64 journal de l'adc association pour la danse contemporaine genève
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septembre — décembre 2014 — adc / association pour la danse contemporaine — salle des eaux-vives — 82 - 84 rue des eaux-vives − 1207 genève 64 journal de l’adc association pour la danse contemporaine genève à l’affiche József Trefeli et Mike Winter −− Cindy Van Acker Sankai Juku −− Ioannis Mandafounis −− Aurélien Bory Amagatsu, le signe blanc de Sankai Juku focus rencontre avec Anne Emery-Torracinta dossier Ushio P.P. 1207 Genève
2 / journal de l’adc n° 64 / septembre — décembre 2014 3 dossier focus 4 − 13 27 − 29 Ushio Amagatsu, Entretien avec Anne le signe blanc Emery-Torracinta La compagnie japonaise La Conseillère d’Etat en Sankai Juku et son choré- charge de la culture porte graphe Ushio Amagatsu un regard mitigé sur les sont de passage à Genève. premiers mois de sa Plusieurs rendez-vous législature et nous dessine permettent d’appréhender un avenir inquiétant. l’esthétique singulière d’Amagatsu. Notre dossier se penche sur cette figure La carte postale majeure de la danse butô. reçue à l’adc le 4 juillet 2014 à l’affiche carnet de bal histoires de corps édito 16 − 17 29 − 31 34 Si polis, si sages UP ce que font les une danseuse se Cet été, la Conseillère d’Etat Anne Emery-Torracinta, en József Trefeli danseurs genevois raconte en trois charge de la culture depuis l’automne dernier, nous a re- et Mike Winter et autres nouvelles mouvements : çus dans son bureau. C’était notre premier rendez-vous de la danse Pauline Wassermann avec elle. Pour notre journal, nous souhaitions nous entre- 18 − 19 tenir des prochains enjeux, mais aussi connaître la vision Diffraction culturelle de l’Etat pour les années à venir. Cindy Van Acker bus, livres, chronique mémento Lorsque nous entrons dans son bureau le 1er juillet, la Conseillère d’Etat est détendue. C’est la fin de la jour- 32 − 33 35 née, elle a du temps pour nous. Ses notes sont posées sur 20 − 21 les deux bus en-cas lieux choisis en sa table, nous enclenchons notre enregistreur. Nous res- ApersonA de l’automne Suisse et en France terons plus d’une heure avec elle (voir pages 26 à 28). Une Ioannis voisine et les heure au cours de laquelle la magistrate se montrera vive, Mandafounis les dernières disponible et affable. festivals de l’été Quand nous la quittons, nous nous sentons pour- acquisitions tant bizarrement abattus. Certes, le mauvais film qui nous 22 − 23 du centre de a été présenté — la dette, le régime d’austérité, le parle- Plexus documentation de ment imprévisible — n’a rien de réjouissant. Mais notre Aurélien Bory l’adc abattement a une autre origine. Une fois encore, nous sommes de trop bons élèves, pris au piège du filet de la bonne volonté et de l’assiduité au dialogue. Depuis la chronique quelques années, le politique, en jouant le jeu de la La plage d’Ostende sur le gaz consultation, en répétant le discours de l’impuissance Cindy Van Acker, chorégraphie pour 53 danseurs de P.A.R.T.S pour le festival Expeditie Dansand de Claude Ratzé bienveillante, ou encore en nous démontrant, powerpoint à l’appui, comment les intérêts de la dette sont à craindre plus que la dette elle-même, nous aurait-il lentement ino- culé une forme d’autocensure ? En sortant de ce rendez-vous, nous sommes encore lourds de non-dits. Entre autres choses, nous n’avons pas réussi à savoir quelle était la vision d’Anne Emery- Torracinta d’une politique culturelle désirable. Nous n’avons pas parlé de notre projet culturel et artistique, ni de notre nécessaire développement, de nos envies et be- soins prochains et lointains. Dans le pli de la prudence, qui contamine qui : la magistrate semble se brimer elle aussi. Elle nous explique pourquoi dans l’entretien que Association pour la danse Ont collaboré à ce numéro : Photo de couverture : contemporaine (adc) Gregory Batardon, Anne Davier, Guy UP de József Trefeli et Mike Winter. nous avons retranscrit. Rue des Eaux-Vives 82−84 Delahaye, Alexandre Demidoff, Photo : Grégory Batardon Avec l’autocensure, l’imaginaire va diminuant. Il va 1207 Genève Hélène Mariéthoz, Aloys Lolo, tél. + 41 22 329 44 00 Sylviane Pagès, Michèle Pralong, L’adc bénéficie du soutien de la Ville de Genève et de la République pourtant falloir retrouver de la vigueur et réaffirmer la né- fax + 41 22 329 44 27 Claude Ratzé, Sonja Schoonejans, et canton de Genève. cessité culturelle, choisir les formes de combats que l’on www.adc-geneve.ch Cécile Simonet Ce journal est réalisé sur du papier recyclé. pourra mener, travailler politiquement sur de nouveaux Responsable de publication : Graphisme : Silvia Francia, blvdr Claude Ratzé Impression : SRO Kundig systèmes financiers et reconquérir des espaces d’expéri- Rédactrice en chef : Anne Davier Tirage : 8’000 exemplaires, Comité de rédaction : Caroline septembre 2014 mentations et de liberté. Coutau, Anne Davier, Thierry Anne Davier Prochaine parution : Mertenat, Claude Ratzé janvier 2015 Secrétariat de rédaction : Manon Pulver
4 / dossier / journal de l’adc n° 64 / septembre — décembre 2014 dossier / journal de l’adc n° 64 / septembre — décembre 2014 / 5 Ushio Amagatsu — reuse. La danse butô était née, elle l’interprète. Alors qu’Hijikata n’avait allait très vite symboliser la moder- jamais quitté le Japon, les danseurs nité chorégraphique japonaise. de la deuxième génération, dont cer- tains s’installent aux Etats-Unis ou le signe blanc Certes, dans cette recherche en Europe, essaiment la danse butô d’une nouvelle identité les in- dans le monde entier. fluences et les filiations sont bien Ko Morobushi, ancien élève de plus larges et plus complexes. S’il y Hijikata dont il est considéré comme Ushio Amagatsu dans Kinkan Shonen, a rejet des valeurs traditionnelles et le véritable héritier, mène une re- 1978 — Photo : Guy Delahaye des codes d’une morale en faillite, la cherche toujours plus approfondie danse butô reprend néanmoins cer- sur les racines japonaises tout en L’obscure tains traits caractéristiques du théâtre nô comme par exemple l’ex- s’ouvrant à tous les courants de la danse contemporaine. Akaji Maro, Ushio Amagatsu est aujourd’hui l’un des chorégraphes et danseurs les plus impor- beauté du trême lenteur des mouvements. Cette ambiguïté vis-à-vis du passé lui aussi élève de Hijikata, privilégie l’outrance et la parodie. Avec sa tants du butô. Né en 1949, il appartient à la deuxième génération du butô, appelée butô nippon qui oscille entre amour et aversion, entre rejet et assimilation, entre haine et fascination, se re- troupe Dairakudakan, qu’il a créé avec sept autres danseurs, dont Amagatsu, il réalise une fusion entre aussi « danse des ténèbres ». Sa compagnie par Sonia Schoonejans trouve aussi dans l’attitude face à le théâtre et la danse butô. C’est Sankai Juku, créée en 1975, l’a fait connaître l’Occident : la première génération avec lui qu’on voit pour la première dans le monde entier. On dit de lui qu’il au- Pour désigner la grande diversi- de danseurs butô — celle de Hijikata fois des danseurs au corps poudré rait soufflé sur les corps poudrés des avant- té de cette danse, on met volon- et de Kazuo Ohno — a pu voir les ex- et au crâne rasé. gardistes et trouvé l’équilibre avec les tiers butô au pluriel. Nous avons pressionnistes allemands en tour- Carlotta Ikeda introduit l’élément formes contemporaines du spectacle occi- demandé à Sonia Schoonejans née au Japon durant la décennie féminin dans un univers jusqu’ici de déployer son regard sur les 1920-1930, comme Mary Wigman presque exclusivement masculin. dental, se rapprochant, pourquoi pas, de butôs, du père fondateur Hijikata ou le couple Harald Kreutzberg et En 1972, elle crée avec Ko Moro- Peter Brook ou de Bob Wilson. à Sankai Juku, et de nous délivrer Yvonne Georgi. Ils ont été frappés bushi une troupe de jeunes femmes, un condensé d’histoire. par la modernité de cette « danse Ariadone. L Notre dossier permet de mieux comprendre a pièce considérée com- libre ». Ils en ont retenu la force ex- Ushio Amagatsu, lui, va s’éloi- l’esthétique singulière de l’œuvre de Sankai me fondatrice du butô pressive. Le choc de la bombe, l’in- gner de la violence originelle pour Juku et, plus largement, du butô. Son ori- s’appelle Kinjiki. Elle a fluence d’une certaine littérature insuffler au butô davantage de spiri- été créée en 1959 par française « maudite » tel Lautréa- tualité et d’esthétisme. Avec son gine underground, sa réception en France Tatsumi Hijikata, adaptée mont, Antonin Artaud ou Jean Genêt groupe créé en 1975, Sankai Juku dans les années quatre-vingt, son impact du roman de Yukio Mishima, mais et le climat de révolte en ont accen- (« atelier de la montagne et de la sur la scène contemporaine occidentale. aussi inspirée par les écrits du Mar- tué le côté sombre et morbide. mer ») dont les membres sont tous Les raisons d’être de ses codes tels que les quis de Sade. Kinjiki est une perfor- Le corps butô de la première gé- des hommes, il va élaborer une ges- corps blancs ou la lenteur, et les forces qui mance assimilable à celles des nération est un corps souffrant, tuelle de plus en plus stylisée. travaillent ses corps, comme la fragilisation actionnistes viennois et plus géné- transgressif et résistant, où la provo- de la posture et l’abaissement des centres ralement du body art, qui occupaient cation et l’orgiaque sont de mises, Sonia Schoonejans a créé la collection les scènes alternatives américaines dans une tentative d’abolir toute dis- «L’art de la danse» aux éditions Actes sud de gravité. et européennes dans les mêmes tance entre le public et le danseur, et «Territoires de la danse» aux éditions Ushio Amagatsu — Photo : Kazumi Kurigami années. Même utilisation violente, entre l’art et la vie. Le beau se mêle Complexes. Elle est l’auteure de la série Amagatsu et ses huit danseurs masculins crue et radicale d’un corps devenu au grotesque, l’austérité à l’érotisme, documentaire Un siècle de danse et font une halte à Genève. Au cœur de l’évé- vecteur de rébellion. Dans Kinjiki le prosaïque au poétique. Le lan- donne la conférence dans le cadre de nement, l’accueil d’une pièce récente de (qui signifie « amours interdites »), gage corporel est minimal. Le plus l’accueil de Sankai Juku (voir p.12). Hijikata met en scène un adolescent souvent nus, les corps sont crispés, Sankai Juku au Bâtiment des forces mo- simulant l’accouplement avec une arqués, mais il n’existe pas encore trices, une conférence, une projection de poule qu’il égorge avant d’être lui- de style déterminé, quoique Hijikata deux films, une masterclass et un « brunch même violé par un adulte. Le happe- mette au point une série d’exercices Tatsumi Hijikata et Kazuo Ohno, Hommage à La Argentina, 1977 — Photo : Naoya Ikegami bavard » avec Ushio Amagatsu. Une se- ning ne durait que cinq minutes réunis en une méthode qu’il intitule- maine d’exception pour s’immerger dans mais provoqua un énorme scandale ra butô-fu. l’esprit du butô. que l’homosexualité explicite de la pièce ne faisait qu’accentuer. Mishi- Un butô apaisé ma lui-même intervint pour dé- Dans les années septante, une nou- fendre l’interprétation théâtrale de velle génération d’artistes s’empare Hijikata, ce qui fit immédiatement de la danse butô, la fait évoluer et la connaître le chorégraphe et installa diversifie en opérant des change- définitivement sa réputation sulfu- ments dans l’identité corporelle de
6 / dossier / journal de l’adc n° 64 / septembre — décembre 2014 dossier / journal de l’adc n° 64 / septembre — décembre 2014 / 7 « Le désir Quand le butô arrive en France, il devient très rapidement un évé- Qu’est-ce qui a le plus marqué les esprits des premiers spec- butô se font à la fin des années cin- quante et surtout dans le contexte d’exotisme nement médiatique et artistique fascinant, mais aussi propice aux tateurs de butô en France ? Avant tout, ce sont les signes du butô. d’effervescence artistique et poli- tique des avant-gardes des années s’est malentendus. La chercheuse Syl- viane Pagès tente de déconstruire La nudité, la couleur blanche, le crâne rasé sont immédiatement repérés et soixante. Bien sûr toute la société ja- ponaise est marquée par les explo- Kinkan Shonen, reprise en 2010 — Photo : Guy Delahaye incarné dans les représentations dominantes de cette danse, comme par exemple nommés pour signifier cette étrange- té. En revanche, les forces en jeu, sions atomiques de 1945, mais le lien entre les artistes butô et Hiroshi- le butô son association systématique à Hiroshima. Avec un regard précis comme la corporéité propre au butô, sont beaucoup moins analysées. ma est plus complexe. Ils n’ont du moins pas la volonté d’évoquer et de Ushio Amagatsu dans Utsuri, 2003 — Photo : Guy Delahaye et sur le geste, elle relève toute la proximité du butô avec la danse Le butô découvert en France représenter ce cataclysme sur scène, excepté un seul danseur, le Japon » contemporaine. au début des années quatre- vingt est-il le même que celui Ôsuka Isamu. Tous les autres ne re- vendiquent aucun lien direct avec cet J ournal de l’adc : Le qui se pratiquait alors au Japon ? événement ; au contraire, ils ne entretien avec butô est arrivé en Il n’est pas différent. En réalité, plu- cessent de s’en défendre. C’est plu- Sylviane Pagès Occident par la sieurs esthétiques butô arrivent en tôt le contexte d’après-guerre qui se- France, n’est-ce pas ? France, issues de différentes géné- rait à envisager ici, et qui ne se limite Sylviane Pagès : En rations. Mais certains artistes sont pas aux explosions atomiques. Pour- 1978, le Carré Montfort puis le Festi- privilégiés dans les choix de pro- tant en France, ce stéréotype appa- val d’automne consacrent chacun un grammation par rapport à d’autres. raît dès le premier article de presse temps fort sur le butô, qui marque le C’est le cas de Ushio Amagatsu et écrit dans Libération en 1978. Il est début de l’histoire du butô en de sa compagnie Sankai Juku, mais repris sans cesse depuis. France. Il y a bien eu, auparavant, aussi de Carlotta Ikeda, Kazuo Ôno quelques invitations d’artistes japo- ou encore Kô Murobushi. Tatsumi Comment le champ de la nais, notamment au festival de Nan- Hijikata, pourtant fondateur du butô, danse contemporaine fran- cy mais non repérés sous le label connaît moins de succès et passe çaise des années quatre-vingt butô et passés relativement inaper- quasi inaperçu en France. Deux de accueille-t-elle le butô ? çus. C’est donc véritablement à Pa- ses pièces sont diffusées en 1978 et Il lui ouvre les bras ! Les lieux qui ris en 1978 que le butô est reçu 1983, sans que lui ne se déplace en programment le butô se multiplient comme un événement, à la fois mé- France. La compagnie Dairakudakan très vite. Si au début ce sont les diatique, artistique et public. d’Akaji Maro est elle-aussi invitée théâtres et les structures pluridisci- plusieurs fois mais sans rencontrer, plinaires qui permettent sa décou- D’emblée, l’accueil a été jusqu’il y a peu, beaucoup de suc- verte, le butô se diffuse ensuite de enthousiaste… cès. Son butô, marquée par l’esthé- plus en plus dans le domaine de la Oui, l’accueil a été exceptionnel. Les tique ero guro, mélange d’érotisme danse contemporaine, qui se l’ap- articles de presse de l’époque sont et de grotesque, est davantage sar- proprie, reconnaissant rapidement unanimes, tous parlent d’un « choc ». castique, avec parfois un côté le travail corporel qui est en jeu. Ensuite, les programmations butô se presque kitsch, qui a rendu sa récep- sont enchaînées. Entre 1978 et 1985, tion en France plus difficile. Et quels sont les effets du la plupart des danseurs butô de butô sur l’esthétique de la l’époque ont été invités en France, y Tout ne plaît pas dans le butô. danse en France ? compris Sankai Juku. C’est le début Il y aurait donc eu une forme Je parlais tout à l’heure d’un choc d’un phénomène de fascination. de sélection artistique ? esthétique et des signes immédiate- Oui, la France a privilégié un butô ment repérables par le public, Qu’est-ce qui a provoqué sérieux et grave, qui répondait aux comme la lenteur ou le corps blanc. ce choc ? horizons d’attentes du public fran- Les danseurs, eux, perçoivent forte- Il s’agit du choc que l’on peut res- çais, voulant voir dans le butô une ment les forces du butô qui sont en sentir face à une étrangeté. Face à incarnation d’Hiroshima. Ce stéréo- jeu, et principalement la fragilisation leur incompréhension, les journa- type du butô né sur les cendres de la posture et de la verticalité. Avec listes n’ont pu que rendre compte d’Hiroshima a encore aujourd’hui la le butô, on assiste à un affaissement de leur réaction sensible. Ils ont ré- vie dure. des corps sur scène et un abaisse- digé des récits de spectateur, avec ment des centres de gravité, qui pri- une écriture critique qui s’est inven- Entre la naissance du butô et vilégient des postures accroupies tée au fur et à mesure, très poétique Hiroshima, il n’y a rien à voir ? ou au ras du sol. et métaphorique et qui marque en- Il y a un premier malentendu chrono- core aujourd’hui la façon dont on logique. Les discours critiques n’ont Cette fragilisation de la pos- écrit sur le butô. cessé de présenter le butô comme ture et de la verticalité propre Kinkan Shonen, 1978 — Photo : Guy Delahaye né sur les cendres de Hiroshima. Or au butô est-elle si étonnante les premières expérimentations du pour la danse au début des
8 dossier / journal de l’adc n° 64 / septembre — décembre 2014 / 9 ter très régulièrement les artistes naises. Rappelez-vous L’empire des Ce regard exotique est-il butô. Peut-être y a-t-il eu un petit signes de Roland Barthes en 1970 : Ushio justifié ? tassement dans les programma- le Japon a fasciné, au-delà d’un quel- à lire… Amagatsu Encore un malentendu ! Dans les tions autour des années quatre- conque effet de mode. en cinq discours, on lit souvent que le butô vingt dix, mais cela a repris depuis. Propos recueillis par Anne Davier Livres disponibles sur Ushio Amagatsu et Sankai Juku dans dates est une danse rituelle. Mais c’est un Dans les années 2000, un dévelop- notre centre de documentation lieu commun que d’accoler à une pement conséquent de la scène Sylviane Pagès est enseignante- —— Dialogue avec la gravité, Ushio —— 1949 —— danse non occidentale le terme « ri- butô s’est encore produit, avec une Amagatsu, Actes Sud, collection Ushio Amagatsu naît un 31 chercheuse en danse à l’université Paris « Le souffle de l’esprit », 2000 tuel » ou parfois même « tradition- nouvelle génération d’artistes plus décembre, à Yokosuka, une petite 8 et assure la direction du département ville de pêcheurs. Contrairement à nel ». Le butô est une danse d’avant- jeunes, qui vivent entre France et Ja- danse de 2013 à 2015. Elle est l’auteure —— Sankai Juku Amagatsu Delahaye certains parents japonais qui garde des années soixante, donc au pon, ou s’installent en France. On a (nouvelle édition), photographies de préféraient que leur enfant naisse le d’un ouvrage à paraître en 2015, Le butô Guy Delahaye, Actes Sud, 2003 1er janvier, signe d’un nouveau sens anthropologique, il n’est pas à également redécouvert Tatsumi Hiji- en France, malentendus et fascination départ, et modifiaient en proprement parler un rituel. kata, notamment grâce à une publi- —— Ushio Amagatsu, des rivages conséquence la date de naissance, les aux éditions du Centre national de la d’enfances au butô de Sankai Juku, siens ne la changent pas. cation dirigée par Odette Aslan aux danse. propos recueillis par Kyoko Iwaki, « Fin d’une année, mais début d’une Suite à la découverte de cette éditions du CNRS qui permet de dé- Actes Sud, 2013 autre et d’un nouveau cycle », glisse en souriant le chorégraphe, dont danse, est-ce que les danseurs couvrir le butô à ses débuts et des Les photos ont été réalisées par le photo- chaque pièce semble faire le tour français sont partis au Japon ? films rares, sur les performances graphe français Guy Delahaye. Celui-ci a d’un cercle. eu l’occasion de pendre de nombreux cli- En 1982, Catherine Diverrès et Ber- des années 1960 et les pièces des —— 1978 —— nado Montet sont partis les premiers années 1970, sont dorénavant proje- chés de Sankai Juku et Ushio Amagatsu Tout jeune chorégraphe — il fonde sa au Japon pour travailler avec Kazuo tés, notamment à la Cinémathèque depuis leur début en France. Il a eu l’ama- compagnie en 1975 —, Ushio bilité de nous en livrer quelques-unes pour Amagatsu conçoit et danse Kinkan Ohno. Ce voyage a été fondateur et de la danse. Shonen (« graine de kumquat »), où un notre journal. enfant qui lui ressemble remonte le marquant, il a remis en cause leur temps jusqu’aux origines aquatiques conception de la danse et a inauguré Finalement, le butô d’Hijikata de la vie. « Je suis né au bord de la mer et je me retrouve toujours sur la une série d’autres voyages de nom- séduit… plage de mon enfance, raconte-t-il. breux artistes au Japon. Ce mouve- Et il a pas mal d’effets sur la danse Ce spectacle était directement ment récurrent et régulier par la contemporaine. Boris Charmatz, inspiré par ce moment de ma vie. » Il a dansé Kinkan Shonen pendant suite ne s’est jamais arrêté. Il faut dans La danseuse malade, exhume quinze ans. rappeler que dans les années en quelque sorte ses textes, très —— 1980 —— quatre-vingt, pour les danseurs, le peu connus. Julia Cima interprète Le danseur et sa compagnie arrivent voyage se fait essentiellement en di- dans Visitations l’un de ses solos. De à Paris. Ushio Amagatsu est programmé au Carré Silvia-Monfort rection de New York, et principale- nouveaux désirs de butô appa- Ushio Amagatsu dans Kinkan Shonen, 1978 — Photo : Guy Delahaye et dans la foulée au Festival de ment pour se former ou suivre un raissent dans les années 2000 et Nancy, et au Festival d’Avignon, etc... « La situation était difficile pour les stage dans le studio de Merce Cun- des citations apparaissent comme jeunes artistes à Tokyo, explique-t-il. ningham. L’envers du voyage à New dans le travail de Xavier Leroy dans Il y avait peu de lieux où se produire. Danser à Paris a été la chance de ma années quatre-vingt ? Mais est-ce vraiment nou- Le butô permet-il de relire York, c’est le Japon. Là-bas, on allait Autre produit de circonstances. Au- vie. Venus pour un mois, nous Oui, vraiment. A ce moment-là, la veau ? N’y a-t-il pas eu précé- l’histoire de la danse en chercher tout à fait autre chose, une jourd’hui, le butô comme beaucoup sommes restés une année entière, basés en France et tournant partout scène est encore très imprégnée par demment d’autres expérimen- France ? autre conception de la danse d’autres esthétiques ou techniques en Europe et même au Mexique... ! l’esthétique néoclassique, avec des tations qui allaient déjà dans Disons que l’histoire de la danse en comme du métier de danseur. fait partie de l’entraînement du dan- Nous avons, depuis, toujours été soutenus par la France. Dès 1983, le corps athlétiques et très tenus. Je l’expression du sensible ? France s’est aussi construite sur le seur, voire de sa formation comme Théâtre de la Ville a coproduit avec pense aussi à l’esthétique cunnin- En quelque sorte, le butô est une discours de l’explosion d’une « jeune Ces voyages au Japon, ces lors de la direction d’Emmanuelle mes spectacles. » ghamienne, dominante en danse réactivation du geste expression- danse française », qui doit pourtant imprégnations à la source Huynh au CNDC d’Angers qui a invi- —— 1984 —— contemporaine au début des an- niste. Il existe en effet une grande beaucoup aux circulations choré- du butô sont-ils visibles dans té Min Tanaka, Kô Murobushi et Aki- Première tournée aux USA, à nées 1980. L’arrivée dans ce proximité dans les processus de fa- graphiques internationales. Dans le les œuvres des chorégraphes ra Kasai pour intervenir auprès des l’invitation du Arts Festival des Jeux olympiques de 1984 à Los Angeles. contexte d’une verticalité précaire et brique du geste, dans l’esthétique champ de la danse, à ce moment-là, de l’époque ? jeunes danseurs. « Ce festival rassemblait les plus instable, d’une esthétique spectrale, du conflit, et dans les différentes des Jacqueline Robinson, Karin Pas au niveau des signes reconnais- grands artistes du moment, notamment le polonais Tadeusz de corps fantômes, et de marches modalités de possession et d’ex- Waehner, Françoise et Dominique sables (blancheur, crâne rasé, etc.), D’autres transferts culturels Kantor, Peter Brook, venu de France, somnambuliques n’est pas anodine. tase. Des liens forts existaient d’ail- Dupuy, tous marqués d’une certaine mais davantage dans leur travail sur ont eu lieu par la suite. Les ou encore la chorégraphe allemande Pina Bausch. Je n’avais pas vraiment Les corps dansants ne sont plus des leurs entre les modernités chorégra- façon par l’héritage de Mary Wigman la façon de faire émerger le geste, danses d’Inde, tel que le bha- le sentiment qu’il s’agissait d’un sujets décideurs et triomphants. Ils phiques allemandes et japonaises ou Jean Weidt, n’avaient pas la sur les forces du butô, principale- ratha natyam, les danses afri- festival américain !» Développant dès cette date des tournées dans le sont des corporéités traversées de dans la première moitié du XXème même visibilité et reconnaissance ment dans la fragilisation de la pos- caines… monde entier, la compagnie Sankai forces, des êtres mus, quasi possé- siècle, qui ont marqué les fonda- que les esthétiques américaines, in- ture et la prédominance accordée à Oui, mais aucun n’a eu l’impact et la Juku devint et reste la compagnie japonaise de butô la plus présente dés. Pour le danseur, l’état de teurs du butô. Si bien que l’on pour- carnées notamment par Nikolais, la sensorialité. réception prestigieuse que le butô a à l’international. conscience est modifié, à partir rait dire que le butô fait réapparaître Carlson et Cunningham. L’avène- connu en 1978 en France. Le désir d’une focalisation intense sur ses le geste expressionniste qui était ment du butô en France est, dans un La fascination du butô d’exotisme s’est incarné à ce mo- —— 2015 —— Ushio Amagatsu fêtera les quarante sensations. A tel point que ce sont justement occulté en France à ce certains sens, un détour par le Japon perdure-t-elle après le choc ment-là dans le butô et le Japon. Cet Kagemi, 2000 — Photo : Guy Delahaye ans de sa compagnie par une création, pour la première fois depuis les sensations qui deviennent le mo- moment-là. pour s’autoriser à voir sur scène un des années quatre-vingt ? engouement pour le Japon n’a pas longtemps, au Japon. Recevant en teur du mouvement. geste expressionniste ! Pour le dire Oui, étonnamment. Depuis trente- uniquement concerné la danse. Il 2013 le prestigieux Japan Foundation autrement, le regard exotique per- cinq ans, il y a très peu de critiques s’inscrit aussi dans un moment par- Award, Ushio Amagatsu écrit avec malice: « nous sommes très met de considérer le travail sur la négatives, de déception ou de lassi- ticulier de curiosité pour la littéra- reconnaissants que cette récompense sensorialité et le corps possédé. tude. Les théâtres continuent à invi- ture, le cinéma, les études japo- (japonaise, NDLR) soit le fruit du soutien et des encouragements de tous les spectateurs que nous avons rencontrés à travers le monde durant toutes ces années d’activité… » avec la complicité de Pierre Barnier et Rosita Boisseau
10/ dossier / journal de l’adc n° 64 / septembre — décembre 2014 dossier / journal de l’adc n° 64 / septembre — décembre 2014 / 11 Florilège TOBARI Tobari les 14 et 15 novembre « En japonais, tobari est un rideau très fin que l’on fait tomber quand la au BFM nuit vient, pour séparer l’espace en deux et dormir. C’est aussi le mot uti- lisé pour exprimer ce moment entre le jour et la nuit. Pour moi, il dit aussi Entre loge et plateau, Amagatsu le temps qui passe. La nuit, la lumière des étoiles que nous voyons est la prend le temps d’un échange bref, conséquence d’un événement lumi- neux qui a eu lieu bien avant ! Quand courtois et délicat les étoiles meurent, on les voit en- core briller. C’est là toute l’histoire de l’humanité. » O n rencontre Ushio la compagnie, le pilier ; il donne les Amagatsu à Gre- masterclass et les stages. Il est là 8000 étoiles noble en avril der- pour assurer la traduction du japo- « La lumière est une respiration, elle nier, à l’heure du thé nais à l’anglais. Pierre Barnier se compte beaucoup dans mes spec- dans la cantine de la charge de traduire en français, ajou- tacles. Dans Tobari, il y a eu très vite MC2. Avec sa compagnie Sankai tant précisions et anecdotes pour cette idée d’un ciel étoilé, représenté Juku, Amagatsu a été invité durant la étoffer les phrases concises du cho- par un rideau troué en fond de scène, saison à présenter dans ce théâtre régraphe. En novembre, Amagatsu avec derrière lui une source lumi- plusieurs de ses pièces. Le soir est attendu à Genève au Bâtiment neuse. Avec les danseurs, nous même, les grenoblois vont découvrir des forces motrices avec TOBARI – avons percé sur ce rideau 8000 trous Umusuma, sa dernière création. Le comme dans un flux inépuisable, qui correspondent, tant au niveau de chorégraphe n’a pas beaucoup de une pièce créée en 2008 au Théâtre leur taille que de leur emplacement, temps. Il explique que ses danseurs de la Ville dans laquelle il danse. Il à la cartographie d’un ciel d’août sont déjà dans les loges. Bientôt, il faut organiser tout cela — ils seront étoilé au Pôle Nord. Au centre, il y a va les rejoindre et tous vont se ma- une douzaine, resteront une petite un disque ovoïde qui reprend le ciel quiller, se transformer en créatures semaine, aimeraient pouvoir se faire d’été au Japon. » blanches, une fleur sanguine peinte eux-mêmes à manger, rester en- autour de l’oreille gauche — à moins semble, être connectés pour skyper 10 centimètres que cela ne soit une déchirure ? avec leur famille au Japon… Ushio « Chaque danseur de butô a un corps « Cette oreille peinte, c’est un peu la Amagatsu dit aussi quelques mots et un style différent. J’aime cette li- marque de fabrique des Sankai », sur TOBARI, poétiques et factuels berté, on la voit dans TOBARI, chacun commente Pierre Barnier, chargé de (voir ci-contre), puis se lève, invite à a une technique, un parcours, des in- la diffusion de la compagnie en Eu- le suivre. Nous passons dans les fluences qui lui sont propres. Notre TOBARI — Comme dans un flux inépuisable rope depuis vingt-deux ans. Ushio loges, croisons ses jeunes danseurs époque a elle aussi façonné autre- Création mondiale au Théâtre Amagatsu sourit. C’est bien plus (jogging blanc, chaussettes ment les corps. Au début, je tra- de la Ville en 2008 que cela, mais il n’en dira pas plus. blanches, écouteurs de iPod dans vaillais avec des danseurs qui Mise en scène, chorégraphie Cette métamorphose prend du les oreilles). Il nous prépare un café, avaient dix centimètres de moins et conception : Ushio Amagatsu Création musicale : Takashi Kako, temps, près de trois heures. nous conduit sur le plateau encore que ceux qui sont dans ma compa- Yas-Kaz, Yoichiro Yoshikawa Lorsqu’ils entreront sur scène, l’état en montage, puis s’en va. gnie aujourd’hui. Un corps plus long, Danseurs : Ushio Amagatsu, Semimaru, Sho Takeuchi, singulier dans lequel ils se trouve- Anne Davier ça change la façon de danser. » Akihito Ichihara, Ichiro Hasegawa, ront aura été le fruit d’une longue Propos recueillis par AD Dai Matsuoka, Norihito Ishii, Shunsuke Momoki préparation, physique et méditative, commencée face au miroir, un pou- drier dans la main. Bâtiment des forces motrices 2, place des Volontaires Mais revenons dans la cantine de la Les 14 et 15 novembre à 20h30 Billetterie www.adc-geneve.ch MC2. C’est l’heure du thé, disions- Service culturel Migros nous, Amagatsu n’a pas soif. Il a le Stand Info Balexert / Migros Nyon La Combe regard doux, connaît quelques mots de français, dit-il, mais préférera parler en japonais. A ses côtés, Se- Photo : Jacques Denardaud mimaru, danseur spectral et essen- tiel des Sankai Juku. C’est l’aîné de
12 / dossier / journal de l’adc n° 64 / septembre — décembre 2014 13 Agenda — Vendredi 14 — Lundi 17, mardi 18 et samedi 15 novembre et mercredi 19 novembre Sankai Juku à 20h30, BFM Studio de l’adc, TOBARI — Comme dans un flux Maison des arts du Grütli, — du 6 au 25 inépuisable de 14h à 17h Vêtus de robes qui les font moines Masterclass de butô novembre — ou majestés, les Sankai Juku sug- Enseignement de Semimaru gèrent l’impitoyable parcours vers la Cie Sankai Juku 2014 sérénité. Le chaos règne sous la Danseur principal de la compagnie tranquille surface, la beauté gronde Sankai Juku, Semimaru donne une et le néant d’Ushio Amagatsu est masterclass de trois jours iden- sans limite (voir pages 10 et 11). tiques au travail quotidien de la Infos et billetterie : adc-geneve.ch compagnie. Il expliquera quelques Service culturel Migros Genève, stand mouvements simples en un même Info Balexert, Migros Nyon-La-Combe — Jeudi 6 novembre à 19h — Mardi 11 novembre à 19h30 geste lent qui conduira progressive- Flux Laboratory Flux Laboratory ment à un état permettant de faire Conférence par Projection de films — Samedi 15 novembre à 12h l’expérience de la gravité terrestre Sonia Schoonejans KAGEMI — Par-delà les métaphores BFM, foyer des artistes comme unique partenaire de leurs Ushio Amagatsu ou le butô du miroir (2000) Brunch avec Amagatsu mouvements. transfiguré Captation du spectacle d’Ushio Un rendez-vous gourmand et bavard Pour danseurs avancés Pour celui qui désire connaître les Amagatsu, Cie Sankai Juku par avec Ushio Amagatsu et Alexandre Enseignement à suivre sur les trois jours Prix unique : CHF 150.- transformations successives de la Yoichiro Yoshikawa, édition Demidoff, chef de la rubrique Inscriptions nécessaires : adc-geneve.ch danse butô, il suffit de suivre l’itiné- IoFactory/Sankai Juku, 1h25 culturelle du Temps, qui partagent raire artistique du danseur, choré- Musique : Takashi Kako et Yoichiro avec nous leur conversation sur le graphe et metteur en scène Ushio Yoshikawa travail de Sankai Juku. Ce moment — Mardi 25 novembre à 20h30 Amagatsu. Depuis ses débuts au- Depuis sa création au Théâtre de la convivial est aussi l’occasion de Octogone de Pully près de Maro Akaji, lui-même dis- Ville de Paris en 2000, Kagemi, par- revenir sur le spectacle Tobari pour UTSUSHI – Entre deux miroirs ciple de Hijikata, père fondateur du delà les métaphores du miroir, sème ceux qui l’auront vu la veille, ou de Le périple des Sankai Juku se clôt à butô, jusqu’à ses dernières créa- ses inoubliables images et méta- l’anticiper agréablement pour ceux Pully avec Utsushi , morceaux choi- tions, Amagatsu a vécu l’évolution morphoses visuelles. Dans une fo- qui le découvriront le soir même. sis dans les trente ans de travail de de cette « danse des ténèbres », et rêt de feuilles de lotus géantes et Places limitées, entrée libre, réservation Sankai Juku et redistribués selon lui a apporté une spiritualité et une immaculées, des créatures mi- nécessaire : adc-geneve.ch un dessein secret par Ushio Ama- esthétique à la fois sauvage et so- hommes, mi-esprits, obéissent à un gatsu. Synthèse déraisonnable ou phistiquée qui caractérise le travail rituel étrange, cycle du vivant dans portrait éclaté ? Utsushi est avant de sa compagnie Sankai Juku. son incessante transformation. tout une œuvre-rétrospective pas- Places limitées, entrée libre, réservation sionnante à regarder. C R É AT I O N M O N D I A L E nécessaire : adc-geneve.ch Eléments de doctrine (1993) Infos et billetterie : theatre-octogone.ch Documentaire sur le travail d’Ushio Amagatsu, Cie Sankai Juku, 65 min. In La Danse au travail, André S. AU GRAND THÉÂTRE Casse-Noisette Labarthe, éditions Caprici, 2012. C R É AT I O N M O N D I A L E Ushio Amagatsu et ses danseurs ré- pètent Graine de kumquat, pièce fé- tiche de la compagnie créée en 1978 et qui relate l’initiation au monde d’un petit garçon japonais. Sous-titré éléments de doctrine, la belle qualité de ce documentaire est de laisser la La réalisation du programme autour La conférence et les films sont de Sankai Juku est une production présentés en complicité avec le Flux B A L L E T- F É E R I E E N 2 A C T E S , 3 TA B L E A U X E T 1 5 S C È N E S parole au chorégraphe, dont la préci- sion de la pensée n’a d’égale que de l’adc. L’ensemble du projet est réalisé avec Laboratory. Production et tournées de Sankai PIOTR ILITCH TCHAIKOVSKI l’exactitude quasi sacrée des gestes. le soutien de JTI. Juku en Europe Per Diem & Co / La tournée d’Ushio Amagatsu, Pierre Barnier Infos et réservations : adc-geneve.ch Cie Sankai Juku, reçoit le soutien de l’Agency for cultural Affairs, Programme établi sous réserve de gouvernement du Japon, pour changements. CHORÉGRAPHIE l’année 2014. Le projet Ushio Amagatsu, Cie Sankai JEROEN VERBRUGGEN Juku à Genève, reçoit le soutien moral de la Swiss-Japanese Society, et de l’ambassade du Japon en Suisse dans le cadre du 150ème anniversaire des relations diplomatiques entre la Suisse et le Japon. BALLET DU GRAND THÉÂTRE DIRECTION PHILIPPE COHEN ORCHESTRE DE LA SUISSE ROMANDE 13>21.11.2014 SAISON1314 WWW.GENEVEOPERA.CH +41(0)22 322 5050 Annonce_ADC_CasseNoisette_210x141_NB.indd 1 14.07.14 15:16
14 15 NEONS Never Ever, Oh! Noisy Shadows Olivier Dubois première 19-30 nov. 2014 19-20 sept. 2014 design graphique & photographie : matière grise Ambra Senatore Théâtre Sévelin 36, Skorohod Swiss Week, Saint-Pétersbourg (RU) Thierry Malandain 6-7 nov. 2014 Lausanne (CH) Héla Fattoumi - Eric Lamoureux 4-5 déc. 2014 Théâtre Sévelin 36, Lausanne (CH) Bouba Landrille Tchouda Théâtre Forum Meyrin, Meyrin (CH) © Alexandre Dhordain location : +41 21 620 00 11 \ reservation@theatresevelin36.ch Thomas Guerry 9-10 déc. 2014 Théâtre Nuithonie, Fribourg (CH) Kader Attou 11-12 déc. 2014 www.philippesaire.ch Forum Saint-Georges, Delémont (CH) www.philippesaire.ch design graphique & photographie : matière grise www.chateau-rouge.net CieSaire_ADC64_140918_01.indd 2 28.07.14 14:34 CieSaire_ADC64_140918_01.indd 1 28.07.14 14:34 Rue de Genève 57 1004 Lausanne
16 / à l’affiche / journal de l’adc n° 64 / septembre — décembre 2014 à l’affiche / journal de l’adc n° 64 / septembre — décembre 2014 / 17 Repères biographiques Australien d’origine hongroise, József Trefeli a rejoint en 1996 la Compagnie Alias pour laquelle UP il a dansé pendant huit ans. Il fonde sa compagnie en 2005. Récemment, il a présenté Mutant — du 1er au 12 octobre — Slappers & The Planet Bang, créé en collaboration avec Kylie Walters et le groupe KMA, JinX József Trefeli et Mike Winter 103, un duo avec Gabor Varga, et LIFT, sa première collaboration avec Mike Winter. ont convié six danseurs à de Ce dernier est originaire du Pays de Galles, établi à Genève où il a dansé notamment pour Alias, belles et puissantes envolées Philippe Saire, Kylie Walters et Nicole Seiler. qui redresseront les plus avachis UP Concept et chorégraphie : József Trefeli et Mike Winter, en Collaboration avec les danseurs Danse : Leif Firnhaber, Nuhacet Guerra, Edouard Hue, Amaury Reot, Carl Staaf, Mike Winter Remplaçant : Gyula Cserepes Musique : Charles Mugel Lumières : Laurent Junod Costumes : Toni Teixeira Photos : Gregory Batardon Administration : Laure Chapel, Pâquis Production Salle des Eaux-Vives 82-84 rue des Eaux-Vives 1207 Genève Du 1er au 12 octobre à 20h30 Atelier de dégustation samedi à 19h, dimanche à 18h de bières artisanales : Relâche lundi et mardi ça mousse naturellement ! Rencontre avec l’équipe Animé par Barbara artistique à l’issue de la et Christophe Grellier, gérant représentation du jeudi 2 et brasseur de la Brasserie des octobre Voirons, le vendredi 3 octobre autour du spectacle UP Billetterie www.adc-geneve.ch Inscription indispensable Service culturel Migros Infos : www.adc-geneve.ch Photo : Gregory Batardon L a génération Y vit dans syllabe pour une proposition artis- bruts, sans fioritures. Sur scène c’est une bulle, solitaire, les tique intègre et exaltante. une épreuve d’endurance, les corps écouteurs enfoncés des six interprètes à la fois ancrés dans les oreilles. Plus It’s UP to you au sol et aériens se lancent, s’entre- qu’un marqueur généra- Six hommes, habiles connaisseurs choquent. Le groupe prime sur l’indi- tionnel, il s’agit là du syndrome gran- des forces qui régissent leurs corps vidu en une apothéose jubilatoire. dissant d’une société toute entière et déterminés à les unir pour maxi- La gestuelle spontanée et dyna- reliée constamment à l’interface miser leur vigueur. Les portés des mique qu’ils emploient, ainsi que la d’une machine, « addict » au réseau six danseurs de UP sont à leur parti- recherche d’actions inattendues, internet, qui vit les yeux rivés sur des tion ce que les chevaux sont à la sert en effet de tremplin à de véri- écrans en tous genres. Forts de ce puissance d’un moteur. À la question tables interactions entre les dan- constat, et notamment des consé- « Pourquoi six hommes ? », Mike et seurs, mais aussi entre eux et les quences qu’un tel comportement József répondent simplement « La spectateurs. Pour accentuer cette génère sur la posture du corps, de pièce aurait pu être écrite pour six proximité de manière immédiate et plus en plus courbé sur lui-même, femmes. L’important étant de réunir faire ressentir au public le potentiel les yeux focalisés sur une surface six fois les mêmes capacités de ro- énergique qui les anime, ils rompent restreinte, József Trefeli et Mike Win- bustesse. » Dans UP, l’énergie mas- le rapport scène-gradins et dépla- ter présentent un spectacle salva- culine explose entre risque et réac- cent l’assise tout autour d’eux sur le teur. Les deux chorégraphes, dési- tion. L’écriture chorégraphique de plateau. La direction est claire, l’invi- reux de créer une pièce qui s’ouvre József Trefeli et de Mike Winter joue tation déclarée : l’œil pétillant et es- vers l’extérieur, ont invité six dan- des contrastes et des effets de sur- piègle, József Trefeli et Mike Winter seurs prêts à défier la gravité en ef- prise. La tension entre apesanteur et espèrent bien que le public se re- fectuant des portés virtuoses et ori- élévation est à son paroxysme. Ils dressera avec eux, au sens propre et ginaux. L’espace est tracé : une explorent et combinent toutes les figuré, transporté par un même élan orientation verticale pointée vers le gammes de portés possibles, dans d’enthousiasme : UP ! haut. UP. Le ton est donné, une seule une esthétique de mouvements Cécile Simonet
18 à l’affiche / journal de l’adc n° 64 / septembre — décembre 2014 /19 D iffraction est une De six soli à PP6 de manière lente et parfois anthro- œuvre évolutive de Puis les interprètes des solis ont été pomorphisée, lorsque les spots Cindy Van Acker. invités dans une première mise en viennent regarder le public au-delà Non seulement elle rythme et en espace appelée Pièce de la limite scène-salle. Et puis c’est s’est construite par pour six (PP6) et consignée sur par- une machine à néons blancs, qui Diffraction étapes, mais la chorégraphe conti- tition. On sait que certaines pièces obéit aussi à une partition de mou- nue à en modeler la matière. L’artiste de Cindy van Acker sont comman- vements : la même que les danseurs — du 29 octobre au 2 novembre — flamande installée à Genève a pris dées par écrit, dictées par une gra- pour la partie PP6. un chemin buissonnier et patient phie qui n’obéit à aucun des sys- En 2013, la pièce recevait le prix suisse pour construire cette pièce de tèmes de notations de danse De Diffraction à Diffraction groupe : de 2008 à 2009, elle a existants : lorsque la chorégraphe a Cette première version de Diffrac- de la chorégraphie. Cindy van Acker, d’abord travaillé six soli avec six in- besoin d’une écriture sur papier, elle tion a été retravaillée par la choré- terprètes différents, pour entrer l’invente, elle produit son propre al- graphe pour lier encore davantage infiniment patiente, affûte encore dans les potentialités, les rythmes, phabet et sa propre grammaire, pro- ces neuf tubes fluorescents à la réa- les lignes, les intériorités et extério- duisant ainsi de passionnants proto- lité des corps sur le plateau. Tout a ce fascinant opus rités de chacun, chacune. Se sont coles ad hoc. Ici, il s’agit de rendre été repris pour que les danseurs et ainsi succédées des compositions une phrase rythmique de 11 temps à leurs ombres puissent influer sur le aux noms aussi courts qu’électri- 33 beats par minute, qui évolue tout déplacement des néons, et qu’ils fiants : Obvie dansé par Tamara Bac- au long de PP6. Et pour tenir une gardent en quelque sorte la main sur ci, Lanx dansé par Cindy Van Acker, exécution rythmique au cordeau, les la machine. L’effet en est moins ro- Obtus dansé par Marthe Krumme- interprètes portent un petit métro- botique, beaucoup plus organique, nacher, Nixe dansé par Perrine Valli, nome dans l’oreille. comme d’un pas de deux très fluide Repères biographiques Salle des Eaux-Vives Nodal dansé par Pascal Gravat et et presque sensuel entre danseuses Le parcours de Cindy Van Acker est 82-84 rue des Eaux-Vives marqué par ses collaborations au 1207 Genève Antre dansé par Rudi van Der Merwe. De PP6 à Diffraction et tubes fluos. sein de la Cie Greffe. En 2013, elle Un projet qui prend le temps de Enfin, PP6 a été intégrée dans une Hormis ce déplacement d’in- Du 29 octobre au 2 novembre créée le duo Drift à l’adc. En juillet chercher le mouvement, tout en pro- pièce plus vaste, Diffraction, fluence dans le rapport entre lu- à 20h30 2014, elle est invitée par le festival Samedi à 19h, dimanche à 18h duisant un environnement lumière/ construite autour du comportement mière et corps, hormis cette insis- Expeditie Dansand à Ostende à créer une pièce sur la plage pour scénographie très fort. De facture des ondes lorsqu’elles rencontrent tance à préciser une plus juste Rencontre avec l’équipe artistique cinquante-quatre danseurs de P.A.R.T.S., l’école bruxelloise d’Anne à l’issue de la représentation du chorégraphique plutôt simple, répé- un obstacle. Diffraction est aussi relation, cette pièce reste la même. jeudi 30 octobre Teresa De Keersmaecker. Cela titifs et minimalistes, ces soli l’aboutissement d’un questionne- Elle se vit toujours comme un exal- s’appelait ANECHOIC (voir une Billetterie www.adc-geneve.ch image p. 2). www.ciegreffe.org Service culturel Migros convoquent ainsi le vertige, l’illusion ment de Cindy Van Acker, posé dès tant hommage au chaos progressif, d’optique, le court-circuit corporel. 2008, sur la manière dont la lumière comme un renversant appel à sen- Diffraction On y voit clairement cette qualité dé- peut transformer le mouvement. A sations, via des mouvements sé- (création en 2011 — reprise en 2013) Chorégraphie : Cindy Van Acker Photos : Louise Roy crite par Romeo Castellucci, le met- ce titre, Obtus et Nixe ont amené la riels, logiques, systématiques. Interprètes : Tamara Bacci, teur en scène italien avec qui la cho- chorégraphe au seuil d’une fusion Michèle Pralong Stéphanie Bayle, Carole Garriga, Anne-Lise Brevers, Luca Nava, régraphe travaille régulièrement, presque liquide entre une danseuse Rudi van der Merwe lorsqu’il parle de sa danse : « … ainsi et un environnement de barres fluo- Musique : Mika Vainio, Denis Rollet Scénographie : Victor Roy les trajectoires et les vecteurs de rescentes. De même, dans la pre- Lumière : Luc Gendroz, Victor Roy, mouvement sont-ils tracés dans le mière version de Diffraction, créée à Cindy Van Acker Costumes : VRAC corps, retenant l’énergie comme l’adc en 2011, la lumière est-elle trai- Administration : Aude Seigne dans une marionnette transparente tée comme un septième interprète, Diffusion : Véronique Maréchal / dont les fils seraient tendus à l’inté- une septième réalité chorégraphiée. Tutu Production rieur de la cavité corporelle. C’est Ce sont d’abord des spots svoboda comme si les danseurs étaient en doux et jaunes, montés sur un bras verre car nous réussissons à voir ce articulé capable d’aller trouver et qui les meut de l’intérieur. ». éclairer tous les espaces du plateau
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