Parlons dette en 30 questions - DOC EN POCHE
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4 Parlons dette Le point sur� � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � 7 Questions-réponses� � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � 25 1. La dette publique, une création récente ?� � � � � � � � � � � � � � � � � � � � 26 2. La France endettée depuis le xixe siècle ?� � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � 28 3. Dette publique et dette privée : quelles différences ?� � � � � � � 30 4. Un bébé français doit-il 42 000 euros à sa naissance ?� � � � � � 32 5. La dette, pour quoi faire ?� � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � 34 6. Des États riches très endettés ?� � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � 36 7. La dette française est-elle à vendre ?� � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � 38 8. Pourquoi acheter de la dette française ?� � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � 40 9. Qui fixe les taux d’intérêt ?� � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � 42 10. À quoi servent les taux d’intérêt ?� � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � 44 11. Payer pour prêter à l’État ?� � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � 46 12. La France trop dépensière ?� � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � 48 13. Des taux d’intérêt élevés : un danger ?� � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � 50 14. L’inflation : un danger ?� � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � 52 15. Rembourser… ou pas ?� � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � 54 16. Un État peut-il faire faillite ?� � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � 56 17. La dette, un frein pour les pays en développement ?� � � � � � � 58 18. Spéculation et dette font‑elles bon ménage ?� � � � � � � � � � � � � � � 60 19. Les crises reviennent-elles ?� � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � 62 20. La grande récession, crise de la finance mondialisée ?� � � � � � 64 21. Les années 2020, des chocs successifs ?� � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � 66 22. Contre les crises, deux types de politiques économiques ? 68 23. La politique budgétaire sous contrainte ?� � � � � � � � � � � � � � � � � � � � 70 24. La politique monétaire sous l’influence des crises ?� � � � � � � � � 72 25. La finance privée est‑elle sous contrôle ?� � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � 74
Sommaire 5 26. Quelle surveillance des banques depuis la crise de 2008 ?� 76 27. Renforcer la coopération internationale ?� � � � � � � � � � � � � � � � � � � � 78 28. La dette écologique, nouveau défi ?� � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � 80 29. Affronter des menaces fréquentes et sévères ?� � � � � � � � � � � � � � 82 30. Réformer la gouvernance budgétaire et monétaire européenne ?� � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � 84 Pour aller plus loin� � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � 87 Les chiffres-clés� � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � 88 Les mots-clés� � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � 90 Bibliothèque� � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � 96
Parlons dette Le point sur
8 Parlons dette Le point sur Depuis près de 20 ans, des crises d’une rare intensité ont fait pénétrer les débats économiques dans le quo- tidien des européens. En quelques années, le niveau des déficits budgétaires et de la dette publique, ou la politique monétaire de la Banque centrale européenne ont pris une place essentielle dans les déterminants des choix publics. Or, après la crise des dettes publiques des années 2010, les soubresauts des années 2020 obligent les gouvernants à chercher de nouvelles réponses dans un contexte de plus en plus complexe… Les réponses publiques aux crises ont changé Au tournant des années 2010 puis au début des années 2020, les nations européennes ont été confrontées à deux crises majeures provoquées par des chocs externes. Dans le premier cas, la crise financière et bancaire privée née aux États-Unis a gangrené l’ensemble de la planète pro- voquant une très forte récession. Dans le second cas, on observe une récession du même ordre, mais consécutive à la décision indispensable des gouvernements d’arrêter l’activité économique pour limiter la propagation de la pandémie de Covid-19 et la crise sanitaire qui s’en est suivie. En France, ces deux chocs ont causé une chute du PIB courant de 14,9 % en 2009 et de 14,3 % en 2020 et le déficit des administrations publiques s’est élevé à 7,2 % en 2009 et à 9 % en 2020. En conséquence, la dette des administra- tions publiques est passée de 68,8 % du PIB à 83 % entre 2008 et 2009, et de 97,4 % du PIB à 115 % entre 2019 et * Les termes marqués par une astérisque sont définis dans Les mots-clés page 90. Ils sont marqués à la première occurrence.
Le point sur 9 2020, enregistrant des évolutions d’au moins 15 points de PIB à chaque fois. Des évolutions du même ordre peuvent être observées dans les pays de l’Union européenne (UE). Pourtant, contraire- ment aux années 2010, et en dépit de certaines craintes, l’aggravation de l’état des comptes publics des années 2020 n’a pas provoqué de nouvelle crise de la dette publique. Sous la contrainte de ces deux moments de crise, la gou- vernance européenne a évolué et semble moins subir les aléas. Mais il n’en reste pas moins que la récurrence des fortes turbulences depuis les années 1980 montre que de nombreux facteurs jouent de manière structurelle dans un sens préjudiciable à la stabilité économique. La financiarisation de l’économie et le retour des crises Après la crise du fordisme des années 1970 déclenchée par deux chocs pétroliers qui ont mis un terme à 30 années de croissance forte (les Trente Glorieuses), un renversement dans la régulation a été opéré avec la libéralisation de l’économie mondiale et, en particulier, la déréglementation des marchés de capitaux. Durant les Trente Glorieuses s’était réalisée une formi- dable expansion de la production et du pouvoir d’achat Qu’est-ce que le fordisme ? Ce terme est employé pour qualifier l’organisation de l’écono- mie dominante durant la période des Trente Glorieuses (1945- 1975). Elle associe une production de masse, généralement à la chaîne, à une consommation de masse. La protection sociale est véritablement née durant cette période de forte croissance. Celle-ci était soutenue par des politiques publiques très actives.
10 Parlons dette des salariés, soutenue par une coordination active entre politique budgétaire et politique monétaire. Dès le début des années 1980 s’engage, sous l’influence des idées libé- rales professées par Margaret Thatcher au Royaume-Uni et Ronald Reagan aux États-Unis, la dérégulation écono- mique, l’État étant dès lors réputé médiocre gestionnaire de l’économie. Cette dérégulation touche en particulier les marchés financiers, et se prolonge durant les années 1990 et 2000 au cours desquelles les protections mises en place après la crise des années 1930 sont progressive- ment éliminées. La croyance en la capacité des marchés à s’auto-réguler s’étant répandue aussi bien chez les éco- nomistes, les responsables politiques et les investisseurs, le risque de crises est amplement sous-estimé. Celles-ci réapparaissent cependant assez vite et deviennent récur- rentes, sous l’influence d’une finance privée dérégulée, et dont l’expansion est démultipliée par des produits et des montages nouveaux, ainsi que par le développement des nouvelles technologies. Des crises aux nombreuses leçons Depuis les années 1980, le monde a en moyenne connu un épisode de crise financière tous les 2 ou3 ans. Certains d’entre eux fournissent des leçons dont les enseignements n’ont pas toujours été tirés. Ainsi en va-t-il des crises de la dette dans les pays d’Amé- rique latine à partir du début des années 1980. L’une de leurs principales caractéristiques est le rôle central du dollar. La monnaie américaine a en effet souvent rem- placé la monnaie locale dans ces pays, y compris dans les opérations d’emprunts intérieurs et extérieurs. C’est le phénomène de dollarisation que connaissent nombre de pays en développement.
Parlons dette Questions- réponses
36 Parlons dette 6 Des États riches très endettés ? Un endettement comparable à l’après-guerre, avec des différences En moyenne, les 7 pays les plus riches (États-Unis, Japon, Allemagne, France, Royaume-Uni, Italie, Canada) étaient aussi endettés en 2015 qu’en 1950. Mais le prix Nobel d’éco- nomie Paul Krugman signalait que la moyenne dissimulait d’importants écarts (New York Times). En 1950, la dette publique du Canada, des États-Unis et du Royaume-Uni dépassait 90 % du produit intérieur brut (PIB). Celle des 4 autres pays était inférieure à 50 % du PIB (source : FMI). En 2015, les plus endettés étaient l’Italie et le Japon, à plus de 150 % du PIB. En Allemagne le ratio était revenu à 70 %, et était égal ou supérieur à 90 % pour les 4 autres. Le tournant des années 1980 Le financement des déficits publics par création moné- taire a alors été remplacé par le recours à l’emprunt sur les marchés financiers. Simultanément, a éclaté une crise qui a interrompu trente années de croissance et installé un chômage de masse durable. Les déficits publics se sont creusés et la finance privée a énormément gonflé. Des crises communes mais des trajectoires nationales En 2007, les pays riches étaient déjà très endettés. Ils ont tous subi entre 2008 et 2022 deux crises majeures. Cela a accru leur endettement de 40 points de PIB au minimum, sauf dans le cas de l’Allemagne. Elle a profité d’un commerce extérieur florissant pour consolider sa situation budgétaire grâce aux recettes fiscales.
Questions-réponses 37 Le Japon, un modèle particulier d’endettement ? Le Japon est le pays le plus endetté du monde. Entre 2007 et 2020, sa dette publique brute est passée de 172,9 % du produit intérieur brut (PIB) à 254,1 %. Mais le Japon est la 3e économie mondiale et une importante puissance financière. Son dynamisme repose sur la demande étrangère et l’innovation technologique. Par ailleurs, il finance sa dette publique par l’épargne des Japonais. La trajectoire particulière du Canada En 1996, la dette du Canada pesait 100,2 % de son PIB. Ce pays a mis en place un plan de rigueur drastique incluant le licenciement de fonctionnaires. Il a aussi bénéficié d’une forte croissance. En 2007, le ratio de la dette sur le PIB était retombé à 69,9 %. Mais le Canada a subi le choc des crises. En 2020, ce ratio était remonté à 117,5 % (FMI). Évolution de la dette publique des pays du G7* en % du PIB entre 1950 et 2020 * Allemagne, Canada, États-Unis, France, Italie, Japon et Royaume-Uni. Source : FMI, Global Debt Database.
44 Parlons dette 10 À quoi servent les taux d’intérêt ? Ce sont les prix des marchés du crédit Ils permettent l’ajustement de l’offre et de la demande de fonds prêtables. Les prêteurs en tirent une rémunération. Ils exigent aussi des garanties de leurs débiteurs, par exemple une caution ou une hypothèque pour un prêt immobilier. Dans le cas de prêts à des États en difficulté, si des garan- ties sont demandées elles prennent la forme de réformes structurelles. La garantie est la condition nécessaire du crédit, le taux d’intérêt est la condition suffisante. En temps normal le risque accélère la hausse des taux d’intérêt Si les investisseurs pensent qu’il y a un risque de défaut de paiement d’un État, ils ne prêtent qu’en contrepartie d’un surcroît de rémunération. Cette surprime de risque majore les taux d’intérêt. En outre, comme l’avenir lointain est incertain, les taux d’intérêt à moyen et long termes sont normalement plus élevés qu’à court terme. L’activité économique dépend du taux directeur Les banques commerciales doivent toujours pouvoir emprunter sur le marché interbancaire pour préserver leur liquidité. Elles fixent donc le taux d’intérêt des crédits à leurs clients au-dessus du taux de ce marché. Lorsque la BCE modifie son taux directeur cela modifie les taux des crédits des banques commerciales. La BCE influence ainsi directement la consommation et l’investissement.
Questions-réponses 45 La BCE fixe trois taux d’intérêt Le taux directeur est le taux auquel les banques commerciales obtiennent des liquidités pour une semaine auprès de la BCE. Le taux de facilité de prêt marginal est payé à la BCE quand les banques commerciales ont un besoin urgent de liquidités pour 24 heures. Il est plus élevé que le taux directeur. Lorsque les banques commerciales ont un excès de liquidités elles peuvent les placer auprès de la BCE pour 24 heures et perçoivent un taux plus faible, de facilité de dépôt. En pratique le taux interbancaire devrait fluctuer dans un corridor avec le taux de facilité de dépôt comme plancher et le taux de facilité de prêt marginal comme plafond. Ces dernières années le taux interbancaire collait au plancher, ce qui est anormal. L’articulation des taux d’intérêt Banque centrale européenne monétaire Politique Taux de Taux Taux de facilité de dépôt directeur facilité de prêt Prê interbancaire àut Marché Dépôt 24h Prêt à 24h ne Taux du marché sem t interbancaire Pr êt ain Prê e Taux du crédit Excédent de Insuffisance de aux agents liquidités liquidités commerciales économiques Banques Encaissement Balance Encaissement > Encaissement < Décaissement Décaissement Décaissement Source : conception de l’auteur.
62 Parlons dette 19 Les crises reviennent-elles ? C’est un moment dans un cycle économique Depuis les débuts du capitalisme industriel au xixe siècle, l’activité économique connaît une évolution caractéri- sée par des cycles dans lesquels les crises marquent le retournement brutal de la conjoncture entre la période de croissance et la phase de récession. À ce moment, la production baisse et le chômage s’accroît. Depuis l’an 2000, l’économie mondiale a traversé trois épisodes de crises dont les deux derniers ont été très violents. Des crises aux caractéristiques différentes Si une crise met au jour de graves dysfonctionnements dans la sphère économique dont les principales structures perdent leur cohérence, elles sont souvent le résultat de chocs. Des chocs de production comme après la pandé- mie de Covid, des chocs financiers comme après la crise de la finance privée américaine en 2008, ou des chocs sur les prix comme après la hausse des prix du pétrole dans les années 1970. La crise peut être endogène, résultat de désajustements internes au système économique, ou exogène quand par exemple un krach boursier aux États- Unis contamine l’ensemble de l’économie mondiale. Les crises creusent la dette publique La lutte contre la récession, pour préserver les entreprises du risque de faillite, et l’activation de dispositifs de maintien du pouvoir d’achat des ménages déstabilisent brutalement les finances publiques que seul l’emprunt parvient à équilibrer.
Questions-réponses 63 Taux moyen de croissance du PIB (en %) des pays du G7 depuis l’an 2000 * Prévisions. Source : FMI. Le saviez-vous ? Si les économistes qualifient de crise le moment du retournement de la conjoncture, par extension on qualifie souvent de « crise » les périodes de mauvaise conjoncture ou de dysfonctionnement économique.
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