Sylvie Drapeau Texte original et adaptation - Théâtre du Nouveau Monde
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Texte original et adaptation Sylvie Drapeau Mise en scène Angela Konrad 12 novembre au 7 décembre 2019 DISTRIBUTION ÉQUIPE DE CRÉATION ALICE BOUCHARD Conseillère à la dramaturgie SYLVIE DRAPEAU ANGELA KONRAD KARELLE TREMBLAY Décor MARION VIGNEAULT ANICK LA BISSONNIÈRE ET Costumes SAMUËL CÔTÉ ANGELA KONRAD et PATRICIA HOULE PIERRE-GUY LAPOINTE JEANNE MADORE Éclairages ALEX-AIMÉE MARTEL SONOYO NISHIKAWA ROSALIE PAYOTTE Conception vidéo EMMA PLAMONDON HUB STUDIO/THOMAS PAYETTE MATTIEU PLAMONDON et GONZALO SOLDI Musique originale et bande sonore SIMON GAUTHIER Maquillages ANGELO BARSETTI Assistance à la mise en scène STÉPHANIE CAPISTRAN-LALONDE
Argument « Il y a toujours eu le fleuve. » Le Saint-Laurent forme à la fois le décor fondateur et le déclencheur de ce récit initiatique. La première œuvre écrite par la comédienne Sylvie Drapeau, arrachée à sa propre vie. Trois voix, celles de la narratrice saisie à différents âges — la Petite, la Jeune Femme et la Femme —, se relaient pour raconter cette histoire échelonnée sur plusieurs décennies et qui s’enracine dans un « territoire mythique » : la Côte-Nord, là où le fleuve ressemble à la mer. Sa nature est le terrain de jeu magique où grandit la Petite et sa nombreuse fratrie, la « meute ». Jusqu’au jour où l’audacieux Roch, brave l’interdit du large, alors que la mère est restée sur la plage pour s’occuper du petit dernier. Le frère aîné adoré est englouti par la marée montante, sous le regard impuissant de ses sœurs. C’est la fin d’un monde. Le malheur originel qui semble précipiter toutes les pertes à venir. Le décès de la mère, rongée par un chagrin trop grand. Démuni sans cette alliée de toujours, le benjamin, Richard, est bientôt envahi par le « monstre » schizophrénie et amorce une descente aux enfers contre laquelle ses proches ne peuvent rien. Quand la maladie frappe encore, la narratrice est elle-même en train de perdre pied. Après une représentation théâtrale, la comédienne s’effondre, le corps et l’âme usés par ces tragédies successives. C’est le début d’une patiente remontée vers la lumière. Entre épreuves et moments de grâce, entre deuils et reconstruction, cette pièce retrace le long fleuve tumultueux d’une vie. Un destin qui émerge de l’ombre pour être transcendé par la force rayonnante de l’écriture et de la scène. MARIE LABRECQUE
LE SAINT- LAURENT l’importance d’un fleuve « Qui jamais a chanté, qui pourrait L’une des œuvres majeures de la poésie jamais chanter en strophes dignes de nationale, composée au début des leur sujet ce roi des fleuves […] qui a années 1960 par Gatien Lapointe, s’intitule gardé de la mer la majesté terrible ou d’ailleurs Ode au Saint-Laurent. En préface souriante, tumultueuse ou assoupie » de cette publication des Écrits des Forges, — Le Fleuve chanté d’Arthur Buies l’éditeur Gaston Bellemare écrivait que « le Saint-Laurent est le premier, le plus grand Le fleuve Saint-Laurent accompagne la vie et le plus intime lien entre Québécois ». On Fleuve des habitants de notre territoire depuis des retrouve le fleuve au premier plan d’un flot millénaires. Ce grand cours d’eau qui coule d’œuvres en tous genres, de populaires sur près de 1200 kilomètres, reliant le lac téléromans campés dans le Bas-Saint- Ontario à l’océan Atlantique, servait déjà de Laurent (tels Cormoran de Pierre Gauvreau ou route aux peuples autochtones. Il portait alors Nos étés d’Anne Boyer et Michel d’Astous), aux plusieurs noms différents : Moktogameck, marquants films de cinéma-vérité de Pierre Wepistukujaw Sipo, Moliantegok, Perrault. Le cinéaste de Pour la suite du monde Roiatatokenti ou Raoteniateara… en exalte aussi la « sauvage grandeur » dans certains de ses poèmes que l’on peut lire En 2017, le gouvernement du Québec a d’ailleurs dans le recueil Le Visage humain d’un fleuve reconnu le rôle primordial qu’il a joué dans sans estuaire. notre développement en le désignant lieu historique. « À l'époque de la Nouvelle-France, Ce vigoureux cours d’eau a également inspiré le fleuve Saint-Laurent constitue la porte un abondant répertoire folklorique au Québec d'entrée des explorateurs français qui et au Canada français. Dans une entrevue pénètrent à l'intérieur du continent nord- accordée à Radio-Canada, l'ethnologue Jean américain. Il est aussi l'épine dorsale du réseau Du Berger expliquait que ces récits visaient commercial de la traite des fourrures1. » à « éclairer les mystères entourant le Saint- Laurent ». « Les dangers ont toujours été Puissante ressource naturelle qui favorise nombreux sur le fleuve, les noyades et les le peuplement, indispensable outil d’essor bateaux coulés étaient fréquents, et ça se économique au fil des siècles, le Saint-Laurent reflète dans nos contes et nos légendes2. » est aussi étroitement entrelacé à l'identité québécoise. Avec son visage mouvant, MARIE LABRECQUE tantôt assez étroit pour être enjambé par les 1 Répertoire du patrimoine culturel du Québec, ministère de la ponts des villes, tantôt large de dizaines de Culture et des Communications : patrimoine-culturel.gouv.qc.ca kilomètres, empruntant la vastitude de la 2 ici.radio-canada.ca/nouvelle/596898/contes-fleuve-portraits mer, il est un véritable joyau de notre paysage. Et à ce titre, il a toujours nourri l’imaginaire des artistes. 31
Témoigner de la TRAVERSÉE HUMAINE ENTRETIEN AVEC SYLVIE DRAPEAU Grande interprète, Sylvie Drapeau est aussi désormais auteure. Entre 2015 et 2019, elle a publié chez Leméac une tétralogie de courts, mais puissants romans : Le Fleuve, Le Ciel, L’Enfer et La Terre. Une œuvre qu’elle a transposée elle-même pour la scène, avec la collaboration de la metteure en scène Angela Konrad. À quel moment a commencé 01 votre rapport à l’écriture ? À quatorze ans, je voulais devenir écrivaine. J’adorais la lecture et le pouvoir des mots m’a toujours fascinée. Vous écriviez déjà, alors ? Pas du tout. Dans mon esprit, il fallait étudier pour apprendre ce métier. C’est drôle, non ? J’avais eu des cours de ballet classique toute mon enfance et je pensais que ce serait pareil avec l’écriture. Alors j’ai étudié en lettres au cégep de Baie-Comeau. Après, je me suis inscrite en Études françaises à l’Université de Montréal. Mais je n’ai fait qu’une session. J’ai frappé un mur. Maintenant je comprends pourquoi : il n’y avait aucun cours de création littéraire à l’époque, juste des cours très théoriques. Alors j’ai pensé que ce n’était pas fait pour moi, qu’il fallait être une intellectuelle pour écrire. C’est cette fausse idée qui m’a plutôt amenée à devenir comédienne. Ce qui n’est pas mal du tout ! Incarner les grands rôles, c’est une belle façon d’apprendre à écrire. Lorsqu’on étudie un rôle, on passe à travers le texte des centaines de fois. C’est une connaissance de la langue par l’intérieur, les mots sont éprouvés dans la chair. 01 Sylvie Drapeau, Et Vian ! Dans la gueule de Boris Vian, collage et m.e.s. Carl Béchard, TNM, 2009–2010. Photo : Yves Renaud 02 Emmanuel Bilodeau, Catherine B. Lavoie, Rénald Laurin, Sylvie Drapeau, François Arnaud, Sébastien Dodge, L’Imprésario de Smyrne de Carlo Goldoni, m.e.s. Carl Béchard, TNM, 2007–2008. 02 Photo : Yves Renaud 32
Qu’est-ce qui a déclenché l’écriture de une matière extraordinaire pour une auteure. votre premier roman, Le Fleuve ? J’y voyais un espace créatif et l’idée de raconter J’ai commencé à écrire il y a huit ans, après cette histoire m’apparaissait remplie de un épuisement professionnel. Une occasion lumière, bien qu’il faille passer par la réalité extraordinaire : lorsqu’on tombe vraiment très de la tragédie. Cela s’est imposé, je ne saurais bas, nos résistances et nos barrières tombent pas le dire autrement. aussi. Il m’est apparu absurde de ne pas oser écrire, alors que quelque chose voulait Et l’histoire de Roch, je l’ai toujours racontée, s’exprimer. en tant qu’interprète. Les personnages sont toujours chargés de notre histoire À cette époque, j’avais déjà coécrit, avec la personnelle, de toute façon. Le processus comédienne Isabelle Vincent, la pièce Avaler créatif est indissociable de qui nous sommes. la mer et les poissons [créée en 2005]. Mais La sensibilité, la présence, le tempérament pour moi, il ne s’agissait pas encore d’écriture. de l’interprète sont forgés par son enfance, C’était presque une improvisation écrite. Et au par sa vie. Une actrice, c’est déjà un début, Le Fleuve devait aussi être une pièce de territoire occupé. théâtre. C’était le territoire que je connaissais. Mais très vite, je voyais que les indications Retraçant le parcours d’une femme, scéniques étaient plus nombreuses que les de l’enfance à la reconstruction dialogues. J’ai alors compris que ce serait après un épuisement professionnel, plutôt un roman. toute votre tétralogie est inspirée de votre vie… Pourquoi écrire à partir d’un événement Mais c’est tout sauf une autobiographie. C’est vécu, la noyade de votre frère aîné ? une sculpture de mots, à partir d’impressions J’ai pas mal toujours su que j’écrirais l’histoire sur ma vie. Et j’ai choisi un point de vue très de Roch, un jour. Ce n’était pas juste un récit précis. Il y a mille anecdotes que je n’ai pas qui m’habitait parce que je l’ai vécu. C’était cru intéressant de raconter.
L’adaptation théâtrale, Fleuve, s’appuie Et c’est ce partage qui m’intéressait. L’histoire beaucoup sur le premier livre qui porte sur que je raconte n’est pas tant la mienne. l’enfance de la narratrice. C’est comme un Chaque spectateur peut lire sa propre histoire, entonnoir, dans le sens où ce premier roman j’espère, à travers mon récit familial. C’est forme le cœur de la pièce. Parce que tout là que ça commence à être intéressant. Et part de là. De la mort du frère. On ne sait pas c’est cette dimension qui me fascine dans les quelle aurait été la vie de cette femme, s’il œuvres d’art. n’y avait pas eu cette première tragédie, cette marque initiale au cœur de la famille. C’est Contrairement à l’interprète, un événement fondateur. Est-ce que je serais l’écrivain a un contrôle complet devenue actrice ? Est-ce que j’aurais quêté ainsi sur son art… la lumière des projecteurs ? Cela a tout changé. Cette liberté absolue est assez jouissive. J’ai toujours parlé au nom des auteurs et à travers Votre famille a été éprouvée par un regard de metteur en scène. Ici, c’est moi plusieurs tragédies… qui témoigne de ma vision du monde. C’est Je ne pense pas que c’est particulier à ma un privilège. La solitude, l’introspection et le famille. Par exemple, j’ai eu tellement de silence de l’écriture sont aussi très séduisants témoignages de lecteurs sur la maladie pour moi qui ai toujours travaillé — ce qui mentale de leur proche, après la publication est aussi magnifique — dans la convivialité, de L’Enfer. Je crois que tout le monde a ses l’exubérance de la création théâtrale. Le deuils, que c’est universel. C’est ça, le fleuve : monde intérieur de l’écriture est spirituel. c’est la traversée humaine. On vit défi sur défi. On se met à l’écoute de ce qui veut s’exprimer. Notre passage sur Terre est un combat, une Si on n’a pas plus grand que soi auquel se quête, un long parcours. Ma petite histoire raccrocher devant le désastre, le chagrin est anecdotique. Ce qui compte, c’est de le plus extrême, qu’est-ce qui nous reste ? témoigner de cette difficulté d’être, mais aussi Alors, mon œuvre porte en filigrane une de la beauté de ce labeur incroyable qu’est la quête spirituelle. traversée de l’existence. Dans la pièce Fleuve, vous allez porter votre propre parole sur scène… Je n’aime pas cette croyance selon laquelle les acteurs se cacheraient derrière leurs personnages. Comme si c’était possible ! Mais ici il y aura une couche de moins. Impossible d’être plus nue que ça… Lorsque je joue Shakespeare ou Racine, je suis dans une grande vérité. Mais je me mets à la place d’un personnage. Dans Fleuve, je ne vais rien incarner, puisque c’est une parole directe de Sylvie. Je ne sais vraiment pas comment je vais le jouer. C’est vertigineux, mais il y a en même temps une grande jouissance dans le fait de dire cette vérité. Il y a là quelque chose 03 d’une catharsis. Il y a une impudeur à jouer ses mots au théâtre ? Pas tant que ça. Maintenant que j’ai écrit ces romans, bas les masques ! (rires) Je n’ai pas de cachette. Cela peut sembler étrange, parce que je suis une personne très pudique. Mais comme je l’ai dit, dans mon esprit, cette œuvre parle bien sûr de moi, de ma famille. Mais plus encore, elle parle de l’humanité. Il y a quelque chose de plus fort que moi qui veut s’exprimer à travers ce texte. PROPOS RECUEILLIS ET MIS EN FORME PAR 04 MARIE LABRECQUE, MARS 2019
LIVRE Une exception notable : en novembre 1970, DU alors que la Crise d’octobre fait rage et que le Québec est justement sous l’emprise de la À LA SCÈNE Loi des mesures de guerre — un hasard qui ne s’invente pas —, le romancier Roch Carrier porte sur les planches La Guerre, yes Sir !, sa panorama fameuse fable sise durant le Deuxième Guerre mondiale. Au printemps suivant, la pièce mise des adaptations en scène par Albert Millaire tourne aussi dans plusieurs pays européens. Il faut également au TNM noter, pendant la saison hivernale 1973, un Quichotte joué par la troupe Les Jeunes comédiens du TNM. Signé Jean-Pierre Ronfard, le spectacle voyagera lui aussi jusqu’en Afrique. L’histoire du TNM a été marquée par quel Vingt-cinq ans plus tard, c’est une autre adap ques mémorables adaptations d’œuvres tation du classique de Cervantès qui paraît littéraires. Mais la transposition de romans marquer un tournant et inaugurer une ère sur scène y est surtout un phénomène beaucoup plus abondante en transpositions récent. Il faut attendre presque jusqu’aux scéniques. Théâtralisé par Wajdi Mouawad, années 2000, sous le directorat de Lorraine avec la collaboration du metteur en scène Pintal, pour les voir apparaître régulièrement Dominic Champagne, Don Quichotte connaît dans la programmation. Durant le premier un tel succès que le spectacle est repris durant demi-siècle d’existence du théâtre fondé la saison 1999–2000. C’est aussi cette année-là en 1951, elles se font rares. que le directeur du Théâtre Il va sans dire Fleuve 05 06 07 08 09 10 35
s’attaque à une deuxième transposition de la plume d’Eric-Emmanuel Schmitt ; une chef-d’œuvre, cette fois en duo avec Alexis adaptation du rocambolesque Le Tour du Martin : L’Odyssée d’Homère. Une production monde en 80 jours de Jules Verne par le metteur qui deviendra, avec ses deux reprises dans les en scène Hugo Bélanger. Et une troisième années suivantes et ses quatre-vingt-quatre ambitieuse transposition d’un chef-d’œuvre représentations, l’un des grands succès de la littérature par Dominic Champagne ; le du TNM. créateur s’allie cette fois à Bryan Perro pour mettre à flot Moby Dick, inspiré de l’épique À partir de là, les adaptations se multiplieront roman de Herman Melville. sur le plateau du TNM, espace de (re) décou verte de classiques, le plus souvent issus À l’hiver et au printemps 2018, deux adapta du répertoire mondial. Poursuivant son tions se succèdent sur la scène du TNM. travail sur l’œuvre immortelle d’Homère, Le créateur Olivier Kemeid et la comédienne Alexis Martin se mesure ensuite à L’Iliade, en Marie-Thérèse Fortin font entendre sur les septembre 2007. Un spectacle qu’il met lui- planches la parole de Gabrielle Roy, telle même en scène. À l’automne 2004, le cinéaste qu’immortalisée dans sa bouleversante auto François Girard présente une dramatisation biographie La Détresse et l’Enchantement. du fascinant roman Le Procès par l’écrivain Quant au dramaturge Étienne Lepage, il québécois Serge Lamothe. Peu s’en souvien offre une lecture moderne d’un roman phare dront, mais ce n’était pas la première de Dostoïevski, L’Idiot, dans un imposant adaptation de Franz Kafka par le TNM : spectacle monté par Catherine Vidal. Rupert Caplan y avait dirigé The Trial en 1956, alors que la compagnie théâtrale débutante Fleuve vient donc s’ajouter à un corpus vaste occupait la salle du Gesù et qu’elle cherchait et contrasté d’adaptations. À ce qu’on peut à rejoindre aussi le public anglophone. désormais définir comme une tendance artistique importante dans la programmation La programmation fait aussi place à quelques du TNM. œuvres plus contemporaines, telle Une adoration, l’adaptation que tire Lorraine MARIE LABRECQUE Pintal, en 2005, d’un roman publié à peine deux ans plus tôt par la célébrée écrivaine Nancy Huston. On doit aussi à la directrice artistique du TNM la transposition d’un classique québécois : L'Hiver de force de Réjean Ducharme. Créé en novembre 2001, le spectacle est présenté ensuite, à Paris, à L’Odéon, Théâtre de l’Europe. MYTHES MODERNISÉS Dans les années 2000, le dramaturge Pierre Yves Lemieux est sollicité pour écrire de nouvelles versions théâtrales à partir 03 Francis Ducharme, Marc Béland, Sylvie Drapeau, Britannicus de mythes littéraires éternels : Tristan de Racine, m.e.s. Florent Siaud, TNM / Les songes turbulents, et Yseult (2003) et La Belle et la Bête (2011), 2018–2019. un spectacle multimédia de Michel Lemieux 04 Sylvie Drapeau, Richard III de Shakespeare, traduction Jean Marc Dalpé, m.e.s. Brigitte Haentjens, Sibyllines en collaboration et Victor Pilon. À l’été 2015, il revisite la avec le TNM, 2014–2015. populaire saga d'Alexandre Dumas, Les Trois 05 Le Procès de Franz Kafka, traduction Axel Nesme, adaptation Mousquetaires, montée par Serge Denoncourt. Serge Lamothe, m.e.s. François Girard, TNM, 2004–2005. Et trois ans plus tard, Lemieux appose sa griffe 06 La Belle et la Bête de Pierre Yves Lemieux, m.e.s. Victor Pilon et Michel Lemieux, TNM / Pilon.lemieux 4D art, 2010–2011. sur Candide ou l’Optimisme, une adaptation 07 L'Idiot, d'après le roman de Dostoïevski, texte Étienne Lepage, très libre du conte éponyme de Voltaire, m.e.s. Catherine Vidal, TNM, 2017–2018. augmentée d’éléments biographiques, mise 08 Moby Dick, d'après l'œuvre d'Herman Melville, texte Bryan au monde par Alice Ronfard. Perro et Dominic Champagne, m.e.s. Dominic Champagne, TNM, 2015–2016. 09 Le Journal d'Anne Frank, texte Eric-Emmanuel Schmitt, d’après Les dernières années se révèlent d’ailleurs Le Journal d’Anne Frank, m.e.s. Lorraine Pintal, Spectra Musique / particulièrement riches en transformations TNM / Didier Morissonneau, 2014–2015. 10 Candide ou l'Optimisme, une création pour la scène de Pierre théâtrales d’œuvres littéraires. En 2015, Yves Lemieux, d’après le roman de Voltaire, m.e.s. Alice Ronfard, on peut voir Le Journal d’Anne Frank, dans TNM, 2018–2019. une nouvelle dramatisation scénique sous Photos : Yves Renaud 36
11 PLONGER dans une tragédie contemporaine © Angelo Barsetti Fleuve ENTRETIEN AVEC ANGELA KONRAD Native d’Allemagne, Angela Konrad a au Théâtre de Quat’Sous, une étonnante passé deux décennies en France où elle production de la pièce Le Royaume des était notamment associée au Théâtre des animaux, écrite par son compatriote Roland Bernardines à Marseille. Immigrée au Schimmelpfennig. À l’automne 2017, avec Québec, la dramaturge et metteure en scène Last Night I Dreamt That Somebody Loved Me, n’a pas tardé à imprimer sa griffe sur les la professeure à l’École supérieure de théâtre scènes montréalaises, grâce aux productions de l’UQÀM amorce un cycle consacré à de sa compagnie La Fabrik. Des spectacles l’adaptation de textes non théâtraux, où personnels où la réflexion critique fait bon elle dramatise et vulgarise notamment des ménage avec une théâtralité ludique. discours philosophiques ou scientifiques. Suivront Les robots font-ils l'amour, un Dès sa première création, à l’automne 2013, colloque fictif basé sur un essai de Laurent Variations pour une déchéance annoncée, Alexandre et Jean-Michel Besnier autour du inspirée de La Cerisaie de Tchekhov, elle est transhumanisme, et Golgotha Picnic, encensée pour sa réactualisation audacieuse montage d’un texte sulfureux de l’Argentin du répertoire théâtral. Une veine poursuivie à Rodrigo García, où la metteure en scène l’hiver 2015 avec Auditions ou Me, Myself and I, dirige Sylvie Drapeau pour la première fois. d’après Richard III de Shakespeare. Angela Konrad entame ensuite une résidence de trois années à l’Usine C avec un autre Shakespeare : un grinçant Macbeth pour 11 Lise Roy, Sylvie Drapeau, Dominique Quesnel, Samuël lequel elle exhume la traduction québécoise Côté, Golgotha Picnic de Rodrigo García, traduction Christilla Vasserot, adaptation et m.e.s. Angela Konrad, La Fabrik / Usine C, de Michel Garneau. Elle va aussi signer, 2018–2019. Photo : Maxime Robert-Lachaine 37
12 En novembre 2018, Angela Konrad récidive cette langue, elle est étonnante. Elle passe avec une adapt at ion de Tchekhov, Platonov de l’imparfait au présent, d’une objectivité amour haine et angles morts, présentée au très précise dans la description à des relents Théâtre Prospero. lyriques qui créent une correspondance entre l’émotion, l’âme et la nature. Cette écriture Fleuve marque son entrée au TNM, une me fascine : il y a d’un côté une grande institution qui, dit-elle, possède un « ancrage transparence dans l’authenticité, la quête historique et identitaire très fort ». de vérité et, de l’autre, la construction d’une forme très maîtrisée. Qu’est-ce qui vous a donné envie de monter sur scène la tétralogie de Sylvie Drapeau ? Et vous voyez dans ce récit une référence Lorsque j’ai lu Le Fleuve, ça m’a beaucoup à la tragédie grecque ? touchée. C’est vraiment un coup de cœur. Totalement. Pour moi, c’est la tragédie avec Je fais des choix très affectifs, il faut que tous ses éléments. À commencer par la les projets m’appellent. Et j’avais envie de démesure du héros, ce qu’on appelle l’hubris. travailler sur l’adaptation de romans. Je Sauf qu’elle s’incarne ici chez un enfant. suis aussi intéressée par la question de Elle me parle tellement cette démesure de l’identité liée à la culture et à la géographie. l’enfance, ce sentiment d’être tout-puissant, Notre identité, notre histoire familiale sont sans limites. Petite, je passais mes étés à la traversées par la grande Histoire et par des mer du Nord et le souvenir que j’en garde, c’est lieux géographiques très marqués. Le fleuve l’impression que j’aurais été capable de courir fait partie de l’identité québécoise. Pour moi, toute la journée sans me fatiguer. ces romans s’ancrent à la fois dans le Québec et dans la tragédie. Dans Fleuve, Roch défie les lois parentales une première fois en amenant ses sœurs Et il y a un style narratif très particulier dans dans la forêt interdite, où ils goûtent aux l’écriture de ces œuvres. J’aime beaucoup fruits interdits. Et il meurt en désobéissant 38
en s’aventurant trop loin sur la plage. Toute moment de la lecture de l’œuvre. Et puisque ce puissance se confronte aux lois de la nature. sont des romans, on est ici dans un rapport très L’irrévocable s’est produit… Ensuite, il y a la différent à l’espace et au temps, une narration. question de la responsabilité, de la culpabilité. Il ne s’agit pas d’orchestrer des situations, mais Il s’agit donc d’une tragédie contemporaine. plutôt de composer des tableaux. Qu’est-ce qui a guidé l’adaptation Quelle place va prendre l’image des romans ? dans le spectacle ? La langue est si belle qu’il faut lui donner Depuis que j’ai lu le troisième roman, j’ai toute sa place, la faire entendre dans toute toujours eu en tête la vision du petit garçon sa splendeur. Et pour moi, il était clair qu’il resté sur la plage avec sa mère lors de la fallait diviser la partition de la narratrice en noyade de Roch. Je trouve le récit de L’Enfer trois âges distincts. J’ai surtout su d’emblée tellement puissant, que je voulais créer une que la noyade devait être racontée par la tension entre ce que Richard était, bébé, petite fille, témoin de l’événement tragique. et ce qu’il est devenu à cause de la maladie Je voulais cette radicalité-là : faire tenir un mentale. Ce jour-là, où son frère est mort, monologue par une enfant de dix ou onze ans, a été déterminant pour le reste de sa vie, le qui ouvre le spectacle. Parce que l’œuvre est roman le raconte très bien. Et je trouve que ancrée dans l’enfance. Il faut que l’enfance cela crée un rapport au temps, aussi. C’est le soit vraiment présente sur scène, qu’on ne cheminement d’une vie. fasse pas semblant. J’ai découvert dans un musée à Berlin l’artiste Pour le rôle de la jeune femme, je voulais visuel Thomas Ruff qui photographie des Karelle Tremblay. En audition, elle nous a gens ordinaires et en fait des portraits géants, soufflés. Cette comédienne a une dimension où paraît le moindre grain de la peau. Il de jeu très brute, très pulsionnelle, et en y a là quelque chose qui s’impose comme même temps une grande intelligence du incontournable. C’est lui qui m’a inspiré les texte. Elle a quelque chose du volcan, comme portraits surdimensionnés. Sylvie Drapeau. Celle-ci porte une fonction Fleuve quadruple dans le spectacle : auteure, J’ai l’impression aussi que l’extraordinaire protagoniste, narratrice, actrice. Mais elle ne verticalité de la scène du TNM nous aspire vers peut pas se jouer elle-même. Dans Fleuve, elle le haut. Elle a quelque chose de l’ordre d’une agit donc comme coryphée de la tragédie, qui transcendance, si on ne la brise pas. Moi j’avais se détache du chœur pour raconter ce qui se envie de travailler sur cette transcendance. Et passe au public. donc sur quelque chose de démesuré, comme la tragédie. Ce que la petite fille de Fleuve a Comment s’annonce la mise en scène vécu nous dépasse complètement. Un peu de Fleuve ? comme les forces de la nature. J’ai l’impression que ce que j’essaie de faire dans une mise en scène, c’est toujours de lire Les spectacles que vous avez créés la face cachée d’une œuvre. Quel est le nerf au Québec jusqu’ici révélaient toujours du texte ? Et derrière cette histoire, il y a le un mélange de tragédie et d’humour cheminement de quatre vies, plus celui de grinçant, voire une forme de grotesque. la narratrice. Il y a le rapport au temps, à la Fleuve semble différent… mort, à l’amour. Donc quelque chose de très C’est un projet très particulier qui vient nous universel. Je cherche à créer une communauté chercher à un endroit très spécifique. Chaque autour d’une tragédie qui a été vécue comme fois que je travaille sur des tableaux de cette un événement très intime, familial, mais qui pièce, je sens qu’une très grande retenue peut être partagée par tous. Pour moi, c’est s’impose. Comme si on devait composer avec important que la famille soit là, sur scène. le caractère inéluctable de la tragédie. Il y a Il y aura donc des figurants pour évoquer dans Fleuve quelque chose qui relève d’une les parents et la « meute » dans l’espace du beauté sublime et d’une infinie tristesse. chœur, en arrière. J’y vois la représentation de la famille au moment de la mort de Roch. PROPOS RECUEILLIS ET MIS EN FORME PAR Comme si cette tragédie avait épinglé à tout MARIE LABRECQUE, AVRIL 2019 jamais ces êtres dans le temps. Et comme si on se souvenait de cette famille. Ce qui 12 Marie-Laurence Moreau, Samuël Côté, Platonov amour haine me stimule aussi, c’est le défi de trouver une et angles morts d’Anton Tchekhov, traduction André Markowicz et Françoise Morvan, m.e.s. et adaptation Angela Konrad, Groupe de forme reflétant l’émotion que j’ai ressentie au la Veillée / La Fabrik, 2018–2019. Photo : Maxime Robert-Lachaine 39
De l'éclairage à la scénographie… CONCEPTRICES DES REMARQUABLES © Nathalie St-Pierre Fleuve mise sur deux conceptrices émérites, À Montréal, on a pu admirer ses conceptions aux feuilles de route impressionnantes. dans Électre dirigé par Serge Denoncourt, Des femmes de talent qui s’illustrent Sauvageau Sauvageau et Le reste, vous le dans des domaines se déclinant encore connaissez par le cinéma, mis au monde par majoritairement au masculin. Christian Lapointe, et dans deux mises en scène de Marie Brassard, Peepshow et SONOYO NISHIKAWA La Vie utile. Conceptrice de lumière depuis 1986, Sonoyo Nishikawa a débuté sa carrière dans son Sonoyo Nishikawa a également touché Japon natal, où son travail n’a pas tardé à être à l’art lyrique (La Damnation de Faust au remarqué. Dès l’année suivante, elle remporte Metropolitan Opera à New York, La Veuve un prix du Japan Lighting Association pour la joyeuse à l’Opéra de Montréal, Hansel et Gretel comédie musicale I Got Merman. Des études à l’Opéra de Québec) et à la danse, à travers à Londres l’amènent ensuite à rencontrer le deux chorégraphies de Jocelyne Montpetit grand créateur québécois Robert Lepage, dont (Avril est le mois le plus cruel, Faune). elle devient une fidèle collaboratrice à partir de 1993. Elle participe ainsi à ses productions : Grâce à Fleuve, elle renoue avec la scène du A Midsummer Night's Dream, Noises Sound and TNM, vingt ans après son travail sur Marie Sweet Airs - Tempest, Apasionada / Casa Azur, Stuart de Dacia Maraini. La Trilogie des dragons et Les Sept Branches de la rivière Ota en 1996, pour laquelle sa ANICK LA BISSONNIÈRE conception d’éclairages s’est distinguée par Anick La Bissonnière est venue à la scéno le prestigieux prix torontois Dora Mavor graphie par l’architecture, une formation Moore Award. reçue à Montréal et à Lausanne. Avant même de créer des décors sur les scènes Au Québec, où Sonoyo Nishikawa a mis en théâtrales, elle a collaboré à concevoir près lumière des dizaines de pièces, notamment d’une cinquantaine de projets de salles dans des théâtres de la Capitale nationale, son de spectacles pour Trizart Alliance, une travail a remporté plusieurs récompenses : un entreprise montréalaise de consultation. Masque pour L’Éden Cinéma (2004) et un Prix Jacques-Pelletier pour Antigone (2003), deux Depuis 1993, cette amoureuse de lignes spectacles dirigés par Brigitte Haentjens. épurées a imaginé l’espace pour une centaine En 2015, elle recevait de nouveau ce prix de productions et d’événements dans divers d’excellence des arts et de la culture, décerné domaines artistiques : le théâtre, la danse, à Québec pour sa conception d'éclairages le cirque, les expositions muséales. De plus, dans le Macbeth mis en scène par Marie-Josée elle enseigne son art à l’École supérieure de Bastien, présenté par le Théâtre du Trident. théâtre de l’UQAM. 40
En 2015, la récompense théâtrale la plus de verre, Molly Bloom, Une femme à Berlin, réputée au Canada lui a été attribuée par Dans la solitude des champs de coton et le jury du Prix Siminovitch, grâce à son Richard III, montée au TNM en 2015. Sur « talent extraordinaire » pour créer des notre scène, on doit aussi à la scénographe environnements à la fois épiques et intimes. le vertigineux salon où prenait place Le dieu Anick La Bissonnière, dont le travail a été du carnage mis en scène par Lorraine Pintal diffusé au Théâtre du Châtelet à Paris, au en 2010, la scène-miroir vue dans Le roi se Festival d’Avignon comme au Brooklyn meurt (2013) et les impressionnants gradins Academy of Music à New York, a aussi été des Chaises (2018), deux productions dirigées plébiscitée à l’étranger : en 2007, à Prague, son par Frédéric Dubois. œuvre a été honorée lors du 40e anniversaire de l'Organisation internationale des Fleuve marque sa troisième association scénographes, techniciens et architectes artistique avec Angela Konrad en quelques de théâtre. années, après Le Royaume des animaux et Last Night I Dreamt That Somebody Loved Me. Sur la scène montréalaise, Anick La Bissonnière poursuit depuis 1999 une complicité forte MARIE LABRECQUE avec la créatrice Brigitte Haentjens, pour qui elle a conçu certaines de ses scénographies 13 Anne-Marie Cadieux, Pascale Montpetit, Marie Stuart de les plus marquantes. Mentionnons, pour Dacia Maraini, traduction Marie José Thériault, m.e.s. Brigitte Haentjens, scénographie Anick La Bissonnière, éclairages n’en nommer que quelques-unes, La Cloche Sonoyo Nishikawa, TNM, 1999–2000. Photo : Pierre Desjardins Fleuve 13 41
DISTRIBUTION REPÈRES BIOGRAPHIQUES DES ARTISTES TNM.QC.CA ALICE BOUCHARD LA PETITE (en alternance) SYLVIE DRAPEAU KARELLE TREMBLAY LA FEMME LA JEUNE FEMME MARION VIGNEAULT SAMUËL CÔTÉ Fleuve LA PETITE (en alternance) LE PÈRE © Angelo Barsetti, Andréanne Gauthier, Phillipe Koschel, Théodore Pellerin, Maxime Tremblay PATRICIA HOULE JEANNE MADORE LA MÈRE SUZANNE 8 ANS ALEX-AIMÉE MARTEL ROSALIE PAYOTTE HÉLÈNE 9 ANS JOHANNE 11 ANS Dessin de Roch Drapeau, archives personnelles de Sylvie Drapeau. EMMA PLAMONDON MATTIEU PLAMONDON CHRISTINE 3 ANS ET DEMI ROCH 10 ANS 43
L’ENVERS DU DÉCOR FONDATEURS DIRECTEURS ARTISTIQUES JEAN GASCON JEAN GASCON JEAN-LOUIS ROUX 1951–1966 GUY HOFFMANN JEAN-LOUIS ROUX GEORGES GROULX 1966–1982 ANDRÉ GASCON ANDRÉ PAGÉ ROBERT GADOUAS 1981 FONDATION 1951 ÉLOI DE GRANDMONT OLIVIER REICHENBACH COFONDATRICES 1982–1992 MONIQUE MILLER LORRAINE PINTAL JANINE SUTTO Depuis 1992
ÉCHANGER SAISIR APPRÉCIER Élever LES BEAUX ENTRETIENS En collaboration avec Les Belles Soirées des de l'UdM. Animés par Lorraine Pintal sur la scène du TNM. passerelles entre l’art et la © Angelo Barsetti communauté Invitée : Sylvie Drapeau Autour de son parcours de théâtre qui l’a menée à l’écriture, de son rôle d’actrice, du pouvoir des mots et de cette question fondamentale : comment l’art peut-il donner sens au chaos de l’existence ? LUNDI 18 NOVEMBRE DE 14 H À 16 H © Julien Faugère Invité : Marc Hervieux Autour de son impressionnant parcours de ténor, du répertoire classique à la chanson populaire, de l’opéra au théâtre. LUNDI 20 JANVIER DE 14 H À 16 H 124
CONFÉRENCES LE JOUR OÙ LES FEMMES ONT DIT NON Toujours en collaboration avec Les Belles Soirées, trois conférences sur des thématiques Conférencières et des enjeux liés à des spectacles. Fanny Britt et À L'Auditorium BAnQ / Vieux-Montréal. Lorraine Pintal LA PERTINENCE DE KNOCK AUJOURD’HUI Lundi 27 avril de 14 h à 16 h Conférenciers Daniel Brière et Dr Alain Vadeboncoeur Quel pouvoir les femmes ont-elles réellement, aux yeux du monde ? Une fois que l’on acquiert Lundi 23 septembre des pouvoirs tant espérés, qu’en fait-on ? de 13 h 30 à 15 h 30 Réussit-on à maintenir le cap sur nos valeurs et nos idéaux, ou succombons-nous au chant des sirènes de l’ambition ou de l’ego ? Ces Le sous-titre de l’œuvre, « ou le Triomphe questions ont animé la création de Lysis de la médecine » est très évocateur, car cette dès le début, quand Lorraine Pintal a invité comédie diablement efficace propose aussi Fanny Britt et Alexia Bürger à se pencher une étonnante anticipation de la place que sur le classique d’Aristophane, Lysistrata. prendra dans nos sociétés la médecine du Moins allumées par l’idée d’une grève du sexe 20e siècle. Jules Romains nous entraîne ainsi, comme véhicule de la révolte actuelle, les bien malgré nous, dans une réflexion tout deux autrices ont plutôt choisi d’aborder de à fait actuelle sur certaines dérives de la front l’un des derniers remparts du pouvoir médecine contemporaine. féminin : celui de mettre des enfants au L’Envers du décor monde. Les femmes de Lysis choisissent de FRATERNELLEMENT, TCHEKHOV cesser d’enfanter, non pas pour punir les hommes, mais pour signifier à un système Conférencier effréné, gourmand, dévastateur, leur refus de Paul Lefebvre le nourrir davantage. Plus encore, elles croient qu’un autre monde est possible et essentiel, Lundi 9 mars mais que comme dans toute révolution, son de 13 h 30 à 16 h avènement ne se fera pas sans heurts et sans remettre en question l’ordre établi. C’est donc dans un esprit de réflexion critique, d’urgence de nommer et d’ouverture aux autres que la création de Lysis a vu le jour. Avec ses quatre dernières pièces — La Mouette, Cette causerie sera l’occasion d’en exposer les Oncle Vania, Les Trois Sœurs et La Cerisaie — fondements, les détours et les conclusions, en créées entre 1896 et 1904, l’auteur russe toute complicité. Anton Pavlovitch Tchekhov a complètement bouleversé la dramaturgie et, en moins d’un Infos : bellessoirees.umontreal.ca siècle, est devenu pour les praticiens de théâtre 15 % de réduction aux abonné.es du TNM un auteur aussi fondamental que Shakespeare. Son théâtre et ses presque 600 nouvelles s’inscrivent dans l’extraordinaire effervescence culturelle de la Russie de la seconde moitié LES RENCONTRES du 19e siècle — celle qui a donné au monde DU 3e MARDI Dostoïevski, Tolstoï, Tourgueniev, Moussorgski et Tchaïkovski — mais sont aussi le fruit d’un Précieuse tradition dans notre théâtre. Au parcours artistique très personnel. Qui était terme de la représentation du 3e mardi, les Anton Tchekhov ? Au sein de quels contextes artistes reviennent sur scène à la rencontre culturel, social et politique son œuvre a-t-elle du public. Animés par Lorraine Pintal, ces jailli ? Et, surtout, qu’a-t-il apporté d’unique échanges permettent de riches réflexions au théâtre ? sur les œuvres et sur le travail de création. 125
S’IMPLIQUER EXPÉRIMENTER CRÉER 01 L’ART DANS TOUS SES ÉTATS Le TNM, en partenariat avec les Grands Ballets canadiens, offre aux jeunes adultes de l’organisme Autisme sans limites un atelier hebdomadaire qui allie la pratique de la danse et du théâtre. En contribuant ainsi à bonifier le programme L’art dans tous ses états, qui permet de travailler les émotions, la communication et les comportements sociaux à travers les arts, le TNM participe à la précieuse mission de cet organisme qui œuvre à l’épanouissement et à l’inclusion sociale des adultes autistes de haut niveau de fonctionnement. 01 L'art dans tous ses états. Photo : Claudia Bilodeau 02 + 03 Le Monde de Clémence, 2019. Photos : Mikaël Theimer 126
L’Envers du décor 02 PRATIQUE THÉÂTRALE INCLUSIVE Réunir des personnes en rétablissement et les inviter dans un parcours de création théâtrale, voilà le rendez-vous orchestré par Lorraine Pintal pour une septième année. Après L’Asile de la pureté de Claude Gauvreau (2013) et Marcel poursuivi par les chiens de Michel Tremblay (2015), qui mettaient en vedette des patients partenaires de l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal (IUSMM), le groupe s’est agrandi pour accueillir des membres du Théâtre Aphasique et des Impatients. Ensemble, ils auront porté à la scène quatre productions inédites : Cabaret poétique (2016), Banquet de la mémoire (2017), J’veux d’l’amour (2018, avec la collaboration des Muses – Centre des arts de la scène) et Le Monde de Clémence (2019), à partir des textes de Clémence Desrochers. Les participants et participantes entreront de nouveau dans cette expérience où la prise de parole se conjugue au dépassement de soi pour fouler les planches du TNM au 03 printemps 2020. 127
INSPIRER UNIR CONSTRUIRE LE CERCLE DES ABONNÉ.ES En 2015, le Cercle se donnait pour mission de s’impliquer dans la vitalité du TNM et de contribuer à son rayonnement et à sa pérennité. Depuis, les actions se multiplient et prennent différentes formes telles que l’organisation de la Journée de la culture, la tenue de rencontres de réflexion autour des spectacles de la saison ou encore des tournages de capsule vidéo pour le rayonnement du TNM. Merci à tous les membres du Cercle pour leur précieuse implication : Solange Côté, Colette Cummings, Julie Fantigrossi, Irène Galesso, Robert Molenge, René Robitaille, Ghislain Savage, Carole Thériault, Louise Favreau, Virginie Ouellet, Gilles St-Jacques, Normand Perreault, Anne-Claire Hurillon et Alexandre Bourduas. Vous souhaitez joindre le Cercle ? Manifestez-vous ! 04 cercledesabonnes@tnm.qc.ca 05 128
LES LABORATOIRES OUVERTS SUR LA et qui contribuera assurément à faire de la DIVERSITÉ ET LES PEUPLES AUTOCHTONES scène un véritable miroir de la communauté Initié par le TNM et Diversité Artistique montréalaise. Montréal, en collaboration avec l’Union des Artistes, Les Laboratoires du TNM ouverts ARTISTES ASSOCIÉ.ES sur la diversité et les peuples autochtones Le TNM poursuit le développement d’actions se sont tenus au TNM les 31 mai et 1er juin qui favorisent la diversité culturelle en derniers. Orchestré dans la continuité de théâtre. Grâce à la Bourse inclusion et équité L’Atelier ouvert sur la diversité (2018), cet instaurée par Lorraine Pintal en 2017, Nadine événement, imaginé et animé par Lorraine Jean et Philippe Racine ont eu l’opportunité Pintal, aura permis à une vingtaine d’artistes d’évoluer à titre d’artistes associé.es du TNM de mettre en valeur leur vision et leur savoir- et de participer à différentes productions faire. En effet, tous auront bénéficié d’un et comités. De plus, et grâce au soutien du coaching physique et vocal, mais également de Conseil des arts de Montréal et du prog ramme périodes de travail sur des textes du répertoire DemART-Mtl, Nelly Zarfi participante au en complicité avec des metteur.es en scène premier atelier ouvert sur la diversité, profitait L’Envers du décor montréalais.es. Destinés à la découverte et aux en 2019 d’un stage à la direction artistique et rassemblements, Les Laboratoires du TNM présentait le 3 juin dernier sa création autour constituent maintenant un précieux rendez- du mythe de Médée, Médée-Yaa. vous annuel où s’échafaude un imaginaire 04 + 05 Les Laboratoires du TNM. Photos : Maude Touchette collectif qui inclut les personnes issues de 06 Nelly Zarfi, entourée de la chorale Afrika Intshiyetu, toutes les communautés ethnoculturelles dans sa création Médée-Yaa, 2019. Photo : Hélène Sirois 06 129
SOUTENIR FACILITER ACCUEILLIR MA FENÊTRE SUR LE THÉÂTRE FORUM DE CORÉDACTION DE Soutenu par BMO Groupe financier, ce projet LA CHARTE D’ACCESSIBILITÉ CULTURELLE de sensibilisation, d’accompagnement et sous le patronage de la Commission d’accessibilité au théâtre est destiné aux canadienne pour l’Unesco élèves du 2e cycle du secondaire, provenant de milieux défavorisés du Grand Montréal. Ainsi, En 2016, Exeko, en collaboration avec le sur chacune des matinées scolaires de notre Groupe des onze et neuf organismes commu saison, ce sont une trentaine d’adolescents nautaires montréalais, a conçu le Lab’Culture qui plongent dans un parcours où le théâtre Inclusive visant à identifier les meilleures est une occasion sans pareil d’élargir ses pratiques d’accessibilité et d’inclusion aux horizons et d’aller à la rencontre de soi et milieux institutionnels montréalais de la du monde. culture. Ce projet d’une durée de trois ans, déployé à travers trois étapes de recherche LES LUNDIS DU TNM formées de sorties culturelles inclusives, En ouvrant ses générales à des groupes d’analyses et de théâtre invisible, aura permis issus de divers horizons et en leur offrant un à l’ensemble des partenaires de prendre une L’Envers du décor espace de rencontre qui valorise la réflexion part active dans la réflexion et la corédaction et les échanges autour des grands enjeux des d’une charte d’accessibilité culturelle qui spectacles, le TNM accueille de façon toute comportera des directives stratégiques et singulière ces personnes et les guide dans des recommandations pratiques. Le dernier leur découverte du théâtre et du travail de ses tour de piste avant le lancement de la Charte artistes et artisans. en 2020 se tiendra le 8 octobre prochain dans les locaux du Conseil des arts de Montréal à l’occasion d’un forum réunissant l’ensemble des participant.es. LA JOURNÉE DE LA CULTURE AU TNM C’est sous le thème de la rencontre qu’aura lieu la prochaine Journée de la culture qui se tiendra le dimanche 29 septembre de © Hélène Sirois 11 h à 16 h. Soyez des nôtres pour célébrer l’accessibilité culturelle et profitez d’une multitude d’activités inspirantes imaginées pour vous par le Cercle des abonné.es.
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