Cahiers du CEVIPOL Brussels Working Papers - La-N-VA et les élections d'octobre 2018 : des aspirations contrariées Pascal Delwit - Ulb

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Cahiers du CEVIPOL      La-N-VA et les élections
                            d’octobre 2018 : des aspirations
Brussels Working Papers     contrariées

                   2/2019   Pascal Delwit
Centre d’étude de la vie politique (CEVIPOL)
                          Université libre de Bruxelles
                             Campus du Solbosch
                         Avenue Jeanne 44 – CP 124
                                 1050 Bruxelles
                              T. +32(0)2 650 4039

            Editrice/Editor: Amandine Crespy, acrespy@ulb.ac.be
        Archives et consignes pour soumission/Archives and instructions:

http://cevipol.ulb.ac.be/fr/cahiers-et-notes/les-cahiers-du-cevipol-brussels-
                              working-papers
Delwit Pascal is Professor of Political Science at the Université libre de Bruxelles (ULB)
and researcher at Centre d’étude de la vie politique (Cevipol). His main research
interests include political parties and electoral processes. In 2016, he published: Les
gauches radicales en Europe. XIXe-XXIe siècles. (Editions de l’Université de Bruxelles).
E-mail: pdelwit@ulb.ac.be
Abstract

On October 14, 2018, the Nieuw-Vlaamse Alliantie (N-VA) aimed to become the new
Flemish People's Party at Local elections and to assert its status of Dominant Party at
the Provincial elections. Examining the electoral and political results of the two
elections, it appears that the N-VA failed to achieve both goals. At the opposite, the
party suffered an electoral defeat and witnessed a return to favor by Vlaams Belang,
the far-right Flemish party. Its electoral decline is widespread but is more marked in its
areas of average settlement. Therefore, the party presents itself – still – more
connected to the province of Antwerp and appears as a minor or intermediate
political actor in Western Flanders, in Limburg and, to a lesser extent, in Eastern
Flanders.

Résumé

Le 14 octobre 2018, la Nieuw-Vlaamse Alliantie (N-VA) ambitionnait de s’affirmer
comme le nouveau parti populaire de Flandre aux élections communales et
d’affirmer son statut de parti dominant au scrutin provincial. A l’examen des résultats
électoraux et politiques des deux élections, il apparaît que la N-VA a échoué à
atteindre ses deux buts. Au contraire, elle a encouru une défaite électorale et a assisté
à un certain retour en grâce du Vlaams Belang, le parti flamand d’extrême droite. Son
recul électoral est généralisé mais est plus marqué dans ses zones d’implantation
moyenne. Ce faisant, le parti affiche un caractère – encore – plus anversois et se
donne à voir comme un parti mineur ou de format intermédiaire en Flandre
occidentale, dans le Limbourg et, dans une moindre mesure, en Flandre orientale.
1. INTRODUCTION

Le 14 octobre 2018, la Nieuw-Vlaamse Alliantie (N-VA), le parti indépendantiste
flamand, ambitionnait d’atteindre deux objectifs majeurs. Le premier était de
s’affirmer comme le nouveau parti populaire – Volkspartij 1 – de Flandre. La
notion de Volkspartij renvoie à deux idées pour partie liées, pour partie
indépendantes : d’abord le caractère transversal de l’électorat sur le clivage
socio-économique ; en d’autres termes, la capacité d’attirer des segments
d’électeurs tout aussi bien à gauche et à droite sur ce clivage. Ensuite, une
référence plus spécifique à l’implantation locale – une dimension
fondamentale historique de la vie politique en Belgique – assurant une facette
importante du maillage politique et social des partis et de la pilarisation telle
qu’elle s’est édifiée en Belgique 2. En Flandre, ce statut de Volkspartij est
détenu par les chrétiens-démocrates, qui répondent aux deux critères. L’Union
catholique, le Bloc catholique, puis le parti social chrétien-Christelijke
Volkspartij (PSC-CVP), le CVP et le CD&V (Christen-Democratisch en Vlaams)
sont des partis qui ont attiré et captent encore un vote transversal sur le clivage
socio-économique. Cette capacité n’a pas nécessairement été exclusive mais
elle était la plus dominante 3. Le caractère transversal du parti n’est d’ailleurs
pas assuré que par le corps électoral. Jusqu’en 1945, l’Union et le Bloc
catholiques étaient organisés sur la base de standen 4, dont l’Algemeen
Christelijk Werkersverbond (ACW) à gauche et le Christelijke Landsbond van
de Belgische Middenstand (CLBM) pour le versant patronal. La dimension
indirecte 5 du parti a été défaite en 1945 mais, dans le temps, l’équilibre a
toujours été recherché entre ces deux standen et il en reste partiellement de
même actuellement entre l’UNIZO (De Unie van Zelfstandige Ondernemers) et
l’ACW. Quant à l’implantation au plan local, c’est l’une des caractéristiques
les plus fortes des sociaux chrétiens flamands.
Pour la N-VA, il s’agissait d’approfondir la mise en œuvre de cette stratégie
déjà échafaudée pour les élections communales de 2012 6, de ravir ce statut
au CD&V, d’amplifier la percée électorale aux élections communales
d’octobre 2012 et de conquérir un maximum de mayorats.

1 « Wie wordt de Vlaamse volkspartij? », De Tijd, 13 octobre 2018 ; « N-VA wil ‘de grote
volkspartij’ worden », Knack, 13 octobre 2018 ; « Zijn lokale verkiezingen een referendum over
N-VA? », Doorbrak, 24 septembre 2018.
2 Delwit Pascal, Magnette Paul, De Waele Jean-Michel (Eds) (1999) Gouverner la Belgique.

Clivages et compromis dans une société complexe. Paris. Presses universitaires de France.
3 Voir à ce sujet Adam Jeroen (2004) « Een electorale en socio-professionele analyse van het

Vlaams-nationalisme in West-Vlaanderen, 1938-1976-2000 ». Revue belge d’histoire
contemporaine. 34 (11): 79-131.
4 Dejaeghere Yves, Vansintjan Peter (2007) « Les composantes du pilier catholique au bureau

du CVP », in Dewachter Wilfried, Depauw Sam (Eds) Bureaux de partis, bureaux du pouvoir.
Cinquante ans d'histoire. Bruxelles, Editions de l’Université de Bruxelles : 81-96.
5 Un parti indirect est un parti à travers lequel on adhère via une organisation contrairement à

un parti direct où l’adhésion est individuelle. van Haute Emilie (2009) Adhérer à un parti. Aux
sources de la participation politique. Bruxelles. Editions de l’Université de Bruxelles.
6 Rochtus Dirk (2012) « The rebirth of Flemish nationalism : assessing the impact of N-VA

Chairman Bart De Wever ‘s Charisma ». Studies in ethnicity and Nationalism. 12 (2): 281.
Le deuxième but était de confirmer le nouveau statut du parti, atteint aux
élections fédérales et régionales de mai 2014 : être la première formation de
Flandre et le nouveau parti dominant dans le sous-système politique flamand ;
en d’autre termes, selon les critères de Jean Charlot, atteindre un certain seuil
qu’il évalue à 30-35% des suffrages dans un (sous)système partisan marqué par
la multiplicité et « l’émiettement de ses adversaires » 7.
Rétrospectivement, ces deux objectifs fondamentaux apparaissent comme
extrêmement ambitieux à la lumière de plusieurs dimensions. La première
réfère à la relative jeunesse de la N-VA. Officiellement, le parti a vu le jour en
2002 sous la forme d’une des deux formations issues de l’implosion de la
Volksunie, l’autre étant incarnée par le courant progressiste : SPIRIT (Sociaal,
Progressief, Internationaal, Regionalistisch, Integraal-democratisch en
Toekomstgericht) 8. La N-VA avait pris part seule au scrutin fédéral de 2003 et
n’avait décroché qu’une performance électorale très modeste (4,9%) et un
seul député (Geert Bourgeois, en Flandre occidentale). A la lumière de ce
résultat plutôt décevant, le parti avait noué un partenariat avec le CD&V 9.
Celui-ci fut éprouvé pour la première fois aux élections régionales de 2004.
L’expérience fut rééditée aux élections communales et provinciales de 2006,
et au scrutin fédéral de 2007. Elle a permis à la N-VA d’élargir son nombre de
parlementaires fédéraux et régionaux, d’obtenir un nombre appréciable de
conseillers communaux et de goûter aux délices du pouvoir. En effet, à partir
de 2004, la N-VA est partie prenante au gouvernement flamand et, en 2006,
entre dans nombre de Collèges des bourgmestre et échevins. Mais, au niveau
régional, l’expérience tourna court en septembre 2008. N’avalisant pas le
manque de résultats en matière de réforme de l’Etat et sur le très sensible
dossier de la circonscription électorale de Bruxelles-Hal-Vilvorde, les
indépendantistes flamands mettent fin au cartel et reprennent une pleine
indépendance, avec les risques et les coûts afférents. Ainsi, la N-VA quitte, dans
la foulée, le gouvernement régional et communautaire flamand.
Ce choix périlleux fut pourtant gagnant. Aux élections régionales de 2009, le
parti nationaliste flamand surprend en engrangeant 13,2% et seize députés
régionaux. Mieux, au scrutin fédéral anticipé du printemps 2010, avec 28,0%
des suffrages, la N-VA s’impose comme la première formation de Flandre.
C’est dans cette nouvelle posture qu’elle se présenta aux élections
communales et provinciale d’octobre 2012. Pour le parti, il s’agissait d’une
nouvelle épreuve du feu à cette échelle. L’essentiel de sa participation en 2006
s’était opérée sous l’autel du cartel avec le CD&V. Or, la dernière expérience
de la Volksunie aux élections communales d’octobre 2000 s’était révélée
complexe 10. A l’échelle de l’ensemble des communes flamandes, la Volksunie

7 Charlot Jean (1970) « Du parti dominant ». Projet, p. 942.
8 Delwit Pascal, van Haute Emilie (2002) « L’implosion et la fin d’un parti : la Volksunie ». L’année
sociale : 13-24.
9 van Haute Emilie (2011) « Volksunie, Nieuw-Vlaams Alliantie, Spirit, Vlaams-Progressief ». In

Delwit Pascal, Pilet Jean-Benoit, van Haute Emilie (Eds) Les partis politiques en Belgique.
Bruxelles. Editions de l’Université de Bruxelles : 201-218.
10 Delwit Pascal (2001) « Les élections communales et provinciales du 8 octobre 2000 ». L’année

sociale : 13-40.
n’avait décroché que 4,9% des voix et 336 des 7.929 sièges communaux.
Ramenés aux seules communes où la Volksunie était en compétition, les
chiffres étaient de 6,8% des voix et 336 sièges des 4.963 en compétition.
Certes, l’état et la dynamique de la N-VA étaient foncièrement différents de
ceux de la Volksunie en 2000. En 2000, la Volksunie ne pouvait plus se prévaloir
que de 15.624 membres pour 36.439 à la N-VA douze ans plus tard. Et, alors
que la Volksunie était en plein débat existentiel, la N-VA était en phase
ascendante spectaculaire. Pour autant, ce scrutin était une inconnue pour les
nationalistes flamands, notamment confrontés à l’implantation historique
extrêmement forte des sociaux chrétiens, nous l’avons dit. La N-VA réussit
largement son pari de traduire ses importantes progressions électorales de 2009
et 2010 au plan local. Politiquement, elle remportait par ailleurs un succès
spectaculaire en décrochant l’hôtel de ville de la plus grande commune
flamande et belge : Anvers (Antwerpen).
Certes, le CD&V restait toujours le premier parti local mais cette première
frappait néanmoins les imaginations. De même, les nationalistes flamands
enlevaient-ils un résultat prometteur au scrutin provincial, moins marqué par les
effets de notabilité (Tableau 6). Ce scrutin tremplin pour les élections fédérales,
régionales et européennes de mai 2014 donnait en parallèle à voir une
dynamique cruciale : un transfert de voix très significatif du Vlaams Belang vers
la N-VA. Le Vlaams Belang est issu du Vlaams Blok. Originellement, le Vlaams
Blok est un cartel électoral formé du Vlaams Nationale Partij (VNP) et du
Vlaams Volkspartij (VVP) qui se présente pour la première fois aux élections
législatives de 1978. L’échec relatif de la liste amène au retrait puis à la fin du
VVP, dont plusieurs membres rejoignent le VNP dans l’édification d’un parti à
part entière : le Vlaams Blok. Flamingant et à droite, le Vlaams Blok endosse les
habits d’une formation d’extrême droite au milieu des années quatre-vingt. Il
connut son apogée aux élections régionales flamandes de 2004, en captant
24% des suffrages. Dès 2010, la dynamique de transfert massif de voix entre les
deux partis fut une des clés du bond spectaculaire au profit de la N-VA, tout
comme elle sera une composante cruciale de la victoire électorale de mai
2014.
Avec 32,4% des voix à l’échelle fédérale, la N-VA y enlève son meilleur score,
la performance la plus probante de l’histoire électorale des organisations
nationalistes flamandes. Ce résultat permit à la N-VA de s’ouvrir les portes du
gouvernement fédéral et de la Ministre-Présidence du gouvernement régional
et communautaire flamand. Pour autant, ce succès était loin d’être total. La
direction de la N-VA devait aussi prendre acte que le total des voix et des
sièges des trois partis (quasi) indépendantistes flamands – la N-VA, le Vlaams
Belang et la Lijst De Decker – était inférieur au résultat de 2010. C’est fort de
ces constats que se sont nouées les majorités aux plans régional,
communautaire et fédéral. Premier parti du gouvernement fédéral et régional-
communautaire flamand, la N-VA se présentait donc au scrutin d’octobre 2018
dans un statut doublement modifié.
- D’abord, nous l’avons épinglé, en raison de sa nouvelle stature électorale et
politique. La N-VA est devenue le grand parti de deux exécutifs, détient la
Ministre-présidence en Flandre et des postes régaliens clés au fédéral. Son
président dirige la principale ville de Flandre et son Secrétaire d’Etat à l’Asile et
aux migrations est devenu l’homme le plus populaire de Flandre selon plusieurs
enquêtes d’opinion.
- Ensuite, relativement à son ou ses identité(s). Initialement, il ne fait pas
beaucoup de doute que la N-VA réfère au premier chef au clivage centre-
périphérie 11, souvent qualifié de clivage linguistique en Belgique 12. Elle est
issue de la Volksunie, en est l’organisation la plus fidèle aux thématiques
originelles et a fait de l’avènement de l’indépendance d’une République
flamande son objectif premier :
      “In haar streven naar een beter bestuur en meer democratie kiest de
      Nieuw-Vlaamse Alliantie logischerwijs voor de onafhankelijke
      republiek Vlaanderen, lidstaat van een democratische Europese
      Unie” 13.

Cette référence au versant périphérie s’exprime non seulement dans le cadre
belge mais aussi à l’international. La N-VA est membre de l’Alliance libre
européenne, une fédération européenne de partis 14 dont les objectifs
primaires sont la promotion de la décentralisation, allant de l’autonomie à
l’indépendance des « peuples européens », la pierre angulaire étant le droit à
« l’autodétermination » :
      « The EFA (….) focuses its activity on the promotion of the right of self-
      determination of peoples, human, civil and political rights, democracy,
      internal enlargement, multi-level governance, devolution of powers,
      cultural and linguistic diversity; as well as on nationalism, regionalism,
      autonomy and independence. The right to self-determination is a
      cornerstone of the EFA’s program and ideology » 15.

Cette inscription dans le combat pour l’autodétermination des peuples et des
nations européens s’est matérialisée dans la période contemporaine par un
soutien appuyé au parti national écossais (SNP) lors du référendum pour
l’indépendance de l’Ecosse et, de manière plus saisissante encore, aux acteurs
promoteurs de l’indépendance de la Catalogne lors du référendum organisé
en septembre 2017. Dans son exil belge, Carles Puigdemont a trouvé réconfort
et soutien politique et matériel de la N-VA, et d’organisations et personnalités
flamingantes.

11 Lipset Seymour-Martin, Rokkan Stein (2008) Structures de clivages, systèmes de partis et
alignement des électeurs : une introduction. Bruxelles. Editions de l’Université de Bruxelles
(Réédition).
12 Delwit Pascal (2012), La vie politique en Belgique de 1830 à nos jours. Bruxelles. Editions de

l’Université de Bruxelles (troisième édition).
13 Nieuw-Vlaamse Alliantie, Statuten Gecoördineerde versie, 25/06/2018, p. 2.
14 Seiler Daniel-Louis (2001) « Le parti démocratique des peuples PDPE-ALE ». In Delwit Pascal,

Kulahci Erol, van de Walle Cédric (Eds) Les fédérations européennes de partis. Organisation et
influence. Bruxelles. Editions de l’Université de Bruxelles: 155-170 ; Cetrà Daniel, Liñeira Robert
(2018) « Breaking up within Europe: Sub-state Nationalist Strategies in Multilevel Polities ». Journal
of Common Market Studies. 56 (3): 717-729.
15 http://www.e-f-a.org/about-us/
Mais, dès le scrutin fédéral de 2010, un deuxième trait identitaire se dévoile : la
position extrêmement néo-libérale du parti sur les thématiques socio-
économiques. Cette dimension qui avait alors échappé à nombre
d’observateurs et d’acteurs s’affirme dans l’opposition au gouvernement
dirigé par Elio Di Rupo. Et avant même sa mise en place, le président des
nationalistes flamands avait frappé les imaginations par cette sentence :
« Voka 16 is mijn echte baas als Voka niet tevreden is, ben ik niet tevreden » 17.
En 2014, la campagne de la N-VA sera d’abord et avant tout anti-socialiste,
marquée d’une hostilité forte à la régulation publique dans les affaires
économiques et sociale, et au rôle des acteurs intermédiaires comme les
organisations syndicales. Ce positionnement sur le versant possédants du
clivage possédants-travailleurs est devenu identifiant et s’est affirmé dans
l’exercice des politiques publiques.
Enfin, la N-VA a révélé, dans la période récente, une troisième référence
identitaire, celle d’un parti ethnocentrique et fixé sur les thématiques Law and
order 18. Adam et Deschouwer ont montré l’évolution de la N-VA dans son
approche restrictive envers l’immigration ou les demandeurs d’asile 19. Et à
compter des années 2009 et 2010, le propos de certains cadres de la N-VA
confine à la xénophobie. Cette rhétorique est alors interprétée comme la
volonté du parti d’attirer à lui un électorat qui optait pour le Vlaams Blok puis
le Vlaams Belang. Cette opération apparaissait nécessaire pour atteindre des
objectifs centraux : décrocher le mayorat d’Anvers ou rendre la N-VA
incontournable après les élections fédérales et régionales du printemps 2014.
En 2014, c’est d’ailleurs à la N-VA qu’échoient deux postes stratégiques
relativement à ces thématiques : le ministère de l’Intérieur et le secrétariat
d’Etat à l’Asile et aux migrations.
Dans le temps, ce qui n’apparaissait que comme des éléments de langage
des personnalités les plus à droite du parti est devenu central. La N-VA s’est
progressivement affichée comme une formation politique promotrice d’un
nationalisme organiciste 20 ou identitaire 21 et pour laquelle le rejet de la figure
de l’autre est devenu crucial. En la matière, l’apport et la démarche de Theo
Francken ont été révélateurs d’une vision néo-conservatrice voire
réactionnaire et ethnocentrique 22. De manière emblématique, le parti a

16 VOKA : Vlaams netwerk van ondernemingen (Réseau flamand des entrepreneur).
17 « Le VOKA est mon vrai patron. Si le VOKA n’est pas content, je ne le suis pas non plus ».
« Voka is mijn echte baas », De Standaard, 14 août 2010.
18 Bennett Stephen E., Tuchfarber Alfred J. (1975) «The Social-Structural Sources of Cleavage on

Law and Order Policies ». American Journal of Political Science, 19 (3): 419-438.
19 Adam Ilke, Deschouwer Kris (2016) « Nationalist parties and immigration in Flanders: from

Volksunie to Spirit and N-VA ». Journal of Ethnic and Migration Studies. 42 (8): 1290-1303.
20 Sternhell Zeev, Sznajder Mario, Ashéri Maia (1989) Naissance de l’idéologie fasciste. Paris.

Folio : 23.
21 Müller Jan-Werner (2018) Qu’est-ce que le populisme ? Définir enfin la menace. Paris. Folio :

154.
22 Le néo-conservatisme réfère à une démarche initiée dans les années soixante-dix visant tout

à la fois à un retour à un credo libéral sinon libertarien dans les questions socio-économiques
et à un combat culturel contre les principales idées des lumières et les principaux acquis du
libéralisme culturel du mouvement de mai 1968. Elliott Brian, McCrone David (1987) « Class,
accepté de siéger au Parlement européen dans le groupe eurosceptique des
conservateurs et réformistes européens (ECR) 23 aux côtés du parti
conservateur britannique mais, surtout, de partis réactionnaires ou
nationalistes, comme Droit et Justice (PiS) en Pologne et le parti démocratique
civique (ODS) de République tchèque, et même d’extrême droite, à l’instar du
parti populaire danois (DF) et du parti des vrais Finlandais (PerusS). A cet égard,
il est intéressant de relever la tolérance nouvelle de l’Alliance libre européenne.
En 1994, l’ALE n’avait pas hésité à suspendre la Lega Nord, pour son
participation à la coalition gouvernementale avec le parti post-fasciste
Alliance nationale (AN). La Ligue du nord avait d’ailleurs choisi de quitter l’ALE
peu après 24.
Cet ensemble a conduit certains scientifiques, à l’image du sociologue Dirk
Jacobs 25, à désormais qualifier la N-VA de parti d’extrême droite. Et dans la
période récente, le président Bart De Wever a emprunté sémantiquement à
deux schémas et chemins empruntés par plusieurs partis d’extrême droite, celui
du Welfare Chauvinism 26 et du danger d’une supposée promotion des
frontières ouvertes par les formations de gauche. La sécurité sociale doit être
réservée aux « vrais » nationaux et peut se perpétuer dans cette configuration
uniquement, ou elle disparaîtra :
        « Devons-nous accueillir tout le monde et cet accueil doit-il se faire
        par l’immigration ? Il faut alors savoir que nous ne pourrons plus
        maintenir notre système social à son niveau actuel. Si nous choisissons
        cette voie, il nous reste deux options : un système fermé de sécurité
        sociale accessible uniquement aux personnes qui y contribuent ou
        qui s'effondrent » 27.

culture and morality: a sociological analysis of neo-conservatism ». The Sociological Review.
35 (3): 485-515 ; Green Philip (2004) « Le néo-conservatisme et les « contre-Lumières » ». Raisons
politiques, 16 (4) : 83-90.
23 Brack Nathalie (2018) Opposing Europe in the European Parliament: Rebels and Radicals in

the Chamber. Londres. Palgrave : 135 et ss.
24 Delwit Pascal (2005) « Petites patries, petits partis ? Les partis régionalistes en Europe », In

Delwit Pascal (Ed.) Les partis régionalistes en Europe. Des acteurs en développement ?
Bruxelles. Editions de l’Université de Bruxelles : 11.
25 Dirk Jacobs (ULB): « La N-VA est aujourd'hui un parti d'extrême droite » », RTBF, 24 septembre

2015      (https://www.rtbf.be/info/belgique/dossier/gouvernement-michel/detail_il-est-temps-
que-le-federal-se-demande-jusqu-ou-il-peut-aller-avec-la-n-va?id=9089358).
26 Ketola Markus, Nordensvard Johan (2018) « Reviewing the relationship between social policy

and the contemporary populist radical right: welfare chauvinism, welfare nation state and
social citizenship ». Journal of International and Comparative Social Policy. 34 (3): 172-187 ; de
Koster Willem, Achterberg Peter, van der Waal Jeroen (2013) « The new right and the welfare
state: The electoral relevance of welfare chauvinism and welfare populism in the Netherlands
». International Political Science Review. 34 (1): 3–20.
27 Bart De Wever, «La gauche doit choisir entre des frontières ouvertes et l’Etat providence», Le

Soir, 25 janvier 2018.
2. LE SCRUTIN COMMUNAL : UN BUT POLITIQUE MANQUE

Il est rarement aisé de tirer des conclusions électorales et politiques globales
d’une élection communale. En raison des effets de notabilité, elle donne le plus
souvent à voir des dimensions contrastées. Il n’empêche, il est possible de faire
la part des choses en termes de satisfactions et de désillusions.
La Nieuw-Vlaamse Alliantie s’est présentée seule ou dans le cadre d’un cartel
ou d’une liste d’union dans l’écrasante majorité des communes flamandes 28.
Ce nombre est désormais de trois cents. En effet, par rapport à l’élection de
2012, quinze communes ont opéré un processus de fusion donnant naissance
à huit nouvelles communes : Oudsbergen (résultat de la fusion de Meeuwen-
Gruitrode et Opglabbeek), Kruisem (résultat de la fusion de Kruishoutem et
Zingem), Aalter (résultat de la fusion de Aalter et Knesselare), Pelt (résultat de
la fusion d’Overpelt et Neerpelt), Deinze (résultat de la fusion de Deinze et
Nevele), Puurs-Sint-Amands (résultat de la fusion de Puurs et Sint-Amands) et
Lievegem (résultat de la fusion de Lovendegem, Waarschoot et Zomergem).
Dans les trois cents communes flamandes, la N-VA n’est absente du scrutin que
dans neuf communes, soit un taux de couverture de 97% 29. Encore convient-il
de mentionner que trois d’entre elles sont des communes à régime linguistique
spécial à forte proportion d’habitants francophones – Drogenbos, Crainhem
(Kraainem) et Linkebeek – et que les six autres sont très ténues d’un point de
vue démographique : Herstappe (83 habitants), Messines (Mesen, 1.050
habitants), Ruiselede (5.363 habitants), Espierres-Helchin (Spiere-Helkijn, 2.069
habitants), Vorselaar (7.861 habitants), Zuienkerke (2.722 habitants). Cette
large couverture est très légèrement meilleure que celle de 2012, qui est était
déjà très ample. A cette occasion, la N-VA avait été présente dans 297 des
308 communes flamandes, soit un taux de couverture de 96,4%.

     2.1.   Les satisfactions de l’élection locale

Au premier rang des satisfactions, épinglons, au premier chef la situation à
Anvers (Antwerpen). La principale commune flamande a focalisé une bonne
part de l’attention politique et médiatique pendant la campagne. Malgré un
tassement électoral (- 2,4 points de pourcent), Bart De Wever a su garder la
main et conserver l’hôtel de ville. L’élaboration d’une majorité fut assez
laborieuse mais aboutit finalement à un accord inattendu entre les
nationalistes flamands, l’Open Vld et le sp.a, renvoyant de la sorte le CD&V et
le Vice-Premier ministre Kris Peeters dans l’opposition. Ce-dernier a d’ailleurs
décidé de ne pas siéger au conseil communal.
Plus largement, électoralement, la N-VA demeure à un niveau élevé tant au
plan de la ville que dans les districts. On y observe néanmoins des évolutions
non homogènes. La N-VA progresse dans certains d’entre eux, notamment les

28 Dans le cas d’un cartel, une évaluation a été faite de l’apport des voix N-VA à partir du
nombre de candidats du parti élus.
29 Nos remerciements à Piet De Zaeger pour les informations fournies.
districts cossus de Merksem et Wilrijk, et s’affaisse dans d’autres, singulièrement
les districts plus populaires d’Hoboken et Borgerhout (Tableau 1).

Tableau 1. Résultats comparés de la N-VA dans les districts anversois aux
élections de 2018 et 2012

                                           2018        2012 Différentiel
 Anvers                                     28,5        26,0         2,5
 Berchem                                    32,6        32,9        -0,3
 Berendrecht-Zandvliet-Lillo                35,9        38,6        -2,7
 Borgerhout                                 21,4        25,5        -4,1
 Deurne                                     35,7        40,7        -5,0
 Ekeren                                     40,5        42,0        -1,5
 Hoboken                                    32,5        35,6        -3,1
 Merksem                                    37,8        35,6         2,2
 Wilrijk                                     38,3       36,2         2,1
sources : https://www.vlaanderenkiest.be/verkiezingen2012/;
https://www.vlaanderenkiest.be/verkiezingen2018/

Hors Anvers, la N-VA a su conserver la direction des importantes communes
d’Alost (Aalst) et de Saint-Nicolas (Sint-Niklaas) en Flandre orientale, et a pu
conquérir le mayorat d’Hasselt dans le Limbourg. En Brabant flamand, dans sa
commune de Lubbeek, Theo Francken a fait progresser le parti de 8,9 points
de pourcent, et à Brasschaat, où Jan Jambon tirait la liste, la N-VA grimpe de
4,9 points de pourcent. Par ailleurs, quelques résultats ont marqué. Par exemple
celui de la commune d’Edegem où le jeune Koen Metsu a permis à la N-VA
de décrocher une majorité absolue en voix (+ 15,1 points de pourcent).

  2.2.     Les désillusions du scrutin communal

Toutefois, examiné dans une perspective globale, le scrutin communal est une
désillusion importante pour la N-VA. Les nationalistes flamands escomptaient
s’imposer comme le nouveau Volkspartij. Il n’en est rien. Au contraire, le résultat
d’ensemble de la N-VA est plus mauvais que celui glané lors des élections
communales d’octobre 2012.
Cette observation est vérifiée à l’échelle provinciale partout (Tableau 2). En
Brabant flamand, la N-VA se tasse de 0,3 points de pourcent (- 1,4% de ses
voix). Dans la province d’Anvers, le tassement se fixe à 0,9 points de pourcent
(- 2,8% de ses suffrages). Mais c’est surtout en Flandre orientale et occidentale,
et dans le Limbourg que le recul est le plus net. En Flandre orientale, la N-VA
passe de 21% à 18,3%, soit une perte de 2,7 points de pourcent (- 12,9% de ses
voix). Dans le Limbourg, elle passe de 20,8% à 18,4%, soit un reflux de 2,4 points
de pourcent (- 11,5% des voix de 2012). Enfin, en Flandre occidentale, le repli
est le plus sévère. La N-VA passe de 19,5% à 15,8%. La perte est de 3,7 points
de pourcent (- 19% de ses voix).
Tableau 2. Résultats de la N-VA aux élections communales de 2018 et 2012 agrégés à l’échelle provinciale

                                                                       2018                                 2012
                                                               Nombre de Nombre                      Nombre Nombre             2018 par
                                                       %    en sièges     total de %      en %    en de sièges total de % en rapport à
                                                       voix    enlevés    sièges   sièges    voix    enlevés    sièges  sièges 2012
 Brabant flamand                                          20,6          321     1545        20,8    20,9       322      1529    21,1   -0,3
 uniquement dans l'espace où la N-VA est présente         20,9          321     1490        21,5    21,3       322      1463    22,0   -0,4
 Anvers                                                   29,7          564     1755        32,1    30,6       561      1756    31,9   -0,9
 uniquement dans l'espace où la N-VA est présente         29,8          564     1736        32,5    31,1       561      1735    32,3   -1,3
 Flandre occidentale                                      15,8          225     1496        15,0    19,5       275      1494    18,4   -3,7
 uniquement dans l'espace où la N-VA est présente         15,9          225     1448        15,5    20,2       275      1400    19,6   -4,3
 Flandre orientale                                        18,3          280     1542        18,3    21,0       339      1603    21,1   -2,8
 uniquement dans l'espace où la N-VA est présente         18,3          280     1542        18,3    21,2       339      1584    21,4   -2,9
 Limbourg                                                 18,4          177     1054        16,8    21,1       224      1078    20,8   -2,7
 uniquement dans l'espace où la N-VA est présente           18,4          177      1047     16,9      21,1       224     1071   20,9   -2,7
Nos calculs ; sources : https://www.vlaanderenkiest.be/verkiezingen2012/; https://www.vlaanderenkiest.be/verkiezingen2018/
Ce recul d’ensemble s’observe aussi à l’aune de la comparaison du nombre
de tassements et de progressions entre 2012 et 2018. Sur les 285 communes où
la comparaison peut être effectuée, la N-VA progresse dans 98 communes
(34,4%) et recule dans 187 (65,6%). Dans deux tiers de communes, le résultat de
la N-VA est ainsi inférieur à ce qu’elle avait décroché au scrutin local de 2012
(Tableau 3).

Tableau 3. Nombre de communes où la N-VA progresse et régresse aux
élections communales de 2018 par rapport aux élections communales de 2012

                                                  Nombre de
                       Reculs        Progressions communes
 Brabant flamand                34          28             62
 Anvers                         37          30             67
 Flandre occidentale            42          19             61
 Flandre orientale              41          15             56
 Limbourg                      33              6          39
 Flandre                      187            98          285
Nos       calculs ;     sources :       https://www.vlaanderenkiest.be/verkiezingen2012/;
https://www.vlaanderenkiest.be/verkiezingen2018/

Alors même que les nationalistes flamands escomptaient y progresser et y
investir l’hôtel de ville dans plusieurs d’entre elles – Gand (Gent) et Louvain
(Leuven) par exemple –, cette mauvaise performance d’ensemble est, au
contraire, exacerbée dans les plus grandes localités flamandes. Dans les 23
communes de plus de 40.000 habitants, la N-VA recule dans dix-sept d’entre
elles (Tableau 4), parfois de manière spectaculaire comme à Gand (Gent, - 5
points de pourcent, soit une perte de 27,9% de ses voix), Bruges (Brugge, - 8,1
points de pourcent, soit une perte de 40,0% de ses voix), Malines (Mechelen,
- 6,7 points de pourcent, soit une perte de 28,9% de ses voix), Courtrai (Kortrijk,
- 5,2 points de pourcent, soit une perte de 31,8% de ses voix), Ostende
(Oosente, - 6,3 points de pourcent, soit une perte 27,7% de ses voix), Roulers
(Roeselare, - 10,6 points de pourcent, soit une perte de 36,3% de ses voix),
Beveren (- 10,5 points de pourcent, soit une perte de 29,8% de ses voix),
Beringen (- 9,2 points de pourcent, soit une perte de 35% de ses voix), Turnhout
(- 7,4 points de pourcent, soit une perte de 22.6% de ses voix), Lokeren (- 6,0
points de pourcent, soit une perte de 32,8% de ses voix) et Geel (- 9,7 points de
pourcent, soit une perte de 26,5% de ses voix). Dans ce tableau, la ville de
Genk où la secrétaire d’Etat Zuhal Demir tirait la liste fait office d’exception ; les
nationalistes flamands y progressent de 9,3 points de pourcent. Par ailleurs,
nous l’avons pointé, en progressant de 3,1 points de pourcent à Hasselt, la N-
VA sous le leadership du ministre de la Défense Steven Vandeput, a pu
accéder au mayorat de la ville.

                                           14
Tableau 4. Evolution de la N-VA entre les élections communales de 2012 et 2018
dans les communes de plus de 40.000 habitants30

                                 Nombre       Evolution entre
                                d'habitants    2012 et 2018
 Anvers (Antwerpen)                525.851                 -2,4
 Gand (Gent)                       261.118                 -5,0
 Bruges (Brugge)                   118.585                 -8,1
 Louvain (Leuven)                  100.531                +3,1
 Malines (Mechelen)                 86.424                 -6,7
 Alost (Aalst)                      85.964                +2,0
 Hasselt                            77.941                +3,1
 Saint-Nicolas (Sint-Niklaas)       77.829                +0,5
 Courtrai (Kortrijk)                76.483                 -5,2
 Lommel                             72.021                 -0,7
 Ostende (Oostende)                 71.525                 -6,3
 Genk                               66.124                +9,3
 Roulers (Roeselare)                62.724                -10,6
 Beveren                            48.437                -10,5
 Beringen                           46.169                 -9,2
 Termonde (Dendermonde)             45.719                 -0,7
 Turnhout                           44.474                 -7,4
 Vilvorde (Vilvoorde)               44.295                 -3,6
 Heist-op-den-Berg                  42.633                 -3,2
 Dilbeek                            42.597                +1,1
 Lokeren                            41.564                 -6,0
 Saint-Trond (Sint-Truiden)         40.976                 -1,4
 Geel                             40.011                -9,7
Nos       calculs ;     sources :        https://www.vlaanderenkiest.be/verkiezingen2012/;
https://www.vlaanderenkiest.be/verkiezingen2018/

A la lumière de ces données et malgré une appréciation d’ensemble plus
difficile pour un scrutin local que pour des élections législatives et régionales, il
apparaît bien que l’élection communale d’octobre 2018 se décline comme
une défaite électorale marquante pour la N-VA. Politiquement, la N-VA se
donne bien sûr à voir comme un parti important après les communales. Selon
nos calculs, elle enlève 1.567 conseillers communaux sur les 7.263 en jeu dans
les communes où elle était en compétition (21,6% ; 21,2% si l’on compte tous
les sièges en jeux – 7.392).

30Source : Chiffre global de la population par commune, au 1er janvier 2018, Service public
fédéral Intérieur.

                                              15
Politiquement, à l’entame de la législature 31, elle décroche cinquante-quatre
mayorats (Tableau 5). Assez logiquement, plus de moitié d’entre eux se situent
dans la province d’Anvers. En revanche, l’investissement d’un hôtel de ville est
minimal en Flandre occidentale – 3 – et dans le Limbourg – 3.

Tableau 5. Communes où la N-VA occupe l’Hôtel de ville

 Province d’Anvers                       Brabant flamand
 Aartselaar                              Dilbeek
 Anvers (Antwerpen)                      Herent
 Arendonk                                Kapelle-Op-Den-Bos
 Boom                                    Lubbeek
 Bornem                                  Meise
 Brasschaat                              Leeuw-Saint-Pierre (Sint-Pieters-Leeuw)
 Brecht                                  Steenokkerzeel
 Dessel                                  Tervuren
 Duffel                                  Zemst
 Edegem                                  Flandre occidentale
 Geel                                    Le Coq (De Haan)
 Herselt                                 Dentergem
 Hove                                    Izegem
 Kontich                                 Flandre orientale
 Lier                                    Alost (Aalst)
 Lille                                   Diepenbeek
 Lint                                    Evergem
 Mortsel                                 Haaltert
 Oud-Turnhout                            Kruibeke
 Ranst                                   Lebbeke
 Rijkevorsel                             Maarkedal
 Rumst                                   Saint-Nicolas (Sint-Niklaas)
 Schilde                                 Limbourg
 Schoten                                 Alken
 Sint-Katelijne-Waver                    Fourons (Voeren)
 Stabroek                                Hasselt
 Turnhout
 Wijnegem
 Willebroek
 Wommelgem
 Zoersel

31 Dans plusieurs communes, un accord sur le partage du mayorat dans la législature est
intervenu. En principe, à la fin de la législature, les données seront – un peu – ajustées.

                                            16
Outre les 54 participations à un Collège dans lequel la N-VA détient le poste
de bourgmestre, les nationalistes flamands sont partie prenante dans 71
majorités. In fine, la N-VA est ainsi présente dans 125 des 300 collèges en
Flandre. Ce résultat n’est pas négligeable. Le nombre de bourgmestres est
même légèrement supérieur à celui de 2012 (48). Toutefois, la N-VA enregistre
trois défaites significatives dans ce scrutin.
La première renvoie à l’échec de son objectif nodal : devenir le Volkpartij. Le
CD&V conserve aisément ce statut à l’échelle locale. Les chrétiens-
démocrates ont résisté à l’assaut nationaliste flamand sur les communes de
format intermédiaire, de zone péri-urbaine et d’aires rurales, et ressortent du
scrutin avec 124 bourgmestres, soit 70 de plus que la N-VA.
La deuxième est l’échec à investir de nouvelles places fortes alors que la N-VA
y aspirait, singulièrement à Louvain (Leuven) et Gand (Gent). Hasselt est la
seule exception.
La troisième est la très bonne tenue du Vlaams Belang dans cette élection
locale. En 2012, l’extrême droite flamande avait subi un échec cuisant. Et deux
ans plus tard, elle avait été renvoyée à ses études. Avec à peine un peu plus
de 5% des suffrages, le Vlaams Belang se situait à des scores et à un statut
antérieurs à sa première grande percée aux élections de novembre 1991 32. Le
résultat de 2018 témoigne d’un renversement de tendance par rapport à ce
déclin. Alors que le Vlaams Belang n’avait obtenu que 240 mandats de
conseillers communaux en 2012, il en décroche 340 en 2018.

     2.3.   Un échec bruxellois

Dans la perspective des élections fédérales, mais sans doute plus encore, du
scrutin régional bruxellois, la N-VA avait soigneusement préparé les élections
communales à Bruxelles 33. Il s’agissait de faire du scrutin local un tremplin vers
2019 dans l’espoir de pouvoir s’y imposer dans le rôle linguistique
néerlandophone de la majorité et, possiblement, de « bloquer » la Région de
Bruxelles-capitale. Pour ce faire, la N-VA n’a guère fait dans l’originalité. Le parti
avait tout simplement imité l’approche du Vlaams Blok aux élections régionales
de 1999 et de 2004 : une diffusion massive d’un toutes-boîtes axé sur le supposé
« laxisme » dans la région et un message complètement centré sur les
thématiques ethnocentriques et Law and order, le tout en français et en
néerlandais. Pendant la campagne, il en est allé largement de même avec
une campagne d’encarts dans des journaux francophones avec en têtes
d’affiche, Jan Jambon et Theo Francken. Cette démarche du centre du parti
n’a pas toutefois pas pu masquer l’implantation poussive de la formation

32 Delwit Pascal, De Waele Jean-Michel, Rea Andrea (1998) « Les étapes de l’extrême droite
en Belgique », in Delwit Pascal, De Waele Jean-Michel, Rea Andrea (Eds) L’extrême droite en
France et en Belgique. Bruxelles. Complexe : 57-83.
33 Pour une analyse plus approfondie sur la dynamique aux élections communales de 2018 à

Bruxelles, voir Delwit Pascal, van Haute Emilie (2019), « Le scrutin communal du 14 octobre 2018
à Bruxelles: une élection détonante ». Cahiers du Cevipol / Brussels Working Papers. (1) : 1-41.

                                              17
nationaliste flamande dans plusieurs communes de Bruxelles. La N-VA n’a pu
soumettre une liste au corps électoral que dans treize des dix-neuf communes
de la Région – trois de plus qu’en 2012. Aucune de ses listes n’était complète
et plusieurs étaient réduites à une expression très modeste : deux candidats à
Auderghem, Evere, Koekelberg et Saint-Josse-ten-Noode, trois candidats à
Ixelles, quatre candidats à Uccle et six candidats à Jette.
Aucune dynamique électorale d’ensemble ne s’est donnée à voir, mais dans
un nombre appréciable de communes où la N-VA était présente en 2012, elle
a reculé en 2018 : Anderlecht, Berchem-Sainte-Agathe, la ville de Bruxelles,
Molenbeek-Saint-Jean et Saint-Josse-ten-Noode. A contrario, une progression
est observée dans quatre d’entre-elles : à Ganshoren, Ixelles, jette et
Schaerbeek (Tableau 6). La N-VA n’a donc pas réussi son pari de faire du
scrutin communal un levier pour les élections régionales de 2019.

Tableau 6. Résultats électoraux de la N-VA et du Vlaams Belang aux élections
communales bruxelloises de 2018 et de 2012 et nombre de conseillers
communaux (entre parenthèses)

                                                    N-VA
                                           2018            2012
 Anderlecht                               4,1 (1)          5,1 (2)
 Auderghem                                2,3 (0)             -
 Berchem-Sainte-Agathe                    6,7 (1)          7,0 (1)
 Bruxelles                                3,7 (1)          4,3 (1)
 Etterbeek                                   -                -
 Evere                                    4,8 (1)             -
 Forest                                      -             2,2 (0)
 Ganshoren                                6,7 (1)          4,9 (0)
 Ixelles                                  2,9 (0)          2,3 (0)
 Jette                                    4,3 (1)          4,2 (1)
 Koekelberg                               3,5 (0)             -
 Molenbeek-Saint-Jean                     3,4 (1)          4,0 (1)
 Saint-Gilles                                -                -
 Saint-Josse-ten-Noode                    2,1 (0)          3,3 (0)
 Schaerbeek                               2,7 (0)          2,2 (0)
 Uccle                                    2,3 (0)             -
 Watermael-Boitsfort                         -                -
 Woluwe-Saint-Lambert                        -                -
 Woluwe-Saint-Pierre                          -             -
Source : http://bruxelleselections2012.irisnet.be/; https://elections2018.brussels

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3. LE SCRUTIN PROVINCIAL DE 2018, UNE ÉLECTION INTERMÉDIAIRE SANCTION
     POUR LA N-VA ?

En 1980 puis en 1984 et 1985, Karlheinz Reif et Hermann Schmit avaient
caractérisé les élections européennes de scrutins de deuxième ordre 34.        Au-
delà de la qualification de deuxième ordre à l’endroit des élections
européennes, Reif avait d’emblée élargi la portée de sa proposition en
distinguant deux catégories d’élections : le(s) scrutin(s) de premier ordre – les
élections nationales, le plus souvent législatives – et les élections de deuxième
ordre – les scrutins européen et infranational :
      “And this leads us to the other dilemma, European elections face:
      Since it is the national arena that clearly dominates political life in
      Western Europe, European elections – just as any other subsystem
      election in the member countries – are inevitably relevant for the
      domestic competition among political parties in each country. Of
      course, they have no constitutional, institutionally binding,
      consequences for the distribution of power among parties in the
      national institutions. They nevertheless play a role in the national
      game of politics. European elections are inevitably second order
      national elections” 35.

Dans le temps, le propos initial de Reif et Schmitt a régulièrement été vérifié,
amendé ou critiqué à la suite des élections européennes de 1989, 1994, 1999,
2004, 2009 et 2014 36. En revanche, un examen large et critique dédié aux
scrutins infranationaux est plus exceptionnel. Pour les scrutins subnationaux, la
catégorisation d’élections intermédiaires a aussi été avancée. L’idée
d’élections intermédiaires fut présentée pour la première fois en 1983 par Jean-
Luc Parodi 37 et notamment reprise par Reif peu après, les assimilant clairement
à ce qu’il nomme « une version additionnelle des élections nationales de
second ordre ».
Les données le plus souvent avancées pour qualifier ces scrutins de la sorte sont
d’abord la plus faible considération à l’endroit du scrutin. Tous les acteurs

34 Reif Karlheinz, Schmitt Herman (1980) « Nine Second-Order National Elections. A conceptual
framework for the analysis of European Election Results ». European Journal of Political
Research. 8 (1): 3-44 ; Reif Karlheinz (1984) « National Electoral Cycles and European Elections
1979 and 1984 ». Electoral Studies. 3 (3): 244–255 ; Reif Karlheinz (1985) Ten European Elections.
Aldershot. Gower.
35 Reif Karlheinz (1985) Ten European Elections. Aldershot. Gower: 4.
36 Hassing Nielsen Julie , Franklin Mark N. (2017) « The 2014 European Parliament Elections: Still

Second Order? ». In Hassing Nielsen Julie , Franklin Mark N. (Eds), The Eurosceptic 2014 European
Parliament Elections. Londres, Palgrave : 1-16 ; Voir aussi les papiers présentés au panel de
l’ECPR à Bordeau en 2013 au panel « European Parliament Elections: Still Second Order? »
coordonné                           par                      Michael                       Marsh :
https://ecpr.eu/Events/PanelDetails.aspx?PanelID=1077&EventID=5
37 Parodi Jean-Luc (1983) « Dans la logique des élections intermédiaires ». Revue politique et

parlementaire. 903 : 42-70.

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impliqués dans la campagne électorale y portent moins d’intérêt que pour des
élections nationales de premier ordre : les adhérents et les militants de partis,
les formations politiques elles-mêmes, leurs dirigeants, les leaders d’opinion, les
journalistes ou encore les organisations de la société civile. Et, bien
évidemment, les citoyens-électeurs, pour lesquels l’enjeu du scrutin apparaît
faible. Depuis les premiers travaux sur la participation électorale 38, la relation
entre saillance du scrutin et l’enjeu a été établie. Il en serait ainsi dans ce type
d’élections. Second-order elections, that is, “elections where voters believe
little to be at stake” épinglent Koepke et Ringe 39. Il en résulte une participation
électorale bien plus faible que pour les élections de premier ordre. Cette
dynamique est largement vérifiée pour les élections européennes et
régulièrement pour les scrutins subnationaux. L’abstention serait due à ce plus
faible intérêt pour l’élection et à l’existence d’un abstentionnisme différentiel.
L’abstentionnisme différentiel renvoie à l’idée que les supporters du ou des
partis de gouvernement se rendraient moins aux urnes pour envoyer un
message à leur parti. « Dans la logique des élections intermédiaires, à la façon
d’un vote sanction, on peut compter sur une part plus ou moins significative
d’abstention sanction des gouvernements nationaux en place » estime Anne
Muxel 40.
Au-delà de cette plus faible considération, la dimension stratégique ou utile du
comportement électoral serait moins dominante. Nous aurions affaire à un
vote plus sincère, à un vote de cœur ébréchant les dynamiques de vote utile.
L’électeur pourrait opter pour le parti de son choix sans arrière-pensée. Cette
affirmation d’un déploiement d’un vote sincère a parfois été contredite sous
l’angle d’un autre comportement de type instrumental autre que
l’abstentionnisme différentiel : un vote d’avertissement, c’est-à-dire autre que
celui opéré pour le parti lors du précédent scrutin de premier ordre, afin de lui
exprimer une forme de mécontentement. Nous serions alors dans le registre de
la punishment election 41. Pour autant, et c’est important dans le contexte que
nous étudions, Franck et Isnard ont introduit une nuance à la dynamique de
sanction en isolant la notion de « sanction asymétrique». Toutes choses égales
par ailleurs, la sanction frapperait proportionnellement bien plus les partis de
gauche que les formations à la droite de l’échiquier politique 42. La sanction

38 Siegfried André (2010) Tableau politique de la France de l’Ouest sous la Troisième
République. Bruxelles. Editions de l’Université de Bruxelles (Réédition) ; Gosnell Harold (1930),
Why Europe votes. Chicago. The University of Chicago Press.
39 Koepke Jason R., Ringe Nils (2006) « The Second-order Election Model in an Enlarged

Europe ». European Union Politics. 7 (3) : 322.
40 Muxel Anne (2009) « La participation électorale : un déficit inégalé ». Revue internationale

de politique comparée. 16 (4) : 579.
41 Hix Simon, Marsch Mischael (2007) « Punishment or protest ? Understanding European

Parliament Elections ». The Journal of Politics. 69 (2): 495-510.
42 Franck Christian, Isnard Lise (2009) « Un vote sanction asymétrique ». Revue internationale de

politique comparée. 16 (4) : 607-621.

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est donc soulignée et elle a été souvent mise en évidence pour des élections
infra-nationales 43.
A la lumière de ce vote-sanction, les partis de gouvernement obtiendraient
régulièrement un score inférieur à celui du scrutin de premier ordre. Ces regards
et ces perspectives ont cependant été interrogés 44, critiqués voire démentis
dans l’analyse des élections subnationales 45. Par ailleurs, elles sont difficilement
transposables dans le cadre belge à la lumière de trois éléments.
- La mesure d’un plus faible intérêt, traduite dans une participation électorale
en retrait, a fortiori dans un abstentionnisme différentiel ou une mobilisation
différentielle 46, n’est pas possible dans un pays où le vote est obligatoire ; qui
plus est, dans un pays où cette obligation est très largement respectée. En
Belgique, le niveau de participation électorale est parmi les plus élevés à
l’échelle de l’Europe 47. Et cette mobilisation électorale importante vaut tant
pour les élections nationales que subnationales et supranationales.
- L’élection provinciale est désormais concomitante au scrutin communal. Or,
les observations et les analyses sur les théories d’élections de deuxième ordre
montrent que les conclusions sont brouillées lorsque deux élections
interviennent le même jour. De plus, l’élection communale est souvent
appréhendée comme la deuxième élection de premier ordre. En tout état de
cause, en Belgique, elle ne répondrait pas aux caractéristiques du scrutin de
deuxième ordre 48
- Enfin, dès lors que la Belgique est extrêmement marquée par la coexistence
de plusieurs (sous)systèmes politiques – fédéral et régional-communautaire –, il
n’est pas facile pour les électeurs de faire la part des choses entre un vote
sanction ou de cœur sans référence claire à un seul Exécutif. La difficulté est
d’autant plus prégnante que les partis ne sont pas toujours dans le même statut
(majorité ou opposition) aux deux niveaux.
Pour une majorité d’électeurs, le niveau provincial est bien moins connu et
compris que la vie politique au plan communal. Même si quelques dynamiques
s’y donnent régulièrement à voir, à l’instar d’un score chrétien-démocrate en
moyenne supérieur à leurs résultats aux scrutins fédéral et régional, la
performance d’ensemble des partis aux élections provinciales s’inscrit le plus
souvent dans la dynamique électorale nationale en cours. A ce titre, elles

43 Shileds James (2018) « Winner loses all: The 2015 French regional elections ». Regional and
Federal Studies. 28 (3) : 367-381.
44 Muller Jöchen (2018) « German regional elections: Patterns of second-order voting ».

Regional and Federal Studies. 28 (3): 301-324.
45 Schakel Arjan H., Jeffery Charlie (2013) « Are Regional Elections really ‘Second-Order’

Elections? ». Regional Studies. 47 (3) : 323-341.
46 Martin Pierre (2004) « Des cantonales à l’image des régionales ». Revue française de science

politique. 54 (4) : 682.
47 Delwit Pascal (2013) « The End of Voters in Europe? Electoral Turnout in Europe since WWII ».

Open Journal of Political Science. 3 (1): 44-52.
48 Lefevere Jonas (2014) « Les élections locales sont-elles des élections de deuxième ordre ? »,

in Pilet Jean-Benoit, Dassonville Ruth, Hooghe Marc, Marien Sofie (Eds) L’électeur local. Le
comportement électoral au scrutin communal de 2012. Bruxelles. Editions de l’Université de
Bruxelles : 71-85.

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