ALAIN RESNAIS UN FILM DE A FILM BY - EMMANUELLERIVA EIJIOKADA - TAMASA DISTRIBUTION
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Sommaire Table of content 5 Introduction 6 Introduction Genèse 7 Genesis Anatole Dauman, producteur 8 9 Anatole Dauman, Producer Marguerite Duras, scénariste 10 11 Marguerite Duras, Writer Le Tournage 13 The shoot Correspondance d’Alain Resnais avec Marguerite Duras 14 Alain Resnais’ letters 19 to Marguerite Duras Les carnets de tournages de Sylvette Baudrot, Sylvette Baudrot’s film notebooks, 24 scripte du film script supervisor Photos taken by Emmanuelle Riva Photos de tournage d’Emmanuelle Riva 30 during the film shoot Le Film 35 The Film La sortie en 1959 55 The release in 1959 Hiroshima vu par… 65 Hiroshima seen by… La restauration 67 The restoration L’équipe de restauration 73 The restoration team Fiche technique du film 77 Fact sheet Biographies 79 Biographies Contacts 87 Contacts Remerciements 88 Thanks
Introduction Restaurer Hiroshima mon amour…. Restaurer un film est un acte singulier, qui consiste à redonner vie à une œuvre connue ou oubliée, sans pour autant trahir la volonté de l’auteur. L’exercice est difficile et passionnant, et il est avant tout une leçon d’humilité. Il impose de s’immiscer avec délicatesse dans la vie et le travail de l’auteur pour tenter de saisir ses intentions et ses doutes, ses difficultés et ses satisfactions. Feuilleter ses carnets de tournage, ses notes, ses courriers, ses photos… Tout un chemin pour comprendre le film, avant et pendant la restauration, bien identifier le montage original, réapprendre la lumière ou le grain de l’époque, redécouvrir le son, ou encore mettre le doigt sur certaines imperfections. Avec la combinaison de travaux photochimiques et numériques, tout cela devient possible… à condition de savoir s’arrêter à temps, pour ne pas dénaturer l’œuvre originale. Un long chemin avec une double finalité: restaurer pour montrer le film au plus grand nombre, et préserver les éléments originaux (avec un retour à la pellicule) pour leur assurer une conservation optimale dans un lieu adapté. Parce que ces originaux sont les seuls garants de la pérennité de l’œuvre, au-delà des futurs progrès du numérique. C’est pour toutes ces raisons qu’une restauration est nécessairement le fruit d’un travail collectif, qui permet de mettre en route un projet de longue haleine tout en assumant les doutes et les interroga- tions, qui font aussi toute la saveur de cette expérience. La version restaurée de Hiroshima mon amour est le résultat d’une rencontre formidable entre la société de production du film, deux fondations agissant dans le domaine du patrimoine, une cinéma- thèque de renommée internationale, sans oublier un chef opérateur proche de l’auteur pour veiller sur ce travail. Toute une aventure qui a permis d’entrer dans l’univers du premier long métrage d’Alain Resnais, dans le but de redonner vie, pour longtemps, aux images abîmées par le temps. Hiroshima va pouvoir reprendre sa route dans le monde entier. Première étape à Cannes en mai 2013, puis au festival il Cinema Ritrovato à Bologne sur la Piazza Maggiore, au Festival de la Rochelle… et bien d’autres. Et aussi, capital dans un tel projet, la ressortie en salle dans de nombreux pays dont la France le 17 juillet et l’Italie au deuxième semestre 2013. Car l’idée est bien de faire redécouvrir Hiroshima à tous ceux qui l’ont aimé mais aussi de faire venir de nouveaux spectateurs, vierges de cette expérience. Séverine Wemaere Déléguée générale Fondation Technicolor pour le Patrimoine du Cinéma Gilles Duval Délégué général Fondation Groupama Gan pour le Cinéma 5
Restoring Hiroshima mon amour… Restoring a film is a unique process. It consists of bringing back to life a well-known or forgotten work without betraying the author’s wishes. It is a difficult yet fascinating exercise, but most of all, a lesson in humility. It is essential to penetrate as delicately as possible into the author’s life and work to try and seize his/her intentions and doubts, the difficulties and satisfactions. By looking through a director’s notebooks, remarks, letters, photos… Understanding the film before and during the restoration process is a journey in itself: in identifying the original editing decisions, relearning the lighting or the grain of the film’s period, rediscovering the sound, or pinpointing certain imperfections. By combining photochemical and digital techniques, every- thing becomes possible… providing one knows when to stop, so that the original work isn’t altered. It’s a long journey with a double purpose: to show the film to the largest possible audience and to preserve the original elements (striking new film master elements from the digital restoration) to ensure optimal con- servation in an appropriate place. Those original elements are the only guaranty that the film will survive, beyond future digital progresses. It’s for those reasons that a restoration is inevitably the fruit of team work, a joint effort that enables such a long-term project to get off the ground, while working through doubts and questions, that are also part of the experience’s appeal. The restored version of Hiroshima mon amour is the result of a wonderful collaboration between the film’s production company, two heritage foundations, an internationally renowned Cinematheque and Archives, not forgetting one of the director’s chief cameramen who carefully watched over the whole process. It was an adventure that led us into the world of Alain Resnais’ first feature-length film, bringing images spoilt by the passing of time back to life, for a long time to come. Hiroshima can once again set off on its global journey. There is a first stop in Cannes in May 2013, followed by the Cinema Ritrovato Festival on the Piazza Maggiore in Bologna, then the Film Festival in La Rochelle… among many others. And vital for such a project as this, it will be rereleased in countless cinemas all over the world, starting in France on July 17th and in Italy later on in 2013. We hope that all those who have loved Hiroshima will discover it all over again, and that it will attract new audiences who have never lived the experience. Séverine Wemaere Managing Director Fondation Technicolor pour le Patrimoine du Cinéma Gilles Duval Managing Director Fondation Groupama Gan pour le Cinéma 6
Genèse Genesis Deux ans après l’audacieuse aventure de Nuit et Brouillard, film très controversé à l’époque, un projet de documentaire sur les horreurs de la guerre rapproche à nouveau Alain Resnais et Argos Films. Cette dernière, forte d’un accord avec une société de production au Japon, propose au cinéaste de réaliser un film sur Hiroshima. Alain Resnais, hésitant tout d’abord à traiter d’une autre grande tragédie du XXe siècle, s’attaque cependant au visionnage des nombreux documentaires produits jusqu’alors sur cette catastrophe nucléaire. Il en déduit que la seule nouvelle approche possible serait d’évoquer ce sujet sous un angle plus universel en tournant dans le monde entier, ce qui n’etait aucunement envisageable par ses co- producteurs. Après quelques mois une nouvelle idée s’impose, le projet de documentaire sur les désastres d’Hiroshima deviendrait un long métrage de fiction. En quête de scénariste, le réalisateur, préconisant la plume des romanciers, propose Françoise Sagan (Otto Preminger venait de tourner Bonjour Tristesse). Celle-ci ne donnera pas suite. Alain Resnais rencontre Marguerite Duras (dont Moderato cantabile vient d’être publié) qui connaîtra avec Hiroshima sa première expérience cinématographique. Two years after their daring collaboration on Nuit et Brouillard, a very controversial film at the time, it is again a documentary about the horrors of war which brings Alain Resnais and Argos Films back together. The latter, relying on financing from a production company in Japan, asks the director to consider directing a film about Hiroshima. Alain Resnais is at first reluctant to delve into yet another 20th century great tragedy but decides nonetheless to watch the numerous documentaries produced to date on that subject. These viewings lead him to the conclusion that the only new approach possible would be to extrapolate on the universality of the subject matter and shoot his film all over the world, a prospect his co-producers could not possibly consider. After several months, a new idea arises, the documentary project about Hiroshima’s disasters would take the form of a feature-length fiction film. In search of a screenwriter, the director, seeking the collaboration of novelists, suggests Francoise Sagan (Otto Preminger’s Bonjour Tristesse had recently been released). She did not show up for the first meeting, thus the screenwriting task befell Marguerite Duras, who had just published Moderato cantabile and whom Resnais had just met. This was to become her first film experience 7
Anatole Dauman (1925-1998), producteur d’Hiroshima mon amour Producteur, distributeur, exportateur de films. Anatole Dauman fonde à 24 ans la société Argos Films qui produira tout d’abord des courts métrages et des documentaires dont les plus célèbres demeurent Nuit et brouillard et La Jetée. Avec ses longs métrages de Rouch, Marker, Resnais, Bresson, Godard, Oshima, Schlöndorff, Tarkovski et Wenders, Argos Films représente l’une des plus importantes collections indépendantes de films de patrimoine. Extraits de la biographie d’Anatole Dauman, Souvenir-Ecran, Jacques Gerber -Editions Centre Georges Pompidou, 1989 8
Anatole Dauman (1925-1998), producer of Hiroshima mon amour Producer and distributor. Anatole Dauman starts his company Argos Films at age 24. Beginning with shorts and documentaries, among which Night and Fog and La Jetee. Argos Films will continue with daring features by directors such as Rouch, Marker, Resnais, Bresson, Godard, Oshima, Schlöndorff, Tarkovski and Wenders. One day, in 1957, Resnais found a way to making everything he wanted to convey to the Japanese feature-length films via an unusual detour. I had actors and crew. It was a miracle of courtesy! suggested making a film to Mr Nagata, the presi- When she heard the good news, Marguerite Duras dent of DAIEI, a powerful Japanese film company clapped her hands and swept me into a much with a subsidiary office in France, Pathé Overseas. welcome sense of elation. The project was an official coproduction for a What kind of film had Resnais brought back from documentary about the Hiroshima bomb. The Japan? At that stage, I still had no idea as instead original title summed up the subject in one word: of looking at the rushes, I preferred to wait for Pikadon (Japanese for the “flash” of a nuclear that emotional experience when you see the explosion). Months went by and Resnais was still rough cut. uninspired. We started to have second thoughts about the scale of the adventure, when suddenly After the screening of the first release print, I he got the idea to show Japan through the eyes mischievously whispered: We’ve already seen of a woman. A fictional work submerged the that in Citizen Kane, a non-chronological film Pikadon project. Contracts were signed. All that going back in time.” He replied: “Yes. But in my was left to do was to write the screenplay. But by film, it’s disorderly.” And it’s true that Hiroshima whom? I thought of a newcomer to the world of broke from the classic structure of cinematic literature and cinema: Marguerite Duras. We soon narrative and subjected it to the play of affective reached an agreement, and as she looked at her memory, which François-Régis Bastide summed triumphant signature at the bottom of the page, up: “The past becomes the present indicative so Marguerite quipped: “It might not be an abso- as to better capture the future.” From then on, lute fortune but it’s a fortune to me. I have my cinema as we knew it had changed. Audiences freedom!” She wrote the screenplay and dialogue all over the world were bowled over by this film. in just two months. Then the time came for Alain The text definitely had something to do with the Resnais to fly to Japan, alone, leaving the script general emotion. Resnais respected the screen- supervisor and his lead actress, Emmanuelle writer’s work to such a point, he used a stopwatch Riva, behind. I can still see myself standing by the to synchronise the tempo of his tracking shots to plane at Orly airport. With a firm handshake as he the moderato cantabile rhythm of the Durassian embarked, Resnais confided: “I’m going there to sentence. But I feel the film’s strength basically find out that this is an impossible film to make, derives from its mise en scene and its skilful edit- simply impossible.” ing. At the risk of offending his modesty, I declare that Alain Resnais is well and truly the real author In Japan, both on location and in the studio, Alain of his films and that, although working with dif- Resnais’ authority took everyone by surprise. ferent screenplays and writers, he addresses us Even though he couldn’t speak the language, he exclusively in his own unique style.” managed to communicate down to the last detail Excerpts from Anatole Dauman’s biography, Souvenir-Ecran, Jacques Gerber -Editions Centre Georges Pompidou, 1989 9
Marguerite Duras (1914-1996), scénariste du film 10
Marguerite Duras (1914-1996), screenwriter of the film Resnais works like a novelist… Marguerite Duras : We did two kinds of continuity for Hiroshima mon amour. One was the actual continuity of the film. The other was what we might call a subterranean continuity. Before the shoot, Resnais wanted to know everything about the story he was going to tell, but also the story he wouldn’t tell: that of the characters. He wanted to know everything about them: their youth, their lives before the film and, to a certain point, their future after the film. So I wrote biographies for each character. And from those biographies, Resnais approached them with the camera as if translating in images the continuation of a film that already existed about their previous lives. Once that was done, once the characters’ social and psychological details were established, once the characters had been defined, both in their past and future, Resnais demanded that the interest we had in them be clearly established. That was another layer that came from the film’s subterranean continuity. Filmmakers usually wonder whether the story they’re going to tell will interest the audience. Not Resnais. Resnais wondered whether he himself would be interested in the story he was going to tell. We saw each other every day, and every day Resnais told me where he was up to, whether he was happy or not with the way the story was developing. Not once did I hear him talk about what might please or displease his film’s future audience. Resnais knows exactly what he wants to do, and how and why. Before knowing and working with him, I couldn’t imagine that a filmmaker could be so “alone”. Resnais works like a novelist. As well as imagining the characters’ social details, justifying the story, etc. Resnais also asked me to give him a sort of pre-commentary of the images that would illustrate the story. “Tell me how she sees Nevers when she remembers it. Tell me how she sees the marble roll into the cellar,” Resnais would say. So we imagined how she would remember Nevers from the other side of the world. And how the lost marble rolled into the cellar in that invented Nevers. The work I did on the film’s subterranean continuity is at least as important as the work I did on the actual continuity. What is shown on the screen contains what isn’t shown. Why? Because by showing only one aspect of something, out of a potential of hundred aspects, Resnais wanted to be aware of his “shortcoming ” of only being able to show only one aspect. I think he has always referred to that trauma, it’s obviously unavoidable … Resnais knew what he wanted: he would provoke me and I would respond to him on his terms… Source: Image et son n°128 11
Le Tournage The shoot Le tournage du film se déroule au Japon à partir de septembre 1958, à Hiroshima ainsi qu’à Tokyo pour certaines parties en studio, puis en France à Nevers en décembre 1958. Alain Resnais se rend au Japon plusieurs semaines avant le début du tournage pour terminer les repérages et surtout le casting. Durant cette période, il correspond régulièrement avec Marguerite Duras. L’actrice principale Emmanuelle Riva et la scripte Sylvette Baudrot font le voyage ensemble au Japon pour rejoindre Alain Resnais qui les accueille le 15 août à Tokyo. Elles y restent une quinzaine de jours pendant qu’Alain Resnais termine ses repérages. C’est là qu’elles rencontrent pour la première fois l’acteur japonais Eiji Okada. Toutes deux y achètent un appareil photo, Sylvette Baudrot un Mamiyaflex et Emmanuelle Riva un Ricohflex. Elles prendront chacune de leur côté des clichés tout au long de leur séjour au Japon, passionnant témoignage de ce tournage. On retrouve ces clichés dans les carnets de tournage de Sylvette Baudrot et ceux d’Emmanuelle Riva dans un ouvrage qui paraîtra beaucoup plus tard, en 2009. Elles se rendent en train le 29 août à Hiroshima et rejoignent l’équipe du film. Le tournage démarre le 8 septembre. The shoot began in Hiroshima, in Japan, during September 1958, with some scenes being shot in the studio in Tokyo. The scenes shot in Nevers, France, started in December 1958. Alain Resnais went to Japan several weeks before the beginning of the shoot to scout for locations, but especially for the casting. During that period, he corresponded regularly with Marguerite Duras. The lead actress, Emmanuelle Riva, and the script supervisor, Sylvette Baudrot, went together to Japan on the 15th August to join Alain Resnais. They stayed there for a couple of weeks whilst Alain Resnais finished looking for film locations. That is when they first met the Japanese actor, Eiji Okada. Whilst in Japan, Sylvette Baudrot bought a Mamiyaflex camera and Emmanuelle Riva, a Ricohflex. During their stay, they both took photos, which have become a fascinating chronicle of the film. Sylvette Baudrot’s photos were published in her carnets de tournage, a film shoot journal, and Emmanuelle Riva’s came out in a book published in 2009. On the 29th August, they took a train to Hiroshima to join the rest of the film crew. The shoot began on the 8th September. 13
Alain Resnais à Marguerite Duras : Correspondance août 1958 (Extraits) Afin de commencer les repérages et choisir son acteur principal, Alain Resnais doit s’envoler pour le Japon et ce, avant que le scénario ne soit achevé. Il écrit régulièrement à Marguerite Duras pour lui livrer ses impressions détaillées accompagnées de photos qu’il prend au fur et à mesure de ses découvertes des lieux de tournage. En retour, elle lui fait parvenir ses propositions de continuité et quelques bandes magnétiques sur lesquelles elle a enregistré le moderato cantabile de la phrase durassienne. L’intégralité des lettres d’Alain Resnais, remises par Jean Mascolo à l’I.M.E.C. (Institut Mémoire de l’Edition Contemporaine) où elles sont conservées, ont été reproduites en fac-similé dans le livret du DVD de Hiroshima mon amour co-édité par Arte France Développement et Argos Films, et ont été publiées par les Editions Gallimard au sein de l’ouvrage « Tu n’as rien vu à Hiroshima ». Nous vous en livrons quelques extraits qui témoignent de l’étroite et amicale collaboration des deux auteurs. Dimanche 3 août. Aube (1958) Oui, je disais donc : j’ai été à Hiroshima. J’ai bien trouvé : l’Hôtel. C’est le « New Hiroshima Hotel ». C’est Chère Margrot Dora, (comme écrit le « Japan Times) le seul où la Française peut habiter d’une manière vraisemblable. Il donne à la fois sur le Musée, la place (…)Ce qui paraît le plus affoler les producteurs japonais, de le Paix, le Cénotaphe et au loin on voit le dôme c’est notre désir de tourner à Hiroshima même et du Palais de l’Industrie. Les chambres du premier dans des lieux réels. Cela pose il est vrai des problèmes étage sont entourées à l’extérieur d’une espèce de particuliers : on ne peut tourner dans une gare car plateforme en béton sur laquelle Riva peut prendre cela pourrait gêner les voyageurs. On ne peut tourner son café. Cette plateforme donne sur un parc un peu dans un hôtel car cela pourrait gêner les clients. On ne macabre, où des gens dorment la nuit et où passent peut tourner dans les rues la nuit car cela dérange les de nombreux cyclistes (mais deux par deux, pas en gangsters. Ce qui ne veut pas dire qu’on n’y arrivera essaim). Toujours de cette plateforme, on aperçoit le pas. fleuve et un pont. L’Hôtel ne comporte pas d’ascenseur *** mais d’admirables escaliers. Il y a aussi un bar mais qui Parmi toutes les choses qu’on nous avait racontées, ferme à dix heures du soir. certaines sont vraies, d’autres fausses, bien sûr. Ainsi : un Européen ne peut pas aimer la cuisine japonaise, Les chambres comportent deux ou un lit. Une salle laquelle d’ailleurs ne vaut rien. Faux. Jamais je n’ai été à de bain, mais tout à fait internationale qu’elle est, la pareille fête culinairement. Tokyo est très américanisé. baignoire. Devant l’Hôtel, c’est calme. Il y a seulement Tout est bilingue. Faux. Il y a vingt pancartes de rues des taxis qui viennent prendre les voyageurs. Mais pour toute la ville et le plan du métro est entièrement rien ne nous empêche d’inventer deux Japonais se en caractères japonais (ce qui rend son emploi poursuivant à scooter ou un hélicoptère très bruyant incroyablement délicat). Il n’y a pas de cafés au Japon. qui décolle et se pose sans arrêt sur la Place. (Je l’ai vu Particulièrement faux. Il n’y a même que ça. Bien plus et entendu pendant tout mon séjour.) que de bistrots en France. La vie nocturne continue toute la nuit à Tokyo. Faux. Les boites de nuit ouvrent à J’ai trouvé l’Hôpital et ses malades. Et les cartes de six heures du soir et ferment à minuit. A une heure du souffrance. Et les ruines des temples sur la colline, matin tout le monde est couché. Tokyo est la capitale et l’herbe qui repousse mal et les boutiques aux la plus bruyante du monde. Faux. Rome l’est quatre fois souvenirs, et les gens qui se font photographier devant plus. Tokyo est la capitale du néon. Vrai. L’incroyable le Cénotaphe, et les pierres grillées, et une ombre politesse japonaise dans les rapports commerciaux. (très vague) et le marché aux poissons, et une veuve Peut-être vrai, mais c’est indiscernable pour moi. directrice de restaurant, et trois ou quatre fourmis, et Dauman l’est vingt fois plus (poli). Les femmes rient l’autobus qui fait visiter la ville (mais c’est une guide et tout le temps, les hommes jamais. Vrai. il y a très peu de touristes) et la tasse de café le matin, et les ponts et les innombrables canaux. *** J’ai été à Hiroshima. 14
Et puis encore, en plus, la fondation Moriss où se notre film sous prétexte que nous avons choisi Okada réunissent les rescapés. Et les arbres replantés qui comme acteur, alors qu’il est communiste notoire ! Et paraissent ne pas pouvoir repousser. Et les pierres d’un que nous sommes tous des « reds ». J’ai rendez-vous temple à côté de celui-ci reconstruit en ciment armé. avec Okada demain. J’attends ce moment avec une Et des milliers de lotus qui ont remplacé les pièces curiosité manifeste. Pas vous ? d’eau où vivaient des carpes géantes avant le 6 août. Et un orphelinat où grandissent une dizaine d’enfants. Et Adressez mon amical souvenir à Dyonis Mascolo. une mairie à la façade brune, pelée. *** A Hiroshima, j’ai trouvé la maison qui pourrait être celle J’arrête pour aller déjeuner. Un temps. d’Okada. Elle est assez plaisante, car elle fait très villa *** de Neauphle. Et ne possède pas le moindre pittoresque. Dès mon débarquement j’ai demandé à voir un film *** d’Okada. On m’a déconseillé d’aller voir celui qu’on Pour la commémoration du 6 août, il n’y a pas de donnait à Tokyo car c’était dans un cinéma trop éloigné défilé d’aucune sorte. La population d’Hiroshima se et trop louche. Devant mon insistance après un voyage rassemble simplement sur la place de la Paix. Il y a de près d’une demi-heure en taxi (comme vous le des discours et des colombes. C’est tout. Je vais donc savez, il n’y a pas de noms de rue et le chauffeur est voir avec un décorateur si on peut inventer avec les obligé toutes les cinq minutes de descendre faire une moyens du bord un faux défilé qui serait, soit inventé enquête pour savoir s’il est dans la bonne direction) par les réalisateurs du film, soit un défilé folklorique nous sommes arrivés dans un village où, dans une d’Hiroshima (il y a trois festivals à Hiroshima : au salle remplie à craquer (il y avait même un jeune printemps, en août, en novembre). Réunir la figuration garçon installé sur la scène, c’est-à-dire dans l’écran nécessaire pour ce défilé parait impossible. Manque de qui, de temps à autre, allait chatouiller le visage des yens. Mais là encore je ne veux pas être pessimiste. comédiens de ses doigts sans que le public manifeste *** la moindre désapprobation) j’ai pu enfin voir apparaître Le 6 août les enfants n’étaient pas à Hiroshima notre héros en civil. Depuis, je l’ai vu dans deux autres en général. Les bombardements répétés avaient productions. (Au Japon, paraît-il, on ne conserve pas contraints les écoles à se replier dans la campagne. les films. Il est donc très difficile de se faire projeter une production ancienne.) De cette triple expérience Le café au bord du fleuve existe bien. Il y en a Okada me semble bien sortir vainqueur. Ouf ! Défauts : même deux. Les tables et les sièges correspondent il est petit, un peu trapu, les mains et la démarche exactement à la mise en scène que nous souhaitons. sont sans beauté particulière. Qualités : le regard est Pour des raisons de commodité, je tournerai sans intelligent, le jeu très varié et précis (un peu style doute la scène en studio. Pas vu de juke-box, mais John Garfield), le sourire, très sympa, il gifle très bien, comme il y en a paraît-il beaucoup au Japon on peut en sait embrasser « western-style ». Il a énormément ajouter un sans scrupules. De toutes façons, tous les d’intensité contenue et peut brusquement éclater. bars sont équipés de pick-up avec petits haut-parleurs Il rit et se marre très bien. Il sait aussi avoir l’air au-dessus des tables. On boit du café ou du thé glacé, extrêmement tendre et pathétique. Les deux profils plus rarement du saké (qui est devenu mon vin, alcool sont bons et il ne présente que rarement cette espèce préféré), de la bière et du whisky. de mollesse de la joue qui nous avait inquiétés à Paris. Autre bon point, c’est un acteur qui fait surtout du *** théâtre. Dans les rues de Tokyo, j’ai bien entendu, Il y a beaucoup de boîtes de nuit. Dont trois immenses. regardé tous les visages. Un seul m’a paru convenir à L’une d’elles « Le Casablanca » me paraît très bien votre personnage. Or il était du type Okada. J’ai été voir convenir. Faux rochers, faux palmiers en alkathène, jouer Mori Miki dont le visage vous avait séduite sur le cascades, jets d’eau, petites passerelles qui enjambent calendrier la semaine dernière. Il est très beau, mais des cours d’eau avec poissons rouges, etc. Mais deux paraît avoir un jeu inexpérimenté […]. On ne l’imagine problèmes. Le premier : il faudra payer une redevance guère poursuivant Riva avec un tel acharnement. aux « racketeers » du coin si l’on veut tourner. Le Une nuit doit lui suffire. Physiquement il aurait été un second plus grave : comme toutes les boites, elle parfait Joseph du « Barrage ». J’ai vu aussi Akutagawa, ferme à minuit. Donc impossible d’y voir se lever l’aube. le fils du romancier qui se suicide. Il est fin mais a je C’est dommage car son toit est en matière plastique ne sais quoi de malsain qui ne collerait pas non plus. transparente et l’aspect du décor doit devenir J’ai regardé une trentaine de photos d’acteurs divers. absolument innommable-admirable au lever du jour. Aucun ne me paraît convenir. Restent, bien sûr, les Je vais donc voir avec les Japonais si on peut faire une inconnus ! Mais ça, ça me paraît trop dangereux étant entorse à la vérité sur ce point. donné le peu de temps autorisé pour le tournage. Détail *** marrant : on attaque hier dans le journal corporatif 15
La Gare porte en lettres au néon les mots « Hiroshima une certaine dureté à ses « Non », ce qui ne serait pas Station » qui se détachent très nettement sur le ciel. mauvais. La salle d’attente, le hall plus exactement, est tout à fait conforme à ce qu’on pouvait souhaiter. Un peu En analysant la continuité du 26 juillet, j’ai trouvé un plus animé que prévu, mais ce n’est pas un mal. De total de 357 plans à tourner ici ! Hâte de connaître le nombreuses familles y passent la nuit à dormir (ainsi résultat du devis. que sur la pelouse qui est devant la Gare). C’est très *** éclairé, la buvette reste ouverte en permanence ainsi On m’apporte une enveloppe de Paris. C’est votre que les marchands de gâteaux et le kiosque à journaux. nouvelle continuité. Merci. J’arrête donc brutalement Le tout est assez cauchemardeux. Dommage qu’on ne cet essai de correspondance. Je vais me mettre puisse pas y tourner vraiment. J’espère trouver aussi au travail tout de suite. Donnez-moi beaucoup de bien près de Tokyo (dans une gare désaffectée). nouvelles. *** La place de la Gare à l’aube avec ses enseignes au néon Affectueusement : éteintes est proprement hallucinante. Alain *** Une nuit, m’identifiant consciencieusement à votre P-S : Voici les premières photos prises par moi à héroïne, je me suis levé à trois heures et demie du Hiroshima matin et j’ai été de l’Hôtel à la Gare en passant par *** le café, la place de la Paix, le quartier des boîtes, le Déjà Mercredi, déjà le 6 août ! Palais de l’Industrie, etc. En errant ainsi, je n’ai pu m’empêcher de penser que « c’était pas tous les Comme vous pouvez le voir de vos propres yeux, j’ai jours ». J’ai noté beaucoup de bruits intéressants réellement rencontré Okada Eiji. Rassurez-vous, il qui vont servir dans le film. Particulièrement l’appel ne ressemble pas du tout à cette image (pas plus mélancolique (style un peu cornemuse) du marchand que moi j’espère !). Rien à ajouter à ce que je vous ai de nouilles. écrit Dimanche sur lui. Qualités et défauts sont bien *** ceux prévus. S’il peut jouer le rôle avec les regards, Avez-vous une idée sur la teinte du complet de Okada les gestes, les rires et les jeux de physionomie qu’il a dans le film ? utilisés au cours de notre entretien, c’est gagné pour nous. Je peux ajouter qu’il paraît d’un commerce très *** agréable et dégage beaucoup de chaleur humaine. Il A Hiroshima on peut aussi louer de petites barques et veut même essayer de prononcer le rôle en français. se laisser descendre vers le Pacifique. Mais je crois qu’il En tout cas ce sera dommage de le doubler car sa voix y a avantage à ne pas quitter le café du fleuve pendant est très belle. Samedi, il nous donnera sa réponse après tout le IV afin d’accentuer le côté théâtre. lecture du scénario. Comme dates de tournage il n’y a *** pas de problèmes pour lui. J’ai vu le Musée à Hiroshima. Il y a tout un côté barreaux *** de prison qui est exploitable. Les mannequins ne Continuant à appliquer ma technique du désordre je sont pas en cire, mais en carton bouilli (ce sont des passe brusquement, sans la moindre transition, sans le mannequins de grands magasins) et se trouvent moindre enchainé (ON COUPE) au résultat de la lecture placées dans des vitrines. Mais on doit pouvoir modifier de votre continuité du « 26 juillet ». Je prends quand un peu la phrase sur le touriste. même le temps de vous féliciter de votre travail et du *** soin que vous avez apporté à fusiller les lièvres. Je crois J’aimerais bien savoir ce qu’ont donné vos entretiens qu’il n’en reste plus beaucoup à massacrer. avec Riva et Baudrot. Est-ce que Riva a commencé à apprendre son texte par cœur ? Bon. « Starti » comme on dit ici. *** *** On ne sait pas encore si Okada jouera en japonais. PREMIER ACTE Certains disent qu’il serait incapable d’apprendre le texte français. Demain on saura. Montrer Riva dans l’hôpital et ailleurs peut nous *** coûter dans les 800 000 yens. Je crois avantageux de Riva pourrait-elle se maquiller elle-même, pour transporter cet argent dans la scène du café du fleuve, le film, dans la chambre d’hôtel sans que ce soit par exemple, ou le défilé. invraisemblable ? Ca aiderait bien la mise en place (encore que pas très neuf). Et puis ça pourrait donner Page 3. A Hiroshima, il y a peu de touristes, peu d’acheteurs de souvenirs. Je vous propose donc de 16
jouer sur cette absence. Et d’ajouter un adjectif ou une Page 12. Je ne sais pas encore si des salles de bains phrase là-dessus. japonaises existent mais je crois qu’on pourrait leur faire prendre une douche ensemble. Ce serait peut- Page 4. On ne peut toucher les mannequins puisqu’ils être meilleur car moins « couleur locale », non ? sont dans des vitrines. Pourrait-elle dire soit qu’on a mis ces mannequins sous verre pour empêcher les Page 22. Si on remplaçait « quinze jours » par « un touristes de les toucher, soit « Certains font le geste de mois » et « France » par « Paris » ? (veulent, essayent) toucher la cire » ? *** Page 9. En août 1945, un Japonais était forcément QUATRIEME ACTE (Génial) mobilisé. Il doit donc répondre quelque chose dans le Page 40. Je me demande si la répétition de « Nevers » genre de « Je faisais la guerre. J’étais soldat » ou « On quand elle boit (« Nevers » au lieu de « là ») n’était pas m’avait arrêté ». De toute façon, ça enchaine plutôt une bonne chose. Vous ? mieux avec la réplique qui suit. Page 45. Je trouve la tonte à la tondeuse de coiffeur Page 9 et 10. Je ne sais pas encore si je supprime peut être plus impressionnante comme image. Plus là les allusions au film mais j’aimerais bien avoir véridique sûrement. Mais là n’est pas la question. en réserve deux ou trois répliques dans le sens de : Qu’avez-vous su sur le rasoir et son emploi ? « J’étais à Tokyo. Une tournée théâtrale. On cherchait une Européenne ! » Page 52. La réplique sur la France me paraît encore *** ambiguë. Ne pourrais-je en avoir une autre plus Depuis Dimanche on se bat pour essayer de sortir des catégorique de rechange. Ce serait tout de même trop mains de la douane votre voix sur « magnetic tape ». bête d’être compris exactement dans l’autre sens ! Dieu sait pourtant que j’ai hâte de l’entendre, votre voix ! Page 52. Commençant à dix-huit heures, la vie *** nocturne s’arrête à vingt-trois heures au Japon. Il J’attends toujours de connaître le devis réel du film. faudrait donc un peu modifier. Les enseignes au néon, Remarquez que les discussions entre les différents elles, marchent presque toute la nuit. Certaines ne producteurs du film ne sont pas sans rapport avec les s’éteignent qu’à l’aube. dialogues de Raymond Roussel. Ce qui explique bien des choses. On me dit aussi qu’en japonais il n’existe aucun A un moment peut-être peut-elle dire une phrase mot pour dire oui ou non. dans le genre « J’aime marcher la nuit dans les villes étrangères en suivant les lumières » ou sans préciser *** « J’aime les villes où le soir tout le monde marche dans DEUXIEME ACTE la rue ». Page 17. Pourriez-vous ajouter quelque chose à « De Il n’y a pas de canots à moteur sur le fleuve, mais des la politique » ? Dans le genre de : « De l’architecture… et espèces de péniches au moteur sourd et très lent. Très puis surtout, de la politique. » Je suis certain désormais beau. qu’il n’est pas ingénieur. Prêtre défroqué à la rigueur… *** *** Page 18. Y aurait-il pas avantage à coller les CINQUIEME ACTE (Emouvant) ou (Bouleversant) répliques sur le film qu’elle tourne avant celles sur la Page 55. Ne serait-il pas possible de simplifier les cinq politique, de façon à les synchroniser avec le costume premières lignes (sur la durée du temps, etc.) au cas où d’infirmière ou le maquillage ? Etes-vous d’accord pour Riva n’arriverait pas à les dire bien ? qu’elle se maquille elle-même ? Je crois que toute la dernière scène y gagnerait, y compris leur fou rire. Et Reste la scène « optionable ». Boîte de nuit, café de la puis si elle est maquillée elle peut, soit ne pas se laisser Gare, ou bar de l’Hôtel. Si nous utilisons un voyageur embrasser, soit laisser des traces de rouge sur son ou un patron du café ou le propriétaire de l’Hôtel, il me bras à lui, soit donner à son visage à elle quelque chose faudrait un petit choix de répliques pour le dialogue d’un peu inquiétant. A tout hasard j’aimerais bien avoir anglais. une réplique d’Okada genre « Tu te maquilles toi- même ? » Riva « Oui. J’aime mieux. Ca me …………………….. » Devant la Gare, il y a une pelouse où des gens dorment entassés, allongés sur de vieux journaux. Peut-être cela Reste que la réplique sur la vie utile et inutile est peut nourrir quelques phrases du monologue intérieur encore trop lourde, trop longue. Pourtant, je voudrais de Riva. Ou faire se dérouler là, la scène de la place de bien garder celle de l’arbre. la Paix. 17
*** enlève toute spontanéité à mes indications) n’existait Pour ne pas manquer le départ du courrier, je ne vous pas je serais tout à fait tranquille de ce côté-là. J’avoue parlerai pas dans cette enveloppe de l’acte trois. Ce quand même que c’est miraculeux d’être tombé sur un sera pour demain matin. comédien qui vous connaissait déjà de nom, qui a joué (au théâtre) Tchekhov, Strindberg, Maxwell Anderson, *** Saroyan, Tennessee Williams, Roger Vailland , et qui nous pose des colles sur les théories de Sartre sur le Mercredi 20 août. Nuit. roman. Je ne sais pas encore si on va pouvoir utiliser J’ai achevé samedi dernier le découpage du film. sa véritable voix, mais il fait chaque jour de tels progrès J’aboutis à 480 plans y compris les documents que la question va sans doute se poser. Riva est ravie d’actualité et Nevers. Une semaine juste pour établir de l’avoir pour partenaire. un découpage c’est, évidemment, parfaitement *** déraisonnable, pas moins sans doute d’écrire un Mardi 26 août. scénario en deux mois ou envisager de tourner la partie Hiroshima en un mois. Mais je me dis que c’était Aujourd’hui grand drame à la production. Le devis a été ça ou rien. Alors … L’étroitesse du devis dans lequel établi. Il dépasse du tiers la somme de yens dont nous nous devons vivre m’a poussé à faire quelque chose devions disposer. Les propos amers que vous imaginez de très simple et je me suis refusé à toute acrobatie ont été comme il se doit échangés. Ca faisait très technique. Je n’oublierai pas ces étranges journées vrai film. Après avoir étudié le problème avec Baudrot passées dans ma chambre en compagnie de votre voix on a décidé de commencer quand même. Même si et de deux poupées articulées en bois chargées de on n’arrive pas à tourner entièrement le film il vaut remplacer Riva et Okada. En un sens ça me rappelait un mieux en ramener le plus de morceaux possibles. Et peu les jours que j’ai passés autrefois dans un couvent peut-être avec un peu de chance… Baudrot a établi de Dominicains. Pas d’extase mystique dans les deux un plan de travail qui va nous permettre de porter les cas ! Mais tout de même très ému par le quatrième « sacrifices » sur le défilé. J’ai souvent dit qu’il valait acte. Puissent les spectateurs … comme on dit. mieux tourner un sujet intéressant sans moyens plutôt *** qu’un « policier » avec un temps de tournage normal. C’était drôlement émouvant et impressionnant pour Me voilà obligé de pratiquer ma morale. Après tout, moi votre lettre magnétophonique. J’ai décidé de me la nous n’avons pas fini le travail sur le scénario à Paris. jouer tous les soirs pendant le tournage. Alors peut-être l’ensemble aura-t-il le charme des esquisses (lesquelles, chacun le sait, valent toujours *** mieux que les tableaux achevés). D’autant plus hâte Je ne saurais pas vous dissimuler que j’attends avec d’être au tournage pour vous voir […] impatience votre réponse à mes deux dernières lettres. Okada est en train de tenter le tour de force A vous, comme à Gérard, je souhaite un beau « voyage d’apprendre par cœur le texte en français afin de au Portugal ». faciliter notre doublage. Tous les changements posent du coup pour lui d’énormes difficultés. Donc, plus tôt Toute mon amitié vous me les enverrez… Je ris en pensant que j’arrive à vous gâcher vos vacances. D’après la description Alain Resnais de Sylvette Baudrot vous aviez pourtant l’air bien rassurée. *** Page 14. Toujours pas satisfait (je suis casse-pieds hein ?) de la réponse à « Qu’est-ce que c’était pour toi Hiroshima ? ». J’aime bien le sens de « C’était loin. Et puis, c’étaient des Jaunes, etc. » mais sous cette forme ça fait trop démonstration. Sans doute faut-il développer, la nourrir plus. *** Page 45. Donnez-moi vite des précisions sur l’emploi du rasoir ou de la tondeuse puisque certaines phrases du texte en dépendent. *** Je termine aujourd’hui les répétitions avec Okada. Je le crois un très bon acteur. Si le problème qui consiste à passer par un interprète pour communiquer (ce qui 18
Alain Resnais to Marguerite Duras : Correspondence August 1958 (Extracts) Alain Resnais had to fly to Japan before the screenplay was even finished to start scouting for film locations and choose his lead male character. He wrote regularly to Marguerite Duras, giving his detailed impressions, and sent photos that he took as he discovered the places he would use in his film. In return, she sent the continuity suggestions she’d been working on and several audio tapes on which she’d recorded moderato cantabile in true Duras style. All of Alain Resnais’ letters, given by Jean Mascolo to I.M.E.C. (The Institute for the Remembrance of Contemporary Publishing) for safekeeping, have been reproduced in facsimile for the DVD’s booklet of Hiroshima mon amour, distributed by Arte France Développement and Argos Films, and have equally been published by Editions Gallimard in the book “You’ve seen nothing of Hiroshima”. Here are a few excerpts which illustrate the close and friendly collaboration between the two authors. Sunday 3rd August. Dawn (1958) realistically staying. It’s overlooking the Museum, the Peace Square, the Memorial and, in the distance, the Dear Margrot Dora (as the “Japan Times” calls you), Dome of the Industrial Promotion Hall. The rooms on the first floor have a kind of concrete balcony outside (…)What seems to terrify the Japanese producers the where Riva can drink her coffee. The balcony overlooks most is our wanting to shoot in the city of Hiroshima a rather gruesome park where people sleep outside at itself and in real locations. It poses some quite specific night and where many cyclists ride by (always in twos, problems: we can’t shoot in a train station as it could never in groups). From that same balcony, we can also bother people travelling. We can’t shoot in a hotel as see the river and a bridge. The Hotel doesn’t have a lift it could bother other clients. We can’t shoot in the but a wonderful flight of stairs. There is also a bar but it streets at night as it could bother the gangsters. But closes at 10 o’clock in the evening. that doesn’t mean we won’t manage to. The rooms have either one or two beds. A bathroom, *** and as it’s quite international, a bath. It’s calm in front Amid everything we’ve been told, some things are of the Hotel. The only cars that draw up are taxis for true and, of course, some are false. For example: a clients. But there’s nothing to stop us from inventing European can’t like Japanese food, which in any case two Japanese scooters chasing one another or an isn’t any good. False. I’ve never experienced such a extremely noisy helicopter taking off and landing in the culinary feast. Tokyo is very Americanised. Everything Square. (I have seen and heard one throughout my stay is bilingual. False. There are only twenty street signs in here). the whole city and the metro map is solely in Japanese characters (meaning it’s rather tricky to use). There I have found the Hospital and its patients. And the aren’t any cafés in Japan. Absolutely false. There are pain management cards. And the temples’ ruins on many more bistros than in France. The Tokyo nightlife the hill, and the grass struggling to grow back and the carries on all night long. False. Nightclubs open at souvenir shops, and the people having their picture six o’clock in the evening and close at midnight. taken in front of the Memorial, and the burnt stones, Everyone’s in bed by one o’clock in the morning. Tokyo and a shadow (very vague) and the fish market, and is the noisiest capital in the world. False. Rome is a widowed restaurant manageress, and three or fourfold noisier. Tokyo is the city of neon lights. True. four ants, and the sight-seeing bus (but the guide’s Japanese shopkeepers are incredibly polite. Maybe, but a woman and there are very few tourists) and the it’s indiscernible to me. Dauman is twentyfold (more morning cup of coffee, and the bridges and the polite). The women laugh all the time, the men never countless canals. do. True. And there’s also The Morris Foundation where survivors *** meet up. And the newly planted trees which don’t I went to Hiroshima. seem to be able to grow. And the stones of a temple Yes, so I was saying: I went to Hiroshima. And I’ve next to the one rebuilt in reinforced concrete. And the found the Hotel. It’s the “New Hiroshima Hotel”. It’s the thousands of lotus flowers which have replaced the only one where we could imagine the French woman ornamental lakes that were full of giant carps before August 6th. And an orphanage where a dozen children 19
are growing up. And a town hall with a brown, peeling *** façade. I’ve found the house in Hiroshima that could be *** Okada’s. It’s rather pleasant, as it reminds me of the I’m taking a break for lunch. A pause. villas in Neauphle. And there’s nothing picturesque about it. *** As soon as I arrived, I asked to see one of Okada’s films. *** I was advised against going to see the one being shown For the commemoration of August 6th, there is no kind in Tokyo because the cinema was too far away and of procession whatsoever. The people of Hiroshima too seedy. However, I insisted, and after a half-hour simply gather together on the Peace Square. There are taxi journey (as you are aware, street name signs are speeches and doves. That’s all. I’m going to ask a set practically non-existent so the taxi driver had to get designer if we can’t manage to come up with some kind out every five minutes to ask around to see if he was of fake procession, that could either be invented by heading in the right direction) we arrived in a village the film’s directors, or we could use one of Hiroshima’s where, in a packed cinema (there was even a small traditional processions (there are three festivals boy sitting on the stage, yes, right in front of the in Hiroshima: in spring, in August and in November). screen and who, from time to time, went to tickle the Getting enough extras together for a procession seems actors’ faces without raising the slightest objection impossible. Lack of yens. But again, I don’t want to from the audience) I finally managed to see our hero seem pessimistic. out of uniform. Since then, I’ve seen him in two other *** films. (Apparently, in Japan, they don’t keep films, so In general, children weren’t in Hiroshima on August it’s very difficult to screen an old film). I feel Okada 6th. Repeated bombings had forced schools into the emerges from this triple experience victorious. Phew! countryside. Faults: he’s small, rather stocky, his hands and gait are There really is a riverside café. There are even two. The somewhat nondescript. Qualities: he has an intelligent tables and chairs even correspond exactly to the mise- look in his eyes, his acting is varied and precise (his en-scène we want. For convenience sake, I’ll probably style’s a little like John Garfield’s), his smile, very nice, shoot the scene in the studio. I haven’t spotted a juke- he knows how to slap someone in the face, and can kiss box yet, but apparently there are lots in Japan, so we “western-style”. He has a lot of restrained intensity and don’t need to have scruples about putting one in. In any can suddenly explode. He has a very good laugh. He also case, every bar has a record player with small speakers knows how to be extremely tender and moving. Both fixed above the tables. You can drink coffee or iced profiles are good and he only occasionally presents tea, sometimes sake (which has become my wine, my that weakness of cheek that we were so worried favourite alcoholic drink), beer and whisky. about in Paris. Another good point: he essentially does theatre work. I have of course been looking around at *** faces while walking through the streets of Tokyo. Only There are lots of nightclubs. Three enormous ones. one seemed to fit your character. It so happened it I think one of them, “The Casablanca” will be perfect. was Okada’s type. As Mori Miki appealed to you after Fake boulders, fake palm trees made out of alkathene, seeing his face on the calendar last week, I went to waterfalls, fountains, little bridges over ponds with see him acting. He’s very handsome, but he seems goldfish, etc. But there are two problems: The first: rather inexperienced […]. It’s hard to imagine him we’ll have to pay the local “racketeers fees” if we want relentlessly pursuing Riva. One night must be sufficient to film there. The second is more problematic: like all for him. Physically speaking, he would’ve been a perfect nightclubs, it closes at midnight. So it’s impossible Joseph in “The Sea Wall”. I’ve also seen Akutagawa, to see daybreak. It’s a shame because the roof is the novelist’s son who commits suicide. He’s subtle in transparent plastic and the décor must become but there’s something unsavoury about him that is absolutely unspeakably-wonderful at dawn. So I’m unbefitting. I’ve looked at around three dozen photos going to see with the Japanese if we can’t bend the of different actors. None of them seem appropriate. truth a little on that point. There are of course unknown actors! But I think it’s *** a little too risky considering the limited time they’ve The Station is topped by neon letters, the words allowed us to shoot. One amusing little detail: the “Hiroshima Station” are clearly outlined against the corporative newspaper has attacked our film under sky. The waiting room, or hall to be more exact, is the pretext we’ve chosen Okada to play in the film, everything we could hope for. It’s a bit busier than I when he’s a well-known communist! And they state expected, but that’s not a bad thing. Many families that we are all “reds”! I’m meeting Okada tomorrow. I’m spend the night there (sleeping on the lawn in front of obviously very curious. Aren’t you? the Station). It’s very well lit, the food and drinks stand *** is always open, just like the cake stall and newsstand. Please give my kind regards to Dyonis Mascolo. It’s enough to give you nightmares. Shame we can’t 20
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