UN CASSE-TÊTE POUR LES ÉTATS AFRICAINS - Déchets Numéro 54 - Hysacam
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Le Magazine trimestriel de l’environnement - Avril - Mai - Juin 2018 Numéro 54 Déchets UN CASSE-TÊTE POUR LES ÉTATS AFRICAINS
Editorial LES PARADOXES DU MARCHE DES DECHETS tale : qui doit payer le prix de la pro- tière première secondaire, dont l’exploita- preté et de l’hygiène publique ? Les mé- tion ne connait pas aujourd’hui en Afrique nages ? A quelle hauteur ? Comment un développement pourtant utile ? les Etats doivent-ils se comporter face Dans plusieurs pays, les grands à un produit si complexe, dont l’exploi- groupes dans ce secteur ont dû diversi- tation mobilise une haute intensité de fier leurs activités pour pouvoir financer main-d’œuvre mais de faible qualifica- la collecte, le transport et le traitement tion ? Une activité qui est aussi socia- des déchets ménagers. lement porteuse, parce que le facteur Il a fallu attendre les années 90, pour d’intégration pour les jeunes et donc, savoir que le déchet, matière première outil de lutte contre le chômage et la secondaire, est une source de revenus, délinquance juvénile. une ressource pour le développement Toutes ces questions au moment où l’on durable et l’économie verte, que cette examine le résultat de l’activité des exploitation peut financer la collecte, le Par Michel NGAPANOUN prestataires qui ont la charge de rendre transport et le traitement. les villes propres, ne sont pas toujours à Mais sur le continent, la chaine de la n spectre hante les sociétés libé- l’esprit du législateur. gestion des déchets est loin d’être mai- U rales : comment veiller à l’hy- giène et à la santé publique ? Parfois, face à une difficulté, il a re- trisée. Et les entrepreneurs qui se sont lancés dans la collecte, le transport, le ‘‘ Comment financer ce produit complexe traitement et la valorisation des déchets et atypique que constitue le déchet, lui ont dû avoir recours à des stratagèmes qui ne génère pas nécessairement avec les banques pour le financement rentabilité et profit en espèces son- « Sur le continent, la chaine de la de l’activité, et à des négociations avec nantes et trébuchantes ? gestion des déchets est loin d’être l’Etat pour structurer de manière pé- C’est à la lumière de cette probléma- renne le paiement de leurs prestations. maitrisée. Et les entrepreneurs tique qu’il faut examiner les tentatives En examinant les coûts de la de col- qui se sont lancés dans la collecte, de nombreux états à vouloir ouvrir le lecte, du transport, du traitement et de marché des déchets à la concurrence , le transport, le traitement et la la valorisation des déchets ménagers, privatiser même certains segments, valorisation des déchets ont dû on se rend compte que l’activité ne pro- comme s’il s’agissait d’un vulgaire pro- avoir recours à des stratagèmes duit pas de plus-value financière duit et non pas d’un service de base. avec les banques pour le financement comme par exemple, la téléphonie mo- Le déchet a, en tant que produit, plu- de l’activité, et à des négociations bile. Sa seule rentabilité est une réduc- sieurs spécificités. Et son exploitation avec l’Etat pour structurer de tion certaine des coûts pour la santé pose quelques problèmes. En effet, la manière pérenne le paiement de publique et un contrôle social. propreté n'est pas un produit que l'on leurs prestations.» Par ailleurs, dans le contexte du sous- peut scinder en unités individuelles, développement et de la pauvreté endé- ’’ comme les bouteilles de bières ou ac- mique des sociétés africaines, il est cessoirement les parcelles d'un terrain. difficile de faire payer les ménages pour La construction du prix unitaire à la ce service de base qui relève au fond, tonne intègre des agrégats relativement cours aux normes du marché libéral. des missions régaliennes de l’Etat. fixes qui varient avec le marché de l'es- Cela consiste à ouvrir ce secteur à la Alors que faire ? Il faut conjuguer la ré- sence, de la ferraille, des véhicules, des concurrence en pensant que les méca- flexion et les efforts, et développer des pièces détachées, et les niveaux de sa- nismes du marché libéral, qui induit les stratégies à long terme, pour le finance- laire dans cette branche d'activités. règles « ordinaires » de la concurrence ment structurel de cette activité en l’ou- Elles sont en un certain sens, plus sta- pure et parfaite, implique une certaine vrant partiellement à la concurrence tout bles que celles qui structurent le prix rentabilité du secteur. en assurant une forme de monopole du sucre au consommateur. Mais que signifie la détermination du juste aux entrepreneurs expérimentés dans Cependant, il reste une question capi- prix d’un produit comme le déchet, ma- ce secteur. Bosangi Une publication de Hysacam Directeur de publication Secrétaire de rédaction Direction artistique B.P : 1420 Douala. Michel NGAPANOUN Innocent EBODE Valentin OMBIBI Tél. +237 233 37 44 14 Ont participé à ce numéro : Marque Plus Fax : +237 233 37 47 73 Rédacteur en chef Jean Célestin Edjangue, Janvier Tél : +237 696 69 84 02 B.P. : 781 Yaoundé Garba AHMADOU marqueplus@yahoo.com Ngwanza Owono, Jean Loîc Amougou Tél. +237 222 22 13 79 Fax : +237 222 22 53 44 Eric Vincent Fomo, Julius Taylor, Boris Impression : Print Industry Ngounou. Tél : +237 233 42 63 93 BOSANGI - Le magazine trimestriel de l’environnement - Avril - Mai - Juin 2018 / N°54 3
Sommaire 6-10 Actualité 6. RDC, 6500 KM² DE CONCESSIONS FORESTIERES RETABLIES par Eric Vincent FOMO 7. ENVIRONMENTAL REPORT CARD: UNAVOIDABLE TOOL by JULIUS TAYLOR 8. ACCESS TO EMERGENCY CARE (30% OF TOTAL GRADE) by JULIUS TAYLOR 9-10. Marché carbone L'UE ADOPTE LA REFORME POUR L'APRES-2020 par Jean-Célestin Edjanguè 12-18 Dossier LE MARCHÉ DES DÉCHETS EN AFRIQUE 12 QUELS ENJEUX DE DEVELOPPEMENT ? Le marché des déchets dans le monde est caractérisé par la précarité de la concurrence. Le processus de concentration y parait irrépressible. Les déchets constituent un secteur – ou branche d’activités qui correspond à des marchés segmentés, suivant plusieurs arguments. 12. Marché des déchets en Afrique, LA FILIERE PEINE A SE STRUCTURER par Eric Vincent FOMO 13-14. Les déchets, UN CASSE-TETE POUR LES ETATS AFRICAINS par Jean-Célestin Edjanguè 15. LE DECHET, UNE SOURCE DE DEVELOPPEMENT par Jean-Loïc AMOUGOU 16. Collecte des ordures au Cameroun, LES INCERTITUDES DE LA CONCURRENCE par Boris NGOUNOU 17-18. IT ISN'T EASY BEING (PROFITABLY) GREEN by Julius TAYLOR 4 BOSANGI - Le magazine trimestriel de l’environnement - Avril - Mai - Juin 2018 / N°54
21 20-24 Evènement Maroc, UNE UNITE DE POLICE ENVIRONNEMENTALE VEILLE AU GRAIN Par Boris NGOUNOU Probo Koala, L'INDEMNISATION DES VICTIMES EN QUESTION par Jean-Célestin Edjanguè Agbogbloshie, WORLD'S LARGEST, ICONIC E-WASTE DUMP by Julius TAYLOR Le 19 août 2006, le pétrolier affrété par Trafigura, une société multinationale de courtage pétrolier basée aux Pays-Bas, au 25-26 Royaume-Uni et en Suisse, déversait une cargaison de 500 tonnes de déchets toxiques à Abidjan, en Côte d'Ivoire. La ca- Réflexions tastrophe qui a fait 17 morts et 100 mille autres victimes, dont Gestion de l'environnement en Afrique,LES FEMMES EN certaines attendent d'être dédommagées...12 ans après ! PREMIERE LIGNE par Jean-Célestin Edjanguè 27-28 27 Regards Wangari Maathai, UNE FEMME AUX RACINES DE L’ECOLOGIE AFRICAINE par Boris NGOUNOU Forum de Dar es Salaam Femmes et développement durable, Quelles conclusions pour quels enjeux ? par Janvier NGWANZA OWONO 29 Portrait Bella Lydie Josiane, LA DAME DE L’EXCAVATRICE par Boris NGOUNOU Wangari Maatha 30-31 La parole à... Christian Yoka, Entretien réalisé par Boris NGOUNOU 32 31 Nouvelles d’ailleurs Semakau, UNE DECHARGE PARADISIAQUE par Jean Loïc AMOUGOU 33 Note de lecture L’HOMME AU CŒUR DE LA GESTION DES DECHETS par Éric Vincent FOMO Christian Yoka 34 Forum des lecteurs BOSANGI - Le magazine trimestriel de l’environnement - Avril - Mai - Juin 2018 / N°54 5
Actualité RDC 6500 KM² DE CONCESSIONS FORESTIERES RETABLIES La décision prise par le ministère de l’Environnement en février dernier constituerait une me- nace pour la biodiversité du pays selon les organisations de protection de l’environnement. Eric Vincent FOMO e 1er février dernier, le ministre bution de nouvelles licences d’exploita- ponsable de la campagne Forêts, L congolais de l’Environnement, Amy Ambatobe, a rétabli 6500 km² de concessions forestières. Il s’agit tion forestière industrielles et signé pour mettre de l’ordre dans le secteur. Selon ce moratoire, la République dé- Irène Wabiwa Betoko, l’ONG interna- tionale « appelle le gouvernement congolais à révoquer de nouveau ces de trois concessions attribuées aux mocratique du Congo ne remplit pas concessions et cette fois, à sanction- compagnies d’exploitation forestière tous les critères de transparence pour ner les personnes responsables de chinoises Forestière pour le développe- attribuer de nouvelles concessions fo- cette situation ». ment du Congo (Fodeco) et Société la restières. Les concessions rétablies ont Millénaire Forestière (Somifor). Ces ti- été annulées en août 2016 par l’un des Le rétablissement de ces concessions tres ont été conclus en 2015 et concer- prédécesseurs de l’actuel ministre de fait surtout planer un péril écologique et nent 650 000 hectares de forêts. La l’Environnement, Robert Bopolo. environnemental dénoncé par Rainfo- Fodeco a obtenu un titre forestier dans rest Foundation Norway. « Toute opé- la province des lacs Tshopo. La Somi- Les ONG nationale et internationale ration d’exploitation forestière à grande for en a obtenu deux dans les pro- montent au créneau échelle, en particulier des tourbières, vinces du Tchuapa et de l’Equateur. La décision prise par les autorités est susceptible de causer des émis- Pour motiver sa décision, le ministre a congolaises ne fait pas l’unanimité. sions de gaz à effet de serre », déplore indiqué que « ce sont des concessions Les défenseurs de l’environnement son directeur exécutif Simon Counsell. qui existaient et qui étaient déjà attri- ont déploré cette réattribution qui Les menaces de sanctions écono- buées. Mais par mauvaise lecture de la constitue une menace pour l’environ- miques sont également brandies. Glo- loi ou des textes réglementaires, il y a nement et la biodiversité. Dans un bal Witness demande que l’Initiative eu les prédécesseurs qui ont fait annu- communiqué conjoint, ils estiment que pour la forêt de l’Afrique centrale (CAFI ler cette attribution. Et après, il y a eu parmi les trois concessions forestières en anglais) financée par la Norvège à des recours de la part de ce conces- rétablies, deux d’entre elles empiètent hauteur de 41,2 milliards de dollars sionnaire et nous nous sommes rendus sur les 145 000 km² de tourbières ré- pour la réduction des émissions liées à compte que la concession n’était pas cemment découvertes et contenant la déforestation et à la dégradation des concernée par le moratoire. Voilà pour- quelque 30 milliards de tonnes de car- forêts (REDD+) en RDC, soit suspen- quoi nous avons décidé de lever cette bone. Ce qui représente autant de due. La RDC représente à elle seule annulation ». carbone que les émissions d’énergie plus de 60% des forêts denses du Bas- fossile de toute l’humanité sur trois sin du Congo, deuxième massif fores- Cette mesure ministérielle violerait l’es- ans. Greenpeace Afrique n’y est pas tier du monde derrière la forêt prit du moratoire de 2002 relatif à l’attri- allé de main morte. A travers son res- amazonienne. 6 BOSANGI - Le magazine trimestriel de l’environnement - Avril - Mai - Juin 2018 / N°54
Actualité ENVIRONMENTAL REPORT CARD: UNAVOIDABLE TOOL The role of such cards cannot be overemphasized, as they are show important data on weather, health, disaster, energy, among others. Julius TAYLOR nvironmental report card for a rica's Environmental Report Card. ability of the nation’s emergency de- E particular geographical area is issued on purpose. The pur- pose of the Report Card is to establish Understanding the Report Card The Report Card is based on 136 ob- partments to care for patients. The Report Card also reviews the emer- a baseline from which to measure the jective measures that reflect the most re- gency medical environments for Puerto progress toward environmental sustai- cent data available from high-quality Rico and Government Services, which nability, and to create a thought-pro- sources such as the Centers for Disease includes health care systems for the mi- voking tool to catalyze discussions Control and Prevention, the National litary and veterans. These, however, pre- and policy changes that would contri- Highway Traffic Safety Administration, sent special cases, since data for these bute to a healthier environment. the Centers for Medicare & Medicaid areas are not comparable to the 50 Services, and the American Medical As- states and District of Columbia. As such, It provides a natural opportunity to align sociation. Additional data were gathered grades were not calculated. The report the Report Card with specific goals from two surveys of state health officials, for Puerto Rico is based on a limited set such as related to renewable energy, specifically conducted to obtain informa- of indicators for which comparable data locally-sourced water, and enhanced tion for which no reliable, comparable were available and the Government Ser- ecosystem and human health over a state-by-state sources were available. vices report is based on in-depth inter- given period. TV stations used such re- The goal of the Report Card is to show views with representatives of each of the port cards to inform their audience of how individual states, and our nation as military branches and the Veterans weather situations. For example, Ame- a whole, measure up in supporting the Health Administration. BOSANGI - Le magazine trimestriel de l’environnement - Avril - Mai - Juin 2018 / N°54 7
Actualité ACCESS TO EMERGENCY CARE (30% OF TOTAL GRADE) Subcategories: Access to Pr o v i d e rs ( 2 5 % o f th e c a t e gory), Access to Treatment Centers (25%), Financial Barriers (25%), Hospital Capacity (25%) Julius TAYLOR ccess to emergency care is great advances over the past five gency visits are for injury-related A both fundamental and com- plex. Emergency depart- ments are a vital part of the health years in the development and im- plementation of indicators of health care quality, and this is reflected causes. In addition, more than half of the causes of death and disabi- lity are due to preventable and be- care system in each community through the expansion in the indi- havior-related factors, such as and region. They deliver emer- cators measured here since the smoking, poor diet, lack of physical gency care day in and day out, and 2009 Report Card. We continue to activity, alcohol consumption, they serve as the health care safety monitor direct state investments in motor vehicle crashes, firearms, net for anyone, insured or not, who quality and safety improvements— and illicit drug use Consequently, cannot otherwise obtain timely for example, whether a state pro- the impact of public health and in- health care services when needed. vides funding for quality jury prevention on the need for Access to emergency care is com- improvements to EMS or for a State emergency care and other health plex because the demand for emer- EMS Medical Director. care services is considerable, and gency services often is related to state investments in these areas the capacity of the broader health Medical Liability Environment are important. care system to deliver services. (20% of total grade) Thus, measures of Access to According to the U.S. Department Disaster Preparedness (15% of Emergency Care must include ele- of Health and Human Services, the total grade) ments that comprise that broader medical liability system in our na- Threats of terrorism and the system. tion is “broken”(11). There are wide number of disasters of natural variations in practices and policies and human origin in the United Quality and Patient Safety Envi- across states. In some statesmore States continue to increase, ronment (20% of total grade) favorable liability environments. highlighting the fact that at no One of the critical concerns regar- The liability crisis has forced the time in our history has the need ding the increasing pressures on closure of trauma centers in some for disaster preparedness been emergency medical system is the states. Physicians may practice more urgent or pronounced. Seve- effect these pressures may have “defensive medicine”—providing ral factors, such as population on the quality and patient safety en- extra medical treatments or tests growth, greater urbanization, vironment. Therefore, it is important solely out of concern to avoid litiga- population migration to states at to be able to measure that environ- tion. For patients, the result is grea- higher risk of natural disasters, ment and how improved systems ter costs, longer waits, and more and decreased health care ac- and technologies can contribute to difficulty accessing care. cess and capacity have magni- its enhancement. State govern- Public Health and Injury Preven- fied the potential effects of ments and private institutions, led tion (15% of total grade) disasters on individuals and in- by federal agencies, have made Nearly one-third (31.5%) of emer- frastructure 8 BOSANGI - Le magazine trimestriel de l’environnement - Avril - Mai - Juin 2018 / N°54
Actualité Marché carbone L'UE ADOPTE LA REFORME POUR L'APRES-2020 Un an après avoir arrêté sa position commune concernant la modification du fonctionnement du système des émissions de gaz carbonique(CO2), le 15 février 2017, le Parlement européen a validé par une large majorité, le 6 février 2018, le principe. L'Union européenne(UE) est le troisième plus gros émetteur de CO2 dans le monde. Jean-Célestin EDJANGUÈ ystème d'échange de droits lutter contre la pollution et l'accord trales électriques et sites industriels S d'émissions de gaz à effet de serre (GES), de crédits car- bone et de quotas carbone, le mar- du 10 novembre 2017 entre le Conseil des ministres de l'Union eu- ropéenne et le Parlement européen. parmi les plus importants émetteurs de gaz carbonique et concernés par le marché carbone européen doi- ché carbone est un mécanisme Un accord, certes avec des visées vent réduire d'environ 43% leurs permettant le troc des droits d'émis- beaucoup plus politiques, paraphé émissions par rapport à l'année sion de gaz carbonique (CO2), sous la présidence estonienne du 2005. L'un des objectifs de la ré- exactement comme des titres finan- Conseil des ministres de l'UE mais forme est donc de faire face, à ciers. C'est pour cela que les mar- qui n'en démontre pas moins la terme, aux quelques 2 milliards de chés carbone sont aussi appelés préoccupation écologique de l'insti- quotas en surplus et qui perturbent «Système d'échange de quotas tution communautaire. Le document totalement le marché carbone avec d'émissions» ou «Système de per- final, signé le 6 février 2018, couvre incidence directe sur la chute des mis d'émissions négociables». La la période 2021-2030. prix. Le Conseil de l'Union euro- réforme post-2020 du marché car- péenne et le Parlement européen se bone, dont l'avant-projet a été «La question des réductions sont mis d'accord sur 2,2% de ré- adopté par le Parlement européen, annuelles des crédits car- duction annuelle de l'allocation des mi-février 2017, par 379 voix pour, bone» quotas comme le suggérait d'ailleurs 263 contre et 57 abstentions, a été Si l'Union européenne semble au- la Commission européenne. Pour- validé par une majorité de Parle- tant préoccupée par la réforme du tant, les discussions n'ont pas été mentaires encore plus large, le 6 fé- marché carbone, c'est que l'institu- simples. On peut même dire qu'elles vrier 2018, à Strasbourg. Un tion communautaire, du fait de ses ont parfois été très serrées. Ian Dun- processus qui semble souligner une infrastructures industrielles, est can, député conservateur britan- véritable volonté politique symboli- grandement concernée par le fléau nique et rapporteur parlementaire, sée par le lancement en 2015, dans des émissions de gaz carbonique, voulait que cette réduction soit por- le sillage de l'accord de Paris sur le un des agents les plus pollueurs de tée à 2,4% par an. Et même si le Climat, du projet de réforme visant à la planète. Quelques 11.000 cen- Parlement ne l'a pas suivi sur cette BOSANGI - Le magazine trimestriel de l’environnement - Avril - Mai - Juin 2018 / N°54 9
Actualité proposition, la question devrait reve- doit pas financer la modernisation nécessaires pour soutenir les effets nir sur la table des négociations à des centrales au charbon «sauf les liés à la protection du Climat comme partir de 2024. La Commission eu- projets impliquant l'utilisation du gage de la mise en place des méca- ropéenne pense que la réforme chauffage urbain dans les deux nismes de réduction beaucoup plus ainsi adoptée débouchera sur un Etats membres les plus pauvres efficaces et de manière quasi immé- prix de gaz carbonique d'environ 8 pour les investissements n'incluant diate. Des Organisation non gouver- euros la tonne aujourd'hui à jusqu'à pas de combustibles fossiles so- nementales de Pologne pensent, 30 euros à l'horizon 2030. lides», précise le communiqué du par exemple, que l'Europe commu- On comprend donc aisément que Parlement européen relatif à la ré- nautaire aurait dû imposer aux cen- derrière la réduction annuelle des forme. Quant à l'autre fonds, il vise à trales électriques, aux sociétés émissions de CO2, il y a surtout une la promotion de l'innovation et s'in- adeptes de l'utilisation du charbon affaire de gros sous. Comme si la téressera particulièrement aux éner- ou même d'autres substances pol- lutte contre le réchauffement de la gies renouvelables, la capture et le luantes de financer les technologies planète est aussi une question d'in- stockage du carbone, de même que qui minimisent les émissions de térêts financiers qui semblent très les projets d'innovation à faible in- dioxyde de carbone. éloignés de l'urgence de bichonner tensité de carbone. La réforme du marché carbone vali- l'espace environnemental, pour le Le système communautaire dée par l'Union européenne semble préserver afin de le léguer aux gé- d'échange de quotas d'émis- donc avoir donné du grain à moudre nérations futures, comme un héri- sion(SCEQE) intègre aussi des pays à des organisations de lutte contre le tage digne. comme la Norvège, l'Islande, le réchauffement climatique. Déjà, alors Cela dit, on ne peut passer sous si- Liechtenstein, en plus des 28 Etats que le Conseil de l'UE et le Parlement lence le véritable enjeu de la ré- membres de l'Union européenne. européen venaient à peine de para- forme du marché carbone adoptée Mais cette réforme du marché car- pher l'accord sur le projet de réforme, par le Conseil de l'UE et la Parle- bone, à peine votée le 6 février Greenpeace, le Fonds Mondial pour ment européen, en février 2018: le 2018, soulève déjà une levée de la Nature et le Client Earth ont pressé doublement de la capacité de la ré- boucliers du côté des Organisation le Conseil d'Etat grecque d'annuler serve de stabilité qui devrait entrer non gouvernementales. Et parfois une décision du ministère de l'envi- en vigueur dès 2019. Une réserve avec des arguments qui tombent ronnement de renouveler la licence qui sera alimentée, au moins au sous le coup du bon sens. d'exploitation d'une centrale élec- début de sa mise en place, par Ainsi pour Cécilia Gautier, responsa- trique fonctionnant au Fioul lourd et li- quelques 900 millions de quotas ré- ble des politiques européennes et gnite pour la Compagnie d'électricité cupérés dans le cadre de la réforme internationales au Réseau Action de la Grèce, dans la région de Mega- de court terme adoptée en janvier Climat, le Parlement européen s'est lopolis en Arcadie. Le Conseil d'Etat 2014, au moment où la crise du tout simplement couché au pied des avait alors, par l'arrêté ministériel du 8 marché carbone commençait à de- puissances industrielles: «En adop- septembre 2017, reconduit la licence venir de plus en plus oppressante. Il tant une réforme à minima du mar- d'exploitation de cette centrale, en s'agissait alors d'enrayer la chute du ché carbone de l’UE (...), la majorité dépit du préjudice que son fonction- prix du carbone sur le système com- des eurodéputés a cédé aux sirènes nement causait à l'environnement. munautaire de quotas d'émission des lobbies industriels et des éner- Quoi qu'il en soit, la réforme du mar- (SCEQE), ce qui a conduit l'Union gies fossiles», pense-t-elle. Cécilia ché carbone, votée début février européenne à revoir le calendrier Gautier est en effet persuadée qu' 2018, par le Parlement européen, des enchères (backloading) sur une «il s'agit d'une trahison de l'accord doit encore être mise en application période de 7 ans (2013-2020) et re- de Paris». Un accord qui se veut pour la période 2021-2030. C'est tarder l'allocation de certains quotas beaucoup plus ambitieux dans la seulement après cette période que de gaz carbonique en attendant de lutte contre la pollution industrielle. l'on pourra, comme le maçon au gérer le surplus. Pour sa part, l'ONG WWF affirme pied du mur, mesurer de son effica- que «la réforme du marché carbone cité. En attendant, l'Europe commu- «Une réforme superficielle» échoue à sauver la crédibilité de nautaire reste le troisième plus gros Toujours dans l'optique de la réserve l'Union européenne». émetteur de CO2 avec 3,47 milliards de stabilité, deux fonds sont mis en Au total, ce sont plus de 140 organi- de tonnes (en 2015), derrière la place pour encourager l'innovation sations et associations d'une tren- Chine et ses 10, 96 milliards de et la transition vers l'économie bas taine de pays, réunies au sein du tonnes et les 5, 1è milliards de carbone. L'un concerne l'améliora- réseau Climate Acion Net Work tonnes des Etats-Unis d'Amérique. tion du système énergétique des (CAN) qui sont vent debout face à L'UE vise moins de 40% des rejets Etats membres disposant des reve- cette réforme. Ces organisations es- de CO2 en 2030 et jusqu’à moins de nus modestes avec une richesse in- timent notamment que la réforme du 80% à l'horizon 2050. férieure à la moyenne marché carbone de l'UE aurait dû Autant le dire, le pari est certes pos- communautaire. Mais ce fonds ne prioriser la recherche des moyens sible. Mais il est loin d'être gagné. 10 BOSANGI - Le magazine trimestriel de l’environnement - Avril - Mai - Juin 2018 / N°54
DOSSIER LE MARCHÉ DES DÉCHETS EN AFRIQUE QUELS ENJEUX DE DEVELOPPEMENT ? Le marché des déchets dans le (DIND). Dans tous les cas le mar- monde est caractérisé par la pré- ché des déchets pour exister et se carité de la concurrence. Le proces- développer, a besoin de la loi ! Dif- sus de concentration y parait ficile que dans ce secteur s’y exerce irrépressible. Les déchets consti- une concurrence parfaite au vue du tuent un secteur – ou branche d’ac- statut de ce produit complexe et tivités qui correspond à des ambigu. Pourtant beaucoup de marchés segmentés, suivant plu- pays sur le continent, dont le Came- sieurs arguments. roun, ont pensé privatiser le sec- Il faut distinguer différentes catégo- teur et ainsi le libéraliser et l’ouvrir ries de déchets qui renvoient à leurs à la concurrence. Pour quelle effi- producteurs ou générateurs, ainsi cacité de ce service public ? Dans qu’à leurs caractéristiques, notam- ce numéro, votre magazine décor- ment : déchets ménagers ou or- tique les enjeux économiques, fi- dures ménagères (Om), déchets nanciers et sociologiques du industriels dangereux (DID) ou non marché. Lisez plutôt !
Dossier Marché des déchets en Afrique LA FILIERE PEINE A SE STRUCTURER Plusieurs acteurs interviennent dans ce secteur d’activité. Ce qui ne permet pas toujours d’avoir une traçabilité des actions entreprises. Eric Vincent FOMO e 25 janvier dernier, le secrétaire rares et quand ils existent, ils sont in- fiées dans les segments de la pré-col- L général de la présidence de la République au Cameroun, Ferdi- nand Ngoh Ngoh a signé une corres- suffisants. Ces quelques morceaux choisis tra- lecte et de la récupération. D’autres pays expérimentent avec plus pondance prescrivant l’ouverture à la duisent la délicatesse du secteur des ou moins de succès le partenariat pu- concurrence des activités de collecte et déchets dans la plupart des Etats afri- blic-privé. En octobre 2015, la Côte de traitement des ordures ménagères cains. En général, les acteurs impli- d’Ivoire, en partenariat avec le groupe dans les centres urbains du pays. qués sont les autorités publiques qui Ericsson, a mis sur pied une cam- Cette mesure a été prise « dans l’op- sous-traitent ces activités à des entre- pagne d’élimination et de recyclage tique d’une meilleure gestion du sec- prises relevant du secteur privé. Au des déchets électriques et électro- teur d’activité » dont la responsabilité Sénégal par exemple, le gouverne- niques, baptisée E-Waste. Elle a per- incombe jusqu’à présent à la société ment essaie de convaincre les entre- mis de collecter 60 tonnes de déchets d’Hygiène et de salubrité du Cameroun prises à soutenir le projet « Un en l’espace de trois mois. Le traitement (Hysacam). Au Maroc, en 2014, le mi- Sénégal zéro déchet. » D’après le mi- des déchets s’est effectué à Durban, nistère de l’Environnement a inscrit à nistre de la Gouvernance locale, du en Afrique du Sud et au Pays-Bas. De son agenda la réhabilitation et la fer- Développement et de l’Aménagement sources officielles, l’Afrique génère 80 meture de décharges ou encore l’amé- du territoire, Abdoulaye Diouf Sarr, « à 100 millions de tonnes d’ordures nagement de casiers pour 34 centres la lutte contre l’insalubrité et l’encom- chaque année. La Banque mondiale ruraux et la mise en place de centres brement ne peut être gagnée sans révèle même que plus de 50% des dé- d’enfouissement et de valorisation des l’engagement et l’implication des en- chets produits sur le continent sont or- déchets ménagers pour quatre autres treprises, quel que soit leur secteur ganiques. Un rapport du Programme centres. Le budget retenu était de 54 d’activité ». Dans certains pays, le des Nations unies pour l’environne- millions d’euros, soit plus de 35,4 mil- secteur informel est mis à contribu- ment (PNUE) indique que la France, liards de F. A Brazzaville et Pointe- tion. Une étude menée par l’organisa- l’Allemagne et la Grande Bretagne sont Noire au Congo, le marché des tion internationale Enda en 2012 à les principaux pays exportateurs de dé- déchets fait face au défi du manque Addis-Abeba (Ethiopie) précise que chets électroniques en Afrique où ils at- d’espaces adéquats pour déverser les 100 000 personnes identifiées au sein terrissent sous forme de produits déchets. Les bacs à ordures y sont de 600 associations ont été identi- d’occasion. 12 BOSANGI - Le magazine trimestriel de l’environnement - Avril - Mai - Juin 2018 / N°54
Dossier Les déchets UN CASSE-TETE POUR LES ETATS AFRICAINS C'est le creuset des civilisations et le berceau de l'humanité. Fort de plus d'un milliard d'habitants, le continent noir génère 80 à 100 millions de tonnes de déchets ménagers par an. Il n'en fallait pas plus pour que le secteur du déchet s'organise en une activité qui créé un marché concurrentiel. Jean-Célestin EDJANGUE La course au marché des déchets Quand on parle de marché, on ima- gine forcément un lieu où se rencon- trent l'offre et le demande pour un s'agit de sauvegarde de l'environne- leure gestion du secteur d'activités bien ou un service. Et lorsque le ser- ment, c'est une mobilisation géné- susvisé, et eu égard aux difficultés ré- vice en question concerne un produit rale qu'il faut décréter pour que currentes rencontrées par la Société aussi atypique que le déchet...le l'ensemble des acteurs du secteur d'hygiène et de salubrité du Came- marché est obligatoirement peu des déchets jouent, chacun à son ni- roun(Hysacam), j'ai l'honneur de vous commun. Surtout dans un continent veau, toute sa partition pour être à la faire connaître que Monsieur le Prési- qui se nourrie d'une multitude de pa- hauteur des enjeux environnemen- dent de la République a prescrit l'ou- radoxes. Continent le plus jeune au taux de l'Afrique. verture à la concurrence de l'activité monde avec une population dont les Au Cameroun, la société Hygiène et de collecte et de traitement des or- deux tiers ont moins de 25 ans, salubrité du Cameroun (Hysacam) dures dans les centres urbains». Une l'Afrique est aussi la région du créée en 1969 par le groupe français correspondance qui n'empêchera pas monde où l'accroissement démogra- Grandjouan et rachetée en 1994 par Hysacam de décrocher son quinzième phique est l'un des plus importants. Michel Ngapanoun, un Camerounais, contrat-ville, en mars 2017, avec la Puisque le continent devrait doubler a fait de la propreté de l'environne- Communauté urbaine de Bamenda, sa population pour atteindre les 2 ment des communes du pays son ob- capitale régionale du Nord-Ouest, milliards d'habitant à l'horizon 2050. jectif principal. L'entreprise emploie pour une durée de 5 ans. Cette démographie galopante im- aujourd'hui plus de 5.000 salariés plique autant de bouche à nourrir et avec des services qui profitent à plus «Les conditions d'une concur- donc une augmentation notable du de 15 millions de personnes. L'Etat ca- rence parfaite» nombre de consommateurs, qui pro- merounais, tenant compte du nouveau L'ouverture à la concurrence du mar- duiront beaucoup de déchets ména- contexte démographique et de la com- ché des déchets en Afrique, peut ap- gers notamment. Une réalité qui plexité de plus en plus grande de la fi- paraître, à priori, comme un fait complexifie encore la filière du dé- lière du déchet, a décidé en 2017 de intéressant pour les entités prenantes. chet, depuis la collecte jusqu'au trai- réorganiser le secteur et de l'ouvrir à Encore faudrait-il que toutes les tement en passant par le la concurrence. C'est en tous cas ce conditions soient réunies pour la réa- ramassage. qui apparaît dans une correspon- lisation d'un marché concurrentiel par- Une situation qui implique un travail dance adressée au Secrétariat géné- fait du secteur des déchets. Ce qui encore plus en profondeur en ma- ral des services du Premier ministre, suppose le respect d'un certain nom- tière d'éducation à l'environnement le 25 janvier 2017 par la Présidence bre de points. D'une manière géné- et à la propreté, depuis les centres de la République, relative à «l'organi- rale, un marché concurrentiel implique urbains et périurbains jusqu'aux sation du ramassage des déchets une concurrence pure et parfaite. contrées les plus reculées des vil- dans les centres urbains». Le courrier C'est pourquoi on parle de marché en lages. Et comme souvent quand il précise: «Dans l'optique d'une meil- CPP (Concurrence pure et parfaite). BOSANGI - Le magazine trimestriel de l’environnement - Avril - Mai - Juin 2018 / N°54 13
Dossier Dans cette optique, il doit y avoir une rencontre entre plusieurs offreurs et plusieurs demandeurs autour d'un prix de marché en rapport avec la de- mande des consommateurs. Parmi les conditions requises pour qu'un marché soit rigoureusement reconnu comme concurrentiel, on peut distinguer trois points fonda- mentaux: l'atomicité de l'offre qui veut que l'importance de l'offreur, en fonction de la part du marché, soit minime pour qu'il ne puisse en aucun cas influencé ce marché; ensuite, un voie certes à la valeur économique trottoir et permet aux usagers de se marché concurrentiel stipule une négative, dépréciée, mais également débarrasser à tout moment du dé- libre entrée et sortie des firmes, afin à une notion beaucoup plus com- chet et le ramassage se fait comme de permettre les entreprises de pra- plexe de valeurs socioculturelles: va- pour les autres types de déchets, par tiquer une libre circulation des pro- leurs, cultures, croyances et même des camions-bennes jusqu'à la dé- duits sans qu'ils soient soumis à des l'archéologie du mental. Pour Gérard charge pour le traitement. barrières réglementaires qui pour- Bertolini et Mustapha Brakey, il ne fait De l'autre côté, les pays en dévelop- raient peser sur les coûts supplé- l'ombre d'aucun doute qu' «un lien pement semble généralement vivre mentaires, en plus de ceux inhérents existe entre le déchet, l'espace-dé- dans un autre monde. Le tri sélectif a à l'activité de production. Ultime chet et «le déchet social». La vraie toutes les peines du monde à être condition indispensable pour parler question est de savoir comment pas- institué alors que le ramassage et la de marché concurrentiel, la transpa- ser du déchet comme produit de rejet collecte s'effectuent tant bien que rence en matière d'information et de au déchet comme projet. Là encore, mal. Les infrastructures routières, communication. Ce qui oblige la sensibilisation et à l'hygiène, assai- notamment, ne facilitent guère les chaque firme à signaler le montant nissement et à la propreté, apparais- opérations en particulier dans les de tarification appliquée, sachant sent comme les piliers de l'éducation zones enclavées. Du coup, la col- que la rétention de l'information dans à l'environnement. Une éducation in- lecte et le ramassage sont partiels, un marché concurrentiel exclue de dispensable pour appréhender les concernent plus facilement les quar- fait du jeu la firme en question. différents statuts du déchet. tiers centraux ou riches des agglo- Concurrence oblige! La complexité du marché du déchet mérations bénéficiant déjà d'un En définitive, le marché concurren- traduit l'existence d'une filière aty- réseau routier praticable. Une situa- tiel formalisé par l'économiste pique, avec un processus pluridi- tion qui expliquerait, au moins en Adam Smith puis David Ricardo, au mensionnel depuis la collecte et le partie, le fait que dans des cités 19ème Siècle, se définit comme un ramassage jusqu'à la phase de trai- comme Le Caire, en Egypte, ce sont lieu d'échange basé sur la concur- tement. Une complexité qui se traduit des chiffonniers qui sont les concur- rence des offres de services ou de également dans la fracture entre les rents des entreprises de collecte et produits destinés aux mêmes pays en développement et les pays de traitement des déchets. D'une consommateurs. développés. D'un côté, les pays dé- manière plus générale, l'Afrique est veloppés où le circuit semble parfai- certainement le continent qui fait «Un statut particulier» tement organisé avec un tri sélectif preuve de plus d'ingéniosité en ma- Nous l'avons déjà dit. Le déchet n'est des ordures qui s'opère dans des tière de recyclage des déchets mé- pas un secteur d'activités comme les poubelles disposées à cet effet: pou- nagers que les chiffonniers et autres. Son marché est nécessaire- belles jaunes pour le plastic et le car- autres «travailleurs» des déchets, ment, lui aussi, peu commun. Dans ton, grises pour les ordures parviennent à leur donner une se- un article publié en 2008 ménagères, puis une autre couleur conde vie. (WWW.cairn.info), les auteurs Gé- de poubelle pour le verre. Les pou- Le marché des déchets pour donc rard Bertolini et Mustapha Brakey belles destinées au plastic sont col- être une aubaine pour l'Afrique, à analysent la «Caution des déchets, lectées et ramassées une fois par condition que la concurrence soit innovations et territoires». Pour eux, semaine, alors que celles prévues pure et parfaite. Ce qui suppose que si la gestion des déchets apparaît pour les déchets ménagers le sont tous les acteurs de la filière déchet comme un thème porteur, c'est tous les jours de la semaine sauf le acceptent de jouer le jeu de la trans- d'abord parce que la «désappropria- jour où sont ramassés les déchets parence pour le bonheur du milliard tion» et le rejet sont à la base même en plastique. Quant à la poubelle de consommateurs du berceau de du statut du déchet. Ce dernier ren- pour le verre, elle est moulée sur le l'humanité. 14 BOSANGI - Le magazine trimestriel de l’environnement - Avril - Mai - Juin 2018 / N°54
Dossier LE DECHET, UNE SOURCE DE DEVELOPPEMENT Les déchets, au regard de la complexité de leur gestion, et de leur spécificité, constituent un secteur qui séduit difficilement les investisseurs. Leur caractère évanescent, et la difficulté à projeter leur rentabilité rebutent les investisseurs, en même temps qu’ils épouvantent les financeurs. Jean-Loïc AMOUGOU ais à y regarder de près, les à un double objectif de résultat et M déchets constituent une niche et un potentiel encore vierges dont l’exploitation aurait un d’efficacité. En effet, la déficience du service de collecte de déchets gé- nère inévitablement toutes sortes de impact majeur sur le développement, désagréments directement visibles la croissance et la lutte contre le chô- dans les villes : formation de dé- mage, notamment dans les pays en charges sauvages, développement développement. de maladies, pollution locale, etc. Selon « Idées pour le Développe- ment », un Blog animé par l’Agence Le compostage, une alternative Française de Développement, la pro- très intéressante duction mondiale de déchets solides La part des matières organiques municipaux devrait doubler dans les dans les déchets urbains des pays quinze prochaines années. Ce sont en développement est fort impor- principalement les pays en dévelop- Faire de la gestion des déchets ur- tante. Le compostage permet d’une pement qui contribuent à cette aug- bains une source de développe- part, de fournir un amendement or- mentation, sous l’effet conjugué de la ment ganique pour le développement de forte croissance urbaine et du déve- Selon une étude de la Banque mon- l’agriculture périurbaine locale, et loppement économique. La gestion diale publiée en juin 2012, la quan- d’autre part, de réduire les émissions des déchets dans ces pays repré- tité totale de déchets produits par les de gaz à effet de serre liées à la dé- sente un défi de taille pour les an- villes devrait augmenter de 69 % d’ici composition des déchets. Le tri et le nées à venir. à 2025, davantage encore dans les compostage des déchets impliquent Les impacts sont particulièrement pays du Sud, qui disposent souvent aussi la création d’emplois locaux. importants pour les 15 millions de de moyens financiers limités. Cette De plus, la vente de produits issus du personnes du secteur informel qui équation implique de nombreux défis recyclage des déchets urbains ne travaillent sur les décharges et trai- pour l’établissement de villes dura- permet pas d’assurer, à elle seule, la tent de 15 % à 20 % des déchets bles, mais offre également de nom- viabilité économique des activités sur produits. breuses opportunités. le long terme : le recours à d’autres « Idées pour le Développement » L’un des premiers défis dans la ges- sources innovantes de financement précise que « l’augmentation des vo- tion des déchets urbains est l’organi- (comme la finance carbone) permet lumes représente également un sation de la filière. Celle-ci implique de pérenniser ces actions de com- enjeu économique. Le secteur des de nombreux acteurs publics et pri- postage. déchets fournit à lui seul jusqu’à 5 % vés et demande une forte cohésion Par ailleurs, les acteurs locaux font des emplois urbains. Les pays en dé- entre eux par l’établissement de po- souvent preuve d’une grande inven- veloppement dépensent en outre litiques fortes. Différents schémas tivité pour faire des déchets urbains chaque année environ 46 milliards sont mis en œuvre par les municipa- de nouvelles ressources et de dollars pour la gestion de leurs lités : optimisation des circuits de col- construire des villes plus durables : déchets solides municipaux et les lecte de déchets, gestion autonome fabrication de pavés à base de plas- besoins de financement pourraient de la collecte, délégation de la ges- tique recyclé, valorisation des pa- dépasser 150 milliards de dollars an- tion de la collecte à des acteurs pri- piers et cartons en briquettes nuels d’ici à 2025. Les autorités pu- vés, valorisation matière ou combustibles, recyclage du verre, bliques ont du mal à mobiliser les énergétique, etc. Toutes ces actions des déchets d’abattoir, etc. Ces ac- sommes nécessaires pour faire face s’intègrent plus généralement aux tions souvent très locales peinent ce- à ces besoins. Elles sont souvent plans d’urbanisme locaux, et leur pendant à trouver un écho à plus obligées de se concentrer sur l’ur- réalisation demande une forte impli- grande échelle faute de moyens, gence – la collecte – au détriment du cation tant des décideurs politiques d’implication politique, de réelle capi- traitement, avec in fine des coûts éle- que des populations locales. talisation ou de difficulté à dévelop- vés pour des résultats mitigés et une Ainsi, la gestion des déchets oblige per de nouveaux marchés. gestion peu durable. »– BOSANGI - Le magazine trimestriel de l’environnement - Avril - Mai - Juin 2018 / N°54 15
Dossier COLLECTE DES ORDURES AU CAMEROUN LES INCERTITUDES DE LA CONCURRENCE Dans l’optique d’une meil- leure gestion des déchets ménagers, le président de la république a instruit l’ouverture de ce secteur à plusieurs sociétés. Mais vu les postures des acteurs déjà existants, la mesure risque d’accoucher d’une petite souris. Boris NGOUNOU e monopole du marché des déchets les bacs à ordures de Hysacam. Jusqu’ici L’Etat L ménagers au Cameroun est détenu jusqu’ici par la société privée Hy- giène et salubrité du Cameroun (Hysa- l’activité se porte plus tôt bien, les mé- nages contribuent à hauteur de 1000 FCFA par mois. Le GIC est également Dans le financement de la collecte des or- dures à Yaoundé, Hysacam reçoit 15% de ces fonds auprès de la communauté ur- cam). Créée en 1969, l’entreprise emploie soutenue par des partenaires internatio- baine et 85% de l’Etat. Mais le manque à aujourd’hui près de 15 millions de per- naux tels que l’Agence Française pour le gagner induit par l’irrégularité des paie- sonnes dans 15 villes du pays à savoir : Développement, la GIZ et l’aide publique ments de l’Etat, explique principalement le Yaoundé (chef-lieu de la région du centre) pour la coopération japonaise, grâce à fait que la collecte et le traitement des or- ; Douala et Edéa (région du littoral) ; Ba- qui le GIC créée en 1997 par Roland dures aient enregistré durant ces dernières foussam (chef-lieu de l’ouest) ;Ngaoun- Etoga, a construit un centre de capitalisa- années, de sérieux désagréments dans les déré (Adamaoua) ;Garoua (région du tion de la gestion des déchets solides au villes telles que Yaoundé et Douala notam- nord), Maroua (extrême-nord) ; Bertoua quartier Melen. Le centre reçoit les uni- ment. Car sur les 6,4 milliards de FCFA at- (Est) ; Buéa et Limbé (sud-ouest) ; Ebo- versitaires, les étudiants et autres pas- tendus vis-à-vis de l’Etat par Hysacam lowa, Kribi, Sangmélima et Meyomessala sionnés des questions de protection de concernant le contrat de la période 2013- (région du sud) et en fin Bamenda le chef- l’environnement. 2017, seul 1 milliard a été versé. D’ailleurs, lieu de la région du nord-ouest avec qui un Dans des villes moins grandes que à la faveur un tour de ville effectué en contrat de 5 ans a été signé en mars 2017. Yaoundé, et donc disposant de plus d’es- début d’année à Yaoundé, le ministre de Dans ces villes, Hysacam assure la col- pace pour le compostage, comme Bafous- l’Habitat et du Développement urbain, lecte, le transport, le traitement et le recy- sam, situé à l’Ouest du pays, le Cercle Jean Claude Mbwentchou a reconnu clage des ordures ménagères. Si cette international pour la promotion de la créa- qu’Hysacam revendique le paiement par le entreprise dont le cahier de charge est de tion (CIPCRE), en occurrence, organise la gouvernement des arriérés de plusieurs maintenir les villes camerounaises, pro- collecte des ordures ménagères par quar- milliards de FCFA. pres et insalubres, a jusqu’ici réussi, avec tier, les traite sur des sites adéquats et les une relative efficacité à débarrasser les transforme en un engrais biologique au Face à la recrudescence des booms d’or- centres urbains de ces tas d’immondices compost. dures dans les métropoles, l’Etat a jugé qui côtoyaient les maisons, les rues et les mieux d’ouvrir le secteur de la collecte des centres commerciaux, elle est depuis Les ménages ordures ménagères à d’autres entreprises, quelques temps en baisse de régime. Des Si les autres villes n’ont pas toujours de lesquelles viendront ainsi en renfort à Hysa- contraintes budgétaires dues entre autres statiques sur les quantités de déchets cam. Le ministre de l’Habitat et du Déve- à l’augmentation des charges, et surtout solides produites, à Yaoundé, les popu- loppement urbain, en sa qualité de ministre des tensions de trésoreries dues non-paie- lations produisent près de 1800 tonnes de tutelle, suit attentivement le dossier et ment de ses prestations par l’Etat, sont d’ordures par jour. Les près de trois assure que les appels d’offre qui seront évoqués comme raisons de la rupture épi- millions d’habitants de la ville ne sont émis dès le mois d’avril 2018, le mode de sodique et récurrente du ramassage des pas toujours collaborateurs avec le paiement des prestataires qui seront rete- déchets dans les principales métropoles prestataire Hysacam. Les habitants nus, est le même qu’avec Hysacam. du pays. brillent par leur incivisme. Les déchets Seulement, l’opinion publique se de- sont jetés à tout bout vent, et vider les mande si l’Etat qui se trouve aujourd’hui La pré-collecte poubelles est une tâche très souvent insolvable avec un seul opérateur, La gestion des déchets au Cameroun et abandonné aux enfants immatures, qui pourra inverser la courbe lorsqu’ils seront notamment dans la capitale, est également les déversent à même le sol. Ces pra- plusieurs. Surtout que d’ici là, rien n’au- introduite par des pré-collecteurs à la base. tiques populaires rendent ainsi la tâche gure que les contraintes conjoncturelles La pratique est effective dans le 6ème ar- de la collecte des ordures plus longue, évoquées (Crise anglophone dans les ré- rondissement, où les près de 60 employés plus endurante et plus coûteuse dans gions du Sud-ouest et du nord-ouest) et bénévoles de Tam Tam Mobile, assurent une chaîne d’acteurs, où l’Etat fait fi- pour justifier le non-paiement des presta- le relais des ordures entre les ménages et gure de mauvais payeur. tions seront levées. 16 BOSANGI - Le magazine trimestriel de l’environnement - Avril - Mai - Juin 2018 / N°54
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