Collections et biennales, au seuil des mondes flottants - thierry raspail directeur artistique / artistic director - Les Presses du Réel
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Mod eRne collections et biennales, au seuil des mondes flottants Lucio Fontana, Ambiente spaziale, 1967 thierry raspail directeur artistique / artistic director Collection macLYON © Blaise Adilon © ADAGP, Paris
L’art tétradimensionnel que Lucio Fontana déclaré le Président de l’Espace » (10 notre propre décision. Dans cette plasticité des modèles historiques, le monde appelle de ses vœux dans le Manifeste novembre 1917). configuration, l’art tétradimensionnel est globalisé et la dynamique des réseaux blanc de 1946 écrit à Buenos Aires avec ses Mais pour la première fois dans l’histoire de simplement « l’espace comme matériau sociaux, ont profondément modifié notre étudiants, mais qu’il ne signe pas, pourrait l’art, une œuvre parvient à rendre tangible un plastique » (Fontana), qui n’est à son tour rapport aux formes, lesquelles ont perdu bien être l’une des premières espace dématérialisé. Elle inaugure du même rien d’autre que l’expérience concrète de toute stabilité. manifestations d’un Monde Flottant. Ce coup le passage de la sculpture à l’espace vécu dans le temps de l’Ambiente. Le monde est désormais tétradimensionnel et parti-pris des quatre dimensions précède l’environnement. C’est un geste fondateur. Un espace tétradimensionnel. l’Ambiente Spaziale en est à la fois le prototype d’un an son premier Concetto Spaziale et de Cependant, de ce geste, il ne reste rien, sinon « Nous avons l’habitude de nous et la structure formelle instauratrice. Elle trois sa première Ambiente Spaziale dite à quelques clichés noir et blanc. représenter les objets physiques comme lègue son architectonie et son singulier luce nera, plus connue sous le nom Fontana ne réalisera que huit Ambiente possédant des bords fermés » : ces mots « mode d’existence » à une population d’Ambiente nero. Celle-ci est exposée du 5 Spaziale entre 1949 et 1968, date de sa mort. Il sont écrits en 1915 par John Dewey dans d’œuvres dont la collection a écrit et le au 11 février 1949 à la galleria del Naviglio en achève deux en 1964, deux en 1966 et trois L’art comme expérience. Il ajoute que cette à Milan. Elle n’est « ni peinture, ni en 1967. Celle qu’il réalise le 3 août 1967, entre conviction est confortée par les pierres, les sculpture ». Pour Fontana, elle est une 11 h et 16 h à la galerie del Deposito à Milan, livres, le commerce et « la science dans ses « suggestion libre et immédiate qu’une est la seule Ambiente autographe aujourd’hui efforts de mesures précises ». C’est ambiente créée par un artiste transmet au conservée. Elle est acquise par le Musée d’Art pourquoi, dit-il, nous l’appliquons sans spectateur ». Le terme ambiente est difficile Contemporain de Lyon, l’année de sa création discuter, car nous sommes persuadés du à traduire. Il désigne un lieu doté de en 1984, et elle est la première œuvre négociée caractère fermé de tous les objets de qualités spatiales particulières, quelque de sa future collection (N° d’inventaire : l’expérience. À l’inverse, il constate chose comme un environnement ou un 984.1.1). cependant que l’expérience que nous en « milieu » spatial. L’Ambiente a luce nera se Double « rectifié » et fantôme d’un moment avons à travers notre vision est bien plus présente comme un espace sombre dans inaugural remontant à dix-huit ans, l’Ambiente vaste et ouverte, car elle est « une partie lequel une forme abstraite en trois de 1967 endosse par contumace le statut d’un tout plus large et plus global (dont) dimensions se tient en suspension. Peinte privilégié d’« objet premier », lequel, dans la les marges se fondent dans cette étendue au vernis phosphorescent, celle-ci est terminologie de G. Kubler, est une œuvre infinie au-delà de laquelle réside ce que éclairée par une lumière de Wood (lumière dont la structure formelle inédite perdure l’imagination appelle l’univers ». noire). Fontana dit de cette œuvre qu’elle dans le temps, à l’image du Parthénon pour Aujourd’hui, le monde a changé et l’idée est « la première tentative pour se libérer, les temples. . s’impose que les propriétés de l’espace les d’une forme plastique statique » (10 L’Ambiente de 1967 est composée de neuf plus importantes ne peuvent plus être 2 février 1949, conférence donnée par toiles sur châssis conçues pour être définies a priori par des catégories stables. l’artiste). L’Art tétradimensionnel de assemblées de telle sorte qu’elles composent Ces propriétés sont désormais Fontana vise le dépassement « de la un espace particulier à voir de l’intérieur, et déterminées par l’écoulement permanent paysage flottant et l’histoire partielle. peinture, de la sculpture, de la poésie, de dont elles sont les quatre murs, le toit et de courants et de flux (capitaux, hommes, James Turrell transforme la physique de la la musique ». C’est la part des anges qu’il l’entrée. En lumière noire, les limites de risques, idées, images, informations…) qui lumière en expérience concrète de la doit, entre autres, à Boccioni lequel a l’espace s’estompent et la matérialité des changent en permanence les coordonnées perception. L’exploration qu’il fait de la « lancé un défi aux étoiles1 » et à toiles est quasi invisible. Après une période spatiales. En 2005, soit 90 ans après John lumière basse et de l’espace obscur ouvre sur Malevitch : « Cet été déjà, je me suis d’adaptation qui laisse le visiteur « isolé Dewey, Hartmut Rosa écrit : « L’espace de le monde inconnu de l’infra-sombre dans ses totalement dans une sorte de retour sur soi » flux est avant tout constitué par une Dark Pieces. Acquise par le macLYON en 1992, (selon les mots de Fontana de 1961 à propos organisation de centres, fonctionnant en The Wait (L’attente), 1990 (inv. : 990.3.1), se de l’Ambiente nero), des lignes de points jaune réseaux sans hiérarchie stable, opérant à présente sous la forme d’un « milieu spatial » phosphorescent apparaissent. Ils semblent l’aide de coagulations temporelles et dépourvu de lumière dans lequel on accède flotter dans l’obscurité, mais ils sont en réalité d’inclusions réversibles. » Aujourd’hui, par un couloir en pente jusqu’à un balcon face peints sur les « murs », c’est-à-dire sur les soit douze ans après Rosa, ce constat est au vide – que l’on suppose mais que l’on ne toiles. Ces lignes dessinent en les parcourant tout simplement banal, car la technique, voit pas. Les Dark Pieces dévoilent un aspect les trois dimensions de l’espace. La les modes de vie, les images, l’invention de la perception qui, selon James Turrell, quatrième, le temps, est donné par la durée de l’histoire connectée, la prolifération des semble « faire se révéler la vision provenant que nous choisissons de consacrer à notre objets augmentés aux bords désormais de l’extérieur à une vision générée de propre déambulation dans ce « milieu » sans infinis, la silhouette de l’humain, la l’intérieur ». Plongé dans le noir, le visiteur repère et sans guide. Celle-ci ne relève que de 10 11 réflexion sur la question Moderne, la assis (qui ainsi oublie son propre poids), a 1
peu à peu conscience, dans la durée de l’expérience, de l’élaboration par ses propres sens de la conscience qu’il a de ce qui se déroule, mais sans que jamais la présence de l’espace, c’est-à-dire le présent de cette expérience, ne se dérobe. Comme si le réel ne pouvait exister qu’au présent, comme s’il n’y avait pas de monde préalable à l’expérience 4 sensorielle. Cette période d’introspection s’apparente à celle dont parle Fontana en sonore emplit totalement l’espace, enveloppe 1961 à propos de l’Ambiente Nero. Après et suit le visiteur dans ses déplacements. Il ne 5 une période d’adaptation de douze à lui suffit que de bouger la tête pour que la quatorze minutes, l’observateur, s’il texture et la hauteur tonale changent. La Perfume, sont exposés verticalement dans 6 consent à aller jusqu’au bout de la vision, fusion du son continu et de la lumière une salle noire. Ils reposent sur le sol et se discernera dans le noir une forme dont il magenta confère une dimension extatique font face. Au seuil de l’invisibilité, l’artiste n’aura aucune certitude quant à la couleur immanente à ce « milieu » dont la matière compte sur l’acuité visuelle, l’adaptation (certains verront la complémentaire), sonore définit les configurations spatiales lumineuse, et l’attention soutenue du quant à la configuration, à l’amplitude et à discontinues – et subjectives, car propres aux visiteur pour en déceler la présence. Il est la localisation dans l’espace, dans lequel mouvements et déplacements singuliers de impossible de lire l’inscription. L’extrême elle semble pourtant flotter sans ancrage. l’auditeur – tandis que simultanément, la fragilité des cercles est à la mesure de la Cette Dark Piece était l’une des pièces matière lumineuse uniforme en assure la volatilité du parfum. L’œuvre est acquise majeures de la Biennale 2005, L’expérience continuité et l’homogénéité visuelles. Invités en 1984 (inv. : 984.4.1). L’allégeance à de la Durée, tout comme l’était la Dream pour la deuxième Biennale de Lyon en 1993 l’immatériel et au spatial se mue dans House de La Monte Young et Marian (Et tous ils changent le monde), invitation cette configuration en métaphore et Zazeela. Celle-ci est un « milieu spatial » à bientôt annulée pour des raisons financières, mémoire. lumière magenta d’un volume de 101 598 c’est en 1998 que la Monte Young et Marian Dès 1957, dans leur Projet à multiples pieds carrés qui accueille une forme en Zazeela achèvent la Dream House à Lyon. dimensions, George Brecht, Allan Kaprow suspension et ses ombres difractées de Acquise par l’État puis transférée en 2007 au et Allan Watts se réfèrent aux « formes Marian Zazeela, ainsi qu’une Drift Study macLYON (inv. : 2007.12.5), elle sera exposée en inexplorées du “non espace”, de l’“espace de la Monte Young. Une Drift Study n’a ni 2005 pour la Biennale dans une version synthétique” et de l’“espace naturel” ». début ni fin. Elle est composée de « deux différente intitulée Environnements sonores et Avec les Rearrangeable Panels de Kaprow, 7 ondes sinuzoïdales rigoureusement fixes lumineux continus jusqu’à histoire propre… puis avec ses interventions l’année accordées entre elles selon le principe de L’Ambiente Spaziale est désormais déclinée au suivante à la Hansa Gallery, le « milieu l’« intonation juste » dans « un rapport pluriel. spatial » se dilue bientôt dans la plasticité de l’Ambiente, de son élargissement poétique, parfaitement équilibré, sans aucun « Ni peinture, ni sculpture », c’est ce qu’écrit meuble des Environnements, des Specific de sa permanence relative recomposée à battement » (Daniel Caux). La matière Robert Morris de ses Blank Pieces en 1960 ; Sites, des Labyrinths et autre « travail in chaque étape à la faveur de nuances, chacune c’est également ce que dira Donald Judd de situ ». migrant insensiblement à la manière d’une ses Specific Objects en 1965. Chacune de ces « étapes » figure dans la digression vers d’autres plasticités. La A Drop of Black Perfume est la mémoire d’une collection : Robert Irwin, Double Diamond, collection est l’axe vertical sur lequel action de James Lee Byars au cours de (inv. : 2007.12.6), Robert Morris, Lyon l’ordonnée des Biennales s’installe. Cette laquelle l’artiste dépose avec la plus grande Labyrinth et White Nights (inv. : 2001.9.1 et succession de « points de vue » s’ordonne à délicatesse une goutte de parfum noir dans 2001.9.2), Daniel Buren, Le temps d’une partir de la structure formelle de l’Ambiente, une anfractuosité d’un rocher aux confins des œuvre (inv. : 2006.1.1). Chacune de ces de l’intérieur en quelque sorte. Elle peuple les sources du Rhône le 24 juillet 1983. L’œuvre pièces est d’abord une exposition intervalles de vide entre les œuvres, ce que emprunte à l’architectonie de l’Ambiente temporaire créée pour le lieu avant d’être doit résoudre d’une manière ou d’une autre Spaziale : deux disques de verre de 1,26 m de acquise. toute exposition. La trame de l’Ambiente est ici diamètre par 1 mm d’épaisseur, portant Cette séquence écrit le récit de l’histoire d’un commencement dont les l’inscription sérigraphiée A Drop of Black l’instauration d’un geste inaugural, celui boucles temporelles sont une forme 12 13 3
« contemporain », mais aussi, bien proposer de refaire les treize T.V 996.11.2, 996.11.3, 996.11.4, 996.12.1, 996.12.2, évidemment, au Moderne et à l’histoire toute préparées. Très vite, à l’aide de croquis 996.12.3, 996.12.4, 998.2.1). entière, futur inclus. improvisés sur un nombre impressionnant Quatre ans plus tôt, à la date du 25 juin 1959, Au cours de l’été 1962, Nam June Paik, de feuilles de papier éparses jetées tout on peut lire dans le carnet de notes de George compositeur et manipulateur d’images est aussi rapidement sous la table, il nous Brecht l’ébauche d’une Television Piece, invité par le studio de musique expérimentale démontre qu’il est techniquement assemblage de neuf téléviseurs sous la forme de la Westdeutscher Rundfunk de Cologne. Il « impossible de reconstruire l’ensemble, d’un mur d’image. À cette même date, y entreprend ses premières expériences sur tout simplement parce que les George Brecht crée Drip-Music, puis Time- téléviseurs et les expose peu après du 11 au 20 composantes électroniques ont disparu ». Table Music. « Je crois que je suis plus mars 1963 à la galerie Parnass de Wuppertal. Mais il veut bien essayer d’en refaire « le musicien qu’artiste plasticien. C’est le temps 8 plus possible », dit-il, « dans l’esprit des qui m’intéresse. » Sa première exposition originaux, c’est-à-dire dans le respect du personnelle en 1959 s’intitule Toward Events : d’hommage à l’œuvre et à l’époque présent (la scène se passe en 1994), en « Les événements les plus importants sont ces tétradimensionnelles. utilisant exclusivement des téléviseurs petites choses qui arrivent dans la rue », a-t-il La question Moderne est née au XVIIe avec disponibles, sans artifice ni adjonctions écrit. Deux ans auparavant, Allan Kaprow a la querelle du même nom qui s’oppose à technologiques, mais sans non plus réalisé son premier Happening public à l’ancien, et qui ne s’est jamais recourir à une reconstruction à l’identique, véritablement éteinte. Le terme ce qui serait une hérésie qui relèverait de « contemporain », dérivé du latin tardif, la fiction ». Nam June Paik parvient à apparaît à peu près à la même date. Tous reconfigurer cinq des treize TV initiales et deux s’inscrivent dans des généalogies décide de les compléter par des œuvres aux descendances croisées. Mais pour plus tardives « mais dans l’esprit », de longtemps encore, « moderne » désigne la 1964 à 1971. Les neuf pièces qu’il achève seule façon d’être de son époque. composent pour lui « une image à peu Baudelaire, pour qui la modernité est pour près vraisemblable (probable) des moitié transitoire et pour moitié immobile, premières télés (early TV) ». Elles tout comme Courbet dont le chef d’œuvre réincarnent en différé, sans le rejouer à L’Atelier du Peintre est refusé et qui crée l’identique, le moment inaugural de alors son « Pavillon du Réalisme », comme l’avènement de l’image mobile sur le 9 Manet à l’Olympia scandaleuse et Monet le terrain de l’histoire de l’art, jusque-là 10 peintre des Soleils levants impressionnistes, exclusivement composée de figures et de tous sont délibérément et « absolument Les œuvres se présentent sous la forme d’un formes fixes et immuables. l’Université Rutgers dans le New Jersey, le modernes ». Le contemporain au sens où ensemble de treize postes de télévision dont Comme pour l’Ambiente Nero, une fois premier de l’histoire, mais bien après les nous l’entendons aujourd’hui prend les images sont obtenues par l’intervention encore par contumace, cette œuvre « actions » du Cabaret Voltaire (1916), du source dans les années 1940-1950 et directe de l’artiste sur les tubes cathodiques. endosse le statut d’« objet premier ». Bis Black Mountain College (1952) et de s’affirme à l’arrivée du Pop art, de l’art L’exposition s’intitule Exposition of music – repetita. L’histoire d’un commencement… L’Exposition en plein air comme défi au soleil de minimal et du conceptuel. Il correspond Electronic Television. « En tout cas, il faut souligner que ce n’est plein été de Gutaï (1954). entre autre à la fin des avant-gardes et à la À la fois images et objets, dispositifs et ni de la peinture, ni de la sculpture, mais Tous les deux, Allan Kaprow et George tentative de sortir du diktat de la sculptures, les œuvres inaugurent de l’art-temps », écrit Nam June Paik en Brecht, suivent les cours de composition nouveauté pour elle-même. Puis, simultanément l’art vidéo et l’installation 1962 au directeur de la galerie Parnass à expérimentale de John Cage à la New School « contemporain » devient « le » multimédia. Comme pour l’Ambiente a luce Wuppertal. of Social Research, et c’est en 1962 que Brecht contemporain. Après Barthes, Giorgio nera, il s’agit d’un geste fondateur. Et comme Le Musée acquiert huit des œuvres en décide de rassembler tous ses Events dans sa Agamben définit le contemporain comme en 1949, les œuvres ont disparu à l’issue de 1996, la neuvième est donnée par l’artiste Water Yam Box, éditée en 1963 (inv. : 996.13.3). « l’inactuel » – c’est ce que ne voit pas le l’exposition. Par conséquent, ces « objets (Magnet TV, TV Experiment (Mixed De son côté, Yoko Ono expose en 1960 ses mainstream – et c’est « une singulière premiers » ont eux aussi disparu. Microphones), Foot Switch Experiment, Paintings instructions que chacun peut réaliser relation à (notre) propre temps. » Les Lorsque nous rencontrons Nam June Paik Oscilloscope TV, Horizontal Egg Roll TV, et en 1962, elle présente au Sugetsu Art effets de tout cela ont profondément dans un modeste hôtel du 6e arrondissement Vertical Roll TV, Sound Wave Input on Two Center de Tokyo ses Instructions for Paintings, modifié notre relation au présent, à de Paris où il a ses habitudes, c’est pour TV Sets (vertical / horizontal), Zen for TV, et textes rédigés en japonais qui tiennent lieu de l’aujourd’hui, à l’actuel, au l’inviter à la Biennale de Lyon 1995 et lui 14 15 TV Experiment (Donut)) (inv. : 996.11.1, peinture. C’est la première apparition du
« concept art » et ce sont les premières biennale internationale, du moment « partitions » pour œuvres et events… moderne et du moment contemporain. Nous rencontrons G. Brecht au printemps Conventionnelle dans son « mode 1985 pour le convaincre d’accepter une d’existence », l’exposition emprunte rétrospective dont il fixera finalement les sciemment à l’histoire et aux procédés règles : « Nous procéderons par téléphone, muséographiques. Elle démontre, si cela par échange de documentation, de photos était nécessaire, d’une part, que le et plans pour tout ce qui concerne les « contemporain » comme l’« actuel » ne œuvres, la scénographie et l’organisation sont pas plus enracinés dans une date générale. Vous tirerez au sort qu’ils ne sont liés à une époque, et d’autre l’emplacement des Event Glasses, moi je part, qu’une biennale peut allègrement serai à Cologne. » La plupart des œuvres s’emparer de l’histoire sans pour cela ne 14 sont conservées à l’issue de l’exposition et pas être d’aujourd’hui. l’ensemble est présenté dans son C’est là que nous rencontrons Peter est réexaminée à l’aune des questions posées intégralité à la Biennale de Lyon 1993 : 26 Moore, le photographe documentateur par les sciences de l’humain, les sciences tout Chair Events, Table and Chairs, Clothes Tree 13 des events Fluxus dont la durée et court, la raison, les croyances, la cognition, (inv. : 986.16.1 à 26, 986.16.28, 986.16.27), 9 l’évanescence éminemment éphémères l’universalisme critique et son envers, le Event Glasses dont les dimensions, elles Sur le « vide-plein », la sculpture Vide en exigent la fabrication d’une mémoire. La relativisme intégral, la mondialité, l’invention aussi, ont été tirées au sort (987.19.1.9), et pierre pleine mais non dénuée d’humour, qualité de ses prises de vue combinée à des traditions, la machine pétaflopique et la sculpture Vide (inv. : 987.19.2). Celle-ci réconcilie la cosmologie moderne du « vide », l’exactitude des moments qu’il l’épuisement des ressources, la montée des se présente sous la forme d’un rocher de c’est-à-dire l’impermanence radicale du « immortalise » transformeront les clichés intégrismes, l’art… 80 cm de diamètre environ que l’artiste photon de la mécanique quantique (et son noir et blanc en œuvres. 52 photos sur les Pendant ce temps, le Wind Book de Laurie nous charge « de découvrir en bord de « principe de complémentarité ») avec le Tao 100 exposées sont conservées par le Anderson égrène les pages de son journal, Saône et Rhône » et qui sera gravé en son qui engendre l’harmonie par le « vide macLYON à l’issue de la Biennale, (inv.: sous l’action du vent, dans le sens de l’histoire centre du mot « vide » selon ses directives. médian ». C’est une logique de 996.6.1). On y retrouve Exit de Brecht, ou de son contraire (inv. : 2007.12.14). l’ambivalence : un terme renvoie à son l’event qui consiste à inviter le public à se contraire, en une « opposition dynamique en diriger vers la sortie ou Drip Music ou Thierry Raspail même temps inscrite dans une totalité unie » encore Cut de Yoko… tout ce qui flotte (Isabelle Robinet). De son côté, Timoty Leary vers la tétradimensionnalité mais à 1 . Cité par Valérie Da Costa, in Écrits de Lucio Fontana, les Presses du réel, Dijon, 2013, p.38-39 écrit : « Derrière l’électricité de la vie se trouve l’opposé de la structure formelle de la vérité ultime : le vide. » l’Ambiente. C’est également à l’occasion de la Biennale La Monte Young, dans sa Composition 1993 que nous exposons les boîtes de Marcel 1960, rédigée tout près de San Francisco, Duchamp acquises sept ans auparavant alors qu’il est directeur musical avec Terry auprès de Tiny Duchamp : La Mariée mise à Riley du Dancers’ Workshop d’Anna nue par ses célibataires même (la boîte verte), De Halprin, dédie le #10 à Robert Morris : ou par Marcel Duchamp ou Rose Sélavy (la boîte- « Tracer une ligne droite et suivez la. » En 11 en- valise), The Large Glass and Related Works, A retour, la contribution de Morris à l’infinitif (boîte blanche), (inv. : 986.6.1, 986.6.2, l’édition de La Monte : An Anthology of 986.6.3, 996.16.1). Elles ouvrent alors, avec la Chance Operations (inv. : 996.13.1), qu’il Victoire sur le soleil et le Carré noir de retirera finalement, est la suivante : « Faire Malevitch, et avec le Merzbau de Schwitters, un objet pour qu’il soit perdu. Mettre une biennale consacrée à « l’expérience de la quelque chose dedans qui fasse un bruit et limite » en forme de bilan, sept ans avant la le donner à un ami avec cette instruction : fin du siècle et du millénaire. Intitulée Et tous “à déposer dans la rue à pile ou face”. » 15 ils changent le monde, et délibérément La question Moderne est aujourd’hui celle construite sur une trame historique dont la d’une modernité infiniment élargie, à la continuité est assurée par l’« esprit » Dada, manière des bords connectés et désormais 12 elle marque la première rencontre dans une 16 17 poreux des « objets de l’expérience ». Elle
1. Lucio Fontana travaillant / working on Ambiente Biennale, mode d’emploi : Plateformes 2- Rendez-vous spaziale a luce nera, 1948-1949 Courtesy Pirelli/HangarBicocca La Biennale 2017, ce sont également trois Cette plateforme est dédiée à la jeune 2. James Turrell, The Wait, 1989 Mondes Flottants plateformes qui essaiment sur le création. L’exposition Rendez-vous expose Collection macLYON © Blaise Adilon J’ai choisi de faire de Moderne le fil rouge et la territoire : vingt artistes émergents dont 10 travaillent en 3. La Monte Young, Marian Zazeela, Dream House, 1990 trame de la trilogie 2015-2019 de la Biennale France et 10 sont invités par 10 Biennales Collection macLYON, vue Biennale de Lyon 2005 © Blaise d’art contemporain de Lyon. Après des cycles 1- Veduta internationales. Chacune est conviée à choisir Adilon consacrés à l’histoire (1991-1995), au global Veduta est une plateforme multimodale un artiste issu de sa zone d’influence. Les 4. Marian Zazeela, La Monte Young, composition 1960 n° 13 (performance 20 10 62), 1960 (1997-2001) ou à la transmission (2009-2013), consacrée à l’esthétique de la réception et Biennales et triennales qui participent à Collection macLYON, courtesy de l’artiste © Blaise Adilon j’ai invité Emma Lavigne pour assurer le au partage. C’est un laboratoire public et Rendez-vous 2017 sont les suivantes : Asia 5. James Lee Byars, A Drop of Black Perfume, 1983 commissariat du deuxième épisode consacré à une vaste combinatoire consacrée à Pacific Triennial of Contemporary Art Collection macLYON, Estate James Lee Byars, Courtesy Galerie Michael Werner, Cologne et New York © Blaise la modernité. En 2015, Ralf Rugoff avait l’interprétation. C’est dans les « aires » et (Brisbane, Australie), Jakarta (Indonésie), Adilon annexé « La vie moderne » au contemporain « archipels » de dix villes de la Métropole Shanghai (Chine), La Havane (Cuba), Sharjah 6. Robert Irwin, Double Diamond, 1997 pour en dévoiler l’actualité. En 2017, Mondes de Lyon que Veduta fait converger les (Émirats Arabes-Unis) Kochi-Muziris (Inde), Collection macLYON © Blaise Adilon © ADAGP, Paris 7. Robert Morris, White Nights, 2000 Flottants est la traduction qu’en donne Emma échanges, les expériences artistiques, les Eva International (Irlande), Triennale d’Aichi Collection macLYON © Blaise Adilon © ADAGP, Paris Lavigne. Sa modernité flottante surfe du côté workshops, avec la participation des Roses (Japon), Marrakech (Maroc), Lubumbashi 8. Daniel Buren, Le temps d’une œuvre, 2005 des « coagulations temporelles et des de Damas, accueillies, plantées, bouturées, (République démocratique du Congo). Collection macLYON, vue Biennale de Lyon 2005 © Blaise Adilon inclusions réversibles ». Elle est celle des transformées en eau de rose par Thierry Conçue par une direction artistique collégiale, 9. Nam June Paik, Magnet TV, 1965/1995 Symétries troublées des tapis d’Anatolie aux fils Boutonnier grâce à cinq villes et à leurs Rendez-vous se tient à l’IAC, Collection macLYON © Estate of Nam June Paik© Blaise de couleur croisés dont s’inspire Morton habitants. C’est là où les mots de la colère Villeurbanne/Rhône-Alpes. Adilon 10. Peter Moore, 04.06.63 (George Brecht, Drip Music, Feldman dans ses compositions musicales aux de Rivane Neuenschwander collectés au Voir Rendez-vous p. 414 6 avril 1963), 1963 sons inouïs. Il s’agira, par conséquent, de Brésil croisent les mots des jeunes d’ici, « George Brecht en train de jouer de sa Drip Music au créer des espaces aux amplitudes des centres et des périphéries urbaines 3- Résonance Douglass College, New Brunswick, New Jersey en 1963. Parfois l’experience la plus simple est la plus contingentes, où flottent les plans, que l’on entend peu, et où la poésie, le cut- La plateforme artistique d’Auvergne-Rhône- gratifiante. » (Peter Moore, 1993) s’estompent les marges, où courent les up et l’impro fabriquent nos récits. C’est là Alpes, aux bords poreux elle aussi, et aux Collection macLYON © Estate of Peter Moore/VAGA, NYC temporalités ténues, où la musique plonge au où les collections du macLYON dialoguent expériences inattendues, présente dans cette © ADAGP, Paris 11. George Brecht, 9 Event Glasses, 1986 cœur même de notre contemporanéité. avec John Cage et le rock et où s’opèrent édition plus de 150 manifestations dans la Collection macLYON © Blaise Adilon J’avais souhaité que nous invitions les des rencontres inopinées dans des région : expositions solos et collectives, 12. George Brecht, Vide, 1986 collections du Centre Pompidou à l’occasion laveries, des passages souterrains ou des résidences (Fondation Renaud), dérives Collection macLYON © Blaise Adilon 13. Marcel Duchamp, The Large Glass and related Works de son 40e anniversaire. Avec celles de abribus. Et c’est là également que les piétonnières dans les parkings (Street Art), with Nine Original Etchings by Marcel Duchamp, 1967 Grenoble, de Saint-Etienne et celles du contes oubliés de Lee Mingwei nous avec des centres d’art, des artists-run- Collection macLYON © The Estate of Marcel Duchamp © macLYON qu’a conviées Emma, c’est un attendent dans un véhicule lent qui, d’une spaces… Deux expositions associées Blaise Adilon © ADAGP, Paris, 2017 14. Peter Moore, 03.21.65 (Yoko Ono, Cut Piece, 21 moderne augmenté, aux bords estompés et ville à l’autre, nous convient à l’intimité complètent le réseau : Lee Mingwei à la mars 1965), 1965 meubles, qui apparaît, parcouru par la d’une voix écoutée dans un lit partagé Fondation Bullukian et Lee Ufan au Couvent « Ono performant l’une de ses Cut Pieces au Carnegie singularité unique de créations « inactuelles » avec un ou une inconnue. de la Tourette. Voir Résonance p. 400 et les Hall, 1965. Son mari, Tony Cox, la regarde avec appréhension a droite. A gauche l’un de ses freres d’artistes de notre temps. Voir Veduta p. 358 expositions associées p. 424 Maysles filme. Quelques morceaux de sa robe coupes Mondes Flottants se tient au macLYON, à la par des volontaires respectueux. » (Peter Moore, 1993) Sucrière, et sous le dôme de Buckminster Collection macLYON © Estate of Peter Moore/VAGA, NYC © ADAGP, Paris Fuller. 15. Laurie Anderson, Windbook (détail), 1974 Collection macLYON © Blaise Adilon 18 19
Modern death. He completed two in 1964, two in 1966, over this belief in the bounded character of perception. His exploration of dim light and Lyon Biennales and collections, and three in 1967. The one he made on 3 August all objects of experience into our conception dark space opened up the undiscovered world on the threshold of floating worlds 1967, between 11 am and 4 pm at the Galleria of experience itself. We suppose the of the infra-dark in his Dark Pieces. Acquired by del Deposito in Milan, is the only autograph experience has the same definite limits as macLYON in 1992, The Wait, 1990 (inv. 990.3.1), is a The four-dimensional art that Lucio Ambiente in existence anywhere today. It was the things with which it is concerned.” “spatial environment” without light, accessed Fontana pleaded for in the White Manifesto acquired by the Musée d’Art Contemporain de Conversely, he notes that whether our up a sloping corridor, to a balcony facing the of 1946, written in Buenos Aires with his Lyon (macLYON) in 1984, the year the museum visual experience of a scene is vast or void – which one imagines but does not see. students but left unsigned, may well have was founded, and was the first work to be minutely focused, “we experience it as a The Dark Pieces reveal an aspect of perception been one of the first manifestations of a negotiated for its future collection (Inventory part of a larger and inclusive whole, [… which, according to James Turrell, shows that Floating World. This commitment to the number: 984.1.1). ](whose) margins shade into that indefinite “the seeing that comes from ‘out there’ merges four dimensional came one year before his A “rectified” double and the ghost of an expanse beyond which imagination calls the with the seeing that comes from ‘in here’.” In first Concetto Spaziale (Spatial Concept) and inaugural moment dating back eighteen years, universe.” pitch darkness, the seated visitor (a way of three years before his first Ambiente Spaziale the 1967 Ambiente wears the privileged mantle, Today the world has changed and the forgetting one’s own weight), gradually (Spatial Environment), a luce nera (in Black in absentia, of “prime object”, which, in the prevailing idea is that the most important becomes aware, for the duration of the Light), also called Ambiente nero (Black terminology of G. Kubler, is a work whose new properties of space can no longer be defined experiment, of how their own senses construct Environment). It was exhibited from 5 to 11 and original formal structure lasts through a priori by categories. These properties are the consciousness they have of what is February 1949 at the Galleria del Naviglio in time, as the Parthenon did for temples. now determined by a permanent flow of happening, but without the presence of space, Milan. For Fontana, it was “neither painting The 1967 Ambiente consists of nine canvases on currents and fluctuations (capital, men, that is to say the present of this experience, ever nor sculpture”; it was a “free and stretchers, designed to be assembled in such a risks, ideas, information, etc.) that disappearing. It is as if the real can only exist in immediate suggestion that an ambiente, way that they form a particular space to be seen permanently change the spatial coordinates. the present, as if there were no world prior to created by an artist, transmits to the from the inside, and of which they are the four In 2005, 90 years after John Dewey, Hartmut the sensory experience. This period of viewer”. The term ambiente is difficult to walls, the roof and the entrance. In black light, Rosa wrote: “The space of flows is first and introspection is akin to that mentioned by translate; it describes a place with particular the edges of the space become blurred and the foremost an organization of nodes that Fontana in 1961 in respect to Ambiente Nero. spatial qualities, something like an materiality of the canvases is almost invisible. function in networks with no stable After an adaptation period of twelve to environment or a spatial ‘milieu’. Ambiente a After a period of adaptation which leaves the hierarchy, operating by means of temporal fourteen minutes, the observer, if they are luce nera was a dark room in which an visitor “completely isolated and introspective” coagulation and reversible inclusions.” willing to go to the end of the viewing, will abstract three-dimensional form hovered (as Fontana put it in 1961, speaking about the Today, twelve years after Rosa, this make out a shape in the dark but will have no overhead, its fluorescent painted surfaces Ambiente Nero), lines of phosphorescent yellow observation is simply banal, as technique, certainty as to its colour (some will see the picked out by black light. Fontana described dots begin to appear. They seem to float in the lifestyles, images, the invention of complementary), its configuration, its this work as “the first attempt at liberation dark, but they are actually painted on the connected history, a proliferation of amplitude or its location in the space, where it of a static plastic form” (10 February 1949, “walls”, i.e. the canvases. These lines mark out augmented objects with infinite edges, the seems to float unanchored. in a lecture given by the artist). Fontana’s the three spatial dimensions. The fourth silhouette of the human, reflections on the This Dark Piece was one of the major pieces in four-dimensional Art sought to go beyond dimension is provided by the time that we question of modernity, the plasticity of the 2005 Biennale, L’Expérience de la durée (“The “painting, sculpture, poetry, music”. It was choose to spend wandering in this historical models, the globalized world and Experience of Duration”), as was La Monte the part des anges that he owed, among “environment” with neither landmark nor the dynamics of the social networks, have Young and Marian Zazeela’s Dream House, others, to Boccioni, who had “challenged guide. How long we spend in it is totally up to all profoundly altered our relationship to which is a 101,598 cubic-foot “spatial the stars”, and to Malevich: “This summer I us. In this configuration, four-dimensional art is shapes, while shapes have lost their environment” bathed in magenta light; it have already declared myself President of simply “space as an artistic material” (Fontana), stability. houses Marian Zazeela’s hanging mobiles and Space” (10 November 1917) . which in turn is nothing other than a concrete The world is henceforth four-dimensional their diffracted shadows, along with a La But for the first time in the history of art, a encounter with space experienced during the and the Ambiente Spaziale is at once the Monte Young Drift Study. A Drift Study has work succeeded in making tangible a time of the Ambiente. prototype and the establishing formal neither beginning nor end. It consists of dematerialized space. At the same time, it Four-dimensional space. structure. It has bequeathed its listening to “two ultra-stable sine wave drones inaugurated the transition from sculpture to “We are accustomed to think of physical objects architectonics and its own peculiar “mode that have been precisely tuned to each other on the environment. It was a founding gesture. as having bounded edges.” So wrote John of existence” to a host of works that, by the principle of ‘just intonation’, in other words, And yet, nothing remains of this gesture Dewey in Art as Experience in 1915, adding that being collected, have written their partial in a perfectly regular periodic relationship apart from a handful of black and white “things like rocks, chairs, books, houses, trade, history and established their floating without any beat.” (Daniel Caux). The sound photos. and science with its efforts at precise landscape. material completely fills the space, envelops Fontana only made eight Ambiente Spaziale measurement, have confirmed the belief.” This James Turrell transformed the physics of and follows the visitor’s movements. A mere between 1949 and 1968, the year of his is why, he maintains, “we unconsciously carry 20 21 light into a concrete experience of movement of the head can effect a change of
texture and even of pitch. The fusion of turns into metaphor and memory. Monet the Impressionist painter of sunrises Very quickly, with the aid of improvised continuous sound and magenta light As early as 1957, in their Project in Multiple – these painters were all “absolutely sketches on an impressive number of sheets of confers an immanent ecstatic dimension on Dimensions, George Brecht, Allan Kaprow and modern”. paper which he threw just as quickly under the this “environment”; the sound material Allan Watts referred to the “unexplored forms Contemporary art, in the sense that we table, he demonstrated that it was technically defines discontinuous spatial configurations of ‘non-space’, ‘synthetic space’ and ‘natural understand it today, springs from the 1940s “impossible to reconstruct the installation, for – subjective also, insofar as they are peculiar space’.” With Kaprow’s Rearrangeable Panels, and 50s and asserted itself with the arrival the simple reason that the electronic to the shifts and movement of the and his interventions the following year at the of Pop, Minimalism and Concept in the components have disappeared.” But he was individual listener – while simultaneously Hansa Gallery, the “space medium” soon 1960s. It marked, among other things, the prepared to try and do “as much as possible,” the uniform lighting ensures visual became diluted in the soft plasticity of end of the avant-garde and an attempt to he said, “in the spirit of the originals – i.e. in a continuity and homogeneity. Their Environments, Specific Sites, Labyrinths and other escape the diktat of novelty for its own sake. manner that respects the present day (this was invitation to the second Lyon Biennale in “in situ work”. Then “contemporary” became “the in 1994) –, using only televisions that are 1993, Et tous ils changent le monde (And They Each of these “stages” is represented in the contemporary”. Following Barthes, Giorgio available, without any artifice or technological All Change the World), was cancelled for collection: Robert Irwin, Double Diamond, Agamben defined the contemporary as “the additions, and also without attempting an financial reasons, so La Monte Young and Robert Morris, Lyon Labyrinth and White Nights untimely” – this is basically what the identical reconstruction, which would be a Marian Zazeela did not complete their (inv.: 2001.9.1 and 2001.9.2), Daniel Buren, Le mainstream does not see – and it is “a heresy amounting to fiction.” Nam June Paik Dream House in Lyon until 1998. The work temps d’une oeuvre (inv.: 2006.1.1). Each of these singular relationship to (our) own time”. managed to reconfigure five of the original was acquired by the French State and then pieces started out as a temporary exhibition The effects of all this have profoundly thirteen TV sets and decided to supplement transferred to macLYON (inv.: 2007.12.5). It created for the site before being acquired. altered our relationship to the present, to them with later works, “in the same spirit”, was exhibited in the 2005 Biennale in a This sequence makes up the story of the today, to our own time, to the from 1964 to 1971. The nine pieces he different version entitled Dream House Sound inaugural gesture that Ambiente began as; how “contemporary”, and also, of course, to the completed constituted, he said, “a fairly and Light Environment, a time installation it grew to be poetic; and its relative permanence Modern and the whole of history, including believable image of early TV.” They were a measured by a setting of continuous frequencies recomposed at each stage to provide nuances, the future. deferred re-creation, without being an identical in sound and light… The concept of Ambiente each migrating imperceptibly in the manner of During the summer of 1962, Nam June Paik, replay, of the inaugural moment when the Spaziale was now no longer a singular a digression towards other visual arts. The composer and manipulator of images, was moving image moved into the territory of art notion. collection is the vertical axis on which the the guest of the experimental music studio history, which had until then been exclusively “Neither painting nor sculpture” is how ordinate of the Biennales is placed. This of the Westdeutscher Rundfunk in Cologne. composed of fixed and immutable figures and Robert Morris described his Blank Pieces in succession of “points of view” takes its order He began his first experiments on forms. 1960; this is also what Donald Judd said from the formal structure of the Ambiente, from televisions there and exhibited them shortly Like the Ambiente Nero, and once again in about his Specific Objects in 1965. the interior as you might say. It fills the gaps afterwards, from 11 to 20 March 1963, at the absentia, this work wears the privileged mantle A Drop of Black Perfume is the memory of an between the works – something that any Galerie Parnass in Wuppertal. The works of “prime object”. The same pattern. The story action by James Lee Byars on 24 July 1983 in exhibition has to find a way of doing. The took the form of a set of thirteen television of a beginning… “In any case, it has to be the course of which, with the greatest framework of the Ambiente in this case is the sets; the pictures on them were the result of emphasized that it is neither painting nor delicacy, the artist poured a droplet of black story of a beginning, with time loops that are a direct intervention by the artist on the sculpture, but time-art,” Nam June Paik wrote perfume into a crack in a rock at the source form of homage to a work and an epoch that cathode ray tubes. The exhibition was to the director of the Gallery Parnass in of the Rhone. The work is based on the are both four-dimensional. entitled Exposition of music – Electronic Wuppertal in 1962. architectonics of an Ambiente Spaziale: two The Modern question goes back to the 17th Television. The Museum acquired eight of the works in glass discs, 1.26 m in diameter by 1 mm century with the Quarrel of the Ancients and The works were images and objects, devices 1996; the ninth was donated by the artist: thick, bearing the printed inscription A Drop the Moderns, which has never really gone and sculptures, and at one and the same (Magnet TV, TV Experiment (Mixed Microphones), of Black Perfume, are displayed vertically in a away. The word “contemporary”, which time they paved the way for video art and Foot Switch Experiment, TV Oscilloscope, dark room. They lie on the floor opposite derives from late Latin, appeared around the multimedia installations. Like Ambiente a Horizontal Egg Roll TV, Vertical Roll TV, Sound each other. They are almost invisible and the same time. Both terms have generated crossed luce nera, this was a founding gesture. And, Wave Input Sets (vertical / horizontal), Zen for TV, artist relies on the visitor’s visual acuity, genealogies. But for a long time, “modern” as in 1949, the works disappeared at the end and TV Experiment (Donut)) (inv.: 996.11.1, adaptation to the light, and rapt attention to indicated the only way to be of one’s time. of the exhibition. As a result, these “prime 996.11.2, 996.11.3, 996.11.4, 996.12.1, 996.12.2, detect their presence. It is impossible to read Baudelaire, for whom modernity was half objects” have also disappeared. 996.12.4, 998.2.1). the inscription. The extreme fragility of the ephemeral and fugitive and half eternal and When we met Nam June Paik, in a modest Four years earlier, on 25 June 1959, George discs correlates to the volatility of the immutable, Courbet whose Artist’s Studio was hotel that he liked to use in the 6th Brecht’s notebook contained notes for a perfume. The work was acquired in 1984 refused for the Universal exposition and who arrondissement of Paris, it was to invite him Television Piece, an assemblage of nine (inv.: 984.4.1). In this configuration, set up the Pavilion of Realism in competition to to the 1995 Lyon Biennale and ask him to televisions in the form of a wall of pictures. At allegiance to the immaterial and the spatial it, Manet with his scandalous Olympia, and 22 23 remake the thirteen prepared television sets. the same time, he created Drip-Music, then
Time-Table Music. “I think I’m more of a instructions, was to be engraved in the centre evanescence required the manufacture of a musician than an artist. What interests me is with the word “vide”. memory. The quality of Moore’s time.” G. Brecht’s first solo exhibition in On the “empty-full” (vide-plein) opposition, the photographs, combined with the accuracy 1959 was entitled Toward Events: “The most “empty” (vide) sculpture in solid stone – which of the moments he “immortalised”, turned important events are those little things that is not devoid of humour – reconciles the the black and white shots into artworks. 52 happen in the street,” he wrote. Two years modern cosmology of the “vacuum” or “void” of the 100 photos exhibited were kept by the earlier, Allan Kaprow created his first public (le vide) – that is to say, the radical macLYON after the Biennale (inv.: 996.6.1). Happening at Rutgers University in New impermanence of the photon in quantum Among them, are Exit, the event that Jersey, the first in history, but well after the mechanics (with its “principle of involved inviting the public to head “actions” of the Cabaret Voltaire (1916), complementarity”) – with the Tao, which towards the exit, and Drip Music as well as Black Mountain College (1952) and the generates harmony “on the breath of the Yoko Ono’s Cut… Everything floating Gutai group’s Outdoor Exhibition of Modern Median Void”. It is a logic of ambivalence: a towards four-dimensionality, unlike the Art to Challenge the Midsummer Sun (1954). word evokes its opposite, in a “dynamic formal structure of Ambiente. Both Allan Kaprow and George Brecht opposition that is at the same time inscribed in La Monte Young, in his Composition 1960, attended John Cage’s experimental a united whole” (Isabelle Robinet). Timothy which he wrote near San Francisco when he composition classes at the New School of Leary wrote: “Behind the electricity of life is the and Terry Riley were the musical directors Social Research and, in 1962, Brecht decided ultimate truth: emptiness.” of Anna Halprin’s Dancers’ Workshop, to collect together all his event-scores in his At the 1993 Biennale we also exhibited the dedicated # 10 to Robert Morris: “Draw a Water Yam box, published in 1963 (inv.: Marcel Duchamp boxes that we had acquired straight line and follow it.” In return, 996.13.3). In 1960, Yoko Ono exhibited her seven years earlier from Teeny Duchamp: La Morris’s contribution to La Monte’s Instruction Paintings, which could be mariée mise à nu par ses célibataires, même [‘The publication: An Anthology of Chance produced by anyone, and in 1962, at the Bride Stripped Bare by Her Bachelors, Even’] Operations (inv.: 996.13.1), which he Sogetsu Art Center in Tokyo, she presented (The Green Box), De ou par Marcel Duchamp ou eventually withdrew, read as follows: Make her Instructions for Paintings which were Rrose Sélavy (The Box in a Suitcase), The Large an object to be lost. Put something inside texts in Japanese characters and at the same Glass and Related Works, A l’infinitif (The White that makes a noise and give it to a friend time paintings. This was the first Box), (inv.: 986.6.1, 986.6.2, 986.6.3, 996.16.1). with the instructions: ‘to be deposited in the appearance of “concept art” and these were Along with Malevich’s Victory over the Sun and street with a toss’.” the first “scores” for works and events. We Black Square and Kurt Schwitters’s Merzbau, Today the Modern question involves an met G. Brecht in the spring of 1985 to those works opened a Biennale devoted to the infinitely enlarged modernity, like the persuade him to agree to a retrospective. “experience of the limit”, a kind of taking stock, connected and now porous edges of This was the modus operandi that he seven years before the end of the century and “objects of experience”. It is re-examined in eventually came up with: “We will proceed millennium. Entitled Et tous ils changent le terms of the questions raised by the human by telephone, by exchanging documents, monde (And They All Change the World), and sciences, science in general, reason, beliefs, photos and plans for everything to do with deliberately given a historical framework, with cognition, critical universalism and its the works, the scenography and general continuity ensured by the Dada “spirit”, it reverse, integral relativism, globality, the organization. You will draw lots to decide marked the first encounter in an international invention of traditions, petaflop computers the placing of the Event Glasses; I will be in biennale, of the Modern moment and the and the depletion of resources, the rise of Cologne.” Most of the works were Contemporary moment. The exhibition was fundamentalism, art… preserved at the end of the exhibition and conventional in its “mode of existence”, Meanwhile, in Laurie Anderson’s Wind the ensemble was presented in its entirety at consciously borrowing from history and Book, the pages of her diary are turned by the 1993 Lyon Biennale: 26 Chair Events, museological practices. It demonstrated, if it the wind, backwards and forwards, towards Table and Chairs, Clothes Tree (inv.: 986.16.1 to was needed, that what is “contemporary” as history or the hereafter (inv.: 2007.12.14). 26 , 986.16.28, 986.16.27), 9 Event Glasses, the well as what is “current” can no more be traced dimensions of which were also decided by back to a date than be linked to a period, and, at Thierry Raspail drawing lots (inv.: 987.19.1.9), and the the same time, that a biennale can cheerfully sculpture Vide (inv.: 987.19.2). Vide is an 80 deal in history and still be at the leading edge. (tr. Jeremy Harrison) cm diameter stone that the artist instructed It was there that we met Peter Moore, the us “to find on the banks of the Saône and documentary photographer of the Fluxus Rhone” and which, in keeping with his events, whose highly ephemeral time span and 24 25
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