Apprendre dans et hors l'école - No 9 - Juin 2014 - Résonances
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L’Ecole hors les murs Si l’Ecole, telle que nous la connaissons, est la Maison de l’apprendre, «La cité idéale est celle tous les lieux peuvent aussi avoir cette mission. Hors les murs de la où tout est école.» classe, les apprentissages ont naturellement un goût différent et se font, avec ou sans médiation. Albert Jacquard Il est des manières d’apprendre, extérieures à l’école, qui lui sont reliées, par exemple lorsque la classe part à la découverte de la «Les professeurs sont nature ou de la culture. Le rythme change également, lorsqu’un irremplaçables: ils vous artiste, un scientifique ou un entrepreneur intervient dans l’univers apprennent à apprendre.» scolaire pour accompagner un projet ou même pour évoquer son parcours de vie. L’école s’enrichit de ces respirations autres Julien Green que celles du sérail. Evidemment tout est dans le dosage, car à trop vouloir rapprocher l’école de la société, elle pourrait perdre ses objectifs spécifiques de construction des savoirs fondamentaux. Les apprentissages des élèves ne s’arrêtent pas dès que l’enseignant s’efface en fin de journée. Cours de théâtre, entraînement sportif, logiciels éducatifs… sont pour eux autant de manières d’exercer leurs intelligences multiples. Peut-être que l’école devrait davantage réfléchir aux possibilités de réinvestir cette énergie dévolue à d’autres formes d’acquisition de connaissances et de compétences pour qu’elles se transforment en carburant pour celles et ceux qui peinent à percevoir le sens des apprentissages scolaires. Et pendant les vacances, les élèves, inégalement il est vrai, vont ouvrir les écoutilles pour observer, expérimenter, mémoriser… A loisir, ils mettront leurs pas en terre inconnue, déambuleront dans des musées ou autres espaces culturels, se passionneront pour des livres d’aventure, deviendront des experts des règles de football, bidouilleront sur leur ordinateur, exerceront leur esprit d’équipe via des jeux en ligne, rempliront des cahiers de vacances, apprendront des mots ou des notions nouvelles au détour d’un surf sur internet… Bref, les occasions de remplir le coffre-fort des cerveaux, matière première dont la valeur est toujours à la hausse, ne manqueront pas. Même la télévision peut devenir évasion intelligente… La connaissance est presque partout pour peu qu’on en ait compris la richesse et la diversité. Et c’est là que les enseignants entrent en scène, en tant que rouages principaux pour apprendre aux élèves à apprendre. Sans eux, seuls quelques autodidactes de naissance auraient le désir de faire des efforts pour satisfaire leur soif de curiosité, étant donné que le savoir exige des outils Nadia Revaz et de la persévérance, avant de devenir source de créativité. Un enseignant qui cesserait d’apprendre pourrait-il encore enseigner? Pour ouvrir de nouvelles portes à la réflexion et au savoir, il faut parfois prendre le temps de se ressourcer, tout particulièrement entre deux années scolaires… Je vous souhaite une pause estivale revigorante, avec, au programme, de la curiosité à foison. Profitez-en pour rêver, découvrir, lire, créer… Résonances - Mensuel de l’Ecole valaisanne - Juin 2014 1
S ommaire L’Ecole hors les murs N. Revaz 1 4-17 Réseau de la formation 18 Stéphane Roduit, président de VSnet – N. Revaz Ecole-culture 20 Trois rencontres culturelles pour des élèves de Sainte-Agnès – J. De Pietro & P. Bonvin Résonances en ligne 21 Résonances, multisupport – N. Revaz MITIC 22 Bilan de la 11e Semaine des médias – C. Georges Carte blanche 23 Classe de préapprentissage de Collombey-Muraz: roman d’école – La classe de C. Dorsaz Français 24 Français: travailler en séquences à l’école primaire – P.-M. Gabioud Echo de la rédactrice 25 L’or valaisan – N. Revaz Education physique 26 Un moment de calme, un peu de détente… – Le team «animation EP» Journée pédagogique 28 Les directeurs et la mise en œuvre du PER – N. Revaz Sciences humaines et sociales 30 SHS Cycle 2: du nouveau en Géographie et Histoire – A. Solliard Revue de presse 32 D’un numéro à l’autre – Résonances Langues 34 Voyages linguistiques, plus que des cours de langue – C. Deléglise CPVAL 36 Les valeurs morales dans l’investissement éthique – P. Vernier Recherche 37 Publications récentes – URSP/CSRE AC&M 38 Créativité et apprentissage au niveau des AC&M – L. Emery Du côté de la HEP-VS 40 Mémoire sur les interactions et les liens d’affinité – N. Revaz Education musicale 41 Une fête cantonale de chant réussie – B. Oberholzer Rencontre 42 Didier Cachat, enseignant et blogueur – N. Revaz Livres 44 La sélection du mois – Résonances Fil rouge de l’orientation 46 Les projets personnels de six jeunes au CO de Grône – N. Revaz Doc. pédagogique 48 DVD-R documentaires: les suggestions du mois – MV Valais - St-Maurice / M.- F. Moulin Infos DFS 49 Explore-it, un partenariat DFS-Bureau des métiers – N. Revaz Infos DFS 50 Oskar Freysinger, une année au DFS – N. Revaz Les dossiers 52 Les dossiers de Résonances 2 Résonances - Mensuel de l’Ecole valaisanne - Juin 2014
A pprendre dans et hors l’école Le dossier de cette fin d’année scolaire vous invite à découvrir 4 Dans les pas d’une classe de St-Gingolph 12 Double regard sur la pédagogie et la catéchèse au musée à Sion N. Revaz des formes d’apprentissage, N. Revaz traditionnelles ou novatrices, 6 Entreprendre, ça s’apprend? 15 Apprendre hors de la classe: regards croisés hors des murs de la classe. M. Pernet N. Revaz A l’école du musée, de l’entreprise, du réseautage, 8 Ecole Communautaire Entrepreneuriale Consciente 16 Des pistes pour aller plus loin Résonances de la forêt, du Christ H. Fournier pédagogue, etc. Bref, 10 Sortir régulièrement en forêt avec vos élèves 17 La bibliographie de la Documentation pédagogique les possibilités d’apprendre N. Barras E. Nicollerat présentées sont diverses, peut-être que l’une ou l’autre fera écho à votre enseignement… Résonances - Mensuel de l’Ecole valaisanne - Juin 2014 L'école protestante de Sion en camp à Sapinhaut. 3
Dans les pas d’une classe de St-Gingolph au musée à Sion Suivons les traces de Entrée par la forêt la classe d’Odile Dor- saz, une 3-4P de St- Première salle: les élèves Gingolph, venue visi- entrent, deux par deux, ter le Musée cantonal en pleine forêt, après de la nature, à la rue une halte devant les noc- des Châteaux à Sion. tuelles. L’animatrice ex- plique la vie des cerfs, La petite troupe est des chevreuils, des lé- partie de St-Gingolph rots... Les questions et à 8 h 55 pour arriver les exclamations, du à Sion à 10 h 12. Com- type «Mais c’est un mencement de la vi- écureuil!», fusent. Une site à 11 h. Celle-ci de- borne sonore permet vait initialement se aux élèves d’associer la nature, terminer à 12 h 30, mais la fo rê t au Musée de un cri avec celui du A l’école de ce Murisier. l’enthousiasme des élèves avec Béatri chevreuil, un chant et de l’animatrice a en- avec celui du grand tétras... Le traîné un débordement temporel. L’enseignante et parcours se poursuit avec une salle entièrement consa- une accompagnatrice ont profité de cette journée pour crée aux animaux domestiques. Là, la biologiste invite faire une balade avec les élèves dans le cœur historique les enfants à un exercice de mémorisation, pour les aider de la ville tout en apercevant la périphérie. La classe a à distinguer les races de moutons, de chèvres… Certains repris le train à 15 h 06 pour arriver au point de départ ont déjà des connaissances très étendues et parlent à 16 h 04. Même si le programme peut avoir des allures de la musaraigne, de l’hermine… Faisant suite à une «touristiques», les élèves n’ont pas boudé les apprentis- explication de Béatrice Murisier, Odile Dorsaz évoque sages, que ce soit au musée, en ville ou pendant le tra- la mule de son papa et promet le récit d’anecdotes de jet, puisque la virée CFF a notamment permis d’observer retour à l’école. Ensuite, la classe examine, sous toutes les différences d’habitat le long de la plaine du Rhône. les coutures, Souris, la vache d’Hérens consacrée reine par trois fois dans les années ‘90. Occasion aussi de par- Au Musée de la nature, c’est Béatrice Murisier, biolo- ler du métier de taxidermiste. Les élèves poursuivent giste, qui a commenté le parcours de découverte. L’ani- le parcours, rencontrant un ours d’Hérémence ou un mation débute sous les ailes d’un rapace, afin d’expli- lynx qui vivait dans les Alpes avant son extinction et quer aux élèves l’évolution des procédés de conservation donc différent de celui dont on voit les images. Autre des animaux depuis 1829, date de la fondation du expérience, chacun a aussi pu visualiser et ressentir au Musée sous le nom de Cabinet d’histoire naturelle, et toucher les différences entre l’écorce d’un sapin blanc, d’avoir quelques indications générales à propos de la d’un pin sylvestre, d’un mélèze ou d’un épicéa. La visite diversité animalière, botanique, entomologique et mi- se fait ensuite lacustre, en présence de l’animal figu- néralogique présente dans les collections. Au cours de rant sur le blason de St-Gingolph, à savoir la loutre. ce moment d’accueil, l’animatrice précise les consignes D’un monde à l’autre, place aux gypaètes, aux bou- pour le bon déroulement de la visite. Si les animaux, au quetins, aux fossiles… Au fil des salles, les élèves ont milieu de la scénographie proposée par Marie-Antoi- aussi pu se familiariser avec l’empreinte écologique. nette Gorret, ne sont pas derrière des vitrines, il n’est A la fin, dans la cour, autre moment magique, dixit toutefois pas possible de les toucher, hormis le renard l’enseignante, ils ont encore pu observer les samares «sur roulettes». d’érables et jouer avec ces étranges hélicoptères. Après le sérieux, la détente. www.musees-valais.ch/services/ecole-musee.html Bref, les élèves ont beaucoup aimé la sortie, qui n’était pourtant pas des plus ludiques. Auraient-ils aimé profiter 4 Résonances - Mensuel de l’Ecole valaisanne - Juin 2014
des jeux mis à disposition pour les familles? Plusieurs Témoignages élèves relèvent qu’ils étaient accompagnés par une bio- logiste et que cela n’aurait pas été logique de jouer. Une élève explique que «c’était la meilleure visite de l’an- Béatrice Murisier, biologiste née», un autre a trouvé «dommage que la découverte ait une fin»… Et parmi les suggestions d’amélioration, «En entrant dans chacune des pièces du musée, les les élèves agrandiraient l’espace d’exposition et surtout élèves sont d’abord surpris par l’ambiance spécifique, ils modifieraient le nom du musée, trouvant que celui- ensuite ils posent des questions selon la logique thé- ci n’est pas suffisamment évocateur. Un élève aurait en matique de la scénographie, sans trop se disperser. outre aimé voir les plantes rares, mais impossible de La visite-découverte est la formule particulièrement faire le tour de toutes les collections en une seule fois. adaptée pour une première visite. On essaie de faire comprendre aux classes les fils rouges des milieux natu- Comme la classe avait un horaire souple, la découverte rels en lien avec l’évolution de l’interaction humaine. a pu se prolonger, de façon à satisfaire la curiosité des Cette approche permet de faire des passerelles entre élèves, demeurés étonnamment attentifs du début à la sciences, histoire et géographie. Après cette familiari- fin. Et pour l’enseignante, c’était une opportunité pour sation avec le Musée, les classes peuvent revenir pour une approche différente des objectifs du PER 1. Il est vrai découvrir des activités thématiques plus interactives que les notions abordées au cours de cette riche visite («Une vie de castor», «Montre-moi tes dents, je te commentée étaient variées, mixant sciences naturelles, dirai ce que tu manges»). Une grande salle de média- géographie, histoire… Odile Dorsaz, ayant aussi travaillé tion, sorte de laboratoire, est en préparation au rez- la thématique de l’énergie avec sa classe, dans le cadre de-chaussée de l’ancien musée à l’avenue de la Gare, des Journées du patrimoine organisées au Musée de avec une petite collection à manipuler.» St-Gingolph, envisage des prolongements en lien avec l’empreinte écologique… Odile Dorsaz, enseignante Nadia Revaz «J’ai été subjuguée par la conception du Musée, qui permet de voyager dans le temps grâce aux animaux. Les élèves ont pu réinvestir beaucoup de notions ap- Note prises, simplement en se référant aux espèces repré- 1 MSN 28 – Déterminer des caractéristiques du monde vivant sentées. Dans le cadre de la visite guidée, une ques- et de divers milieux et en tirer des conséquences pour la pé- tion ou une réflexion en entraîne une autre. Via le PER, rennité de la vie… ils se sont progressivement habitués à mettre leurs lu- SHS 22 – Identifier la manière dont les Hommes ont orga- nettes de scientifique, de géographe et d’historien nisé leur vie collective à travers le temps, ici et ailleurs… et font preuve d’une belle ouverture d’esprit. Pour SHS 23 – S’approprier, en situation, des outils pertinents se préparer à la visite, les élèves ont surfé sur inter- pour traiter des problématiques de sciences humaines et net, mais j’avoue que j’ai été impressionnée par leurs sociales… connaissances et leur enthousiasme.» Quelques propos d’élèves «La biologiste expliquait bien, sans utiliser des termes trop compliqués.» «J’ignorais que certains animaux avaient disparu et avaient été réintroduits.» «La loutre, je l’imaginais différemment.» «Avec les ampoules dans les cylindres, j’étais étonné de voir l’énergie qu’on utilisait selon les époques.» «Je connaissais le bouquetin, mais je ne savais pas qu’il venait d’Italie.» «C’est bien de faire une visite avec une spécialiste, car elle peut répondre à toutes nos questions.» «La partie sur les fossiles était la moins intéressante.» «J’ai été impressionné par le sanglier blanc.» «C’était bien de pouvoir toucher le renard sur rou- lettes: il était doux.» «J’ai aimé tous les animaux, mais tout particu- lièrement le gypaète barbu.» Les élèves ont «apprivoisé» le renard sur roulettes. Résonances - Mensuel de l’Ecole valaisanne - Juin 2014 5
E ntreprendre, ça s’apprend? M. Pernet L’intervention de l’Antenne Régions Valais romand dans les ateliers d’évaluation des projets, ici dans une classe de Martigny, a permis de donner des orientations pratiques aux étudiants. Pour développer un esprit d’entrepreneur, autant l’éveil- treprise. Une demi-journée par semaine est consacrée ler tôt. Pour ce faire, le programme Apprendre à entre- à des cours théoriques et des ateliers pratiques, sur les- prendre de l’Unité Ecole et Economie intervient dans les quels l’accent est désormais porté. Au terme de l’an- collèges et les écoles de commerce du canton, auprès née scolaire, il s’agira de mettre en œuvre leur projet. des classes de deuxième année. Couplé au programme Parties pratiques intégrées (PPI) dans les écoles de com- Les écoles de commerce de Sion, Sierre et Brigue sont merce, Apprendre à entreprendre offre aux jeunes étu- suivies par l’Institut de Management de la HES-SO Va- diants l’opportunité de suivre des ateliers pratiques lais-Wallis. L’Antenne Régions Valais romand, quant à tout au long de l’année avec l’objectif de monter leur elle, anime des ateliers dans les écoles de commerce de produit, voire leur entreprise. En outre, la démarche Martigny et de Monthey. «Une des missions de l’An- encourage le travail interdisciplinaire et la collabora- tenne Régions Valais romand est d’assurer le dévelop- tion avec les milieux professionnels. La sensibilisation pement économique endogène. Notre participation à à l’économie en général et à l’économie valaisanne en ce programme nous permet de transmettre aux étu- particulier est également visée. diants l’esprit entrepreunarial que nous rencontrons sur le terrain et d’éveiller chez eux la perception de la culture d’entreprise», explique la direction de l’Antenne Dans les écoles de commerce valaisannes Régions Valais romand. Des passerelles entre l’école et A l’école de commerce de Martigny, quatre classes par- le monde du travail sont ainsi jetées. Au cours de ces ticipent à ce programme. Près de cinquante étudiants ateliers, une évaluation des projets est réalisée, ainsi ont développé six projets d’entreprise. A Monthey, ce qu’un soutien à la rédaction du Business plan. sont trois classes pour autant de projets. Par groupes, L’élaboration d’une intervention ludique pour sensi- ils ont pensé un modèle d’entreprise ou de produits biliser les étudiants aux différentes démarches liées à validé par leurs professeurs. De l’élaboration d’un bu- la création de leur entreprise est en cours. Par le biais siness modèle à la commercialisation de leur offre, ils d’un jeu de piste organisé en fin d’année scolaire, les sont initiés à travers le programme à toutes les étapes étudiants de Martigny auront l’opportunité de rencon- liées à la création d’une entreprise. Durant l’année, ils trer les principaux acteurs du tissu économique et les font progresser leur projet entrepreunarial en travail- interlocuteurs clés des étapes de la création. lant tour à tour dans les différentes fonctions de l’en- Une orientation tournée vers la pratique Pour en savoir plus: L’approche Apprendre à entreprendre, orientée sur www.ecole-economie.ch la pratique, apporte de nombreux avantages aux étu- www.regionsvalaisromand.ch diants. Elle leur offre les prémices dans l’apprentissage de l’autonomie, de la gestion des responsabilités, des 6 Résonances - Mensuel de l’Ecole valaisanne - Juin 2014
prises de décisions et, par la mise en situation, les dif- fallu désigner des personnes à chaque poste clé pour férents aspects à gérer lorsque l’on est à la tête d’une la conception et le développement du projet. L’orga- entreprise. Forts de ces enseignements, ils se sentent nisation en ateliers nous a conféré une certaine auto- mieux armés pour se lancer dans le monde profession- nomie dans la gestion des tâches. nel au terme de leurs études. Non seulement en tant Diane M.: Cette approche nous permet de nous rendre qu’entrepreneur, mais également en tant qu’employé, compte rapidement, par nous-mêmes, de nos erreurs car ils auront développé une vision globale des diffé- et de les corriger dans le même temps. rents secteurs d’activités d’une société. Ainsi, la mise Dorian M.: Je dirais les démarches concrètes qui doivent en pratique et l’ancrage des démarches dans des acti- être entreprises auprès de différents partenaires dans la vités pratiques constituent un véritable atout. Le tra- réalisation du projet, à l’exemple des banques. vail en groupe et les enseignements riches qui peuvent être tirés de l’apprentissage mutuel et la résolution des Ces développements pratiques ont-ils rendu plus problèmes liés aux perceptions variées des uns et des concrète votre vision de l’entreprise? autres sont également favorisés. Jimmy E.: Tout à fait, notamment pour la relation avec l’argent et sa gestion. Nous devions dégager le meilleur Selon Stéphane Dayer, responsable de l’Unité Ecole-Eco- résultat possible de notre budget. L’expérience de l’auto- nomie: «Cette approche a été mise en place depuis plus rité à travers la mise en place de la hiérarchie a été plus de quinze ans dans les écoles de commerce du Valais. difficile à gérer par moments. L’esprit de concurrence, Depuis la nouvelle maturité commerciale, Apprendre tel qu’on le retrouve dans la réalité, a aussi pu être à entreprendre et PPI sont obligatoires pour les matu- perçu à certains moments entre les différents projets. rités commerciales. Avec ces deux programmes liés, les Diane M.: Un stage en entreprise m’avait donné une étudiants développent, à travers la création, l’esprit bonne vision du service comptabilité. Par contre, avec d’entreprendre et en même temps bénéficient de l’ac- ce programme, j’ai découvert les autres secteurs tels quisition de la pratique professionnelle (PPI).» que Recherche & Développement, Event… Dorian M.: L’exercice de la rédaction du Business plan nous donne une bonne vision de Vers un futur entrepreunarial? l’entreprise. Par contre, pour cer- Pour valoriser la réussite com- taines étapes, la démarche n’était merciale et les aspects nova- pas vraiment aboutie à mon sens. teurs, les étudiants ont l’oppor- tunité de présenter leur travail Quelle est votre conception de au Prix Sommet Junior. Sur les l’entrepreneur? treize projets candidats, six ont Jimmy E.: L’entrepreneur doit été présélectionnés. Les élèves être innovant, faire preuve ont également la possibilité de d’autorité, et également d’ou- reprendre et continuer le projet verture pour entreprendre les à titre privé et hors du contexte différentes démarches, de- scolaire, bénéficiant d’un soutien mander des soutiens. Cette financier pour la phase de transi- ne M ou lin, Jimmy expérience a révélé mon in- droite Dia tion. Une perspective supplémen- De gauche à M ab ill ard, étudiants térêt pour l’entreprenariat, Dorian taire à la fin de leurs études. Evershed et CC G de Martigny. une voie que je pourrais en- de l’E de 2 année e visager de poursuivre. Diane M.: Il faut oser aller vers les gens, fixer les prix, Interview s’enquérir de leurs besoins. Cette expérience éveille un Quatre classes de l’Ecole supérieure de commerce de peu à cet esprit, mais il faut aimer la victoire. Martigny (ECCG Martigny) ont suivi le programme Ap- Dorian M.: Etre sûr de soi et aimer communiquer avec prendre à Entreprendre. Chaque groupe a monté un les autres me semblent deux qualités essentielles. La projet d’entreprise, mené par un chef de projet désigné gestion de l’autorité est également importante. parmi les élèves. Entretien avec trois étudiants impliqués dans «Colder than you», vente de housses isothermes personnalisées: Jimmy Evershed, chef de projet, Diane Moulin, responsable du suivi, et Dorian Mabillard, res- r eu ponsable comptabilité. ut l’ a Matthieu Pernet Quels avantages vous offre cette approche de l’entre- Membre de direction prise par rapport à un cours standard? (Antenne Régions Valais romand) Jimmy E:. L’aspect pratique et la répartition des tâches m.pernet@regionsvalaisromand.ch au sein du groupe. En tant que chef de projet, il a Résonances - Mensuel de l’Ecole valaisanne - Juin 2014 7
E cole Communautaire Entrepreneuriale Consciente H. Fournier Dans la revue Résonances du mois s’est associé à la Commission Scolaire d’avril 2014, un article titrait: «Ce Marguerite Bourgeoys de Montréal que le Québec pourrait apporter à (écoles publiques de plus de 50 000 l’école valaisanne»… Coordinateur élèves et 8000 enseignants) pour de l’OIECEC-Suisse, j’ai apprécié les créer une organisation internatio- propos d’Alexandre Buysse et vous nale dont la mission est de commu- partage ce projet «québécois» qui niquer, réseauter et proposer cette pourrait vous intéresser… approche aux pays concernés. L’Organisation Internationale des L’ECEC est une proposition qui Ecoles Communautaires Entrepre- s’adresse à toutes les écoles du neuriales Conscientes (OIECEC) est canton, publiques et privées, du un programme éducatif visant le dé- primaire au secondaire II. Voici veloppement d’établissements ayant quelques réflexions mettant en pour objectif de former les jeunes au- c.org perspective le lien entre l’Ecole et www.oiece trement et faire de l’école un lieu de l’Economie. formation plus épanouissant. Comparaison Ecole – Entreprise Rino Levesque de Montréal est le concepteur et auteur de l’ECEC «L’Ecole Communautaire Entrepreneuriale Dans les modèles d’organisations vers lesquels on Consciente». Ce système-école se développe depuis s’oriente, pour créer de la valeur ajoutée, il sera néces- une vingtaine d’années au New-Brunswick et au Qué- saire que les salariés prennent des initiatives et contri- bec. Afin de diffuser ce concept à travers le monde, il buent à l’amélioration continue des processus de tra- vail. En faisant confiance aux collaborateurs et en leur proposant de participer à des activités de réflexion et d'être initiateurs de projets, la motivation et la pro- Le do s s i e r e n c i t a t i o n s ductivité tendent à s’améliorer. A l’école, ce n’est pas très différent… Par ici les sorties Dans les ECEC, les jeunes apprennent également à de- «Les sorties, par la rupture qu’elles permettent, venir des initiateurs, réalisateurs ou gestionnaires de bousculent les certitudes, créent un espace pour projets entrepreneuriaux conscients. Les activités de le questionnement des élèves. Mais sortir, est-ce réflexions, micro-entreprises pédagogiques sont en lien aussi travailler, ou la sortie ne serait-elle que la avec les besoins de la communauté et liés au dévelop- partie attractive du travail scolaire fait intra-muros? pement durable. C’est l’approche pédagogique en en- La sortie n’est-elle qu’un moyen de relancer trepreneuriat conscient, un des piliers de ce système en la motivation? phase avec l'Agenda 21 Valais, et plus particulièrement Les sorties culturelles semblent indispensables: l’école l'engagement N° 16: «Former les jeunes au principe du n’est-elle pas dans sa mission, lorsqu’elle guide tous développement durable». les élèves dans des lieux qu’ils pourront continuer à fréquenter toute leur vie (théâtre, musée, etc.)? C’est Management 3.0 in situ que chacun peut s’approprier les pratiques culturelles: apprendre à lire une œuvre d’art, accéder Le management du changement implique nécessaire- à la compréhension des spectacles vivants.» ment de revoir les structures hiérarchiques, en passant Michèle Amiel et Monique Ferrerons, «Hors les murs», du modèle «diriger, commander» au leadership colla- Cahiers pédagogiques, janvier 2013 boratif. Le fonctionnement en mode «silos» est encore www.cahiers-pedagogiques.com/Hors-les-murs très répandu dans nos organisations et la transversa- lité pose souvent des problèmes relationnels. Remettre 8 Résonances - Mensuel de l’Ecole valaisanne - Juin 2014
l’humain au centre et lui permettre de se développer Développement ECEC en Valais est une priorité… Nos écoles ne pourront intégrer ce modèle sans un appui Nous retrouvons dans la plupart de nos écoles les mêmes de l’ensemble de la population concernée. J’envisage structures de fonctionnement en «silos» (classes) où la ainsi l’organisation d’un «Forum de l’éducation» afin transversalité n’est pas toujours vécue… La «Forma- de réunir toutes les personnes volontaires souhaitant tion générale» dictée par le PER nécessite la mise en partager leurs savoirs et expériences. Il est important œuvre d’activités de groupes, de projets transdiscipli- de faire un état des lieux de ce qui se fait déjà en Valais naires. L’approche pédagogique et éducative en entre- pour mieux comprendre la plus-value que ce modèle preneuriat conscient de l’ECEC propose des activités de apporterait à nos écoles. Avis aux partenaires intéres- réflexions, projets, micro-entreprises pédagogiques au sés à co-organiser un tel Forum… sein et à l’extérieur de l’école… Le Leadership collabo- ratif au sein des établissements scolaires est également Espoir pour nos jeunes… une des 21 composantes structurelles de l’ECEC. L’ECEC n’est pas uniquement un projet pour nos écoles, il est également un espoir pour toute notre commu- Sens de la communauté… nauté valaisanne. Il s’agit de nos enfants, de l’avenir Les difficultés rencontrées dans les entreprises sont sou- de nos écoles, de l’avenir de toute la population de vent liées à des problèmes de relations humaines. Nos notre canton qui se doit, plus que jamais, de s’unir au- écoles n’échappent pas à ce constat. Les relations entre tour de projets porteurs de sens. La communication au parents et enseignants sont parfois difficiles. Un article public d’un tel projet est essentielle et ne pourrait se de l’Hebdo de septembre 2013 titrait de manière provo- faire sans l’appui des médias qui ont un rôle à jouer de cante «Parents, le pire cauchemar des profs!». Comment manière constructive et positive. Je remercie particuliè- faire en sorte que la communication fonctionne mieux rement la revue Résonances ainsi que tous les médias entre l’école et son environnement social? La proposi- qui nous soutiennent et permettent à cette idée d’être tion d'une école communautaire va dans le sens d’une connue en Valais. synergie entre l’école et son environnement socio-éco- nomique. Créer une nouvelle alliance entre toute la communauté éducative permet d’impliquer: parents, enfants, jeunes, directions d’écoles, enseignants et éga- La mission de l’OIECEC vise à co-créer lement associations de parents, syndicats, politiques, etc. La mission de l’OIECEC vise à co-créer avec le soutien de avec le soutien de l’ensemble l’ensemble des parties prenantes. des parties prenantes. Une motivation: l’avenir de notre canton… Nous pouvons tous contribuer à faire progresser notre Informations sur le projet canton, à la longueur de nos bras. Chacun a la possibi- lité de faire des propositions, de s’engager pour le bien Vous trouverez toutes les informations nécessaires sur commun afin de permettre à des rêves un peu «fous» de le blog OIECEC-Suisse www.oiececsuisse.blogspot.ch devenir une réalité. Je crois que nous avons en Valais de ainsi que sur le site internet de l’OIECEC-International nombreux atouts pour rayonner encore plus, au-delà de www.oiecec.org. J’invite toute personne intéressée à nos frontières. Nous devons juste oser et avoir confiance me contacter par courriel ou téléphone. car… «Il n’est rien d’aussi puissant qu’une idée dont le temps est venu» (Victor Hugo). Osons le changement, osons innover et co-construire le Valais du 21e siècle! 1er Congrès international en éducation entrepreneuriale consciente r Invité au 1er Congrès international en éducation entre- eu Hervé Fournier – Sion ut preneuriale consciente à Lévis/Québec du 23 au 25 avril l’a herve.fournier70@gmail.com 2014, j’ai découvert les projets des jeunes entrepreneurs Téléphone: 078 721 07 77 conscients et fait la connaissance de nombreux directeurs Coordinateur OIECEC-Suisse d’écoles, pédagogues qui s’investissent afin de transfor- Membre de l’Association mer nos écoles. L’OIECEC permettrait à notre canton de Valais-Wallis 21 disposer d’une visibilité internationale grâce à un réseau Pour un Valais encore plus rayonnant, d’écoles qui est une excellente vitrine. Exporter notre par et pour les Valaisans savoir-faire prend tout son sens ici. Résonances - Mensuel de l’Ecole valaisanne - Juin 2014 9
S ortir régulièrement en forêt avec vos élèves N. Barras «Crois-moi, j’en ai fait l’expérience, Tu feras plus de découvertes Dans les forêts que dans les livres Arbres et pierres t’enseigneront Ce qu’aucun maître ne te dira.» Bernard de Clairvaux (1091 – 1153) La pédagogie par la nature, vous connaissez? Ses précurseurs en sont des ensei- gnant-e-s danois-e-s qui, dans les an- nées ’60 aux alentours de Copen- hague, ont commencé à emmener les enfants dans les forêts alentour de la capitale, faute de place suf- fisante en ville. La valeur pédago- gique de ce type d’enseignement ayant été reconnue quelque 30 an- nées plus tard, l’Etat danois finance aujourd’hui plusieurs centaines d’écoles en nature sur son territoire. Après le Dane- pédagogie par la nature dans l’enseignement valaisan, mark, c’est au tour de la Suède, dans les années ’80, de travaille à la concrétisation de plusieurs projets: se lancer dans la pédagogie par la nature. Puis l’Alle- magne, en 1993, a vu l’ouverture de sa première école Servir de plateforme d’échanges pour tout ce qui en plein air officiellement reconnue par l’Etat; elles sont touche à la pédagogie par la nature mais aussi à désormais 400 sur sol allemand. Et les initiatives se pro- tous ceux et celles qui veulent offrir une éducation pagent de ce côté-ci du Rhin puisque, depuis la fin des intégrale aux enfants, une éducation qui prend en années ’90, nombre de cantons suisse-allemands, St- compte le développement physique, émotionnel, Gall, Bâle et Zurich notamment, voient l’ouverture de cognitif et social de l’enfant; favoriser la création de classes en plein air. Les bases de cette pédagogie sont réseaux mettant en lien des enseignants, parents et notamment véhiculées de ce côté-ci de la Sarine par autres professionnels de l’éducation; aider à démar- l’ouvrage de Sarah Wauquiez: «Les enfants des bois. rer des canapés forestiers, etc. Pourquoi et comment sortir en nature avec de jeunes enfants», 2008 1. Le constat des conséquences néfastes Ouvrir une école pour les élèves de 1re et 2e enfantine d’un déficit de nature se fait outre-Atlantique égale- (1-2H selon le langage HarmoS) qui ait lieu principa- ment, notamment par Richard Louv, qui explique les lement en plein air (2 / 3 du temps en plein air, 1 / 3 à graves risques qui pèsent sur la santé physique et psy- l’intérieur). Cette école, qui a reçu un préavis favorable chique des enfants grâce à son concept du «syndrome mais pas encore d’autorisation formelle du DFS (Dé- du manque de nature» 2. partement cantonal de la formation et de la sécurité), suivrait les objectifs du PER (Plan d’études Romand): Apprendre dans, par et avec la nature: il semble bien ceci permettrait aux élèves qui ont fréquenté les classes que cela puisse être un plus pour l’école d’aujourd’hui! d’EducaTerre de rejoindre les bancs d’école de leur commune de domicile avec les pré-requis nécessaires. Du côté du Valais romand ça bouge aussi! Pour plus de renseignements sur les deux projets L’association EducaTerre www.educaterre.ch, fondée en susmentionnés contacter Fabrice Dini, président novembre 2013 à Sion pour promouvoir notamment la d’EducaTerre, tél. 077 455 30 10. 10 Résonances - Mensuel de l’Ecole valaisanne - Juin 2014
Permettre aux enseignant-e-s valaisan-ne-s ainsi qu’aux enseignant-e-s inscrit-e-s à nos cours: comment réali- étudiants de la HEP Valais de se former en pédagogie ser les objectifs du PER en nature. Ainsi par exemple L1 par la nature: Silviva www.silviva.ch, le centre de com- 13-14: Compréhension et production de l’oral, MSN 11: pétences suisse pour l’apprentissage dans la nature, Explorer l’espace, SHS 12-13: Relation homme-temps, offre des formations en pédagogie par la nature aux A 12: Mobiliser ses perceptions sensorielles et CM 13: HEP de Suisse. Le but est de montrer pourquoi et com- Acquérir des habiletés motrices pour ne citer qu’eux, ment sortir régulièrement en nature avec sa classe. sont travaillés à travers des jeux, activités de découverte, expériences directes, mimes, jeux de rôle, chansons et histoires en nature que nous transmettons concrètement Pourquoi? aux enseignant-e-s qui suivent les journées de forma- Diverses études 3 démontrent les effets positifs d’un tion. Il va sans dire que les diverses Capacités Transver- contact régulier avec la nature, notamment sur la ca- sales du PER (Collaboration, Communication, Stratégies pacité de concentration, le développement social, la d’apprentissage, Pensée créatrice et Démarche réflexive) motricité générale, la créativité ainsi que la relation ainsi que différents aspects de la Formation Générale à la nature chez les enfants. Au jour d’aujourd’hui où (Santé et bien-être, Choix et projets personnels, Vivre notre existence est de plus en plus fragmentée et dé- ensemble et exercice de la démocratie, et Interdépen- connectée des différents rythmes naturels (effort / dé- dances notamment), sont naturellement intensément tente, jour / nuit, donner / recevoir, etc.), des enseignant- travaillés lorsque la classe se trouve en plein air. e-s constatent chez certains de leurs élèves un patent manque dans les capacités pré-requises pour apprendre: Outre le fait d’apprendre comment concrétiser les dif- notamment la capacité d’écouter, de collaborer, de res- férents objectifs du PER en emmenant sa classe réguliè- sentir, de se situer dans un contexte et, celle qui fait tant rement dans la nature, ce cours de formation continue parler d’elle, la capacité de se concentrer. permet notamment aux participant-e-s d’acquérir les compétences pour organiser, réaliser et exploiter des jour- La pédagogie par la nature n’est pas la panacée qui nées / demi-journées régulières en nature avec leur classe va répondre à tous les défis qui se posent à l’école (autorisations, sécurité, finances, bases juridiques, etc.), d’aujourd’hui, mais elle offre de sérieuses pistes en ainsi que de se constituer un recueil d’activités pratiques réponse aux difficultés de concentration, collabora- (jeux, chansons, histoires, etc.) au fil des quatre saisons. tion et centrage personnel que rencontrent de plus en plus d’élèves. La formation continue en pédagogie par la nature pour les enseignant-e-s valaisan-ne-s, organisée sur 4 samedis D’autre part, le cadre différent (forêt, jardin, vigne ou (1 par saison) durant l’année scolaire, devrait être propo- parc arboré) dans lequel est transmis le savoir, a un im- sée par la HEP dès cet automne 2014, puisqu’il y a plus pact significatif sur davantage d’élèves que lorsque le d’une trentaine d’enseignant-e-s intéressé-e-s à la suivre. savoir est transmis de manière frontale entre les quatre murs de la salle de classe: la pédagogie par la nature Les enseignant-e-s intéressé-e-s par cette formation permet en effet de nourrir de manière optimale les intel- peuvent contacter Silviva, christophe.mohni@silviva.ch. ligences multiples 4 des élèves. Tout cela dans le but de faire des élèves de futurs citoyens complets, qui sachent décider et agir avec leur tête, leur cœur et leurs mains. Notes Et n’est-ce pas un des objectifs du PER que de viser à 1 Disponible auprès de l’auteure: Sarah Wauquiez, sarah. un projet global de formation de l’élève? wauquiez@gmail.com 2 Richard Louv: «Last Child in the Woods: Saving Our Children from Nature Deficit Desorder», 2005. Ce que la pédagogie par la nature 3 Voir notamment Dr. Markus Weissert, neuropédiatre, St-Gall. peut apporter aux enseignants dans 4 Howard Gardner, 1983, traduit en français: «Les intelli- gences multiples: La théorie qui bouleverse nos idées re- la réalisation des objectifs du PER... çues», Retz, juin 2008. ISBN 978-2-7256-2787-8. Comment? re eu Nathalie Barras, Le PER justement, parlons-en. ut chargée de cours Silviva l’a en pédagogie par Le PER offre des opportunités de sortir en nature et la nature pour les HEP c’est ce que nous autres, chargé-e-s de cours Silviva en Fribourg et BEJUNE pédagogie par la nature pour les HEP, démontrons aux Résonances - Mensuel de l’Ecole valaisanne - Juin 2014 11
Double regard sur la pédagogie et la catéchèse Pierre Vianin, enseignant spécialisé, professeur à la Haute Ecole pédagogique du Valais, auteur d’ouvrages péda- gogiques, mais aussi rédacteur responsable d’un journal paroissial, et François-Xavier Amherdt, prêtre du diocèse de Sion et professeur de théologie pastorale, pédago- gie religieuse et d’homilétique à la Faculté de théologie de l’Université de Fribourg, ont co-écrit un ouvrage qui parle de pédagogie et de catéchèse, intitulé «A l’école du Christ pédagogue». Mêlant ainsi le «dans» et le «hors» l’école, leur ouvrage est susceptible d’intéresser tous les enseignants, puisque c’est une analyse scientifique de la pédagogie du Christ. Le dernier chapitre (rédigé par François-Xavier Amherdt) est lui prioritairement destiné aux catéchistes, mais pas exclusivement, car engendrer l’autre à la foi et / ou au savoir, n’est-ce point un peu la même démarche? Donc, croyant ou pas, vous trouverez un intérêt à lire l’ouvrage dans son intégralité. François-Xavier Amherdt (à gauche) et Pierre Vianin: de la complicité dans le dialogue des co-auteurs. Quel a été le déclencheur de ce projet d’écriture? Pierre Vianin: C’est dans le cadre de mon travail de di- plôme, en Formation aux ministères en Eglise du diocèse flexion, même si la direction n’est pas la bonne. Com- de Sion, que j’ai fait le choix de ce sujet, me donnant bien de fois, avec mes élèves en appui, je me surprends l’occasion de réunir deux thèmes qui me passionnent, à à apporter des explications qu’ils ne sont pas encore en savoir la pédagogie et la théologie. Non sans audace, j’ai mesure d’entendre. opté pour une supervision du Christ à partir de clés péda- FXA: Et dans ce chef-d’œuvre de Luc, Jésus combine gogiques et, au lieu d’observer un stagiaire en classe, j’ai l’accompagnement personnalisé et empathique des dis- examiné un certain nombre de textes bibliques suggérés ciples désorientés, avec l’enseignement explicite sur les par François-Xavier Amherdt. N’étant pas théologien, il Ecritures et le geste symbolique de la fraction du pain, était indispensable que je puisse compter sur un accom- pour leur redonner, en finale, l’initiative. pagnement et une relecture critique de mon analyse. François-Xavier Amherdt: La collection «Perspectives Parmi les procédés pédagogiques utilisés par le Christ, pastorales» que je dirige aux Editions Saint-Augustin a vous mentionnez l’usage de la parabole (métaphore) pour objectif de mettre à disposition du grand public des destiné aux foules (classe). Pensez-vous que les travaux de fins de formation (à la Faculté de théologie enseignants gagneraient à métaphoriser davantage de Fribourg ou dans les parcours théologiques romands leur discours? et cantonaux) touchant à des problématiques actuelles PV: Au-delà de la métaphore que l’enseignant pour- et dignes d’intérêt. C’est le «mélange des genres», ou rait utiliser plus fréquemment, le Christ a le souci de plutôt la profonde complémentarité entre le regard du rejoindre l’autre. La métaphore, avec son côté imagé, professionnel de la pédagogie qu’est Pierre Vianin et est une technique pédagogique parmi d’autres, per- l’approche à proprement parler théologique qui m’a mettant de toucher tous les élèves, dont ceux en diffi- motivé. L’ouvrage permet de découvrir que Jésus-Christ culté. Si Jésus enseigne à la foule en paraboles, il recourt appliquait avant l’heure – et «à merveille» – les princi- à d’autres formes d’enseignement face aux disciples. paux modèles didactiques contemporains! Grâce aux formations pédagogiques actuelles, les en- seignants sont devenus de bons techniciens, perdant Quel est le texte des Evangiles qui vous a le plus marqué cependant parfois de vue l’importance de la relation, pour sa dimension pédagogique? essentielle à la transmission. PV: Assurément celui des pèlerins d’Emmaüs où le Christ FXA: Je crois beaucoup à l’impact pédagogique de marche avec les deux disciples sur le chemin de la ré- l’image ou du conte: si Jésus emploie la parabole en y 12 Résonances - Mensuel de l’Ecole valaisanne - Juin 2014
mettant souvent un grain d’extravagance (comme les ce qu’il doit exposer sur un sujet. Il ne fait pas de longs ouvriers de la onzième heure, payés autant que ceux sermons.“» Le discours pédagogique présenterait-il des de la première), c’est qu’elle permet aux auditeurs de similitudes avec le langage politique? tous âges de s’ouvrir à l’au-delà des mots, au Royaume PV: Dans une certaine mesure, oui. Pourquoi nos élèves des cieux. Les enseignants, les catéchistes, les prêtres ne sont-ils pas motivés? Souvent parce que notre dis- gagneraient à se faire davantage conteurs ou poètes, cours d’enseignant n’est pas percutant et ne fait pas pour «évoquer» l’essentiel. sens pour l’élève. Ce dernier a besoin d’être bousculé dans ses représentations. Face à «l’élève» Zachée, qui a le profil du «cancre», le FXA: Les formules bien frappées, ou parfois para- Christ enseigne, de manière individualisée et différenciée, doxales, font partie du trésor biblique, bien avant que en tenant compte de ses motivations intrinsèques… nos autorités politiques ne s’en servent. Au moins, avec PV: L’enjeu fondamental est le même que dans le cas de la le Christ, nous pouvons être sûrs, dans la foi, qu’il ne métaphore: il s’agit de partir de ce que l’élève a compris, nous manipule pas, au nom d’une idéologie déshuma- en répondant à ses besoins. C’est donc la même démarche nisante, comme le font certains tribuns ou dictateurs globale qui est adaptée aux élèves et à leur niveau. de l’Histoire. FXA: Surtout, le Christ ne considère jamais personne comme irrécupérable. Il croit à «l’éducabilité» de cha- A plusieurs reprises, vous rappelez que le Christ n’oblige cun, même le plus marginal. personne à croire, tout comme l’enseignant propose et l’élève dispose… Dans le même temps, la ruse A la page 168, vous résumez les huit idées-forces de la pédagogique, avec un zeste de manipulation, n’est-elle pédagogie du Christ. En vous lisant, on peut se dire que point autorisée pour convertir les élèves décrocheurs? la plupart des enseignants tentent de faire de même. PV: Certainement et à ce propos il faut lire l’excellent Où se situe l’originalité du Christ? ouvrage d’Yves Guégan sur les ruses éducatives utili- PV: C’est difficile de faire une analyse scientifique et sées de manière éthique. Le Christ recourt aussi à des objective quand on est croyant et j’admets qu’il puisse stratégies, en interrogeant par exemple les apôtres y avoir des biais. Reste que j’ai eu des surprises. Par pour savoir ce qu’on dit de lui, ce qui permet à chacun exemple, je n’avais pas mesuré combien le Christ pou- d’exprimer plus librement ses propres doutes. Quand vait être sévère et exigeant, en particulier dans le cha- il utilise le miracle pour soutenir son discours, n’est-ce pitre 23 de Mathieu. Cela m’a personnellement remis point une «pédagogie du détour»? en question dans mon rapport avec les élèves: à un mo- FXA: Le Christ nous invite même à être «rusés comme ment donné, il faut oser l’autorité. des serpents» et confiants comme des colombes (Mat- FXA: Tant mieux si les enseignants pratiquent, sans le sa- thieu 10,16)! Avec les pèlerins d’Emmaüs, il fait sem- voir peut-être, la pédagogie de Jésus. Cela montre bien blant de s’en aller, non pour les manipuler, mais pour que l’Evangile est réaliste et qu’il féconde de l’intérieur les amener à réagir. Il n’est pas interdit d’être «malin» les dimensions les plus courantes de la vie humaine. Le en tant qu’enseignant ou que chrétien. Car c’est pour plus que le Christ apporte? Il incarne pleinement ses la «bonne cause»… valeurs pédagogiques en une totale cohérence entre son dire et son faire. Dans le chapitre 4 sur la catéchèse d’engendrement, vous manifestez un empressement pour faire des Vous écrivez: «Lorsqu’il enseigne, le Christ “parle un espaces catéchétiques des lieux manifestes de liberté, langage vivant, imagé, concret, bref, précis. Il évite d’espérance et d’enthousiasme. Ce souhait serait-il toute prolixité et condense souvent en une phrase tout transposable à l’environnement scolaire? A l’école du Christ pédagogue Quant au chapitre 4, il contient des pistes pédagogiques pour enseigner la caté- Pour les auteurs, le Christ était d’abord un enseignant, chèse. Pour rassurer le lecteur encore rétif, un éveilleur. Il leur a dès lors paru intéressant d’analyser l’humour, ingrédient pédagogique indis- sa manière d’enseigner. Le chapitre 1 propose un résumé pensable, est présent au fil des pages et d’une série de démarches d’enseignement-apprentissage tout particulièrement en propos liminaire (une synthèse grand public, mais fournissant aussi des clés et en postface. Le lecteur est aussi constam- d’observation pour les enseignants en classe, ainsi que des ment guidé dans sa compréhension. jalons pour lire la suite de l’ouvrage). Les chapitres 2 et 3 Pierre Vianin et François-Xavier Amherdt. étudient des exemples pédagogiques via quelques textes A l’école du Christ pédagogue. Comment enseigner à la des Evangiles et livrent des clés sur la manière dont la suite du Maître. St-Maurice: Editions Saint-Augustin, coll. pédagogie du Christ peut inspirer chaque enseignant. «Perspectives pastorales», 2011. Résonances - Mensuel de l’Ecole valaisanne - Juin 2014 13
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