L'architecture de demain se conçoit aujourd'hui - EPFL Magazine N 25
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N° 25 Avril 2019 L’architecture de demain se conçoit aujourd’hui POINT FORT P. 4 Elizabeth Blackburn, Nobel laureate and specialist in cell aging INTERVIEW P. 16 10 mai 2019 : 39e édition du festival Balélec à l’EPFL ÉVÉNEMENT P. 22 Tech4Impact : la technologie au service des défis sociétaux DURABILITÉ P. 36
ÉDITO Journal de l’EPFL Editeur responsable Mediacom Contact de la rédaction epflmagazine@epfl.ch magazine.epfl.ch 021 693 21 09 Corinne Feuz Suzanne Setz, Mediacom secrétariat de rédaction, mise en page et production Anne-Muriel Brouet, cheffe d’édition Corinne Feuz et Une nouvelle identité Out with the old, Emmanuel Barraud, rédacteurs en chef fleurit in with the new Rédacteurs Sarah Aubort Cécilia Carron Sandy Evangelista Le magazine que vous tenez entre les As you may have noticed, this month’s issue Julie Haffner Nathalie Jollien mains semble différent, et pourtant il n’a of EPFL Magazine looks a little different. Clara Marc rien perdu de son contenu et de son iden- We’ve reworked the cover to bring it in Nik Papageorgiou Sarah Perrin tité. La couverture d’EPFL Magazine s’est line with our new brand identity. But Sandrine Perroud tout naturellement adaptée à la nouvelle don’t worry, you’ll still find the same great Laure-Anne Pessina Frédéric Rauss, responsable identité visuelle de l’EPFL. features inside. de la communication interne La mise en place d’une nouvelle identité A rebrand is always an exciting and Correction Marco Di Biase est toujours un moment intéressant, emotional occasion. It’s a time for each of Photographies hautement émotionnel, qui pousse tout us to rethink who we are, what we stand for Alain Herzog, Jamani Caillet, Murielle Gerber un chacun à s’interroger sur qui il est, ce and what values we convey. It’s a time to Infographies qu’il représente, les valeurs qu’il incarne. put certain ways of thinking behind us. And Pascal Coderay, Laura Cipriano Il faut, osons le mot, faire le deuil de yes, it’s a time tinged with sadness, as we Comic certaines habitudes. Un nouveau logo, mourn the loss of an old friend we were so Nik Papageorgiou Adresse c’est aussi renoncer à un vieux compagnon fond of despite – and sometimes because EPFL Magazine que l’on aimait bien malgré et parfois of – its faults. That much is apparent if you Mediacom – Station 10 CH-1015 Lausanne pour ses défauts. Les dizaines de Memes look at the dozens of memes our new logo Délais rédactionnels inspirés par le nouveau logo en sont un has inspired. N° 26 : 23 avril 2019 N° 27 : 27 mai 2019 des vibrants témoignages. Our new logo has made a home for itself N° 28 : 19 août 2019 Le nouveau logo de l’EPFL a poussé on campus over the past few weeks. It can Parutions sur le campus voici un petit mois. Il s’est be seen in Place Maurice Cosandey, in the N° 26 : 8 mai 2019 N° 27 : 13 juin 2019 même matérialisé au cœur de la place form of a 2.6-meter-high sculpture; it has N° 28 : 4 septembre 2019 Cosandey sous la forme d’une structure spread like wildfire across our website; it Contributions Ce journal est ouvert aux en métal de 2,60 mètres de haut. Il a éclos graces our pay slips; and it takes pride of membres actifs de l’EPFL. Les en un temps record sur notre site Internet, place on our letterhead. Whether or not propositions d’articles doivent être discutées avec la rédaction s’est propagé sur nos fiches de paie, trône you’ve started using it, one thing’s for sure: une semaine au plus tard avant fièrement sur nos entêtes de lettre. Qu’on it packs a punch. The bold red color, the les délais rédactionnels. La rédaction fixe le lignage. l’ait déjà adopté ou pas encore, une chose legendary Swiss typeface and the gaps in Merci de nous faire parvenir est certaine : son impact est fort. Couleur the “E” and “F” that bring to mind the cross ensuite les articles avec un titre et signés (nom, prénom, rouge, police de caractère suisse choisie, in the Swiss flag – there’s no doubt that our fonction, unité, section) ouverture du E et du F qui reprend les School identifies strongly with Switzerland. dans les délais rédactionnels ci-dessus. proportions de la branche de la croix de Not only do we share our country’s belief La rédaction se réserve le notre drapeau. Il y a dans l’identification in strength in unity, but we are guided by droit de raccourcir les articles trop longs. Elle assume la à la Suisse tout un symbole : l’union fait some of the same values, such as openness, responsabilité des titres la force. Et plusieurs valeurs également, curiosity and a sense of initiative. For us, et de la mise en page. Conception graphique dont l’ouverture, l’esprit de découverte those values are embodied in four letters: Bontron & Co, Genève et le dynamisme. Pour notre école, elles EPFL. Marc Borboën, Mediacom Impression s’incarnent dans ces quatre lettres : EPFL. PCL Presses Centrales SA, Renens Papier Cyclus Print, 80 g, 100% recyclé Image de couverture d’EPFL Magazine : © Lab-U / EPFL 2
SOMMAIRE INTERVIEW > P. 16 ELIZABETH BLACKBURN, NOBEL LAUREATE AND SPECIALIST IN CELL AGING POINT FORT > P. 4 L’HABITAT DU FUTUR SE DESSINE LOGO > P. 28 AUJOURD’HUI COMMENT L’EPFL ACCOMPAGNE LA MISE EN PLACE DE SON IDENTITÉ VISUELLE ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES > P. 12 P. 13 – Des chercheurs découvrent une faille informatique mondiale P. 14– Des robots font dialoguer les poissons et les abeilles VU ET ENTENDU SUR LE CAMPUS > P. 21 CAMPUS > P. 25 P. 28 – Une nouvelle charte graphique ANNIVERSAIRE > P. 30 DURABILITÉ > P. 36 pour l’EPFL SATELLITE TECH4IMPACT : P. 33 – La Junior entreprise EPFL TOUJOURS LA TECHNOLOGIE se distingue en Europe LECTURE > P. 41 SUR ORBITE AU SERVICE DES CULTURE > P. 42 APRÈS 35 ANS DÉFIS SOCIÉTAUX AGENDA > P. 46 EPFL MAGAZINE N°25 — AVRIL 2019 3
50 ANS DE L'EPFL L’habitat du futur se dessine aujourd’hui L’inauguration de l’Agora Lombard Odier sur la place Co- sandey, le 18 mars dernier, se révèle symbolique à deux titres. D’une part, elle rappelle la vocation de laboratoire du campus de l’EPFL. Le projet, dessiné par les étudiants de l’Atelier de la conception de l’espace (Alice), a permis aux futurs architectes de mettre en pratique les ensei- gnements dispensés tout en répondant à un besoin L’architecture et le génie civil d’aménagement. sont un des axes fondamentaux D’autre part, elle clôt une étape décisive de la construction de l’EPFL depuis 50 ans. EPFL de l’EPFL, 50 ans après sa naissance. En offrant une place multifonctionnelle aux quelque 16’000 utilisateurs du Magazine est allé à la rencontre campus lausannois, cet ultime aménagement achève de de laboratoires de l’ENAC transformer les champs de pommes de terre de 1969 en pour découvrir comment une ville universitaire modèle ancrée dans son siècle. Construire, de l’échelle individuelle à l’échelle urbaine, de se conçoivent nos villes, quartiers, la conception architecturale à la réalisation par l’ingénie- bâtiments, logements rie, est au cœur de l’enseignement et des compétences ou bureaux de demain. de l’EPFL depuis sa création. A l’époque, les disciplines sont organisées par départements (architecture, génie Par Sandrine Perroud, Julie Haffner et Anne-Muriel Brouet civil et génie rural), rassemblant 538 étudiants pour 22 professeurs. Il faudra attendre la venue de Patrick Aebischer en 2000 pour organiser l’Ecole en facultés. L’ENAC (environnement naturel, architectural et construit) sera la première. La réunion de ces trois do- maines, exigeant l’interdisciplinarité, témoigne d’un chan- gement de perspective qui dépasse l’enseignement et la recherche : une vision multiscalaire de l’architecture et de la construction. « Désormais, nous ne pensons plus seulement à l’échelle du bâtiment, mais aussi à l’échelle du quartier et de la ville car certaines problématiques, comme la mobilité, ne peuvent être abordées sans cette perception glo- bale du territoire », souligne Emmanuel Rey, directeur du Laboratoire d’architecture et technologies du- rables (LAST). Bâtiments, espaces publics, individus, conditions environnementales et climatiques se par- tagent les pouvoirs au sein de nos espaces urbains. Comment dès lors construire l’habitat de demain ? EPFL MAGAZINE N°25 — AVRIL 2019 5
50 ANS DE L'EPFL Une ville persillée de campagne Dans la périphérie, les zones de maisons individuelles La ville d’abord. « Aujourd’hui la ville est auront été densifiées : « Vos petits-enfants se lève- encore associée à un lieu où il est dif- ront le matin dans ce qui a peut-être été votre villa. ficile de vivre en bonne santé », Cette maison aura gagné trois ou quatre étages et rappelle Paola Viganò, archi- abritera plusieurs foyers. Ils se rendront à pied ou à tecte et urbaniste, à la tête du vélo à leur travail en longeant des champs multico- Centre de recherche sur l’ha- lores, car les monocultures auront disparu. L’air sera bitat (HRC). «Il faut donc pur et la balade agréable », décrit-elle. « En intégrant changer cette image et offrir l’espace virtuel, le dessin urbain nous amènera à une une qualité d’eau et des sols utilisation différente des lieux de travail, qui seront optimale, tout en créant une cité perméables et adaptables dans le temps et l’espace. qui donne envie de se déplacer à En fonction aussi d’une autre mobilité, intelligente, pied ou à vélo. » Concrètement, cela qui réduira notre impact sur le bilan énergétique de signifie par exemple de ressortir de terre la ville », ajoute Silvia Coccolo, chercheuse au La- les cours d’eau que l’époque industrielle s’est boratoire d’énergie solaire et physique du bâtiment attachée à enterrer. Au bénéfice de la faune et de la (LESO-PB). flore, mais aussi des humains qui auront plaisir à les longer lors de leurs déplacements. La mobilité douce Des bâtiments incarne pour le Centre un enjeu de santé publique et des logements modulaires majeur afin de lutter contre l’épidémie de maladies Modules de base de la ville, les bâtiments chroniques liées au manque d’activité physique. sont aussi l’objet de réflexions dans les Pour la chercheuse, la ville du futur ressemblera de laboratoires de l’EPFL. Une des lignes loin à celle que nous connaissons aujourd’hui. Vue directrices, suivie au Smart Living Lab, de près, elle sera toutefois très différente. La voiture à Fribourg, est la flexibilité. Pour sa individuelle n’existera plus. Seules des voitures par- directrice académique Marilyne tagées circuleront. Une partie des routes sera ainsi Andersen, « tout comme la médecine, requalifiée en logements, dans une perspective de l’habitat sera personnalisé et devra ré- densification. La ville sera persillée de petits espaces pondre de manière de plus en plus fine et dy- verts, des îlots de fraîcheur, aux sols riches et à la namique à nos besoins, qu’ils soient fonctionnels faune et à la flore abondantes, dans le respect de la ou psycho-physiologiques ». Il en va ainsi des futurs biodiversité. Les emplois ne seront plus concentrés logements : « Il faut imaginer des espaces d’habi- aux centres-ville, car de nouvelles formes de travail tation modulaires, adaptables en fonction de l’évo- liées à l’économie circulaire pourront se développer lution de nos stades de vie tout en nous permet- de façon décentralisée. Les congestions du trafic tant de rester connectés à un tissu social et automobile auront disparu. urbain. » 1969 EPUL La construction du campus lausannois de l’EPFL 1970 1978 1984 1993 2000 2004 Choix du projet Arrivée des Développement Inauguration du premier Inauguration du des architectes premiers étudiants de la diagonale bâtiment du futur bâtiment BC Zweifel et Strickler à Ecublens sud-ouest EPFL Innovation Park Le chantier d’Ecublens CE, CM, EL, IN et MX Bâtiment A BM, BP, SG BC halles de mécanique, Le site des Cèdres de génie civil et de chimie Lausanne 1988 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1996 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2006 Construction des bâtiments Ouverture des bâtiments Filières architecture, génie civil et génie rural du Swiss plasma Center de la place nord Etudiants Professeurs 1548 1374 2002 623 860 Création 538 22 35 37 38 42 de l’ENAC 6
50 ANS DE L'EPFL « Les logements de la seconde moitité du XXe siècle de la ville et de ses structures. Son laboratoire ana- ont été conçus selon une typologie assez rigide : une lyse le fonctionnement de la ville comme un méta- famille avec deux parents et deux à trois enfants. bolisme, en cherchant à repérer les moteurs qui L’adaptation de ce parc bâti aux besoins actuels et poussent les individus à consommer, à se déplacer futurs de la société demande donc des travaux im- et à s’alimenter d’une manière ou d’une autre et à portants, rappelle Emmanuel Rey. Fort de cette préférer vivre à un endroit plutôt qu’un autre, ainsi expérience, il apparaît difficlement envisageable de que les points de basculement qui permettent se contenter de modeler l’habitat avec notre vision d’adopter un mode de vie plus durable. « Nos re- du monde à l’instant T, il faut ménager des possibi- cherches ont montré que si les personnes sont in- lités de futures adaptations et transformations. » cluses dans un projet de construction durable, les Les espaces de travail n’y échapperont pas. Le chances d’implémentation de nouvelles mesures concept est déjà à l’œuvre dans le projet de Working sont plus élevées. » Space, mené par le LAST, dans le cadre de la suré- Ainsi, pour inciter par exemple des locataires à adap- lévation de bâtiments existants. Il crée de nouveaux ter leur logement à la taille de leur foyer, soit typi- espaces administratifs pouvant s’intégrer à l’archi- quement vivre dans un appartement plus petit après tecture existante et offrir une grande diversité de le départ des enfants, il faut tenir compte de leurs configurations spatiales. « En fonction des besoins, besoins. « Continuer de pouvoir recevoir des amis la structure peut abriter des espaces ouverts, des dans son salon, la flexibilité de pouvoir partir ou salles de réunion, des bureaux cloisonnés ou encore rester dans son appartement et le sentiment de des espaces de formation », spécifie Emmanuel Rey. sécurité sont apparus comme des éléments cruciaux pour eux, explique Claudia Binder. En compensation La voix aux utilisateurs des mètres carrés perdus, la ville pourrait proposer Enfin, il est impossible d’imaginer vivre dans la suite plus d’espaces communautaires. » de notre siècle en faisant fi des désirs et des besoins « La ville du futur devra combiner flexibilité et des premiers concernés : les habitants. « Nos tests sur diversité pour satisfaire la variété des besoins le comportement d’usagers de bureaux montrent que de ses habitants durant toutes les diffé- ces derniers ressentent un plus grand confort simple- rentes étapes de leur vie, et ceci en les ment en sachant qu’ils ont la liberté d’ouvrir et de informant des options à leur portée », fermer une fenêtre quand ils le souhaitent et qu’ils conclut la chercheuse. Au bout du peuvent gérer eux-mêmes la lumière qui entre dans compte, l’idée est de développer des la pièce », explique par exemple Marilyne Andersen. alternatives écologiques si attrac- Plus largement, Claudia Binder, qui dirige le Labo- tives que les gens les adopteront sans ratoire de relations humaines-environnementales hésitation et sans peur de perdre ce dans les systèmes urbains (Herus), estime qu’il est qu’ils considèrent comme indispensable essentiel d’inclure la population dans la planification à leur bonheur. 2019 2008 2010 2013 2014 2016 Inauguration du Inauguration du Ouverture du Inauguration du Ouverture du ME et Inauguration de bâtiment SV Rolex Learning bâtiment BI Quartier Nord d’ArtLab l’Agora Center Lombard Odier SV Rolex Learning Center BI STCC ArtLab Agora Lombard Odier Infographie EPFL / Pascal Coderay 2015 2018 2238 2117 Première femme doyenne, Lancement du Marilyne Smart Living 45 Andersen lab et Microcity 51 EPFL MAGAZINE N°25 — AVRIL 2019 7
50 ANS DE L'EPFL Visualisation d’un quartier urbain du futur : dense, vert, mixte et interconnecté par les réseaux de mobilité durable. © Green Density - LAST / EPFL La durabilité comme fil conducteur D es bâtiments producteurs d’ énergie les villes et comment le microclimat urbain affecte aux arbres climatiseurs, les projets de la demande énergétique de ces espaces. « Il est ap- l’EPFL ancrent la notion de durabilité paru que les propriétés physiques des bâtiments – dans la construction et l’habitat. leur forme, leur couleur, leur taille – ont un impact sur la température de l’air ou la vitesse du vent en Longtemps réduite aux questions écologiques et milieu urbain », indique-t-elle. climatologiques, la durabilité implique désormais Et comme le campus de l’EPFL est un laboratoire une prise en compte d’aspects multidimensionnels, hors pair, la postdoctorante y a identifié des dizaines mêlant enjeux environnementaux, socioculturels, de microclimats, dus à la conception urbaine et en- économiques et bien-être humain. Cette approche vironnementale de l’Ecole, et a réalisé un bilan éner- plus holistique a conduit à l’architecture durable telle gétique de ses infrastructures. L’étude confirme que nous la connaissons aujourd’hui. Son but : gé- qu’outre l’isolation des bâtiments et les nouvelles nérer un bien-être maximal en gérant au mieux les technologies durables il faut transformer les espaces ressources disponibles et en anticipant les besoins extérieurs pour créer des zones de confort. Contrai- futurs. rement à l’asphalte qui fait monter la température, Dans ce cadre, quel meilleur exemple que la pelouse et les arbres aident à tempérer le climat. celui du confort thermique ? Postdocto- « Ajouter des arbres sur la place Cosandey permet rante au Laboratoire d’énergie solaire de gagner une à deux heures de confort thermique et physique du bâtiment (LESO-PB), par jour en été. Ce n’est pas négligeable si l’on pense Silvia Coccolo a collaboré avec diffé- qu’il suffit juste de planter des arbres ! » s’exclame rents corps de métier afin de com- la chercheuse. prendre la manière dont fonctionnent 8
50 ANS DE L'EPFL Des bâtiments qui s’influencent et les émissions de gaz à effet de serre. Avec sa toi- les uns les autres ture composée de panneaux photovoltaïques, l’es- De plus, les bâtiments et la façon dont ils fonc- pace produira plus d’énergie que celle nécessaire tionnent entre eux peuvent aider à améliorer le pour sa construction, son exploitation et la mobili- APPEL À PROJETS bien-être en extérieur. « A Hong Kong, des études té de ses utilisateurs. montrent que certains espaces entre les bâtiments Le Centre forment des îlots de chaleur pendant la nuit, car l’air Des villes vertes et intelligentes de recherche chaud ne peut s’échapper. Cependant, en journée, En matière d’énergie renouvelable, outre la produc- sur l’habitat, ce sont des endroits où la température de l’air est tion et la consommation, l’enjeu est le stockage et dirigé par Paola Viganò, produit plus basse qu’en dehors de la ville, car ils offrent leur redistribution à l’aide de systèmes d’intelligence de la recherche, beaucoup d’ombrage », précise la chercheuse. Le artificielle. « On s’oriente vers une gestion de l’éner- coordonne des même phénomène était aussi observé à Dubaï, où gie qui dépasse l’échelle du bâtiment, pour qu’elle rencontres entre le LESO-PB en collaboration avec l’EPFL Middle puisse profiter à la fois des besoins et des surplus chercheurs, organise East, a installé trois stations météorologiques pour pour tout un quartier », détaille Marilyne Andersen, des séminaires et délivre des cours monitorer les conditions microclimatiques du cam- directrice du Smart Living Lab. « La ville du futur dans le cadre pus de la Swiss International Scientific School sera intelligente et digitale, capable d’apprendre d’un mineure en (SISD). Ses travaux ont permis d’améliorer la pré- d’elle-même et de gérer les ressources naturelles « Urbanisme en cision des modèles de planification urbaine existants disponibles suivant les besoins des utilisateurs », transition ». Les dans le but d’adapter l’architecture aux changements imagine Silvia Coccolo. « Dans le meilleur des scé- laboratoires de toute l’EPFL sont appelés climatiques à venir. narios, elle a le potentiel d’être meilleure que celle à collaborer avec L’architecture durable va même plus loin, avec des que nous connaissons. Au lieu d’être une consom- le centre autour de bâtiments producteurs d’énergie. Le projet « Ad- matrice de ressources, elle deviendrait une res- quatre thématiques : vanced Active Façades » du Laboratoire d’architec- source renouvelable en elle-même », ajoute Claudia « Healthy Habitat », ture et technologies durables (LAST) propose un Binder, professeur au Laboratoire de relations hu- qui vise à faire de la ville un lieu sain qui nouveau système de façade intégrant des cellules maines-environnementales dans les systèmes ur- privilégie notamment photovoltaïques de manière tout aussi esthétique bains (Herus). la mobilité douce, que respectueuse de l’environnement. De son côté, A quelle échéance ? « Il ne s’agit pas seulement de « Digital Habitat », le LESO-PB a tapissé la façade extérieure de son penser où nous en serons en 2050, mais aussi à la qui explore unité SolAce de capteurs solaires photovoltaïques manière dont les choses vont évoluer d’ici là, et à les possibilités offertes par les et thermiques colorés, qui ont permis d’obtenir un quelle vitesse, estime Emmanuel Rey, directeur du villes intelligentes, espace multifonctionnel positif en énergie. LAST. Aujourd’hui et plus que jamais, la notion d’ur- « Landscape Autre exemple, le projet Working Space, mené par gence climatique est un élément supplémentaire Habitat », qui le LAST, réalisé en collaboration avec l’Etat de Vaud. pouvant accélérer les choses. » Les réglementations s’attache à repenser Il vise à surélever des bâtiments existants pour créer des constructions, notamment à travers des normes la place laissée à la nature en ville, de nouveaux espaces de travail tout en minimisant ISO ou des taxes sur le CO2, donneront aussi le et « Productive la consommation de ressources non renouvelables tempo. Habitat », qui s’attelle à réévaluer nos déplacements Espaces modulaires et durables créés liés à nos activités grâce au système Working Space. professionnelles. © LAST / Olivier Wavre Le 29 avril, le centre lance un appel à projets à toute l’EPFL autour de la thématique « Landscape Habitat ». EPFL MAGAZINE N°25 — AVRIL 2019 9
50 ANS DE L'EPFL « On devrait beaucoup plus construire en bois... je me permets de le dire en tant que bétonneur » A l’EPFL depuis… 35 ans Eugen Brühwiler, directeur du Laboratoire de maintenance, construction et sécurité des ouvrages existants. « Je suis originaire du canton de Thurgovie et lorsque d’un œil critique le développement de l’Ecole. j’ai eu l’occasion de rejoindre l’ICOM , l’Institut de Des premiers bâtiments aux objets « business constructions métalliques à Lausanne, cela m’a per- card » comme le Rolex Learning Center ou Art- mis de découvrir une nouvelle langue, un nouveau Lab. Ce sont des bâtiments que je fais visiter lieu, une nouvelle culture et de travailler avec des lorsque je montre « mon » campus. J’ai aussi beau- collègues qui venaient du monde entier. Ça a ouvert coup aimé la création du Quartier Nord. La struc- mon horizon et mon esprit. ture la plus intéressante et innovante, à mon avis, Quand je suis arrivé à l’EPFL, il n’y avait que les est celle du Polydôme, un peu oubliée à la périphé- bâtiments de la première génération. Je les aime rie du campus. Elle a été construite en 1991 à l’oc- beaucoup et j’y ai encore aujourd’hui mon bureau. casion des 700 ans de la Confédération. La coque J’ai eu la chance de rencontrer Jacob Zweifel, l’ar- en bois était une véritable innovation technique, chitecte en charge de ces bâtiments. Il m’avait avoué créée par Julius Natterer, professeur à l’EPFL. Vous que ce qu’il avait en tête en installant partout ces n’imaginez pas le plaisir que j’ai eu lorsque le Service petits jardins collés aux façades était d’attirer les académique a installé mes cours dans la salle du oiseaux. J’ai pu lui confirmer que c’était un pari réus- Polydôme. J’ai une relation étroite avec le bois, je si. Le matin j’ouvre toujours ma fenêtre pour prendre viens du fin fond de la Thurgovie, d’un endroit qui un bol d’air et j’entends les oiseaux. se nomme « le pays des pins ». On devrait beaucoup En tant qu’expert en monuments historiques, je suis plus construire en bois en Suisse plutôt qu’en béton. très sensible à l’architecture, j’ai toujours observé Je me permets de le dire en tant que « bétonneur ». » « On est dans l’ombre, des petites fourmis » A l’EPFL depuis… 27 ans Monique Gilliéron, téléphoniste à la centrale téléphonique de l'EPFL depuis le 18 novembre 1991. Monique Gilliéron a commencé sa formation aux pas forcément des noms des chercheurs qu’ils PTT en 1974, qui ne s’appelaient pas encore veulent contacter. Ils nous disent : « Mais oui, vous Swisscom. Elle se souvient des standards télépho- savez, le monsieur avec des lunettes et des cheveux niques où il fallait enfoncer des fiches pour passer noirs… » On se prend souvent pour Sherlock Holmes les communications. En arrivant à l’EPFL, elle a pu car on doit mener des enquêtes. On fait aussi GPS suivre l’évolution technologique de son métier. « On pour les camions de livraison qui se perdent sur le a de la chance, car on est toujours équipés des nou- campus. veaux logiciels, cela nous oblige à rester à niveau et Je connais plein de numéros par cœur, soit parce dans la dynamique. Je me suis toujours dit : « Nous qu’ils sont très demandés, soit parce que l’ortho- sommes arrivés au maximum des possibilités. » Mais graphe du nom est trop compliquée. C’est mieux de pas du tout, même si aujourd’hui c’est plus une af- les avoir dans la tête. Ça fait travailler les méninges. faire d’informaticiens. Nous mettons à jour le bottin dès que de nouveaux Nous recevons des appels en anglais, en espagnol, collaborateurs arrivent, nous les contactons pour en italien, en allemand. Grâce à toutes les personnes installer leur téléphone, nous testons, ils apprécient. de l’équipe, nous arrivons à répondre dans toutes J’ai gardé une lettre de l’ancien vice-président Ste- ces langues; on se complète. La difficulté du métier fan Catsicas, envoyée en 2004, où il nous remercie est de se tenir au courant de l’actualité de l’Ecole pour notre travail; ça m’a beaucoup touchée. On est afin de trouver la bonne personne parmi les quelque dans l’ombre, des petites fourmis, cette lettre 10’000 numéros internes répartis entre Lausanne montre que l’on pense à nous, et nous, nous avons et les autres sites, Genève, Sion, Neuchâtel et Fri- à cœur de participer au bon renom de notre Ecole. » bourg. Les gens qui nous appellent ne se souviennent 10
50 ANS DE L'EPFL « Les activités en dehors de la profession sont fondamentales » Etudiante aujourd’hui. Et à 50 ans ? Wendy Tokuoka, 24 ans, française, en Master en architecture, membre du Pool d’improvisation du Poly Comment t’imagines-tu à 50 ans ? à être en accord avec les besoins contemporains. Je À 50 ans, j’espère bien que je serai indépendante, pense qu’il va énormément se servir du numérique. que je pourrai travailler pour moi-même et déve- Mais j’espère que l’architecture gardera quand lopper mes propres projets aussi bien au niveau même la part de poésie qu’elle a aujourd’hui. architectural que personnel. Pour moi, tout ce qui est activités en dehors de la profession est fonda- Comment imagines-tu l’EPFL dans 50 ans ? mental. Ça entre en combinaison avec ce qu’on fait. L’EPFL est une école pluridisciplinaire avant tout. Je m’intéresse notamment beaucoup à la scénogra- J’imagine que l’EPFL va continuer dans cette voie phie. Construire l’espace d’un théâtre et d’un décor, et se diversifier. J’espère qu’elle va continuer à s’in- > EN SONS ET EN IMAGES : c’est quelque chose que j’aimerais faire, comme téresser aux nouvelles technologies qui se dévelop- ÉCOUTEZ ET REGARDEZ à-côté, tout au long de ma vie, tout en gardant l’ar- peront au fur et à mesure. C’est une école qui LES INTERVIEWS SUR : CELEBRATION.EPFL.CH chitecture qui est quand même mon domaine de cherche prioritairement à innover et j’espère qu’elle formation principal. va continuer dans ce sens-là. Propos recueillis par Nathalie Jollien Et ton domaine professionnel ? C’est difficile à dire parce que ça se renouvelle très souvent. C’est un domaine où on cherche toujours PORTES OUVERTES Voyage dans l’espace Les 14 et 15 septembre, les chercheurs du domaine spatial nous amènent dans les étoiles. L es pieds sur le campus et la tête dans les étoiles. Les chercheurs des labora- toires d’astrophysique et de systèmes robotiques, de l’EPFL Space Center, du Swiss Space Center en collaboration avec les associations Callista, EPFL Rocket Team et Space@YourService offriront aux visiteurs des portes ouvertes un voyage inoubliable dans l’espace. Observation et étude des astres, initiation à la gravité avec le puits gravitationnel, fabrication et lance- ment d’une fusée, découverte de la station ISS et de l’Univers en réalité virtuelle, © iStockphoto.com voyage sur la Lune et construction d’un village lunaire, conférences et rencontres avec des invités de marque. Et repartez avec une photo souvenir. Anne-Muriel Brouet, Mediacom EPFL MAGAZINE N°25 — AVRIL 2019 11
ACTUALITÉS Design cells. SCIENTIFIQUES © iStockPhotos MATÉRIAUX Un time-lapse virtuel pour capturer des phénomènes ultrarapides BRÈVE Une nouvelle technique de ENVIRONNEMENT traitement d’images permet de Un centre capturer des phénomènes de recherche pour protéger extrêmement rapides, et ce avec MÉDECINE l’écosystème de la mer Rouge n’importe quel appareil photo. Un dérivé de vitamine B3 — Le conseiller Un projet du Laboratoire de mécanique des stimule la production fédéral Ignazio Cassis, chef du Département interfaces souples, développé par John Kolinski en collaboration avec Harvard de cellules sanguines fédéral des affaires Un régime enrichi en étrangères, a annoncé le soutien nicotinamide riboside stimule de la Suisse au projet de l’EPFL visant la la production de cellules sanguines en améliorant U création d’un «Centre de recherche ne fissure qui se répand dans un ma- transnational de tériau, une goutte d’eau qui s’écrase le fonctionnement de la mer Rouge» sur une surface sèche : de nombreux leurs cellules-souches. qui permettra à phénomènes se produisent extrêmement Un projet du laboratoire du professeur Olaia Naveiras la communauté scientifique de la rapidement. Capturer leur déroulement en détail permettrait de mieux les com- U région de travailler ensemble. Le prendre, mais les appareils photo spéciali- ne équipe de scientifiques diri- projet se base sur sés coûtent très cher et ceux standards ne gée par Olaia Naveiras (EPFL) et des recherches sont pas assez rapides. Nicola Vannini (Institut Ludwig de l’EPFL. Publiées en 2017 La nouvelle méthode d’imagerie dé- pour la recherche sur le cancer, Lausanne) par le Laboratoire de veloppée à l’EPFL permet de travailler à a découvert que le nicotinamide riboside, géochimie biologique partir d’une photo prise avec n’importe quel un dérivé de la vitamine B3, peut faire (LGB), dirigé appareil. « Si vous photographiez une goutte augmenter les cellules-souches hémato- par le professeur d’eau qui tombe et s’écrase, le rendu du mou- poïétiques (CSH) et stimuler leur activité. Anders Meibom, ces recherches ont vement et de l’impact sera flou, explique Cette avancée peut contribuer à résoudre permis de découvrir John Kolinski. Or cette partie floue sur la des problèmes lors de thérapies à base de que les coraux du photo contient justement tout le déroule- cellules-souches pour traiter la leucémie et golfe d’Aqaba et de ment du processus, spatial et temporel. En les lymphomes agressifs. Ceci puisque le la mer Rouge sont l’exploitant, cela nous permet de reconstituer nicotinamide riboside peut être pris sous capables de résister à l’augmentation de le phénomène. » forme de complément alimentaire avec les la température de Les scientifiques vont travailler à l’illu- mêmes effets. l’eau comme nulle mination du phénomène avant la prise de En étudiant les effets du nicotinamide part ailleurs dans vue et à améliorer la résolution temporelle riboside in vitro, les chercheurs ont décou- le monde. Cette de l’image, et finalement à la transformer vert que l’ajout de nicotinamide riboside à découverte pourrait servir à repeupler des en une image binaire, c’est-à-dire avec l’alimentation de souris qui avaient subi un récifs dans d’autres des pixels noirs ou blancs uniquement. La procédé de radiothérapie éliminant leurs régions plus touchées zone floue va ainsi devenir utilisable et être cellules sanguines augmentait leur taux de par les effets du décomposée en des milliers de nouvelles survie de 80% et accélérait la régénération réchauffement images, qui illustrent tout le processus, dans sanguine. Chez les souris immunodéfi- climatique. le temps et dans l’espace. cientes, le nicotinamide riboside a entraî- Clara Marc né une augmentation de la production de globules blancs. Tout cela résulte en une amélioration considérable de la capacité des CSH à se diviser et à produire de nouvelles cellules sanguines. Nik Papageorgiou 12
ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES © © iStock CYBERSÉCURITÉ Découverte d’une importante les instructions sont exécutées de de conflits de planification. Une faille informatique mondiale manière « spéculative » après une attaque SMoTherSpectre met Des chercheurs de la Faculté branche (point de décision) dans à profit une contention de port le code. pour déterminer les instructions informatique et communications Les CPU modernes traitent qui ont été exécutées de manière de l’EPFL, en collaboration avec IBM, de nombreuses instructions spéculative. ont identifié une faille de sécurité simultanément, mais plutôt Cette faille de sécurité est que d’attendre que l’exécution particulièrement difficile à cor- informatique généralisée des instructions de la branche riger parce qu’elle touche le ma- concernant les ordinateurs. soit terminée, ces CPU « sup- tériel CPU et non les logiciels. posent » quelle cible va être Les versions futures du matériel utilisée et exécutent ces instruc- Intel devront être mises à jour L’ année dernière, les failles tions de manière spéculative. pour résoudre ce problème. de sécurité « Spectre » et Si la supposition est exacte, les La distinction entre vulné- « Meltdown », qui tou– instructions exécutées de ma- rabilité matérielle et vulnérabi- chent les CPU (« central pro- nière spéculative sont prises lité logicielle est précisément ce cessing units » ou processeurs) en compte, ce qui améliore la qui différencie SMoTherSpectre Intel de la plupart des ordi- performance; sinon, elles sont d’une autre attaque développée nateurs portables et de bureau ignorées. Malheureusement, les simultanément : PortSmash. et des serveurs, ont défrayé suppositions inexactes génèrent Cette dernière permet de dé- la chronique. Aujourd’hui, un « canal auxiliaire » qui permet rober des informations sur des les chercheurs des labora- à un agresseur de détourner des instructions CPU exécutées toires HexHive et PARSA de informations. régulièrement en présence d’un l’EPFL, en collaboration avec bug logiciel, mais le problème est le centre de recherche IBM de Une approche unique résolu une fois la faille logicielle Zurich, ont identifié une nou- Les attaques Meltdown et réparée. velle attaque similaire, appelée Spectre ont également exploité Les chercheurs ont révélé SMoTherSpectre. le principe de l’exécution spécu- l’attaque SMoTherSpectre à In- En jargon informatique, lative, mais l’approche unique tel, AMD, OpenSSL et IBM. SMoTherSpectre est une « at- des chercheurs de l’EPFL cible Ils ont publié l’intégralité de leur taque spéculative par canal l’origine même de ces failles de étude dans la base de données en auxiliaire », autrement dit elle sécurité : la contention de port, ligne arXiv et posté une descrip- permet à un agresseur potentiel qui survient lorsque des séries tion technique détaillée dans un de détourner des données en d’instructions devant être exé- blog. > RETROUVEZ LES profitant d’une technique d’op- cutées simultanément sur un Celia Luterbacher ACTUALITÉS COMPLÈTES SUR actu.epfl.ch timisation du CPU dans laquelle CPU sont retardées en raison EPFL MAGAZINE N°25 — AVRIL 2019 13
ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES © Alain Herzog / EPFL ©EPFL/UNIGRAZ BRÈVE ROBOTIQUE INNOVATION Des robots font dialoguer Un matériau capable BIOLOGIE Fabriquer des fonctions cellulaires les poissons et les abeilles de se réparer tout seul sans passer par les cellules Deux espèces animales Des chercheurs de l’EPFL — Des chercheurs très différentes ont pu ont développé un matériau du Laboratoire de caractérisation du communiquer à distance révolutionnaire qui peut réseau biologique (LBNC) du par machines interposées. se réparer facilement professeur Sebastian Un projet du groupe Mobots, entité du après un impact. Maerkl ont mis au Laboratoire de biorobotique (Biorob) point une méthode Un projet du Laboratoire de mise en œuvre de composites à haute performance (LPAC) systématique pour D Q étudier et prédire ans la nature, ils n’ont aucun lien. uand une pale d’éolienne subit un l’expression des gènes, sans utiliser En laboratoire, des poissons et des impact, il faut changer ou réparer de cellules. Elle abeilles ont pu interagir à distance la pièce en rajoutant de la résine, consiste à insérer des et par robots interposés, aboutissant pro- un peu à la manière d’un patch. Si la pre- systèmes sans cellules gressivement à une décision commune. mière solution est coûteuse, la seconde dans des puces L’expérience était réalisée par des cher- risque d’alourdir la pièce et modifier ses microfluidiques à haut débit. cheurs de l’EPFL, avec ceux de quatre propriétés. Des chercheurs du LPAC ont Grâce à leur autres institutions européennes. mis au point un matériau qui permet une méthode, les Les chercheurs du groupe Mobots ont autre solution : la réparation simple et ra- chercheurs ont pu conçu un petit robot capable de s’intégrer à pide des fissures dans la structure compo- créer des portes un groupe de poissons zèbres et d’influencer site, grâce à une technologie brevetée. logiques biologiques artificielles, qui le sens de leur nage. Depuis leur laboratoire « Notre technologie est composée d’un pourraient servir de Lausanne, ils l’ont mis en contact avec agent réparateur intégré directement dans à introduire de de petites bornes robotiques implantées au la fabrication du matériau », explique Amaël nouvelles fonctions sein d’une colonie d’abeilles de l’Université Cohades, chercheur au LPAC. Elle permet dans les cellules, de Graz, en Autriche. Les deux espèces ont une réparation sur place en très peu de temps dans des buts thérapeutiques, par ainsi échangé des signaux via leurs robots des fissures dans la résine d’une pièce par exemple. Le système respectifs, qui jouaient le rôle de traducteurs. simple chauffage du matériau à 150 degrés. sans cellules constitue Après 30 minutes, les interactions ont abou- L’agent réparateur s’active et la pièce en- un premier pas dans ti à une coordination; les poissons tournant dommagée s’autorépare rapidement, tout cette direction. tous dans le même sens et les abeilles s’unis- en conservant ses propriétés de base. Il s’agira ensuite d’optimiser le design sant autour d’une seule borne. Les chercheurs, qui sont en train de fon- des facteurs de L’expérience a permis, côté roboticiens, der une start-up, ont bénéficié du soutien de transcription, avant d’étudier comment capter des signaux biolo- l’EPFL à travers une bourse Enable pour de les déployer dans giques et les traduire à l’aide d’une machine créer une pièce typique de l’aéronautique, des applications sans et, côté biologistes, de mieux comprendre les afin de présenter leur technologie. cellules ou dans des cellules vivantes. interactions au sein des écosystèmes. A long Sarah Aubort terme, elle pourrait mener à des mesures telles qu’éloigner les oiseaux des aéroports ou diriger les insectes polinisateurs vers des > comppair.ch cultures biologiques. > RETROUVEZ LES Sarah Perrin ACTUALITÉS COMPLÈTES SUR actu.epfl.ch 14
CONSTRUCTION ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES Transformer les bâtiments en générateurs d’énergie L’EPFL va coordonner le projet Les éléments photovoltaïques qui européen Be-Smart, pour recouvrent cette façade s’adaptent aux exigences accélérer l’intégration esthétiques. Réalisée par Solaxess sur la base d’une d’éléments photovoltaïques lors technologie CSEM. © DR de la construction de bâtiments. Un projet du Laboratoire de photovoltaïque et couches minces électroniques, développé par les acteurs du projet européen Be-Smart C onsidérer le photovoltaïque comme tectes et les entreprises de construction, ainsi un matériau de construction per- qu’à faire baisser les coûts drastiquement. met de l’utiliser directement lors Be-Smart réunit 15 acteurs autour de BRÈVE de la construction d’un bâtiment. Ces fa- l’EPFL et du CSEM. Une accélération du çades et toitures intégrées transforment les BIPV ouvrirait des perspectives à l’industrie FORMATION bâtiments en producteurs d’électricité et européenne, en créant une forte demande Master conjoint réduisent les émissions de CO2. pour des façades, tuiles et autres éléments en cyber sécurité Pour développer cette technologie – de construction photovoltaïques. Le rôle — Vols de données, attaques sur des BIPV, Building Integrated Photovoltaics énergétique est évidemment l’autre atout de infrastructures clés, – les acteurs du projet européen Be-Smart la technologie, au vu des performances du piratages massifs. devront proposer des éléments multifonc- domaine de l’énergie solaire. Les questions de tionnels, assurant les rôles de matériaux Clara Marc cybersécurité se de construction – isolants, antibruit et es- trouvent au cœur de notre société thétiques – et de générateurs d’énergie. Ils hyperconnectée et travailleront également à mettre en place il existe un besoin une méthodologie de travail pour les archi- important d’expertes et d’experts dans ce secteur. Une nécessité identifiée dans le cadre de la « Stratégie nationale de protection de la TECHNOLOGIE Suisse contre les cyber risques Un logiciel exploite estime que MedCo apporte une solution 2018-2022 ». les données médicales innovante au casse-tête de la recherche Ainsi, pour encourager la médicale moderne : alors que les quanti- en toute sécurité tés croissantes de données personnalisées formation et la recherche dans MedCo est le premier système sont en augmentation et que les techniques le domaine de la à protéger les données sensibles améliorées en machine learning offrent des sécurité informatique, possibilités illimitées pour la médecine de l’EPFL et l’EPFZ, des patients afin qu’elles puissent précision, il devient de plus en plus difficile appuyées par la être utilisées pour d’analyser en toute sécurité des quantités Confédération, allient leurs compétences la recherche médicale. aussi considérables de données sensibles. et proposeront dès MedCo a été publié sous forme de code open la rentrée 2019 un Un projet du Laboratoire pour les communications informatiques et leurs applications 1 du professeur source, et les chercheurs sont en discussion Master commun Jean-Pierre Hubaux en collaboration avec le avec des entreprises intéressées à développer en cybersécurité. laboratoire Dedis du professeur Bryan Ford et le Centre hospitalier universitaire vaudois un système destiné aux hôpitaux. Celia Luterbacher L e logiciel utilise une combinaison d’approches cryptographiques avan- cées qui permettent d’analyser de ma- nière collective des données stockées sur différents sites et de les protéger en gardant > RETROUVEZ LES une trace de qui a accédé aux informations ACTUALITÉS COMPLÈTES SUR actu.epfl.ch et comment il l’a fait. Jean-Pierre Hubaux EPFL MAGAZINE N°25 — AVRIL 2019 15
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INTERVIEW « Just showing up and proving that female Nobel laureates do exist – that’s an important message. » Elizabeth Blackburn, Nobel laureate and specialist in cell aging Elizabeth Blackburn, who gave a lecture at EPFL in early March, was a co-recipient of the 2009 Nobel Prize in Medicine for her work on the enzyme telomerase. In this interview, she explains that we have more control over our own aging than we might think. Interview by Nathalie Jollien Photos by Alain Herzog EPFL MAGAZINE N°25 — AVRIL 2019 17
INTERVIEW Now an emeritus professor at the In your book The Telomere stress that a mother experiences University of California, San Effect, published in 2017, we during pregnancy is directly con- Francisco, Elizabeth Blackburn learn that we have more nected to the length of her new- began her scientific career by control over our own aging born’s telomeres. The reason it studying the chromosomes of a than we might think. matters is that statistical studies protozoan, Tetrahymena thermo- We know, of course, that all hu- show that the shorter somebody’s phila, and in particular its chro- man beings age and eventually telomeres are, the more likely mosomal ends, known as tel- die. But what’s interesting when they are to develop illnesses such omeres. Through their research we look at each other is that some as cardiovascular diseases, diabe- on this organism, she and her people stay healthy longer and tes, lung diseases and certain then-graduate student Carol others really seem to suffer some cancers later in life. Of course, Greider discovered telomerase, of the conditions of old age ear- these are statistical results in an enzyme capable of lengthen- lier. The question is to what de- studies of populations. It doesn’t ing these chromosome ends. This gree is that controlled. We cer- mean that if your telomeres are was a major discovery, since the tainly know that many factors long, then everything will be won- shortening of telomeres has been come into play: if we eat really derful, or if your telomeres are on found to influence aging. bad food all the time, if we don’t average a bit shorter, everything do any exercise, if we get no sleep, will be terrible. But it does affect Could you briefly explain and so on. We know certain fac- the likelihood of someone devel- what telomerase is? tors make us less healthy and oping these diseases – it contrib- First of all, I need to explain what more likely to develop diseases. utes to the disease-causing pro- telomeres are, because they’re What I, and many others, did was cesses. really the key. Telomeres are the look and see if that was because While we do have a certain protective ends of our chromo- the telomeres, which protect the amount of control as individuals, somes, the DNA at each tip. They chromosome ends, are less well the research has also shown that shorten with cell aging – each maintained when we don’t lead a public policies that are not di- time the cell divides they lose healthy life. One interesting thing rectly related to health but rath- some of their length. Telomerase, we found is that, in addition to the er to economics and well-being the enzyme we discovered, has a factors we can control as individ- can have quantifiable health im- very interesting function: It adds uals, there are a lot of societal pacts. We can now better control extra telomeric DNA when the factors that affect telomere aging-related factors in the de- telomeres get too short to pro- maintenance. cisions we make as a society, as tect the genetic information. well as in own personal lifestyle What kinds of factors? choices. So telomerase could be used One of the most startling to me to prolong life expectancy? is if somebody was in a deeply Prolonging life expectancy is The balance has to be just right stressful, abusive situation for a the fantasy of transhuman- – there has to be enough tel- long time as a child or as an adult, ism, which sometimes cites omerase to maintain the tel- then their telomeres are propor- your research. Do you feel omeres, but not too much. If the tionately shorter. And if some- comfortable with that? telomeres are too well-main- body has not been able to finish Our research relates to our cells’ tained, then some potentially their education, which can be a ability to keep on replenishing cancerous cells could keep mul- clear reflection of many stressful themselves and to function. It has tiplying more than they would circumstances, that person will, an impact on how likely people are otherwise. And this increases the even at middle age or later, have to get aging-related diseases. And overall chance of getting certain proportionately shorter tel- it’s true that many of them are cancers. Over the years, tel- omeres and therefore less chro- major causes of human mortality: omerase has been found to be a mosome protection than some- cardiovascular diseases, diabetes, double-edged sword – we need it body who benefited from a full lung diseases and certain cancers. but we don’t want too much, and education. But there are obviously many it has to be in the right places. In several of our collaborative other things that determine the studies, we also found that the human lifespan. 18
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