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Le magazine de l’association
   du Festival La Rochelle Cinéma

www.festival-larochelle.org                                         Février 2022 - n°26

      Ce magazine vous est offert par l’association du Festival La Rochelle Cinéma
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Édito   3

Un festival à visage humain
A côté du besoin de (se) connaître, de se situer par rapport
aux autres et à nos appartenances plurielles, s’exprime de
façon multiple notre quête de représentations et de (re)
connaissance d’espaces publics où projeter nos regards.
Ce sont ces rencontres de l’altérité qui depuis bientôt
cinquante ans ont façonné le Festival La Rochelle Cinéma.
Parfois pourtant la tentation est grande, ici comme ailleurs,
de penser qu’un prix prestigieux, quelles qu’en soient les formes spectaculaires,
suffirait à ériger une renommée artistique et culturelle. Or celle du Festival
La Rochelle Cinéma s’est justement construite contre le spectaculaire d’une
avant-première, contre la distribution de prix dont on sait la part de hasard,
d’opportunités et de stratégies commerciales qui la conditionne. C’est d’ailleurs
justement cela que répare aussi le Festival la Rochelle Cinéma, ces films et
auteurs oubliés des prix et des paresseux de la distribution, ces inconnus du
bout du monde, ces ignorants de la mode… tout en faisant la part belle aux
hommages rendus aux plus grandes œuvres et aux plus grands talents.
Petit rappel pour les oublieux des fondamentaux, ces propos de Jean-Loup
Passek, devenus composantes du règlement du festival : « Il ( le festival) se veut
totalement indépendant vis-à-vis des différentes branches de la profession
cinématographique, seul gage d’impartialité dans la sélection des films. Il n’est
pas compétitif et ne saurait entrer en concurrence avec aucun autre festival ».
Dit autrement par Jean-Louis Bory, inoubliable critique de cinéma à la verve
malicieuse : « Un festival à visage humain. A La Rochelle on ne distribue ni
palmes, ni ours, ni couronnes, ni sucettes, et tout le monde s’en trouve bien ». La
programmation ayant atteint une taille critique stable dans le nombre de films
tous genres confondus, on peut comprendre désormais que l’expression « tout
le monde » a pris au fil du temps une remarquable signification tant l’extrême
diversité des publics successivement conquis constitue la vraie richesse et le
vrai prestige de ce festival. Ce qui n’empêchera nullement celui-ci d’honorer
magnifiquement telle œuvre ou tel artiste.
Cinquante ans et plusieurs centaines de milliers de spectateurs plus tard,
longue vie à cette recette magique unique pour le plus grand plaisir de tous.

                                                                                           par Daniel Burg
                                               Président de l’association du Festival La Rochelle Cinéma

Couverture : Jean Le Peltier et Lucie Debay dans Une vie démente d’Ann Sirot et Raphaël Balboni
Ci-contre : First Cow de Kelly Reichardt, Rim Turki et Manal Issa dans Memory Box de Khalil Joreige
            et Joana Hadjithomas, Alba Rohrwacher dans Sous le ciel d’Alice de Chloé Mazlo
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Le mot du maire        5

L’édition 2021 du Festival La Rochelle Cinéma aura permis à tous
les amoureux du 7e art de se retrouver dans les salles de cinéma,
pour partager à nouveau le plaisir de visionner des films sur grand
écran. Des films d’hier et d’aujourd’hui, venus du monde entier,
qui ont une nouvelle fois offert aux spectateurs un kaléidoscope
d’histoires de vie.
Depuis sa création en 1973, le Festival La Rochelle Cinéma reste
un rendez-vous singulier, sans compétition ni prix, qui contribue à l’animation et au
rayonnement de La Rochelle. En ce mois de janvier, il entre dans la préparation de son
50e anniversaire, avec une volonté toujours plus forte de rendre le cinéma accessible à
tous les publics.
Au-delà de la diffusion de films, le Fema est un dispositif phare d’éducation à l’image et
d’accès aux pratiques cinématographiques pour les artistes, les lycéens ou les étudiants
en cinéma, mais aussi et surtout pour les résidents des Ehpad, les personnes incarcérées
ou hospitalisées, les habitants des quartiers. Pour cela, il est d’autant plus unique et
indispensable à notre ville.
Un grand merci à toute l’équipe et à l’association du festival qui œuvrent tout au long
de l’année par et pour le cinéma.

                                                                             Jean-François Fountaine
                                                                                 Maire de La Rochelle
                                                          Président de la Communauté d’Agglomération

Ci-contre : Sophie Mirouze et Arnaud Dumatin, soirée d’ouverture à La Coursive
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6     Soirée du Conseil Départemental de la Charente-Maritime

                                 Cinéma Paradiso

                       Salvatore Cascio dans Cinéma Paradiso de Giuseppe Tornatore

           Pour la soirée de clôture, le Conseil Départemental de la Charente-
           Maritime, partenaire depuis de nombreuses années et financeur
           d’actions aux quatre coins du territoire, et le Festival ont présenté
           Cinéma Paradiso. Dans ce très beau film de Giuseppe Tornatore, un
           cinéaste plonge dans son enfance, lorsqu’il passait son temps libre dans
           la salle de cinéma paroissiale où régnait Alfredo le projectionniste. Tout
           un monde d’émotions porté par la musique d’Ennio Morricone.

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Soirée de la Région Nouvelle-Aquitaine   7

              Les Sorcières d’Akelarre

           Les Sorcières d’Akelarre de Pablo Agüero

           Soirée Région Nouvelle-Aquitaine

La Région Nouvelle-Aquitaine soutient le Festival La Rochelle Cinéma depuis
de très nombreuses années et finance de nombreuses actions : avec les
classes des sections L Cinéma et audiovisuel de toute la région, les ateliers
ciné-concerts, le dispositif Au Cœur du Festival…
Cette année le choix de la Région s’est porté sur le cinquième long-métrage du
réalisateur argentin Pablo Agüero, qui aborde un fait de sorcellerie survenu au
Pays basque au début du XVIIe siècle. Six jeunes femmes d’un village paisible
sont soupçonnées d’avoir pratiqué le sabbat.
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8      Soirée CCAS-CMCAS

             Rapprocher le monde de l’art
             et le monde du travail

     Le Kiosque d’Alexandra Pianelli

             La CCAS-CMCAS des Industries               Pour la 49e édition du Festival,
             Electriques et Gazières, acteur            la CCAS-CMCAS a choisi de
             essentiel de l’action culturelle en        projeter Le Kiosque, d’Alexandra
             France, partage avec le Festival,          Pianelli (2020). Un regard plein
             depuis plus de vingt ans, un               de tendresse et d’humour sur les
             même engagement : transmettre              coulisses du métier de kiosquier
             la culture au plus grand nombre.           et le défilé quotidien des clients.

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Soirée CCAS-CMCAS   9

Au fil des éditions, la CCAS-CMCAS et le
Festival ont toujours proposé des films qui
incitent à découvrir mais aussi à réfléchir,
des films qui viennent des quatre coins du
monde, parmi lesquels :
• Les Misérables de Ladj Ly (2019),
  Prix du jury au Festival de Cannes 2019
• Amin de Philippe Faucon (France, 2018)
• Latifa, le cœur au combat d’Olivier Peyron
  et Cyril Brody (France, 2017)
• Fuocoammare, au-delà de Lampedusa
  de Gianfranco Rosi (Italie, 2016)
• Blind Dates de Levan Koguashvili
  (Géorgie, 2015)
• Des Chevaux et des hommes
  de Benedikt Erlingsson (Islande, 2014)
• Gloria de Sebastián Lelio (Chili, 2013)
• Le Vendeur de Sébastien Pilote               Soirée CCAS-CMCAS
  (Québec, 2012)…

  Soirée CCAS-CMCAS
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10    Partenariats

  Du côté de l’Europe
  Depuis 2020, le Fema développe de
  nombreux partenariats avec d’autres
  festivals européens, avec lesquels il par-
  tage plusieurs axes de travail.
  Pourquoi cette politique ? Les objectifs
  sont de plusieurs ordres.                               Malombra, création ciné-concert de Julie Roué

  Le Festival veut d’abord contribuer à une
  circulation plus efficace et à la promotion
                                                        Le    partenariat  avec    le    Bruxelles
  des films européens non nationaux et de
                                                        International Film Festival (BRIFF -
  leurs créateurs, par le biais d’échanges
                                                        Bruxelles - Belgique) s’articulera autour
  d’informations, de recommandations,
                                                        de deux axes.
  de programmations communes (hom-
  mages, rétrospectives, coproduction de                Tout d’abord avec des résidences croi-
  ciné-concerts), de cartes blanches et de              sées de cinéastes : un cinéaste belge,
  résidences croisées.                                  Frédéric Hainault, encadrera en 2022
                                                        l’un des ateliers du Festival toute l’an-
  Il s’agit aussi de contribuer à l’élargisse-
                                                        née à Angoulême avec des étudiants
  ment et au renouvellement des publics,
                                                        du CREADOC et du BTS audiovisuel. Le
  à travers des projets concertés d’édu-
                                                        court métrage sera projeté au Fema et
  cation à l’image, la construction d’outils            au BRIFF en juillet 2022.
  pédagogiques communs, et l’organisa-
  tion d’ateliers croisés.                              En juin 2022, un cinéaste français sera
                                                        présent à Bruxelles pendant le BRIFF
  Dans la période de rigueur budgétaire qui             pour 10 jours de tournage avec des
  touche tous les pays, le Fema et les festi-           publics mixtes (habitants des quartiers,
  vals européens partenaires ont la volonté             MJC). Le film sera projeté à l’issue de
  de mutualiser leurs moyens (tirage de                 l’atelier, en simultané dans les deux festi-
  copies, sous-titrage, audiodescription…)              vals (juillet 2022).
  et de continuer à construire un réseau
  professionnel (invitations mutuelles,                 Ensuite autour de l’audiodescription : le
  jurys, rencontres professionnelles...).               Fema et le BRIFF coproduiront en 2022
                                                        une version audiodécrite d’un film pour
  Quels sont les festivals partenaires ?                les enfants (production issue d’un pays
  Quelques exemples de collaborations                   à faible capacité de production). La ver-
  bilatérales :                                         sion circulera dans les deux festivals.

  Le Fema a collaboré en 2020-2021 avec le              Avec le New Horizons International Film
  Transilvania International Film Festival              Festival de Wroclaw (Pologne), la colla-
  (TIFF - Roumanie), en coproduisant                    boration artistique se poursuit en 2022,
  deux ciné-concerts autour de Malombra                 autour de projections spéciales croisées :
  de Carmine Gallone, avec deux compo-                  New Horizons à La Rochelle et Le Fema
                                                        in Wroclaw, chaque festival sélectionnant
  sitrices, Simona Strungaru et Julie Roué.
                                                        deux films qu’il présentera dans l’autre
  Ce partenariat sera reconduit en 2022.                festival.

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Partenariats         11

Avec le festival Il Cinema Ritrovato de           ensuite été jouée au Fema en juillet 2019,
Bologne (Italie), il est prévu un échange         avant d’être reprise au 61e Nordic Film
de programmations en 2022.                        Days de Lübeck en novembre 2019.
Avec le Bergamo Film Meeting (Italie) :           Avec Riga International Film Festival
la collaboration se décline en deux axes,         (Lettonie), la collaboration s’organise
avec des collaborations artistiques et            autour de trois champs : artistique,
l’invitation respective de groupes d’étu-         accompagnement pédagogique des
diants en 2022.                                   œuvres et amélioration de l’organisation.
Avec le Festival du Film Francophone              Après une collaboration en 2021 autour
de Tübingen (Allemagne) et le Bergamo             de la rétrospective Roberto Rossellini,
Film Meeting (Italie), un nouvel ate-             les deux festivals collaboreront en 2022
lier journalistique franco-italo-allemand         autour de la rétrospective Pier Paolo
est mis en place, en distanciel, à destina-       Pasolini, tout en menant une réflexion
tion des lycéens de la région Nouvelle-           commune autour d’une démarche
Aquitaine, du Land de Bade-Wurtemberg             éco-responsable.
et de la région Lombardie.                        Avec Les Arcs Film Festival et Le
Avec Nordic Film Days Lübeck                      Cinématographe de Nantes, le Fema
(Allemagne), reprise de l’atelier ciné-           porte le projet de la coproduction
concert franco-allemand en novembre               d’une création ciné-concert autour de
2022 (qui avait eu lieu en 2019)                  Les Hommes le dimanche de Robert
                                                  Siodmak, avec l’artiste letton Domenique
En 2019, le Fema avait donné une toute            Dumont. La création sera jouée en juillet
nouvelle ampleur européenne à ce                  2022.
dispositif à travers une collaboration
franco-allemande entre le Festival La             Pour que vive le cinéma, des rives de l’At-
Rochelle Cinéma et le Nordic Film Days            lantique aux quatre coins du continent et
de Lübeck. Huit lycéens allemands et six          au-delà des frontières, les festivals jouent
lycéens français ont d’abord composé,             plus que jamais la carte de la solidarité et
sous la direction de Christian Pabœuf,            de la complémentarité.
une musique originale sur des films d’ac-                      Entretien avec Arnaud Dumatin,
tualité muets norvégiens. La partition a             délégué général du Festival La Rochelle Cinéma

  Malombra, création ciné-concert de Julie Roué
12    Le festival toute l’année

  L’action culturelle sur le territoire
  Le Festival est un événement attendu, réunissant chaque année des milliers de
  spectateurs dans la découverte du cinéma d’auteur, d’ici et d’ailleurs, d’hier et d’au-
  jourd’hui, et la rencontre avec ceux qui les créent et les font vivre.
  Mais le Festival n’est pas que cet évé-                         L’éventail des propositions est très large :
  nement très visible, aisément repérable                         ateliers de création documentaire, de
  dans la ville.                                                  films d’animations, décor de cinéma,
                                                                  réalisation de courts métrages, de clip,
  Au fil des années, l’équipe professionnelle
                                                                  approche du journalisme, atelier d’écri-
  construit, développe et coordonne avec
                                                                  ture, création musicale et ciné-concerts,
  détermination et persévérance un pro-
                                                                  parcours-découvertes de métiers… mais
  gramme d’action culturelle, comme un
                                                                  aussi projections de films spécifiques et
  tissu qui maille l’ensemble du territoire,
                                                                  adaptés, séances de films audio-décrits :
  bien au-delà de la ville. Accompagner
                                                                  cette liste est loin d’être exhaustive !
  la pratique, l’éducation à l’image et la
  formation du regard, la découverte d’un                         Ce riche programme témoigne de toutes
  univers professionnel sont aussi au cœur                        les collaborations et partenariats que le
  du projet du festival.                                          Fema a su construire, en région et au
                                                                  niveau national, avec les structures, ins-
  En 2021 et 2022, pas moins qu’une tren-
                                                                  titutions, associations, organismes pro-
  taine de propositions concernent les
                                                                  fessionnels. Sans doute moins visible, il
  publics les plus divers. Enfants, élèves du
                                                                  mérite cependant toute notre attention
  conservatoire, collégiens, lycéens roche-
                                                                  et notre soutien. Allons à sa rencontre,
  lais, de Nouvelle-Aquitaine ou d’ailleurs,
                                                                  dans les salles ou sur les réseaux, et
  étudiants de La Rochelle, de la Fémis…
                                                                  sachons apprécier tous les enjeux à
  habitants des quartiers, mais aussi per-
                                                                  l’œuvre, dans les expériences humaines
  sonnes en situation de handicap, per-
                                                                  et artistiques qu’il révèle.
  sonnes éloignées d’une pratique culturelle,
  vont bénéficier d’un accompagnement                                                                par Martine Perdrieau,
  par des professionnels et des artistes.                                    secrétaire générale adjointe de l’association
                                                                                          du Festival La Rochelle Cinéma

                  Un Monde parfait - Film réalisé lors d’un atelier Stop motion avec Lucie Mousset

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Le festival toute l’année        13

Je danse donc je panse
Danse hip hop et cinéma avec les patients
de l’hôpital Marius Lacroix
Le Centre Chorégraphique National de        « On met le casque et on vérifie… à droite…
La Rochelle a accueilli en novembre des     à gauche… Tous les branchements sont
patients et soignants de l’hôpital Marius   faits ? Faites confiance à vos oreilles !
Lacroix de La Rochelle, pour l’étape        Aidez-vous, vous êtes en binôme… » Dans
finale d’un atelier danse et cinéma.         les loges, Perrine Michel, réalisatrice, ter-
Autour d’un atelier danse initié par le     mine tout en douceur son brief sur l’en-
CCN à l’Hôpital, le Festival La Rochelle    semble des paramètres que l’équipe de
Cinéma a proposé la réalisation d’un        tournage va devoir prendre en compte
film documentaire. Le projet, reporté        pour la prise de son.
pendant près de deux ans pour cause de
                                            Sur la scène, Mathias Rassin, danseur
pandémie, voit maintenant le jour grâce
                                            hip hop, et son groupe poursuivent leur
à l’engagement des trois partenaires.
                                            échauffement.
Le fruit de cette collaboration sera pré-
senté lors de la 50e édition du Festival,   « Vous voyez comment danse la flamme
en juillet 2022.                            d’une bougie ? Cette légèreté… Vous
                                            faites un câlin au sol avec le pied… Les
10 heures, ce matin de novembre à la
                                            bras accompagnent… On est le vent…
Chapelle Fromentin.
                                            On est dans les bras, tout est possible,
Deux groupes sont à l’œuvre, réunissant     sauf les bras le long du corps ! Allez, on
patients et soignants. Les uns dansent,     tourne, on s’éclate ! Et… sortie vers le 1,
les autres filment.                         en slide…! »
                                            Mathias Rassin, (Compagnie Meaux
                                            Town), intervient régulièrement dans les
                                            actions pédagogiques mises en place
                                            par le CCN. La joie, le plaisir de danser,
                                            la liberté du mouvement, l’improvisation
                                            sont au cœur de sa pratique.
                                            Mathias : « Nous avons répété durant
                                            quatre semaines dans le gymnase de
                                            l’hôpital. On parle souvent d’élèves,
                                            quand on transmet. Mais depuis hier,
                                            nous sommes dans ce lieu. Nous sommes
                                            sur une scène, et je parle maintenant
                                            à des artistes, parce que mon but est
                                            d’amener les stagiaires à l’autonomie, en
                                            m’effaçant peu à peu ; voir comment ils
                                            se comportent quand je ne donne pas
 Atelier danse et cinéma au CCN
                                            de consigne, voir comment ils s’écoutent
                                            entre eux sans que j’intervienne… Pour
14    Le festival toute l’année

                                                         j’apprécie cette atmosphère. Il y a de
                                                         l’éclairage, ça aide, on est dans une salle
                                                         de spectacles, du coup, ça motive ! »
                                                         Une belle relation s’est installée entre
                                                         intervenants et participants.
                                                         Mathias : « Je me sens chanceux de faire
                                                         ça ; c’est un projet génial. Pouvoir par-
                                                         tager avec vous, me remplit… Je suis
                                                         danseur, et j’ai l’impression d’apporter
                                                         quelque chose de positif et d’humain. Ce
                                                         que je donne a une résonance, vous êtes
                                                         nombreux à me le rendre. Vous êtes tel-
                                                         lement spontanés, on sait tout de suite
                                                         si vous aimez ou pas… ça me donne de
                                                         l’énergie, j’ai toujours envie d’ajouter
                                                         quelque chose ! »
                                                         Le travail des danseurs se conjugue avec
                                                         celui des cinéastes.
                                                         Régulièrement, les deux intervenants se
                                                         concertent pour décider de ce qu’il est
                        Atelier danse et cinéma au CCN
                                                         pertinent de mettre en images, chacun
                                                         allant à la rencontre du travail de l’autre.
                                                         Perrine Michel est réalisatrice. Elle a
  moi, danser, c’est se laisser porter par               traité de sujets douloureux, en auto-fic-
  la musique, par l’énergie du lieu où l’on              tion, avec la conviction que la création et
  se trouve, et surtout, c’est spontané ! La             le cinéma ont eu pour elle une valeur thé-
  danse est donnée à n’importe qui, il suffit            rapeutique. « J’aimerais que mon cinéma
  d’aimer la musique, d’aimer bouger. Bien               puisse permettre de ressentir, mais aussi
  sûr, nous danseurs, apprenons et maîtri-               de penser et de verbaliser des choses… »
  sons des techniques de mouvement, mais
  tout le monde peut danser ! Mon but ici,               Son parcours témoigne aussi d’une solide
  quand je parle d’improvisation, c’est de               expérience pédagogique.
  conduire les danseurs, avec les outils que             Perrine : « Mathias ne propose pas à son
  je leur donne, vers l’autonomie, la capa-              groupe une chorégraphie dans laquelle
  cité d’improviser sur la musique, comme                tout serait répété et écrit. Les exercices
  ils en ont envie ».                                    changent à chaque demi-journée.
  Lors du pique-nique de la mi-journée,                  Avant d’entreprendre le tournage, je suis
  pris en commun, les bénéfices partagés                 allée observer son travail à l’hôpital. J’ai
  du stage s’expriment de part et d’autre.               pris des notes et demandé à mon groupe
  Les participants sont sensibles à l’envi-              ce qui les intéressait et les touchait dans
  ronnement professionnel de la chapelle                 ce que faisait le groupe Danse.
  et soulignent la dimension supplémen-
                                                         Nous sommes tombés d’accord sur le fait
  taire apportée au travail.
                                                         que ce que l’on avait envie de montrer,
  « C’est un lieu qui est fait pour ça,                  c’était leur joie et leur plaisir de danser.

LE MAGAZINE DE L’ASSOCIATION DU FESTIVAL LA ROCHELLE CINÉMA
Le festival toute l’année        15

Donc, c’est ce que l’on essaie d’attraper          émotions elle leur apporte. Nous l’avons
et de construire.                                  également réalisé avec le groupe cinéma,
Pour l’instant, (mais cela peut changer !)         juste avant, pour s’entraîner, prendre en
nous avons décidé que le début du film             mains le matériel. »
montrerait des mouvements lents, car                           Attentive aux aspects tech-
au début de chaque séance,
                                                               niques, peu faciles à maîtriser
Mathias propose un échauf-
                                                               par les débutants, la réalisa-
fement sans musique, en len-
teur… Plus le travail avance,                                  trice organise les équipes en
plus les mouvements sont                                       binômes, invitant à l’écoute
dynamiques, avec une pré-                                      et l’entraide. Elle souligne
sence accrue de la musique.                                    tout l’intérêt de cette session
Puis, à chaque fois, il termine                                de travail qui, se déroulant
sur ce qu’il appelle la « soul                                 sur un temps resserré, per-
dance », la « soul train » : deux                              met aux acquis techniques
rangées de patients se font                                    de se consolider et au pro-
face, et encouragent deux                                      jet de s’affiner. « Chaque jour
autres danseurs, au centre,                                    nourrit le suivant ».
qui improvisent une sorte
de dialogue. Ils passent tous                                   Dans les deux groupes de
comme cela, deux par deux,                                      participants       se   côtoient
c’est hyper beau, hyper dyna-     Perrine Michel                patients et soignants. Dans
mique… Plein de joie… Ce                                        ce contexte particulier, tous,
serait la fin du film…                                          acteurs d’un même projet
Mais les danseurs improvisent beaucoup,            de création et accompagnés par des
donc, nous sommes, nous aussi, obligés             artistes, évoluent sous un éclairage dif-
d’improviser !                                     férent. Au fil de cette expérience parta-
C’est très différent d’une fiction, où l’on        gée, une proximité, souvent révélatrice,
peut refaire une prise ! Nous avons donc           s’installe dans la relation avec le patient.
convenu, avec Mathias, qu’il est possible          Cet atelier réunit 26 personnes, ce qui
de reprendre un exercice plus tard, si             suppose une organisation sans faille, et
nous n’avons pas pu le saisir dans son             un investissement important, de l’hôpi-
intégralité, afin d’être sûrs d’avoir tout         tal et des soignants. Plus que jamais, ils
couvert.                                           restent attentifs et soutiennent, dans son
J’ai aussi proposé à mon groupe de fil-            effort et sa motivation, chaque patient
mer les à-côtés : le pique-nique, l’instal-        pour lequel n’est pas toujours facile, mal-
lation… Ils font également des portraits,          gré l’envie et le plaisir, de trouver chaque
des danseurs et des filmeurs, ceux qui             matin l’énergie de venir suivre l’atelier.
l’acceptent, bien sûr. Ce sont juste des
visages, face caméra, regard caméra,               Inscrit dans le dispositif « Culture à l’hô-
sans parole.                                       pital », ce projet met en lumière la valeur
                                                   d’une expérience de création collective
Il y a également de petites interviews,            et artistique dans l’épanouissement per-
avec les participants qui sont d’ac-
                                                   sonnel et relationnel.
cord. Les questions portent uniquement
sur leur ressenti de la danse, quelles                                    par Martine Perdrieau
16    Festival toute l’année

  Un espace de liberté sans craintes

  Qu’est-ce que l’acte de création ?                    pice à l’ouverture psychique et à l’émer-
                                                        gence du mécanisme de sublimation.
  Pour le psychanalyste Thierry Delcourt,
                                                        « Une métamorphose possible de soi. »
  « créer suppose un acte non fortuit issu
                                                        Elle tend à développer une dimension
  d’une attention à soi et au monde. »
                                                        fortifiant la représentation de soi et la
  « L’ouverture à soi et au monde permet                rencontre avec l’autre par le biais d’un
  qu’affleure un matériau disponible, une                 espace neutre et de possibles ailleurs.
  ‘matière psychique’ emplie d’impressions              Également une initiation à la dynamique
  sensorielles mais aussi de pensées, de                de changement et un renforcement dans
  rêves et de fantaisies. Aussi la capacité             le processus de désistance.
  créative ouvrant à la créativité est avant
  tout une capacité d’exister et d’être au
  singulier, soit de mieux vivre en se pré-                    « Créer, c’est sortir
  servant dans un espace ouvert et peu                        de son propre néant. »
  entravé. »                                              Wajdi Mouawad, directeur artistique,
  Ce projet qui a rassemblé personnes sui-              Théâtre français, Centre National des arts
  vies en milieu ouvert et professionnels
  du Service Pénitentiaire d’Insertion et de
  Probation (SPIP) 17 a répondu au besoin               « Créer suppose de s’attarder à ce qui
  de clarification de la fonction du SPIP.               reste en friche pour le commun des mor-
  Ce projet innovant a permis la collabo-               tels et d’être à l’écoute de ses représenta-
  ration active et esthétique, en dehors du             tions sensibles, inaccessibles au souvenir
  contexte habituel, formel et contraint,               conscient, étranges et pourtant si fami-
  entre accueillis et accueillants. La dimen-           lières. Il s’agit de transformer en repré-
  sion artistique et de création a ouvert à             sentation visible et palpable une secrète
  une autre perception de l’institution.                inscription au plus profond de soi. »
  La création artistique offre l’exploration            La collecte de témoignages autour d’une
  d’un espace de liberté sans craintes, pro-            question (« qu’est-ce que le SPIP ? ») a

LE MAGAZINE DE L’ASSOCIATION DU FESTIVAL LA ROCHELLE CINÉMA
Festival toute l’année            17

été l’opportunité pour tous d’échanger        À travers l’art, M. B a pu découvrir un
de façon libre et simple. Il s’est agi une    autre mode d’expression soutenu par
rencontre humaine, dans un objectif           l’acte de création. Il s’est senti entendu,
commun de création possible dans ce           écouté, valorisé ; il s’est ouvert aux autres,
lieu de paradoxe soumis aux règles de la      au monde, et a exploré sa créativité. M. B
Justice. Selon M. B, participant au projet,   dit avoir été très touché par une recon-
la réalisation du produit concret artis-      naissance qu’il n’avait pas imaginée. Ému
tique a permis de reprendre confiance          par un sentiment inédit de gratification.
en lui en développant l’estime de soi. Il     Au travers cette collaboration artistique,
y a éprouvé la possibilité de se dévoi-       les participants ont repris confiance en
ler avec émotion à travers de nouveaux        eux, s’inscrivant dans une individualité et
moyens d’expression, autres que la trans-     une permanence dans la cité.
gression d’une loi par la délinquance, la                                par Carole Groulet
violence et/ou la criminalité. Dans cette                    Psychologue clinicienne du SPIP 17
optique, le processus de subjectivation a
été mis en œuvre dans ce qu’il est d’une
recherche constante d’un sens à donner          Un autre regard, documentaire animé
à tout ce qui nous touche.                      réalisé en milieu ouvert par Yannick
                                                Lecœur en 2021.
La diffusion du court-métrage lors de
la 49e édition du Festival La Rochelle          Avec le soutien de la DRAC Nouvelle-
Cinéma, à laquelle les participants ont         Aquitaine, du Service Pénitentiaire
été invités à présenter leur œuvre au           d’Insertion et de Probation de la
public, en compagnie de l’intervenant           Charente-Maritime et de la Fondation
professionnel, a représenté une finali-          de France
sation valorisante, une représentation          En collaboration avec le Carré Amelot
honorifique pour eux, pour lesquels              et le FAR
le sentiment de légitimité fait souvent
défaut.
18    Au cœur du festival

  Les lycéens fidèles au poste

                                        Les lycéens d’au Cœur du Festival et leurs animateurs

                                               On a cru à un moment donné
                                               perdre leur créativité, leur
                                               regard, leur talent, mais les
                                               lycéens du dispositif Au cœur
                                               du festival, financé par la
                                               Région       Nouvelle-Aquitaine,
                                               sont toujours là. Et après une
                                               année forcément blanche, ils
                                               ont été une douzaine à relever
                                               le défi pendant la 49e édition,
                                               en dépit de conditions compli-
                                               quées. Merci à elles et eux pour
                                               leurs textes, leurs interviews,
                                               leurs photos… en un mot pour
                                               leur passion pour le cinéma et
                                               pour le festival.

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Au cœur du festival                       19

Séance de travail avec Laurent Galinon, journaliste
20    Au cœur du festival

              Les Sorcières d’Akelarre
              Une claque

                Les Sorcières d’Akelarre de Pablo Aguero

              J’ai mis du temps à trouver les              s’échapper. Elles se mettent
              mots pour parler de ce film, je               alors à inventer des histoires
              ne suis d’ailleurs pas sûre de               de sorcière, à inventer des
              les avoir vraiment trouvés. Par              sorts et des rituels. Il faut noter
              où commencer ?                               la puissance des images, le feu
                                                           si bien capté dans sa couleur
              Pablo Agüero le réalisateur est
                                                           et sa lumière et leurs chants.
              un magicien. Jamais au cinéma
                                                           La musique de leurs « incan-
              je n’ai entendu toute une salle
                                                           tations » qui nous entraîne et
              rire en même temps, toute une
                                                           nous ensorcelle. Ajoutez à ça
              salle ressentir et exprimer la
                                                           une pointe d’humour aux bons
              douleur. Jamais au cinéma je
                                                           moments et le jeu impression-
              n’ai vécu une harmonie si par-
                                                           nant des actrices. C’est une
              faite que celle de mercredi soir.
                                                           expérience que je ne peux pas
              L’histoire est assez dure je                 décrire dans son entièreté et
              ne vais pas vous mentir, des                 dans son intensité.
              femmes sont accusées de sor-                                par Clara, lycéenne
              cellerie et vont se faire exé-
              cuter. C’est dit, vous ne serez
              pas surpris. Mais dans cette
              peur, dans cette incompré-
              hension on trouve une force
              inouïe. Elles vont alors ruser
              pour gagner du temps, pour

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Au cœur du festival      21

                Gosses de Tokyo
                Sonate d’importance

 Gosses de Tokyo de Yasujiro Ozu

J’ai vu Gosses de Tokyo, réalisé      souvenirs d’enfants et les conflits
par Yasujiro Ozu, en ciné-concert.    générationnels ! La grève de la
Parlons d’abord du film en géné-       faim et de la parole des deux fils
ral, film muet, en noir et blanc.      pour montrer leur déception face
En quelques images, on parvient       à un père sacrifiant « son impor-
à cerner les enfants, qui portent     tance » au profit de son patron
le film jusqu’au bout avec leurs       est merveilleusement bien filmée.
mimiques et leurs farces. Le mon-     C’est un chef d’œuvre cinéma-
tage du film est nerveux, ce qui       tographique. Ajoutée à ceci, la
fait que le geste des acteurs suit    merveilleuse interprétation d’un
exactement le geste de la caméra.     pianiste solo. En effet, le ciné-
Un magnifique travelling montre        concert fut immersif grâce à la
un groupe d’employés s’affairant      performance époustouflante de
à bâiller au travail avec une prise   Jaques Cambra qui, sans parti-
de vue qui se pose sur chaque         tion, interprète la bande son de ce
visage puis rebascule sur un          magnifique film. Cette expérience
groupe d’écoliers représentant la     est d’une richesse sensationnelle,
future relève de travail ! Grâce à    un moment unique.
cet incroyable travail de montage                       par Adrien, lycéen
et d’écriture, Ozu met en avant les
22    Au cœur du festival

  Van Gogh
  Peindre un artiste
  Ce très beau film met en scène les der-
  nières semaines de la vie de Vincent Van
  Gogh, que Jacques Dutronc incarne à la
  perfection. Il a su donner du souffle et
  de l’intensité à sa prestation, ce qui était
  loin d’être gagné pour un rôle pareil. En
  outre, on sent que Maurice Pialat a mis un
  point d’honneur à restituer de la manière
  la plus sobre et réaliste l’atmosphère
  de l’époque, celle de ce monde rural à
  la temporalité si particulière, éloigné de
  l’agitation de la capitale et des grandes
  villes en cours d’industrialisation. Le film             Jacques Dutronc dans Van Gogh de Maurice Pialat
  joue beaucoup sur la différence entre
  Vincent et son frère, ils ne vivent pas
  dans le même monde : si Théo est un
  marchand d’art bien installé, Vincent, lui,           Cette volonté du cinéaste de coller à
  a surtout parcouru les milieux les plus               l’époque qu’il dépeint est également
  humbles. Comme le montre très bien le                 assez flagrante dans l’acoustique des
  film, Van Gogh a beaucoup souffert de                  pièces où se meuvent les personnages,
  ne pas être reconnu par sa famille qui, à             que ce soit lors des discussions, où les
  ses débuts, ne croyait pas en son poten-              paroles ont une résonance particulière
  tiel. Dans la dernière partie de sa vie à             dans les pièces d’une maison bourgeoise
  Auvers-sur-Oise, il n’était pas du tout               avec quatre mètres de hauteur sous pla-
  certain de connaître un jour le succès.               fond, ou bien à l’extérieur, avec les bruits
  La composition de certains plans n’est                lointains d’une joyeuse guinguette. Bref
  pas sans rappeler certaines peintures de              un grand film, aussi bien sur le plan tech-
  l’époque avec ces scènes de détente col-              nique que narratif.
  lective, où tout le monde danse en plein                                                          par Adrien
  air au bord de l’eau. Ces joies collectives
  sont en fort contraste avec des scènes
  plus intimistes, plus douloureuses.
  Aucune musique additionnelle n’a été
  ajoutée en arrière-fond, les musiques
  que l’on entend proviennent unique-
  ment des personnages et des orchestres
  que l’on voit à l’écran, réalisme oblige.

LE MAGAZINE DE L’ASSOCIATION DU FESTIVAL LA ROCHELLE CINÉMA
Au cœur du festival   23

                     Coup de soleil

 Alain Delon dans Plein soleil de René Clément (1960)

Plein Soleil est l’adaptation                  vêtements de la victime que
par René Clément du roman                      Tom porte sur lui après le
Monsieur Ripley de Patricia                    meurtre. Le personnage prin-
Highsmith. Nous suivons le                     cipal est si bien construit qu’on
personnage principal joué par                  en vient à se demander si lui-
Alain Delon, qui essaie de se                  même ne finit pas par croire
tirer d’affaire après avoir com-               à son propre mensonge. Le
mis un meurtre, en usurpant                    film se déroule dans une Italie
l’identité de sa victime. Ici l’in-            paradisiaque, avec une pho-
trigue est propre au style du                  tographie propre aux années
réalisateur, qui sait instaurer                60, en décalage avec le sujet
une tension tout au long du                    et les intentions du scénario ce
film et tenir le spectateur en                  qui rend l’œuvre encore plus
haleine jusqu’au déroulement                   déroutante.
final qui nous laisse sous le                                par Alaïa et Camille,
choc. Il y a une attention par-                                        lycéennes
ticulière aux détails qui nous
plonge complètement dans
la personnalité malsaine de
Tom, comme par exemple les
Philippe Noiret et Salvatore Cascio dans Cinéma Paradiso de Giuseppe Tornatore
26    Musique et cinéma

      La musique fait son cinéma
      La musique a toujours été intégrée à la programmation du Festival La Rochelle
      Cinéma : ciné-concerts, films muets accompagnés au piano par Jacques
      Cambra (depuis 2005 !), séances Retour de flamme de Serge Bromberg, leçons
      de musique animées par Stéphane Lerouge, soirées à la Sirène…
      Chaque année, des ateliers permettent à des lycéens, des étudiants et des
      élèves du Conservatoire de créer et jouer des musiques originales sur des courts
      métrages muets.
      La musique de film a de beaux jours devant elle !

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Musique et cinéma   27
28    Hommage

  Sur les traces de Michael Cimino
  Critique de cinéma, directeur de la collection de dvd blu-ray « Make my day », Jean-
  Baptiste Thoret est (entre autres) un spécialiste du cinéma américain. Auteur d’un
  livre de référence sur le sujet (Le cinéma américain des années 70, éditions Cahiers
  du Cinéma, 2006), et du documentaire We Blew it (2017), il est particulièrement
  fasciné par la personnalité et l’œuvre du réalisateur Michael Cimino. Après un livre
  (Michael Cimino, les voix perdues de l’Amérique, éditions Flammarion, 2013), Jean-
  Baptiste Thoret lui consacre un ample et puissant documentaire. Michael Cimino,
  un mirage américain a été présenté en première mondiale au Festival La Rochelle
  Cinéma en juillet dernier, avant une sortie en salles prévue début 2022. Propos d’un
  passionné, qui affirme « qu’on apprend le monde en voyant des films ».

                                                        « Avoir déjà travaillé sur Michael Cimino,
                                Jean-Baptiste Thoret
                                                        avant de faire ce documentaire, était
                                                        à la fois un atout et un problème. Un
                                                        atout parce que je connaissais bien la
                                                        vie et l’œuvre de ce cinéaste. Un pro-
                                                        blème parce qu’on a le sentiment, pour
                                                        soi, d’avoir fait le tour de la question.
                                                        Terminer un livre, c’est se débarrasser
                                                        de quelque chose, élucider le rapport
                                                        qui nous lie à quelqu’un ou à une œuvre.
                                                        J’avais donc le sentiment d’avoir fait le
                                                        tour de Michael Cimino. Pour relancer
                                                        mon intérêt, il me fallait passer non plus
                                                        par une question d’histoire du cinéma,
                                                        mais par quelque chose d’extrêmement
                                                        intime, de personnel. Un film a été tourné
                                                        à un endroit, avec des personnes : cet
                                                        endroit est-il toujours là ? ces personnes
                                                        y sont-elles encore ? et quels souvenirs
                                                        éventuels ont-elles du film ?
                                                        J’ai alors pris contact avec la commu-
                                                        nauté où a été tourné Voyage au bout
                                                        de l’enfer, à Mingo Junction, dans l’Ohio.
                                                        Il y a eu deux, trois événements dans
                                                        la vie de cette communauté perdue au
                                                        milieu de nulle part : l’âge d’or industriel
                                                        dans les années 1970, avec l’aciérie, la
                                                        sidérurgie ; le tournage du film en 1977 ;
                                                        et la fermeture des usines au début des
                                                        années 2000, qui en fait une ville en voie
                                                        de fantomisation. Pour les habitants de
                                                        Mingo Junction, ce tournage a été un

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Hommage        29

  Michael Cimino, un mirage américain de Jean-Baptiste Thoret

moment mythique, une histoire qu’on se                          C’est un film sur l’Amérique qu’a fan-
transmet de génération en génération.                           tasmé un cinéaste américain dans les
D’autant que lors du tournage, personne                         années 1970-1980, et peu importe que
ne prend conscience que quelque chose                           ce fantasme soit vrai ou pas, puisque
de spécial est en train de se passer, qu’ils                    c’est ce qui l’a guidé pour accomplir
vont faire partie d’un grand film de l’his-                      son œuvre. Pour moi, faire un film sur
toire du cinéma. Et des gens de cette                           le cinéma américain, c’est faire un film
histoire sont encore vivants. J’ai su que                       sur l’Amérique en même temps. C’est ce
le film commencerait avec eux, j’ai eu                           que j’avais déjà fait avec We blew it. Le
envie de faire un film sur cette commu-                          cinéma nous conduit à l’Amérique et vice
nauté-là, ce sont ces gens qui m’ont inté-                      versa. C’est un film consacré à Michael
ressé. Ainsi, je parlerai de Michael Cimino                     Cimino, puisque sa voix est présente,
de façon plus profonde et moins théo-                           c’est un peu le fantôme qui nous accom-
rique que ce que j’avais fait auparavant.                       pagne. Mais c’est aussi un film sur l’Amé-
Le film s’est construit à partir du temps                        rique qu’a fantasmée Cimino, puisque
passé à Mingo Junction. Ce qui permet                           c’était quelqu’un qui était à la recherche
de retrouver un peu l’élan ciminien, qui                        d’une Amérique presque idyllique, d’une
part d’un rapport à des communautés                             Amérique à la John Ford première
qui ont existé. Cimino est la déduction                         manière. A travers cela, on arrive à faire
de l’Amérique que je montre, et pas le                          le portrait et à rentrer dans l’intimité,
contraire. Pour moi, c’est absolument                           dans la géographie même d’une certaine
capital. J’avais presque envie qu’on                            Amérique, celle de gens plutôt déclas-
oublie que ce documentaire est un film                           sés, qui ont connu un âge d’or disparu, et
sur Michael Cimino. D’ailleurs, il apparaît                     dont on comprend qu’ils ont voté Trump
dans le film, d’un point de vue sonore,                          en 2020. J’avais envie de faire un film
seulement au bout de 45 mn.                                     ouvert, qui pose plus de questions qu’il
                                                                n’apporte de réponses.
30     Hommage

                                                               la fresque monumentale, ample, avec
                                                               le home movie, de faire à la fois Qu’elle
                                                               était verte ma vallée et Le Guépard, être
                                                               épique et intime. C’est quelque chose
                                                               d’assez unique dans l’histoire du cinéma
                                                               américain.
                                                               Aujourd’hui, dans le cinéma américain,
                                                               Michael Cimino ne pourrait plus exis-
                                                               ter. C’est devenu un cinéma qui n’est
                                                               plus propice du tout à ce type d’indi-
                                                               vidu, à ce type de cinéastes qui ont
                                                               des visions. C’est quelqu’un qui a mar-
 Michael Cimino, un mirage américain de Jean-Baptiste Thoret
                                                               qué beaucoup de cinéastes américains
                                                               qui ont aujourd’hui entre 50 et 60 ans,
  C’est un road movie, un film qui prend                        par exemple James Gray ou Quentin
  la route de la côte Ouest à la côte Est.                     Tarantino, grâce à des films comme
  C’est un trajet qui se fait de la Californie                 Voyage au bout de l’enfer et L’Année du
  à New York, mais par le Nord de l’Amé-                       dragon.
  rique. C’est l’Amérique de Gran Torino                       Un spectateur de documentaire attend
  de Clint Eastwood. C’est une Amérique                        souvent que ce genre de film donne des
  qui est dans la mélancolie d’un âge d’or                     informations et présente des gens qui
  disparu, une Amérique politiquement                          parlent. Moi, ce qui m’intéresse, c’est
  conservatrice, très attachée à la liberté,                   de traiter le documentaire comme un
  par exemple celle du port d’arme. C’est le                   film de fiction. Et si un jour je fais de la
  contraire de la Californie ou de l’Oregon.                   fiction, j’irai chercher le documentaire
                                                               à l’intérieur. Je ne crois pas du tout à
  Le film, Voyage au bout de l’enfer, est                       la distinction entre les deux. C’est mon
  comme un film de famille. Quand ces                           côté Godard. Entre le film documentaire
  gens de Mingo Junction voient Voyage                         et le film de fiction, c’est le travail sur le
  au bout de l’enfer, ils voient un film de                     brouillage qui est passionnant. Le film
  famille. C’est un film qui ne fait que                        raconte plus de choses lorsque les gens
  réactiver en eux des souvenirs person-                       ne parlent pas que lorsqu’ils parlent,
  nels. Des gens, vivants dans le film, sont                    c’est cela qui m’intéresse. Et un inconnu
  morts depuis. Et j’avais tenu à re-proje-                    qui intervient, même en ne disant rien,
  ter le film à ces gens-là, non pas dans                       en dit plus sur le cinéma de Cimino qu’un
  une salle de cinéma, mais sur un drap,                       intervenant connu. Tout le grand cinéma
  dans un petit bar, comme on se projette                      américain des années 1960-1970 a parlé
  un film Super 8. Pour eux, ce n’est pas                       à l’autre, alors qu’aujourd’hui le cinéma
  uniquement un film de Michael Cimino                          parle à son clone, chacun dans sa caté-
  sur l’histoire du cinéma, sur le Vietnam                     gorie. Or le cinéma est un art populaire. »
  ou sur l’Amérique de l’époque, mais c’est
  un film de famille. Je tenais beaucoup                                       Propos recueillis par Thierry Bedon
                                                                            à La Coursive, le 26 septembre 2021.
  à montrer cela, car c’était la force de
                                                                             Des remerciements tout particuliers
  Cimino. Il tentait de faire la synthèse un                           à Marc Olry (Lost Films) et Luc Lavacherie
  peu folle entre Ford et Visconti, de mêler                                qui ont rendu possible cet entretien.

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Rencontres avec le public          31

Des moments privilégiés
Le festival, ce sont ces dix jours                    patrimoine, en soutenant leur accom-
magiques de projections, de rétros-                   pagnement, en encourageant leur
pectives en hommages, d’avant-pre-                    préservation et leur restauration, et
mières en ciné-concerts. Mais ce                      en préservant notre réseau de salles.
sont aussi des rencontres. Derrière                   S’il est un lieu d’échanges entre pro-
l’écran, le festival accueille toute la               fessionnels, le festival organise aussi
filière du cinéma, de sa création à sa                 pour le public des rencontres avec
diffusion. Il invite des associations de              cinéastes, actrices et acteurs, pro-
cinéastes, distributeurs, exploitants,                ductrices et producteurs, spécia-
ciné-clubs et formateurs, qui, à l’an-                listes : Radu Jude, Gabriel Yared,
née, défendent la diversité cinémato-                 Sylvie Pialat, Dominique Besnehard,
graphique, en favorisant la circulation               Xavier Kawa-Topor,… Des moments
des films art et essai et des films de                  rares et de belles émotions.

  Margaux Cavret, Xavier Kawa-Topor et Bruno Collet                   Sylvie Pialat
32

      Cabine de projection                         Sophie Mirouze

                                               L’équipe au complet   Jean-Paul Fleury, projectionniste

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33

L’équipe des « Dragounets »

                              Jeanne Dufay, Coline Milcent,
                              Ambre Bouhembel, Anne-Charlotte Girault,
         Régie La Coursive    Céline Lemoine et Sophie Laroussarias
34       Portrait

  Garance Baudon
  Le bénévolat pour le Fema, une évidence
  Garance a 26 ans. Depuis 7 ans elle fait                    7 ans, rien ne l’empêcherait de remplir sa
  partie de la cinquantaine de bénévoles                      mission de bénévole.
  cinéphiles qui s’investissent dans le
  festival mais que le public ne voit pas                     Ni les études de biologie et le master
  toujours.                                                   « Vulgarisation scientifique et épistémo-
                                                              logie » obtenu à Strasbourg, ni la musique
  Ils participent à l’accompagnement des                      — elle joue de l’accordéon et compose
  artistes et l’accueil du public, assistent                  —, ni le théâtre — après des ateliers à la
  les projectionnistes, aident en cuisine,                    Rochelle, elle suit maintenant les cours
  préparent le Préau pour les repas et                        d’une école à Bruxelles — ne l’ont détour-
  réceptions…                                                 née de ce rendez-vous.
  Ses gestes sont précis, le rythme calme                     Une fidélité bien ancrée : aupara-
  mais inexorable : les huîtres n’ont aucune                  vant, durant ses trois ans de lycée à La
  chance d’en réchapper et le plateau se                      Rochelle, Garance a participé au disposi-
  remplit, dans un agencement impec-                          tif « Au cœur du Festival » — qui se pour-
  cable. Elle ouvre les coquilles et parle                    suit encore aujourd’hui. Pendant toute la
  sur le même rythme : rapide mais calme,                     durée de l’événement, encadrés par des
  posé.                                                       animateurs culturels, des lycéens roche-
                                                              lais livrent leur regard sur le festival, à tra-
  Nous sommes dans la cuisine du Préau                        vers interviews, photographies et vidéos,
  du festival, et elle dépeint avec simpli-                   mis en ligne sur Facebook et Instagram.
  cité et humour, une enfance baignée de                      Elle se souvient de belles rencontres,
  cinéma…                                                     avec des acteurs, des réalisateurs, de l’ef-
  Elle s’appelle Garance, elle a 26 ans et                    fervescence et de l’enthousiasme parta-
  dégage une énergie solaire.                                 gés, qui nourrissaient, si besoin était, sa
                                                              passion pour le cinéma et son attache-
  « Le cinéma, c’est toute ma vie !... Non, je                ment au Festival.
  rigole !... Mais ma mère m’emmenait voir
  des films, j’avais… 4 ou 5 ans, et pas seu-                  Spontanément, dès que cela a été pos-
  lement des films pour enfants ou des                         sible, elle a décidé d’apporter son soutien
  dessins animés. Ça a éveillé mon appétit,                   à une manifestation et une équipe qu’elle
  formé mon goût et mon regard. Mon pre-                      connaissait et appréciait. Cet engage-
  mier festival, c’était en 1999 ; j’y ai vu Le               ment suit le mouvement de ses « pen-
  Château des Singes de Laguionie, je m’en                    chants naturels ». Donner du temps et de
  souviens. Evidemment, je suis retournée                     l’énergie pour accompagner un événe-
  le voir quand il a été programmé en 2019 1.                 ment qui lui tient à cœur, apporter ainsi
  C’est une grande histoire : ma mère m’a                     sa pierre à l’édifice, lui apparaît tout sim-
  transmis sa passion pour le cinéma. »                       plement comme une évidence.

  Sciences, conscience et goût pour les arts                  Toujours en action, elle enchaîne avec
                                                              une souplesse de sportive bien entraî-
  Garance a grandi, elle a continué à voir                    née (sa silhouette longiligne en dit long…
  des films, à suivre le festival, et depuis                   ) les cours de théâtre à Bruxelles, la
  1   Le Château des Singes a été présenté au Festival en 2019 dans le cadre de l’hommage à Jean-François Laguionie

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