TRANS FORM - ENSA Normandie
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TRANS
FORM L’enseignement du projet
d’architecture de reconversion /
transformation / réhabilitation
au sein de l’Ensa Normandie
6
Les cahiers
de l’École nationale
supérieure d’architecture
de Normandie
Glossaire
TRANS
FORM L’enseignement du projet
d’architecture de reconversion /
transformation / réhabilitation
au sein de l’Ensa Normandie
Termes généraux Postures architecturales
Réhabilitation : terme Reconversion : elle concerne Addition : l’élément
général (anglais : la transformation d’usage additionnel est ajouté
rehabilitation, italien : (terme anglais : « re-use ») à l’élément existant
recupero). Il s’agit de d’un édifice dont la fonction – ils ne sont pas
« prolonger la vie d’un est obsolète; cette opération forcément identiques.
bâtiment en processus implique le plus souvent
Multiplication :
d’obsolescence, pour le une modification des
l’élément additionné
rétablir dans son estime » espaces d’origine, afin
est de la même famille
(Dictionnaire Le Robert). d’y introduire de nouvelles
que celui originel,
Le terme réhabilitation fonctions.
il s’agit d’une répétition.
est général, il peut inclure
Reconstruction :
restauration, reconversion Inclusion ou insert :
elle concerne les sites,
et ajouts de greffes. l’élément additionnel
en général urbains, démolis
est inclus dans l’élément
Rénovation (urbaine) : par une guerre, un séisme,
existant.
il s’agit d’un processus sans réhabilitation du bâti
de démolition et de existant. Superposition : l’élément
reconstruction neuve, additionnel forme
Démolition/Déconstruction :
appliquée à l’échelle une couche par rapport
il s’agit de deux termes
urbaine, notamment pour à l’élément existant.
utilisés pour la destruction
la résorption des quartiers
volontaire d’un édifice, Juxtaposition : l’élément
insalubres (procédure
et pouvant précéder additionnel est à côté
issue de la Loi Vivien
une construction neuve. de l’élément existant
de 1971).
– c’est l’addition
Opération mixte :
Amélioration : elle concerne d’une nouvelle couche.
aujourd’hui, dans les
des mesures d’entretien,
centres-villes et banlieues, Intrication : l’élément
de mise au confort
on associe fréquemment additionnel est emmêlé
et de mise aux normes,
la réhabilitation ou et enchevêtré avec
à caractère technique, sans
reconversion d’édifices l’élément existant.
modification des espaces
avec une greffe en addition
d’origine.
ou surélévation, ainsi que
Acronymes
Restauration : il s’agit des démolitions partielles.
de sauvegarder ou ENSA : École nationale
Friches : espaces bâtis
de restituer, le plus souvent supérieure d’architecture
ou non bâtis, désertés
à l’identique, ou par
depuis plus d’un an, TPCAU : Théories et
rapport à un état antérieur,
et souvent dégradés Pratiques de la Conception
les éléments disparus
par leur usage antérieur, Architecturale et Urbaine
ou existants d’un édifice
ou par leur abandon
possédant en général STA : Sciences et Techniques
prolongé. (Définition
une valeur patrimoniale pour l’Architecture
donnée par E. Réal).
sans modification d’usage,
SHS : Sciences Humaines
retour à un état initial,
et Sociales
comme par exemple pour
les Monuments Historiques. HCA : Histoire et Cultures
Architecturales
DRAQ : Diagnostic
et Réhabilitation des
Architectures du Quotidien
PFE : Projet de Fin d’Études
éditions point de vues
TRANS
FORM L’enseignement du projet
d’architecture de reconversion /
transformation / réhabilitation
au sein de l’Ensa Normandie
Ouvrage publié avec le soutien
du ministère de la Culture
et de la Communication,
direction générale des patrimoines,
sous-direction de l’architecture
de la qualité de la construction
et du cadre de vie
6
Les cahiers
de l’École nationale
supérieure d’architecture
de Normandie
TRANS-FORM
TRANS- Mathias Ader,
président du conseil
d’administration
Les contributions réunies
dans cet ouvrage sont de :
Françoise Lucchini,
géographe, maître
de conférences
Les travaux exposés
dans cet ouvrage ont été
sélectionnés parmi
Abdeslam Edith
Achte Sébastien
Ait Abdeslam Kamal
Boutefroy Cyrielle
Bouton Etienne
Brahmi Nabil
Dos Santos Elodie
Doudet Charlotte
Dousson Mathilde
FORM de l’Ensa Normandie
Fabienne Fendrich,
Jean-François Belhoste,
ingénieur, historien,
enseignant EHESS,
Université de Rouen
Odile Massot, maître
ceux des étudiants
ayant suivi les différents
cursus de réhabilitation
Alistar Christina
Alkhaddour Saja
Amey Olivier
Bredel Chloé
Breuil Aurélie
Briand Marion
Du Pierre-Alain
Dubois-Essirard Ophelie
Dupuyé Clément
L’enseignement directrice Ensa Normandie de conférences, Université
du projet d’architecture à l’Ensa Normandie : Anger Laura Buitrago César Durand Marjolaine
de l’Ensa Normandie d’Angers, intervenant dans
de reconversion / Marion Busson, Araruna Neves Maria Busson Marion Durand Thibaut
le cadre du Master DRAQ
transformation / architecte, intervenant Do Socorro Caillouel Alice Dusailly Anaïs
réhabilitation au sein dans le cadre du Master Alessandro Mosca, Ardouin Laure Cakir Mehmet Dusanter David
de l’Ensa Normandie DRAQ architecte, Arzul Frédéric Cantais Julien Duval Sigrid
enseignant TPCAU Aurousseau Pascal Carpentier Pierre-Olivier Egrot Estelle
Agnès Cailliau,
Directeur de la publication Bah Amadou Oury Catelain Maxime Erquinigo Agurto Caridad
architecte AUE, Aline Pichavant
Fabienne Fendrich, Baillet Marie-Sophie Cavey Pierre-Yves Estrella Diaz Corita
Présidente de DOCOMOMO, (SEMAD), intervenant
directrice Ballouard Anthony Cerdelli Emmanuelle Eveille Marion
enseignante TPCAU dans le cadre
Barre Jeanne Chaim Dhouher Ezzaini Ouiame
Direction scientifique Ensa Normandie du Master DRAQ
Barthoulot Jérémy Chakroun Ghada Ferou Dorine
Jean-Bernard Cremnitzer, Jean-François Chiffard, Gorka Piqueras, Basso Alexis Champinot Fanny Fossey-Yang Hélene
maître-assistant TPCAU architecte, intervenant architecte, intervenant Baylet Charles Chen Lei Fournil Quentin
Coordination dans le cadre du Master dans le cadre du Master Beaudelin Marion Cherifi Boufeniche Stéphane Fremy Marie-Charlotte
Martine Fouquet, DRAQ DRAQ Beaussart Alexis Chernova Eugénia Gaimard Julien
Service de la communication Bedrane Newel Chevrier Juliette Galimand Pierre
Cyrille Compère, Hervé Rattez,
de l’Ensa Normandie Beignon Delphine Chivot Claire Gandre Thomas
Directeur CDAH architecte,
Bekhti Youcef Choula Michel Garnier Jessilia
Conception et réalisation enseignant TPCAU
Jean-Bernard Cremnitzer, Belin Claire Clin Anne Cécile Gaudin Mélanie
graphiques : architecte, Emmanuelle Réal, Belkacemi Roza Coignet Hélène Gauvain Alexandre
Volume Visuel / Cyril Cohen enseignant TPCAU historienne, Inventaire Ben Aiisa Moez Colin Clémentine Geant Marion
Région Haute-Normandie Ben Soltane Wael Colombel Laura Geant Aude
Patrick de Jean, architecte,
Benanti Philippe Crevon Guillaume Genereux Juliane
enseignant TPCAU Frédéric Saunier,
Benchakroune Younès Cure Maxime Genet Melissa
architecte, enseignant HCA
Sabine Dupuy, Bendjellal Abdallah Dache Fiona Giraudet Lucie
sociologue, enseignante SHS Robert Schlumberger, Benkhaled Mohand Dadzie Olivia Glabik Marie
architecte, enseignant Amokrane Daniel Jeanne Godard David
Peggy Garcia, architecte,
TPCAU Benterkia Mehdi Danous Chloé Gogibu Annabelle
intervenant dans le cadre
Berjemin Raphaël Darabid Zahra Gogo Ségolene
du Master DRAQ Christine Simonin-Adam,
Bernage Isabelle De Lima Ramos Juliana Gosselin Jonathan
architecte, enseignante STA
Patrice Gourbin, historien, Bernardin Mathieu Decosse Caroline Goubert Bertrand
enseignant Ensa Pierre Weiler, Berrada Safae Dehays Helene Goujon Céline
Normandie architecte, intervenant Bertrand Jérôme Dejan Elsa Goumy Laura
dans le cadre Biard Pierre Delacroix Zoé Grandpierre Samuel
Joe Kamar, architecte,
du Master DRAQ Bilbille Quentin Delahais Cedric Grehan Jéremie
intervenant dans
Blanchet Lorian Delamotte Victor Greverend Julien
le cadre du Master DRAQ
Blin Justine Delamotte Richard Grippon Floriane
Alain Lelièvre, ingénieur- Blondel Flavien Delangle Enora Grira Zouhaier
expert, intervenant dans Boisanfray Charlotte Delattre Julien Guedin Lucie
le cadre du Master DRAQ Boissel Stéphanie Delbes Clement Guellati Radhia
Bonneville Celia Deneuve Eleonore Guemache Nawel
Maria Lopez-Diaz,
Boquet Hélios Desury Glenn Gueye Delphine
architecte, enseignante STA,
Bosseray Delphine Devaux Helene Guillossou Carole
intervenant dans le cadre
Botté Nicolas Diagne Mame Waly Hadjarab/oukfif Samira
du Master DRAQ
Bouclier Thomas Diallo Al Hassime HalbourgCéline
Boudot Pierre Dimitriadis Konstantinos Hamdad Djamila
Bougherara Fatma Dimpre Maxime Hammoutene Samir
Boulogne Jessica Diot Aurore Hani Sabrina
Bourlier Ludovic Dos Isabelle Hedouin Delphine
6 TRANS-FORM 7
Helouard Stéphane Le Normand Tiffany Motte Yannis Rosant Alice L’Ensa Normandie remercie
Henry Alexandre Le Rallic Pauline Moussa Souleymane Roussel Marion le ministère de la Culture
Henry Virginie Le Roux Lucille Moussaoui Zineb Ruano Leguizamon Cristina et de la Communication,
Heranval Anaïs Le Ruz Hugo Nabti Hassiba Ruault Lucie direction générale des patrimoines,
Herrero Alexandre Le Vourch Kevin Nadreau Paul Ruiz Rodriguez Francis- les enseignants, les étudiants,
His Arnaud Lebourg Romain Nana Tomen Lissette le service communication
Houdouin Mylene Lecointre Natacha Navarro ep Bellec Ivonne Salhi Oussama de l’Ensa Normandie,qui ont participé
Hu Na Legendre Andy Nayituriki Marie-Ange Sari Fakhredine à la réalisation de cet ouvrage.
Hurez Hélene Leleu Louise Ndiaye Bassirou Sauzereau Laetitia
Ibrou Abdelaj Lemaitre Enthony Neunreuther Christine Sharafi Mohammad
Iggui Karim Lemaitre Raphaëlle Nguyen Thai Hoa Sinault Clémence
Iju Patricia Lemesle Florian Noel Elodie Soffou Randa
Issadi Younès Lemperiere Loic Notheaux Laurence Somma Fabrizia
Izquierdo Emma Lemy Seraphin Ouallet Guillaume Sonsanne Yamba
Jacques Guillaume Lenoir Nicolas Ouhaggou Nabila Sorel Gaëtan
Jacquet Guillaume Leprevost Thomas Oukfif Kamel Soumare Souleymane
Jacquot Mathieu Lestienne Fanny Ouladj Zahia Souto Larissa
Jaunet Laura Lethelier Vincent Oussene Zaki Sun He
Jaxel Tiphaine Leuvard Charlotte Pagel Prevoteau Elise Tall Rahmata
Jeanne Pauline Li Wei Papadopoulou Athina Taquet Bertrand
Jeanne Flavie Ligny Dorothee Paris Camille Tardif Clemence
Jeudon Victor Linster Remi Pavon Sarah Tatem-Ouafo Vivien-Tadiam
Jolivet Aurelia Lucas Francois Pellerin Charlotte Terrier Thibaut
Jonglez Cassandre Lupescu Ioana Penteado Aranha Fabio Therier Marion
Jumeau Emmanuel Magoarou Nathan Perrin Francine Theron Benoit
Kainz Lena Mahadoo Dave Pertier Aravena Eduardo Théron Maxime
Keravel Claire Mahrour Mennad Peterson Paulina Thomas Quentin
Kheddouci Aniss Maillard Sebastien Petit Caroline Thomas Emile
Khima Sofiane Maillefer Nicolas Picaud Stephanie Thorel Odilon
Khelifi Bechir Malouai Lahcene Picault Alexandre Toutain Victor
Khoja Nora Mancaux Helene Pichenot Thomas Vaillant Anais
Konovalova Anna Mancini Antonio Piconnet Lise Vaissaire Lucile
Kostadinova Krasimira Manier Richard Pioline Mathilde-Alexia Van Gysel Gabrielle
Labe Roch Mannocci Daniel Pirot Maxime Vargas Lopez Olga
Lacaille Marie Marangon David Plantrou Claire Vargas Loria Maria paola
Lachaud Mathieu Marchand Camille Plouchard Lucille Vautier Sylvain
Lahaye Maxime Marechal Lenaic Poussier Helene Veaudequin Helene
Laine Antoine Mauger Guillaume Poyer Lucrece Viandier Arnaud
Lalou Jerome Maya Tatougang Preauchat Pauline Videloup Vincent
Langelin Clement Joelle Babette Prevost Fabien Viersac Antonio
Lapierre Justine Meger De Mello Ana-Paula Prouvost Adeline Villar Hernandez Faustine
Lapinte Camille Melocco Maxime Quignon Marie-Alexandra Vilpoux Pascale
Lascaux Marion Menager Carole Rabecq Paul Vivier Jeremy
Latouche Pauline Menendez Silvia Rabier Anne-Sophie Wada Hideki
Laurent Thibault Mennesson Juliette Racine Quentin Wahart Julien
Lauvernier Mathilde Merlin Pierre Rakotosolofo Tokiherinirina Yahyaoui Fethi
Le Nghiemhai Meyniel Olivier Rakotovao Sandra Yang-Fossey Helene
Le Barzic Anne Mezgec Adrien Raoul Margaux Zenouda Sophiana
Le Bras Vanessa Miath Emile Rehel Delphine Zinelabidine Hosni
Le Breton Marie Michelier Audrey Renault Clotilde
Le CavorzinEmilie Moinel Caroline Renaux Guillaume
Le Cleach Noemie Mompari Dieudonne Ricouard Aubane
Le Flohic Ronan Moreno Lucie Riffault Paul
Le Henaff Arnaud Moreno Maria Rocuet Emilie
Le Ninivin Anne-Cecile Morvan Coralie Rodriguez Veronica
8 TRANS-FORM 9
Préface Préface
Bertrand-Pierre Galey Luc Liogier
Depuis 2005, l’enseignement de l’architecture en France Dans ce cadre, la notion de réemploi est devenue une L’ouvrage que j’ai l’honneur de préfacer ici est le fruit La réhabilitation des friches industrielles, à laquelle
répond aux exigences d’intérêt général, définies notam- discipline à part entière – sinon fondamentale – de l’ar- de nombreux travaux, tous initiés, soutenus, encoura- une part importante de cet ouvrage est consacrée, est un
ment à l’article 1er de la loi du 3 janvier 1977. Il pré- chitecture d’aujourd’hui. gés, par l’École nationale supérieure d’architecture de sujet d’actualité. À Dieppe, à Darnétal, à Saint-Aubin-lès-
pare l’architecte à l’exercice de son rôle dans la société, Normandie, et en particulier par sa directrice, Madame Elbeuf, ou en Basse-Normandie à Lisieux, la réhabilita-
Bien au delà de la conservation et du respect du passé,
en ses divers domaines de compétence. Cet enseigne- Fabienne Fendrich. Qu’une école d’architecture soit tion de ces friches demande un savoir-faire et une capa-
il s’agit avant tout de transformer cet héritage, de trou-
ment contribue à la diversification des pratiques pro- implantée dans la région où j’exerce mes fonctions de cité à innover tout à fait exceptionnelles.
ver de nouveaux usages à d’anciens bâtiments dans une
fessionnelles des architectes, y compris dans leurs directeur régional, n’est pas un mince motif de satis-
approche concrète s’appuyant sur leur histoire. La On peut citer ainsi le nouveau lieu inauguré récemment
dimensions scientifique et de recherche. faction. Qu’elle rayonne sur deux régions ajoute à la
réhabilitation, la transformation d’un bâtiment, pose pour promouvoir l’innovation, Seine-Innopolis à Petit-
responsabilité que mon collègue de Basse-Normandie et
L’Ensa Normandie appartient au réseau des vingt écoles en parallèle la question de l’amélioration de la qualité Quevilly, dans l’ancienne usine de la Foudre, inscrite
moi-même partageons avec sa directrice. Mais qu’elle
nationales supérieures d’architecture, qui, dans le cadre d’usage et d’économie de l’existant. D’un point de vue à l’inventaire supplémentaire des Monuments histo-
s’intéresse plus particulièrement à la réhabilitation du
de l’harmonisation européenne, s’est pleinement ins- environnemental, cette manière de faire est souvent riques. Un tel investissement permet à la région de déve-
patrimoine, au fait de construire dans le construit, et
crit dans le processus « Licence Master Doctorat ». plus économique qu’une reconstruction totale. lopper son rayonnement européen.
ceci en partenariat avec l’Université, donne à cette
Elle s’est engagée dans son projet d’établissement à
La transformation d’anciens bâtiments est d’ailleurs de école une mission accrue notamment dans le cadre des Je souhaite que cette publication donne à tous, étu-
construire une école de l’invention, de l’initiative, et
plus en plus demandée aux architectes partout dans le objectifs de l’environnement durable que l’urgence de diants, professionnels, grand public, de nouveaux hori-
des possibles. Derrière ces mots porteurs de sens et
monde. la transition énergétique vient nous rappeler. zons vers une architecture qui recherche de manière
d’identité se trouvent des équipes enseignantes, admi-
diverse son caractère durable.
nistratives et étudiantes, qui interrogent les mutations C’est l’aventure difficile mais passionnante de cette L’ouvrage « TRANS-FORM » porte sur la réhabilitation
contemporaines de fabrication de l’architecture. Leur expérimentation au sein de l’Ensa Normandie que du patrimoine, une problématique questionnée par
ambition est d’ancrer dans un contexte marqué notam- retracent ces pages, celle de l’apprentissage du regard, l’école depuis de nombreuses années. Une école qui a su Luc Liogier
ment par la requalification de friches urbaines indus- de la compréhension de situations complexes à partir prendre le virage de l’enseignement de la réhabilitation Directeur régional
trielles et portuaires la formation de professionnels de d’un objet architectural existant. Elles témoignent souhaité par la ministre Aurélie Filipetti à la Biennale des affaires culturelles
l’architecture conscients de la responsabilité qui est la d’une nécessaire et saine confrontation des pratiques de Venise de 2012. Plusieurs enseignements répondent de Haute-Normandie
leur dans la transformation du cadre de vie, à travers pédagogiques et de recherche avec le monde tel qu’il est, à cette politique : un enseignement en cycle master
laquelle au fil du temps l’humanité façonne son milieu. que je suis heureux de saluer par ces quelques lignes. accompagné d’ un projet de fin d’étude option Réhabi-
litation et un master spécialisé mené en partenariat
En s’interrogeant ainsi, l’Ensa Normandie s’inscrit dans
avec l’Université du Havre, dans lequel le parcours
le mouvement qui traverse la réflexion la plus actuelle Bertrand-Pierre Galey
Directeur, adjoint au directeur général « DRAQ » (Diagnostic et Réhabilitation des Architec-
sur l’architecture et les politiques architecturales, que
des Patrimoines, chargé de l’Architecture tures du Quotidien) se poursuit en 2013-2014 en sont
traduisait en 2012, s’exprimant à la biennale de l’ar-
Ministère de la Culture et de la Communication les principaux exemples. Les étudiants déjà aguerris
chitecture à Venise, la ministre de la Culture Aurélie
peuvent acquérir cette spécialisation scientifique axée
Filippetti. Elle rappelait ainsi qu’elle souhaitait pour-
sur l’analyse du bâtiment, ancien ou contemporain,
suivre la réforme mise en place dans les écoles natio-
dans le cadre d’ une formation au diagnostic, aux patho-
nales supérieures d’architecture en application du
logies du bâtiment et à la recherche de réponses archi-
LMD en renforçant l’enseignement dans deux direc-
tecturales et techniques.
tions :
Les enseignants ont été amenés à effectuer un important
L’enseignement de la construction, de la matière, condi-
travail de recherche. Celui-ci fut mis en valeur notam-
tion matérielle et physique du bâtiment et élément essen-
ment par un colloque d’études de cas qui a eu lieu le
tiel de l’architecture,
7 mars 2013 à l’Ensa Normandie en présence de la pré-
Ll’enseignement de la réhabilitation et de la transfor- sidente de l’association DOCOMOMO France, Madame
mation des bâtiments considérant que c’est là un nou- Agnès Cailliau. Des cas prestigieux furent présentés en
veau champ disciplinaire de conception et de création matière de réhabilitation du patrimoine du XXe siècle par
architecturales à part entière, au même titre que la créa- exemple la Cité-Refuge de Le Corbusier, ou les travaux
tion d’un bâtiment neuf. réalisés en Angleterre sous la direction de l’architecte
Ernö Goldfinger.
10 TRANS-FORM 11
Introduction
Fabienne Fendrich
En août 2012, à l’occasion de la conférence de presse Cet ouvrage souhaite montrer que l’architecture, et la
sur le Pavillon français de la 13e biennale d’architec- TRANS FORM (ation) n’est pas seulement une affaire
ture de Venise, Madame Aurélie Filippetti, Ministre de de spécialistes et de techniciens, mais bien une disci-
la Culture et de la Communication annonçait qu’elle pline profondément ouverte sur notre quotidien. C’est
souhaitait accorder « plus d’attention aux productions là un nouveau champ disciplinaire de conception et de
de l’architecture contemporaine qui relèvent d’une cul- création architecturale à part entière, au même titre que
ture de la transformation (reconversion d’un bâtiment la création d’un bâtiment neuf.
ou rénovation d’un quartier), qui façonne l’espace public
L’école, fabuleuse boîte à outils, a été le réceptacle de tout
avec une extrême délicatesse et implique un travail dans
ce processus qualifiant :
la longue durée de l’histoire. Localement très importante
pour les habitants mais peu spectaculaire, cette patiente – des enseignements théoriques, de la conception à l’ap-
transformation, qui permet de réinventer le quotidien proche opérationnelle, des voyages pédagogiques, Turin,
des habitants, représente le défi des années à venir pour Lille, Barcelone, Ruhr… ;
notre cadre de vie et ne peut se faire sans les profession-
– des colloques thématiques et experts dont la recon-
nels du cadre de vie et en particulier les architectes. » …..
naissance a dépassé le cadre de l’école grâce en parti-
« L’architecture contemporaine ne doit pas être associée
culier au Master DRAQ et à son partenariat avec l’uni-
uniquement aux œuvres les plus significatives et les plus
versité du Havre ;
emblématiques de l’architecture publique contempo-
raine, mais aussi aux édifices dont la qualité ordinaire – la construction d’une véritable thématique Transform
fabrique le paysage d’une indispensable « architecture de identifiée dans le cycle Master, qui mène à un atelier
tous les jours »… éponyme de Projets de Fin d’Études ;
Ce légitime souci d’un cadre de vie qui réponde aux ques- – la structuration d’un axe de recherche « Patrimoine
tions architecturales, urbaines, paysagères, et particu- du XXe siècle » ;
lièrement en termes de réhabilitation, résonnait en moi
tel un organisme vivant grâce à l’expérimentation des
puisqu’il se trouvait être mis en application a l’Ensa
étudiants mais également aux principaux enseignants :
Normandie depuis plusieurs années grâce à une équipe
Jean Bernard Cremnitzer, Robert Schlumberger, Agnès
d’enseignants engagés dans leur pratique profession-
Cailliau, Gorka Piqueras, Emmanuelle Réal, Emmanuel
nelle et dans leurs enseignements théoriques.
Macé et bien d’autres…
Il nous a semblé alors évident que notre travail consis-
Qu’ils en soient grandement remerciés…
tait en la valorisation et la capitalisation de tout ce tra-
vail discret mené avec patience, persévérance, et sur- De plus, ils ont eu la savante intelligence de puiser les
tout compétences. sujets d’études dans notre territoire de façon à le doter
d’une attention toute novatrice et particulière au cœur
Tel est l’objectif et le sens de cet ouvrage.
des problématiques et des enjeux territoriaux d’au-
jourd’hui et de demain.
Alors longue vie à cette nouvelle discipline…
En espérant une belle lecture.
Fabienne Fendrich
L’Ensa Normandie
Directrice de l’Ensa Normandie
et son parc dans l’ancienne
usine textile Fromage.
Photo. Grégoire Auger
© Ensa Normandie
TRANS-FORM
1
1.1
HISTORIQUE ET
HISTORIQUE
DÉCLINAISON DES ENSEIGNEMENTS
DE LA RÉHABILITATION
1.2
ET CHAMPS
LES CHAMPS
D’INTERVENTION MAJEURS
DE L’ENSEIGNEMENT
DE L’ENSEIGNE-
MENT
14 TRANS-FORM 15
1.1 Un cycle de séminaires, organisé par la Direction de l’ar-
chitecture et du patrimoine (DAPA) en 2002 dans diffé-
rentes écoles d’architecture, et coordonné par Jean-Michel
Dans une deuxième phase, plusieurs modules et for-
mations en cycle Master général, à coloration « Réhabi-
litation », ont été élaborés sous l’égide de Fabienne Fen-
HISTORIQUE Knop, avait réuni divers spécialistes de la question de
l’enseignement de la réhabilitation (publication « projeter
drich, directrice de l’école, avec notamment les ateliers
de projet des semestres S07/SO9 (« Construire dans le
ET DÉCLINAISON l’ancien»), discipline alors absente de la plupart des écoles
d’architecture en France, et réservée, sous la forme de
construit » et « Architecture en situation »), et tout récem-
ment l’atelier de projet PFE S10 « TRANS-FORM ». Cette
post-diplômes, à quelques institutions axées principale- offre permet aujourd’hui aux étudiants qui le souhaitent
DES ENSEIGNE- ment sur les monuments historiques (École de Chaillot,
École d’Avignon, etc.), malgré le fait que ce secteur était
d’effectuer un parcours qui propose sur deux années
une appréhension progressive de la discipline Réhabi-
MENTS DE LA déjà majoritaire dans l’activité du bâtiment, et que la
réhabilitation était inscrite clairement dans les textes de
litation, échelonnée sur trois trimestres de master.
L’apprentissage de l’existant est également initié en
RÉHABILITATION la réforme de l’enseignement. L’une des principales ques-
tions avait été de définir si cet enseignement relevait de
cycle Licence par des exercices de projet, de relevés, et
un cours portant sur les théories de la réhabilitation,
la formation généraliste de l’architecte en cycles licence
en 3e année.
« La destination et la fonction et master, ou si elle relevait d’un enseignement spéciali-
sé. Cette problématique s’est traduite concrètement à L’accent est mis sur les problématiques relatives à un
des édifices sont les conditions l’Ensa Normandie par un processus échelonné sur plu- territoire, la Normandie, marqué par son histoire par-
passagères de l’architecture » sieurs années, sous la forme de deux formations, l’une de ticulièrement riche, ses processus de désindustrialisa-
Auguste Perret base, intégrée au cycle master général (une coloration tion producteurs de friches (notamment issues de l’in-
« réhabilitation »), l’autre distincte et spécifique, le Master dustrie textile et des activités portuaires), et ses recons-
DRAQ (diagnostic et réhabilitation des architectures du tructions de l’après deuxième guerre mondiale (Le Havre,
quotidien), ces deux modules étant articulés sur des ensei- Rouen, Caen, Neufchâtel-en-Bray, etc.). L’insertion du
gnements partiellement mutualisés dans un atelier-pro- projet dans des problématiques contemporaines, et
jet et certains cours spécifiques. notamment sur des territoires en crise, permet une
confrontation à une réalité économique et géogra-
L’Ensa Normandie, à partir notamment de la création
phique spécifique; les étudiants sont initiés au contexte
du Master DRAQ, a formé de nombreux étudiants au
et aux jeux d’acteurs de la région, chaque projet faisant
projet de réhabilitation. La mise en synergie dans un
l’objet d’une rencontre et d’une présentation des tra-
même enseignement d’étudiants de formation archi-
vaux réalisés aux décideurs (élus, techniciens de l’ur-
tecturale (Ensa Normandie et autres écoles d’architec-
banisme, etc.).
ture françaises et étrangères) et de formation scienti-
fique (étudiants en génie civil, issus principalement de
l’Université du Havre), au sein du Master DRAQ, per-
met de croiser des cultures différentes sur un même
objectif de projet, avec la prise en compte de divers
paramètres, rarement pris en compte dans les écoles
d’architecture, notamment les questions structurelles
et normatives (thermique, structure, incendie, acces-
sibilités handicapés, etc.). Cette formation, créée en
1999 sous la forme d’un DESS par Francis Nordemann,
directeur de l’école à cette époque, accueille chaque
année une promotion de 20 à 25 étudiants.
16 TRANS-FORM HISTORIQUE ET DÉCLINAISON DES ENSEIGNEMENTS DE L A RÉHABILITATION 17
Les deux parcours Objectifs de l’enseignement : Organigramme
réhabilitation « culture architecturale » des enseignements
à l’Ensa Normandie et « culture technique » de la réhabilitation
Deux offres, avec une série Une série d’objectifs caractérise à l’Ensa Normandie
d’enseignements en commun, le socle commun aux divers
Cycle Licence
sont proposées à l’Ensa Normandie ateliers de projet : Université
Université
Théories de la réhabilitation Ensa Normandie du Havre
de Rouen
Master Master DRAQ • Acquérir une culture
Patrice Gourbin
UFR Génie Civil
architecturale, notamment
Pour les étudiants Pour les architectes diplômés
(ou éventuellement
patrimoniale, qui prenne en Cycle Master Doctorat
du cycle Master : une coloration compte la connaissance des
« réhabilitation », inscrite niveau Bac + 4) grandes typologies architecturales S 7 Ateliers projet : Recherche
« Friches industrielles Cycle Recherche
dans le cursus général et les ingénieurs diplômés et formes urbaines. « Construire dans le construit » et lieux culturels »
du cycle Master, avec trois et étudiants Génie civil R. Schlumberger /
offres d’ateliers de projet ayant Bac + 4 minimum : • Aborder le projet à des échelles J.-B.Cremnitzer Cycle Master
pour objet l’apprentissage le parcours Master DRAQ, différentes et complémentaires : « Architecture en situation »
de la réhabilitation. formation commune édifice, îlot, ville, territoire, etc. H.Rattez / J.-F. Chiffard
S 10 PFE Stage
à l’Ensa Normandie • Appréhender l’intervention « TRANS-FORM » (4 à 6 mois)
S 7 ou S 9 : « Construire Séminaire :
et à l’Université du Havre architecturale sur des typologies
dans le construit » « Analyse architecturale »
Le projet consiste • 2 semestres de cours et périodes différentes : F. Saunier / P. Gourbin S2
S7/S9 HQE,
principalement à intervenir et ateliers projets. monumental, ordinaire, Projet : « Greffe Projet architecture
industriel, XXe siècle, etc. S 10 Atelier projet PFE sur l’existant » Cours thématiques
dans l’enveloppe de l’existant ; • 4 à 6 mois de stage P. de Dejean / J.-B.Cremnitzer
S 7 ou S 9 : en milieu professionnel. • Acquérir une technicité
indispensable à l’intervention sur Cours de théorie S7/S9
« Architectures en situation » : Projet : « Construire
S1
Le tronc commun l’existant, en matière de relevés, E.Réal, P. Gourbin dans le construit »
Projet architecture
le projet consiste à greffer
une construction neuve entre S 7/ S 9 diagnostic, traitement des Cours sur la thématique
sur un espace existant ; et Master DRAQ pathologies, détails constructifs, « Réhabilitation » S7/S9 S1
etc. : «une culture technique ». Divers enseignants Cours Histoire
thématiques Programmation
S 10 : le Projet de Fin d’Études Une mutualisation partielle Diagnostic
Projets portant sur des enseignements porte sur : • Aborder la connaissance Recherche
la requalification urbaine des normes et de leur insertion
• Les cours de thématiques. S 1/S2
et architecturale de sites dans le projet. Un pôle de recherche S7/S9 Cours techniques
sur le patrimoine Cours de théorie Université
(friches industrielles, militaires, • L’atelier-projet du semestre 1 • Connaitre la législation du Havre
architectures des Trente a été récemment créé.
« Construire dans le construit ». sur le patrimoine, les procédures,
Glorieuses, cœurs d’îlots Une recherche intitulée Cycle Licence
Cette mutualisation permet à des modes de financement, etc. « Friches en culture »
urbains, etc.).
étudiants d’origines différentes • Acquérir les outils conceptuels a été menée de 2008 à 2012
Cours
Un étudiant peut ainsi suivre (étudiants Master, architectes du projet de réhabilitation sur la question des friches thématiques
un semestre « Construire diplômés, ingénieurs et étudiants en développant la créativité culturelles réappropriées
dans le construit », un semestre Génie civil) de confronter leurs indispensable au processus par les artistes (en partenariat
« Architecture en situation » savoirs dans un travail collectif de conception sur l’existant. avec l’Université de Rouen, Master DRAQ
ainsi que le PFE « TRANS-FORM », au sein des ateliers-projets. laboratoire Idées).
selon son choix, • Refuser la dichotomie Tronc commun
entre S 7/ S 9
soit 1, 2 ou 3 semestres. entretien-sauvegarde/création sans et Master DRAQ
contraintes, pour proposer comme
alternative une approche du projet
créatrice qui se fonde sur
les contraintes et potentialités
de l’existant, depuis l’échelle
urbaine jusqu’au détail constructif.18 TRANS-FORM 19
1.2 Ancré sur une approche du territoire de Normandie,
l’enseignement aborde la question du renouvellement
de tissus urbains et suburbains représentatifs des pro-
LES CHAMPS blématiques régionales. Des typologies spécifiques ins-
crites dans ces morphologies constituent le support
D’INTERVENTION d’intervention des étudiants, notamment:
• l’architecture de l’industrie, suite au phénomène
MAJEURS DE massif de désindustrialisation, notamment pour les
activités du textile(région rouennaise en particulier),
L’ENSEIGNEMENT de la sidérurgie (région de Caen), ou portuaires (Dieppe) ;
• les immeubles urbains des centres anciens,
soumis à une obsolescence marquée, notamment
Jean-Bernard Cremnitzer, à Dieppe ou à Rouen ;
architecte DPLG,
maître-assistant à l’Ensa Normandie • les édifices des Trente Glorieuses, et en particulier
le logement social des faubourgs et banlieues des
grandes agglomérations.
D’autres problématiques sont également traitées,
par exemple dans le Projet de Fin d’Études, comme
la requalification des friches militaires, le traitement
des cœurs d’îlots, ou divers délaissés urbains.
1
1. Usine-Ilot Castres à Lisieux 2013.
2. L’usine Fromage à Darnétal,
avant sa reconversion en école
d’architecture. Cl. Yvon Miossec,
Denis Couchaux © Inventaire
du patrimoine culturel,
Région Haute-Normandie
220 TRANS-FORM LES CHAMPS D’INTERVENTION MAJEURS DE L’ENSEIGNEMENT 21
L’architecture de l’industrie Le centre ancien de Dieppe, laboratoire 1694-2013 : de la reconstruction
Spécificité du territoire normand et de ses crises écono- de la requalification urbaine à la sauvegarde du centre ancien
miques successives, l’architecture de l’industrie et de ses Chaque second semestre, les étudiants du Master DRAQ Bombardé par la flotte anglo-hollandaise en 1694, le centre
espaces à reconvertir se retrouve sur de multiples sites, investissent les problématiques des centres anciens, de Dieppe, qui était à l’époque l’un des principaux ports
notamment à proximité de l’eau : vallée de la Seine, grands avec en particulier l’exemple de Dieppe, en intervenant de France en matière de commerce et de pêche, a été
ports normands (Rouen, Le Havre, Dieppe), rivières afflu- sur les différents îlots et immeubles, depuis le relevé reconstruit dans sa quasi-totalité par Vauban et l’ingé-
entes de la Seine (Cailly, Austreberth, etc.). L’industrie tex- et le diagnostic technique et architectural, jusqu’au nieur royal De Ventabren, jusqu’en 1720. Le règlement
tile formait autrefois en quelque sorte un « éco-système » projet détaillé et à l’estimation du coût des travaux. de 1695 imposa des règles urbaines qui définissaient de
intégrant le stockage des matériaux bruts (Le Havre), la L’apprentissage du projet de réhabilitation, sous la forme nouveaux alignements et également une typologie des
transformation (vallées), et le négoce (Rouen). d’un intensif de six semaines, se décline à plusieurs façades, déclinées en plusieurs catégories (immeuble à
Bien qu’issus de prototypes très anciens, les édifices et échelles mises en articulation : ville / îlot / parcelle / arcade, immeuble d’angle, immeuble aristocratique sur
sites objets d’une reconversion sont des éléments à part immeuble / logement. cour, etc., avec une hauteur de 28 pieds) et avec des
3
entière d’une architecture dite “internationale”, que prescriptions sur les matériaux (brique de vase, grès
Un cours spécialisé sur la mise en œuvre sur le centre
l’on retrouve aussi bien en Grande-Bretagne, en Bel- en soubassement) et épaisseurs de façades (57 cm). Le
ancien des procédures de sauvegarde (défiscalisation
gique ou en Allemagne. L’architecture des sheds en par- volume de l’immeuble derrière la façade ne fait l’objet
Loi Malraux, OPAH, etc.) apporte aux étudiants la com-
ticulier, ou encore les grandes halles, forment un cor- d’aucune prescription, ce qui explique le caractère
préhension des outils de la requalification urbaine
pus commun, ce qui permet aux étudiants de réfléchir chaotique des distributions et de l’organisation spatiale
adaptée à ce type de tissu.
à des problématiques de reconversion de type univer- des logements. Cette reconstruction de plusieurs cen-
sel, qui ne se limitent pas à un terroir unique, mais Le partenariat mené depuis une dizaine d’années entre taines de maisons, en moins de trente ans, abritera l’es-
questionnent la reconquête des territoires en obsoles- l’Ensa Normandie et la SEMAD (SEM de la ville de Dieppe) sentiel de la population ouvrière de la ville jusqu’aux
cence, à l’échelle du monde occidental. a permis de traiter sur un vaste corpus d’immeubles années 1960, où les nouveaux grands ensembles de
différentes questions : Neuville et Janval accueillent alors dans de nouvelles
L’apprentissage du projet sur l’architecture indus- formes de confort les habitants défavorisés, ce qui
trielle constitue également une leçon d’architecture : • la prise en compte de l’histoire du site,
entraînera de ce fait une obsolescence de l’habitat
regard sur des échelles et volumes de dimension excep- en particulier le caractère exceptionnel
ancien du centre, du fait de l’absence d’entretien par les
tionnelle, impressions nouvelles sur les ambiances de la reconstruction de Vauban et De Ventabren
propriétaires. Menacé un temps de démolition-recons- 4
des lieux (matière, textures, climats), connaissance des au XVIIIe siècle ;
truction à la fin des années 60, le cœur de Dieppe s’ins- 3. Dieppe, projet de fortification, 4. Vue aérienne du centre
matériaux anciens et des systèmes constructifs, et de • la compréhension du concept de typologie crit ensuite, avec la nouvelle municipalité en place, d’agrandissement historique de Dieppe
fonctionnalités industrielles à réutiliser. architecturale et technique et de ses catégories dans les politiques urbaines de l’après-crise de 1973 : et de « corrections » (doc. Semad)
des vieilles rues, 23 déc. 1694.
Le projet de reconversion est aussi une façon de raconter sérielles, et la découverte de systèmes constructifs réhabilitation des immeubles avec les aides de l’ANAH, SHAT Vincennes 1 VH 684.
l’histoire d’un site, de révéler les traces de sa production, et matériaux anciens ; requalification des espaces urbains, label Ville d’art et
de ses luttes sociales, et de sa mémoire ; l’architecte d’histoire, procédures d’éradication de l’insalubrité,
• la question de la sauvegarde de la morphologie
assume ici son rôle de passeur. OPAH, ZPPAUP, PRI, etc. L’effort considérable mené par
de l’îlot (îlots épais avec cœur à réaménager,
la Ville et la SEMAD, chargée de l’ensemble des actions,
Les terrains d’études portent plus spécifiquement sur îlots minces) ;
a permis la remise en état d’environ 80 logements par
des architectures de type « rationaliste » (trames, poteaux/ • le traitement du gabarit d’immeuble an, constituant ainsi une nouvelle offre en matière d’ha-
poutres, modules de sheds), plutôt que sur des archi- et de sa façade, et le rapport entre architecture bitat à l’échelle de l’agglomération. Pour mémoire, en
tectures de type « fonctionnaliste », dont la reconver- ancienne et contemporaine ; 1999, on comptait encore 700 logements vacants, 800
sion s’avère souvent très complexe du fait de formes logements indécents, et 210 immeubles très dégradés.
spécifiques destinées à l’origine à une fonction unique • la conception de logements qui répondent
(exemple des usines-souffleries). La présence fréquente aux problématiques contemporaines Les immeubles et logements proposés par les opéra-
de l’eau à proximité des implantations industrielles (confort, réponse climatique et énergétique, teurs locaux offrent ainsi une expérience assez unique,
apporte un élément de réflexion supplémentaire à spécificité par rapport à la construction neuve, etc.) ; et un véritable laboratoire pour les étudiants qui simu-
l’échelle du projet, tant dans l’insertion urbaine et pay- lent des projets de réhabilitation sur les immeubles en
• l’utilisation de matériaux sains et de techniques
sagère que dans la réutilisation pour des économies attente d’intervention.
adaptés à l’existant (notamment les planchers
d’énergies. et isolants).22 TRANS-FORM
2
2.1
L’ENSEIGNE-
LE MASTER
PARCOURS DRAQ
2.2
MENT
AVEC UN PIED
DANS LE MONDE RÉEL DU MASTER
DRAQ24 TRANS-FORM 25
Historique de la formation Objet : les architectures du quotidien
2.1 Cette formation a été créée initialement sous la forme
d’un DESS par l’École nationale supérieure d’architecture
Cet enseignement n’a pas vocation à former des spécia-
listes de la restauration d’édifices et de dimension patri-
LE MASTER de Normandie, et l’Université du Havre (UFR de Sciences
et Techniques). La formation a fait l’objet à partir de 2004
d’une habilitation régulièrement renouvelée par le minis-
moniale et monumentale exceptionnels; d’autres écoles
spécialisées, comme celle de Chaillot, enseignent avec
talent ce champ particulier. L’objectif est de répondre à la
PARCOURS DRAQ tère de la Culture, passant du statut de DESS à celui de
Master Professionnel.
nécessité de former des maîtres d’œuvre (et également
des intervenants de la maîtrise d’ouvrage) au patrimoine
DIAGNOSTIC Objectifs de la formation
considéré comme « ordinaire », en tant que commande
quotidienne pour les architectes, et sans mobilisation
ET RÉHABILITATION Il s’agit de former les étudiants aux techniques et à la
conception architecturale spécifiques à l’intervention
d’entreprises hautement spécialisées.
Cette architecture est le plus souvent déclinée en typo-
sur le bâti existant (secteur désormais majoritaire dans
DES ARCHITECTURES le marché du bâtiment en France), sur une durée d’une
année positionnée en M2 pour les ingénieurs et en post-
logies, qui ne peuvent se réduire à des types de façades
ou de toitures, mais expriment une production archi-
tecturale située à des époques spécifiques, destinée à
DU QUOTIDIEN PFE pour les architectes.
L’accent est mis sur l’acquisition d’une méthodologie
des classes sociales précises, avec l’utilisation de maté-
riaux et systèmes constructifs particuliers.
centrée avant tout sur l’architecture dite « ordinaire » L’enseignement de l’analyse typologique, à travers des
Jean-Bernard Cremnitzer,
architecte DPLG, principalement des XIXe et XXe siècles, issue notamment cas concrets, permet ainsi de proposer une méthodolo-
maître-assistant à l’Ensa Normandie des grandes phases de production, comme les édifices gie adaptée à des séries périodisées et non à des cas excep-
industriels et portuaires, l’habitat ouvrier, le patrimoine tionnels .
de la Reconstruction, les architectures dites de la « crois-
sance » des années 60 et 70. Il y a lieu d’affirmer la qualité spécifique de cette archi-
tecture du quotidien, qui ne peut être assimilée à une
Le Master Professionnel a également pour objet une réduction ou une quelconque dégénérescence de l’ar-
bonne insertion professionnelle dans les métiers de la chitecture savante. Pour mémoire, dès 1964, avec la
Étudiants
en Architecture maîtrise d’œuvre (architecture, bureaux d’études) Charte de Venise, sont prises en compte dans le débat
Étudiants en ainsi que dans ceux de la maîtrise d’ouvrage, notam-
Génie Civil architectural « les œuvres modestes qui ont acquis avec
ment institutionnelle. C’est pourquoi une part impor- le temps une signification culturelle ».
tante de l’enseignement est consacrée à l’approche du
contexte de la production, des différents acteurs, des
procédures et montages financiers et de leur interac-
tion avec le projet architectural et technique. La spéci-
ficité de cet enseignement est également l’acquisition
d’un vocabulaire commun entre architectes et ingé-
Projet
Cours de théorie sur site Cours thématiques nieurs, les étudiants de formations architecturale et
à reconvertir
d’ingénierie intervenant en binôme sur les projets.
Les cours ont lieu à l’École nationale supérieure de Nor-
mandie, située à Darnétal (Rouen), et à l’Université du
Havre.
Enseignants
et
consultants26 TRANS-FORM LE MASTER PARCOURS DRAQ 27
Contenu de l’enseignement Une formation axée La créativité architecturale La prise en compte de la réversibilité
Cette formation est actuellement, au niveau des écoles sur le projet architectural dans l’enseignement du projet aide à concilier pérennité de la forme
d’architecture, la seule de niveau master consacrée Apprendre à lire un espace et ses composants et définir L’acte de réhabiliter, autant que celui de la construction architecturale et changement d’usage
exclusivement à la réhabilitation des édifices, et conçue la problématique du site constituent les enjeux du pro- neuve, pose la question de la créativité architecturale. Qu’il s’agisse d’échelle urbaine ou architecturale, le pro-
en association avec une université. jet, quelle que soit la traduction en termes de sauve- Rien n’est plus complexe que l’approche d’un édifice jet se doit de répondre aux défis de la société actuelle:
Elle a pour vocation de former architectes, étudiants en garde ou de réécriture. existant en terme de projet, et seul l’architecte, assisté développement durable (« construire sur le construit »),
architecture (niveau bac+4 minimum) et étudiants des de conseillers techniques, peut affirmer une maîtrise adaptation de l’habitat aux nouvelles formes de vie
L’approche du projet ne peut être engagée à partir d’une
universités techniques (niveau MST, IUP, et plus) aux des différents paramètres, en faisant appel à ses mul- (familles mono-parentales, étudiants, personnes âgées
vision dogmatique ou idéologique. L’intervention est
différents métiers de la réhabilitation, c’est à dire non tiples savoirs et à une capacité créatrice conséquente. maintenues à domicile, etc.), habitat sain, espaces de
située dans une certaine temporalité, sur un édifice et
seulement ceux de la maîtrise d’œuvre, mais également un site spécifique. De plus, le projet ne saurait se tra- Cette capacité de synthèse de l’architecte s’applique production adaptés, etc. Il s’agit de redonner une légiti-
ceux de la maîtrise d’ouvrage publique ou privée. duire par une approche avant tout « formaliste » sans dans la résolution des contradictions initiales entre dif- mité sociale et économique aux édifices et sites urbains
prendre en compte le contexte urbain et l’usage. La qua- férents paramètres : affirmation de la pérennité d’une concernées.
L’originalité de cette formation réside également dans
l’intégration d’étudiants scientifiques non architectes, lité architecturale peut s’affirmer tout en gardant une forme architecturale éprouvée, insertion du nouvel Si la pérennité des formes architecturales est une réa-
et à la constitution de binômes « architecte-ingénieur » attitude de respect devant la valeur souvent reconnue usage dans l’existant, réponse aux besoins contempo- lité, la question de l’usage éphémère se pose de plus en
placés en situation active de responsabilité face au pro- des édifices existants. rains des usagers et habitants, adaptation des normes plus, du fait des mutations rapides de notre société. La
jet, afin de développer en commun une approche créa- et de la réglementation technique (souvent mal inter- question du programme est ici essentielle; l’atelier de
La dimension urbaine et paysagère est également une
tive ainsi que l’acquisition d’un langage et d’un voca- prétées en réhabilitation), et contrainte économique du projet intègre, avec l’aide d’un architecte-program-
donnée essentielle, et le projet, même s’il s’agit par
bulaire. montage opérationnel. miste, une démarche de programmation en dialogue
exemple d’un immeuble unique, doit prendre en compte
les espaces non bâtis du site, dans une perspective de L’intervention architecturale peut s’exprimer non seu- avec la conception et avec une élaboration progressive,
L’enseignement met l’accent sur une démarche de pro-
requalification globale des territoires. Autre objectif lement dans des opérations d’envergure, mais égale- « itérative », et non en préalable. L’espace est une don-
jet de conception, sur laquelle se greffent les différentes
essentiel, il s’agit de proposer aux étudiants un regard ment de la façon la plus modeste, par exemple dans le née et le programme une variable qui doit s’adapter au
disciplines (histoire, techniques, etc.).
contemporain sur les patrimoines du XIXe et XXe siècles traitement d’une façade réinsérée dans son milieu site. Si dans la construction neuve « la forme suit la
Les projets, d’une durée d’un semestre, sont menés en en particulier. urbain, ou dans le simple aménagement d’une salle de fonction »(form follows function), dans la réhabilita-
relation directe avec des partenaires de la région qui bain confortable, bien ventilée et bien éclairée, et avec tion, c’est au contraire la fonction qui s’intègre à la
participent à la définition de la commande sur des sites Les échelles du projet toute la maîtrise nécessaire du détail. forme existante.
réels, qui traduisent une problématique spécifique et
La formation distingue deux niveaux des projets, spé- Elle peut aussi, dans des cas de restructuration consé- La difficulté consiste à résoudre cette contradiction
non seulement un programme. Les étudiants sont donc
cifiques à chaque semestre : quents, développer une approche plus complexe, en apparente qui est de vouloir à la fois pérenniser les
confrontés à une demande concrète.
considérant le site comme un support de greffe, un traces architecturales existantes et maîtriser un nou-
Un premier projet concerne la reconversion d’une friche
Publics concernés contenant, dans lequel s’inscrit un concept nouveau. vel usage, qui peut être d’une durée très éphémère.
industrielle ou portuaire de grande échelle, à travers la
Cette formation est destinée d’une part à des archi- prise en compte d’une problématique et l’élaboration L’architecture ordinaire « du quotidien » mérite une atten- La question est de définir quelle est la capacité de réver-
tectes diplômés ou d’étudiants de niveau bac+4 mini- d’un programme itératif, en adéquation avec la forme tion aussi soutenue que celle dévolue au patrimoine sibilité que l’architecte peut offrir à l’édifice, à travers
mum, issus d’écoles d’architecture françaises ou étran- architecturale proposée. Ce module de projet est jumelé monumental ou à la construction neuve, car sa réhabili- le projet qu’il propose.
gères reconnues, et d’autre part à des titulaires d’un avec le projet S07/S09 « construire dans le construit » en tation est génératrice de vie sociale, de réponse à l’exclu-
diplôme scientifique de type maîtrise de génie civil ou cycle master généraliste de l’Ensa Normandie. sion (plus de 600 000 logements insalubres à traiter en
diplôme d’ingénieur, ainsi que des titulaires de forma- Un deuxième projet, à plus petite échelle et sur une France), de confortation de formes urbaines éprouvées,
tions liées à l’acte de bâtir ou à la conservation du patri- temporalité plus réduite, mais mené depuis le relevé et de développement économique. Pour répondre aux pro-
moine architectural ayant une base scientifique suffi- jusqu’au détail d’exécution et au montage opération- blématiques de son temps, l’architecture de la réhabilita-
sante. La formation possède depuis sa création une nel, concerne le thème de l’habitat innovant en immeuble tion nécessite d’adopter une attitude de créativité, et la
forte attractivité internationale, avec l’accueil de nom- ancien ou des années 60-70 : quelle forme d’habitat définition de postures d’intervention.
breux étudiants originaires d’Europe de l’Est, d’Es- contemporain proposer à partir de potentialités spéci-
pagne et d’Italie, et d’Amérique latine, en particulier. fiques issues d’un contexte particulier, et en quoi l’ap-
proche sur l’existant peut-elle être un exemple de déve-
loppement durable en matière d’habiter, tant dans les
qualités spatiales que techniques (thermique, santé,
acoustique, énergie grise, en particulier) ?.Vous pouvez aussi lire
