Zéro violence Zéro enfant dans nos rues - dans nos familles LIVRE BLANC
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LIVRE BLANC Zéro violence dans nos familles Zéro enfant dans nos rues samusocialBurkinaFaso en partenariat avec le Samusocial Inter national et la CIJER
Les enfants et jeunes en situation de rue à Ouagadougou sont majoritairement des victimes de violences intrafamiliales. Nous invitons les structures étatiques, aux niveaux national et déconcentré, les organisations de la société civile, les partenaires techniques et financiers et les autres acteurs du système de Les contenus de tout ou partie de cette publication ne peuvent en aucun cas être utilisés à des fins commerciales. protection de l’enfance à s’emparer de nos recommandations L’utilisation non commerciale autorisée est une utilisation à usage privé. Toute reproduction, même partielle, pour protéger ces enfants et jeunes AVANT qu’ils ne deviennent à usage collectif, de ce document est strictement interdite sans l’autorisation du Samusocial Burkina Faso. De même, toute traduction, même partielle de ce document pour un usage collectif est soumise à victimes des violences de la survie en rue. l’autorisation préalable du Samusocial Burkina Faso. La réutilisation non commerciale, et notamment pédagogique, à usage privé, de tout ou partie des contenus de cette publication est autorisée à la condition de respecter l’intégrité des informations et de n’en altérer ni le sens, ni la portée, ni l’application, et d’en préciser l’origine et sa date de publication. En particulier, les noms du Samusocial Burkina Faso, du Samusocial International et de la CIJER doivent être clairement mentionnés. « La violence pour moi c’est le fait de ne La présente publication a été élaborée dans le cadre de la mise en oeuvre de l’Action intitulée « système intégré de protection des enfants en situation de rue à Ouagadougou », avec le soutien financier de l’Union pas aimer quelqu’un et de lui faire de européenne. L’Agence Française de Développement, la Fondation UEFA pour l’Enfance, la Coopération Internationale de la Principauté de Monaco et l’Agence Suédoise de Développement International ont également participé au financement de l’Action. mauvaises choses afin de le faire souffrir Le contenu de la publication relève de la seule responsabilité du Samusocial Burkina Faso, du Samusocial pour qu’il quitte la famille » 1 International et de la CIJER et ne peut aucunement être considéré comme reflétant le point de vue des bailleurs précédemment cités. 1. Propos d’enfant recueilli dans le cadre de l’enquête
Qui sommes nous ? SOMMAIRE Le Samusocial Burkina Faso (SSBF) est une association 04 Introduction burkinabé créée en 2002 et reconnue d’Utilité Publique 09 Les enfants et jeunes en situation de rue sont des victimes de en 2013. Il a pour mission de lutter contre l’exclusion violences intrafamiliales sociale des enfants et des jeunes en situation de rue. 11 Types de violences vécues Le SSBF assure une prise en charge d’urgence médico- 12 Formes de violences vécues psycho-sociale et éducative, tout en accompagnant 12 Violences liées aux négligences les projets de réinsertion durables (« projets de sortie de 13 Violences psychologiques 14 Violences physiques rue ») des enfants et jeunes. 16 Violences sexuelles 17 Violences majoritairement vécues La CIJER, Coalition des Intervenants auprès des Jeunes et Enfants vivant en Rue, œuvre depuis 2007 19 Des victimes de violences intrafamiliales qui n’ont pas été protégées dans le domaine de la protection de l’enfance. Elle 20 Aperçu du système national de protection de l’enfance 20 Le cadre général réunit une douzaine d’organisations burkinabé prenant 23 Les réseaux de protection de l’enfance (RPE) en charge des garçons et/ou des filles vivant en rue. 26 Le travailleur social chargé de la protection de l’enfance La CIJER coordonne principalement des activités de 28 Le N° vert 116 de signalement des cas de mauvais traitements sur enfants renforcement de capacités, de plaidoyer collectif ou 30 Protection non effective pour les enfants et jeunes devenus, de ce fait, « en situation de rue » encore de sensibilisation autour de cette thématique. 30 Des violences intrafamiliales rarement signalées 34 Des mesures de protection de l’enfant encore peu opérationnelles Le Samusocial International (SSI), association de 37 Des violences complexes dans les recours en justice droit français créée en 1998, est aujourd’hui partenaire de quinze structures nationales Samusocial, dont huit 39 Nous plaidons pour 40 La reconnaissance sociétale des enfants et jeunes en situation spécialisées dans la problématique des enfants et de rue comme des victimes de violences intrafamiliales jeunes de la rue. Il dispose de professionnels, en interne 42 Un dispositif efficace de signalement des violences ou en externe, spécialisés dans l’appui aux programmes 44 La protection effective des enfants victimes de violences intrafamiliales de lutte contre l’exclusion sociale. Il accompagne le 46 Pour un vécu familial sans violence développement du Samusocial Burkina Faso (SSBF) 50 Remerciements depuis sa création. 52 Principaux acronymes
Introduction Des données quantitatives et qualitatives ont été collectées sur le terrain Dans le cadre du projet porté par le Samusocial Burkina Faso, « Système de la manière suivante : intégré de protection des enfants en situation de rue à Ouagadougou », cofinancé par l’UE, nous avons commandité une enquête, confiée à Des questionnaires adressés aux enfants et jeunes en situation de rue Eval+2, intitulée « Analyse des violences intrafamiliales vécues par les (166 entretiens) et des focus group réunissant des enfants et jeunes en enfants et jeunes en situation de rue à Ouagadougou – Recommandations situation de rue (110 enfants et jeunes) pour recueillir les informations normatives et opérationnelles au regard du système burkinabé de relatives aux raisons du départ du milieu familial, aux violences protection de l’enfance ». intrafamiliales vécues et aux recours dont ils ont pu bénéficier à cet égard ; L’enjeu de cette enquête, qui s’est déroulée en juillet et août 2016, était d’approfondir notre connaissance des violences vécues, au sein de leur Des entretiens avec des parents, des leaders d’opinion, religieux, famille, par les enfants et jeunes que nous rencontrons, et des raisons coutumiers, pour recueillir leurs perceptions sociales des violences pour lesquelles le système de protection de l’enfance n’a pas pu ou su intrafamiliales et des pratiques éducatives (20 personnes rencontrées) ; les prendre en charge en amont, avant qu’ils n’arrivent en rue. Des entretiens auprès de diverses personnes ressources (coordonnateurs, chargés de projet, chargés de programme, conseillers Les objectifs de cette enquête furent : régionaux) pour recueillir des informations relatives au système de protection de l’enfance (31 personnes). A. Identifier la nature et l’intensité des formes des violences intrafamiliales vécues par les enfants et jeunes en situation de rue à Ouagadougou. A l’issue de cette enquête, un séminaire de restitution des résultats a B. Analyser le dispositif national de protection des enfants et jeunes été organisé à Ouagadougou dans le cadre d’une réunion du GTPE victimes de violences intrafamiliales : disponibilité, accessibilité, efficacité. (Groupe de travail sur la Protection de l’Enfance) élargi à d’autres partenaires, aux fins de partage des analyses et de mutualisation des C. Recommander des voies et moyens de renforcement du dispositif recommandations3. national de protection. 2. Cette enquête a par ailleurs bénéficié d’un accompagnement par le Groupe d’Apprentissage des 3. La liste des participants à ce séminaire de restitution se situe en annexe Programmes (GAP) 4 5
Notre enquête a retenu les définitions suivantes : La violence Les enfants et jeunes en situation de rue4 Selon le rapport sur la violence et la santé de l’OMS (2002), la violence vis-à-vis d’un enfant se définit comme « la menace ou l’utilisation Enfants et jeunes en situation de rupture plus ou moins prolongée avec intentionnelle de la force physique ou du pouvoir contre un enfant par leur famille et qui ont fait de la rue leur principal domicile et le lieu de leur un individu ou un groupe qui entraine ou risque fortement de causer survie. un préjudice à la santé, à la survie, au développement ou à la dignité Compte-tenu des objectifs de notre enquête au regard du système de l’enfant ». de protection de l’enfance, les enfants et jeunes enquêtés sont ceux qui avaient moins de 18 ans à l’arrivée en rue. Selon l’Article 19 de la Convention Internationale des droits de l’enfant (20 novembre 1989), la maltraitance renvoie à « toutes formes de violences, d’atteintes ou de brutalités physiques et mentales, d’abandon ou de négligences, de mauvais traitements ou d’exploitation, y compris la violence sexuelle ». La famille Dans le cadre de notre enquête, les formes de violence intrafamiliale Bien que le législateur Burkinabè ait opté pour la limitation du cadre se réfèrent au rapport de l’étude nationale sur les violences faites aux familial (une famille conjugale composée des père, mère et enfants)5, enfants réalisée en 2008 par le MASSN, en collaboration avec l’UNICEF6 : c’est une définition large de la famille qui a été retenue dans le cadre les actes, faits et paroles, de nature physique, sexuelle, psychologique de l’enquête. Il s’agit d’un groupe social uni par des liens de parenté et/ou liés à la négligence, vécus par les enfants dans les familles. et de germanité, ayant son origine dans une décision légale ou non de vivre ensemble, comprenant mari, femme, enfants nés de leur La catégorisation par type de violence est nécessairement limitée tant union et des successions, vivant ou non dans le domicile conjugal. il existe d’interactions entre les violences, en particulier psychologiques Ses membres sont unis par des droits et obligations légaux ou naturels et par négligence. Dans les analyses présentées par ce Livre Blanc, de nature économique, sociale, religieuse ou autre et également par les formes vécues de violences sont pour cette raison détaillées pour un réseau de droits et interdits sexuels, et un ensemble variable et chaque type de violences. diversifié de sentiments tels que l’amour, l’affection, le respect. 6. MASSN – Ministère de l’Action Sociale et de la Solidarité Nationale ; Les violences définies dans le rapport de l’étude nationale sur les violences faites aux enfants ont été adaptées à l’enquête : l’étude de 2008 étudiait également les 4 Définition retenue dans le Recensement des enfants en situation de rue dans les quarante-neuf communes urbaines violences dans le milieu scolaire et dans la communauté. Ses principaux résultats révèlent que la famille est le lieu où 6 du Burkina Faso, réalisé en 2010 par le MASSN, actuel MFSNF l’enfant subit le plus de violence (86,6%). 7 5. Art : 231 du Code des Personnes et de la Famille
01 Les enfants et jeunes en situation de rue sont des victimes de violences intrafamiliales
Les enfants et jeunes en situation de rue sont des victimes de violences intrafamiliales Les enfants et jeunes en situation de rue sont des victimes de violences intrafamiliales Types de violences vécues Les résultats de notre enquête auprès des enfants indiquent que la principale raison à l’origine de leur départ des cadres familiaux est Types de violences vécues en famille consécutive à la violence exercée sur eux dans les familles : 63,3% des déclarées par les 166 enfants et jeunes ayant participé à l’enquête 166 des enfants et jeunes ayant participé à l’enquête se sont retrouvés dans la rue afin de ne plus subir les violences intrafamiliales. La perception des actes violents à l’égard des enfants est aussi au cœur de la problématique. Violence par Négligence « Si tu scolarises un enfant qui n’étudie pas bien, cela peut t’amener à le frapper ; si je dois corriger mon enfant, vous appelez ça violence ? » 7 132 Violence Psychologique « On n’a pas la même définition de la violence, je pense que c’est un 10 142 autre débat ; il n’y a pas cette personne qui voudrait blesser son enfant, Violence on le frappe juste pour le corriger » 7 Sexuelle Violence « La violence intrafamiliale est quand l’enfant commet une faute qui Physique mérite correction » 7 La violence « c’est une façon de faire souffrir les enfants en famille ; la 119 violence faite aux enfants au sein des familles n’est pas une bonne chose ; certains frappent leurs enfants pour qu’ils changent de comportement Source : Enquête terrain, mais cela n’est pas la meilleure solution étant donné que ça pourrait Juillet-Août 2016 également entrainer le départ de ces derniers dans la rue » 7 Les violences psychologiques concernent 85.5% des enfants, les violences par négligence concernent 79.51% des enfants et les violences physiques concernent 71,6% des enfants. Les violences sexuelles concernent 6% des enfants. 7. Propos de parents recueillis dans le cadre de l’enquête. 10 11
Les enfants et jeunes en situation de rue sont des victimes de violences intrafamiliales Les enfants et jeunes en situation de rue sont des victimes de violences intrafamiliales Formes de violences vécues Violences liées aux négligences Violences psychologiques Il y a violence par négligence lorsque les besoins fondamentaux de La violence psychologique renvoie aux actes ou aux omissions qui nuisent l’enfant ne sont pas satisfaits. Cela réfère à des carences d’affection, de à l’estime personnelle d’un enfant de façon à causer ou à risquer de soins, d’alimentation, d’éducation, ainsi qu’à des situations assimilables à causer des troubles comportementaux, cognitifs et émotionnels. des abandons. Violences psychologiques subies par les enfants et jeunes ayant participé à l’enquête Violences liées aux négligences subies par les enfants et jeunes ayant participé à l’enquête insultes 124 menaces 105 manque d’attention ou d’affection 100 injures 104 manque ou insuffisance de nourriture 77 « La violence pour moi humiliations 102 c’est le fait de ne pas refus ou difficulté de scolarisation 62 87 aimer quelqu’un et de sentiment d’injustice lui faire de mauvaises manque d’encadrement 62 traitement injuste/différent choses afin de le faire par rapport aux autres membres de la fratrie 67 souffrir pour qu’il quitte refus ou omission de soins 60 la famille. » 9 harcèlement/critiques incessantes/insinuations 67 manque d’eau et de savon pour se laver 59 privation alimentaire 66 manque ou insuffisance de surveillance 58 cris/hurlements 64 refus de fournir des médicaments 54 moqueries/sarcasmes 61 confiage à des fins de punition 32 interdictions continuelles de sortir jouer 59 poussé(e) à l’immigration 25 matériel de couchage défectueux 49 poussé(e) à l’exode 19 43 placement forcé en foyer coranique Nombre de réponses données par les 166 enfants ayant participé à l’enquête de terrain, 31 absence de lieux de couchage chaque enfant pouvant donner plusieurs réponses. 28 banissement/chassé(e) de la maison Source : Enquête terrain, Juillet-Août 2016 20 autres interdictions continuelles 13 refus de reconnaitre l’enfant Concernant les violences liées aux négligences, 60,2% des EJSR 6 mariage forcé reconnaissent avoir souffert d’un manque d’attention ou d’affection de la Nombre de réponses données par les 166 enfants ayant participé à l’enquête de terrain, chaque enfant pouvant donner plusieurs réponses. Source : Enquête terrain, Juillet-Août 2016 part de leur famille. 46,3% ont été victimes de manque ou d’insuffisance de nourriture, 37,3% victimes d’un manque d’encadrement et 37.3% Les enfants et jeunes ont été confrontés dans leurs familles aux violences également d’un refus ou de difficultés de scolarisation. psychologiques qui sont, par ordre d’importance : les insultes (74.7%), les menaces (63.2%), les injures8 (62.6%), les humiliations (61.4%). 9. Propos d’enfant recueilli dans le cadre de l’enquête 12 8. Selon l’enquête, l’injure comporte une intention délibérée de gravement blesser moralement l’enfant, 13 à la différence de l’insulte
Les enfants et jeunes en situation de rue sont des victimes de violences intrafamiliales Les enfants et jeunes en situation de rue sont des victimes de violences intrafamiliales Violences physiques La violence physique est l’usage délibéré de la force contre un enfant, En ce qui concerne les violences physiques, 62% des enfants et des jeunes d’une manière telle que l’enfant subit un préjudice corporel ou risque reconnaissent avoir été battus, suivis de ceux qui ont été frappés à coup d’en subir un. de poings, de pied ou avec un objet 10 (47,6%) et de ceux qui ont été victimes de tentative d’homicide ou d’assassinat (44,6%). Violences physiques subies par les enfants et jeunes ayant participé à l’enquête Le taux élevé de tentatives d’homicide ou d’assassinat nous a amenés à approfondir la question avec les enquêteurs. Il ressort des dires des enfants qu’il s’agit effectivement d’actes de violence physique ayant pour origine battu(e) 103 des menaces verbales de mort. Ces actes sont, notamment : « serrer la frappé(e) à coups de poings, de pieds ou avec un objet 78 gorge », « lapider avec des objets tranchants », « attacher avec un fil de tentative d’homicide ou d’assassinat 74 fer », « obliger à boire des potions ». Ces violences physiques consécutives à des menaces verbales de mort sont considérées comme des tentatives secoué(e) violemment 50 d’homicide ou d’assassinat par les enfants. Une fois qu’ils s’échappent poussé(e) 48 d’une telle situation, ils ne reviennent pas à la maison. jeté(e) par terre ou ailleurs 47 séquestré(e)/enfermé(e) 46 forcé(e) à des travaux difficiles 27 « Je vivais avec mes deux parents qui faisaient le jardinage. Le papa attaché(e) 25 était très méchant. Il me faisait subir beaucoup de violences, des travaux ayant subi une mutilation corporelle 20 pénibles. Et un jour, quand mon grand père est décédé, je voulais partir Nombre de réponses pour les funérailles. Mon père a refusé que je parte. Et malgré son étranglé(e) 20 données par les 166 enfants ayant interdiction : je suis parti. A mon retour mes amis m’ont informé que étouffé(e) 17 participé à l’enquête de terrain, chaque mon père dit qu’il va m’égorger si je reviens à la maison. Moi je suis parti autres 13 enfant pouvant comme ça. » 11 donner plusieurs 9 brûlé(e) réponses. 7 mordu(e) « … un jour, sous le coup de l’énervement, mon père a plongé ma tête 5 ayant subi une mutilation génitale dans une bassine d’eau, il voulait me tuer… » 11 3 forcé(e) à la mendicité ou aux autres moyens d’obtention de revenus en rue Source : Enquête terrain, Juillet-Août 2016 10. Selon l’enquête, « frappé(e) à coup de poings, de pied ou avec un objet» correspond à une intention délibérée de 14 blesser corporellement l’enfant, à la différence de « battu(e) ». 15 11. Propos d’enfants recueilli dans le cadre de l’enquête
Les enfants et jeunes en situation de rue sont des victimes de violences intrafamiliales Les enfants et jeunes en situation de rue sont des victimes de violences intrafamiliales Violences sexuelles Violences majoritairement vécues Les violences sexuelles englobent à la fois le harcèlement sexuel et Violences majoritairement vécues subies par le plus grand nombre d’enfants l’activité sexuelle. Elles comprennent les relations sexuelles forcées et les et jeunes ayant participé à l’enquête tentatives de relations sexuelles forcées. insulté(e) 74,7% Violences sexuelles subies par les enfants et jeunes ayant participé à l’enquête menacé(e) 63,2% injurié(e) 62,6% tentative de viol 8 attouchements/contacts sexuels 6 battu(e) 62% harcèlement sexuel 5 humilié(e) 61,4% viol 5 exhibitionnisme/voyeurisme 2 ayant manqué attention ou d’affection 60,2% pornographie juvénile 12 25 1 Nombre de réponses données par les 166 enfants ayant participé à Les violences exprimées par au amener l’enfant à se prostituer 1 l’enquête de terrain, chaque enfant moins 60% des enfants et jeunes pouvant donner plusieurs réponses. ayant participé à l’enquête. Source : Enquête terrain, Juillet-Août 2016 Source : Enquête terrain, psychologique physique par négligence Juillet-Août 2016 Nous sommes ici au cœur de la problématique : les actes verbaux et Sur les 166 enfants enquêtés, 4.81% ont déclaré avoir fait l’objet de physiques qui touchent le plus grand nombre d’enfants et de jeunes tentative de viol, 3.61% témoignent avoir subi des attouchements sexuels, sont également ceux qui sont le moins perçus comme des violences par 3% ont été victimes de harcèlements sexuels et 3% de viols. les parents, dans le cadre des entretiens menés pour cette enquête, qui considèrent souvent ces actes, comme des pratiques de correction éducative communes. Les enfants les ressentent pourtant clairement comme des violences et leur répétition peut induire progressivement chez les enfants l’idée de quitter le domicile familial, où vivre devient 12. Filmé(e) et ou photographié(e) dans des scènes sexuelles insupportable. 16 17
02 Des victimes de violences intrafamiliales qui n’ont pas été protégées
Des victimes de violences intrafamiliales qui n’ont pas été protégées Des victimes de violences intrafamiliales qui n’ont pas été protégées Aperçu du système national Sur le terrain, les acteurs de la protection de l’enfance s’organisent pour répondre au mieux aux besoins. Plusieurs ministères sont impliqués, dont de protection de l’enfance le principal est le Ministère de la Femme, de la Solidarité Nationale et de la Famille (MFSNF), en charge de la coordination. Avec ses services Le cadre général techniques, il est chargé de la conception, de la coordination et de la mise en œuvre des activités, du suivi-évaluation des actions et du rapportage Le système, ses composantes, ses fonctions et activités, ainsi que les des activités aux instances nationales et internationales. Le MFSNF a pour éléments saillants du système se présentent comme suit : mission d’élaborer et de mettre en œuvre des stratégies, des plans et DOMAINES ACTEURS ACTIVITÉS programmes, d’assurer le suivi des activités des structures publiques et Conventions et protocoles privées, de développer des partenariats avec les institutions actives dans internationaux et régionaux Gouvernement Ratification, adhésion portant sur les violences la promotion et protection des droits de l’enfant. Il est présent au niveau faites aux enfants régional, provincial et dans certains départements. Lois nationales portant sur la protection de l’enfant Assemblée Nationale Adoption contre les violences Le Groupe de Travail sur la Protection de l’Enfance (GTPE), composé Ministères en charge des des acteurs étatiques, institutionnels, et associatifs du secteur, se réunit Textes règlementaires Elaboration des textes portant sur les violations questions de l’enfant d’application (arrêté, cahier régulièrement au niveau national. Coordonné par la Direction de la faites aux enfants (action sociale, santé, justice, de charges, protocoles, etc.) sécurité, éducation, etc.) Lutte contre les violences faites aux Enfants (DLVE), il a été mis en place Coordination globale Conseil National Orientation et formulation en 2009 pour favoriser la coordination des interventions et la synergie des questions de l’enfant pour l’Enfance des recommandations d’actions dans le domaine de la protection des enfants. Des sous- Conseil national de lutte contre Suivi de mise en œuvre de groupes de travail permettent d’accompagner le MFSNF dans sa l’excision, réseaux nationaux Coordination des questions de protection de l’enfant, l’exécution des engagements, réflexion sur des thématiques particulières, telles que la justice juvénile sectorielles / spécifiques pris par le Burkina et l’exécution de l’enfant dont le Groupe de travail sur la et le développement du numéro vert, etc. Protection de l’Enfance et ses des recommandations du groupes thématiques conseil national Action sociale (Direction Concernant le cadre juridique, l’article 97 de la loi 015-2014/AN portant générale de la Protection de Elaboration et mise en Supervision des actions de l’Enfant/Direction de Lutte contre œuvre des stratégies, protection de l’Enfant en conflit avec la loi ou en danger dispose : lutte contre les violences les Violences faites aux Enfants), faites aux enfants plans et programmes, et autres structures centrales suivi des structures des ministères en charge des publiques et privées « Les cas de danger sont entre autres les violences, les abus physiques ou les risques questions de l’enfant sérieux d’abus physiques, les abus sexuels ou risques sérieux d’abus sexuels, les Services déconcentrés des mauvais traitements psychologiques, l’inceste, l’abandon, le délaissement, la différents ministères en charge Sensibilisation, prévention, privation du milieu familial, l’exposition à la traite ou à l’exploitation dans le Protection contre les des questions de l’enfant ; prise en charge des cas, violences faites aux enfants ONG et associations, structures signalement au N° vert 116, travail, les carences éducatives des parents, la fugue, l’absentéisme scolaire, le privées de prise en charge ; à la police, à la gendarmerie. risque de suicide, la toxicomanie, la prostitution, la mendicité, le vagabondage ». communautés, enfants, familles. Béneficiaires directs : tout enfant 20 21
Des victimes de violences intrafamiliales qui n’ont pas été protégées Des victimes de violences intrafamiliales qui n’ont pas été protégées Les réseaux de protection de l’enfance (RPE) Aux termes de l’article 99 de ladite loi : Afin de renforcer les synergies entre acteurs de proximité, des réseaux de protection de l’enfance ont été mis en place. Un Réseau de Protection « Toute personne, y compris celles tenues au secret professionnel, est soumise au devoir de signaler au juge des enfants ou au procureur du Faso ou aux travailleurs de l’Enfance est une organisation qui rassemble dans une circonscription sociaux chargés de la protection de l’enfance tout ce qui est de nature à constituer administrative (village, province) donnée toute ou partie des acteurs qui un danger pour l’enfant au sens de l’art. 97 » ont pour mandat la protection de l’enfant. Ce réseau a pour vocation de renforcer le lien et la collaboration entre ces derniers en vue d’une prise Aux termes de l’article 100 de ladite loi : Le non signalement d’une violence en charge adéquate des enfants à risque ou victimes de violence de tout ou d’un mauvais traitement expose l’auteur à des sanctions pénales. En ordre suivant une approche systémique. effet, au sens de cet article, toute personne qui n’accomplirait pas son devoir de signalement ou son devoir de protection peut être poursuivie Il existe deux types de réseaux : pour non-assistance à personne en danger, mauvais traitement à enfant ou complicité de ces deux infractions étant entendu que la complicité est Les Réseaux Institutionnels de Protection : services de l’Etat (notamment punie des mêmes peines que l’infraction elle-même. justice, action sociale, sécurité, santé, enseignement…), organisations non étatiques actives dans la protection de l’enfance, services spécifiques Omission de porter secours ou non assistance à personne en danger : (notamment psychologues). elle est punie d’une peine d’emprisonnement de 3 mois à 3 ans et d’une amende de 75.000 à 900.000 francs CFA ou de l’une de ces Les Réseaux Communautaires : acteurs et leaders communautaires deux peines seulement. (Comité Villageois de Développement, chefs de villages, conseillers des villages, associations de parents d’élèves notamment). Mauvais traitement : selon l’article 409 du Code pénal, il est puni d’une peine d’emprisonnement de 2 mois à un an et d’une amende Les RPE ont pour attributions de : de 50.000 à 300.000 francs CFA. Outre l’interdiction d’exercice des droits civiques et de famille pour une durée qui ne peut excéder cinq Cartographier et mobiliser tous les acteurs, institutionnels et ans, la déchéance de l’autorité parentale peut aussi être prononcée. communautaires, ayant mandat de protection de l’enfance dans sa zone d’intervention ; Procéder à une analyse collective des insuffisances du système de protection de l’enfance dans la province, proposer des stratégies et méthodes d’amélioration de l’offre de services de protection existants et entreprendre des actions de renforcement des compétences et des capacités des structures de protection de l’enfance ; 22 23
Des victimes de violences intrafamiliales qui n’ont pas été protégées Des victimes de violences intrafamiliales qui n’ont pas été protégées Schéma des principaux acteurs de la protection de l’enfance Contribuer à promouvoir l’utilisation des outils communs ou harmonisés d’intervention (outils de sensibilisation, protocoles de prise en charge, et de leurs liens de collaboration outils de gestion de cas...) ; Faciliter la réalisation des activités de prévention et de prise en charge appropriée des enfants à risque ou victimes de violence ou d’abus M. M. M. Autres MFSNF divers et contribuer à la gestion des cas nécessitant une prise en charge Justice Santé Educ M. pluridisciplinaire ; (leaders coutumiers, religieux, etc.) N°116 Couverture GTPE national (MFSNF + PTF) Partager les expériences et mutualiser les ressources de chaque nationale Acteurs communautaires partenaire dans le cadre de la mise en œuvre des plans d’action. MFSNF Région R R R Régional En mai 2016, le référentiel de formation des acteurs de la protection de O l’enfant sur les violences faites aux enfants a été élaboré et validé par le N MFSNF. Il renvoie vers les outils de gestion de cas récemment développés G et adoptés par ce dernier. Ce protocole commande la mise en place MFSNF Province P P P d’un Plan d’Accompagnement Individualisé (PAI) qui réponde aux provincial besoins de l’enfant. Elaboré avec lui et avec les autres acteurs concernés par son accompagnement, il est un outil essentiel de prévention comme de protection et peut permettre, bien mis en œuvre et dans les temps, MFSNF d’éviter la dégradation des situations. Dptmt D D D Dptmt Dans chaque province : Réseau de protection de l’enfance 24 25
Des victimes de violences intrafamiliales qui n’ont pas été protégées Des victimes de violences intrafamiliales qui n’ont pas été protégées Le travailleur social chargé de la protection de l’enfance Selon les articles 108 et 109 de cette même loi, « si le danger ou le risque de danger est établi, le travailleur social chargé Le travailleur social chargé de la protection de l’enfance se situe aux de la protection de l’enfance se saisit de la situation de l’enfant en vue échelons départementaux et provinciaux du schéma territorial de la de déterminer la mesure appropriée à son égard. Il indique, selon la protection de l’enfance. Il apparait comme l’un des acteurs clés du gravité de la situation que vit l’enfant, la procédure adéquate et propose dispositif de prise en charge des enfants victimes de violence. Il travaille en conséquence des mesures conventionnelles ou décide de soumettre le dans le cadre de principes déontologiques et a pour mission l’accueil, cas au juge des enfants ». l’écoute, l’orientation, l’évaluation de situation et l’accompagnement des enfants en situation de risque ou de danger et de leur famille. La loi Aux termes de l’article 110, le travailleur social chargé de la protection de 015-2014/AN portant protection de l’enfant en danger ou en conflit avec l’enfance peut proposer l’une des mesures conventionnelles suivantes : la loi précise ses attributions dans le cadre de prise en charge des enfants victimes de violence. Ainsi, suivant l’article 105 de cette loi, le travailleur le maintien de l’enfant dans sa famille sous réserve de l’engagement social chargé de la protection de l’enfance apprécie l’existence effective des parents à prendre des mesures nécessaires afin d’écarter le danger d’une situation de danger menaçant la santé de l’enfant ou son intégrité qui l’entoure et ce, dans des délais et sous le contrôle périodique du physique ou morale. Il peut être saisi par toute personne témoin d’une travailleur social ; situation de danger pour un enfant. le maintien de l’enfant dans sa famille en organisant les modalités d’intervention sociale appropriées notamment en fournissant les services Il dispose des prérogatives qui l’habilitent légalement et qui lui permettent de : et l’aide sociale nécessaires pour l’enfant et pour sa famille ; le maintien de l’enfant dans sa famille en prenant les précautions convoquer toutes les personnes intéressées, les parents de l’enfant, ses nécessaires afin d’empêcher tout contact avec les personnes qui sont de représentants légaux, l’enfant lui-même et toute autre personne pouvant nature à constituer une menace pour sa santé, son intégrité physique ou contribuer à l’établissement des faits ; morale ; se rendre seul en tout lieu où se trouve l’enfant, ou bien accompagné le placement temporaire de l’enfant dans une institution privée ou de celui qu’il juge utile, en étant tenu de montrer un document qui prouve publique, un foyer ou une famille d’accueil agréé, du secteur associatif sa fonction ; il ne peut entrer dans les maisons habitées sans permission de ou du service départemental, provincial ou régional de l’action sociale et ses occupants ; si nécessaire dans un établissement hospitalier conformément aux règles procéder aux enquêtes sociales nécessaires pour parvenir à apprécier en vigueur. la réalité de la situation de l’enfant et prendre des mesures adéquates en sa faveur. Selon l’article 114, le travailleur social entreprend une action de sensibilisation et d’orientation. Il procède au suivi de l’enfant et apporte Pour ce faire, le travailleur social doit obtenir une autorisation écrite du l’aide à la famille à la demande soit des parents, ou de l’un deux, soit de juge des enfants. ses représentants légaux ou de toute autre partie. 26 27
Des victimes de violences intrafamiliales qui n’ont pas été protégées Des victimes de violences intrafamiliales qui n’ont pas été protégées Le N° vert (116) de signalement des cas de mauvais Schéma dispositif numéro vert 116 traitements sur enfants Pour renforcer le dispositif structurel existant (signalement directement Appelant auprès des services déconcentrés de la protection de l’enfance) ainsi (enfant, adulte) que le dispositif coutumier13, les autorités en charge de la protection de l’enfance ont mis en place un N° vert (116) aux fins de signalement des violences faites aux enfants. Equipe des écoutants Aide, conseil, (Ouaga) orientation Les missions du N° vert (116) sont les suivantes : une mission d’aide, de conseil et d’orientation des appelants (enfants victimes de mauvais traitements, parents, professionnels et toute personne SIGNALEMENT confrontée à une situation de mauvais traitement) ; la transmission des informations recueillies concernant tout enfant en Ouagadougou Hors Ouagadougou danger, victime de mauvais traitement ou présumé l’être, aux équipes mobiles basées dans les arrondissements de Ouagadougou et les provinces. Cellules Actives de Vigilance Services sociaux Cette procédure est gratuite et anonyme et les appelants sont protégés et d’Intervention Sociale en vertu de l’art. 101 de la loi 015-2014/AN indiquant que « nul ne peut (CAVIS = RH désignées dans être poursuivi pour avoir accompli de bonne foi le devoir de signalement les services sociaux existants) prévu par les dispositions précédentes » et de l’art. 102 qui « interdit à toute SUIVI personne de divulguer l’identité de celui qui s’est acquitté du devoir de signalement, sauf avec son consentement ou dans le cas prévu par la loi ». SUIVI Le dispositif est animé par une équipe de huit (08) écoutants (travailleurs sociaux) soit deux (02) écoutants par jour sur la ligne (7h à 14h et 14h à Source : Rapport 2015 Numéro vert 22h) 7 jours sur 7. 13. Les signalements de violence se font également via le système endogène, c’est-à-dire auprès des autorités traditionnelles coutumières, ou religieuses. En général, la résolution des cas se fait de manière traditionnelle, via des 28 médiations entre les parties prenantes. Les réseaux de protection de l’enfance, décrits plus haut, ont aussi vocation à 29 servir de cadre à la transmission d’informations provenant du milieu endogène vers les autorités institutionnelles.
Des victimes de violences intrafamiliales qui n’ont pas été protégées Des victimes de violences intrafamiliales qui n’ont pas été protégées par les enfants, tant au niveau des parents (55,2 %) qu’au niveau de la Protection non effective pour communauté (30,9 %). Les données issues de notre enquête confirment ce fait social. L’indifférence est le reflet de l’acceptation et de la tolérance les enfants et jeunes devenus, vis-à-vis de certaines formes de violences perpétrées à l’encontre des enfants, considérées culturellement comme des pratiques éducatives : de ce fait, « en situation de rue » les violences ne sont pas signalées car les faits ne sont sans doute pas considérés comme des violences. Des violences intrafamiliales rarement signalées « Chaque enfant nait avec son caractère » « Si je dois corriger mon enfant, vous appelez ça « violence » ? » 15 La loi n° 015-2014/AN impose à toute personne, y compris celles tenues au secret professionnel, de signaler au juge des enfants ou au procureur du Faso Lorsque la situation de l’enfant a suscité effectivement une réaction ou aux travailleurs sociaux chargés de la protection de l’enfance, tout ce de l’entourage, d’autres actions ont été entreprises en lieu et place du qui est de nature à constituer un danger pour l’enfant. Le non signalement signalement. 54% des enfants ayant été « aidés » ont déclaré avoir bénéficié est passible de poursuite pour non assistance à personne en danger ou de d’écoute et de conseils par leurs pairs et leurs parents. Cela représente une mauvais traitements à enfant et de complicité conformément aux dispositions proportion plus importante que les signalements (33 contre 28). Ainsi, le fait de l’art. 100 de la loi n° 015-2014/AN et de l’art. 409 du code pénal. de solliciter un appui auprès des services idoines n’est pas une solution envisagée immédiatement par la famille ou l’entourage de l’enfant. Malgré cette disposition, le nombre de signalements des cas de violences reste faible. Dans le cadre de notre enquête, sur 166 enfants participants, 28 Cela peut s’expliquer par plusieurs facteurs : seulement ont fait l’objet de signalements (et seulement 4 via le numéro vert). une connaissance insuffisante des moyens et voies de recours disponibles, Les résultats de l’enquête relatifs aux actions entreprises à l’égard des qu’ils soient institutionnels ou associatifs. L’enquête a démontré que les enfants avant leur départ de la famille nous indiquent les faits suivants : personnes issues des communautés interrogées ne connaissent pas les structures de protection de l’Enfance. Elles citent l’action sociale, mais 36,75% des enfants seulement ont déclaré avoir été « aidés » (61 enfants de manière floue. Les services sociaux souffrent en effet d’un manque de sur 166) avant leur décision de quitter le domicile. Cela signifie que plus diffusion d’informations sur l’emplacement du service mais aussi et surtout de 60 % des enfants n’ont reçu aucune aide alors que leurs situations sur leurs missions. Certains n’ont aucun panneau indiquant le service social, étaient pour eux si difficiles qu’elle les a amenés à quitter le domicile. Ils qui est ainsi difficilement identifié. Tous communiquent sur leurs missions ont été confrontés à l’indifférence de la famille et de l’entourage. Cette lors des sorties de sensibilisation ou de causerie avec la population, mais indifférence est largement observée par le rapport sur les violences faites l’irrégularité de ces activités ne favorise pas la diffusion d’information. Le aux enfants en 200814, en particulier face aux violences physiques subies bouche à oreille permet de combler en partie ce manque mais cela reste insuffisant. Les enfants et les jeunes, quant à eux, ont cité essentiellement 14. Rapport National de l’étude sur les violences faites aux enfants, Ministère de l’Action Sociale et de la Solidarité 30 Nationale (MASSN) avec l’appui des partenaires techniques et financiers en particulier l’UNICEF, 2008 15. Propos de parent recueilli dans le cadre de l’enquête. 31
Des victimes de violences intrafamiliales qui n’ont pas été protégées Des victimes de violences intrafamiliales qui n’ont pas été protégées les activités post violences intrafamiliales de la part de structures Seulement 4 signalements ont été effectués via le numéro vert, ce associatives, qu’ils connaissent car elles les ont approchés et/ou pris en qui indique clairement que ce service reste peu connu et utilisé par charge. Certaines de ces structures peuvent pourtant être sollicitées en les populations. Les campagnes de communication sur le 116 ont en amont, avant que l’enfant n’arrive en rue. effet été limitées dans le temps, ne permettant pas une diffusion large de l’information. Par ailleurs, ceux connaissant l’existence de la ligne « Je ne connais pas. Il faut que l’action sociale nous dise ce qu’elle fait au ne connaissent pas forcément son objectif : les appels fantaisistes sont juste. On sait qu’elle s’occupe des filles enceintes dont les auteurs refusent nombreux, par rapport au nombre d’appels que le dispositif pourrait de reconnaitre la grossesse. En fait on ne sait pas si s’elle s’occupe des recevoir si la population signalait plus spontanément des cas de violence. enfants ou des femmes, nous avons besoin d’être éclairés. » 16 En 2016, sur 10 225 appels, seulement 267 ont concerné des faits de « Je sais que l’action sociale s’occupe des enfants mais en parlant de violences. Les silences, les appels fantaisistes et les salutations ont représenté normes je n’en sais rien. » 16 8 320 appels, soit plus de 80%. En outre, il est essentiel de noter que : la ligne téléphonique n’est pas accessible 24H/24, La peur de signaler, de la part des enfants et de la part des tiers, le elle subit régulièrement des dysfonctionnements, signalement étant assimilé à une dénonciation, qui porte généralement les écoutants ne maitrisent pas l’ensemble des langues utilisées par les en elle les stigmates de la calomnie. La crainte de représailles de la populations, part des auteurs des violences, du voisinage, est un facteur qui doit être les réseaux téléphoniques ne couvent pas l’ensemble du territoire, également pris en compte. l’appel n’est pas gratuit sur l’ensemble des réseaux téléphoniques. Le manque de confiance dans les structures pour résoudre des problèmes Le fait que les services de police ou de gendarmerie soient quasiment familiaux, peut également justifier le faible recours aux dispositifs existants. autant sollicités que les services sociaux témoigne du fait que les violences les plus facilement signalées sont celles « objectivement constatables ». La banalisation de l’usage des violences dans les pratiques éducatives est également à prendre en compte dans les pratiques de signalement : les En d’autres termes, les personnes effectuant le signalement ont signalements se déclenchent lorsque les violences ont atteint un certain généralement été témoins directs et se sentent donc légitimes dans le seuil de gravité. fait d’appeler les forces de l’ordre. Les craintes de maltraitance, et les maltraitances non visibles, notamment les violences psychologiques, sont Concernant les signalements effectués avant l’arrivée en rue des enfants, les parents pauvres des signalements. Les données du rapport du numéro ils se répartissent de la manière suivante : vert 2016 corroborent ce constat : près de 50% des signalements relatifs à des mauvais traitements d’enfants concernent des violences physiques sur enfants. 13 10 4 1 28 Signalements Signalements auprès Signalements Signalements auprès des de la gendarmerie via le numéro auprès des services 166 Enfin, il faut aussi retenir de notre enquête que l’ensemble des actions services sociaux /police vert de santé TOTAL entreprises auprès de ces enfants (conseils et signalements) ont échoué étant donné que les enfants ont été rencontrés en rue. 16. Propos de parents recueillis dans le cadre de l’enquête. 32 33
Des victimes de violences intrafamiliales qui n’ont pas été protégées Des victimes de violences intrafamiliales qui n’ont pas été protégées Des mesures de protection de l’enfant encore peu opérationnelles le suivi des situations détectées (par signalement ou autre moyen) Le suivi est une dimension essentielle de la protection d’un enfant qui permet d’éviter les dégradations des situations familiales, ou, à défaut, Malgré le renforcement du système au Burkina Faso depuis plusieurs de prendre rapidement des mesures d’éloignement de l’enfant, années, à travers notamment la création du Groupe de Travail sur la notamment par un placement en structure. Le manque de moyens, de Protection de l’Enfance, la mise en place des Réseaux de Protection de communication et de déplacement notamment, dédiés aux services l’Enfance et l’appui des partenaires techniques et financiers, la réponse sociaux pour réaliser ces activités de suivi dans leur zone d’intervention, du système vis-à-vis des violences faites aux enfants rencontre beaucoup réduit considérablement la possibilité de réaliser un travail de qualité. de difficultés. En outre, aucun lien n’est fait de l’institutionnel vers le communautaire ; or, même si les acteurs communautaires ne sont pas des gestionnaires Difficultés pour assurer : de cas, ils peuvent jouer un rôle important dans le suivi de proximité de certaines situations. Enfin, l’insuffisance de structures spécialisées de prise la détection précoce des enfants victimes de violence en charge des enfants victimes de violences dans les localités d’origine Comme nous l’avons précédemment évoqué, ces difficultés sont liées des victimes, principalement en milieu rural, ainsi que le déficit global de d’une part au faible recours au dispositif de signalement et d’autre part centres d’accueil pour les enfants qui doivent être éloignés de leur famille, à des signalements tardifs des victimes. En outre, les situations identifiées affectent nécessairement la protection des enfants victimes de violences au niveau des réseaux communautaires ne sont pas systématiquement intrafamiliales. signalées au niveau des réseaux institutionnels. Un système national de protection de l’enfance à consolider dans les une intervention rapide sur signalement pratiques professionnelles ? En dehors des horaires d’ouverture des services sociaux, le système d’astreinte ou de permanence est insuffisamment organisé. Par exemple, Les formations des acteurs de la protection de l’enfance sur leur rôle et leur les signalements reçus le week-end peuvent n’être pris en compte qu’à utilisation des outils de gestion des cas, la supervision effective des agents partir du lundi, tout comme ceux reçus pendant la nuit qui ne seront traités par leurs responsables ainsi que la coordination inter-structures du système qu’en journée. En outre, dans certaines provinces, les services sociaux de protection sont des aspects cruciaux sur lesquels il est nécessaire sont dépourvus des moyens de communication et de déplacement d’agir pour garantir la mise en œuvre de pratiques professionnelles de nécessaires à l’intervention. protection de l’enfance. 34 35
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