Vie et vieillissement - VIEILLIR EN SANTÉ MENTALE - LEADER
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2015 | VO LUM E 1 2 | N O 4 Enregistrement NO 40050080 Vie et vieillissement Revue trimestrielle de l’Association québécoise de gérontologie VIEILLIR EN SANTÉ MENTALE
Voir ma contribution Programmes Type cours de formation en Microprogrammes de 2e cycle • Soutien-conseil en gérontologie gérontologie • Intervention en gérontologie Sherbrooke, Longueuil et à distance Horaire adapté en formation continue • Prendre des décisions en fonction des meilleures pratiques cliniques Type recherche et éthiques. Maîtrise • Coordonner des situations complexes requérant des services variés et intégrés. Doctorat • Soutenir et conseiller les intervenants et partenaires. Sherbrooke USherbrooke.ca/gerontologie
SOMMAIRE La seule revue multidisciplinaire et francophone en gérontologie qui s’adresse à la fois aux intervenants, 2 | ÉDITORIAL, Sébastien Grenier, Ph. D., chercheur, Centre de recherche, Institut universitaire de géria- aux professionnels, aux étudiants et trie de Montréal, professeur adjoint, Département de psychologie, Université de Montréal à toutes les personnes intéressées aux enjeux du vieillissement 5 | POUR DES MILIEUX PARTICIPATIFS PLUS INCLUSIFS À L’ÉGARD DES AÎNÉS – PARCE QUE individuel et collectif. LA PARTICIPATION SOCIALE EST FAVORABLE À LA SANTÉ MENTALE, Émilie Raymond Ph. D., professeure, École de service social, Université Laval, chercheuse, Centre interdisciplinaire THÉMATIQUES de recherche en réadaptation et intégration sociale; Nadine Lacroix, conseillère à la recherche, Institut Vol. 13 No 1 de réadaptation en déficience physique de Québec, assistante de recherche, Compagnie des jeunes À déterminer retraité(e)s du Plateau de Charlesbourg; Denise Beaudry, retraitée, membre du comité de pilotage de Octobre 2015 la recherche Vol. 13 No 2 Les proches aidants 15 | LA DÉPRESSION CHEZ LES AÎNÉS : EFFET D’UN PROGRAMME D’INTERVENTION, Lyson Décembre 2015 Marcoux, Ph. D. (cand.), professeure adjointe, Université du Québec à Trois-Rivières; Sylvie Lapierre, Date de tombée : 1er septembre 2015 Ph. D., professeure titulaire, Université du Québec à Trois-Rivières; Micheline Dubé, Ph. D., professeure Vol. 13 No 3 associée, Université du Québec à Trois-Rivières; Sophie Desjardins, Ph. D., professeure agrégée, Université La maltraitance du Québec à Trois-Rivières; Paule Miquelon, Ph. D., professeure agrégée, Université du Québec à Trois- Mars 2016 Rivières; Richard Boyer Ph. D., professeur agrégé sous octroi, Université de Montréal Date de tombée: 1er décembre 2015 Vol. 13 No 4 21 | LES CONDUITES SUICIDAIRES DE LA PERSONNE ÂGÉE : UNE ABSENCE DE CHOIX OU UN Réalités gérontologiques ACTE IMPULSIF ?, Stéphane Richard-Devantoy, M.D., Ph. D., professeur, Département de psychia- Juin 2016 trie, Université McGill, chercheur, Institut universitaire en santé mentale Douglas, Groupe d’études sur Date de tombée : 15 mars 2016 le suicide, Université McGill, Laboratoire de psychologie des pays de la Loire, Université de Nantes Avis aux lecteurs : veuillez prendre note que les thématiques et les dates sont sujettes à changement selon la disponibilité des auteurs et de nos membres 33 | AUTOTRAITEMENT GUIDÉ DU TROUBLE D’ANXIÉTÉ GÉNÉRALISÉE CHEZ LES des comités qui collaborent généreusement d’une AÎNÉS : UNE VOIE PROMETTEUSE, Philippe Landreville, Ph. D., professeur titulaire, École de façon bénévole. psychologie, Université Laval, chercheur régulier, Centre de recherche du CHU de Québec; Patrick Votre collaboration nous est précieuse. N’hésitez pas Gosselin, professeur titulaire, Département de psychologie, Université de Sherbrooke, chercheur, Ins- à nous proposer des thématiques à couvrir, à nous titut universitaire de première ligne en santé et services sociaux-Centre intégré universitaire; Sébastien envoyer vos articles ou à faire partie d’un comité ! Grenier, Ph. D., professeur, Département de psychologie, Université de Montréal, chercheur, Centre de recherche de l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal; Carol Hudon, professeur titulaire, La revue trimestrielle, Vie et vieillissement, est École de psychologie, Université Laval, chercheur, Centre de recherche de l’Institut universitaire en le média par excellence pour rejoindre les rési- santé mentale de Québec; Dominique Lorrain, professeure titulaire, Département de psychologie, dences de retraités, les centres de recherche, Université de Sherbrooke, chercheuse, Centre de recherche sur le vieillissement, CSSS-IUGS les universités, les collèges, les bibliothèques et les institutions du MSSS, les associations de personnes aînées, les rassemblements de professionnels et de 39 | LA DÉPENDANCE AUX BENZODIAZÉPINES CHEZ LES PERSONNES ÂGÉES SOUFFRANT techniciens, les entreprises de l’économie sociale et D’ANXIÉTÉ OU D’INSOMNIE – UN PHÉNOMÈNE COMPLEXE AUX CONSÉQUENCES les organisations de bénévoles œuvrant dans le domaine de la gérontologie sociale. SÉRIEUSES, Sébastien Grenier, Ph. D., chercheur, Centre de recherche de l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal (CRIUGM), professeur adjoint, Département de psychologie, Université Les articles publiés n’engagent que la responsabi- lité de leurs auteurs. L’AQG respecte le choix des de Montréal; Virginie Proulx-Tremblay, B. Sc., étudiante à la maîtrise, Département de psychologie, auteurs quant à la féminisation et l’usage de la Université de Montréal; Guilhème Pérodeau, Ph. D., professeure, Département de psychoéduca- nouvelle orthographe. La reproduction des textes tion et de psychologie,Université du Québec en Outaouais; Fethia Benyebdri, Ph. D., profession- est autorisée à condition d’en mentionner la source. nelle de recherche, CRIUGM; Caroline Desrosiers, Ph. D., psychologue clinicienne, professionnelle de recherche, CRIUGM; Diana Cruz-Santiago, M. D., Institut universitaire de gériatrie de Montréal, RÉPERTORIÉ DANS Département de médecine familiale et de médecine d’urgence, Université de Montréal Bibliothèque nationale du Canada 45 | ACCOMPAGNER UNE PERSONNE ÂGÉE PRÉSENTANT UN TROUBLE NEUROCOGNITIF – Bibliothèque nationale DU CONSTAT À L’ACTION, Jean Vézina Ph. D., professeur, École de psychologie, Université Laval; du Québec Index de la santé et Marie-Hélène Leblond, bachelière en psychologie, Université Laval des services sociaux 54 | RUBRIQUES J’AI CLIQUÉ / J’AI VU Point de repère 56 | NOTE DE LECTURE ISSN 1707-0104 Enregistrement NO 40050080 AQG | info@aqg-quebec.org | 6510, rue de Saint-Vallier, Montréal (Québec) H2S 2P7 | Tél.: 514-387-3612 | SANS FRAIS : 1-888-387-3612
ÉDITORIAL VIEILLIR EN SÉBASTIEN GRENIER, Ph. D., CHERCHEUR, CENTRE DE RECHERCHE DE L’INSTITUT UNIVERSITAIRE DE GÉRIATRIE SANTÉ MENTALE DE MONTRÉAL, PROFESSEUR ADJOINT, DÉPARTEMENT DE PSYCHOLOGIE, UNIVERSITÉ DE MONTRÉAL Vol. 12 No 4 2015 Un concept devenu à la mode Dans le premier article intitulé Pour des milieux PRODUCTION DU NUMÉRO ces dernières années, est celui participatifs plus inclusifs à l’égard des aînés – Danielle Massé de l’espérance de vie en bonne Parce que la participation sociale est favorable à la rédactrice en chef santé (healthy life expectancy) santé mentale, Émilie Raymond et ses coauteures COMITÉ DE RÉDACTION qui correspond au nombre illustrent l’importance d’adopter des politiques Lise Dallaire d’années en bonne santé, sans sociales qui incluent les aînés ayant des besoins Catherine Geoffroy incapacités fonctionnelles particuliers, comme des problèmes de mobilité, et Anne Échasseriau importantes, qu’une personne proposent une recherche-action participative qui Normand Filteau peut s’attendre à vivre depuis la naissance. vise cet objectif. Les études ont effectivement Ghislain Hallé Plusieurs recherches en médecine et en psycho- démontré qu’une société qui met en place des poli- Nelson Saint-Gelais logie ont comme objectif de réduire l’écart entre tiques favorisant l’intégration et le sentiment d’ap- l’espérance de vie en bonne santé et l’espérance de partenance des aînés est une société en meilleure COMITÉ D’EXPERTS vie réelle (72 ans contre 82 ans au Canada selon des santé. Si vous vous questionnez sur l’intégration des Sébastien Grenier coordonnateur données compilées en 2012). Ultimement, ces personnes âgées dans votre milieu afin d’améliorer Département de psychologie recherches tentent de trouver des traitements leur bien-être psychologique, cet article vous Université de Montréal préventifs ou curatifs, pharmacologiques ou donnera quelques pistes pour passer à l’action. Valérie Coulombe psychologiques qui permettront aux gens de Association canadienne pour la santé mentale demeurer en bonne santé plus longtemps et d’avoir Dans le deuxième article intitulé La dépression Filiale de Montréal une meilleure qualité de vie durant les leurs chez les aînés : effet d’un programme d’interven- Anne Échasseriau dernières années. tion, Lyson Marcoux et ses collègues présentent À titre de consultante une intervention de groupe, issue du courant de la MERCI À NOS Ce qu’il faut dire toutefois, c’est que l’espérance de psychologie positive, qui a comme objectif d’aider COLLABORATEURS ET vie en bonne santé n’inclut pas uniquement la santé les aînés à se fixer des buts personnels afin de COLLABORATRICES physique comme par exemple la prévention du contrer les symptômes dépressifs. Si vous travaillez Suzanne Asselin, diabète, et la santé cognitive comme la prévention avec des personnes âgées déprimées, cet article Rédactrice agréée de la maladie d’Alzheimer, mais comprend égale- vous donnera des outils pour les aider à voir leur vie Philippe Cappeliez Université d’Ottawa ment la santé mentale ou, si vous préférez, le bien- d’une façon plus positive. être psychologique car ces trois types de santé Sofia Chraibi Université Toulouse II Le Mirail s’influencent mutuellement et continuellement. En Dans le troisième article intitulé Les conduites suici- Agathe Lorthios-Guilledroit effet, il est aujourd’hui prouvé que le fait de souffrir daires de la personne âgée : une absence de choix Université de Montréal d’une dépression majeure (santé mentale) ou un acte impulsif ?, l’auteur Stéphane Richard- Renée Massé augmente les risques d’avoir le diabète (santé Devantoy présente des données récentes en neuro- Centre hospitalier de physique) lequel, à son tour, augmente les risques psychologie et neurologie qui permettent de jeter l’Université de Montréal de développer la maladie d’Alzheimer (santé cogni- un nouveau regard sur le suicide au troisième âge. Linda Thibault tive). Pour prolonger l’espérance de vie en bonne Phénomène complexe et multifactoriel, le compor- M. Sc. Inf. santé, il est donc primordial d’élaborer des straté- tement suicidaire des personnes âgées ne résulte Marie-Josée Richer doctorante en gies de prévention ou d’intervention qui tiennent pas toujours d’une dépression majeure, mais aussi psychoéducation, UdeM compte de chacun de ces trois aspects de la santé. de déficits d’ordre cognitif attribuables au vieillisse- Marie-Ève Rioux, ment. Si vous voulez mieux comprendre les facteurs doctorante en Le numéro actuel de Vie et Vieillissement se qui pourraient mener une personne âgée à faire une psychologie, UQAM concentrera sur la santé mentale des personnes tentative de suicide ou si vous êtes à la recherche CONCEPTION, âgées, un sujet que notre société préfère souvent de solutions pour prévenir le suicide chez les ainés, VIE ET VIEILLISSEMENT - V12 N o 4 - 2015 RÉALISATION GRAPHIQUE ignorer. cet article est pour vous ! ET INFOGRAPHIE Pascale Aubin, Mariane Cogez Les articles qui composent ce numéro illustrent la Dans le quatrième article intitulé Autotraitement www.spinprod.com contribution originale de cliniciens ou chercheurs, guidé du trouble d’anxiété généralisée chez les IMPRIMERIE : Repro-UQAM qui, par leurs travaux de recherche et leur expé- aînés : une voie prometteuse, Philippe Landreville www.repro.UQAM.ca rience clinique, se questionnent sur les façons et ses collègues décrivent une nouvelle intervention d’améliorer la santé mentale et la qualité de vie des psychologique spécifiquement conçue pour traiter RESPONSABLE DE personnes âgées, mais aussi celle de leurs proches à distance les inquiétudes excessives des LA PUBLICITÉ ET DES aidants. personnes âgées. Cette intervention permet à la ABONNEMENTS personne de traiter elle-même son anxiété depuis Ginette Allaire 2
son domicile tout en étant supervisée par un théra- Hélène Leblond expliquent que la prise en charge peute à distance. Si vous êtes préoccupé par le d’une personne atteinte de troubles cognitifs impor- manque d’accès aux services spécialisés en santé tants comme la maladie d’Alzheimer comporte un mentale et si vous voulez avoir des solutions pour y lot de défis susceptibles de se répercuter sur la faire face, lisez cet article ! santé mentale du proche aidant. À lire pour mieux comprendre les enjeux associés au rôle de proche Le cinquième article intitulé La dépendance aux aidant et pour avoir accès à une liste de ressources. benzodiazépines chez les personnes âgées souf- frant d’anxiété ou d’insomnie : un phénomène En terminant, j’aimerais souligner que, pour réussir complexe aux conséquences sérieuses, rédigé par à réduire substantiellement l’écart entre l’espérance Sébastien Grenier et son équipe, met, d’entrée de de vie en bonne santé et l’espérance de vie réelle jeu, le lecteur en garde contre l’utilisation prolongée des prochaines générations, nous devons tous faire des benzodiazépines chez les aînés. Ensuite, il des efforts. Que vous soyez chercheur, étudiant, présente un modèle théorique expliquant le déve- professionnel de la santé ou décideur public, vous loppement d’une dépendance chez les 50 ans et pouvez poser des gestes quotidiens afin que les plus et décrit une intervention cognitivo-comporte- aînés se sentent bien, acceptés et respectés. mentale spécifiquement conçue pour faciliter l’arrêt Chacun des articles de ce numéro propose des graduel du médicament. Un article pour mieux outils et des idées qui vous permettront de passer à comprendre la dépendance aux BZD ou s’outiller l’action et de contribuer à l’atteinte de cet objectif pour faciliter le sevrage d’un aîné dépendant. ambitieux. Dans le dernier article intitulé Accompagner une Bonne lecture ! personne âgée présentant un trouble neuroco- gnitif – Du constat à l’action, Jean Vézina et Marie- VOUS ÊTES VICTIME OU TÉMOIN DE MALTRAITANCE ? VIE ET VIEILLISSEMENT - V12 N o 4 - 2015 LIGNE AIDE ABUS AINÉS 1 888 489-2287 3 Pub-Abus-aines-coul.indd 1 14-10-10 14:29
Vanille ou chocolat ? Depuis votre plus tendre enfance, vous avez fait des choix en fonction de ce qui compte pour vous, de ce que vous aimez et de qui vous êtes. Alors, pourquoi en serait-il autrement au moment de votre retraite ? Au sein des VIE ET VIEILLISSEMENT - V12 N o 4 - 2015 23 complexes résidentiels du Groupe Maurice au Québec, vous aurez toujours le choix de vivre votre retraite comme vous l’entendez. legroupemaurice.com 4
POUR DES MILIEUX PARTICIPATIFS PLUS INCLUSIFS PARCE QUE LA PARTICIPATION SOCIALE EST FAVORABLE À LA SANTÉ MENTALE Résumé : Au Québec, dans le contexte de changements démographiques, le thème de la participation ÉMILIE RAYMOND sociale des aînés occupe une place centrale non seulement dans le discours des politiques sociales, PROFESSEURE ÉCOLE DE SERVICE SOCIAL mais aussi dans l’opinion publique. L’attention accordée au sujet s’explique notamment par les UNIVERSITÉ LAVAL nombreuses études ayant documenté les bénéfices de la participation sociale pour la santé physique CHERCHEUSE et mentale des personnes âgées. Toutefois, des études ont aussi montré que certaines personnes CENTRE INTERDISCIPLINAIRE DE âgées qui vivent des réalités particulières, comme le fait d’avoir des incapacités, éprouvent des diffi- RECHERCHE EN RÉADAPTATION ET cultés à s’intégrer dans les espaces de participation à la société. Étant conscients de cette situation, INTÉGRATION SOCIALE les membres d’une organisation de personnes âgées, la Compagnie des jeunes retraités (CJR), ont décidé d’élaborer une politique d’inclusion pour s’assurer que les activités restent accessibles aux membres présentant ou acquérant des limitations. Cette politique est mise en place dans le cadre d’une recherche-action participative. Le présent article en présente des résultats préliminaires. En effet, lors d’un évènement qui a permis aux membres de l’association d’identifier ce que signifiait pour eux « bien et mal vieillir », nous avons pu confirmer que la CJR jouait un rôle important dans leur trajec- toire de vieillissement et dans leur sentiment de bien-être. Prendre part à la CJR permet de socialiser, de faire des activités significatives et de réaliser des projets, ce qui rejoint l’idée d’une retraite satis- faisante. Toutefois, des dimensions organisationnelles peuvent considérablement freiner l’accès à l’association, notamment les faiblesses du processus d’intégration des « nouveaux », le fonctionnement en silos des secteurs d’activité, ainsi que le manque d’accommodements à l’égard des situations de NADINE LACROIX handicap. Ces constats conduiront à une deuxième phase de recherche-action participative visant des CONSEILLÈRE À LA RECHERCHE INSTITUT DE RÉADAPTATION EN pratiques susceptibles de faire de la CJR un milieu plus accueillant à l’égard des différences, capable DÉFICIENCE PHYSIQUE DE QUÉBEC de soutenir une santé mentale et physique accrue pour l’ensemble des membres. ASSISTANTE DE RECHERCHE COMPAGNIE DES JEUNES RETRAITÉ(E)S DU PLATEAU DE CHARLESBOURG UN PILIER DE NOTRE APPROCHE En somme, l’importance de soutenir la participa- COLLECTIVE DU VIEILLISSEMENT tion des aînés à la vie collective fait l’objet d’un La notion de participation sociale est au cœur des appui consensuel sur les plans politique, social et discours contemporains sur le vieillissement. scientifique. Adoptée en 2012, la première politique québé- coise en matière de vieillissement, « Vieillir et vivre Le passage d’une vision du vieillissement impré- ensemble », fait de la participation des aînés à leur gnée par une rhétorique de déclin et de dépen- communauté sa première orientation (Gouverne- dance, à une autre orientée vers la préservation ment du Québec, 2012). À l’échelle internationale, des capacités, l’activité et l’autonomie, s’est VIE ET VIEILLISSEMENT - V12 N o 4 - 2015 l’idée maitresse des modèles du vieillissement réalisé sur une trentaine d’années (Organisation actif (Organisation mondiale de la santé, 2002) et des Nations unies, 1982; 2002). Cette évolution DENISE BEAUDRY des villes amies des aînés (Organisation mondiale rapide a été appuyée par de nombreuses RETRAITÉE de la santé, 2007) promue par l’Organisation recherches montrant les bénéfices de la partici- MEMBRE DU COMITÉ DE mondiale de la santé est la stimulation de la parti- pation sociale pour la santé des personnes âgées PILOTAGE DE LA RECHERCHE cipation sociale des personnes âgées. Au (Harvard School of Public Health, 2004; Raymond, Québec, plusieurs équipes, centres et instituts de Gagné, Sévigny et Tourigny, 2008; Zedlewski et recherche consacrent des travaux à ce thème Butrica, 2007). Cette démonstration est bienvenue (Fortier, Sévigny, Levasseur et Castonguay, 2014). au moment où le vieillissement démographique 5
ébranle des États providence occidentaux en • un déclin cognitif et fonctionnel moins rapide; processus de restructuration et d’amincissement • des symptômes dépressifs moins présents; (Minkler et Holstein, 2008). En même temps, on • un plus grand sentiment de bien-être; peut se demander si cet argumentaire ne présente • une autoévaluation plus favorable de l’état de pas le risque d’une instrumentalisation de la parti- santé (Raymond et coll., 2008). cipation sociale des personnes âgées à des fins politiques (Raymond et Lorsqu’on leur demande si participer socialement La simultanéité des stimuli sociaux, Grenier, 2012). De plus, il est « bon pour la santé », les aînés répondent cognitifs et physiques engendrée semble que tous les aînés généralement oui, affirmant que cette pratique n’ont pas un accès équiva- permet de : par des activités de participation lent aux occasions et aux • devenir membre d’un groupe d’apparte- sociale est bénéfique. milieux de participation nance; sociale (Blanchet et coll., • apprendre et s’activer; 2014; Raymond et Grenier, 2013; Raymond, • s’accomplir et s’épanouir; Grenier et Hanley, 2014). Cette situation constitue • donner et recevoir; le thème du présent article. À partir d’une expé- • contribuer au développement de leur commu- rience de recherche-action participative, nous nauté (Raymond, Sévigny et Tourigny, 2012). explorerons comment les aspirations et les besoins en matière de participation sociale Comment la participation agit-elle sur l’état de d’aînés ayant des incapacités1, peuvent être mieux santé objectif et subjectif des aînés ? Quels ingré- reconnus et respectés dans les milieux associatifs dients de la participation sont plus particulière- et communautaires de personnes âgées. ment déterminants de l’état de santé ? Qu’est-ce qui compte le plus : la nature de l’activité ou le Le présent article se divise en six parties. Tout seul fait de socialiser avec d’autres ? La qualité d’abord, nous proposerons une synthèse des des liens sociaux, davantage que la nature ou apports de la participation sociale pour la santé l’intensité de l’activité, semble centrale pour un mentale et physique des aînés et une probléma- vieillissement en santé (Abbu-Rayya, 2006; Litwin tique en lien avec une répartition potentiellement et Shiovitz-Ezra, 2006; Wahrendorf, Knesebeck et inégale de ces bénéfices, pour ensuite présenter Siegrist, 2006). L’établissement et le maintien de la méthodologie de la recherche-action participa- relations interpersonnelles significatives et posi- tive que nous sommes à réaliser. Suivront l’expo- tives, plus probables en situation de participation sition des résultats de la première année de qu’en situation d’isolement, faciliteraient les recherche, puis une discussion des résultats. processus d’adaptation aux réalités de la vieil- Enfin, la conclusion mènera à trouver les pistes lesse (N. G. Choi, Burr, Mutchler et Caro, 2007; d’action pour la deuxième année de recherche. Li et Ferraro, 2005). De plus, les situations de participation sociale constituent des sources de PARTICIPATION SOCIALE ET SANTÉ, UNE stimulation cognitive, cette dernière renforçant à ASSOCIATION À SOUTENIR son tour les mécanismes neuroendocriniens et le Au cours des dernières années, de nombreuses système immunitaire (Bukov, Mass et Lamper, études ont documenté les effets favorables de la 2002; Zunzunegui, Alvarado, Del Ser et Otero, participation sociale sur la santé physique et 2003). Par ailleurs, il s’avère que la simultanéité mentale des personnes âgées. Ainsi, plus de parti- des stimuli sociaux, cognitifs et physiques engen- VIE ET VIEILLISSEMENT - V12 N o 4 - 2015 cipation serait associée à : drée par des activités de participation sociale est • un accroissement de l’espérance de vie; bénéfique, chacune de ces sphères s’influençant • une consommation moindre de médica- et se renforçant mutuellement (Bath et Deeg, ments; 2005). • une utilisation plus adéquate des services de santé; 1 « Il est utile de rappeler que l’incapacité est définie (…) comme une limitation d’activités qui découle d’un état, d’une condition ou d’un problème de santé physique ou mentale de longue durée (c’est-à-dire qui dure depuis au moins six mois ou qui a une durée présumée d’au moins six mois). Cette définition générale repose sur le cadre conceptuel fourni par la Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé (CIF), de l’Organisation mondiale de la santé (OMS, 2001) » (Institut de la statistique du Québec, 2013). 6
DES POSSIBILITÉS DE PARTICIPER nant de devenir plus accueillants à l’égard des ÉQUIVALENTES POUR TOUS ? aînés ayant des incapacités. Afin d’accompagner S’il s’avère que les différentes formes de partici- l’implantation et l’évaluation d’une politique pation sociale ont des effets positifs majeurs sur la interne d’inclusion des membres susceptibles de santé et le bien-être des personnes âgées, le fait vivre des situations de handicap (Fougeyrollas, que ce sont les aînés les mieux nantis, les plus 2010) limitant leur participation aux activités de la scolarisés, et ayant une bonne condition physique CJR , ils ont entrepris une recherche-action parti- qui s’impliquent davantage (Bickel, 2003; L. H. cipative en alliance avec des chercheurs du Choi, 2003; Perren, Arber et Davidson, 2003; Peter- Centre interdisciplinaire de recherche en réadap- Davis, Burant et Braunschweig, 2001; Shmotkin, tation et intégration sociale (CIRRIS). Blumstein et Modan, 2003; Van Willigen, 2000) amène à se demander si tous les aînés ont un L’objectif du présent article est de rendre compte accès égal ou équivalent aux possibilités partici- de la première année de cette recherche-action patives. Le présent article s’intéresse particulière- participative, qui a permis d’éclairer, d’une part, ment aux personnes ayant des ce que la CJR apporte à ses incapacités, des recherches Le projet vise à favoriser membres et ce que veut dire récentes ayant montré que le l’inclusion des personnes pour eux « bien vieillir », fait d’avoir des incapacités notamment sur le plan de la peut moduler l’implication ayant des incapacités santé mentale et du bien-être, dans des milieux « réguliers » dans les milieux de vie et, d’autre part, ce qui pourrait de par ticipation pour les associatifs d’aînés. être fait pour éviter que les personnes âgées (Bigby, 2004; personnes ayant des incapa- Bigby et Balandin, 2005; Raymond et coll., 2014), cités soient privées de leur participation à la CJR, c’est-à-dire hors du circuit des services spécia- et donc des bénéfices de cette dernière en lien lisés pour personnes handicapées. avec leurs projets à la retraite. Au Québec, l’adaptation de nos pratiques aux UNE ASSOCIATION EN ACTION différentes réalités, conditions et trajectoires de Créée en 1994, la CJR regroupe actuellement vieillissement constitue un défi pressant, mais environ 1800 membres âgés en moyenne de négligé (Grenier et Brotman, 2010). Au-delà de la 70 ans. Cet organisme à but non lucratif offre à ses volonté de faire « s’activer » les personnes âgées, membres 120 activités culturelles, sportives et il faut, dans le cas des personnes ayant des inca- sociales, annuellement. Ses membres, qui sont de pacités, se demander si les discours et les plus en plus vieillissants et risquant donc de mesures législatives concernant leur intégration présenter dans une plus large proportion des limi- en milieu scolaire et professionnel (Gouverne- tations normales ou pathologiques, peuvent vivre ment du Québec, 2009) ont rejoint les sphères des difficultés qui influencent leur participation collectives de l’après-travail salarié. Pendant ce active dans le milieu. La volonté de l’organisme à temps, des organismes de personnes âgées demeurer un milieu de vie pour « tous » les aînés, commencent à entrevoir les impacts du vieillisse- l’amène à entreprendre une démarche de ment démographique sur le devenir de leur orga- réflexion. L’élaboration et l’adoption d’une poli- nisation, notamment la croissance de la proportion tique interne relative à l’inclusion des personnes de membres ou d’usagers ayant des incapacités. ayant des incapacités ou non, en découle. Les VIE ET VIEILLISSEMENT - V12 N o 4 - 2015 En effet, alors que le risque de vivre avec une valeurs fondamentales qui sous-tendent cette poli- incapacité modérée ou sévère touche 20,7 % des tique sont : la confidentialité, le respect de la 65-74 ans, il augmente à 38,2 % des 75 ans ou plus dignité humaine, la solidarité et l’équité, la liberté (Institut de la statistique du Québec, 2013). de choix, l’égalité et la lutte contre la discrimina- tion. Elle vise à ce que la CJR renforce son milieu Les membres d’une association de la ville de pour qu’il soit plus accueillant, ouvert, chaleureux Québec, la Compagnie des jeunes retraité(e)s du et inclusif, permettant à toute personne de Plateau de Charlesbourg (CJR), ont pour leur part demeurer active et intégrée au sein des activités décidé de réfléchir à cette question en entrepre- offertes. Elle concerne tant l’adaptation des 7
milieux, notamment par la transformation des lieux Au cours de l’an 2, les activités seront dédiées à physiques et des mentalités, que le développe- une évaluation participative de l’implantation de ment d’une direction « par » et « pour » les aînés à la politique et à la réalisation d’ajustements tenant l’égard du caractère inclusif de leur milieu de vie. compte des résultats de cette évaluation. Au cours de l’an 3, les activités seront concentrées non Ce projet de recherche-action participative est seulement sur la poursuite du monitorage de l’im- entrepris par la CJR pour soutenir un vieillisse- plantation de la politique à la CJR, mais surtout sur ment actif dans la dignité. Le projet vise à favoriser le transfert des savoir-faire développés par le biais l’inclusion des personnes ayant des incapacités de l’élaboration d’un guide de pratique et d’une dans les milieux de vie formation à l’intention d’organisations désireuses La participation à ces activités permet associatifs d’aînés. Il d’adapter leurs pratiques aux situations des aînés aux personnes de développer de peut s’agir d’aînés ayant des incapacités ainsi qu’à la réalisation et à déjà membres d’un la diffusion d’un cadre de référence sur l’inclusion nouvelles capacités, de se dépasser milieu et désireux de des aînés ayant des incapacités dans les activités et de réaliser des projets qu’elles poursuivre leurs acti- régulières des organisations. avaient prévus pour la retraite. vités lorsque survient une perte, ou encore RÉSULTATS d’aînés ayant des incapacités et souhaitant inté- Les résultats présentés dans cet article sont issus grer un nouveau lieu de participation sociale. d’ateliers d’échanges réalisés avec plus de 100 membres de la CJR en novembre 2014, dont La CJR forme donc un comité de pilotage et s’as- la moyenne d’âge était de 70 ans. Ces ateliers ont socie à différents organismes du milieu : Ville de fait suite à une conférence intitulée : « Optimiser Québec (Arrondissement de Charlesbourg), nos possibilités de bien vieillir… un défi à relever CADAC (Comité ami des aînés de Charlesbourg), ensemble », en soi considérée comme une activité CIUSSS-CN (Centre intégré universitaire de santé d’implantation de la politique d’inclusion. Les et de services sociaux de la Capitale-Nationale), participants étaient rassemblés en groupes de CIRRIS et ROP 03 (Regroupement des organisa- discussion d’environ dix membres. Les échanges tions de personnes handicapées de la région 03). étaient animés par deux animateurs. Trois grands thèmes figuraient au guide d’entretien : les La recherche-action a une durée de trois ans perceptions du « bien vieillir », les visions de son (2014-2017). Au cours de l’an 1, les activités ont opposé, le « mal vieillir », ainsi que les actions de consisté à former le collectif de recherche, à la CJR adaptées aux conceptions et aux besoins implanter la politique au sein de la CJR, ainsi qu’à exprimés. collecter les informations nécessaires à l’analyse de cette implantation. Formé de membres de la Les résultats des ateliers d’échange ont été CJR, de la chercheuse principale et de son classés en trois catégories : les apports de la CJR équipe, de la chargée de projet et de représen- dans la vie de ses membres, la manière dont ces tants des partenaires, le collectif de recherche est apports s’inscrivent dans le rapport individuel au l’entité responsable de voir au bon déroulement vieillissement, ainsi que les visions quant aux de la recherche-action, sur les plans scientifique, actions à entreprendre pour faciliter la participa- organisationnel et relationnel. Quant aux activités tion optimale de l’ensemble des membres au sein d’implantation de la politique, elles comprennent de l’organisme. VIE ET VIEILLISSEMENT - V12 N o 4 - 2015 plusieurs types d’action : échanges avec les responsables d’activités pour les sensibiliser à 1) Ce que m’apporte la CJR : le rôle d’une leur rôle dans l’identification des besoins et le organisation d’aînés dans la vie de ses développement d’accommodements; diffusion membres d’information dans le bulletin de liaison de l’orga- Lors de la collecte de données, les participants nisation; contacts personnalisés avec les ont discuté de l’impact que la CJR a dans leur membres lors de la journée d’inscription, etc. vieillissement. Pour ces derniers, la CJR fait défi- nitivement partie des éléments favorisant le « bien 8
vieillir ». Cet état de fait s’explique par trois raisons principales. Premièrement, les personnes présentes à l’activité ont souligné son rôle de lieu d’appartenance. Parce qu’elle permet de se mettre en contact avec d’autres aînés ayant des intérêts similaires et qu’il s’agit d’un « milieu où on se sent accepté, du bon monde » (participant, ateliers), la participation au sein de cette association permet de bonifier ou de construire un réseau social satisfaisant. Deuxièmement, elle offre un choix très varié d’ac- tivités, proposant à la fois des activités « physiques et mentales » (participant, ateliers). Cette diversité de choix permet, d’une part, de s’assurer de rejoindre un maximum de personnes, mais aussi de s’adapter à l’évolution des goûts et des intérêts Les bénéfices de la participation sociale pour la santé physique et mentale ne font aucun de l’ensemble des membres. Cela offre une alter- doute. native aux personnes aînées qui doivent faire le deuil d’une activité à cause d’une limitation : Les personnes ayant une vision plus optimiste de « Quand on ne peut plus faire une activité (vélo), ce moment voient des gains au fait d’être rendues on peut en faire une autre sorte » (participant, à la retraite, d’avoir moins de responsabilités et ateliers). plus de temps pour elles. Il s’agit aussi d’un moment pour faire des projets et des activités Enfin, la participation à ces activités permet aux qu’elles n’ont pas pu réaliser auparavant. personnes de développer de nouvelles capacités, de se dépasser et de réaliser des projets qu’elles « [Vieillir], c’est faire aujourd’hui des projets que avaient prévus pour la retraite. « Oser essayer des je n’ai pas encore eu le temps de réaliser. C’est nouvelles approches » et « axer sur les capa- profiter de la vie. » cités » (participants, ateliers) sont deux attitudes « À la retraite, on a le luxe de faire des choix, soulignées comme importantes par les partici- l’avantage de « choisir » nos responsabilités. » pants pour s’assurer de « bien vieillir ». « Le calme après la tempête!!! On a enfin le temps de prendre notre temps. Plusieurs activités 2) La participation sociale dans un contexte possibles rendent la vie agréable. » de vieillissement : c’est quoi « bien vieillir »? La notion de vieillissement ne signifie pas la Il existe aussi des craintes face au vieillissement, même chose pour tout le monde. Afin de mieux des facteurs qui peuvent le rendre plus négatif. comprendre ce que les membres de la CJR Les principales craintes verbalisées par les parti- entendent par les expressions « bien vieillir » et cipants sont en lien avec la maladie et la santé, « mal vieillir », la question leur a été posée en d’une part, et l’isolement, d’autre part. groupe de douze à quinze personnes. Pour s’as- VIE ET VIEILLISSEMENT - V12 N o 4 - 2015 surer d’accompagner les personnes dans une « [Vieillir], c’est perdre l’autonomie, s’éloigner participation sociale qui est optimale pour eux et des enfants, être malade, s’attirer des reproches qui répond à leurs attentes, il importe de tendre et manquer d’attention de la part de son entou- vers ce qui est positif dans le vieillissement, sans rage. » oublier les obstacles qui peuvent se présenter. Il faut toutefois souligner que, pour la majorité des Premièrement, pour la majorité des participants, participants (112 contre 43 énoncés), la différence le vieillissement est une étape positive entre bien vieillir et mal vieillir est plus une ques- (55 énoncés) plutôt que négative (42 énoncés). tion de manière d’être et d’attitude que d’actions 9
à poser. En effet, plusieurs personnes ont mentionné reliés autant à la nature des activités qu’aux rela- qu’ « être capable de s’adapter », « se centrer sur tions qui les traversent et aux procédures qui les ce qui nous reste plutôt que ce que nous avions » encadrent. ou « vivre le moment présent » sont les meilleurs moyens de « réussir son vieillissement ». Le premier de ces défis consiste à revoir périodi- quement la programmation et le déroulement des Ainsi, la vision positive du vieillissement telle que activités offertes, afin d’ajuster ces dernières selon souhaitée par les participants rejoint les besoins l’évolution et les besoins des membres. Une telle comblés par les activités de la CJR, soit le désir de pratique pourrait permettre d’éviter de margina- socialiser, de faire des activités et de réaliser des liser, par exemple, des personnes qui présentent projets. Bien vieillir est en fait le contraire de mal une diminution graduelle des capacités et souhai- vieillir : ces deux concepts se retrouvent sur un teraient prendre part à des activités adaptées à continuum, il est hasardeux de les séparer. leur situation, comme un groupe de parole par exemple. Ce questionnement sur les activités 3) Ce qui pourrait être fait pour que pourrait englober les frais de participation, la l’association soit plus inclusive diffusion d’informations à leur sujet, ainsi que les Sachant que la CJR répond à des besoins de modalités de transport pour s’y rendre, des socialisation et d’accomplissement de soi et que dimensions qui sont intimement liées à la question ces besoins sont ceux que les personnes visent à de l’accessibilité universelle (Rocque, Langevin, combler afin de s’assurer de « bien vieillir », le Chalghoumi et Ghorayeb, 2012). Il existe aussi en projet s’est intéressé aux facteurs qui limitent en ce moment un écart entre l’information disponible ce moment la participation de tous aux activités et la compréhension et la connaissance que les de l’association. L’identification de ces limites, membres ont du fonctionnement de la CJR. De ainsi que des solutions proposées par les partici- plus, le rôle des responsables et leurs responsa- pants, mènent à revisiter et à renouveler des bilités présentent certaines frontières plus floues. façons de faire afin de mieux soutenir la participa- Une meilleure clarification du fonctionnement tion de tous et toutes au sein des activités de l’as- général de la CJR va permettre d’éclaircir ces sociation. Les cinq thèmes, ressortis dans cette zones d’ombre et mieux identifier les situations catégorie, sont présentés dans le tableau 1. Pour problématiques. chacun, des problèmes et des pistes de solutions sont précisés. Le deuxième défi concerne l’intégration dans une activité pour de nouveaux membres ou pour ceux DISCUSSION : TROIS DÉFIS À RELEVER qui sont seuls, intégration qui est déterminante Les résultats présentés dans le cadre du présent pour la future participation sociale des personnes article sont sans équivoque : la participation aux concernées (Raymond et coll., 2012). Il est essen- activités offertes par la CJR a un impact important tiel de soigner et d’accompagner leurs premiers pour la santé mentale et le mieux-être des pas, garants soit d’une insertion graduellement membres de l’association. Cette participation réussie porteuse de satisfaction et de bien-être, procure un sentiment d’appartenance, donne soit d’un retrait éventuel, peut-être amer, dans le accès à du soutien, facilite la réalisation de cas où le groupe n’est pas inclusif. projets, encourage l’épanouissement personnel. Ces bénéfices font écho aux résultats de Enfin, un troisième défi, un défi transversal, invite VIE ET VIEILLISSEMENT - V12 N o 4 - 2015 nombreuses études portant sur les bénéfices de la CJR à animer des réflexions auprès de ses la participation pour la santé des personnes âgées membres en ce qui concerne ce qu’on pourrait (Harvard School of Public Health, 2004; Raymond désigner comme l’éthique du vieillissement (Hols- et coll., 2008; Zedlewski et Butrica, 2007). tein, Parks et Waymack, 2011). Plusieurs membres semblent avides de parler de ce qu’est vieillir, de Nous constatons cependant que l’association, si ce qui peut aider à vieillir « à son goût », ou encore elle veut continuer d’être un espace accueillant et de ce qui doit être fait pour transformer les préjugés stimulant, favorable à une santé mentale et et les stéréotypes qui contribuent aux visions néga- physique accrue, doit relever trois grands défis tives du vieillissement. Il apparaît que des tensions 10
Tableau 1: Identification de problèmes et de solutions proposés par les participants en lien avec l’inclusion pour tous à la CJR, classés selon le nombre d’énoncés recueillis THÈMES PROBLÈMES PISTES DE SOLUTIONS • Il est difficile pour une nouvelle Intégration des personne de s’intégrer à la CJR. • Développer des procédures pour nouveaux membres La présence de « clans » rend les mieux accueillir les nouveaux, leur (18 énoncés) choses encore plus complexes. faire une place dans le groupe. Ce problème semble « invisible ». • Lorsqu’on éprouve des difficultés • Désigner une personne pour traiter ou qu’on sent que nos droits n’ont les problèmes et recevoir les pas été respectés, on ne sait pas à plaintes. qui le dire. • Améliorer le site Internet pour qu’il • Il n’est pas évident d’avoir une contienne toutes les informations Organisation de la CJR information complète sur les nécessaires. Assurer la transmission (16 énoncés) activités. d’informations vers ceux qui n’ont pas Internet. • Maintenir les activités au plus bas • Certaines personnes ne peuvent prix possible, penser à un système pas défrayer les coûts demandés de soutien pour les personnes en pour les activités. situation de pauvreté. • Sensibiliser les gens aux diminutions • Il y a beaucoup de préjugés ou de Prise en compte des capacités physiques ou stéréotypes sur les incapacités chez des incapacités intellectuelles qui peuvent survenir les personnes âgées. (11 énoncés) avec le vieillissement. • Donner de la formation aux • Les membres ayant des incapacités responsables d’activités pour les peuvent être exclus parce qu’on outiller dans la mise en place juge les accommodements d’ajustements favorisant nécessaires trop dérangeants. l’accessibilité des activités. • Plusieurs membres ne veulent pas conduire le soir, ni faire du • Organiser des moyens de transport Accès au transport covoiturage « informel » parce que alternatifs : autobus CJR, système (4 énoncés) c’est stressant. D’autres n’ont pas formel de covoiturage, etc. VIE ET VIEILLISSEMENT - V12 N o 4 - 2015 accès à des moyens de transport. • La volonté de performance de Réfléchir à la question des normes de certains membres dans certaines Philosophie des performance, formelles et informelles activités rend difficile le fait d’avoir activités (3 énoncés) Trouver des moyens pour équilibrer le du plaisir, ou encore l’inclusion de récréatif et le compétitif. personnes plus lentes ou différentes. 11
RÉFÉRENCES expérimentées dans le cours de plusieurs activités Abbu-Rayya, H. M. (2006). Depression and social involvement notamment entre le plaisir et le souci de perfor- among elders. The Internet Journal of Health, 5(1). mance, ou encore en fonction des rythmes de Bath, P. A., et Deeg, D. (2005). Social engagement and health out- comes among older people : Introduction to a special section. Euro- chacun pourraient inspirer des échanges quant aux pean Journal of Ageing, 2, 24-30. moyens d’assurer l’inclusion de toutes et de tous Bickel, J. F. (2003). Expression citoyenne. Gérontologie et société, dans ce milieu de vie qu’est la CJR. 116(263-275). Bigby, C. (2004). Successful Aging with a Lifelong Disability: Policy, Program and Practice Issues for Professionals. London: Jessica CONCLUSION Kingsley. Au cours des années à venir, nous développerons Bigby, C., et Balandin, S. (2005). Another minority group: Use of aged simultanément les trois pôles de notre recherche- care day programs and community leisure services by older people with lifelong disability. Australasian Journal on Ageing, 24(1), 14-18. action participative. Sur le plan de la recherche, Blanchet, C., Hamel, D., April, N., Lamontagne, P., Lasnier, B., Nolin, nous identifierons les besoins, les atouts et les B., Tourigny, A. (2014). Habitudes de vie, poids corporel et partici- résistances des membres de la CJR, afin de déve- pation sociale chez les aînés du Québec. Québec: Institut national de santé publique du Québec. lopper, sur le plan de l’action, des interventions adaptées et efficaces. Ces dernières seront Bukov, A., Mass, I., et Lamper, T. (2002). Social participation in very old age: cross-sectional and longitudinal findings from BASE. The évaluées de manière continue, un processus Journal of Gerontology. Series B, Psychological sciences and social montrant bien l’itération permanente entre les sciences, 57(6), 510-517. préoccupations scientifiques et empiriques. En ce Choi, L. H. (2003). Factors affecting volunteerism among older adults. The Journal of Applied Gerontology, 22(2), 179-196. qui concerne la participation, il faudra agir en Choi, N. G., Burr, J. A., Mutchler, J. E., et Caro, F. G. (2007). Formal connexion avec les membres de la CJR d’abord, and informal volunteer activity and spousal caregiving among older et avec nos partenaires des milieux municipal, adults. Research on Aging, 29(2), 99-124. institutionnel et communautaire ensuite, puisque Fortier, M., Sévigny, A., Levasseur, M., et Castonguay, J. (2014). La participation sociale des aînés: des savoirs à l’action. Paper pre- nous souhaitons accompagner d’autres milieux sented at the Congrès annuel de l’Association francophone pour le d’aînés dans leur mise en place d’actions favo- savoir, Université Concordia, Montréal, 12-16 mai 2014. rables à l’inclusion. À terme, nous élaborerons et Fougeyrollas, P. (2010). Le funambule, le fil et la toile. Transforma- tions réciproques du sens du handicap. Québec: Les Presses de rendrons disponible un guide abordant les l’Université Laval. aspects philosophiques et pratiques du défi de Gouvernement du Québec. (2009). À part entière: pour un véritable construire des milieux plus respectueux des diffé- exercice du droit à l’égalité. Politique sociale pour accroître la par- ticipation sociale des personnes handicapées. Québec: Gouverne- rentes réalités des personnes âgées. ment du Québec, Office des personnes handicapées du Québec. Gouvernement du Québec. (2012). Politique et plan d’action. Vieil- S’il existe, dans les écrits scientifiques, les textes lir et vivre ensemble : Chez-soi, dans sa communauté, au Québec. Québec: Gouvernement du Québec. politiques et même dans la culture populaire, un Grenier, A., et Brotman, S. (2010). Les multiples vieillissements et consensus sur l’importance, pour les aînés, de leurs représentations. In M. Charpentier, N. Guberman, V. Billette, J. rester actifs et engagés afin de maintenir une santé P. Lavoie, A. Grenier et I. Olazabal (Eds.), Vieillir au pluriel: Perspec- tives sociales. Québec: Presses de l’Université du Québec. physique et mentale optimale, il est de plus en plus Harvard School of Public Health. (2004). Reinventing aging: Baby reconnu que l’accès à une participation permettant boomers and civic engagement. Cambridge: Harvard School of d’atteindre ces objectifs n’est pas égal pour tous. Public Health. Admettant que ce problème existe pour ses Holstein, M. B., Parks, J. A., et Waymack, M. H. (2011). Ethics, Age- ing and Society. New York: Springer. membres ayant ou acquérant des incapacités, la Institut de la statistique du Québec. (2013). Enquête québécoise sur CJR a décidé d’agir pour que les choses changent, les limitations d’activités, les maladies chroniques et le vieillisse- afin de permettre au plus grand nombre de trouver ment 2010-2011. Utilisation des services de santé et des services sociaux des personnes avec incapacité. Québec: Gouvernement dans l’organisme un milieu de vie ajusté à leur VIE ET VIEILLISSEMENT - V12 N o 4 - 2015 du Québec. situation et faisant écho à leurs aspirations. Intégrer Li, Y., et Ferraro, K. (2005). Volunteering and depression in later life: ou conserver un lieu de participation accueillant, Social benefit or selection processes. Journal of Health and Social Behavior, 46, 68-84. chaleureux et stimulant peut aider non seulement à mieux vieillir, mais surtout à mieux… vivre! Il reste Litwin, H., et Shiovitz-Ezra, S. (2006). The association between activ- ity and wellbeing in later life: What really matters. Ageing and Soci- à espérer que ce projet innovant inspire d’autres ety, 26, 225-243. organisations d’aînés pour que les personnes vieil- Minkler, M., et Holstein, M. B. (2008). From civil rights to... civic lissant avec des incapacités puissent, elles aussi, engagement? Concern of two critical gerontologists about a «new social movement» and what it portrends. Journal of Aging Studies, concrétiser leurs préférences en matière de parti- 22(2), 196-204. cipation à la vie sociale. 12
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