RegaRds cR isés gouvernance, régulation et soft law : comprendre et agir - n 40
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n°40 P4 P5 P7 INTERACTIONS Qui régule dans une Essais de COMPLEXES DANS économie ouverte, conseils croisés UN MONDE numérique et aux ministères et COMPLEXE globalisée ? aux agences pour un jeu de Frédéric Petitbon, rôles de qualité Regards Croisés Alain Aubert, entre les acteurs Charlotte Measures Frédéric Petitbon P9 P 11 P 13 accompagner Réactiver l’économie l’évolution des française ? Pour un pacte modèles économiques Faisons confiance de confiance sanitaire des grandes sociétés aux acteurs Danielle Salomon d’infrastructures territoriaux Propos recueillis par Antoine Gosset-Grainville Alain Aubert et Brice Jehanno Jean-Léonce Dupont Propos recueillis par Propos recueillis par Alain Aubert et Alain Aubert et Charlotte Measures Charlotte Measures P 15 P 17 P 19 Jeux en ligne : Légaliser le marché d’une régulation ENERGIES ET NUCLEAIRE : pour protéger quantitative UNE REGULATION PAR le consommateur à une régulation LA TRANSPARENCE ? qualitative Patrick Raude et Michel Janot Alain Bucaille Jean-François Vilotte Propos recueillis par Propos recueillis Propos recueillis par Alain Aubert et par Alain Aubert et Alain Aubert Charlotte Measures Brice Jehanno P 21 P 22 P 24 Dans un monde VERS LA FIN D’UNE Un droit public ultra compétitif, REGULATION mondial pour relever il faut être parmi ASYMETRIQUE ? les défis climatiques les meilleurs Jean-Ludovic Silicani Extrait du rapport Patrick Spilliaert Propos recueillis par d’Alain Bucaille Propos recueillis par Alain Aubert et et de Bertrand Barré Alain Aubert et Brice Jehanno Brice Jehanno P 26 P 28 P 31 Dans la recomposition de la gouvernance du Des opérateurs K ALEIDOSCOPE secteur ferroviaire, financiers soumis a DE NOS OFFRES le rôle de l’ARAF la main du régulateur prend de l’importance CLIENTS IDRH Patrick Guérin Pierre Cardo Propos recueillis par Propos recueillis par Alain Aubert CONTACT Alain Aubert et Charlotte Measures Regards croisés Frédéric Petitbon, Directeur de la publication Cécile Arnaud, Coordination IDRH Alain Aubert et Charlotte Measures, Conception et réalisation David_Ly, Graphisme
JUIN 2013 Si on s’accorde à dire qu’une « main invisible » est nécessaire pour faciliter édito la régulation, et ainsi assurer (et contrôler) le bon fonctionnement des secteurs clés de notre économie, la question se pose alors de savoir à qui doit appartenir cette « main » ! Dans un système économique de plus en plus complexe (mondialisation, européanisation, développement des nouvelles technologies, accélération des flux d’information…), les entreprises doivent tirer leur épingle du jeu dans un dédale de parties-prenantes, lois et réglementations – avec le risque, au final, de se perdre en réunions innombrables, en procédures incompréhensibles voire d’être épinglées en justice. Quand le Gouvernement n’apparait plus comme le mieux positionné pour exercer son rôle de régulateur (crise de la dette, conflits d’intérêt, manque de compétences), les agences publiques indépendantes offrent une alternative alléchante. Ces structures, plus petites, plus flexibles et avec une forte expertise, exercent un rôle exécutif de régulation à la place du gouvernement, tout en restant sous le contrôle du Parlement. Elles apportent un peu de fluidité, de « mou » - de cette fameuse "soft law" à l’anglo-saxonne - dans un système économique français alourdi du poids de ses (trop) nombreuses lois. Dans les faits, leur impact est bien réel, tant pour les entreprises que les citoyens ou consommateurs. Dans le secteur des Télécoms, c’est avec la bénédiction de l’Autorité de Régulation des Communications Electroniques et des Postes (ARCEP) que Free est entré sur le marché en janvier 2012, avec les coups d’éclats que l’on sait de la part des opérateurs historiques, comme de certains ministres. Dans le secteur de l’énergie, c’est la Commission de Régulation de l’Energie (CER) qui joue un rôle déterminant dans la fixation du prix de l’électricité nucléaire, sujet au combien sensible pour le grand public… Les agences publiques indépendantes « prennent donc un peu la main » dans la régulation de notre économie. Bonne nouvelle sans doute, à condition néanmoins que cette « main » exercée ne soit justement pas invisible. La légitimité de ces agences repose sur leur capacité de transparence et leur démonstration d’un juste niveau d’autonomie (ni connivence avec les intérêts en présence, ni déni du contrôle parlementaire). Et le succès de leurs actions se fonde avant tout sur la qualité des femmes et des hommes qui travaillent en leur sein : leurs compétences, leur sens des responsabilités à la fois collectif et individuel feront plus pour la régulation que les empilements les plus aboutis de lois et de règlements ! Jean-Luc Placet, Président IDRH - Regards croisés n°40 - Gouvernance, régulation et soft law : comprendre et agir
Interactions complexes dans un monde Complexe UNION EUROPEENNE Lobbying Inter professions DIRECTIVES (Ouverture a la concurrence …) PARLEMENT Actions collectives LEGISLATIF Opérateurs GOUVERNEMENT Régulation JUDICIAIRE Lobbying Autorités Administratives Indépendantes (AAI) Associations EXECUTIF (Protection des consommateurs …) ETAT FRANCAIS Regards Croisés entre les acteurs Ont été interviewés dans cette édition : PARLEMENT Jean-Léonce DUPONT, Vice Président du Sénat Autorités Pierre CARDO, Président de l’Autorité de Régulation des Activités Ferroviaires (ARAF) Administratives Danielle SALOMON, Sociologue, spécialiste des risques sanitaires Jean-Ludovic SILICANI, Président de l’Autorité de Régulation des Communications Electroniques Indépendantes et des Postes (ARCEP) (AAI) Patrick SPILLIAERT, Vice Président de l’Autorité de la concurrence Alain BUCAILLE, conseiller du Président d’Areva Antoine GOSSET-GRAINVILLE, Ancien Directeur général adjoint de la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) Patrick GUERIN, Responsable de la conformité et du contrôle interne dans une société de ges- OPERATEURS tion de portefeuille Miche JANOT, conseiller juridique à La Française des Jeux (FDJ) Patrick RAUDE, Directeur de la Régulation et des Affaires Européennes au sein du Pôle Finances et Régulation à La Française des Jeux (FDJ) Jean-François VILOTTE, Président de l’Autorité de Régulation des Jeux en Ligne (ARJEL) 4 IDRH - Regards croisés n°40 - Gouvernance, régulation et soft law : comprendre et agir
Libéralisme et régulation : RéFLEXIONS Qui régule dans une économie ouverte, numérique et globalisée ? Frédéric Petitbon, Alain Aubert, Charlotte Measures, IDRH « Pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir. » Montesquieu, "De l’Esprit des lois", 1758, Livre XI, Chapitre IV Depuis les années 1990, le mou- à une « zone grise » élargie où opérateurs ? Comment assu- vement est clair : sous l’impul- la "soft law" à l’anglo-saxonne rer des conditions égales d’ac- sion de la Commission Euro- (règles de droit pragmatiques et cès au marché entre nouveaux péenne, qui vise le dévelop- adaptables dans le temps dont entrants et anciens opérateurs pement du marché intérieur la seule finalité est de réguler bien installés ? Comment proté- européen, les traditionnels mo- un secteur économique) s’addi- ger l’intérêt des consommateurs nopoles nationaux tombent, les tionne à la "hard law" latine (la en veillant par exemple à une marchés – énergie, télécom, fer- loi qui a un caractère obligatoire bonne couverture nationale des roviaire - s’ouvrent à la concur- et « intemporel »). services proposés ? Comment rence… Cependant, « libre-con- préparer l’avenir en donnant currence » ou « ouverture » du Car la fluidité des marchés ne aux opérateurs les moyens de marché ne sont pas nécessai- va pas de soi. Quel est le bon développer les infrastructures rement synonymes pour les en- équilibre entre les intérêts court- qui seront la clé de la compétiti- treprises concernées de plus de terme et moyen-terme ? Entre vité future du pays ? Ainsi, dans liberté d’action ou de simplifi- compétitivité des opérateurs et le secteur des télécoms, au-delà cation – bien au contraire. protection des consommateurs ? de l’ouverture à de nouveaux entrants (cf. l’entrée remarquée Dans un système économique Pour des secteurs comme les et débattue de Free sur le mar- de plus en plus complexe - mon- jeux d’argent et de hasard ou la ché), un des enjeux est d’assurer dialisation, accélération des flux santé, l’enjeu se pose en termes le déploiement de nouveaux ré- d’échanges notamment d’infor- de gestion des risques – addic- seaux à haut débit, fibre optique mation, concurrence exacerbée, tions et criminalités pour les pour le téléphone fixe, 4G pour innovations, valeur à générer, premiers, sanitaires pour les le mobile. modèles économiques à réin- seconds. La Française des Jeux venter, auto-organisation crois- précise bien que dans le cas des La nécessité d’assurer le bon sante des citoyens, développe- jeux en ligne, l’objectif n’était fonctionnement des marchés, ment des effets de proximité… pas de développer le marché entre respect de l’intérêt public - la difficulté à définir les règle- mais de contenir l’offre illégale. et rentabilité est évidente, mais, mentations et de les faire appli- Pour les secteurs d’infrastruc- dans un environnement à haute quer s’accroît aussi. Le cadre de tures comme l’énergie, le fer- technicité et à multi parties- la régulation évolue pour faire roviaire ou les télécoms, les prenantes, le Gouvernement face aux nouveaux enjeux et les défis s’entremêlent : comment n’a pas forcément la neutralité entreprises sont confrontées favoriser la productivité des ou les moyens pour assurer ce IDRH - Regards croisés n°40 - Gouvernance, régulation et soft law : comprendre et agir 5
rôle de régulateur. Le risque de éviter d’intervenir trop directe- leur image et travaillent avec les « conflits d’intérêts » tout d’abord ment ». Les AAI jouent ainsi un médias pour illustrer leur valeur est particulièrement visible dans rôle clé sur ces secteurs « con- ajoutée et mettre en avant les les mouvements d’ouverture à sidérés comme essentiels », im- fruits de leur travail. Dans les la concurrence, impulsés par pactant directement par leurs domaines nécessitant un fort Bruxelles. L’Etat est partagé actions les entreprises opérant degré d’expertise en particulier, entre protection de monopoles sur ces secteurs – ou celles qui le « devoir (le défi ?) d’humilité » nationaux traditionnels et res- souhaiteraient y entrer. Citons des AAI est grand. C’est celui de pect des engagements pris avec l’ARCEP pour les télécoms, se soumettre au pouvoir législa- les partenaires européens, main- l’ARJEL pour les jeux d’argent et tif – même si celui-ci n’est pas tien d’un bon niveau de service de hasard en ligne... le sachant – mais aussi celui de public et exigences de renta- savoir s’adapter rapidement aux bilité. Par ailleurs, le poids de Cependant, si le Gouvernement évolutions technologiques à ne la dette entraîne un nécessaire n’est plus le régulateur, quelle pas « se reposer sur ses lauriers ». mouvement de désengagement est la légitimité d’entités indé- de l’Etat qui n’est plus en mesure pendantes à la fois des sec- A l’heure où la crise de la dette d’exercer le même rôle de finan- teurs contrôlés mais aussi des remet en question le rôle de ceur et de contrôleur de l’éco- pouvoirs publics, pour réguler l’Etat et sa capacité à se réfor- nomie que par le passé. Dans des secteurs entiers et straté- mer, les AAI pourraient consti- ce contexte, l’expertise requise giques pour l’économie fran- tuer un modèle intéressant. dans des domaines à forte com- çaise et les Français ? Comment De tailles réduites, attractives posante technique, exigeant des les AAI peuvent-elles faire leurs pour les employés qualifiés, compétences spécifiques et évo- preuves et « rassurer » sur leur plus fluides dans leurs organi- lutives dont le développement inscription dans une dynamique sations… ne seraient-elles pas n’est pas toujours facile au sein démocratique ? Comment les une forme moderne de gestion de l’organisation des services entreprises peuvent-elles agir au de l’Etat – plus allégée, efficace de l’Etat et leur gestion des res- mieux pour tenir compte de ces et innovante – beaucoup mieux sources humaines. acteurs forts de la régulation ? adaptée au contexte écono- Si les représentants de l’Etat mique actuel ? Face à la nouvelle donne, le pay- sont légitimes politiquement, les sage de la régulation se trans- AAI ont la neutralité et les com- Ainsi, pour les entreprises, libé- forme ; la place de l’Etat y évolue. pétences techniques… mais sont ralisation des marchés n’est en Dans le domaine des investisse- amenées à prendre des décisions rien synonyme de simplification ments, de grands actionnaires sur lesquels elles n’ont pas de de la régulation. Confrontées à comme la Caisse des Dépôts mandat élu. L’indépendance des une multiplicité d’acteurs aux émergent comme acteurs clés AAI est définie par rapport au responsabilités et pouvoirs écla- des secteurs des infrastructures ; pouvoir exécutif, non par rap- tés, les entreprises n’ont d’autre d’autres secteurs traditionnel- port au pouvoir législatif : les choix que d’intégrer cette « zone lement publics influencent di- objectifs et leur évaluation sont grise » dans leur organisation rectement la gouvernance des réalisés par le Parlement. Les interne. Mais plutôt que de voir opérateurs. Les collectivités lo- AAI ne font pas la loi, elles l’ap- cette complexité comme un mal cales ont plus de marges de ma- pliquent. L’enjeu est donc que le inéluctable, voyons-là plutôt nœuvre, leur permettant d’agir Parlement joue réellement son comme une opportunité. Celle directement sur les opérateurs rôle de contrôle. de saisir des marges de ma- intervenant dans leurs régions. nœuvre offertes dans le « mou » Et sur un plan national, la créa- Tout l’enjeu pour les AAI est de de la soft law et la richesse des tion des Autorités Administra- donner à voir qu’elles ne sont interactions, celle pour les opé- tives Indépendantes (AAI) ap- pas de simples « baronnies rateurs d’être moteur d’une porte une réponse pragmatique technocrates » mais de vrais stratégie repensée qui prend en aux enjeux de régulation. Plus organes de gouvernance. C’est compte pleinement les enjeux qu’une simple entité bureaucra- dans leurs actions, leur capacité sociaux et sociétaux ainsi que les tique à vocation administrative, à dire les choses et les écrire, à jeux d’acteurs. Et n’oublions pas les AAI sont des institutions de informer qu’elles ont un rôle qu’aucune régulation ne rem- l’Etat chargées « d’assurer la démocratique essentiel. Il est clé place jamais la responsabilité régulation de secteurs considé- que les AAI sachent communi- des opérateurs dont la bonne rés comme essentiels et pour quer et obtenir l’adhésion au- conduite sera toujours clé pour lesquels le Gouvernement veut tour de leur travail, construisent préserver les équilibres. n 6 IDRH - Regards croisés n°40 - Gouvernance, régulation et soft law : comprendre et agir
Essais de conseils croisés Réflexions aux ministères et aux agences pour un jeu de rôles de qualité, au service de l’intérêt public Frédéric Petitbon, IDRH La recherche d’une tutelle harmonieuse et efficace semble quasi impossible quand on regarde la difficile mise en pratique des recommandations des rapports rédigés sur le sujet, comme l’illustre l’Inspection Générale des Finances (IGF) en mars 2012 dans « l’Etat et ses agences ». Les conditions de création et de développement des agences ne répondent que très partiellement à une doctrine explicite. Bien souvent, ces agences sont utilisées pour alimenter des effets d’annonce et de communication politique, pour permettre des modes de gestion plus souples (et permissifs ?) que ceux de l’Etat ou, le cas échéant, pour récompenser des serviteurs méritants… « Toutes choses égales par ailleurs », même sans clarifier le paysage ni mener à bien les simplifications né- cessaires, la nécessité de « mieux vivre la tutelle » se dessine bien à la lecture de ces rapports ou à l’écoute des acteurs de la tutelle qui appellent à des approches plus constructives de la part de tous les interlo- cuteurs, quels que soient leur position ou leur état d’esprit – qu’ils soient hauts placés, ou mal lunés…. Six idées pour une confrontation harmonieuse : 1 Rigueur et responsabilité dans 2 Distance dans les relations, la nomination du dirigeant de l’agence « chacun à sa place » Quand celui-ci est parachuté, membre Quand on voit dans un conseil d’admi- éminent du cabinet du ministre de tutelle nistration (CA) d’agence se tutoyer les et ayant l’oreille et le soutien de celui-ci, puissants, chacun d’un côté de la table la messe est souvent dite : le pouvoir est de réunion, sans se dire les choses, sans se trop en faveur de l’agence. Quand celui- froisser pour préserver l’avenir d’un pro- ci fait preuve d’incompétence mettant en chain jeu de chaises musicales à l’issue péril les missions de l’agence et desser- d’une mobilité attendue… danger ! Si les vant sa vocation de service public, le cou- réunions des conseils d’administration rage manque parfois pour le démettre de ne servent qu’à entériner des décisions ses fonctions. Les procédures de nomi- décidées lors de pré-réunions prépara- nation ouvertes et transparentes, avec toires, imaginées pour éviter l’émergence critères de choix clairs et candidats plu- de toute aspérité le jour J, quelle en est riels, tant dans leurs diplômes que dans l’utilité réelle ? Il s’agit ici de mettre en leurs parcours existent… utilisons-les scène une relation de différence, sinon vraiment ! de confrontation, et non de favoriser une connivence contre-productive. IDRH - Regards croisés n°40 - Gouvernance, régulation et soft law : comprendre et agir 7
3 Application dans l’esprit et dans la lettre 5 Partage des informations des procédures et des calendriers et des expertises Les procédures existent maintenant dans Quand les entités créées sont définitive- tous les champs nécessaires : du contrat ment plus attractives pour les cadres que d’objectifs au budget annuel, de la ré- l’administration (autonomie, mode de munération variable du dirigeant aux gestion plus proche de celui de l’entre- résultats au calendrier rythmant l’année prise, rémunération….), la fuite des ex- des parties… Qu’est-ce qui empêche le pertises est inexorable. Quand l’agence couple tutelle-agence de les respecter ? pense être la seule compétente techni- Ne parle-t-on pas après tout de service quement sur les dossiers, la relation ne public ? peut être équilibrée. Ici aussi les moyens sont connus : mobilité des personnels ; mise à disposition des différentes parties d’études confiées à des experts ; « comi- tés de sachants »… 4 Débat de fond sur la stratégie de l’agence Ce débat est trop souvent pauvre – le prétexte étant soit la profusion des indi- cateurs qui occupent tout l’espace de 6 Gouvernance mobilisant à bon escient les parties prenantes dans leur diversité l’échange, soit la facilité dans la formu- et leur légitimité lation d’une stratégie « molle et consen- suelle » par l’agence. La mise en place de Les conseils d’administration regroupent comités d’audit éviterait par exemple que souvent différentes parties prenantes, des les sujets administratifs ne monopolisent usagers aux témoins extérieurs ; d’autres toute l’attention des conseils d’adminis- acteurs peuvent être écoutés, associés en tration. Ainsi, le questionnement straté- amont des décisions stratégiques, infor- gique pourrait être véritablement traité més au cours de la conduite des opéra- lors des réunions des CA, comme de celles tions… Dans trop de cas, la pratique concernant la relation de tutelle. Les conduit à associer a minima ces parties agences et les ministères qui font vivre ce prenantes, pour éviter des « fuites », débat mobilisent différentes méthodes : pour maîtriser la décision. La tentation, mise en scène des attentes des parties pour les décideurs de l’administration prenantes ; « scénario catastrophe », comme d’ailleurs des syndicats, de pré- toutes choses égales par ailleurs ; vision server l’« entre-soi » est forte… mais vouée sur les alternatives à moyen terme ; à l’échec. Non ! Dans un contexte de cri- définition d’indicateurs de résultats tique de légitimité de plus en plus forte, mesurables et priorisés… Et elles s’en cette mobilisation des parties prenantes portent bien, avec des échanges de qua- est fondamentale pour notre démocra- lité et dans la force partagée des straté- tie. Quitte à prendre le risque d’une trop gies qui en découlent ! grande ouverture des débats… mais le jeu (de la légitimité) en vaut la chandelle ! n 8 IDRH - Regards croisés n°40 - Gouvernance, régulation et soft law : comprendre et agir
Pour un pacte TEMOIGNAGES de confiance sanitaire Entretien avec Danielle Salomon Sociologue, spécialiste des risques sanitaires Propos recueillis par Alain Aubert et Brice Jehanno, IDRH Sociologue de l’action publique et des organisations. Après publics ou des dirigeants d’en- avoir géré des risques financiers pour un groupe internatio- treprise aux demandes, ques- nal, elle s’est spécialisée dans les risques sanitaires. Elle vient tionnements, arguments ou de publier avec William Dab « Agir face aux risques sanitaires. à l’expression de plaintes des Pour un pacte de confiance » aux PUF en 2013. groupes sociaux suscitent des Rattachée comme chercheuse associée au Centre de Sociologie mouvements de mobilisation des Organisations (CNRS-FNSP), elle a fondé Risques & Intelli- de riverains, d’associations ins- gence, cabinet indépendant spécialisé dans les risques sanitaires tituées ou l’intervention poli- (environnement, bien être et santé au travail, infectieux, ...) tique d’un élu ou d’un ministre intervenant pour des organisations publiques et privées. par exemple celui du Travail Elle a été chargée de cours à Sciences Po, l’ENA, le CNAM, après les suicides de France Paris-Dauphine, l’Ecole Centrale de Paris. Telecom. Ces dynamiques so- ciales sont autant le produit de la défaillance de la gouver- Comment s’effectue en France de soins ou encore l’alimenta- nance publique de ces sujets ou la régulation dans le domaine tion. L’organisation française, de systèmes confinés comme le sanitaire ? après différentes crises, comme sont les milieux de travail, que Il faut distinguer la relation pu- celles du sang contaminé, de de l’expression de craintes ou blique, au sens des politiques l’amiante et bien d’autres, a de peurs face aux incertitudes. publiques élaborées sur un choisi de déléguer à des agences Ces mouvements sociaux ont thème et la régulation globale sanitaires les avis sur les risques. gagné une réelle capacité d’ac- des systèmes concernés par ces tion si l’on prend l’exemple des enjeux. J’entends dans ce cas, Mais ces dernières approchent antennes-relais de téléphonie l’ensemble des mécanismes, les risques en restant centrées mobile ou le blocage de l’exploi- des acteurs, des alliances, des sur une démarche scientifique tation du gaz de schiste. Leur normes et des règles qui font qui incluent trop peu encore, influence est encore amplifiée qu’un système maintient son les caractéristiques d’un sec- par un autre facteur détermi- équilibre. Les risques sanitaires teur d’activité, les conséquences nant de la régulation en matière constituent un enjeu politique éventuelles des décisions prises de risques qu’est le recours au considérable dans la mesure ou les craintes ou les visions par- judiciaire. où la responsabilité - y com- ticulières des groupes sociaux pris pénale - des décideurs ou concernés. En effet, face à l’absence celle de l’État peut être recher- d’écoute, de prise en compte chée. Les risques sanitaires sont Les conséquences sanitaires ont des demandes ou à l’applica- constitués par les risques collec- souvent du mal à émerger au tion stricte de cadres règlemen- tifs ayant une incidence pour la cœur des décisions ou de la taires restrictifs (autorisations santé, liés aux environnements gestion d’activités. De plus, la administratives) se joue l’appli- de vie, de travail, de transport, relative fermeture des acteurs cation de principes existants IDRH - Regards croisés n°40 - Gouvernance, régulation et soft law : comprendre et agir 9
(droit à l’information, Conven- Quelles sont les conditions pour Il faut donc une vigilance forte, tion d’Aarhus, principe de pré- qu’une régulation soit efficace ? des processus continus et aussi caution, etc.) qui ont encore Je viens de terminer un livre en un haut niveau de transparence. du mal à trouver leur concré- collaboration avec William Dab Il est important de doter chaque tisation. Mais la responsabi- « Agir face aux risques. Pour un acteur de réelles capacités d’ac- lité en France reste conçue de pacte de confiance sanitaire » tions, de moyens et de lieux de façon individuelle, quand les qui montre les dysfonctionne- négociations. Pour réguler cor- dynamiques débouchant sur des ments et l’incapacité de l’État rectement, il est nécessaire de crises sont souvent le produit à prendre en charge ces risques chercher à comprendre les moti- collectif d’un système, ce que ne notamment par une organisa- vations des parties prenantes, sait pas encore appréhender le tion et des outils inadaptés. La leurs comportements réels et judiciaire. Le directeur de l’usine France a des problèmes struc- d’intégrer les conséquences des d’AZF a dû se sentir bien seul turels en matière de régulation mesures envisagées. face à sa condamnation. des risques qui produisent de la méfiance. Le cloisonnement, la Ne constatez-vous pas un ap- Le domaine de la Santé relève du séparation des secteurs créent prentissage de la concertation droit national alors que celui de de la lourdeur ou aboutit à l’ab- en France ? l’Environnement est aujourd’hui sence de décideur désigné. La La réponse au niveau central est complètement encadré par les plupart des sujets aujourd’hui d’ouvrir la décision par un élar- directives européennes. Les pro- sont caractérisés par la com- gissement interministériel. Mais cessus de transposition sont dif- plexité des systèmes dans les- ce n’est pas en soi une solution férents d’un pays à un autre en quels ils s’insèrent. Cela sup- parce que l’interministériel est Europe. pose de la transversalité et de la souvent décidé dans la précipi- La France met toujours beau- coopération. Nous y affirmons tation et dépend beaucoup du coup de temps à passer à notre conviction qu’une bonne rapport de forces existant entre l’acte et attend souvent d’être régulation doit avoir pour objet les ministères autour de la table. condamnée pour se décider d’anticiper, de décloisonner et Peu à peu, au niveau territorial à transposer les directives. Le de recréer de la confiance. En des mécanismes de concerta- système français ne semble pas termes de régulation, il n’y a pas tion se mettent en place, comme bâti pour des évolutions rapides de recette toute faite. Il faut de la Commission nationale de dé- ni les innovations. Par exemple, la pertinence, du bon sens et bat public ou les commissions on n’envisage une évolution du rechercher l’efficience et l’ap- particulières (mises en place par droit du travail qu’à travers le propriation des mesures par les exemple pour les projets de l’Aé- salariat et on ne sait pas penser acteurs concernés. Pour qu’une roport des Landes ou de la ligne la protection sociale en dehors régulation sanitaire soit effi- haute tension du Nord Coten- de celui-ci. Pourtant les formes cace, il est important de négo- tin), des commissions ad hoc de travail évoluent profondé- cier en amont avec l’ensemble sous l’autorité des Préfets ainsi ment selon les secteurs ou les des parties prenantes sur la que des conférences de citoyens, âges de la vie. La gestion de la base d’une évaluation scienti- mécanisme de concertation pro- crise H1N1 a été pensée sans fique ouverte surtout lorsque venant du Danemark. Mais ces connaissance fine des caracté- les connaissances manquent. expériences restent limitées dans ristiques du système médical Pour pouvoir prendre les bonnes leurs résultats surtout lorsque la français. décisions, il convient de trouver sensibilité politique est forte ou un équilibre entre l’ouverture de la problématique trop cadrée Cette gestion a procédé d’une vi- systèmes confinés qui génèrent dès le départ. sion très "top-down" et a été ap- des risques et la reconfiguration pliquée sans intégrer le tissu mé- de systèmes intégrant les parties Enfin, les grandes entreprises dical. Les Agences Régionales prenantes tout en aménageant évoluent, comme la Poste et de Santé, dont la création a une capacité de décision réelle. sont tentées par des innovations suscité beaucoup d’espoir, fonc- En France, la tendance actuelle en matière de dialogue social, tionnent trop souvent avec une penche timidement vers l’ouver- davantage pour échapper à approche "top-down" et bureau- ture. une crise que par anticipation. cratique au lieu de créer de la Dans le domaine sanitaire, les Pourtant, il est prouvé que le collégialité et de la coopération choses peuvent évoluer très vite dialogue social favorise la com- entre les partenaires concernés. et les incertitudes sont centrales. pétitivité. n 10 IDRH - Regards croisés n°40 - Gouvernance, régulation et soft law : comprendre et agir
La Caisse des Dépôts, investisseur de long-terme, joue un rôle clé POUR TEMOIGNAGES accompagner l’évolution des modèles économiques des grandes sociétés d’infrastructures Entretien avec Antoine Gosset-Grainville Ancien directeur général adjoint de la Caisse des Dépôts, membre des comités de direction de la Caisse des Dépôts et du Groupe Propos recueillis par Alain Aubert et Charlotte Measures, IDRH 47 ans, Inspecteur des finances, diplômé de l’Institut d’études une origine commune : le suren- politiques de Paris, titulaire d’un DESS « banque et finances » dettement public. La contrainte de l’université Paris IX Dauphine et ancien élève de l’ENA (pro- pesant actuellement sur les fi- motion Léon Gambetta) - Inspection générale des finances nances publiques est source de (1994-1997). Secrétaire général adjoint du Comité monétaire crispation pour les entreprises européen puis du Comité économique et financier de l’Union comme pour les collectivités, européenne (1997-1999). Conseiller pour les affaires écono- soumises de manière crois- miques et monétaires au cabinet du commissaire européen sante à la nécessité du désen- chargé du commerce (1999-2002). Avocat aux barreaux de dettement ou à la perspective Paris et de Bruxelles. Directeur adjoint de cabinet du Premier d’une réduction des soutiens ministre (2007-2010). Directeur général adjoint de la Caisse publics. Jusqu’à maintenant, la des Dépôts depuis le 1er mai 2010, membre des comités de sphère publique pouvait s’en- direction de la Caisse des Dépôts et du Groupe. Directeur detter facilement, entreprises général de la CDC par intérim du 8 mars au 18 juillet 2012. et collectivités s’organisaient en conséquent. Aujourd’hui, les entreprises et collectivités Les marchés d’infrastructures eux, cette politique a été appli- cherchent à faire face à cette (électricité, ferroviaire, télécoms), quée de manière excessive, ce situation, les premières en frei- autrefois tenus par des opé- qui conduit à l’affaiblissement nant l’arrivée des nouveaux en- rateurs nationaux en mono- des opérateurs historiques, pé- trants, les secondes en obligeant pole, sont aujourd’hui dans nalisés sur le plan économique. les acteurs privés à renoncer à des démarches d’ouverture à la leurs rentes. concurrence. Pensez-vous que D’un autre coté, les grandes col- l’on soit allé trop loin dans cette lectivités qui reprennent en régie Les tensions constatées sont- ouverture ? des activités concédées estiment elles amenées à se renforcer ou Deux points de vue s’opposent. que la concurrence n’est pas à s’apaiser ? D’un coté, les entreprises - au- assez forte : elles remettent en La révélation du surendettement paravant en situation de mono- cause les rentes captées par les public vient bouleverser le mode pole - critiquent une approche opérateurs privés et menacent de gestion de l’Etat et, par ex- guidée par le primat de la poli- de ré-internaliser les activités. tension, transforme également tique de la concurrence. Selon Ces perspectives divergentes ont celui des autres acteurs publics. IDRH - Regards croisés n°40 - Gouvernance, régulation et soft law : comprendre et agir 11
manière, elle souhaite que le fi- nancement des collectivités don- ne également lieu à des partena- riats. En ce qui concerne le développe- ment des entreprises privées, la Extrait de : "WWW: What a Caisse des Dépôts ne propose-t- Wonderful World" elle pas un appui trop limité au 2007 Faouzi Bensaïdi marché national ? Absolument pas. Regardez le Ces tensions vont se poursuivre, un choix rassurant pour tous, cas de Veolia Transdev : Trans- l’exemple actuel du secteur éner- particulièrement pour le corps dev s’était beaucoup développé gétique en est une illustration. social des entreprises ou établis- à l’international avant le rap- sements publics qui ne peuvent prochement avec Veolia. Avec les nouvelles politiques en- pas s’ouvrir au privé ou, du gagées par les collectivités, les moins, ne peuvent le faire bru- La Caisse des Dépôts entretient entreprises comme Veolia ou talement. des relations étroites avec des in- Suez connaissent un bascule- vestisseurs de long terme étran- ment de leurs modèles écono- Ainsi, les entreprises feront de gers. On a fondé le Club des miques. Il est encore trop tôt plus en plus appel à la Caisse Investisseurs qui regroupe des pour savoir sur quoi va débou- des Dépôts. Le cas de La Poste, fonds souverains et les Caisses cher cette opposition entre la qui a ouvert son capital pour des Dépôts d’autres pays, et va poursuite de la régulation par la renforcer ses fonds propres, est permettre de développer des co- concurrence et la logique d’une la preuve que ce phénomène va investissements. Le fait d’être régulation sectorielle protectrice se généraliser. réuni en Club limite les engage- des opérateurs historiques. ments de fonds propres et donc Dans le développement des en- produit un effet de levier. L’asso- Dans ce mouvement d’évolution treprises publiques, en quoi le rôle ciation avec d’autres investis- de l’économie, quel est le rôle de de la Caisse des Dépôts est-il dif- seurs avec qui on a pris le temps la Caisse des Dépôts ? férent de celui de l’Etat ? de nouer une relation forte per- La Caisse des Dépôts est un Prenons comme exemple le met de le faire en toute sécurité. investisseur de long terme. Ces groupe La Poste. Avant l’ouver- deux mots comptent autant ture de son capital, La Poste était Et à court terme comment l’un que l’autre. Il s’agit pour 100% APE (Agence des Partici- les questions de financement nous d’accompagner le déve- pations de l’Etat). Aujourd’hui, pèsent-elles sur la gouvernance ? loppement des entreprises, et elle a des actionnaires. Ces problèmes de financement l’inscription dans le long terme La Caisse des Dépôts a une ap- guident les comportements des constitue à la fois notre voca- proche fondamentalement dif- acteurs. Les grandes entreprises tion et notre valeur ajoutée. férente de l’APE, elle est présente publiques qui sont encore en Dans ce contexte en mutation, au conseil d’administration situation de monopole savent la Caisse des Dépôts est de plus de La Poste sur du long terme. que l’Etat est dans l’incapacité en plus sollicitée. La contrainte Cela permet de travailler avec d’augmenter leur capital et que du surendettement amène les le management de La Poste en les subventions vont stagner, entreprises à adapter leurs portant une grande attention à voire baisser. Elles cherchent modes de développement et la mission de développement de donc à prolonger la rente le plus leurs structures capitalistiques. l’entreprise. On parle business, longtemps possible en proté- Des entreprises publiques, pour organisation, développement de geant leurs marchés afin de se se développer, ont besoin d’ou- nouveaux métiers. donner les moyens de faire évo- vrir leur capital car l’Etat ne luer leur métier et leurs corps so- pourra rien faire. C’est particu- La Caisse des Dépôts veut met- cial. Cependant, Bruxelles veille lièrement vrai dans les secteurs tre en place un vrai partenariat et les entreprises doivent en tenir traditionnellement publics. entre les deux groupes (des équi- compte. n Ouvrir son capital auprès d’un pes de travail réfléchissent en ce acteur public de confiance est moment sur le sujet). De la même 12 IDRH - Regards croisés n°40 - Gouvernance, régulation et soft law : comprendre et agir
Réactiver l’économie française ? TEMOIGNAGES Faisons confiance aux acteurs territoriaux Entretien avec Jean-Léonce Dupont Sénateur, Vice Président du Sénat et Président de la Fédération des Entreprises publiques locales (FedEpl) Propos recueillis par Alain Aubert et Charlotte Measures, IDRH Titulaire d’une Maîtrise de Sciences Economiques option vont éclairer le peuple. Les élites Gestion, d’un Diplôme d’Etudes Approfondies (DEA) d’Eco- sont, certes, indispensables, nomie Générale et d’un Diplôme d’Etudes Comptables Supé- mais j’ai aussi envie de connaître rieures (D.E.C.S.). la réaction de l’utilisateur final, Chargé de mission puis directeur de cabinet de Michel d’Or- du citoyen, du consommateur… nano et René Garrec, Présidents successifs du Conseil Régio- nal de Basse-Normandie. En 1988, il est directeur de Sup-Eu- Une bonne gouvernabilité com- rope au Centre d’études supérieures européennes de Caen mence par une bonne analyse (CESEC) puis directeur général adjoint du groupe ESC CAEN du territoire, même si l’objectif LE HAVRE, poste qu’il quitte en 1998 après son élection au n’est pas pour autant de donner Sénat. Vice-président du Sénat depuis novembre 2008, il est tout le pouvoir au local. aussi Président du Conseil général du calvados depuis mars 2011, Président de la fédération nationale des EPL depuis Le principe d’égalité est tel- octobre 2011 et Vice-président national du Nouveau Centre lement génétiquement pro- (2007). grammé dans notre pays que l’on s’oblige toujours à généra- liser à 100%. On n’accepte pas Comme expert des collectivités des circuits courts ; même si le qu’il y ait des différences entre territoriales, mais aussi comme secteur du luxe constitue une ex- les régions alors que, dans les élu national, quel regard portez- ception. Aujourd’hui, celui qui faits, ces différences existent vous sur la centralisation ? gagne n’est plus le plus gros, bel et bien. Nous avons besoin La période de l’Etat jacobin, mais le plus rapide. de sortir d’une culture stricte de hyper centralisé, devrait être l’« entité » pour favoriser la mise terminée. Dans les pays où elle Sur un autre plan, nous gagne- en réseau. La France est très im- a prévalu comme la France (ou rions beaucoup à passer d’un prégnée d’une culture de struc- le Japon), elle a permis un déve- mode de fonctionnement "top- tures, ce qui explique leur multi- loppement remarquable avec le down", qui correspond à la plication : « je prends le contrôle succès de projets aux retours sur culture de nos élites (le centre de la structure car c’est elle qui investissements de long-terme a toujours raison) à un mixte donne le pouvoir ». Passer à une (Ariane, le nucléaire, le TGV…). "top-down" et "bottom-up". culture de réseaux constitue une Pourquoi est-on les champions Le "top-down" est très ancré dans véritable révolution culturelle, du nucléaire ? C’est parce que notre manière de fonctionner, le entre les entités et en leur sein. ce secteur nécessite un pouvoir "bottom-up" nous pose plus de Il est indispensable de mettre central fort. Cependant, dans problèmes. La consultation de les acteurs en situation de « co- notre pays, cette centralisation la base reste très modélisée, très pétition » ; ils seront de temps a freiné notre capacité à nous réduite. Nous continuons à pen- en temps en situation de com- positionner sur les produits avec ser que les élites ont le savoir et pétition sur certains sujets et IDRH - Regards croisés n°40 - Gouvernance, régulation et soft law : comprendre et agir 13
de temps en temps en collabo- ponsabilité et éventuellement la Tout le problème est la dési- ration sur d’autres sujets. C’est sanction. Quand on est libre, on gnation. J’ai été un opposant vrai pour les acteurs écono- doit être responsable, rendre des au projet de mise en place de miques, comme pour les diffé- comptes et savoir en tirer des conseillers territoriaux, cela au- rents niveaux territoriaux. conséquences. Je fais confiance rait conduit à un niveau de pro- à l’homme et aux équipes. fessionnalisation de la fonction C’est donc tout le système qu’il qui allait décliner au niveau ter- faut redéployer localement ? Si l’on décentralise davantage, ritorial ce qu’on connait au ni- Interrogeons-nous sur notre l’Etat peut-il devenir le garant de veau national, à savoir une fonc- technostructure. la bonne gestion locale ? tionnarisation toujours crois- Comment peut-elle donner de la Décliner le modèle (soi-disant) sante des élus. C’est un enjeu marge de manœuvre aux acteurs vertueux de l’Etat au plan local considérable. Quand vous aurez locaux sur les plans financier et ne correspond pas à mon mode de la monoculture à toutes les législatif ? En termes de capacité de pensée. Je suis de ceux qui strates de décision, exécutives et à faire et de liberté ? disent : l’autorité supérieure n’a législatives, vous perdrez l’essen- pas toujours raison et le pouvoir tiel : la réactivité, la flexibilité, le La suppression de la taxe pro- central n’est pas toujours en état courage et au final une certaine fessionnelle, conjuguée à l’aug- de gérer le mieux. Je préfère une intelligence. mentation des dépenses obli- incitation à la vertu qui vienne gatoires de solidarité nationale du bas et une récompense des Donc, pourquoi pas les dé- (RSA, handicap…), pèse sur les résultats vertueux par le haut. marches de "soft law", mais il ressources financières des terri- Un Etat qui encourage les bons faut réfléchir aux nominations toires. La vraie question est de résultats locaux (par exemple qui aboutissent à une équipe savoir si demain les collectivités en incitant à la mutualisation) différenciée. Ce n’est pas le fait territoriales conserveront une serait plus utile qu’un Etat qui que le Président de la Répu- capacité à faire. On le verra bien sanctionne. Ironiquement, nous blique, ou le Président de l’As- avec l’acte III de la décentralisa- pourrions dire que, étant en dé- semblée Nationale, ou le Pré- tion. ficit structurel depuis trente ans, sident de Sénat, décident des notre Etat national n’est pas en nominations qui permet une Pour ce qui est du domaine position de donner des leçons. culture différenciée. La technos- législatif, je ne suis pas du tout tructure s’adapte pour toujours favorable à une législation lo- Que pensez-vous de la création contrôler. cale. Il y a déjà tellement de lois d’autorités indépendantes ? La technostructure a correspon- qu’une couche supplémentaire Cette voie est-elle également in- du aux années 1950-1960 ; on au niveau local accroîtrait la téressante ? était en économie libérale sur pla- complexité. Cependant, quand Pourquoi pas. La question qu’il nification indicative et cela pre- la législation nationale ne per- faut poser est : quel est le profil nait sens dans une époque d’in- met pas de mettre en place tel des gens que l’on met dedans ? vestissements long-terme. Ces ou tel outil local, il est néces- Si ce n’est qu’un habillage pour choix d’organisation et de ma- saire que le législateur, fort de y mettre la même technostruc- nagement pouvaient être perti- son expérience locale, prenne la ture et les mêmes élites consan- nents. Aujourd’hui, on est dans main. Ce fut le cas pour la loi sur guines, on ne va pas beaucoup l’hyper-réactivité. les Sociétés publiques locales, évoluer. Comment voulez-vous que ce votée à l’unanimité au Parle- Je crois à la multiplicité et à modèle puisse marcher ? Nous ment. Le cap des 100 créations l’addition des talents. Ne nous sommes les champions du nu- de SPL a été dépassé à peine y méprenons pas, nous avons cléaire, mais pour tout le reste, deux ans après le vote de cette besoin d’élites. Je veux qu’elles la clé est la rapidité. On est en- loi, ce qui atteste du bien-fondé soient confrontées à la réalité. goncé dans un Etat jacobin et de cette initiative qui répondait Je veux qu’elles soient accom- dans nos normes. à une attente forte des élus et pagnées dans leur cheminement des territoires. par des personnes qui n’ont pas Il faut faire confiance aux ac- Sachons faire confiance aux le même profil, qui n’ont pas la teurs, territoriaux et écono- acteurs territoriaux et écono- même culture, qui ne sont pas miques. Cela sera plus efficace, miques. Si certains dépassent passées par les mêmes écoles, et générera plus de réussites que les limites, on les sanctionnera. qui ne viennent pas des mêmes d’échecs. n Derrière la liberté, il y a la res- quartiers. 14 IDRH - Regards croisés n°40 - Gouvernance, régulation et soft law : comprendre et agir
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