont été étudiées en zone tropi-       et qui est la légumineuse la plus adop-
produirait environ 2 kg d’azolla frais/j,       cale mais leur adoption par les éleveurs      tée en région tropicale. On retrouve
permettant la complémentation de                a été relativement faible comparative-        Stylosanthes guyanensis et Stylosanthes
deux vaches laitières. L’azola titre entre      ment aux graminées (Graham et Vance,          hamata dans les pâturages « amélio-
18 et 32 %, entre 29 et 57 %, et entre          2003 ; Shelton et al., 2005). L’acidité       rés » d’Australie, de Chine, d’Amérique
47 et 62 % de MAT, de matières grasses          des sols, l’adaptation à la sécheresse,       latine et d’Afrique. Le Stylosanthes est
et de NDF respectivement (Leterme et            la prévalence de pathogènes sont              aussi la légumineuse fourragère her-
al., 2009).                                     des contraintes agronomiques au               bacée la plus référencée (Thomas et
                                                développement à l’implantation des            Sumberg, 1995). Il peut s’implanter dans
   b. Les lentilles d’eau                       légumineuses herbacées. Les espèces           des régions relativement sèches (plu-
       (Lemna spp.)                             du genre Aeschynomene, Arachis,               viométrie de 600-700 mm/an) et des
   Les lentilles d’eau poussent à des tem-      Centrosema, Desmodium, Macroptilium,          régions plus humides (pluviométrie de
pératures d’eau comprises entre 6 et 33 °C      et Stylosanthes sont les plus étudiées        2000 mm/an). Les Stylosanthes peuvent
(Leng et al., 1995). Elles sont riches en eau   en zone tropicale. L’implantation des         être associés avec de nombreuses gra-
(92 – 94 % de la MS) et contiennent peu         légumineuses en inter rang avec des           minées en culture mixte dont : Panicum
de fibres. Elles sont très digestibles même     cultures augmente l’apport d’azote            maximum, Andropogon gayanus, Chloris
pour les animaux monogastriques. Dans           pour ces dernières (Traill et al., 2018).     gayana et les variétés de Brachiaria.
les régions chaudes, la production varie                                                      Stylosanthes guianensis est sensible à
de 10 à 80 tonnes de MS/ha/an. La com-             Certains genres dont Arachis,              l’anthracnose une pathologie, qui a
position des lentilles d’eau varie avec         Desmodium, Stylosanthes et Centrosema         une forte prévalence en Amérique du
les variétés et les conditions de culture.      sont adaptés au pâturage. Parmi               sud, ce qui limite son intégration dans
Les variétés rustiques titrent entre 15 et      eux, Centrosema et Stylosanthes sont          certains assolements.
25 % de protéines et entre 15 et 30 %           aussi valorisés sous forme de foin.
de cellulose brutes. Les variétés sélec-        Les espèces Pueraria phaseoloides,              Le genre Arachis renferme environ
tionnées ont entre 35 et 43 % de MAT et         Calopogonium spp., Centrosema molle           80 espèces dont une soixantaine serait
entre 5 et 15 % de cellulose brute (Leng        (syn. C. pubescens), Desmodium ova-           originaire d’Amérique du sud. Parmi
et al., 1995).                                  lifolium, Stylosanthes guianensis et          elles, Arachis pintoi est l’espèce la plus
                                                Canavalia brasiliensis sont valorisées        répandue dans les prairies d’Amérique
   L’introduction de 10 % de farine de          comme plantes de couverture tout en           du sud. Arachis pintoi est une légumi-
Lemna spp., en substitution partielle           étant consommées par les animaux.             neuse stolonifère originaire du Brésil
au soja dans une ration classique à             D’autres légumineuses sont utilisées          adaptée aux sols acides et pauvres. Il
base de céréales consommées par des             comme suppléments : Lablab purpureus          résiste au pâturage et tolère l’ombrage.
porcs Mong Cai, a entraîné des GMQ              (Pengelly et Maass, 2001), Vigna ungui-       Cette espèce regroupe plusieurs varié-
de 260 contre 425 g/j pour la ration            culata (Tarawali et al., 1997), Centrosema    tés dont la productivité varie de 1 600
témoin (Leng et al., 1995). Des GMQ             pascuorum et Stylosanthes hamata              to 4 100 kg MS/ha/an (Assis et al., 2008).
de 560 g ont été enregistrés avec des           (Tarawali et al., 1997). Ces fourrages sont
porcs « Yorkshire x Landrace-Baxuyen »          principalement destinés aux ruminants            Le genre Centrocema regroupe de
consommant des rations à base de                bien que certains aient été évalués pour      nombreuses espèces mais la plus étu-
manioc où 25 % de l’apport protéique            les porcs : Vigna unguiculata, Lablab pur-    diée est Centrosema pubescens. Bien que
provenait de la lentille d’eau (Preston et      pureus, Clitoria ternatea et Canavalia        les meilleures performances aient été
al., 1996).                                     brasiliensis (Saria et al., 2010 ; Van der    enregistrées dans les régions humides
                                                Hoek et al., 2010 ; Heinritz et al., 2012).   (< 1100 mm d’eau/an avec une faible
  La culture des plantes aquatiques                                                           saison sèche), Centrosema pubescens
requiert des compétences techniques               Les légumineuses tropicales sont            s’adapte à des environnements variés.
importantes notamment quand on                  généralement plus riches en protéines         Centrosema pubescens s’associe aussi

                                                                                               INRA Productions Animales, 2018, numéro 3
230 / Harry archimède, Denis bastianelli, Audrey fanchone, Jean-Luc GOURDINE, Louis FAHRASMANE

à de nombreuses graminées : Panicum           mineuses. Parmi ces derniers, les plus        2009) ont traité de la valeur nutritive
maximum, Andropogon gayanus,                  utilisés ont été classés en deux groupes      des feuillages pour les ruminants.
Pennisetum purpureum et Cynodmon              par Shelton (2000) :                          L’intérêt du feuillage en tant que sup-
plectostachyus.                                                                             plément peut être limité par la présence
                                                 i) des fourrages à forte valeur alimen-    de métabolites secondaires (10 à 20 %
„„2.5. Les arbres                             taire (Albizia lebbeck, Chamaecytisus pal-    de la MS) susceptibles d’impacter l’ap-
et arbustes fourragers                        mensis, Cratylia argentea, Desmodium          pétence, l’ingestion et la digestion de
                                              rensonii, Desmodium virgatus, Gliricidia      ces feuillages.
   C’est un groupe hétérogène com-            sepium, Leucaena leucocephala,
posé de plus 250 espèces d’arbres             Leucaena diversifolia, Sesbania grandi-          Bien que des pratiques d’utilisation
et d’arbustes à usages multiples aux          flora, Sesbania sesban) ;                     de certains feuillages d’arbustes et
cycles biannuels à pluriannuels, de                                                         arbres dans l’alimentation des porcs
légumineuses et non légumineuses,               ii) des fourrages à faible valeur ali-      et des volailles aient été évaluées
des plantes alimentaires et/ou four-          mentaire (Acacia aneura, Acacia nilotica,     (Martens et al., 2012), le potentiel de ces
ragères. Les arbres et arbustes ont           Acacia tortilis, Albizia chinensis, Albizia   ressources à se substituer aux sources
été peu étudiés dans les SMIPE, où la         saman, Calliandra calothyrsus, Erythrina      classiques de protéines est faible du fait
ressource idéale devrait, en plus de sa       spp., Faidherbia albida, Flemingia macro-     de leur richesse en fibres. Par ailleurs,
valeur fourragère, contribuer à l’ali-        phylla, Prosopis juliflora). À l’exception    il y a encore de nombreuses données
mentation humaine (produits amylacés          de Morus alba, moins de données ont           manquantes pour la connaissance des
substituts des céréales, pois, fruits…),      été publiées sur des arbres et arbustes       réponses des animaux monogastriques
à l’apport d’engrais vert et à la fixation    fourragers non légumineuses : Ekebergia       à l’utilisation des feuillages les moins
de carbone dans le sol, ainsi qu’à la         capensis, Ficus sycomorus, Maesa lanceo-      riches en fibres.
fourniture de fibres et de carburants         lata, Rhus glutinosa, Artocarpus hetero-
(Devendra in Speedy et Pugliese, 1992 ;       phyllus, Ceiba perntandra.                       La coproduction d’une fraction
Leng, 1997 ; Boom et al., 2013 ; Debreux                                                    ligneuse (tiges indigestibles) plus ou
et al., 2017). Certaines caractéristiques        La biomasse produite par les arbres        moins importante en fonction de la stra-
agronomiques sont aussi attendues :           et arbustes est hétérogène. Seules les        tégie de gestion de la plante a conduit
facilité d’établissement, résistance aux      feuilles et jeunes tiges sont consom-         à développer des technologies pour
pathogènes, l’autonomie en intrants           mées par les animaux alors que leur pro-      leur valorisation sous forme d’énergie
(eau, engrais), productivité élevée et        duction s’accompagne d’une fraction           selon le concept de «food-feed-fuel».
persistance dans des conditions de            variable de tiges indigestibles. Dans les     Cette pratique peut être mise en œuvre
coupe ou de pâturage répétées, bonne          régions sèches, Man et Tri (1995) rap-        en réalisant une pyrolyse des fractions
valeur alimentaire pour les animaux           portent des productions de feuilles et        les plus lignifiées dans un gazéificateur
(Devendra in Speedy et Pugliese, 1992).       biomasse totales de 2 300 à 5 800 kg          avec la production d’énergie et de char-
L’introduction d’arbres et d’arbustes         MS/ha/an et 3 700 à 8 700 kg MS/ha/           bon utilisé comme amendement et fer-
fourragers dans les SMIPE interroge un        an respectivement pour des arbustes           tilisant des sols.
paradigme issu de régions où la pluvio-       fourragers. Certains arbres fourragers
métrie est importante et régulière selon      (par exemple Morus alba) peuvent être
lequel « les monocultures infra-annuelles     exploités en tant que « banques de pro-
                                                                                            3. Nouveaux aliments
sont les systèmes les plus productifs » (De   téines », en les plantant à très haute den-   et innovations
Koning et Milthorpe, 2008). Les arbres        sité (25 000 plants/ha) et en maintenant      technologiques
et arbustes seraient des atouts pour les      un port vertical et très bas (environ 0,5
zones les plus sèches car ils ont une plus    m) permettant une récolte fréquente de
                                                                                            „„3.1. Enrichissement
grande capacité à utiliser au mieux la        jeunes feuilles pour affouragement en
                                                                                            protéique par culture
pluviométrie et conféreraient une plus        vert des animaux (González-Garcia et
                                                                                            de microorganismes
grande résilience aux systèmes agri-          Martín-Martín, 2016). Les feuillages ont
coles (De Koning et Milthorpe, 2008).         des teneurs en NDF de 200 à 550 g/kg             L’enrichissement protéique d’aliments
Par ailleurs, l’intérêt des arbres et         MS qui sont généralement bien digé-           riches en glucides par fermentation
arbustes fourragers dans les SMIPE ne         rées par les ruminants (59 à 77 % pour        aérobie à l’état solide avec des levures
se limite pas à la fourniture d’aliments      la digestibilité de la MS). La teneur en      en particulier constitue aussi une
mais aussi à d’autres services écosysté-      protéines de ces ressources est géné-         option pour l’apport de protéines de
miques : couverture permanente du sol,        ralement élevée : de 100 à 300 g MAT/         très bonne qualité nutritionnelle dans
meilleure utilisation de l’eau, recyclage     kg MS. La fraction soluble des protéines      les rations. La technologie peut aller de
de minéraux, création de microclimats.        varie de 23 à 80 %. Grâce à leur teneur       procédés très rustiques à des procédés
Dans les SMIPE, les plantes alimentaires      élevée en MAT, les feuillages sont uti-       industriels. Le principe de base repose
sont privilégiées.                            lisés comme suppléments pour des              sur la croissance de microorganismes
                                              fourrages pauvres en minéraux et azote        riches en protéines sur les ingrédients
  Environ 200 espèces d’arbres et             nécessaires à l’activité microbienne du       énergétiques de la ration. Cela néces-
d’arbustes fourragers sont des légu-          rumen. Des méta-analyses (Patra, 2008 ;       site l’apport d’azote minéral.

INRA Productions Animales, 2018, numéro 3
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