RACISTE MALGRÉ MOI ! - CIEP
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Bureau de dépôt - Bruxelles X PB- PP P701162 BELGIE(N) - BELGIQUE Trimestriel du CIEP I MOC n° 109 - Juillet - Août - Septembre 2021 RACISTE MALGRÉ MOI ! ENSEMBLE, DÉCONSTRUISONS LE RACISME STRUCTUREL Scratch and Win : l'égalité n'est pas un jeu de hasard ! Fashion For Inclusion ou la mode au service du durable et de l'inclusion sociale © & Reportage
Le Centre d’Information et d’Éducation Populaire du MOC (CIEP), est chargé des activités éducatives et culturelles du MOC. Organisés en équipes régionales et communautaires, nous appuyons à travers la formation les activités du MOC et des organisations qui le constituent. Notre souci est de donner aux © & Reportage groupes et aux individus les outils nécessaires à leur engagement comme acteurs et citoyens et de participer au développement ÉDITORIAL d’une société démocratique par une réelle démocratisation du Solidarité et communauté de destin.......................................... 3 savoir et une valorisation de l’action collective. ANALYSE Notre originalité réside essentiellement dans la philosophie RACISTE MALGRÉ MOI ! Ensemble, déconstruisons le racisme structurel de notre travail et dans notre expérience accumulée d’une - Introduction ............................................................................. 3 pédagogie participative notamment à travers l’ISCO et le Bagic. - Un racisme insidieux et transversal dans l’emploi ................ 6 L’Éducation permanente est notre quotidien - La Fabrique des Solidarités, un projet d’éducation la formation notre spécialité. permanente féministe pour lutter contre la racisme............. 8 MOUVEMENT EN CAMPAGNE CONTACT: Centre d’Information et d’Éducation Populaire - Scratch and Win : l’égalité n’est pas un jeu de hasard ! ........... 11 Chaussée de Haecht, 577-579 – 1030 Bruxelles - Inégalités programmées : capitalisme, algorithmes Tél.: 02.246.38.41-43 • Fax: 02.246.38.25 et démocratie.................................................................................... 12 Courriel: communautaire@ciep.be - Fashion For Inclusion....................................................................... 13 COMITÉ DE RÉDACTION : Christine STEINBACH, Graziella FORTINO, France HUART - La société civile et la décolonisation de la coopération (coordination), Zoé MAUS, Anne-France MORDANT, Florence MOUSSIAUX, Nicole au développement ........................................................................... 14 TINANT EN RÉGIONS SECRÉTARIAT : Francine BAILLET, Lysiane METTENS - Quinzaine décoloniale à Mons................................................. 16 ONT PARTICIPÉ À CE NUMÉRO : Stéphanie BAUDOT, Malika BORBOUSE, Géraldine DÉZE, Ettaoufik FATHI, Patrick FELTESSE, France HUART, Tiffany - Le Congo mis en cases. Une relecture de nos liens LESCEUX, Florence NOTTÉ, Nicole TINANT, Anne REYNAUD, Christine STEINBACH avec l’Afrique............................................................................. 17 PHOTOS: Anne COLLARD, Jérémie CORNÉLIS, France HUART, ZOÉ MAUS, Lysiane - Mycélium pour réfléchir sur la démocratie participative ..... 17 METTENS, Marie-Hélène TOUSSAINT - Accroche informatique à Liège................................................ 18 CIEP COMMUNAUTAIRE : tél : 02.246.38.41, 42, 43 – fax : 02.246 38 25 - Les minorités à l’écran : un scénario mal ficelé ? ................. 18 Courriel : communautaire@ciep.be - La voix est libre à Virton.......................................................... 18 ÉDITEUR RESPONSABLE : Christine STEINBACH – Chaussée de Haecht, 579 - Euréka, un projet de remobilisation citoyenne....................... 19 1030 Bruxelles VIE DE L’ISCO Imprimé sur papier 100% recyclé sans chlore Un BAGIC à Liège ........................................................................ 20 Le 25 mai 2018, le Règlement général sur la protection des données (RGPD) est entré EN BREF en application. Son objectif est de mieux protéger l’utilisation des données personnelles. L’Esperluette du CIEP s’engage à stocker vos données de manière sécurisée, sans les - Un cœur en commun. La belge histoire de la sécurité sociale 20 partager avec des tiers. Vous pouvez en permanence vous désabonner, demander la rectification de vos données en cas d’erreur ou en demander la suppression en vertu - Vers une « vie normale » ?....................................................... 22 de votre droit à l’oubli. -A u travail ! Colonisateurs et colonisés au Congo belge : Pour toute question concernant l’utilisation de vos données, n’hésitez pas à nous entre exploitation et résistance .............................................. 22 contacter : communautaire@ciep.be DATES A EPINGLER.............................................................. 23 FICHE PÉDAGOGIQUE Diagnostiquer le « racisme structurel » dans son cadre Avec le soutien de professionnel
L’ESPERLUETTE I N°109 I 2021 Christine STEINBACH Directrice du CIEP-ISCO communautaire Solidarité et communauté de destin L ’été 2021 laissera des traces dans la mémoire col- Mais il s’est produit encore autre chose cet été. Dans lective. C’est peu dire qu’il a été éprouvant ! Juste les heures qui ont suivi les inondations, des habitant.e.s de au moment où l’on rêvait de souffler, de profiter Belgique, femmes et hommes, de toutes origines, venu.e.s de de l’allègement des mesures de confinement, de se Flandre, de Wallonie, de Bruxelles, qui à vélo, qui en train, projeter dans la vie « d’avant la pandémie », les qui en camionnette, ont pris la route pour venir en aide eaux se sont déversées avec une brutalité inédite, entrainant à leurs concitoyen.ne.s en détresse. Armée de pelles et de tout sur leur passage, dans plusieurs provinces du pays. Des raclettes, apportant des victuailles et des vêtements, faisant centaines d’habitations et tout ce qu’elles contenaient dé- circuler les infos et les demandes sur les réseaux sociaux, truites. Des morts. Des entités dévastées et des vies ruinées. c’est toute une population qui, par-delà son hétérogénéité, En majorité, des vies qui étaient déjà fragilisées, des habita- s’est sentie une communauté de destin et a su déployer un tions qui étaient déjà vétustes, mal situées. faisceau de solidarités chaudes si essentielles dans les coups Au même moment, le pourtour du bassin méditerranéen durs. s’est trouvé aux prises avec des incendies gigantesques, des J’ai repensé à l’anthropologue Margaret Mead, dont feux dévorant tout sur leur passage et là aussi, des morts, un étudiant lui avait demandé quel était le premier signe des vies et des environnements ruinés, des services collectifs d’une civilisation. Et pour elle, le premier signe de civili- souvent pris au dépourvu, insuffisamment équipés, haras- sation dans une culture ancienne était un fémur brisé qui sés. Peu après, Haïti subissait une nouvelle fois un séisme avait guéri. Parce qu’un animal qui se brise le fémur est ravageur suivi d’un ouragan. condamné. Il mourra de faim ou Et pendant ce temps, l’autre sera dévoré, l’os prenant trop nouvelle de juillet, c’était le voyage de temps à guérir. À moins que dans l’espace de milliardaires ap- quelqu’un prenne soin de lui, paremment convaincus d’avoir an- courant le risque de s’attarder, de ticipé la solution à tous nos pro- veiller, de ramener de la nourri- blèmes. Puisque la terre prend de ture pour lui permettre de guérir. plus en plus l’allure d’un dépotoir Pour l’anthropologue, la civilisa- explosif irrespirable, il n’y a qu’à tion commence dans la capaci- coloniser une autre planète. Ces té à aider un être en difficulté. sauveurs du monde se voient déjà La catastrophe des inondations les heureux actionnaires de gigan- a suscité un vaste élan de soli- tesques cités bâties à l’ombre de darité. Aujourd’hui, les victimes souterrains oxygénés, sans doute sont confrontées à l’impitoyable avec un faux ciel et des arbres logique du marché, qui fait mon- © & Reportage artificiels abritant une faune mé- ter les prix des biens essentiels, catronique pour égayer les rêves tels les logements, au moment d’une humanité « augmentée ». Bien sûr, cette perspective où le besoin pressant devrait forcer exactement la logique ne concerne que peu de monde en réalité, disons que ce inverse. Il faut passer à la vitesse supérieure, transformer sera pour ce petit monde qui appartient à ce qu’on appelait cet élan en une mobilisation énergique pour imposer ce re- autrefois le « beau monde ». Et pour être honnête, quand j’ai tournement, refuser de se laisser broyer par cette machine appris cette nouvelle, je me suis dit « Bon vent ! Mais payez qui ne doit rien au climat mais contribue au contraire à en vos dettes avant ». Seulement voilà, si ces milliardaires dérégler le fonctionnement. Ce sentiment d’appartenance à payaient ce qu’ils doivent en impôts, on peut parier que leur une communauté de destin qui a manifestement soutenu fusée ne serait pas encore construite et qu’ils seraient forcés l’effort, c’est maintenant plus que jamais qu’il faut le nour- de regarder en face ce qui nous arrive au lieu de pratiquer la rir pour exiger justice : justice sociale, justice fiscale, justice fuite en avant dans le cosmos. climatique. 3
L’ESPERLUETTE I N°109 I 2021 RACISTE MALGRÉ MOI ! ENSEMBLE, DÉCONSTRUISONS LE RACISME STRUCTUREL Tiffany LESCEUX et Nicole TINANT Permanentes au CIEP communautaire Introduction E n septembre 2021, le CIEP lance sa campagne d’éducation etc. Ces discriminations sont parfois visibles, souvent invisibles, permanente « Raciste malgré moi. Ensemble, déconstrui- insidieuses, cachées au sein de règles, de procédures, de pratiques, sons le racisme structurel ! » avec la Cellule Diversité de la d’habitudes, etc. Qu’ils soient intentionnels ou non, ces actes et FEC-CSC, en association avec les organisations constitu- ces propos impactent durablement les personnes qui en sont vic- tives du MOC. Hérité du passé, le système de domination times, dans leur quotidien, leur santé et leurs projets. structurel capitaliste, patriarcal et raciste dans lequel nous vivons Racisme et discriminations peuvent prendre deux formes qui transpire quotidiennement dans le mode d’organisation de notre vont se nourrir mutuellement et constituer un cercle vicieux : société. Comme toute vocation d’un système, il vise à se perpétuer racisme primaire/discrimination individuelle et discrimination indépendamment de l’intention individuelle de ceux et celles qui structurelle. On parle de racisme primaire et de discrimination œuvrent activement à le transformer. Depuis des années, le MOC individuelle lorsqu’il s’agit d’insultes, de moqueries, de violences, et ses organisations luttent contre la triple domination capitaliste, etc. facilement identifiables et visibles. Cette forme de racisme est patriarcale et raciste. Cette campagne vise à mettre l’accent sur la largement combattue par la loi et par de nombreux.euses citoyen. domination raciste, beaucoup plus invisibilisée dans notre société ne.s. La discrimination structurelle trouve son origine dans l’orga- et dans notre mouvement. nisation de la société (structures étatiques, privées, dans les ROI, etc.), mais aussi dans les valeurs, modes de pensées, pratiques, qui Racisme ? De quoi parle-t-on ? perpétuent des inégalités structurelles sans que ce ne soit néces- Nurhan voit sa candidature dans une agence de voyage non rete- sairement intentionnel ou manifeste. nue à cause de ses origines turques. Jamal envoie deux CV iden- Le racisme est donc structurellement ancré dans notre société tiques dans un hôtel bruxellois, l’un avec son vrai nom l’autre en et il n’est pas l’apanage de l’extrême de droite ou de franges de changeant d’identité. Le second a été rappelé très rapidement, ja- la population peu éduquées : nous sommes au contraire tous et mais le premier, l’hôtel a du mal à se justifier. Justin, agent immo- toutes concerné.e.s, « malgré nous ». bilier, condamné pour avoir refusé de faire visiter un logement car le propriétaire ne souhaitait pas louer à des personnes « de couleur Un système hérité du passé noire ». Lamine est orienté vers l’enseignement technique par son Ce système, né bien avant nous, citoyen.ne.s belges de 2021, est conseil de classe alors qu’il souhaite continuer en général, et en a un héritage relié au contexte historique de domination. Le pro- les capacités. Pour rester dans le général, il devra changer d’éta- cessus a émergé il y a plusieurs siècles avec la construction et la blissement. Luc, policier, appelé régulièrement bougnoule, maca- hiérarchisation des prétendues races1 et leurs conséquences (ex- que, nègre par ses collègues de travail. Thomas, inspecteur princi- périences, massacres, esclavage, colonisation, etc.). Parallèlement, pal poursuivi dans deux affaires pour violence raciale. Samira ridi- un imaginaire a été construit par des experts pour justifier l’infé- culisée alors qu’elle porte plainte pour violence conjugale. Naomi, riorisation des peuples (zoos humains2, propagande coloniale, etc.) victime d’une intoxication au paracétamol, morte de n’avoir pas et surtout leur domination et leur exploitation, ainsi que celle de été prise au sérieux par deux opératrices du Samu en France qui leurs terres et matières premières. À partir de cette construction, la raillaient alors qu’elle agonisait. Samir soumis au travail reçoit la société s’est structurée autour d’une norme « blanche » (terme continuellement de propos « piquants », dévalorisants, « racistes »… qui désigne une personne non racisée), qui a progressivement im- s’angoisse, s’épuise, déprime au point de faire un burn-out. prégné les structures sociales, la culture, le vocabulaire, la lit- Ces témoignages ne sont que quelques exemples des manifes- térature, etc. Aujourd’hui, être racisé.e ou ne pas l’être impulse tations du racisme dans notre société. Aucun secteur n’est épar- une expérience sociale différente. Certain.e.s subissent violences gné : l’emploi, le logement, la santé, l’enseignement, les médias, et inégalités du seul fait d’être exclu.e.s de « la norme », alors que 4
L’ESPERLUETTE I N°109 I 2021 celles et ceux qui rentrent dans cette norme jouissent de toute une série de facilités et de privilèges. Pourquoi parler de personnes blanches et racisées ? Utilisés par le milieu antiraciste belge en général, ces termes permettent d’étudier justement le racisme sous sa forme structurelle : ils expriment la « racisation » par autrui, par le regard et les attitudes des autres et désignent des per- sonnes renvoyées à une appartenance (réelle ou supposée), à un groupe ayant subi un processus de construction sociale. Si la race biologique n’existe pas, il existe bien une construction © & Reportage sociale qui discrimine des groupes et des individus, qui font l’objet d’une racisation. partager leurs expériences. Durant la campagne « Raciste malgré Nous utilisons donc les termes de « personnes racisées » et moi », de nombreux outils sont mis à disposition pour y parvenir 4. « personnes blanches3 » pour mieux comprendre les méca- Mais la position d’allié.e est aussi une position de retrait, qui né- nismes en place, les visibiliser, les dénoncer et les déconstruire. cessite de ne pas prendre la place des personnes concernées : ne Ils n’ont pas vocation à enfermer les personnes ainsi désignées, pas parler à la place de l’autre, ne pas infantiliser, ne pas prendre ni à faire une différence sur base de la couleur de peau. toute la place lors de discussion, débat ou passage dans les mé- dias, etc. Enfin, c’est accepter d’être dans des positions d’incon- fort. « En résumé, être allié.e c’est accompagner dans une lutte, Agir en allié.e et complice se remettre en question, réfléchir ». Mais on peut aller encore un Un.e allié.e est une personne qui ne subit pas une oppression mais pas plus loin, en devenant complice. « Être complice, c’est agir. qui en a conscience et va s’associer aux victimes pour combattre Ce n’est donc pas rapporter des situations d’actes/paroles racistes ensemble le système. Devenir un ou une allié.e se joue à la fois aux aux personnes racisées, mais c’est expliquer comment on a réagi niveaux individuel et institutionnel. face à telle ou telle situation. Les personnes racisées savent que le Au niveau individuel, il s’agit tout d’abord de prendre racisme existe et ce depuis longtemps. Ce qui est intéressant, c’est conscience de sa position dans le système et de ses privilèges, ce que nos complices ont mis en place pour contrer ces situations en lisant, s’informant, et en écoutant les personnes racisées nous racistes » 5. Des actions dans les régions CIEP - À Mons : deux workshops seront organisés pendant la quin- À Tournai, un parcours décolonial dans la ville, en partenariat zaine décoloniale : le 3 novembre sur le logement et l’emploi ; avec le PAC. Mise en œuvre d’un processus de formation. le 6 novembre sur l’enseignement et la police. Infos : Maxime Dogot Mail : maxime.dogot@ciep-wapi.be Infos : Doris Pipers Mail : d.pipers@ciep-hainautcentre.be - À Charleroi : une vingtaine d’animations dans les écoles se- - Au Luxembourg : une conférence suivie d’ateliers le 21 dé- condaires (4, 5 et 6e années) et autres processus de formation cembre en collaboration avec le CriLux. (Haute École, …), des actions de sensibilisation à la décoloni- Infos : Antonin Thomas Mail : a.thomas@mocluxembourg.be sation dans l’espace public, une exposition et des animations - À Namur : une animation « porteur de paroles », une confé- sur la triple domination au musée du capitalisme, réalisation et rence organisée dans une Haute École de Namur, une balade dépôt d’une motion « Ville antifasciste et antiraciste » à la Ville décoloniale et des visites de l’exposition « Le Congo en cases » de Charleroi. au Musée africain en septembre. En synergie avec les services Infos : Hassan Varis Mail : hasan.varis@moc-ct.be du MOC, un processus sera mis en œuvre pour recueillir les - Au Brabant Wallon : le racisme structurel sera travaillé dans besoins dans les différents groupes, déterminer les enjeux prio- le cadre d’un processus de formation en promotion de la ci- ritaires et envisager des actions collectives. . toyenneté et de l’interculturalité. Les interventions seront po- Infos : Thérèse Willot Mail : therese.willot@lilon.be dcastées par Radio 27. - En Wallonie Picarde : trois conférences dans les musées des Infos : www.ciepbw.be Beaux-Arts de Tournai, du Folklore à Mouscron et à Ath, pour - La Cellule Diversité de la FEC-CSC : des actions concrètes en explorer le lien entre culture, racisme et colonisation. entreprise sont envisagées6. 5
L’ESPERLUETTE I N°109 I 2021 Être allié.e se pratique aussi au niveau institutionnel, en enga- engagées, l’environnement de travail doit être adapté. Il faut donc geant son association ou en changeant les pratiques profession- faire de leur lieu de travail un endroit où les rapports de domina- nelles. Il s’agit, par exemple, de réduire les inégalités au sein de tion raciaux n’auront pas lieu. Mais il s’agit également de rému- sa structure en engageant des personnes racisées, mais aussi en nérer et visibiliser l’expertise des personnes racisées, en laissant créant un environnement « safe » : si des personnes racisées sont sa place face aux médias par exemple, ou en exigeant que l’État finance les associations de personnes racisées. Pour plus d’infos sur la campagne, contactez : - Responsable campagne CIEP communautaire : Nicole Tinant (nicole.tinant@ciep.be) - Responsable Cellule Diversité de la FEC-CSC : Malika Borbouse (malika.borbouse@acv-csc.be) 1. Ce n’est évidemment pas une réalité biologique mais une construction sociale, politique et culturelle. 2. Voir l’exposition créée pour relater l’histoire de ces zoos humains et leurs conséquences sur la vision que les Occidentaux ont eu d’autres peuples (www.zoohumains.be) et le reportage « Exhibitions ou l’invention du sauvage » de l’émission Dessous des cartes (ARTE France Développement, 2015) (en ligne) http://malle-ensemble.org/spip.php?article337) (Voir article page 16). 3. Cette logique est la même pour la norme hétérosexuelle ou le patriarcat : la so- ciété a historiquement été pensée par et pour les hommes, par et pour les blanc. he.s, par et pour les personnes valides... (Racisme, Comprendre pour agir. Outil méthodologique, Vie Féminine, Bruxelles, 2018). 4. www.ciep.be > rubrique campagne de l’année > outils 5. Postface de Betel MABILLE dans Nicolas ROUSSEAU, Être blanc le confort de l’ignorance, BePax (en ligne) www.bepax.org/files/files/etudes/BePax-Etude- Etre-blanc-he-le-confort-de-l-ignorance.pdf © Reportage 6. Voir article de Malika Borbouse dans ce numéro (pages 6-8). Malika BORBOUSE Responsable de la Cellule Diversité de la FEC-CSC Un racisme insidieux et transversal dans l’emploi D epuis 2008, la Cellule Diversité de la FEC-CSC est mis- doubler son année, cette proposition impacte très différemment sionnée pour lutter contre les discriminations au travail l’avenir des deux élèves. Dans les soins de santé, lorsque le corps et dans la recherche d’un emploi, en réalisant des ou- médical estime que les Africaines sont de « grandes dramaturges » tils accessibles pour les délégué.e.s, les militant.e.s et et que la douleur n’est pas aussi intense que ce qu’elles veulent les affilié.e.s, des vidéos sur les réseaux sociaux et en faire croire, il est urgent de le sensibiliser au caractère raciste de proposant des formations dynamiques et interactives. Par ailleurs, ses propos et plus encore de son jugement. Ce traitement inégali- l’équipe de permanent.e.s accompagne les comités syndicaux dé- taire est discriminatoire et entraine des conséquences réelles sur sireux d’avancer concrètement sur des questions de discrimination la santé des patient.e.s. Dans les médias, lorsque l’une des rares et de racisme dans leur entreprise. Enfin, la Cellule récolte les si- présentatrices météo ayant une peau de couleur noire éclate en gnalements de discriminations des affilié.e.s et, preuve à l’appui, sanglots et livre sur la toile sa colère de recevoir des centaines porte le dossier le plus loin possible pour obtenir préférablement de messages racistes, il est bel et bien question d’une travailleuse un accord avec l’employeur, voire des indemnités si le cas est porté compétente qui fait son job et qui subit des insultes au quotidien. jusqu’au tribunal du travail. Comme le montre le rapport annuel d’Unia (Centre interfédéral pour l’égalité des chances), la discrimination est partout et la Racisme structurel au sein de notre société question de l’emploi est transversale, avec le plus grand nombre de Le racisme structurel est présent partout dans nos structures tout signalements de discrimination raciale dans ce domaine. De facto, en étant presque systématiquement connecté au domaine du les syndicats évoluant avec le monde du travail sont un moteur travail. À l’école, lorsque les enseignant.e.s encouragent Karim à puissant d’égalité des chances : notre responsabilité dans la lutte s’orienter vers le professionnel alors qu’ils proposent à Julie de contre le racisme est essentielle. 6
L’ESPERLUETTE I N°109 I 2021 CSC et luttes antiracistes Critères dits «raciaux» 8,7% 10,9% En tant que syndicat, le rôle de la CSC consiste à défendre l’en- semble des travailleur.euse.s, indépendamment de leur secteur Handicap 12,4% d’emploi ou de la problématique rencontrée. Ce postulat de État de santé 28% base est appliqué depuis la création du syndicat. À l’époque où Convictions religieuses 14,5% la Belgique a signé des accords de recrutement de main d’œuvre ou philosophiques étrangère pour l’acheminer dans nos dangereuses mines, la CSC Âge a été le premier syndicat à affilier des Italiens, des Turcs, des 25,5% Autres Portugais, etc. Malgré le racisme ambiant, l’enjeu était de garder la classe ouvrière forte et soudée, face à un patronat écrasant et sans scrupules, au risque sinon de desservir la cause de tou.te.s les travailleur.euse.s. Emploi et racisme structurel Mais a-t-on évolué sur le terrain du racisme structurel, depuis Dans l’emploi, le racisme structurel s’exprime au travers des notamment le discours poignant de Martin Luther King ? Il est concepts largement observés et objectivés de l’ethnostratification important que l’éducation permanente continue à œuvrer pour du marché de l’emploi, du plafond de verre et des portes tournantes. déconstruire brique après brique ce mur de la honte. Le syndi- Le concept de l’ethnostratification du marché de l’emploi il- cat lutte contre le racisme au travail en formant ses militant.e.s, lustre que les personnes racisées sont principalement limitées aux ses délégué.e.s et un large public, notamment dans les écoles, en postes manuels, éreintants, instables et faiblement rémunérés les sensibilisant à ces questions et les conscientisant aux mani- alors que les Belges non-racisé.e.s auront davantage accès aux pulations cachées derrière les discours populistes. Par ailleurs, la postes intellectualisés, confortables, stables et bien rémunérés. Il Cellule Diversité participe à cette mise en exergue, notamment y a ainsi une « répartition ethnique » des carrières, des statuts et en récoltant les signalements. Ces actes individuels, suffisam- des salaires. Le taux de chômage particulièrement élevé des jeunes ment nombreux, pourraient à terme se transformer en victoire issus de l’immigration, né.e.s en Belgique, diplômé.e.s, voire surdi- collective. Par contre, le manque de preuves ne permet pas de les plômé.e.s, est un phénomène symptomatique d’un racisme struc- dénoncer, comme dans la grande majorité des cas, et invisibilise turel : ils et elles sont écarté.e.s presque systématiquement du cette problématique. Avoir des statistiques plus représentatives marché de l’emploi. Selon deux thèses de doctorat de la KULeuven, est nécessaire pour changer les choses en profondeur, et non pas la fuite des talents est provoquée par les discriminations à l’em- de manière superficielle ou individuelle. C’est pourquoi notre cam- bauche : des personnes d’origine étrangère, diplômées en mas- pagne « Balance ta discri » encourage toute personne concernée à ter dans des secteurs à haut potentiel d’emploi ne trouvent pas rentrer des signalements. leur place sur le marché du travail en Belgique, mais reçoivent des offres à l’étranger1. Les personnes blanches sont intérimaires Alimentation et renforcement du système jusqu’à 20-25 ans et accèdent ensuite à d’autres opportunités Le racisme structurel est un système implanté dans notre socié- alors que les personnes racisées de plus de 40 ans doivent s’adap- té depuis plusieurs décennies. Le propre d’un système est de se ter aux offres instables et précaires des contrats d’intérim. perpétuer indépendamment de l’intention individuelle de la ma- On parle souvent de plafond de verre pour les femmes, alors jorité des citoyen.ne.s, mais certain.e.s ne souhaitent pas voir ce qu’elles ne sont pas les seules à être limitées professionnellement système de privilèges s’écrouler, et résistent aux remises en ques- en raison de préjugés. Les personnes racisées sont souvent consi- tion, en agitant des discours populistes et en profitant de la peur dérées comme méritant des postes de subalternes. Vu les nom- de l’Autre, ancrée dans chaque société. C’est évidemment le lit breux freins rencontrés en entreprise, certains de l’extrême droite. En Belgique, même si ni à employeurs considèrent l’accès à des formations Bruxelles, ni en Wallonie il n’y a de représentant.e ou des postes à responsabilité comme « trop am- Comment gérer politique d’extrême droite suffisamment charis- bitieux » pour elles. la diversité matique et populiste pour manipuler les citoyen. convictionnelle Enfin, les groupes discriminés sont souvent en entreprise? ne.s, en Flandre, le Vlaams Belang séduit de plus affectés par l’effet de « porte tournante » : ils Manuel de cas pratiques en plus l’électorat. quittent l’entreprise dès qu’ils comprennent que La solidarité, le respect et l’équité sont les va- la politique du personnel ne se consacre pas à et fair leurs qui constituent la CSC-ACV et qui sont aux ec t e leurs besoins et exigences spécifiques, notam- antipodes de celles prônées par les partis d’ex- té, resp so c ment en faisant le constat d’un plafond de verre trême droite. De ce fait, tout.e militant.e actif. iété en r ibe qui ne leur offrira aucune perspective d’évolution ve auprès d’un tel parti (présent.e sur une liste sem ble • L au sein de l’entreprise en raison des préjugés. Il politique ou occupant une fonction publique), est est d’ailleurs intéressant de se questionner sur la directement exclu.e du syndicat. Pour enrayer le prise de conscience (ou non) des employeurs de phénomène d’adhésion aux discours d’extrême discriminer sur base de la couleur de peau. droite au Nord du pays, nos collègues néerlan- 7
L’ESPERLUETTE I N°109 I 2021 dophones ont mis sur pied un comité de travail visant la mise euse.s comme « des étrangers qui piquent les jobs des Belges ». Pour en œuvre d’un plan d’actions concrètes. Nous y collaborons pour lutter contre ces injustices, le syndicat forme ses délégué.e.s pour améliorer nos approches pédagogiques et de communication, afin qu’il.elle.s puissent les informer sur leurs droits en matière de sa- de renforcer notre impact et développer l’esprit critique face aux laire, de logement, etc. discours clivants, racistes et extrémistes. La question de l’« étranger », qu’il.elle soit travailleur.euse Une année pour sensibiliser en entreprise sans-papiers ou détaché.e, est un épouvantail régulièrement Dans sa lutte contre le racisme, la Cellule Diversité mène une cam- brandi par ceux et celles qui souhaitent maintenir le système de pagne de sensibilisation qui aura lieu autour de la Journée inter- domination. Récupérer les peurs des gens et les exacerber, c’est nationale pour l’élimination de la discrimination raciale (21 mars). ce que font les partis d’extrême droite. Présenté.e.s comme l’in- Actuellement, son slogan « Osez réagir ! » encourage les témoins carnation de la menace d’une « concurrence déloyale » mise en de racisme à agir et réagir au lieu de laisser la victime seule face à parallèle avec les nombreuses restructurations et pertes d’emploi, son agresseur ou face à une injustice. ces travailleur.euse.s sont pourtant les victimes de notre système Dans le cadre de la campagne du CIEP « Raciste malgré moi », défaillant qui les exploite et les utilise comme boucs émissaires. de laquelle la CSC est partenaire, notre action consiste à contacter Les discriminations structurelles dont il.elle.s sont victimes sont plusieurs entreprises wallonnes et bruxelloises avec une déléga- flagrantes, en termes d’emploi, de santé, de logement, d’accès à tion syndicale CSC pour les inviter à imaginer une campagne de de nombreux services publics, etc. L’un des défis majeurs en tant sensibilisation contre le racisme dans leur entreprise. Le 21 mars que syndicat est de dénoncer ces manipulations structuro-poli- 2022, une caravane passera dans les différentes entreprises enga- tiques et d’informer massivement sur les problèmes structurels en gées pour faire signer aux bancs syndical et patronal une charte matière d’emploi (délocalisation, perte de salaire, etc.). Ces tra- de lutte contre le racisme comportant plusieurs engagements vailleur.euse.s, sans-papiers ou détaché.e.s, ont droit comme tout concrets. À cette date, les plans d’action imaginés seront récoltés un chacun à une vie et un travail décents, pour eux.elles et leur et présentés à la presse régionale. Ensuite, pendant une année, ces famille, sans être mis en concurrence avec le reste de la société. délégations développeront concrètement l’action imaginée, avec Selon certaines estimations, il.elle.s seraient plus de 150.000 à le soutien du ou de la permanent.e Diversité de sa fédération. travailler en Belgique, à survivre dans l’ombre sans droits et ex- Intéressé.e par ces campagnes ? Contactez Malika Bourbouse ploité.e.s par des employeurs sans état d’âme. En guise de soutien, Mail : malika.Borbouse@acv-csc.be la CSC affilie ces travailleur.euse.s de l’ombre et milite pour leur obtenir de vrais droits. Les travailleur.euse.s détaché.e.s sont em- bourbé.e.s dans un système de sous-traitance à la chaine et de 1. Pauline LEGLUME, « La Belgique moins violente mais aussi raciste que les États-Unis », L’Écho, 12 juin 2020 (en ligne) www.lecho.be/economie-politique/ montages opaques : sous-payé.e.s, isolé.e.s par la non-connais- belgique/general/la-belgique-moins-violente-mais-aussi-raciste-que-les-etats- sance de la langue et montré.e.s du doigt par les autres travailleur. unis/10233001.html Anne REYNAUD Vie Féminine La Fabrique des Solidarités, un projet d’éducation permanente féministe pour lutter contre le racisme L a Fabrique des Solidarités est, à bien des égards, révélateur les personnes racisées, les habitant.e.s des quartiers populaires du travail de proximité mené par Vie Féminine (VF) dans le et les femmes. La violence extrême subies par les migrant.e.s et cadre de la lutte contre le racisme. Produit d’un long travail l’augmentation considérable des violences policières plus particu- de réflexion mené avec les travailleuses et les femmes du lièrement à l’encontre des personnes racisées créent un contexte mouvement pendant plusieurs années, ce projet est soute- instable et alimentent un sentiment de peur, d’inquiétude et d’im- nu par un important travail de formation. Dans le contexte actuel puissance, engendrant un impact sur la population qui est divisée de confinement, de crises économique et sanitaire, ce travail de et fracturée. L’enjeu est de s’allier sans se reconnaitre absolument formation et de proximité est essentiel. En effet, cette période ou totalement dans l’autre. Passer de la diversité à la solidarité, s’accompagne d’une montée en force des politiques sécuritaires fonder un projet commun en tenant compte des inégalités aux- et répressives au détriment des catégories sociales les plus ex- quelles chacun.e fait face, respecter les pratiques et les croyances posées aux systèmes de domination : les personnes sans-papiers, de chacun.e. 8
L’ESPERLUETTE I N°109 I 2021 Neuf freins aux solidarités entre femmes sentiel développé pour travailler la question du racisme comme À VF, le travail autour du racisme a commencé en 2010 , à l’occa- 1 système de domination. Ce travail de formation est absolument sion du congrès lors duquel les rapports de domination présents indispensable au processus. entre les origines et les cultures ont été reconnus. En 2014, la thé- Le projet consiste à développer des actions permettant aux matique du racisme et des solidarités est inscrite parmi les prio- femmes d’expérimenter concrètement des solidarités, à partir de rités de travail de VF. Un groupe de travail national composé de deux portes d’entrée : la réflexion et l’action. Concrètement, il responsables nationales et régionales a été créé s’agit de multiplier dans nos communes, quar- en mars 2015. Selon ce groupe, la question du tiers et villages, des lieux de mixité sociale et racisme ne doit pas être attaquée de front, mais culturelle qui soient des espaces de rencontre et il faut plutôt rechercher en quoi le racisme était de confrontation d’idées pour lutter collective- un frein aux solidarités entre les femmes – tout ment contre le racisme, le sexisme, le classisme en gardant cette question au cœur du travail et et les préjugés qui s’y rapportent. Les Fabriques la nécessité de dépasser les obstacles identifiés. des Solidarités sont ces espaces privilégiés qui À partir de la question : Qu’est ce qui aujourd’hui mettent en avant les identités multiples et les dans le Mouvement constitue/peut constituer aspirations plurielles de toutes les femmes. un frein aux solidarités entre les femmes ?, neuf Les objectifs poursuivis sont de créer des nœuds ont été identifiés et constituent jusqu’à moments collectifs de rencontre entre femmes aujourd’hui de véritables feuilles de route du de différentes cultures et origines ; de leur per- travail en lien avec les questions de racisme. mettre de partager des expériences positives Il s’agit des nœuds suivants : les réactions ra- et des stratégies d’émancipation ; de prendre cistes dans le mouvement ou ailleurs ; les vécus conscience des stéréotypes sexistes et racistes, difficiles des femmes confrontées au racisme de les déconstruire pour les dénoncer ; de créer (rejet, manque de reconnaissance) ; la difficulté des solidarités entre les femmes vivant des ré- pour les animatrices et les bénévoles d’identi- alités différentes en termes de revenus, loge- fier et de réagir au racisme ; les questions reli- ment, emploi, couple, famille, santé, droits, etc. gieuses et philosophiques ; les discours dominants qui banalisent Tous les projets considérés comme des Fabriques de Solidarités le racisme ; la méconnaissance de l’histoire des migrations ; le comprennent des éléments communs, notamment des espaces de contexte d’austérité et la montée de la précarité ; la globalisation débat et de confiance. Ils permettent de toucher des thématiques sur laquelle on a l’impression d’avoir peu de prise ; la méconnais- questionnantes, voire polémiques, comme les migrations, le ra- sance des mécanismes de domination propres au racisme2. cisme anti-noirs, les médias, l’islamophobie, les stéréotypes et les préjugés, les peurs, etc. Elles créent des moments où il est permis Travail de proximité et dispositif pédagogique d’exprimer ses doutes et interrogations, de prendre conscience de pour la réflexion et l’action ses privilèges, de partager son vécu et ses expériences, de ques- Suite à ce long processus, le projet des Fabriques des Solidarités tionner la société, de déconstruire les discours dominants, d’iden- est initié avec les femmes autour de ces nœuds dans le cadre tifier les expressions du système raciste, d’échanger des stratégies, du travail de proximité et avec la méthodologie de l’Éducation de s’allier et revendiquer des droits, etc. Organiser des Fabriques Permanente Féministe (EPF). Dès le départ, et encore actuelle- des Solidarités, c’est privilégier la rencontre, qui parfois ne va pas ment, ce projet est soutenu par un dispositif pédagogique es- de soi ; c’est aussi permettre de cheminer toutes ensemble vers ce but, en posant les balises de futures rencontres constructives, égalitaires, bienveillantes et surtout, sources de solidarité entre les femmes. Spécificité régionale autour des DASPA Chaque région de VF a organisé une Fabrique des Solidarités selon un angle régional, voire local, le plus pertinent, pour créer une dy- namique qui s’inscrit dans un processus d’EPF avec un groupe de femmes, en respectant les éléments fondamentaux (le travail en groupe, les rapports égalitaires entre femmes, le positionnement féministe de l’animatrice, la non-mixité féministe…etc.). Les Fabriques des Solidarités peuvent prendre différentes formes. Le projet « Interculturalité » organisé au Centr’Hainaut constitue un espace de rencontre pour des femmes de toutes origines, sociale, culturelle et intergénérationnelle, dédié au dia- © & Reportage logue interculturel et à la lutte contre les discriminations, tout 9
L’ESPERLUETTE I N°109 I 2021 en restant également un lieu d’expression pour lutter contre les leur faire part des constats et revendications de cette analyse. inégalités entre les sexes. Chaque année, une thématique qui sera Cinq institutions ont été rencontrées : les centres PMS, le Centre ensuite travaillée est dégagée sur la base des témoignages du Interculturel de Mons et du Borinage, des enseignant.e.s en classe groupe à partir de ce qui pose problème dans la vie quotidienne DASPA, des centres d’intégration régionaux et le Délégué général des participantes. En 2020, le groupe de VF Centr’Hainaut s’est aux droits de l’enfant. penché sur les Dispositifs d’Accueil et de Scolarisation des élèves Suite à ces rencontres, un document retraçant le processus et Primo-Arrivants et Assimilés (DASPA), dans une démarche métho- présentant les revendications a été rédigé. Les revendications re- dologique d’EPF, suite à une récolte de témoignages. Les DASPA tenues étaient notamment l’augmentation du nombre de classes concernent ces jeunes qui arrivent en Belgique sans connaitre le DASPA et leur décentralisation ; l’encouragement des établis- français, et dont les parents peinent à les scolariser normalement. sements d’enseignement général à mettre en place des classes Le premier témoignage recueilli faisait état d’un conflit entre un DASPA ; la séparation des enfants en fonction de leur niveau de parent et son enfant suite à des difficultés scolaires. La maman compétences, de leurs connaissances et de leur âge ; la mise en ne comprenant pas comment son enfant, qui avait pourtant un place de tests de niveau de connaissance de langue à l’entrée des bon potentiel, avait fini ses études dans une filière jugée comme classes DASPA afin que les enfants maitrisant déjà le français ne de « relégation » et qui ne pourrait, pensait-elle, la conduire qu’au s’y inscrivent pas. chômage. D’autres témoignages ont montré des jeunes délaissant Ce projet de Fabrique des Solidarités a abouti à la rencontre l’école suite à une scolarité bâclée. En effet, l’offre des classes interculturelle, des solidarités entre femmes et une meilleure DASPA ne fonctionne pas suffisamment bien pour permettre à compréhension de l’autre. Ainsi toutes les participantes du ces jeunes de suivre ensuite une scolarité normale, l’orientation groupe, qu’elles soient concernées directement ou non par les après ces classes n’étant souvent que vers des filières de quali- problématiques liées au DASPA, ont contribué à la construction fication professionnelle qu’il.elle.s n’ont pas forcément choisies collective d’une interpellation politique. Un autre élément inté- et qui ne correspondent pas nécessairement à leurs désirs ou à ressant peut être relevé : au départ, chacune des participantes a leurs capacités. La confrontation de ces divers récits a fait appa- rejoint le groupe avec le sentiment que son parcours, son histoire raitre cette problématique pour beaucoup de personnes venant en et ses croyances sont à la fois uniques et universels. Avec les pre- Belgique avec des jeunes entre 10 et 17 ans. Les jeunes âgé.e.s de miers partages, l’étonnement des participantes porte bien souvent plus de 18 ans n’ont aucune alternative scolaire dans l’enseigne- davantage sur les points communs de leurs expériences, plutôt ment ordinaire. Le problème constaté par le groupe est la mise en que sur leurs différences culturelles (réelles ou supposées). Cet place de classes DASPA majoritairement dans des établissements étonnement a permis un glissement de l’individuel vers le collec- professionnels. Ainsi, une fois que les enfants parlent français et tif. Travailler sur les dimensions individuelles et collectives est un peuvent intégrer le système scolaire, il.elle.s se retrouvent « coin- moyen quasiment indispensable pour créer des solidarités, présent cé.e.s » dans des filières de qualification ou professionnelles et dans les Fabriques des Solidarités. sans nécessairement avoir un choix complet et réel. Suite à ces constats, et après avoir analysé collectivement ce que propose 1. Vie Féminine en Congrès le 29 mai 2010 (en ligne) www.viefeminine.be/vie- la Fédération Wallonie-Bruxelles comme système d’enseignement feminine-en-congres-le-29-mai primaire et secondaire en général et pour les jeunes migrant.e.s en 2. Lutte contre le racisme (en ligne) www.viefeminine.be/lutte-contre-le- particulier, le groupe a rencontré des institutions pertinentes pour racisme-4447 © Reportage © & Reportage 10
L’ESPERLUETTE I N°109 I 2021 Florence NOTTÉ Collaboratrice Femmes CSC Scratch and Win : l’égalité ainsi qu’entre leurs pensions (plus de 30%), écart salarial que la CSC souhaite réduire à zéro. n’est pas un jeu de hasard ! En tant que syndicat, nous formulons une série de recommandations concrètes pour faire avancer l’égalité entre hommes À et femmes et tout particulièrement : l’occasion de la Journée impactent la vie en termes de revenus, – des congés thématiques solides, avec internationale des droits d’autonomie et de droits de nombreuses une indemnité plus élevée, afin que des Femmes de 2021, les femmes. De quoi susciter la réflexion et les familles monoparentales puissent Femmes CSC ont lan- montrer que l’égalité n’est pas un jeu de réellement bénéficier de ce droit ; cé la campagne Scratch hasard : en effet, pour la faire progres- – une répartition équitable des congés and Win: l’égalité n’est pas un jeu de ha- ser, rien de tel que de pouvoir poser des thématiques entre les deux parents. sard !1 pour sensibiliser à l’égalité femmes- choix toujours plus libres et éclairés ! De cette façon, les deux partenaires hommes axée en particulier sur l’autono- Au verso du ticket à gratter, la ques- ont les mêmes chances sur le marché mie économique et financière des femmes tion suivante est posée : « Auriez-vous de l’emploi. En Suède, les couples qui et la lutte contre l’écart salarial. Son objec- opéré le même choix ? » prennent le même nombre de jours de tif prioritaire était de sensibiliser chacun.e, Si les services publics/collectifs congé parental reçoivent une prime ; et en particulier les femmes, à l’impact étaient suffisamment accessibles fi- – une réduction collective du temps de des choix de carrière sur son autonomie nancièrement (crèches, accueil des travail avec maintien du salaire ; sur- économique et financière et au contexte enfants malades, soins aux membres tout dans les secteurs où il est prati- social qui oriente ces « choix ». vulnérables de la famille, etc.) ? quement impossible de tenir la norme Pourquoi vous parler de cette cam- Si vous aviez le salaire le plus élevé du temps plein vu les conditions de pagne six mois après le 8 mars ? Tout au sein du couple ? Si vous étiez la travail (ex : travailleur.euse.s du net- simplement car son message est toujours mieux rémunérée ? toyage, du soin aux personnes) ; d’actualité ! Les travailleur.euse.s opèrent Si la composition du ménage était dif- – une approche réaliste de la notion de de nombreux choix au cours de leur exis- férente ? « carrière complète » avant la pen- tence, à commencer par celui des études, Si travailler à temps plein signifiait sion. Pour les femmes surtout, il est puis du secteur dans lequel il.elle.s sou- prester moins d’heures pour le même pratiquement impossible actuellement haitent travailler. Les responsabilités salaire (réduction collective du temps d’avoir une carrière complète et donc familiales amènent souvent les travail- de travail) ? de bénéficier d’une pension décente ; leuses à opter pour un temps partiel, à – une augmentation des salaires bruts, faire une pause dans leur carrière, etc. en particulier des salaires minimums. Toutes ces décisions ont un impact sur En effet, 70% des travailleur.euse.s leurs droits actuels et futurs en matière payé.e.s au salaire minimum sont des de sécurité sociale (chômage, maladie, femmes. pension…). Ces événements et ces choix de vie – souvent contraints – semblent Les inégalités entre femmes et hommes personnels. Or, la décision d’orienter une ne sont pas nouvelles, mais elles se sont carrière dans telle ou telle direction re- vues encore exacerbées par la pandémie flète généralement des choix collectifs que nous traversons depuis plus d’un an. et sociétaux, ou des stéréotypes de genre La crise sanitaire a montré une fois de inculqués aux filles et aux garçons dès Souvent, la réponse sera «non»... Ainsi plus l’importance du travail des femmes : leur plus jeune âge. la lutte pour l’égalité des droits est loin quand le monde s’arrête, les femmes d’être terminée. continuent ! En effet, elles sont majori- Cartes à gratter pour taires dans les métiers qui sont à la fois sensibiliser aux choix de vie et Du côté des revendications essentiels et moins bien payés. à leur impact Cette campagne est aussi l’occasion de Le 8 mars est l’occasion de mettre en Pour ce 8 mars 2021, trois cartes à grat- rappeler que certains «choix» majoritai- avant des revendications défendues toute ter ont donc été distribuées pour mettre rement féminins contribuent à l’écart qui l’année. Continuons à nous mobiliser en avant les événements de la vie et les subsiste entre les salaires des femmes et quotidiennement pour que les femmes choix professionnels assez courants, qui ceux des hommes en Belgique (23,8%)2 ne soient pas les premières victimes des 11
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