RICHARD POWERS - le phénix, scène nationale Valenciennes
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« LA COULEUR N’EXISTE PAS » Note d’intention « Je lus dans un magazine wallon qu’un noir américain avait plus de chances d’aller en prison que d’assister à un concert de musique de chambre ». Ce projet de spectacle musical est la première création et adaptation française du roman de Richard Powers, Le temps où nous chantions proposée dans une forme originale entremêlant musique, arts de la scène, arts visuels et cinéma. Cette forme choisie permet de donner à ressentir la polyphonie temporelle présente dans ce livre qui fonctionne non seulement comme une fugue à cinq voix mais aussi la richesse documentaire et historique de ce roman-fleuve. Le livre de Powers démarre avec l’évocation de la première chanteuse lyrique noire, Marian Anderson qui permit d’abolir pour un temps les frontières de la musique classique réservée alors aux blancs. Il traverse les madrigaux de la renaissance pour finir par faire entendre des musiques telles que le hip hop et le rap. Faire un spectacle à partir et avec le roman de Richard Powers, Le Temps où nous chantions, c’est aborder avant tout l’histoire du racisme et de la discrimination raciste à travers le prisme de la musique, en cheminant des années 30 à nos jours – de l’antisémitisme des années 30 aux Black Panthers, de la règle de la goutte du sang des esclaves, jusqu’aux émeutes de Watts en Californie, et au passage à tabac par la police, de Rodney King. C’est aussi l’histoire de la puissance de la parole politique émancipatrice, celle de Martin Luther King ou de Malcom X. Le roman de Powers évoque plus d’un demi-siècle d’histoire, et retrace la vie d’une famille, à partir de l’union improbable, de David Strom, un physicien allemand juif féru de musique classique, et de Delia Daley, une jeune afro-américaine. Ils se rencontrent en 1939 lors d’un concert devenu célèbre, celui de Marian Anderson, la première chanteuse lyrique noire américaine. David et Delia vont élever leurs enfants dans l’amour du chant et de la musique, les protéger des violences sociales et policières à travers cette enveloppe protectrice. Si Joey et Jonah, les deux frères vont faire carrière dans l’Opéra, un milieu plutôt réservé aux élites blanches dominantes, Ruth la jeune soeur également chanteuse, va déchirer cette bulle immunitaire pour s’engager dans le combat politique des Black Panthers, c’est une figure politique puissante, renvoyant à la fois à Athéna, la déesse de la guerre et de la sagesse, mais aussi à la figure d’Antigone. David qui a eu la chance de rencontrer Einstein leur parle de la relativité du temps, de l’infini et du fini mais aussi de durée, de temps musical, de rythme. C’est finalement un voyage foisonnant à travers l’histoire de la musique noire dans l’Amérique blanche. Il est question d’identité, de fraternité, d’origines et d’héritages. Les époques et les voix se répondent, se font écho en un grand oratorio fait de chants d’amours et de souffles, comme autant de respirations pour rester vivant dans un monde étouffant. Richard Powers donne à voir la vie de gens simples du peuple venus assister à un concert lyrique auquel « normalement » rien de ne les prédestine, ce serait plutôt la prison à vrai dire au niveau des probabilités. Mais voilà qu’eux aussi veulent accéder au grand art exigeant et pas seulement à la culture de masse et de peu qui leur est proposée. Eux aussi se sentent capables même si on les considère comme des subalternes, de pouvoir parler, penser, chanter la musique des maitres de ballets et de ceux qui ont un statut social plus élevé. Dans mon projet artistique, le film projeté permet de raconter des parties importantes de l’histoire tout en jouant sur les temporalités à travers des effets de présences et de réminiscences.
Le roman de Powers décrit la peur, les intimidations, les contrôles au faciès. Il évoque l’injustice, les émeutes, ce racisme qui s’acharne contre ceux qui veulent simplement vivre et qui sont réduits à la figure de parias animalisés. C’est un livre poignant et moderne dont l’histoire sociale se poursuit encore aujourd’hui notamment à travers le mouvement des black lives matter. Survivre grâce à la musique qui est un chez soi pour accueillir ceux qui n’en ont pas, et peut-être une patrie pour les apatrides. Le livre de Richard Powers, ne cesse d’évoquer cette métaphore du nid où se poser et se reposer « Mais où construiront t’ils un nid ? ». Il décrit à travers ses lignes, ceux qui sont obligés de fuir et de partir bien malgré eux. Pour exister humainement, on ne peut être constamment en errance, on a besoin d’un espace vital stable, d’un logement pour dormir en paix, d’une intimité. Dans le roman, l’incendie de la maison familiale dans laquelle périt la mère Délia est le point d’orgue d’une brutalité politique destructrice. “Nous essayons de les élever (…) au-delà des considérations de race. Le seul monde stable où il soit possible de survivre” » ; « “Au-delà de”, ça veut dire blanc. C’est les seuls qui peuvent se permettre “au-delà de” ». Car c’est toujours au dominé que revient la tâche de respecter scrupuleusement la frontière raciale, de raser les murs et de fuir, comme le chante et le joue Louis Armstrong, On the sunny side of the street. Le dominant, lui, peut s’aventurer où bon lui semble, le monde lui appartient. La musique est bien à travers tout le livre un élan vital se fracassant contre l’infamie et la bêtise, elle vaut à la fois comme arme et armure face à la violence du monde, donnant à entendre, avec ses moyens propres et universels, la lutte contre les injustices, les inégalités, mais aussi la résistance aux forces morbides et fascistes qui hantent et abîment la civilisation. Dans une scène majeure du roman, Jonah se mettra à chanter Time stands Still, de Dowland en plein milieu d’une émeute, comme une puissante prière conjurant la violence. Ce « spectacle-opéra », réunit la musique, le théâtre, le cinéma, la vidéo, mais aussi les chorégraphies de Serge-Aimé Coulibaly qui l’un de mes collaborateurs fidèles. Nous souhaitons ensemble créer un spectacle qui soit comme une cérémonie de vie et de résistance, pour faire fuir les races, le genre, les classes, et les nations. Mais aussi par moments un grand éclat de joie et de rire, pour rabaisser le haut, noircir le haut, mettre en déroute l’ordre sérieux et dominant. Tandis que certains ne se préoccupent que de leurs conforts et de se conserver dans leur entre soi, d’autres qui n’ont plus rien et dont la « vie nue » est sans cesse exposée et menacée, luttent pour rendre le monde un peu plus habitable humainement. Frédéric Laforgue – Lille - Mars 2018.
L’auteur Richard Powers est né en 1957 aux États-Unis. Trois fermiers s'en vont au bal, son premier roman, a valu à l'auteur d'être cité par le magazine Esquire comme l'un des trois plus grands auteurs de la décennie, aux côtés de Martin Amis et de Don DeLillo. Richard Powers a écrit depuis une dizaine d'autres ouvrages, dont Le temps où nous chantions, élu meilleur livre de l'année 2003 par le New York Times et le Washington Post et La Chambre aux échos, couronné par le National Book Award. « Ce pays doit savoir le danger qu’il y a à persévérer dans cette voie. Il comprend comment cet acte sera perçu au regard de l’Histoire. Aurait-il lâché cette bombe sur l’Allemagne, le pays de Bach et autres Beethoven qui vous sont si chers? L’aurions-nous utilisée pour annihiler une capitale européenne? Ou bien cette arme a-t-elle été conçue depuis le début pour être utilisée contre des individus d’une autre couleur de peau? ». Richard Powers, Le Temps où nous chantions. Chorégraphie Le travail chorégraphique de Serge Aimé Coulibaly veut donner à voir la résistance du corps opprimé à travers les mouvements du danseur Jean-Paul Méhansio qu’il a choisi comme interprète de ce spectacle. Il s’agit non seulement de proposer des contrepoints de la figure du fugitif, de sa course, de sa traque dans la poussière mais aussi de faire signe vers la comédie musicale, les danseurs d’anguille de New York, tout en évoquant les figures de Mickael Jackson et de MC Hammer. Evoquer enfin pour la déjouer la beauté parfaite dure et blanche de la statue grecque en utilisant de la poudre et du lait pour se blanchir et à l’inverse du maquillage pour se noircir davantage. La chorégraphie permet d’évoquer la brutalité policière et la confrontation entre les corps métalliques et les corps vivants. C’est le corps du danseur qui donne à voir les marques de l’humiliation et de la violence subies.
La musique et le son « On ne peut pas être anti-Europe sans être obligé d’amputer plus que le corps ne peut en supporter. Dans tout ce que nous chantons, il y a des notes blanches qui circulent. Mais c’est toute la beauté de la situation. Comme ça, on construit un petit pays, ici, à partir de vols réciproques. Ils viennent par chez nous, piquent tout ce qu’on a. Nous, on se faufile dans leur quartier, en pleine nuit, on repique un petit quelque chose qu’ils n’étaient même pas conscients de posséder et qu’ils ne peuvent même plus reconnaître ! Comme ça il y en a plus pour tout le monde, et le monde est moins uniforme ». Richard Powers, Le Temps où nous chantions. Les musiques et chansons sont interprétées sur la scène en lien avec d’autres sons et musiques présentes dans les séquences de films projetées . Parmi le répertoire choisi, on trouve Les Motets de la Renaissance, da Palestrina, les Madrigaux de Josquin Desprez, Dowland, la jeune fille et la mort de Frantz Schubert, le Bist du bei Mir, Matana Roberts, How much would you cost? ou encore Cole Porter, Miles Davis, Brahms mais aussi la célèbre chanson codée des esclaves noirs, Follow the drinking gourd. L’œuvre croise des musiques classiques et populaires, mais aussi des atmosphères faites de combinaisons denses et implosives de sons divers et dissemblables renvoyant aux samples des dj de rap. La musique fait partie intégrante de la narration, dans la mesure où les personnages évoquées et données à voir, sont eux- mêmes chanteurs. Elle s’entremêle donc de manière cohérente avec le livret et la dramaturgie à travers un voyage musical croisant les styles. Du jazz à la culture hip hop, en passant par les arrière-cours bigarrées des immeubles des quartiers afro- américains, tout est affaire d’éclectisme et de recyclage savant, encore plus apprécié quand il paraît créé avec aisance dans l’urgence de l’improvisation. Cette idée de recyclage, de collage débute avec la dépossession de la langue maternelle africaine et se répand sur toutes les formes d’expression culturelles. Le fameux Concerto de Aranjuez de Joaquin Rodrigo est écouté par les deux frères qui voyagent de l’Andalousie au Sahara, c’est une œuvre qui évoque pour eux la perfection et sur laquelle ils improvisent tous les deux. « “J’aurai dû y vivre frangin. Dans une autre vie.” Non qu’il connût quoi que ce soit de l’endroit, ni ne parlât un mot d’espagnol. “Mon peuple a dû rendre une petite visite à ce pays, y a longtemps. Passer un ou deux siècles sur place… Les Espagnols sont les Noirs les plus au poil qu’on trouve au nord de l’Afrique. Toute cette soul, les Allemands ne sauraient pas quoi en faire, à part l’enfermer à double tour. » Dans Sketches of Spain, Miles Davis réussit le tour de force de construire le seul lieu où un Noir Américain, ici incarné par Joseph, puisse se sentir chez lui, et cette Espagne mythifiée est un lieu-qui-n’existe-pas. En évoquant l’Espagne avec un son feutré qui contient en lui-même toute l’histoire de la musique afro- américaine, Miles Davis parvient à atteindre un magnifique ailleurs utopique. Le spectacle accorde donc une place particulière au hip hop et au rap chantés en direct, tout autant qu’aux airs de musique de chambre, de jazz et de blues. La structure du rap témoigne là encore de multiples emprunts (musique jamaïcaine, poésie européenne, musique funk, tradition du sermon, joutes rituelles de rue, etc.), à travers le travail du DJ samplant différents matériaux et sons pour produire de nouvelles intensités musicales. Le spectacle emprunte aussi au FUNK, dont la signification veut dire, ce qui est sale, puant, dans le sens de quelque chose de rejeté.
« J’ai commencé mon métier de musicien il y a vingt ans comme DJ Hip Hop. Porté par le texte, la rage, et la subversion, j’ai appris à en écouter la musique. De sample en sample, la curiosité, mes rencontres, et mon expérience, m’ont amené à collaborer avec des musiciens jazz, soul, éléctronique mais aussi de classsique. Je m’identifie beaucoup à ce projet à bien des égards, le plus grand bien sûr, étant sa dimension musicale. Elle porte la base de ma culture afro-américaine, que j’ai déconstruite tout au long de ma carrière et qui a forgé mes outils et la base de ma sensibilité artistique. La dimension live avec d’autres musiciens, ainsi que la présence de comédiens chanteurs au plateau, pour servir un tel propos, est en quelque sorte une synthèse des différents axes et périodes dans mon parcours de musicien depuis mes débuts. Par ailleurs, dans cette forme artistique, l’intention de créer des ponts par la confrontation et le mélange des arts lyriques, du hip hop, de la musique de chambre et du jazz présente un challenge, celui de présenter une topographie assez large de l’arborescence temporelle de la musique par le biais d’une proposition unique dans son fonds et sa forme. L’œuvre de Powers permet la possibilité du choc des genres, du retour aux sources, de la citation et de l’inspiration des musiques actuelles ». Malik Berki. LE DISPOSITIF SONORE Le son du film s’agence d’une part avec des scènes jouées sur le plateau par les acteurs, tandis que d’autre part, les acteurs interprètent le texte, jouent leurs personnages ou chantent en lien avec les séquences d’images projetées. La musique et les sons émis depuis les machines présentes sur scène, entrent également en résonance avec les séquences cinématographiques afin de constituer une bande sonore en direct. Le son spatialisé et entourant les spectateurs permet de faire entendre à travers un « hors champ sonore », la violence du monde, des émeutes, de la bombe atomique. Enfin, plusieurs micros sont utilisés sur le plateau, un micro casque serre tête pour le narrateur et des statiques permettant d’amplifier les voix chantées et de soutenir le volume des voix en lien avec les atmosphères sonores diffusées.
Les images Le roman de Powers est une fresque des Etats-Unis de 1933 à 1971, avec des indices musicaux et sociaux, une diversité géographique qui nous fait passer de Boston à Oakland ou Atlantic city, Chicago et New York. Afin de restituer ces différents lieux et moments, le travail de documentation s’appuie d’abord sur des archives ou les photographies d’un des plus grands photoreporters, noir américain, l’artiste Gordon Parks ainsi que sur d’autres images d’archives (libres de droits). Le travail de création vidéo consiste en une narration interactive qui entremêle plusieurs strates d’images : à la fois scéniques, vidéographiques et cinématographiques afin de raconter cette histoire fleuve. La vidéo est donc essentielle à la narration du spectacle. Plusieurs séquences filmiques tournées en amont du spectacle permettent au spectateur de comprendre et d’approfondir le sens de l’histoire racontée par les acteurs sur le plateau. Dans le film projeté, le spectateur découvre les personnages au moment de leur enfance à travers différentes scènes traumatiques et moments déterminants de leurs existences. (Dans l’appartement familial, à l’école..). Ces séquences filmées permettent des flashbacks en contrepoints des moments scéniques et des jeux d’entrelacement et de surimpression, entre ce qui est vu sur l’écran, visible sur le plateau, et ce qui est dit et entendu. Ces images cinématographiques sont projetées sur un grand écran au format 16/9 en fond de scène (suspendu en bandeau).
Les images vidéographiques composés d’images préenregistrées (archives photos) ou d’images filmées en direct par un cadreur sont projetées quant à elles grâce à un second vidéoprojecteur sur trois châssis mobiles sur le plateau. Le cadreur compose une série de plans sur le plateau afin de zoomer, mettre en valeur les visages des acteurs en proposant des contrechamps visuels et des angles de vue différents au spectateur. Filmer l’acteur qui chante en lien avec son image vidéo en miroir sur l’écran. Filmer le corps du danseur, ses pieds enchaînés, ou encore filmer un regard de souffrance en gros plan quand la violence hors champ n’est seulement entendue. Ainsi le cadreur suit une série de positions et de prises de vues définies en amont et en résonance avec le jeu et les chorégraphies des acteurs dans l’espace. Toutes ces images sont agencées et mixées en temps réel par la vidéaste du spectacle dans une écriture visuelle et dynamique combinant le jeu des acteurs, les mouvements de caméras et la lumière. La régie vidéo s’attache à modifier les images captées sur le plateau tout au long du spectacle à travers différents traitements en les incrustant dans des images de leur appartement. Ces traitements permettent également de passer de la couleur au noir et blanc en basculant dans des atmosphères de film noir des années 50. (Les changements de costumes et d’accessoires à vue aidant aussi à faire passer rapidement d’une image à une autre). Un rail présent sur le plateau permet au cadreur d’effectuer des travellings en plaçant sa caméra sur pied. Une petite caméra subjective dissimulée dans un vieil appareil photo et manipulée par les acteurs tout à tour, filme des objets et photographies présents sur la scène. Elle évoque le point de vue du romancier, à la recherche de tous ces éléments constitutifs donnant la toile de fond à son histoire. Les objets et éléments de décors sont autant de passerelles pour le spectateur permettant de basculer dans les séquences cinématographiques dont la succession est constitutive de la narration globale du spectacle. Enfin, la lumière est essentiellement composée à partir de projecteurs asservis led (découpes et pars) et de découpes HMI, en lien avec la colorimétrie et la tessiture des vidéoprojecteurs. Les dominantes de couleurs choisies sont le bleu et le sépia.
Note d’intention de la vidéaste Bénédicte Alloing : « Le travail de régie vidéo sur ce spectacle présente 3 enjeux majeurs : les transitions entre le plateau et les courts métrages, la collaboration avec le cadreur et la projection sur des surfaces multiples et mobiles. Nous aimerions que la transition entre les images live au plateau (reprise caméra des comédiens ou des objets) et les courts métrages tournés en décors réels soit la plus fluide possible. Nous souhaitons que le point de raccord entre les deux devienne flou pour le spectateur et qu'il ne sache pas identifier le moment du passage entre le direct et les courts métrages. Pour cela, les plans tournés au plateau seront conçus comme faisant partie des courts métrages. Par leur échelle de plan, leur angle de prise de vue, mais aussi par la concordance du décor, de la lumière, de la colorimétrie. Par exemple dans un échange de regard, le champ pourra être filmé au plateau et le contre-champ constituer le premier plan du court métrage. Ce travail demande donc une écriture cohérente et précise entre la mise en scène, la chorégraphie, la scénographie, mais aussi la lumière, la régie vidéo et le travail du cadreur opérateur au plateau. Le travail de synchronisation entre la régie et le cadreur devra être d'autant plus rigoureux que nous aimerions travailler sans système de communication par intercom. Le travail de répétition avec le cadreur sera donc plus proche de celui qui est conduit habituellement avec les interprètes. Les tops seront calés sur des gestes, des mouvements, des mots, des débuts de chansons ou de musiques. La caméra mobile, servant principalement à la reprise des interprètes sera également équipée d'un système émetteur HF. Elle ne comportera donc pas de câblage. Une autre caméra (sony hxrmc1p), extrêmement compacte, sera dédiée à la reprise des objets et sera limitée au champ de la table. Elle sera à peine visible pour les spectateurs et pourra être manipulée aussi bien par le cadreur que par les interprètes. Cette façon de travailler permettra au cadreur d'être complètement libre de ses mouvements, d'avoir un dispositif de prise de vue qui permet la discrétion et l’effacement dans l’image. Il pourra passer facilement d'une caméra épaule au rail de travelling. Les deux signaux caméras arriveront dans un mélangeur vidéo permettant un passage rapide et propre d'une caméra à l'autre, en cut ou en fondu. Le signal du mélangeur sera ensuite converti grâce à une carte d'acquisition vidéo pour être utilisé par le logiciel de diffusion. Nous emploierons le logiciel Millumin pour cette diffusion des images, il permet non seulement de gérer facilement deux diffusions distinctes sur des surfaces multiples mais aussi d’effectuer des conduites très fluides facilitant le travail avec le cadreur tout en réduisant les manipulations en régie. Les courts métrages (séquences cinématographiques) seront uniquement diffusés sur l'écran 16/9. Un deuxième flux d’images vidéographiques sera utilisé pour couvrir l'ensemble du plateau et permettre des projections sur les trois châssis, quelque soit leur position au plateau. Millumin permet de ne pas limiter les nombre de positions. Le travail de marque et de calage sera donc le plus précis possible. Les images diffusées sur les châssis seront à la fois des vidéos découpées aux proportions des châssis ou des reprises d’images captées en direct et projetées à travers des calques. Le cadreur connaissant leurs différents formats, pourra au fur et à mesure du travail plateau proposer des cadrages adaptés aux différents supports de projections de la scénographie.
Le travail de création des images vidéo tiendra compte enfin de la matière des châssis. Une image noire et blanche pourra se texturer grâce à la matière des châssis (côté tapisserie noire). A contrario, la vidéo pourra apporter de nombreuses textures et grains d’images à la face blanche (côté pvc laiteux). Millumin permet de nombreux réglages colorimétriques ce qui permettra de travailler cet aspect de la vidéo au plateau en collaboration avec le créateur des lumière. Ces choix techniques feront l’objet d’adaptation durant les différentes résidences de création. En ce sens, le delay induit par la chaine caméra/HF/mélangeur/carte d'acquisition/logiciel/diffusion fera l’objet d’un travail de réglage approfondi. Selon les besoins au plateau, nous adapterons ce choix technique afin de trouver un compromis entre les contraintes du cadreur et la nécessité de réduire le delay vidéo, notamment en cas de reprise caméra sur de la parole ou du chant ». Bénédicte Alloing. La scénographie La scénographie est constituée d’éléments de l’intérieur d’une maison (chambre et salle à manger) et d’une table sur laquelle sont posés des archives photographiques et des objets qui sont mis en jeu durant le spectacle. Un écran de projection en format 16/9 eme est suspendu au lointain en bandeau surélevé ne prenant pas tout le cadre de la scène. Sous cet écran, un lit sur roulettes, un vieux fauteuil rouge abîmé sur roulettes et une petite table de chevet composent l’espace de la chambre de l’enfance en miroir de ces mêmes éléments présents à l’identique dans les séquences filmées dans un appartement. Plusieurs tapis de danse de teintes noires et marron composent le sol de l’appartement. Trois panneaux blancs châssis sur roulettes permettent de configurer différents espaces sur la scène, de recevoir des projections vidéos en fonction des différents focus apportés. L’un des côtés des châssis est noir et décoré de matières de tapisseries brûlées, renvoyant aux murs de l’appartement brûlée, l’autre côté est blanc et permet des inscriptions de slogans ou phrases importantes du roman de Richard Powers extraites par les dramaturges. Cette scénographie mouvante, où tous les décors peuvent se déplacer sur la scène, permet aussi des mouvements de travelings, des enchainements, et de montrer à travers une écriture cinématographique l’accélération du temps, le temps de l’horloge qui tourne ou revient en arrière. L’utilisation de poussière et de terre rouge à la fin du spectacle dans le dernier tableau permet à la fois d’évoquer la bombe atomique qui est largement évoquée dans le roman de Powers mais aussi la « poussière d’humanité » de ceux qui ne comptent pas. Les acteurs alternent des séquences jouées, chantées, dansées et des moments où ils manipulent des objets ou photographies, posés sur des grandes tables et qui sont filmés en temps réel, afin de faire des zooms et des gros plans sur des détails comme s’il s’agissait d’une enquête de journaliste ou de photo-reporter. Enfin, deux portants de costumes placés de part et d’autre de la scène, permettent aux acteurs de se changer à vue tout au long de la pièce en suivant l’évolution des époques.
PLAN DU DISPOSITIF SCENIQUE ET DE PROJECTION
Maquette des trois châssis en aluminium sur roulettes. (un côté clair en pvc laiteux et un autre côté décoré avec de la tapisserie brulée, murs noircis et métalliques).
Richard Powers, Le temps où nous chantions « Ceci est un livre, celui qui le touche, touche un homme » Walt Whitman. Ce dimanche de Pâques, 9 avril 1939, la contralto Marian Anderson chante, à Washington, en plein air, devant le monument dédié à Abraham Lincoln. Bien avant la grande marche des droits civiques d’août 1963, à l’endroit même où Martin Luther King lancera son « rêve » à la face de l’Amérique, le pays tout entier, ou presque, se laisse emporter par la voix de la chanteuse. Ce moment symbolique de l’histoire américaine faillit pourtant ne pas se produire : pour cause de négritude, Marian Anderson s’était vue refuser le Constitution Hall Auditorium. C’est Eleanor Roosevelt qui permettra que le concert se tienne, aux pieds, donc, de l’homme qui abolit l’esclavage. Tel est le point de départ du roman de Richard Powers. C’est à Pâques en effet, au cœur du « fleuve humain » à la couleur mélangée, que David Strom, juif blanc tout juste arrivé d’Allemagne, rencontre sa future épouse. David est un physicien blanc, elle, Delia, une étudiante noire mélomane de Philadelphie, fille d’un médecin influent. Ce même jour où, « lorsque cette femme noire se mit à chanter les lieder de Schubert, toute l’Amérique, même la plus sauvage, se rendit compte que quelque chose ne tournait pas rond dans le pays. » Car « pendant un moment, ici, maintenant, s’étirant le long du bassin aux mille reflets, selon une courbe qui va de l’obélisque du Washington Monument à la base du Lincoln Memorial, puis s’enroule derrière la cantatrice jusqu’aux rives du Potomac, un État impromptu prend forme, improvisé, révolutionnaire, libre – une nation qui, pendant quelques mesures, par le chant tout du moins, est exactement ce qu’elle prétend être. » C’est dans la foi de cette « nation » sans État ni frontières que David Strom et Delia Daley vont bâtir, non seulement leur union, mais aussi leur famille Ils auront trois enfants, deux fils et une fille, protagonistes du roman, à la peau «couleur de savonnette» ou de «lait boueux», chantant les paroles des Blancs d'Europe – et singulièrement d'Allemagne. Jonah, dont la « voix semble assez forte pour guérir le monde de tous ses péchés », et qui deviendra l’un des plus grands ténors au monde. L’enfant a l’oreille absolue et une voix d’une pureté rare. Ruth, la petite sœur, dont le don inouï pour le chant ne survivra pas au décès de la mère, morte dans un incendie dont tout laisse à penser qu’il fut en fait criminel, et qui reniera l’éducation familiale pour s’engager aux côtés des Blacks Panthers. Ruth ne veut plus chanter pour alléger les soucis des blancs adulant sur la scène à travers ces rythmes, ces couleurs, ces chansons « policées », ce qu’ils déprécient dans le réel. Les chants d’esclaves des plantations des îles avaient pour vocation de soutenir leur propre et dur labeur. Joseph enfin, dit Joey, le narrateur, scribe mélancolique de l’épopée familiale, qui liera son destin à celui de Jonah et tentera jusqu’au bout de maintenir l’unité de la famille. David, le paria du Vieux Monde anéanti par l’antisémitisme et Delia, et la descendante des esclaves africains, vont se lancer dans une folle entreprise : élever leurs enfants en dehors du monde, dans une forme de retraite qui leur permettra, une fois devenus adultes, de reconstruire le monde à de nouvelles aunes, au-delà du noir et du blanc, au-delà de la couleur – mais d’aucuns entendront : « comme des Blancs ». « On leur parlera de l’avenir » se disent-ils, car l’avenir est « le seul endroit supportable ». Ils vibreront aux promesses d’un fol idéal qui consiste à vouloir épargner aux siens les horreurs du monde : chez eux, à l’abri des hommes, avec la musique au cœur comme seul espoir de traverser les frontières, ils abolissent le temps et les races.
« Nous pouvons être notre propre peuple », confie David à Delia ; « Défendez vos couleurs », enjoint-il aux enfants qui savent bien, eux, que le métissage se heurte toujours aux limites du regard des autres, les Noirs autant que les Blancs. Le métis se sent sale, noir et blanc, comme « le sirop de canne », de « sang mêlé », le fruit d’un amour proscrit. Il connait la honte, le mépris. Il rêve parfois de « blanchir », d’être moins noir, plus clair, en buvant plus de lait. Dans le spectacle, il s’agit de chanter comme on résiste, de chanter, non pour le simple plaisir de chanter, non pour alléger la vie, mais parce que la musique est peut-être le seul véhicule qui conduise à l’universel et rassemble l’humanité. Folie pure que de croire possible d’interdire au monde qu’il nous atteigne, comment grandir, comment survivre même, dans un monde dont on ignore tout, dont on a sciemment, fût-ce pour la plus noble des causes, été écarté ? Jonah, même au faîte de sa carrière, le Jonah parcourant non le monde mais ses estrades, le Jonah globe- trotter ovationné sur les plus grandes scènes humaines, le Jonah dont la vie s’enflamme à la seule perspective de redonner vie aux motets et aux madrigaux de la Renaissance (« Rien de postérieur à 1610 », exige-t-il), Jonah demeurera longtemps, pas toujours mais longtemps, un enfant, un de ces êtres immatures et touchants qu’aucune violence humaine ne suffit jamais à détourner de l’essentiel – de l’art. Joey lui-même, tellement moins enthousiaste, tellement plus mélancolique, tellement plus sujet à la dépression sans doute mais tellement plus perméable aussi au destin de la condition humaine, avouera avoir compris sur le tard « que ce que la plupart des gens attendaient de la musique, ce n’était pas la transcendance, mais une simple compagnie : une chanson tout aussi empreinte de pesanteur que les auditeurs l’étaient, guillerette sous sa lourdeur écrasante. (…). De toutes les chansons, seules les joyeusement amnésiques vivent pour l’éternité dans le cœur de leurs auditeurs. » C’est à ce paradoxe que vont se heurter Jonah et Joey – Ruth,
elle, est déjà ailleurs, qui doit lutter pour retrouver ses origines ; pour chanter le beau des promesses humaines, il faut se retirer de la vie des hommes. Soixante années et plus de l’histoire américaine vont ainsi défiler. Et elles commencent bien, ces années. La famille chante, tous les soirs elle réinvente la musique. Sa langue même n’est plus que musique. On apprend à respirer, à souffler, à tenir la note, à vider le silence, on respire ainsi, en chantant, on se parle et on apprend à se connaître en citant tel opéra ou tel air ancré dans les mémoires populaires ou savantes. Chaque soirée en famille est un festival pour les sens et l’esprit : chanter est leur unique jeu de société. Un jeu qu’ils ont inventé d’ailleurs, et qu’ils appellent « le jeu des citations folles. » On lance un chant, puis, derrière, un autre vient s’y greffer, et encore un autre, jusqu’au moment où l’enchevêtrement des contrepoints finit par donner naissance à une nouvelle ligne où Mendelssohn vient se heurter à Cole Porter, telle basse gospel à tel aria de Mozart, et ce n’est plus qu’une longue conversation où les questions posées brillent autant que les réponses, tout se terminant toujours « en tête-à-queue hilarants, celui qui se faisait éjecter du manège ne manquant jamais d’accuser l’autre de falsification harmonique déloyale. »
C’est une explosion quotidienne et perpétuelle de talent, de lyrisme et de joie. Mais ce qui n’est alors – et c’est déjà beaucoup – qu’une manière de prendre soin de la vie à travers l’amour des chants, tourne vite à la révélation. Et c’est lors d’une de ces innombrables soirées, quand Jonah n’est encore qu’un enfant, que David et Delia vont réaliser ce à quoi ils ont donné naissance : « Maman commence avec Haydn ; Da y applique une folle couche de Verdi. (...) Et puis soudain, sans crier gare, Jonah ajoute avec une impeccable justesse sa version de l’Absalon, fili mi de Josquin Desprez. Ce qui lui vaut, à un âge si tendre, un regard effrayé de mes parents, plus effrayé que tous les regards d’inconnus auxquels nous ayons jamais eu droit. » On voudra pour les enfants ce qu’il y a de meilleur, les plus grands professeurs, les plus grandes écoles – celles du moins que n’effraie pas la perspective de compter des Noirs en leur sein. La petite Ruth bouleversera son jury, surtout une « frêle dame blanche de l’âge de sa mère, émue aux larmes par la musique et la honte » : bouleversée ou pas, l’école n’admettra pas la talentueuse petite négresse. Le talent, pas même le succès, n’y changent quoi que ce soit. Ainsi lors de cette audition que passe Jonah, qui doit chanter avec une soprane le premier duo d’amour de l’acte deux de Tristan. « Au bout de deux minutes environ, Melle Hills commença à comprendre qu’elle était en train de jouer une scène d’amour avec un Noir. Elle s’en rendit compte progressivement, par ondes successives, au fil des accords flottants. Je vis l’incertitude se transformer en répugnance, tandis qu’elle essayait de comprendre pourquoi on lui avait tendu ce piège. » Une fois l’audition terminée pourtant, la soprane « leva la tête, rayonnante et déconfite. Elle avait voulu ce rôle plus qu’elle n’avait voulu l’amour. Et puis, l’espace de dix minutes, elle l’avait habité, cette légende antique du désastre provoqué par l’alchimie. Elle chancelait, encore sous le charme de cette drogue. » Mais le charme est fait pour être rompu, et la couleur de peau pour se rappeler au regard des autres.
Pendant que dehors le monde s’agite, pendant que la police quadrille les quartiers populaires, que la violence « légale » réprime les émeutes qui, chaque soir, sont la seule actualité possible du pays, pendant que Ruth ajoute son nom à la liste déjà longue de ceux que recherche l’Amérique blanche, Jonah et Joey, les « Jo-Jo » à leur maman, s’enferment dans leur génie propre et passent leur journées à chanter et à jouer ; Jonah, le leader incontestable, Joey plus que jamais et pour toujours le seul pianiste apte à l’accompagner. Ils jouent partout, n’importe où, dans des chambres miteuses ou dans des hôtels, dans le désert américain où sur les scènes les plus prestigieuses. Ce n’est pas qu’ils ne voient rien venir, c’est que la perfection l’exige. Mais le monde est là, malgré tout, courant d’air qui pénètre par les fenêtres et se moque de l’art. Il leur faut presque sortir de l’Amérique pour s’en apercevoir : semble s’étonner Joey. Les destins se séparent, Jonah s’envole, Joey ne s’y résout pas. « Ou bien l’art appartenait réellement à une époque perdue, ou bien il y avait certains êtres humains qui s’éveillaient un jour vieux, perclus, avec le désir désespéré d’apprendre un répertoire plus lourd que le reste de l’existence, avant que la mort nous enlève à toutes nos tribus. ». De cette lucidité, Joey ne se remettra jamais : « Pendant vingt ans j’avais cru que le talent, la discipline et le fait de jouer selon les règles me garantiraient la sécurité. Je fus le dernier d’entre nous à le comprendre : la sécurité appartenait à ceux qui la possédaient. » Mais la musique leur aura permis toute leur vie, de vivre avec dignité et de résister à la bêtise et la violence du monde. « Qu’est-ce qu’il a en lui papa ? demandais-je ? - Sa mère : Un peu de blanc, un peu de rouge, et de noir - Indien, blanc et nègre ? - Oui - Alors qu’est-ce que je suis ? - Quand tu seras grand, on dira de toi que tu es un homme…de couleur » Richard Wright, Black Boy
SEQUENCIER RESUME DES IMAGES CINEMATOGRAPHIQUES Séquence 1 : INTERIEUR JOUR La salle d’un Opéra. Les deux visages des parents Delia et David sont filmés tour à tour. Les reflets des émotions qui y transparaissent, devant le concert de Marian Anderson dont on entend seulement l’enregistrement sonore. Séquence 2 : INTÉRIEUR JOUR Les trois enfants (Jonah, Joey et Ruth âgés de 10 à 13 ans) sont assis sur un grand lit à l’intérieur d’une chambre aux murs blancs. Ils chantent tour à tour comme dans une « battle ». Root dépasse ses frères en montant dans les aigus, ils restent bouche bée devant sa puissance vocale et sa maitrise du chant. Elle chante Dowland, Time stands till. Séquence 3 : EXTERIEUR NUIT Jonah immobile face à l’Opéra, il tient un sac plastique. Il se met à chanter Come again, de Dowland. Plusieurs personnes se mettent à faire cercle autour de lui.
Séquence 4 : EXTERIEUR NUIT Un personnage court le long des rails près des dunes comme s’il était traqué. Il est recouvert de terre et de poussière, après plusieurs chutes. On suit plusieurs para-militaires portant des fusils sur le dos. Il danse comme s’il voulait s’envoler, et ses pieds sont comme enchaînés, il se transforme en homme léopard. On entend le son de ses respirations. Séquence 5 : INTÉRIEUR JOUR Intérieur d’une chambre brûlée noir et blanc Les cloques de couleurs brune sur les murs noircis par la fumée. On entend en off : une psalmodie tragique chuchotée de voix alternées – les sons d’un incendie. Séquence 6 : INTERIEUR NUIT Mélodie de Tristan loin d’Isolde troisième acte Wagner Visage de l’enfant sur lequel les émotions de la répétition viennent se refléter, il décrit ce qu’il voit sur la scène à son frère assis à côté de lui et qui ferme les yeux. Séquence 7 : INT JOUR Une salle de classe. Un chant qui passe de Ruth devenue institutrice à l’un des enfants qui le passe à un autre et qui devient chorale, repris en écho.
Séquence 8 : INT JOUR Dans les toilettes de l’école, Jonah est plaqué contre un mur par deux jeunes garçons blancs de la classe supérieure. L’un d’eux lui écrase les testicules en l’insultant de noiraud, tandis que l’autre sort une matraque télescopique. Une vitre cassée des toilettes. Séquence 9 : INT JOUR Jonah adulte à l’opéra filmée en contre plongée, comme un colosse puis seul dans la loge, il entend au dehors les imitations de cris de singes. Séquence 10 : EXT JOUR Joey adulte est arrêté par la police pour un contrôle, il se débat. Durant l’arrestation, les policiers le contraignent à tel point que sa respiration se bloque. Il essaie d’exprimer la phrase « je ne peux plus respirer ».
La dramaturgie : Focus sur le personnage de Root « L’histoire n’est pas le passé, elle est notre présent, nous sommes notre histoire, le monde n’est pas blanc, le blanc est une métaphore du pouvoir, le système dans lequel nous vivons n’a pas créé de place pour nous ». James Baldwin. Le temps où nous chantions : Qu’est-ce que cela fait d’être soi-même un problème ? Le monologue écrite pour le personnage de Root , que l’on peut qualifier d’afro-féministe, s’inspire de Elaine Brown, activiste américaine qui est la seule femme à avoir dirigé les Black Panthers et qui n’a eu de cesse de dénoncer l’intolérable. Dans ses mémoires elle écrit : « Une femme dans le mouvement du Black Power était considérée, au mieux, comme hors sujet. une femme qui s’affirmait était une paria. Une femme noire qui prenait un rôle de chef, on disait d’elle qu’elle s’attaquait à la masculinité noire, qu’elle entravait les progrès de la cause noire. Elle était l’ennemie des Noirs… Je savais qu’il allait me falloir canaliser quelque chose de puissant pour gérer le parti des Black Panthers ». Le roman Le temps où nous chantions s’étend sur tout le XXième siècle et raconte l’histoire de Delia Daley, femme noire de Philadelphie et de David Strom, scientifique juif en exil qui se marient aux Etats-Unis en 1940, et font un choix interdit : fonder une famille, avoir des enfants métis. Leurs deux garçons, chanteurs lyriques et pianistes, se frayeront un chemin dans l’élite des conservatoires et du répertoire classique. La petite dernière, Root, refuse ce chemin. Un siècle de jazz, contre les lieder de ses frères et les airs d’opéra de ses parents. L’engagement radical dans la lutte pour les droits civiques, face à la tempérance des autres. Là où les autres regardent, elle choisit. Faire de Root un personnage principal et lui offrir un monologue, c’est lui laisser la place de s’exprimer sur sa couleur, sur ce dilemme impossible du métissage. Noire, blanche, pas du tout blanche, pas vraiment noire, les deux, aucun des deux. Nouvelle observateur : Que direz vous au français raciste qui a peur ? James Baldwin : Je lui dirai Bonjour.
La couleur n’existe pas, la science le prouve. Sa réalité sociale existe. Aujourd’hui comme aux siècles passés. Root se confronte à ce paradoxe, c’est ça, l’histoire de toute sa vie : le désir de reconnaissance et d’appartenance la poussent à choisir. Root. Roots. Racines. Un prénom presque moqueur, et une quête sans relâche d’une identité. Personnage disons secondaire dans le roman, elle apporte pourtant un regard nécessaire dans toute sa radicalité. Root coupe tout lien avec sa famille et s’engage au Black Panthers Party dès sa création. Face au racisme et aux violences : l’éducation, populaire, sauvage, salvatrice. Connaître ses droits, connaître l’ennemi comme remède à la violence. Dans ce monologue, il s’agit de lui donner pleinement la parole : en tirant les fils du roman, donner de l’ampleur à son discours. Le faire résonner avec d’autres figures féminines qui ont œuvré dans ces années de lutte : Elaine Brown, Angela Davis, Septima Clark, Ella Baker, Audre Lorde et d’autres qui œuvrent aujourd’hui : Tania de Montaigne, Amandine Gay… Root telle une Amazone a leur colère, leur lucidité, leur engagement concret, total dans l’urgence de l’époque. Toute une vie entière de personnage de roman dans un paradoxe vieux de « quelques » siècles avant d’effleurer cette vérité physique, avant d’apercevoir enfin cela : la couleur n’existe pas. Et à Root de toujours répondre à l’urgence par l’engagement, être actrice de son époque.
L’équipe artistique D’après le roman de Richard Powers, Le temps où nous chantions Mise en scène et réalisation : Frédéric Laforgue Chorégraphies : Serge Aimé-Coulibaly Direction musicale – musique de chambre : Emmanuel Olivier Direction musicale jazz – pianiste : Grégory Privat Conseiller musical jazz-funk : Eric Legnini Dramaturges : Sébastien Hoët - Pierre Chevallier, Haisla Hessou Assistante Mise en scène : Myriame Gouget Compositeur musical : Malik Berki Chef opérateur : Alexandre Toole Création vidéo : Bénédicte Alloing Lumières : Enrico Bagnoli Décoratrice : Marina Caudron Composition sonore : Thierry M’Baye Costumes : Léa Drouault Direction technique : Christophe Fougou Montage : Jean Thomé Agent littéraire : Cristina Chiarasini Distribution : Narrateur acteur et pianiste : Gaël Sall Acteur et chanteur lyrique : Loup-Denis Elion Danseur : Jean-Paul Mehansio Chanteuse lyrique : Mathilde Cardon Pianiste : Grégory Privat Actrice et chanteuse : Dynah (Géraldine battesti)
Frédéric LAFORGUE – Metteur en scène Parallèlement à des études de philosophie et de filmologie, il se forme à la mise en scène auprès de Guy Cassiers à Anvers et auprès d’Herbert Wernicke à l’opéra Bastille à Paris. Il fonde la compagnie « Les Blouses Bleues » en juin 2001, en mêlant dès les premières performances, les arts de la scène et les arts visuels. Il défend une ligne artistique axée sur le son et une esthétique de théâtre-cinéma à travers une collaboration avec le plasticien Alexandre Leroy. Il écrit des textes pour le théâtre et des scénarios de documentaires et de fictions. De 2004 à 2007, il est artiste associé au Grand Bleu à Lille, où il crée une trilogie, consacrée aux trois âges de la vie, l’enfance, l’adolescence et la vieillesse. En 2008, il présente au Fresnoy et au Tri Postal de Lille Scénomix la dispute, un spectacle alliant cinéma, théâtre et musique puis à nouveau. En 2015, Il développe avec le philosophe algérien Sidi Mohammed Barkat et le danseur Nabil Oueladj, une performance scènes- images autour du « Corps d’exception » et de la guerre d’Algérie. Il travaille de 2007 à 2009 avec l’actrice marocaine Jalila Talemsi sur un projet autour des questions de migration, entre Roubaix, Safi, et Ostende, puis sur plusieurs projets avec le chorégraphe Serge Aimé-Coulibaly. En 2013, Il réalise le projet de web film Journal Extime sur le territoire de Dunkerque en travaillant notamment avec la communauté comorienne. De 2008 à aujourd’hui, il travaille en partenariat avec plusieurs scènes nationales, comme le Bateau Feu à Dunkerque pour Blowing, le Phénix (scène nationale de Valenciennes) pour Photographies de A et Le Problème de la Nuit et la Rose des Vents, où il créé en janvier 2016 une adaptation du Coriolan de Shakespeare. Engagé dans un travail de terrain auprès des publics, ses projets artistiques questionnent la vie humaine en société et les rapports de domination. Son travail artistique s’exprime à travers différents médias, à la fois des écritures plateaux développées avec des acteurs performeurs et des créations de spectacles adaptées de dramaturgies contemporaines ou classiques. Loup-Denis ELION – Acteur et chanteur lyrique Artiste polyvalent, Loup-Denis Elion se passionne très tôt pour les arts du corps et de la scène, véritable touche à tout : violoniste, acrobate, jongleur, pratiquant d’arts martiaux. A 13 ans, il entre à la Maîtrise de Paris et découvre le chant. L’opéra lui donnera le goût des planches. Il y jouera entre autre Brundibar, de H. Krasa, à l’Opéra Bastille, m.e.s. Charlotte Nessi ; La Femme Sans Ombre, de R. Strauss au Théâtre du Châtelet, dir. Sir Athur Colin Davis. Au Cours Florent, il rencontre sa bande, le Comité de la Claque, avec qui il fera de nombreuses parodies sur internet, plusieurs émissions de télévision, notamment le Ciné du Comité sur France 4. En 2005, il devient Talents Cannes de l’ADAMI. Il joue dans Apparences de Thierry Boscheron. Parallèlement à sa carrière de comédien, il continue le chant lyrique et intègre le chœur de chambre des Cris de Paris en tant que ténor. Il est présent dans La La La, Opéra en Chansons, à l’Opéra Comique, mise en scène de Benjamin Lazar. En 2009, il obtient le rôle de « Cédric » de la série Scènes de Ménages qu’il interprètera pendant 9 saisons aux côtés d’Audrey Lamy sur M6. En 2011, il joue avec Vincent Desagnat dans Yes We Can d’Olivier Abbou. En 2012, il donne la réplique à Sylvie Testud dans Les Mains de Roxana, un thriller fantastique de Philippe Setbon. En 2013, au Théâtre du Rond-Point, il joue dans Open Space, une pièce burlesque, poétique et sans parole, mise en scène par Mathilda May. En 2015, il interprète un avocat maladroit dans Envers et Contre Tous de Thierry Binisti avec Cécile Bois. En 2018, il joue au Théâtre des Variétés aux côtés de Daniel Russo et Corinne Touzet dans Alors on s’aime. Son retour au chant lyrique pour ce projet « Le temps où nous chantions » témoigne de son engagement fort. Gaël SALL – Acteur chanteur musicien Formé au conservatoire du théâtre du X arrondissement de Paris et à acting international, il joue dans les spectacles suivants : 2018-2020 Pièce “The Jungle Book” de Robert Wilson au théâtre de la ville - tournée mondiale 2017-2018 Pièce " Tunnel Boring Machine " de Yuval Rozman, au théâtre du Phénix, au Tandem, de Vanves et au théâtre de l'idéal. 2017 Performance " EXEMPLE " de César Vayssié à la ménagerie de verre. 2017 Performance "UFE" au théâtre de Vanves, Performance TBM de Yuval Rozman au théâtre de Vanves. 2014-2016 Cinéma / Performance : Rôle principal de Théo dans le film et la performance " UFE " de César
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