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Le magazine de l’association du Festival La Rochelle Cinéma www.festival-larochelle.org Février 2022 - n°26 Ce magazine vous est offert par l’association du Festival La Rochelle Cinéma
Édito 3 Un festival à visage humain A côté du besoin de (se) connaître, de se situer par rapport aux autres et à nos appartenances plurielles, s’exprime de façon multiple notre quête de représentations et de (re) connaissance d’espaces publics où projeter nos regards. Ce sont ces rencontres de l’altérité qui depuis bientôt cinquante ans ont façonné le Festival La Rochelle Cinéma. Parfois pourtant la tentation est grande, ici comme ailleurs, de penser qu’un prix prestigieux, quelles qu’en soient les formes spectaculaires, suffirait à ériger une renommée artistique et culturelle. Or celle du Festival La Rochelle Cinéma s’est justement construite contre le spectaculaire d’une avant-première, contre la distribution de prix dont on sait la part de hasard, d’opportunités et de stratégies commerciales qui la conditionne. C’est d’ailleurs justement cela que répare aussi le Festival la Rochelle Cinéma, ces films et auteurs oubliés des prix et des paresseux de la distribution, ces inconnus du bout du monde, ces ignorants de la mode… tout en faisant la part belle aux hommages rendus aux plus grandes œuvres et aux plus grands talents. Petit rappel pour les oublieux des fondamentaux, ces propos de Jean-Loup Passek, devenus composantes du règlement du festival : « Il ( le festival) se veut totalement indépendant vis-à-vis des différentes branches de la profession cinématographique, seul gage d’impartialité dans la sélection des films. Il n’est pas compétitif et ne saurait entrer en concurrence avec aucun autre festival ». Dit autrement par Jean-Louis Bory, inoubliable critique de cinéma à la verve malicieuse : « Un festival à visage humain. A La Rochelle on ne distribue ni palmes, ni ours, ni couronnes, ni sucettes, et tout le monde s’en trouve bien ». La programmation ayant atteint une taille critique stable dans le nombre de films tous genres confondus, on peut comprendre désormais que l’expression « tout le monde » a pris au fil du temps une remarquable signification tant l’extrême diversité des publics successivement conquis constitue la vraie richesse et le vrai prestige de ce festival. Ce qui n’empêchera nullement celui-ci d’honorer magnifiquement telle œuvre ou tel artiste. Cinquante ans et plusieurs centaines de milliers de spectateurs plus tard, longue vie à cette recette magique unique pour le plus grand plaisir de tous. par Daniel Burg Président de l’association du Festival La Rochelle Cinéma Couverture : Jean Le Peltier et Lucie Debay dans Une vie démente d’Ann Sirot et Raphaël Balboni Ci-contre : First Cow de Kelly Reichardt, Rim Turki et Manal Issa dans Memory Box de Khalil Joreige et Joana Hadjithomas, Alba Rohrwacher dans Sous le ciel d’Alice de Chloé Mazlo
Le mot du maire 5 L’édition 2021 du Festival La Rochelle Cinéma aura permis à tous les amoureux du 7e art de se retrouver dans les salles de cinéma, pour partager à nouveau le plaisir de visionner des films sur grand écran. Des films d’hier et d’aujourd’hui, venus du monde entier, qui ont une nouvelle fois offert aux spectateurs un kaléidoscope d’histoires de vie. Depuis sa création en 1973, le Festival La Rochelle Cinéma reste un rendez-vous singulier, sans compétition ni prix, qui contribue à l’animation et au rayonnement de La Rochelle. En ce mois de janvier, il entre dans la préparation de son 50e anniversaire, avec une volonté toujours plus forte de rendre le cinéma accessible à tous les publics. Au-delà de la diffusion de films, le Fema est un dispositif phare d’éducation à l’image et d’accès aux pratiques cinématographiques pour les artistes, les lycéens ou les étudiants en cinéma, mais aussi et surtout pour les résidents des Ehpad, les personnes incarcérées ou hospitalisées, les habitants des quartiers. Pour cela, il est d’autant plus unique et indispensable à notre ville. Un grand merci à toute l’équipe et à l’association du festival qui œuvrent tout au long de l’année par et pour le cinéma. Jean-François Fountaine Maire de La Rochelle Président de la Communauté d’Agglomération Ci-contre : Sophie Mirouze et Arnaud Dumatin, soirée d’ouverture à La Coursive
6 Soirée du Conseil Départemental de la Charente-Maritime Cinéma Paradiso Salvatore Cascio dans Cinéma Paradiso de Giuseppe Tornatore Pour la soirée de clôture, le Conseil Départemental de la Charente- Maritime, partenaire depuis de nombreuses années et financeur d’actions aux quatre coins du territoire, et le Festival ont présenté Cinéma Paradiso. Dans ce très beau film de Giuseppe Tornatore, un cinéaste plonge dans son enfance, lorsqu’il passait son temps libre dans la salle de cinéma paroissiale où régnait Alfredo le projectionniste. Tout un monde d’émotions porté par la musique d’Ennio Morricone. LE MAGAZINE DE L’ASSOCIATION DU FESTIVAL LA ROCHELLE CINÉMA
Soirée de la Région Nouvelle-Aquitaine 7 Les Sorcières d’Akelarre Les Sorcières d’Akelarre de Pablo Agüero Soirée Région Nouvelle-Aquitaine La Région Nouvelle-Aquitaine soutient le Festival La Rochelle Cinéma depuis de très nombreuses années et finance de nombreuses actions : avec les classes des sections L Cinéma et audiovisuel de toute la région, les ateliers ciné-concerts, le dispositif Au Cœur du Festival… Cette année le choix de la Région s’est porté sur le cinquième long-métrage du réalisateur argentin Pablo Agüero, qui aborde un fait de sorcellerie survenu au Pays basque au début du XVIIe siècle. Six jeunes femmes d’un village paisible sont soupçonnées d’avoir pratiqué le sabbat.
8 Soirée CCAS-CMCAS Rapprocher le monde de l’art et le monde du travail Le Kiosque d’Alexandra Pianelli La CCAS-CMCAS des Industries Pour la 49e édition du Festival, Electriques et Gazières, acteur la CCAS-CMCAS a choisi de essentiel de l’action culturelle en projeter Le Kiosque, d’Alexandra France, partage avec le Festival, Pianelli (2020). Un regard plein depuis plus de vingt ans, un de tendresse et d’humour sur les même engagement : transmettre coulisses du métier de kiosquier la culture au plus grand nombre. et le défilé quotidien des clients. LE MAGAZINE DE L’ASSOCIATION DU FESTIVAL LA ROCHELLE CINÉMA
Soirée CCAS-CMCAS 9 Au fil des éditions, la CCAS-CMCAS et le Festival ont toujours proposé des films qui incitent à découvrir mais aussi à réfléchir, des films qui viennent des quatre coins du monde, parmi lesquels : • Les Misérables de Ladj Ly (2019), Prix du jury au Festival de Cannes 2019 • Amin de Philippe Faucon (France, 2018) • Latifa, le cœur au combat d’Olivier Peyron et Cyril Brody (France, 2017) • Fuocoammare, au-delà de Lampedusa de Gianfranco Rosi (Italie, 2016) • Blind Dates de Levan Koguashvili (Géorgie, 2015) • Des Chevaux et des hommes de Benedikt Erlingsson (Islande, 2014) • Gloria de Sebastián Lelio (Chili, 2013) • Le Vendeur de Sébastien Pilote Soirée CCAS-CMCAS (Québec, 2012)… Soirée CCAS-CMCAS
10 Partenariats Du côté de l’Europe Depuis 2020, le Fema développe de nombreux partenariats avec d’autres festivals européens, avec lesquels il par- tage plusieurs axes de travail. Pourquoi cette politique ? Les objectifs sont de plusieurs ordres. Malombra, création ciné-concert de Julie Roué Le Festival veut d’abord contribuer à une circulation plus efficace et à la promotion Le partenariat avec le Bruxelles des films européens non nationaux et de International Film Festival (BRIFF - leurs créateurs, par le biais d’échanges Bruxelles - Belgique) s’articulera autour d’informations, de recommandations, de deux axes. de programmations communes (hom- mages, rétrospectives, coproduction de Tout d’abord avec des résidences croi- ciné-concerts), de cartes blanches et de sées de cinéastes : un cinéaste belge, résidences croisées. Frédéric Hainault, encadrera en 2022 l’un des ateliers du Festival toute l’an- Il s’agit aussi de contribuer à l’élargisse- née à Angoulême avec des étudiants ment et au renouvellement des publics, du CREADOC et du BTS audiovisuel. Le à travers des projets concertés d’édu- court métrage sera projeté au Fema et cation à l’image, la construction d’outils au BRIFF en juillet 2022. pédagogiques communs, et l’organisa- tion d’ateliers croisés. En juin 2022, un cinéaste français sera présent à Bruxelles pendant le BRIFF Dans la période de rigueur budgétaire qui pour 10 jours de tournage avec des touche tous les pays, le Fema et les festi- publics mixtes (habitants des quartiers, vals européens partenaires ont la volonté MJC). Le film sera projeté à l’issue de de mutualiser leurs moyens (tirage de l’atelier, en simultané dans les deux festi- copies, sous-titrage, audiodescription…) vals (juillet 2022). et de continuer à construire un réseau professionnel (invitations mutuelles, Ensuite autour de l’audiodescription : le jurys, rencontres professionnelles...). Fema et le BRIFF coproduiront en 2022 une version audiodécrite d’un film pour Quels sont les festivals partenaires ? les enfants (production issue d’un pays Quelques exemples de collaborations à faible capacité de production). La ver- bilatérales : sion circulera dans les deux festivals. Le Fema a collaboré en 2020-2021 avec le Avec le New Horizons International Film Transilvania International Film Festival Festival de Wroclaw (Pologne), la colla- (TIFF - Roumanie), en coproduisant boration artistique se poursuit en 2022, deux ciné-concerts autour de Malombra autour de projections spéciales croisées : de Carmine Gallone, avec deux compo- New Horizons à La Rochelle et Le Fema in Wroclaw, chaque festival sélectionnant sitrices, Simona Strungaru et Julie Roué. deux films qu’il présentera dans l’autre Ce partenariat sera reconduit en 2022. festival. LE MAGAZINE DE L’ASSOCIATION DU FESTIVAL LA ROCHELLE CINÉMA
Partenariats 11 Avec le festival Il Cinema Ritrovato de ensuite été jouée au Fema en juillet 2019, Bologne (Italie), il est prévu un échange avant d’être reprise au 61e Nordic Film de programmations en 2022. Days de Lübeck en novembre 2019. Avec le Bergamo Film Meeting (Italie) : Avec Riga International Film Festival la collaboration se décline en deux axes, (Lettonie), la collaboration s’organise avec des collaborations artistiques et autour de trois champs : artistique, l’invitation respective de groupes d’étu- accompagnement pédagogique des diants en 2022. œuvres et amélioration de l’organisation. Avec le Festival du Film Francophone Après une collaboration en 2021 autour de Tübingen (Allemagne) et le Bergamo de la rétrospective Roberto Rossellini, Film Meeting (Italie), un nouvel ate- les deux festivals collaboreront en 2022 lier journalistique franco-italo-allemand autour de la rétrospective Pier Paolo est mis en place, en distanciel, à destina- Pasolini, tout en menant une réflexion tion des lycéens de la région Nouvelle- commune autour d’une démarche Aquitaine, du Land de Bade-Wurtemberg éco-responsable. et de la région Lombardie. Avec Les Arcs Film Festival et Le Avec Nordic Film Days Lübeck Cinématographe de Nantes, le Fema (Allemagne), reprise de l’atelier ciné- porte le projet de la coproduction concert franco-allemand en novembre d’une création ciné-concert autour de 2022 (qui avait eu lieu en 2019) Les Hommes le dimanche de Robert Siodmak, avec l’artiste letton Domenique En 2019, le Fema avait donné une toute Dumont. La création sera jouée en juillet nouvelle ampleur européenne à ce 2022. dispositif à travers une collaboration franco-allemande entre le Festival La Pour que vive le cinéma, des rives de l’At- Rochelle Cinéma et le Nordic Film Days lantique aux quatre coins du continent et de Lübeck. Huit lycéens allemands et six au-delà des frontières, les festivals jouent lycéens français ont d’abord composé, plus que jamais la carte de la solidarité et sous la direction de Christian Pabœuf, de la complémentarité. une musique originale sur des films d’ac- Entretien avec Arnaud Dumatin, tualité muets norvégiens. La partition a délégué général du Festival La Rochelle Cinéma Malombra, création ciné-concert de Julie Roué
12 Le festival toute l’année L’action culturelle sur le territoire Le Festival est un événement attendu, réunissant chaque année des milliers de spectateurs dans la découverte du cinéma d’auteur, d’ici et d’ailleurs, d’hier et d’au- jourd’hui, et la rencontre avec ceux qui les créent et les font vivre. Mais le Festival n’est pas que cet évé- L’éventail des propositions est très large : nement très visible, aisément repérable ateliers de création documentaire, de dans la ville. films d’animations, décor de cinéma, réalisation de courts métrages, de clip, Au fil des années, l’équipe professionnelle approche du journalisme, atelier d’écri- construit, développe et coordonne avec ture, création musicale et ciné-concerts, détermination et persévérance un pro- parcours-découvertes de métiers… mais gramme d’action culturelle, comme un aussi projections de films spécifiques et tissu qui maille l’ensemble du territoire, adaptés, séances de films audio-décrits : bien au-delà de la ville. Accompagner cette liste est loin d’être exhaustive ! la pratique, l’éducation à l’image et la formation du regard, la découverte d’un Ce riche programme témoigne de toutes univers professionnel sont aussi au cœur les collaborations et partenariats que le du projet du festival. Fema a su construire, en région et au niveau national, avec les structures, ins- En 2021 et 2022, pas moins qu’une tren- titutions, associations, organismes pro- taine de propositions concernent les fessionnels. Sans doute moins visible, il publics les plus divers. Enfants, élèves du mérite cependant toute notre attention conservatoire, collégiens, lycéens roche- et notre soutien. Allons à sa rencontre, lais, de Nouvelle-Aquitaine ou d’ailleurs, dans les salles ou sur les réseaux, et étudiants de La Rochelle, de la Fémis… sachons apprécier tous les enjeux à habitants des quartiers, mais aussi per- l’œuvre, dans les expériences humaines sonnes en situation de handicap, per- et artistiques qu’il révèle. sonnes éloignées d’une pratique culturelle, vont bénéficier d’un accompagnement par Martine Perdrieau, par des professionnels et des artistes. secrétaire générale adjointe de l’association du Festival La Rochelle Cinéma Un Monde parfait - Film réalisé lors d’un atelier Stop motion avec Lucie Mousset LE MAGAZINE DE L’ASSOCIATION DU FESTIVAL LA ROCHELLE CINÉMA
Le festival toute l’année 13 Je danse donc je panse Danse hip hop et cinéma avec les patients de l’hôpital Marius Lacroix Le Centre Chorégraphique National de « On met le casque et on vérifie… à droite… La Rochelle a accueilli en novembre des à gauche… Tous les branchements sont patients et soignants de l’hôpital Marius faits ? Faites confiance à vos oreilles ! Lacroix de La Rochelle, pour l’étape Aidez-vous, vous êtes en binôme… » Dans finale d’un atelier danse et cinéma. les loges, Perrine Michel, réalisatrice, ter- Autour d’un atelier danse initié par le mine tout en douceur son brief sur l’en- CCN à l’Hôpital, le Festival La Rochelle semble des paramètres que l’équipe de Cinéma a proposé la réalisation d’un tournage va devoir prendre en compte film documentaire. Le projet, reporté pour la prise de son. pendant près de deux ans pour cause de Sur la scène, Mathias Rassin, danseur pandémie, voit maintenant le jour grâce hip hop, et son groupe poursuivent leur à l’engagement des trois partenaires. échauffement. Le fruit de cette collaboration sera pré- senté lors de la 50e édition du Festival, « Vous voyez comment danse la flamme en juillet 2022. d’une bougie ? Cette légèreté… Vous faites un câlin au sol avec le pied… Les 10 heures, ce matin de novembre à la bras accompagnent… On est le vent… Chapelle Fromentin. On est dans les bras, tout est possible, Deux groupes sont à l’œuvre, réunissant sauf les bras le long du corps ! Allez, on patients et soignants. Les uns dansent, tourne, on s’éclate ! Et… sortie vers le 1, les autres filment. en slide…! » Mathias Rassin, (Compagnie Meaux Town), intervient régulièrement dans les actions pédagogiques mises en place par le CCN. La joie, le plaisir de danser, la liberté du mouvement, l’improvisation sont au cœur de sa pratique. Mathias : « Nous avons répété durant quatre semaines dans le gymnase de l’hôpital. On parle souvent d’élèves, quand on transmet. Mais depuis hier, nous sommes dans ce lieu. Nous sommes sur une scène, et je parle maintenant à des artistes, parce que mon but est d’amener les stagiaires à l’autonomie, en m’effaçant peu à peu ; voir comment ils se comportent quand je ne donne pas Atelier danse et cinéma au CCN de consigne, voir comment ils s’écoutent entre eux sans que j’intervienne… Pour
14 Le festival toute l’année j’apprécie cette atmosphère. Il y a de l’éclairage, ça aide, on est dans une salle de spectacles, du coup, ça motive ! » Une belle relation s’est installée entre intervenants et participants. Mathias : « Je me sens chanceux de faire ça ; c’est un projet génial. Pouvoir par- tager avec vous, me remplit… Je suis danseur, et j’ai l’impression d’apporter quelque chose de positif et d’humain. Ce que je donne a une résonance, vous êtes nombreux à me le rendre. Vous êtes tel- lement spontanés, on sait tout de suite si vous aimez ou pas… ça me donne de l’énergie, j’ai toujours envie d’ajouter quelque chose ! » Le travail des danseurs se conjugue avec celui des cinéastes. Régulièrement, les deux intervenants se concertent pour décider de ce qu’il est Atelier danse et cinéma au CCN pertinent de mettre en images, chacun allant à la rencontre du travail de l’autre. Perrine Michel est réalisatrice. Elle a moi, danser, c’est se laisser porter par traité de sujets douloureux, en auto-fic- la musique, par l’énergie du lieu où l’on tion, avec la conviction que la création et se trouve, et surtout, c’est spontané ! La le cinéma ont eu pour elle une valeur thé- danse est donnée à n’importe qui, il suffit rapeutique. « J’aimerais que mon cinéma d’aimer la musique, d’aimer bouger. Bien puisse permettre de ressentir, mais aussi sûr, nous danseurs, apprenons et maîtri- de penser et de verbaliser des choses… » sons des techniques de mouvement, mais tout le monde peut danser ! Mon but ici, Son parcours témoigne aussi d’une solide quand je parle d’improvisation, c’est de expérience pédagogique. conduire les danseurs, avec les outils que Perrine : « Mathias ne propose pas à son je leur donne, vers l’autonomie, la capa- groupe une chorégraphie dans laquelle cité d’improviser sur la musique, comme tout serait répété et écrit. Les exercices ils en ont envie ». changent à chaque demi-journée. Lors du pique-nique de la mi-journée, Avant d’entreprendre le tournage, je suis pris en commun, les bénéfices partagés allée observer son travail à l’hôpital. J’ai du stage s’expriment de part et d’autre. pris des notes et demandé à mon groupe Les participants sont sensibles à l’envi- ce qui les intéressait et les touchait dans ronnement professionnel de la chapelle ce que faisait le groupe Danse. et soulignent la dimension supplémen- Nous sommes tombés d’accord sur le fait taire apportée au travail. que ce que l’on avait envie de montrer, « C’est un lieu qui est fait pour ça, c’était leur joie et leur plaisir de danser. LE MAGAZINE DE L’ASSOCIATION DU FESTIVAL LA ROCHELLE CINÉMA
Le festival toute l’année 15 Donc, c’est ce que l’on essaie d’attraper émotions elle leur apporte. Nous l’avons et de construire. également réalisé avec le groupe cinéma, Pour l’instant, (mais cela peut changer !) juste avant, pour s’entraîner, prendre en nous avons décidé que le début du film mains le matériel. » montrerait des mouvements lents, car Attentive aux aspects tech- au début de chaque séance, niques, peu faciles à maîtriser Mathias propose un échauf- par les débutants, la réalisa- fement sans musique, en len- teur… Plus le travail avance, trice organise les équipes en plus les mouvements sont binômes, invitant à l’écoute dynamiques, avec une pré- et l’entraide. Elle souligne sence accrue de la musique. tout l’intérêt de cette session Puis, à chaque fois, il termine de travail qui, se déroulant sur ce qu’il appelle la « soul sur un temps resserré, per- dance », la « soul train » : deux met aux acquis techniques rangées de patients se font de se consolider et au pro- face, et encouragent deux jet de s’affiner. « Chaque jour autres danseurs, au centre, nourrit le suivant ». qui improvisent une sorte de dialogue. Ils passent tous Dans les deux groupes de comme cela, deux par deux, participants se côtoient c’est hyper beau, hyper dyna- Perrine Michel patients et soignants. Dans mique… Plein de joie… Ce ce contexte particulier, tous, serait la fin du film… acteurs d’un même projet Mais les danseurs improvisent beaucoup, de création et accompagnés par des donc, nous sommes, nous aussi, obligés artistes, évoluent sous un éclairage dif- d’improviser ! férent. Au fil de cette expérience parta- C’est très différent d’une fiction, où l’on gée, une proximité, souvent révélatrice, peut refaire une prise ! Nous avons donc s’installe dans la relation avec le patient. convenu, avec Mathias, qu’il est possible Cet atelier réunit 26 personnes, ce qui de reprendre un exercice plus tard, si suppose une organisation sans faille, et nous n’avons pas pu le saisir dans son un investissement important, de l’hôpi- intégralité, afin d’être sûrs d’avoir tout tal et des soignants. Plus que jamais, ils couvert. restent attentifs et soutiennent, dans son J’ai aussi proposé à mon groupe de fil- effort et sa motivation, chaque patient mer les à-côtés : le pique-nique, l’instal- pour lequel n’est pas toujours facile, mal- lation… Ils font également des portraits, gré l’envie et le plaisir, de trouver chaque des danseurs et des filmeurs, ceux qui matin l’énergie de venir suivre l’atelier. l’acceptent, bien sûr. Ce sont juste des visages, face caméra, regard caméra, Inscrit dans le dispositif « Culture à l’hô- sans parole. pital », ce projet met en lumière la valeur d’une expérience de création collective Il y a également de petites interviews, et artistique dans l’épanouissement per- avec les participants qui sont d’ac- sonnel et relationnel. cord. Les questions portent uniquement sur leur ressenti de la danse, quelles par Martine Perdrieau
16 Festival toute l’année Un espace de liberté sans craintes Qu’est-ce que l’acte de création ? pice à l’ouverture psychique et à l’émer- gence du mécanisme de sublimation. Pour le psychanalyste Thierry Delcourt, « Une métamorphose possible de soi. » « créer suppose un acte non fortuit issu Elle tend à développer une dimension d’une attention à soi et au monde. » fortifiant la représentation de soi et la « L’ouverture à soi et au monde permet rencontre avec l’autre par le biais d’un qu’affleure un matériau disponible, une espace neutre et de possibles ailleurs. ‘matière psychique’ emplie d’impressions Également une initiation à la dynamique sensorielles mais aussi de pensées, de de changement et un renforcement dans rêves et de fantaisies. Aussi la capacité le processus de désistance. créative ouvrant à la créativité est avant tout une capacité d’exister et d’être au singulier, soit de mieux vivre en se pré- « Créer, c’est sortir servant dans un espace ouvert et peu de son propre néant. » entravé. » Wajdi Mouawad, directeur artistique, Ce projet qui a rassemblé personnes sui- Théâtre français, Centre National des arts vies en milieu ouvert et professionnels du Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation (SPIP) 17 a répondu au besoin « Créer suppose de s’attarder à ce qui de clarification de la fonction du SPIP. reste en friche pour le commun des mor- Ce projet innovant a permis la collabo- tels et d’être à l’écoute de ses représenta- ration active et esthétique, en dehors du tions sensibles, inaccessibles au souvenir contexte habituel, formel et contraint, conscient, étranges et pourtant si fami- entre accueillis et accueillants. La dimen- lières. Il s’agit de transformer en repré- sion artistique et de création a ouvert à sentation visible et palpable une secrète une autre perception de l’institution. inscription au plus profond de soi. » La création artistique offre l’exploration La collecte de témoignages autour d’une d’un espace de liberté sans craintes, pro- question (« qu’est-ce que le SPIP ? ») a LE MAGAZINE DE L’ASSOCIATION DU FESTIVAL LA ROCHELLE CINÉMA
Festival toute l’année 17 été l’opportunité pour tous d’échanger À travers l’art, M. B a pu découvrir un de façon libre et simple. Il s’est agi une autre mode d’expression soutenu par rencontre humaine, dans un objectif l’acte de création. Il s’est senti entendu, commun de création possible dans ce écouté, valorisé ; il s’est ouvert aux autres, lieu de paradoxe soumis aux règles de la au monde, et a exploré sa créativité. M. B Justice. Selon M. B, participant au projet, dit avoir été très touché par une recon- la réalisation du produit concret artis- naissance qu’il n’avait pas imaginée. Ému tique a permis de reprendre confiance par un sentiment inédit de gratification. en lui en développant l’estime de soi. Il Au travers cette collaboration artistique, y a éprouvé la possibilité de se dévoi- les participants ont repris confiance en ler avec émotion à travers de nouveaux eux, s’inscrivant dans une individualité et moyens d’expression, autres que la trans- une permanence dans la cité. gression d’une loi par la délinquance, la par Carole Groulet violence et/ou la criminalité. Dans cette Psychologue clinicienne du SPIP 17 optique, le processus de subjectivation a été mis en œuvre dans ce qu’il est d’une recherche constante d’un sens à donner Un autre regard, documentaire animé à tout ce qui nous touche. réalisé en milieu ouvert par Yannick Lecœur en 2021. La diffusion du court-métrage lors de la 49e édition du Festival La Rochelle Avec le soutien de la DRAC Nouvelle- Cinéma, à laquelle les participants ont Aquitaine, du Service Pénitentiaire été invités à présenter leur œuvre au d’Insertion et de Probation de la public, en compagnie de l’intervenant Charente-Maritime et de la Fondation professionnel, a représenté une finali- de France sation valorisante, une représentation En collaboration avec le Carré Amelot honorifique pour eux, pour lesquels et le FAR le sentiment de légitimité fait souvent défaut.
18 Au cœur du festival Les lycéens fidèles au poste Les lycéens d’au Cœur du Festival et leurs animateurs On a cru à un moment donné perdre leur créativité, leur regard, leur talent, mais les lycéens du dispositif Au cœur du festival, financé par la Région Nouvelle-Aquitaine, sont toujours là. Et après une année forcément blanche, ils ont été une douzaine à relever le défi pendant la 49e édition, en dépit de conditions compli- quées. Merci à elles et eux pour leurs textes, leurs interviews, leurs photos… en un mot pour leur passion pour le cinéma et pour le festival. LE MAGAZINE DE L’ASSOCIATION DU FESTIVAL LA ROCHELLE CINÉMA
Au cœur du festival 19 Séance de travail avec Laurent Galinon, journaliste
20 Au cœur du festival Les Sorcières d’Akelarre Une claque Les Sorcières d’Akelarre de Pablo Aguero J’ai mis du temps à trouver les s’échapper. Elles se mettent mots pour parler de ce film, je alors à inventer des histoires ne suis d’ailleurs pas sûre de de sorcière, à inventer des les avoir vraiment trouvés. Par sorts et des rituels. Il faut noter où commencer ? la puissance des images, le feu si bien capté dans sa couleur Pablo Agüero le réalisateur est et sa lumière et leurs chants. un magicien. Jamais au cinéma La musique de leurs « incan- je n’ai entendu toute une salle tations » qui nous entraîne et rire en même temps, toute une nous ensorcelle. Ajoutez à ça salle ressentir et exprimer la une pointe d’humour aux bons douleur. Jamais au cinéma je moments et le jeu impression- n’ai vécu une harmonie si par- nant des actrices. C’est une faite que celle de mercredi soir. expérience que je ne peux pas L’histoire est assez dure je décrire dans son entièreté et ne vais pas vous mentir, des dans son intensité. femmes sont accusées de sor- par Clara, lycéenne cellerie et vont se faire exé- cuter. C’est dit, vous ne serez pas surpris. Mais dans cette peur, dans cette incompré- hension on trouve une force inouïe. Elles vont alors ruser pour gagner du temps, pour LE MAGAZINE DE L’ASSOCIATION DU FESTIVAL LA ROCHELLE CINÉMA
Au cœur du festival 21 Gosses de Tokyo Sonate d’importance Gosses de Tokyo de Yasujiro Ozu J’ai vu Gosses de Tokyo, réalisé souvenirs d’enfants et les conflits par Yasujiro Ozu, en ciné-concert. générationnels ! La grève de la Parlons d’abord du film en géné- faim et de la parole des deux fils ral, film muet, en noir et blanc. pour montrer leur déception face En quelques images, on parvient à un père sacrifiant « son impor- à cerner les enfants, qui portent tance » au profit de son patron le film jusqu’au bout avec leurs est merveilleusement bien filmée. mimiques et leurs farces. Le mon- C’est un chef d’œuvre cinéma- tage du film est nerveux, ce qui tographique. Ajoutée à ceci, la fait que le geste des acteurs suit merveilleuse interprétation d’un exactement le geste de la caméra. pianiste solo. En effet, le ciné- Un magnifique travelling montre concert fut immersif grâce à la un groupe d’employés s’affairant performance époustouflante de à bâiller au travail avec une prise Jaques Cambra qui, sans parti- de vue qui se pose sur chaque tion, interprète la bande son de ce visage puis rebascule sur un magnifique film. Cette expérience groupe d’écoliers représentant la est d’une richesse sensationnelle, future relève de travail ! Grâce à un moment unique. cet incroyable travail de montage par Adrien, lycéen et d’écriture, Ozu met en avant les
22 Au cœur du festival Van Gogh Peindre un artiste Ce très beau film met en scène les der- nières semaines de la vie de Vincent Van Gogh, que Jacques Dutronc incarne à la perfection. Il a su donner du souffle et de l’intensité à sa prestation, ce qui était loin d’être gagné pour un rôle pareil. En outre, on sent que Maurice Pialat a mis un point d’honneur à restituer de la manière la plus sobre et réaliste l’atmosphère de l’époque, celle de ce monde rural à la temporalité si particulière, éloigné de l’agitation de la capitale et des grandes villes en cours d’industrialisation. Le film Jacques Dutronc dans Van Gogh de Maurice Pialat joue beaucoup sur la différence entre Vincent et son frère, ils ne vivent pas dans le même monde : si Théo est un marchand d’art bien installé, Vincent, lui, Cette volonté du cinéaste de coller à a surtout parcouru les milieux les plus l’époque qu’il dépeint est également humbles. Comme le montre très bien le assez flagrante dans l’acoustique des film, Van Gogh a beaucoup souffert de pièces où se meuvent les personnages, ne pas être reconnu par sa famille qui, à que ce soit lors des discussions, où les ses débuts, ne croyait pas en son poten- paroles ont une résonance particulière tiel. Dans la dernière partie de sa vie à dans les pièces d’une maison bourgeoise Auvers-sur-Oise, il n’était pas du tout avec quatre mètres de hauteur sous pla- certain de connaître un jour le succès. fond, ou bien à l’extérieur, avec les bruits La composition de certains plans n’est lointains d’une joyeuse guinguette. Bref pas sans rappeler certaines peintures de un grand film, aussi bien sur le plan tech- l’époque avec ces scènes de détente col- nique que narratif. lective, où tout le monde danse en plein par Adrien air au bord de l’eau. Ces joies collectives sont en fort contraste avec des scènes plus intimistes, plus douloureuses. Aucune musique additionnelle n’a été ajoutée en arrière-fond, les musiques que l’on entend proviennent unique- ment des personnages et des orchestres que l’on voit à l’écran, réalisme oblige. LE MAGAZINE DE L’ASSOCIATION DU FESTIVAL LA ROCHELLE CINÉMA
Au cœur du festival 23 Coup de soleil Alain Delon dans Plein soleil de René Clément (1960) Plein Soleil est l’adaptation vêtements de la victime que par René Clément du roman Tom porte sur lui après le Monsieur Ripley de Patricia meurtre. Le personnage prin- Highsmith. Nous suivons le cipal est si bien construit qu’on personnage principal joué par en vient à se demander si lui- Alain Delon, qui essaie de se même ne finit pas par croire tirer d’affaire après avoir com- à son propre mensonge. Le mis un meurtre, en usurpant film se déroule dans une Italie l’identité de sa victime. Ici l’in- paradisiaque, avec une pho- trigue est propre au style du tographie propre aux années réalisateur, qui sait instaurer 60, en décalage avec le sujet une tension tout au long du et les intentions du scénario ce film et tenir le spectateur en qui rend l’œuvre encore plus haleine jusqu’au déroulement déroutante. final qui nous laisse sous le par Alaïa et Camille, choc. Il y a une attention par- lycéennes ticulière aux détails qui nous plonge complètement dans la personnalité malsaine de Tom, comme par exemple les
Philippe Noiret et Salvatore Cascio dans Cinéma Paradiso de Giuseppe Tornatore
26 Musique et cinéma La musique fait son cinéma La musique a toujours été intégrée à la programmation du Festival La Rochelle Cinéma : ciné-concerts, films muets accompagnés au piano par Jacques Cambra (depuis 2005 !), séances Retour de flamme de Serge Bromberg, leçons de musique animées par Stéphane Lerouge, soirées à la Sirène… Chaque année, des ateliers permettent à des lycéens, des étudiants et des élèves du Conservatoire de créer et jouer des musiques originales sur des courts métrages muets. La musique de film a de beaux jours devant elle ! LE MAGAZINE DE L’ASSOCIATION DU FESTIVAL LA ROCHELLE CINÉMA
Musique et cinéma 27
28 Hommage Sur les traces de Michael Cimino Critique de cinéma, directeur de la collection de dvd blu-ray « Make my day », Jean- Baptiste Thoret est (entre autres) un spécialiste du cinéma américain. Auteur d’un livre de référence sur le sujet (Le cinéma américain des années 70, éditions Cahiers du Cinéma, 2006), et du documentaire We Blew it (2017), il est particulièrement fasciné par la personnalité et l’œuvre du réalisateur Michael Cimino. Après un livre (Michael Cimino, les voix perdues de l’Amérique, éditions Flammarion, 2013), Jean- Baptiste Thoret lui consacre un ample et puissant documentaire. Michael Cimino, un mirage américain a été présenté en première mondiale au Festival La Rochelle Cinéma en juillet dernier, avant une sortie en salles prévue début 2022. Propos d’un passionné, qui affirme « qu’on apprend le monde en voyant des films ». « Avoir déjà travaillé sur Michael Cimino, Jean-Baptiste Thoret avant de faire ce documentaire, était à la fois un atout et un problème. Un atout parce que je connaissais bien la vie et l’œuvre de ce cinéaste. Un pro- blème parce qu’on a le sentiment, pour soi, d’avoir fait le tour de la question. Terminer un livre, c’est se débarrasser de quelque chose, élucider le rapport qui nous lie à quelqu’un ou à une œuvre. J’avais donc le sentiment d’avoir fait le tour de Michael Cimino. Pour relancer mon intérêt, il me fallait passer non plus par une question d’histoire du cinéma, mais par quelque chose d’extrêmement intime, de personnel. Un film a été tourné à un endroit, avec des personnes : cet endroit est-il toujours là ? ces personnes y sont-elles encore ? et quels souvenirs éventuels ont-elles du film ? J’ai alors pris contact avec la commu- nauté où a été tourné Voyage au bout de l’enfer, à Mingo Junction, dans l’Ohio. Il y a eu deux, trois événements dans la vie de cette communauté perdue au milieu de nulle part : l’âge d’or industriel dans les années 1970, avec l’aciérie, la sidérurgie ; le tournage du film en 1977 ; et la fermeture des usines au début des années 2000, qui en fait une ville en voie de fantomisation. Pour les habitants de Mingo Junction, ce tournage a été un LE MAGAZINE DE L’ASSOCIATION DU FESTIVAL LA ROCHELLE CINÉMA
Hommage 29 Michael Cimino, un mirage américain de Jean-Baptiste Thoret moment mythique, une histoire qu’on se C’est un film sur l’Amérique qu’a fan- transmet de génération en génération. tasmé un cinéaste américain dans les D’autant que lors du tournage, personne années 1970-1980, et peu importe que ne prend conscience que quelque chose ce fantasme soit vrai ou pas, puisque de spécial est en train de se passer, qu’ils c’est ce qui l’a guidé pour accomplir vont faire partie d’un grand film de l’his- son œuvre. Pour moi, faire un film sur toire du cinéma. Et des gens de cette le cinéma américain, c’est faire un film histoire sont encore vivants. J’ai su que sur l’Amérique en même temps. C’est ce le film commencerait avec eux, j’ai eu que j’avais déjà fait avec We blew it. Le envie de faire un film sur cette commu- cinéma nous conduit à l’Amérique et vice nauté-là, ce sont ces gens qui m’ont inté- versa. C’est un film consacré à Michael ressé. Ainsi, je parlerai de Michael Cimino Cimino, puisque sa voix est présente, de façon plus profonde et moins théo- c’est un peu le fantôme qui nous accom- rique que ce que j’avais fait auparavant. pagne. Mais c’est aussi un film sur l’Amé- Le film s’est construit à partir du temps rique qu’a fantasmée Cimino, puisque passé à Mingo Junction. Ce qui permet c’était quelqu’un qui était à la recherche de retrouver un peu l’élan ciminien, qui d’une Amérique presque idyllique, d’une part d’un rapport à des communautés Amérique à la John Ford première qui ont existé. Cimino est la déduction manière. A travers cela, on arrive à faire de l’Amérique que je montre, et pas le le portrait et à rentrer dans l’intimité, contraire. Pour moi, c’est absolument dans la géographie même d’une certaine capital. J’avais presque envie qu’on Amérique, celle de gens plutôt déclas- oublie que ce documentaire est un film sés, qui ont connu un âge d’or disparu, et sur Michael Cimino. D’ailleurs, il apparaît dont on comprend qu’ils ont voté Trump dans le film, d’un point de vue sonore, en 2020. J’avais envie de faire un film seulement au bout de 45 mn. ouvert, qui pose plus de questions qu’il n’apporte de réponses.
30 Hommage la fresque monumentale, ample, avec le home movie, de faire à la fois Qu’elle était verte ma vallée et Le Guépard, être épique et intime. C’est quelque chose d’assez unique dans l’histoire du cinéma américain. Aujourd’hui, dans le cinéma américain, Michael Cimino ne pourrait plus exis- ter. C’est devenu un cinéma qui n’est plus propice du tout à ce type d’indi- vidu, à ce type de cinéastes qui ont des visions. C’est quelqu’un qui a mar- Michael Cimino, un mirage américain de Jean-Baptiste Thoret qué beaucoup de cinéastes américains qui ont aujourd’hui entre 50 et 60 ans, C’est un road movie, un film qui prend par exemple James Gray ou Quentin la route de la côte Ouest à la côte Est. Tarantino, grâce à des films comme C’est un trajet qui se fait de la Californie Voyage au bout de l’enfer et L’Année du à New York, mais par le Nord de l’Amé- dragon. rique. C’est l’Amérique de Gran Torino Un spectateur de documentaire attend de Clint Eastwood. C’est une Amérique souvent que ce genre de film donne des qui est dans la mélancolie d’un âge d’or informations et présente des gens qui disparu, une Amérique politiquement parlent. Moi, ce qui m’intéresse, c’est conservatrice, très attachée à la liberté, de traiter le documentaire comme un par exemple celle du port d’arme. C’est le film de fiction. Et si un jour je fais de la contraire de la Californie ou de l’Oregon. fiction, j’irai chercher le documentaire à l’intérieur. Je ne crois pas du tout à Le film, Voyage au bout de l’enfer, est la distinction entre les deux. C’est mon comme un film de famille. Quand ces côté Godard. Entre le film documentaire gens de Mingo Junction voient Voyage et le film de fiction, c’est le travail sur le au bout de l’enfer, ils voient un film de brouillage qui est passionnant. Le film famille. C’est un film qui ne fait que raconte plus de choses lorsque les gens réactiver en eux des souvenirs person- ne parlent pas que lorsqu’ils parlent, nels. Des gens, vivants dans le film, sont c’est cela qui m’intéresse. Et un inconnu morts depuis. Et j’avais tenu à re-proje- qui intervient, même en ne disant rien, ter le film à ces gens-là, non pas dans en dit plus sur le cinéma de Cimino qu’un une salle de cinéma, mais sur un drap, intervenant connu. Tout le grand cinéma dans un petit bar, comme on se projette américain des années 1960-1970 a parlé un film Super 8. Pour eux, ce n’est pas à l’autre, alors qu’aujourd’hui le cinéma uniquement un film de Michael Cimino parle à son clone, chacun dans sa caté- sur l’histoire du cinéma, sur le Vietnam gorie. Or le cinéma est un art populaire. » ou sur l’Amérique de l’époque, mais c’est un film de famille. Je tenais beaucoup Propos recueillis par Thierry Bedon à La Coursive, le 26 septembre 2021. à montrer cela, car c’était la force de Des remerciements tout particuliers Cimino. Il tentait de faire la synthèse un à Marc Olry (Lost Films) et Luc Lavacherie peu folle entre Ford et Visconti, de mêler qui ont rendu possible cet entretien. LE MAGAZINE DE L’ASSOCIATION DU FESTIVAL LA ROCHELLE CINÉMA
Rencontres avec le public 31 Des moments privilégiés Le festival, ce sont ces dix jours patrimoine, en soutenant leur accom- magiques de projections, de rétros- pagnement, en encourageant leur pectives en hommages, d’avant-pre- préservation et leur restauration, et mières en ciné-concerts. Mais ce en préservant notre réseau de salles. sont aussi des rencontres. Derrière S’il est un lieu d’échanges entre pro- l’écran, le festival accueille toute la fessionnels, le festival organise aussi filière du cinéma, de sa création à sa pour le public des rencontres avec diffusion. Il invite des associations de cinéastes, actrices et acteurs, pro- cinéastes, distributeurs, exploitants, ductrices et producteurs, spécia- ciné-clubs et formateurs, qui, à l’an- listes : Radu Jude, Gabriel Yared, née, défendent la diversité cinémato- Sylvie Pialat, Dominique Besnehard, graphique, en favorisant la circulation Xavier Kawa-Topor,… Des moments des films art et essai et des films de rares et de belles émotions. Margaux Cavret, Xavier Kawa-Topor et Bruno Collet Sylvie Pialat
32 Cabine de projection Sophie Mirouze L’équipe au complet Jean-Paul Fleury, projectionniste LE MAGAZINE DE L’ASSOCIATION DU FESTIVAL LA ROCHELLE CINÉMA
33 L’équipe des « Dragounets » Jeanne Dufay, Coline Milcent, Ambre Bouhembel, Anne-Charlotte Girault, Régie La Coursive Céline Lemoine et Sophie Laroussarias
34 Portrait Garance Baudon Le bénévolat pour le Fema, une évidence Garance a 26 ans. Depuis 7 ans elle fait 7 ans, rien ne l’empêcherait de remplir sa partie de la cinquantaine de bénévoles mission de bénévole. cinéphiles qui s’investissent dans le festival mais que le public ne voit pas Ni les études de biologie et le master toujours. « Vulgarisation scientifique et épistémo- logie » obtenu à Strasbourg, ni la musique Ils participent à l’accompagnement des — elle joue de l’accordéon et compose artistes et l’accueil du public, assistent —, ni le théâtre — après des ateliers à la les projectionnistes, aident en cuisine, Rochelle, elle suit maintenant les cours préparent le Préau pour les repas et d’une école à Bruxelles — ne l’ont détour- réceptions… née de ce rendez-vous. Ses gestes sont précis, le rythme calme Une fidélité bien ancrée : aupara- mais inexorable : les huîtres n’ont aucune vant, durant ses trois ans de lycée à La chance d’en réchapper et le plateau se Rochelle, Garance a participé au disposi- remplit, dans un agencement impec- tif « Au cœur du Festival » — qui se pour- cable. Elle ouvre les coquilles et parle suit encore aujourd’hui. Pendant toute la sur le même rythme : rapide mais calme, durée de l’événement, encadrés par des posé. animateurs culturels, des lycéens roche- lais livrent leur regard sur le festival, à tra- Nous sommes dans la cuisine du Préau vers interviews, photographies et vidéos, du festival, et elle dépeint avec simpli- mis en ligne sur Facebook et Instagram. cité et humour, une enfance baignée de Elle se souvient de belles rencontres, cinéma… avec des acteurs, des réalisateurs, de l’ef- Elle s’appelle Garance, elle a 26 ans et fervescence et de l’enthousiasme parta- dégage une énergie solaire. gés, qui nourrissaient, si besoin était, sa passion pour le cinéma et son attache- « Le cinéma, c’est toute ma vie !... Non, je ment au Festival. rigole !... Mais ma mère m’emmenait voir des films, j’avais… 4 ou 5 ans, et pas seu- Spontanément, dès que cela a été pos- lement des films pour enfants ou des sible, elle a décidé d’apporter son soutien dessins animés. Ça a éveillé mon appétit, à une manifestation et une équipe qu’elle formé mon goût et mon regard. Mon pre- connaissait et appréciait. Cet engage- mier festival, c’était en 1999 ; j’y ai vu Le ment suit le mouvement de ses « pen- Château des Singes de Laguionie, je m’en chants naturels ». Donner du temps et de souviens. Evidemment, je suis retournée l’énergie pour accompagner un événe- le voir quand il a été programmé en 2019 1. ment qui lui tient à cœur, apporter ainsi C’est une grande histoire : ma mère m’a sa pierre à l’édifice, lui apparaît tout sim- transmis sa passion pour le cinéma. » plement comme une évidence. Sciences, conscience et goût pour les arts Toujours en action, elle enchaîne avec une souplesse de sportive bien entraî- Garance a grandi, elle a continué à voir née (sa silhouette longiligne en dit long… des films, à suivre le festival, et depuis ) les cours de théâtre à Bruxelles, la 1 Le Château des Singes a été présenté au Festival en 2019 dans le cadre de l’hommage à Jean-François Laguionie LE MAGAZINE DE L’ASSOCIATION DU FESTIVAL LA ROCHELLE CINÉMA
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