SYNTHESE DES INTERVENTIONS ET DES DEBATS - CNFPT
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JOURNEE INTERNATIONALE DU SPORT AU SERVICE DU DEVELOPPEMENT ET DE LA PAIX Les Jeux Olympiques-JO Paris 2024, un événement international, un projet national, des enjeux locaux : comment parler des Jeux dans sa collectivité et auprès des habitants ? VENDREDI 6 AVRIL 2018 A PANTIN 10H-16H RAPPEL DU PROGRAMME 10h Accueil, ouverture et présentation de la journée Isabelle TRIMAILLE, Cheffe de projet auprès de Luc NEEL, directeur, Ile- de- France, délégation de Première couronne, CNFPT. Emmanuel BELLANGER, chercheur au CNRS, Université Paris 1. Matin : Sports, société et Jeux Olympiques et Paralympiques : patrimoine, événement, enjeux et perspectives Sport et architecture en Seine-Saint-Denis : histoire, héritage et patrimoine Hélène CAROUX, chargée de mission au Service du patrimoine culturel, Conseil départemental de la Seine-Saint-Denis. "Paris 2024", de la candidature à l'événement : enjeux, objectifs et calendrier Karim HERIDA, délégué général adjoint aux Jeux Olympiques et Paralympiques et aux Grands Evénements, Mairie de Paris. Les Jeux Olympiques et Paralympiques comme vecteur de développement de la pratique sportive Claire PEUVERGNE, directrice de l’IRDS Ile-de-France. Perspectives pour le territoire de Seine-Saint-Denis Pascal MATHIEU, Délégation Jeux Olympiques, Conseil départemental de la Seine-Saint-Denis. Après-midi : Les Jeux Olympiques et Paralympiques : politiques urbaines, participation des habitants, impacts et attractivité des territoires Jeux olympiques et politiques d'aménagement : quels équipements pour quelles villes ? Quelles conséquences sociales et urbaines ? Clément RIVIÈRE, sociologue, Maître de conférences à l’Université de Lille Les « Jeux Paris 2024 » accélérateurs du développement territorial Céline TERRIER-LAURENS, directrice du pôle ambition écologique et héritage, Société de livraison des équipements olympiques (Solideo) JO et grands événements: préparer un héritage local pérenne Timothée DELACOTE, chargé de mission auprès de la DGS, EPT Plaine Commune. Aménagement du territoire, opérations de rénovation urbaine dans les quartiers en difficulté et intérêts du mouvement sportif (équipements, espaces publics, pistes cyclables…) Martin CITARELLA, responsable aménagement du territoire, Comité départemental olympique et sportif de Seine-Saint-Denis Centre national de la fonction publique territoriale 1
JO PARIS 2024 : EVENEMENT INTERNATIONAL ET ENJEUX LOCAUX ACCUEIL DES PARTICIPANTS, OUVERTURE ET PRESENTATION DE LA JOURNEE Isabelle TRIMAILLE Cheffe de projet auprès de Luc Néel, directeur de la Délégation Première couronne du CNFPT Nous sommes ravis de vous accueillir au CNFPT pour ces Ateliers des territoires. Emmanuel Bellanger, historien, chercheur au CNRS, assurera la fonction d’animateur de cette journée. J’invite Patrice Calmejane, Délégué régional de la Délégation première couronne du CNFPT et Maire de Villemomble, à prononcer quelques mots d’introduction. Patrice CALMEJANE Délégué régional, Délégation première couronne du CNFPT et Maire de Villemomble Mesdames et Messieurs, j’ai le plaisir d’accueillir ce jour des participants de l’Ile-de-France mais également de l’ensemble du territoire pour cet événement autour de la thématique des Jeux Olympiques 2024 qui est le premier d’une série et sera suivi d’autres Ateliers des territoires qui se dérouleront à Montpellier et en Région Rhône-Alpes sur d’autres thèmes. Les Ateliers des territoires existent désormais depuis plusieurs années, avec des thématiques adaptées à chaque territoire. Aujourd’hui, notre Atelier nous permettra de célébrer la « Journée internationale du sport au service du développement et de la paix ». Il s’articulera autour de deux thèmes : le développement économique et territorial et le lien sport et société. Par ailleurs, un cycle d’ateliers se tiendra entre 2019 et 2024. Au CNFPT de Première couronne, nous avons prévu des formations spécifiques à destination des agents en matière d’accueil, d’apprentissage des langues, notamment de l’anglais. En effet, il importe que chacun soit en mesure d’accueillir, de se comprendre. Enfin, je remercie l’ensemble des intervenants ayant accepté de participer à la présente journée. Une large part sera consacrée aux échanges. Emmanuel BELLANGER Chercheur au CNRS, Université Paris 1 En tant qu’historien et chercheur au CNRS, j’attache une importance significative à l’apport du récit historique afin de mieux comprendre nos sociétés qui sont traversées par un désenchantement. Par ailleurs, je remercie le CNFPT pour son accueil, dont Isabelle Trimaille, l’organisatrice de cette journée, qui a le souci de faire appel à l’interdisciplinarité dans ces ateliers. Un collègue sociologue a présenté le sport comme constituant un « vecteur d’abrutissement des masses ». N’oublions pas qu’au cours du 19ème et du 20ème siècle le sport a souvent été instrumentalisé. A noter également que, pour certains, le sport constitue une marque d’élitisme. Le sport constitue d’abord des « cultures sportives », avec la promotion de l’esprit d’initiative, du dépassement de soi, mais également un levier de promotion du collectif. Le journaliste Mickaël Correia déclare que la passe dans le football est devenue « un geste fondateur du sport populaire ». Le sport correspond en premier lieu à une culture ou à des cultures sportives qui répondent à différentes finalités. Au 19ème siècle, la finalité se rapportait au contrôle social, dans la mesure où le sport renvoyait à un apprentissage de l’autorité et des règles du jeu. Le sport s’inscrivait également dans le cadre de la conquête de l’hygiène. Le sport est aussi intimement lié à l’avènement du temps des loisirs, lui-même associé à l’émergence des droits sociaux, à l’instar du repos dominical ou des congés payés, mais également à la densification des services et des équipements publics. Enfin, le sport représente une source d’émancipation, de formation, portée par la fonction centrale jouée par des associations, dans une perspective « d’éducation populaire ». Cette dernière est importante, car elle est productrice de fierté, d’attachement, d’ancrage dans des territoires populaires. Un autre collègue historien décrit le sport populaire comme un « langage universel », à travers la figure de l’immigré qui utilise le vecteur du sport pour se hisser dans la société et « faire intégration ». Enfin, le sport est un vecteur de vivre ensemble. Centre national de la fonction publique territoriale 2
JO PARIS 2024 : EVENEMENT INTERNATIONAL ET ENJEUX LOCAUX SPORTS, SOCIETE ET JEUX OLYMPIQUES ET PARALYMPIQUES : PATRIMOINE, EVENEMENT, ENJEUX ET PERSPECTIVES SPORT ET ARCHITECTURE EN SEINE-SAINT-DENIS : HISTOIRE, HERITAGE ET PATRIMOINE Hélène CAROUX Chargée de mission au Service du patrimoine culturel, Conseil départemental de la Seine-Saint-Denis En préambule, la notion d’héritage doit être comprise comme ce qui est transmis de génération en génération. Si le patrimoine fait appel à l'idée d’un héritage légué par les générations qui nous ont précédés, il sous-entend également que nous devons le transmettre aux futures générations, ainsi qu'à la nécessité de constituer un patrimoine pour demain. Qu’il soit matériel ou immatériel, le patrimoine (sportif) se définit comme l'ensemble des biens ayant une importance artistique et/ou historique certaine et qui appartiennent soit à une entité privée soit à une entité publique. Les Jeux Olympiques de 1924 font suite à la désignation de Paris comme ville hôte en 1921. Leur organisation repose sur un certain nombre d’équipements qui existaient déjà, à l’instar du Stade Pershing, du Vélodrome d’Hiver ou du Stade Bauer, et de nouveaux, comme la piscine des Tourelles et le stade Olympique de Colombes Il est important de souligner que c’est la première fois qu’un village olympique est construit. Certaines de ces installations ont été préservées, comme la tribune du vélodrome, d’autres se sont dégradées ou ont disparu (vélodrome d’hiver, stade Bergeyre) Le territoire de la Seine-Saint-Denis a hérité depuis plus d’un siècle d’un nombre important d’équipements sportifs dont certains constituent des jalons importants des politiques sportives et d’aménagement des villes, de l’histoire de la construction, de l’évolution des pratiques sportives et de leur mise à disposition auprès des habitants. L’intérêt et l’originalité de ce patrimoine ont amené certaines villes à préserver ces équipements dans le cadre de leur Plan Local d’Urbanisme (PLU). On ne dénombre à l’échelle du Département que trois équipements sportifs protégés au titre des monuments historiques : le gymnase du Lycée Albert Schweitzer, le complexe de l’Ile-des-Vannes et enfin la piscine et l’usine des eaux de Pantin. Cette piscine de Pantin est emblématique. Elle correspond à la seule piscine de l’entre-deux-guerres encore en activité, elle rend compte du développement de ce nouvel équipement en banlieue et de la volonté du Maire SFIO Charles Auray de conduire une politique de socialisme municipal d’envergure. A Saint-Ouen, le complexe sportif de l’Ile-des-Vannes est à la fois remarquable pour sa structure, ses dimensions et la diversité du programme (bassin de natation, salle de boxe, gymnase…). Outre son architecture, la richesse du patrimoine sportif repose sur la diversité des acteurs ayant participé à sa construction. Ces derniers se sont mobilisés afin de permettre à la population de s’entraîner, de se divertir et de lui faire bénéficier des bienfaits du sport pour l’hygiène du corps et de l’esprit. Gymnases, stades, piscines, stands de tir, vélodromes se multiplient. Des villes comme Aubervilliers ont décidé d‘édifier un gymnase à la fin du XIXe siècle. A Villemomble, le délégué au sport Claude Ripert fait construire pour sa ville et sur ses deniers propres un stade complété par un stand de tir, mais également un bassin de natation. Les territoires de banlieue qui disposent de grands espaces, contrairement à Paris, pouvaient plus aisément ériger ce type d’ouvrage. Les sociétés commerciales et notamment les hippodromes représentent d’autres acteurs importants de cette période. La partie nord-est de l’ancien Département de la Seine en comprenait deux, à Saint-Ouen (détruit pendant la Première Guerre Mondiale) et à Saint-Denis/La Courneuve. Progressivement, les villes vont acquérir ces équipements dans les années 1930, les sociétés commerciales ou les clubs sportifs ne disposant pas de suffisamment de moyens suffisants pour les entretenir. Les grandes entreprises et usines s’implantent également en banlieue et participent à l’édification de ces équipements. L’objectif est certes philanthropique mais il vise aussi à occuper des travailleurs qui ont vu leurs droits sociaux s’accroître. Rateau à la Courneuve, Alsthom à Saint-Ouen ou la SNCF par exemple, qui a bâti dans les années 1930 un stade qui n’existe plus à ce jour. Partie intégrante de l’aménagement du territoire, les équipements sportifs ont parfois joué un rôle de premier ordre: au Pré-Saint-Gervais par exemple, le stade Léo Lagrange est localisé en plein milieu d’une cité- jardin, au centre d’un îlot bordé d’immeubles. Le sport est en lien avec les habitations. Au Bourget, le Maire a conduit une politique ambitieuse dans les années 1930 qui donnèrent lieu à l’édification de l’hôtel de ville, d’un groupe scolaire mais aussi d’une piscine et à l’aménagement de terrains de sports. Les anciens forts (Les Lilas, Romainville, etc.) constituent, après la Première Guerre Mondiale, des espaces propices à l’installation de structures sportives. A l’issue de la Seconde Guerre Mondiale ceux-ci sont aménagés, comme le grand complexe sportif Auguste Delaune à Saint-Denis, édifié par l’architecte André Lurçat au sein d’un ensemble plus large comprenant également des logements. Centre national de la fonction publique territoriale 3
JO PARIS 2024 : EVENEMENT INTERNATIONAL ET ENJEUX LOCAUX Une politique ambitieuse de construction d’équipements sportifs est menée sous le régime de Vichy. L’ensemble de la « ceinture des maréchaux » qui entoure Paris fait l’objet de nombreux projets et de quelques réalisations. Période sans équivalent en nombre et en diversité des bâtiments réalisés, les Trente Glorieuses font la part belle aux tribunes (Rosny-sous-Bois, Saint-Denis) et aux piscines (Aubervilliers, Aulnay-sous-Bois). Enjeux du sport de masse et de formation de la jeunesse, les sports sont valorisés. Dans le même temps, de grands architectes s’emparent de cette thématique et marquent durablement le territoire par leurs réalisations exemplaires. Des matériaux nouveaux sont utilisés et des systèmes constructifs innovants bouleversent les formes. De l’opération « 1000 piscines », les Tournesols sont sans conteste les plus emblématiques. La richesse de ces programmes est également observée à travers l’arrivée des patinoires (Saint-Ouen), du golf, des centres d’équitation et, la multiplication des terrains de tennis. Le stade Géo André est typique de ce mouvement. Il témoigne non seulement de la fin des équipements d’entreprises– la ville de la Courneuve ayant récupéré cet ancien terrain de sport des usines Palmer –, mais aussi de son réaménagement paysager complété par deux vastes halles de tennis. Vous l’aurez compris, la Seine-Saint-Denis possède un patrimoine sportif varié et de grande qualité. Si nous manquons encore de recul pour appréhender le patrimoine récent, le Stade de France par son insertion urbaine en lien avec la Plaine et son ampleur exceptionnelle fait d’ores et déjà partie du patrimoine. Emmanuel BELLANGER Cet exposé a constitué une mise en récit d’une histoire du patrimoine. Derrière cette histoire, il y a une histoire sociale. A titre d’illustration, la construction d’une piscine participe à la démocratisation de la natation. Enfin, le choix d’implantation des équipements correspond à un élément structurant de la vie urbaine. « PARIS 2024 », DE LA CANDIDATURE A L'EVENEMENT : ENJEUX, OBJECTIFS ET CALENDRIER Karim HERIDA Délégué général adjoint aux Jeux Olympiques et Paralympiques et aux Grands Evénements, Mairie de Paris En préambule, je veux dire que j’ai eu la chance de participer à cet événement relativement tôt, c’est-à-dire à l’occasion de la phase de candidature. Après trois ou quatre tentatives infructueuses, la candidature de la Ville de Paris pour les Jeux Olympiques 2024 a finalement été validée. Cette victoire est le fruit de ces défaites successives. Par ailleurs, il convient de ne pas oublier qu’initialement, Paris n’envisageait pas forcément de se porter candidate. Pour rappel, les dates principales de cette candidature sont : 13 avril 2015 : vote du Conseil de Paris en faveur d’une candidature ; 23 juin 2017 : annonce officielle ; 5-11 juillet 2017 : publication du rapport de la Commission du CIO et vote de la double attribution 2024-2028 ; 13 septembre 2017 : désignation de Paris comme ville hôte des Jeux Olympiques et Paralympiques. Cette double attribution constitue un fait marquant et entraînera des conséquences quant à la manière de travailler le projet, notamment à travers une coopération avec Los Angeles. Une candidature s’inscrit dans le cadre d’une influence internationale. Par ailleurs, les membres du CIO regroupent divers acteurs, dont des représentants des athlètes, des représentants des fédérations internationales ou des élus. Chacun porte des intérêts qu’il convient de bien comprendre. De surcroît, le travail diplomatique a été correctement mené par le Comité d’organisation des jeux. L’influence et la diplomatie sportive se travaillent sur le temps long. Les grands principes ayant présidé au choix de Paris sont conformes à l’Agenda 2020. Plus précisément, le projet s’appuie sur l’ensemble des structures existantes et les Jeux sont conçus comme un accélérateur de développement territorial au service de la population. Enfin, un patrimoine sera valorisé afin de maximiser l’expérience des spectateurs et les retombées pour les diffuseurs. La Ville de Paris n’accueille pas les Jeux Olympiques et Paralympiques pour les seuls moments de compétition, mais surtout pour « l’avant » et « l’après ». Centre national de la fonction publique territoriale 4
JO PARIS 2024 : EVENEMENT INTERNATIONAL ET ENJEUX LOCAUX Paris a donc été choisie à Lima afin d’accueillir ces jeux. Ils correspondent à l’organisation de 28 championnats du monde sur une même période, ce qui suppose une préparation et des infrastructures adéquates. En quelques chiffres, les Jeux Olympiques permettent de représenter 206 nations et d’accueillir 10 500 athlètes. Les Jeux Paralympiques renvoient quant à eux à la représentation de 175 nations et à l’accueil de 4 350 athlètes. Il s’agit donc du plus grand événement mondial, symbole d’ouverture, de diversité et d’universalité. D’un point de vue économique, les Jeux Olympiques représentent un accélérateur de projets qui ne pourraient pas être réalisés aussi rapidement. Cet événement a un retentissement unique : 4 milliards de téléspectateurs ; 20 000 journalistes accrédités ; 100 000 heures de diffusion TV ; 11 millions de billets vendus ; 70 000 volontaires. Le budget du Comité d’organisation des jeux est de 3,8 milliards d’euros. La contribution du CIO au COJO est de 1,4 milliard d’euros tandis que la vente de produits sous licence ou autres s’élève à 0,2 milliard d’euros. Enfin, les aspects marketing et la billetterie s’établissent respectivement à 1,08 milliard et 1,13 milliard d’euros. Il convient d’ajouter que le budget du COJO est toujours respecté. S’agissant du budget de la SOLIDEO, 3 milliards d’euros sont investis dans les équipements, avec un financement public à hauteur de 50 %. En termes de gouvernance, les principaux acteurs sont le CIO, le COJO, la SOLIDEO qui est chargée de livrer les sites et les équipements et Héritage Paris 2024, structure dont la mise en place demeure incertaine à ce jour. Au centre de ce dispositif, le Conseil Olympique et Paralympique joue un rôle d’arbitre. Cet organe prend les grandes décisions liées à l’événement. En ce qui concerne les enjeux et les priorités du point de vue du territoire, il importe de relever trois exigences, à savoir l’éthique, la sobriété (respect du budget) et la réputation. En conclusion, les ambitions autour de ces Jeux Olympiques consisteront à créer de l’adhésion et de l’engagement. L’organisation de cet événement devra être profitable pour le territoire. Une stratégie territoriale des grands événements doit correspondre à des opportunités renouvelées pour l’attractivité, la structuration et la légitimation des territoires. Ces Jeux Olympiques doivent être moteurs de changement, moteurs de l’action publique locale. De surcroît, cette organisation prévoit la création de 250 000 emplois. Un territoire peut subir un événement ou au contraire le mettre au service de son développement. Au final, ces Jeux Olympiques devront constituer un facteur de cohésion au sein des territoires. Emmanuel BELLANGER Nous devrons également nous interroger à propos de l’enjeu environnemental, celui-ci étant central. Le thème suivant de notre atelier porte sur les pratiques sportives. LES JEUX OLYMPIQUES ET PARALYMPIQUES COMME VECTEUR DE DEVELOPPEMENT DE LA PRATIQUE SPORTIVE Claire PEUVERGNE Directrice de l’IRDS Ile-de-France Les Jeux Olympiques constituent un héritage économique ou identitaire et renvoient à une problématique plus large que la seule question du sport. Emmanuel BELLANGER Nous évoquons fréquemment la notion « d’héritage ». Il semblerait intéressant de la définir. A mon sens, elle correspond à un legs. Claire PEUVERGNE Centre national de la fonction publique territoriale 5
JO PARIS 2024 : EVENEMENT INTERNATIONAL ET ENJEUX LOCAUX Cette notion se rapporte à des retombées tangibles (de nouveaux équipements, un quartier rénové…), mais également intangibles, et notamment des retombées sociales, par exemple profiter des Jeux en France pour encourager les Français à faire plus d’activités physiques afin d’améliorer leur santé. La pratique sportive s’étant diversifiée, celle-ci ne s’avère pas aisée à définir. En Ile-de-France, 65 % des Franciliens pratiquent une activité sportive au moins une fois par semaine et 49 % au moins une heure par semaine. De plus, il apparaît que la pratique féminine est aussi importante que la pratique masculine, même si celles-ci sont différentes. Par ailleurs, les contraintes diffèrent en fonction des territoires. En effet, la pratique sportive apparaît moins développée dans certains secteurs de la zone dense où les équipements sont plus diversifiés mais insuffisants en nombre par rapport au poids de population (Paris et Seine-Saint-Denis notamment). Il en va de même en territoire rural mais pour des raisons différentes (faible variété d’équipements). Les territoires les plus sportifs sont ceux de la zone dite intermédiaire. Les réponses à apporter en matière de pratiques sportives divergent en fonction des territoires. En matière d’impact, les médias constituent de plus en plus un facteur d’influence. A titre d’illustration : six mois après les Jeux de Londres, 2 % des Franciliens âgés de 15 ans et plus avaient déclaré avoir repris ou démarré une activité sportive. Parmi cette population, la part entre les hommes et les femmes était similaire. La moitié de ces personnes pratiquait une activité sportive hors club. La discipline principale était la natation. La plupart des personnes ayant recommencé à s’adonner au sport ont effectué un retour vers une ancienne pratique. Il convient également de signaler une croissance de 26 % de pratiquants au lendemain de la coupe du monde 2007 de rugby, contre une moyenne de 5 % les trois années précédentes. Néanmoins, cette croissance concerne principalement les jeunes garçons. En outre, il s’avère complexe de maintenir cette progression. En effet, le taux d’abandon deux ans après cette coupe du monde s’établissait à 35 %. Les raisons sont diverses et renvoient notamment à la difficulté des clubs à faire face à l’affluence et à des mauvaises conditions d’accueil. Par ailleurs, depuis la fin des années 1980, le taux de pratique sportive ne progresse plus vraiment dans la population. Le taux de pénétration des licences s’établit à 0,6 % par an depuis 2000. A Londres, une augmentation de 7 % de pratiquants réguliers entre 2005 et 2012 a été observée. A l’issue des Jeux Olympiques, le taux de pratique est redescendu à un niveau inférieur à celui de 2012. A partir de ce constat, le gouvernement et le Maire de Londres en ont conclu qu’il ne s'agit pas seulement de dire aux gens de faire plus d'exercice parce que c'est bon pour eux, « il s'agit de leur donner l'opportunité d’être actif d'une manière qui corresponde à leur vie quotidienne et qui convienne à leurs intérêts ». Et pour cela il faut une analyse fine des attentes et contraintes par public. Ils ont donc conçu un nouveau programme en 2014 intitulé « moving more living more » pour promouvoir l’activité physique et construire l’héritage des Jeux. Afin d’attirer trois millions de sportifs supplémentaires d’ici 2024 en France, les marges de manœuvre renvoient à la mobilisation des femmes, des adolescents, ainsi que des catégories éloignées du sport, à l’instar des personnes en situation du handicap ou des seniors. En ce qui concerne la pratique en club, toute la difficulté pour les collectivités et les associations sportives va être d’anticiper la demande pour l’accueillir dans de bonnes conditions afin de la conserver ensuite. Lorsqu’un événement est multi -discipline comme les Jeux, il est difficile de savoir où va porter cette demande. Il faut donc que les collectivités soient pro-actives, si possible dans une réflexion intercommunale : choisir dès aujourd’hui, une ou deux disciplines olympiques ou paralympiques en menant un bilan de la situation actuel sur leur territoire (disciplines en extension, celles en déclin), en s’informant sur les stratégies fédérales/ligues et comités en amont (ex. FFB et développement du basket 3X3 tout juste entré aux Jeux, skate en démonstration, etc.) et évaluer les besoins en encadrement et installations (construction, extension, temporaire…), etc. Ce n’est qu’à cette condition, d’être pro-actives et non attentistes, que les collectivités maximiseront les retombées attendues sur la pratique en club et qu’elles capitaliseront dans le temps ces retombées. Centre national de la fonction publique territoriale 6
JO PARIS 2024 : EVENEMENT INTERNATIONAL ET ENJEUX LOCAUX Emmanuel BELLANGER Evoquons maintenant la situation du Département de la Seine-Saint-Denis et étudions ce que ce dernier peut apporter aux Jeux Olympiques et inversement. PERSPECTIVES POUR LE TERRITOIRE DE SEINE-SAINT-DENIS Pascal MATHIEU Mission Jeux Olympiques, Conseil départemental de la Seine-Saint-Denis La Seine-Saint-Denis est au « cœur des Jeux Olympiques » selon les termes employés par Tony Estanguet et Anne Hidalgo. Ces Jeux conduisent à une double transformation, celle du territoire et celle de l’image du territoire, à travers la construction d’un village olympique, le déploiement de 27 sites d’entraînement dans le Département (sur les 50 officiels), etc. Cette situation change le visage de la Seine-Saint-Denis. Il n’en demeure pas moins qu’un travail devra être mené afin de modifier l’image de ce territoire auprès des Parisiens, des Franciliens, mais également des habitants de la Seine-Saint-Denis. Au-delà de la livraison des équipements et de la bonne organisation de l’événement, les critères de réussite de ces Jeux Olympiques ne peuvent pas se limiter aux exploits sportifs ainsi qu’à l’accueil des spectateurs et des délégations sportives. En effet, le succès nécessitera l’implication des populations et l’apparition de bénéfices culturels, économiques, sportifs et sociaux. Le fait de ne pas penser à la requalification de quartiers environnants serait préjudiciable à la réussite des JO. A titre d’illustration, l’Euro 2016 a représenté un réel succès sur de nombreux aspects. Toutefois, nous n’observons plus aucune trace de cet événement en Seine-Saint-Denis. La Seine-Saint-Denis dispose de nombreuses ressources pour la préparation des Jeux Olympiques : les mutations urbaines à l’œuvre, à l’instar du Grand Paris ; la jeunesse ; la diversité ; le dynamisme ; les projets sportifs et culturels ; la culture du travail de la co-construction, héritage des événements passés (Coupe du monde de rugby, Coupe du monde de football, etc.). Trop souvent le Département de la Seine-Saint-Denis est stigmatisé en raison de sa jeunesse et d’une partie de sa population confrontée à un taux de chômage élevé. Or, il importe que cette « Génération 2024 » constitue une force dans le cadre de ces Jeux Olympiques. Afin de relever ce défi, le Département s’organise avec la création d’une Délégation aux JO de Paris (DéJOP), constituée de personnes permanentes et également de référents dans chacune des Directions de la collectivité. Cela permet de définir un projet collectif et de le mettre en cohérence. Le Département élabore également un plan de mobilité qui devrait faire l’objet d’une délibération le 13 septembre prochain. De surcroît, il est prévu de créer un espace matériel et immatériel de rencontre des acteurs et des projets, à savoir « la Fabrique ». Les Jeux Paralympiques se sont déroulés pour la première fois à Rome en 1960. Il s’agit d’un événement à part entière qui dispose de son propre logo. Ces Jeux comptent 22 sports et un grand nombre de podiums. Leur durée est de 11 jours. Il apparaît tout à fait possible de s’appuyer sur ces Jeux Paralympiques afin d’agir sur le territoire. En effet, cet événement correspond à une fête, avec une cérémonie d’ouverture et une cérémonie de clôture, mais aussi à un spectacle avec un message, à des diversités de situation de handicap. Certaines disciplines sont connues tandis que d’autres n’appartiennent qu’à ces Jeux, comme le rugby fauteuil ou de la Boccia. Cette dernière discipline n’est pas pratiquée en France, ce qui ouvre des possibilités. En d’autres termes, l’olympisme permet de changer les regards sur le handicap, sur la perte d’autonomie. Il semble donc opportun de se servir de ces Jeux afin de conduire une politique publique vers l’inclusion. Un travail est réalisé afin que ces Jeux soient un levier sur les politiques publiques. Il renvoie aux éléments suivants : défi à l’accessibilité ; constitution d’un public pour les Jeux Paralympiques ; promotion de la différence ; qualification des connaissances, création de services ; cohérence d’intervention. Il conviendra de bien faire comprendre aux habitants qu’ils ont un rôle à jouer dans l’inclusion. Enfin, je signale les trois outils suivants : un plan autonomie, un projet de territoire sport et handicap ainsi qu’un projet de Pôle inclusif et sportif en lien avec la Ville de Paris. Centre national de la fonction publique territoriale 7
JO PARIS 2024 : EVENEMENT INTERNATIONAL ET ENJEUX LOCAUX DEBAT AVEC LA SALLE Une participante, Directrice des Sports, Paris- Saclay Le projet sport et handicap me semble très intéressant. Sur le Département, les budgets ont-ils été mis en place ? Par ailleurs, de quelle manière le Département ou la Ville de Paris peuvent-ils agir sur les médias afin d’accroître l’audience des Jeux Paralympiques ? Pascal MATHIEU Les budgets ne sont pas extensifs, ce qui suppose de déterminer des solutions et de réaliser des économies afin d’effectuer un redéploiement sur un certain nombre d’objectifs. Néanmoins, nous serons évalués sur notre capacité à faire. Il importe également de conduire des politiques sectorielles. Karim HERIDA Les moyens renvoient aussi à la manière de prioriser les stratégies. Une politique publique, notamment sur la question du handicap et du sport, doit disposer de sources de financement complémentaires. Concernant la problématique de la médiatisation, le chemin à parcourir est immense. Nous disposons de chaînes publiques qui jouent le jeu, mais il ne s’avère pas évident de diffuser sur toute leur durée ces Jeux Paralympiques. Il s’agit d’un chantier prioritaire permettant de déployer des stratégies, mais également d’obtenir davantage de financements. La médiatisation constitue un élément de stratégie majeur. Alain PASTY, Directeur Général des Services de la Ville de Saint-Ouen Cette problématique des Jeux Olympiques nous intéresse tout particulièrement à Saint-Ouen. Je me demande si nous sommes en capacité, avec des moyens financiers plus contraints, de se projeter sur un plus grand accès au sport mais également de gérer les bâtiments. Par ailleurs, l’adhésion constitue un élément essentiel. Toutefois, ce sujet n’est pas encore gagné à ce jour. En effet, certaines personnes peuvent formuler des inquiétudes, notamment en raison de la sécurisation importante des lieux pendant la durée des Jeux. Ce point nécessitera d’expliciter des réponses. De surcroît, l’existence de bâtiments historiques pourrait permettre aux habitants du Département de s’identifier, même si ce pari n’est pas encore gagné. Il apparaît également indispensable que les habitants observent concrètement les retombées économiques et sociales. Enfin, la Ville de Saint-Ouen qui est concernée par l’implantation du village olympique est limitrophe d’un quartier en rénovation urbaine, à savoir le « vieux Saint-Ouen ». Le village olympique devra participer à la rénovation urbaine, en s’accrochant à ce « vieux Saint-Ouen ». La contrainte budgétaire ne devra pas se faire au détriment de la qualité urbaine. Une autre inquiétude concerne la gouvernance. Des élus risquent d’être mis de côté, voire dépossédés de certains de leurs pouvoirs, pour des raisons d’exigence de calendrier. Hélène CAROUX La difficulté budgétaire relative à l’entretien des bâtiments patrimoniaux constitue une réalité. Au moment de leur construction, les acteurs de l’époque n’avaient pas pensé à un certain nombre de coûts. Ces Jeux peuvent constituer une opportunité afin de procéder à la réhabilitation d’un certain nombre d’équipements patrimoniaux dans l’optique de leur donner une nouvelle vie. L’association des habitants à ce patrimoine sportif et bâti semble pertinente. Pascal MATHIEU J’ai participé à des échanges avec des collégiens dans des établissements scolaires à propos des Jeux Olympiques. Nous avons eu l’occasion d’aborder la question de l’héritage. Cela doit être considéré dès à présent :il convient de ne pas attendre six ans et donc d’expliquer dès aujourd’hui aux habitants ce que nous envisageons en termes d’héritage. Concernant les équipements, ces Jeux Olympiques représentent l’occasion de participer à leur rénovation et de changer leur modèle économique. Karim HERIDA Il me semble essentiel de ne pas prêter aux Jeux Olympiques des vertus qui ne seraient pas les leurs au risque d’aboutir à des déceptions. En effet, les Jeux Olympiques ne remplaceront jamais l’Etat ou les collectivités. Il conviendra de définir un projet clair en ce qui concerne les attendus de ces Jeux et de faire en sorte que chacun trouve une place dans le projet global, mais également de mettre les politiques publiques en dynamique. Cela pose la question des lieux de collaboration. Je comprends que certains élus ont l’impression d’une confiscation de leur pouvoir : cette situation est parfois observée dans le cadre de la conduite de grands projets. Le Comité d’Organisation des Jeux doit relever un grand défi, à savoir que les territoires entrent dans la logique d’organisation de l’événement. Par ailleurs, il faut écouter les habitants pour savoir ce qu’ils attendent de ces Jeux Olympiques. Cette qualité de concertation ne se décrète pas : elle mérite d’être construite. Les Jeux Olympiques devront être profitables dans la vie quotidienne. Les moyens devront être concentrés sur un certain nombre de priorités. 8 Centre national de la fonction publique territoriale
JO PARIS 2024 : EVENEMENT INTERNATIONAL ET ENJEUX LOCAUX Claire PEUVERGNE Il me semble que les discours autour du sport n’ont jamais été aussi importants depuis la candidature de la Ville de Paris. Le sport se déploie au cœur des politiques publiques, ce qui suppose de mener une réflexion collective et d’innover quant à la manière de faire en sorte que la pratique augmente. Une participante, Directrice du Temps Libre, Cachan Une réflexion a été engagée afin d’utiliser les Jeux Olympiques comme un outil pour travailler sur les politiques publiques. Nous souhaitons œuvrer à propos de l’accès à la pratique sportive, à l’éducation, au sport- santé, au sport bien-être, etc. Toutefois, nous ne disposons pas au sein de nos collectivités de personnes « dédiées » afin de travailler sur les Jeux Olympiques. Il serait intéressant de capitaliser sur votre expérience. Je vous invite également à déterminer un espace collaboratif de afin de gagner en efficacité. Une participante, Communauté urbaine Grand Poitiers Au-delà du développement des pratiques et de l’adhésion, nous nous interrogeons à propos de la place des territoires de province dans cet héritage. De quelle manière des territoires de province seront-ils choisis ? Antoine BARDET, DGA Neuilly-sur-Marne Toute la Seine-Saint-Denis n’est pas touchée par ces Jeux Olympiques. De surcroît, je voudrais souligner que nous nous réunissons autour du sport, mais n’oublions pas que nous attendons des remontées en termes de tourisme. Un participant, Directeur des Sports, Gennevilliers Je m’interroge à propos du caractère profitable des Jeux Olympiques pour les territoires. A ce stade, nous ne disposons d’aucune visibilité en matière d’héritage. A Gennevilliers, nous avons la chance de bénéficier d’un bon taux d’équipement et d’atouts que nous pouvons faire valoir. Comment profiter de cet événement pour laisser des équipements en héritage et procéder à la rénovation de certains ? Je souhaite disposer de précisions à propos des interlocuteurs que nous pouvons solliciter afin de faire en sorte que les villes populaires ne soient pas exclues de cette initiative. Martin CITARELLA Vous n’ignorez pas que le fonds CNDS a été très significativement réduit cette année. Le fait de communiquer un tel message un an après l’obtention des Jeux pose question. En outre, nous ne pouvons pas tout attendre des Jeux Olympiques. Plus précisément, ils ne règleront pas l’ensemble des problèmes du sport en France. Enfin, quelles seraient selon vous les bonnes méthodes de « lobbying » pour le sport ? Karim HERIDA Vous avez soulevé dans vos interrogations la thématique de l’animation du territoire. C’est au Comité Olympique et à l’Etat de prendre position. Cette problématique de la diffusion du bénéfice de l’organisation des Jeux en France constitue un sujet majeur pour l’Etat. Les retombées seront plus importantes et dépasseront la seule échelle de l’Ile-de-France. Pascal MATHIEU Les Jeux Olympiques ont effectivement été attribués à Paris. Néanmoins, l’héritage des Jeux n’appartient pas à Paris, au COJO ou à la Seine-Saint-Denis. Il revient à chacun de s’en emparer. A titre d’illustration, la Maire de Paris s’est engagée à faire en sorte qu’il soit possible de se baigner dans la Seine, ce qui implique par exemple Neuilly-sur-Marne. Cette question de l’héritage ne sera pas dictée par la Ville de Paris ou par le Département. Hélène CAROUX Un moyen de lobbying peut par exemple se rapporter au mécénat. Dans ce cadre, de grandes entreprises pourraient intervenir sur des monuments. Un participant Je vous invite à ne pas oublier le lancement du concept « Génération 2024 ». En outre : à l’occasion de l’Euro 2016, le déploiement de la fan zone était excellent et les personnes à mobilité réduite ont pu y accéder, ce qui semble essentiel. 9 Centre national de la fonction publique territoriale
JO PARIS 2024 : EVENEMENT INTERNATIONAL ET ENJEUX LOCAUX LES JEUX OLYMPIQUES ET PARALYMPIQUES : POLITIQUES URBAINES, PARTICIPATION DES HABITANTS, IMPACTS ET ATTRACTIVITE DES TERRITOIRES Isabelle TRIMAILLE Nous avons le plaisir d’accueillir de nouveaux intervenants pour cette seconde partie de journée. Malheureusement, Laurent Besozzi de la Région PACA ne pourra pas être parmi nous. Il nous a communiqué sa présentation, qui vous sera envoyée. Emmanuel BELLANGER Nous avons évoqué au cours de la matinée les enjeux relatifs aux Jeux Olympiques en lien avec la thématique de l’héritage. Nous accueillons désormais un sociologue qui participe à l’aventure de la revue Métropolitiques. Il développera notamment la problématique de la « ville olympique ». JEUX OLYMPIQUES ET POLITIQUES D'AMENAGEMENT : QUELS EQUIPEMENTS POUR QUELLES VILLES ? QUELLES CONSEQUENCES SOCIALES ET URBAINES ? Clément RIVIÈRE Sociologue, Maître de conférences à l’Université de Lille Je suis sociologue et membre du comité de rédaction de la revue Métropolitiques, accessible en ligne gratuitement et abordant des thématiques spatiales et territoriales. Dans ce cadre, nous essayons de croiser les regards d’acteurs et de chercheurs. J’évoque en premier lieu la situation du quartier du Parc des Princes à Paris, problématique à propos de laquelle j’ai travaillé il y a dix ans. Je me suis plus particulièrement intéressé aux modalités de « coprésence » de populations diverses, au cœur d’un quartier bourgeois. Le Parc des Princes est localisé dans un espace à la frontière du 16ème arrondissement et de Boulogne- Billancourt. Il concentre un nombre important d’équipements sportifs de grande capacité. Cette concentration est liée à l’évolution de la périphérie parisienne. D’un point de vue historique, plusieurs transformations urbaines majeures sont à prendre en considération. Signalons tout d’abord l’aménagement du Bois de Boulogne, intervenu au 19ème siècle, avec la construction d’un lotissement appelé Parc des Princes. A l’époque, le quartier était régi par des règles d’urbanisme particulières qui empêchaient l’existence d’activités commerciales et industrielles. De surcroît, en 1897 est inauguré un vélodrome qui devait à l’origine être provisoire. La démolition du mur des fortifications après la Première Guerre Mondiale entraînera des conséquences significatives, en dégageant une bande de terre correspondant à la zone de défense miliaire pour la construction d’équipements, particulièrement nombreux entre la Seine et la Porte d’Auteuil. En moins de 15 ans sont inaugurés le stade Jean Bouin, Roland-Garros et la piscine Molitor. Par ailleurs, le Parc des Princes sera reconstruit en 1932. A la fin des années 1960, la percée du boulevard périphérique conduit à la destruction d’une partie des gradins du stade vélodrome, ce qui entraîne la reconstruction du Parc des Princes actuel, inauguré le 4 juin 1972. Les acteurs chargés de ce projet n’avaient prévu aucune place de parking supplémentaire afin d’accueillir les spectateurs. Cette situation s’explique notamment par le fait qu’il n’était pas envisagé que le stade accueille un club résident. Pourtant, dans les années 1980, différents succès footballistiques du Paris- Saint-Germain permettront de fidéliser un public, ce qui conduira à une forte fréquentation du Parc. Ce quartier du Parc des Princes accueille deux équipes de très haut niveau, à savoir le PSG et le Stade Français. Ce dernier a obtenu la construction d’un nouveau stade à la place de l’ancien stade Jean Bouin. La présence de ces équipements entraîne des désagréments pour les habitants du quartier, à l’instar de la pollution sonore à l’occasion des concerts, du stationnement d’un nombre significatif de véhicules ou d’aspects liés au maintien de l’ordre. Ces différents éléments invitent à penser le rôle des institutions sportives professionnelles qui s’emparent d’un équipement et qui jouent un rôle pouvant s’apparenter à une certaine emprise. J’ai ainsi proposé le concept de « stadisation », en m’inspirant des travaux conduits par les sociologues Monique et Michel Pinçon-Charlot à propos de la « boulevardisation » de certains beaux quartiers parisiens. Un autre dossier à propos duquel j’ai eu l’occasion de travailler renvoie à la problématique des stades construits ou rénovés lors de l’Euro 2016. A travers l’organisation de cet événement, il s’agissait de rattraper ce qui était perçu comme un « retard français » en matière d’accueil. Quatre des dix stades retenus pour la compétition ont été construits, cinq ont fait l’objet d’une restructuration, et le Stade de France existait déjà. Ces travaux s’inscrivent dans un mouvement de transformation du spectacle du football, avec pour ambition d’attirer de nouveaux publics et d’optimiser la rentabilité des équipements. Centre national de la fonction publique territoriale 10
JO PARIS 2024 : EVENEMENT INTERNATIONAL ET ENJEUX LOCAUX Un nouveau modèle de stade s’était déjà imposé dans les années 1990, avec des équipements plus sécurisés et proposant un accueil plus confortable, avec des tarifs plus élevés, dans une logique de montée en gamme des prestations et du public (plus familial et plus fortuné). A l’échelle des agglomérations, les localisations périurbaines sont privilégiées afin que les abords des stades deviennent des lieux de consommation. Ce dossier soulève deux questions en termes de conséquences urbaines et sociales. La première renvoie à une transformation de la composition sociale des publics (vers des stades « sans le peuple » ?). La hausse de la tarification a entraîné une modification de la population fréquentant ces lieux, avec une augmentation de la représentation de catégories sociales plus favorisées. Autrement dit, ces « nouveaux stades » attirent davantage des clients que des supporters. Ce constat qui concerne le football doit amener à veiller à l’accès aux compétitions sportives au public francilien peu fortuné et plus largement aux populations qui résident à proximité des lieux où se dérouleront les Jeux Olympiques. La seconde question renvoie à la notion de « stades des champs », en tension avec les objectifs de durabilité. A ce titre, les exemples des stades de Nice et de Lyon sont significatifs. Par ailleurs, cette situation pose la question du futur des anciens stades (reconversion, patrimoine). Enfin, j’évoque brièvement un projet de dossier intitulé « villes olympiques » que nous souhaitons développer dans la revue Métropolitiques. L’idée consiste à proposer un retour critique sur l’expérience de différentes villes organisatrices de JO comme Londres, Rio ou Barcelone et d’étudier l’impact en termes de changement urbain (gouvernance, transport, logement). A titre d’illustration : les Jeux Olympiques de Rio ont entraîné le déplacement forcé d’environ 70 000 personnes. Une autre dimension qui sera abordée dans le dossier se rapporte au dépassement quasi-systématique des budgets prévisionnels présentés par les villes candidates à l’organisation des Jeux Olympiques. Nous sommes preneurs de vos contributions dans ce cadre. LES « JEUX PARIS 2024 » ACCELERATEURS DU DEVELOPPEMENT TERRITORIAL Céline TERRIER-LAURENS Directrice du pôle ambition écologique et héritage, Société de livraison des équipements olympiques (SOLIDEO) Je travaille à la SOLIDEO, société de livraison des ouvrages olympiques. L’implantation du village olympique ou du village des médias a été intégrée à la planification existante, en lien avec l’arrivée du Grand Paris Express. Le village des médias accueillera 4 000 des 22 000 journalistequi seront amenés à couvrir les Jeux, ce qui soulève un réel enjeu de communication. Je présente le schéma d’organisation des Jeux. Nous construisons les ouvrages qui seront amenés à être pérennisés. Le COJO doit organiser les Jeux pour le compte du CIO tandis que l’Etat est garant en termes financiers en dernier recours. Une cinquantaine d’objets devra être livrée, de la rénovation de la RN2 à la construction d’un village olympique. Nous aurions pu avoir, comme à Londres, un seul maître d’ouvrage. En France, dans une logique de décentralisation, nous avons 29 maîtres d’ouvrage. La Ville de Paris et le Conseil départemental de Seine- Saint-Denis 93 sont par exemple des maîtres d’ouvrage. La SOLIDEO a été créée par la loi comme une interface afin de mener à bien la livraison pour le compte du CIO. Les missions de la SOLIDEO se déclinent comme suit : se mettre d’accord sur le programme olympique et post olympique pour chaque objet ; centraliser tous les financements ; être MOA du village des athlètes et du cluster des médias ; garantir la livraison des bons objets, à la bonne date et au bon coût (supervision) ; se substituer en cas de défaillance du maître d’ouvrage. Cette logique de substitution est liée à l’urgence de devoir construire à temps. Nous signerons des contrats d’objectifs comprenant des éléments à propos des coûts, des délais ou du développement durable notamment avec l’ensemble des maîtres d’ouvrage. Il conviendra de faire en sorte que les objectifs de qualité, de coût ou de délai ne dérivent pas. Cette méthode permet un management du risque le plus efficace possible. Les grandes étapes sont les suivantes : 2018 : établir des bases solides et calage technique ; 2019 : choix des opérateurs privés et maîtrise foncière ; 2020 : premiers travaux/autorisations administratives ; 2021-2023 : travaux ; 2024 : accompagnement du COJO pour livrer à temps ; 2025 : reprise de la partie héritage (reconversions). Centre national de la fonction publique territoriale 11
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