COLLOQUE Le transport fluvial à l'heure de la transition énergétique - Synthèse des débats - VNF
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VIAL FLU RT LE T PO RANS COLLOQUE Le transport fluvial à l’heure de la transition énergétique thèse des débats Syn 19 Le 29 maiP2a0ris à
Le point de vue de Frédéric Denhez, journaliste et animateur du colloque On le sait, la France, pays du tout-camion, a délaissé son fer et ses fleuves. La part modale du wagon et de la péniche reste désespérément faible, avec respectivement 9,6 % et 1,92 % d’un marché qui a atteint en 2017, 348,1 milliards de tonnes-kilomètres. Des statistiques à prendre avec des pincettes, cela dit, car ce sont des moyennes qui masquent une disparité impressionnante : dans certains ports, la part modale du fluvial monte à 15 %. Tout le monde s’en plaint, les professionnels ont beau dire qu’une péniche évite tant de camions, autant de CO2, qu’elle est ponc- tuelle et sûre, que le réseau peut sans aucun investissement parti- culier absorber un triplement voire un quadruplement des volumes, rien n’y fait : le fluvial reste le grand malade de la France du transport et de la logistique. Le constat ne doit pourtant pas masquer la réalité d’un renouveau en cours. Celle d’un monde qui investit à nouveau, qui se rajeunit et se modernise en vitesse. Alors que les villes vont se fermer de plus en plus aux camions à moteur à combustion interne, en dépit de contraintes réglementaires et financières particulières, les barges fluviales sont en train de verdir leur motorisation. L’horizon semble enfin s’ouvrir, c’est ce qu’a montré le dense et optimiste colloque que VNF a consacré le 29 mai 2019 au « transport fluvial à l’heure de la transition énergétique ». Ce colloque s’est tenu à la Fédération nationale des travaux publics au 3, rue de Berri, 75008 Paris 2
Sommaire p.26 Intervention Vers un nouveau modèle énergétique dans le milieu maritime p.6 Préambule Relever le défi de la transition énergétique p.28 Intervention Quel accompagnement de la Région Île-de-France p.8 Ouverture du colloque pour soutenir le transport fluvial ? p.13 Table ronde p. 29 Table ronde Transport fluvial et transition énergétique : Quels financements innovants pour accompagner quels constats, quels enjeux et quelles perspectives ? le verdissement du secteur fluvial ? Quel modèle économique du fluvial demain ? p.19 Table ronde Quelles solutions techniques et quelles évolutions p. 35 Table ronde réglementaires pour accompagner le changement ? Quel accompagnement des collectivités locales pour soutenir le transport fluvial dans son adaptation ? p.24 Intervention Les leçons du futur p. 40 Conclusions 4 5
Préambule Relever le défi de la transition énergétique Avec l’accélération du réchauffement entend aller de l’avant pour renforcer sa climatique, le transport fluvial est un performance environnementale. des leviers d’avenir de l’indispensable Des solutions techniques innovantes transition écologique et énergétique. sont développées et doivent se multi- De par son empreinte environnementale plier, afin de permettre aux transpor- largement inférieure au transport routier teurs de réduire les émissions polluantes compte tenu de la massification qu’il de leurs moteurs et de disposer ainsi permet, le mode fluvial répond signifi- de nouveaux leviers de compétitivité. cativement aux impératifs de réduction des émissions carbone et de polluants Face à ces défis environnementaux et atmosphériques, pour acheminer les climatiques, Voies navigables de France marchandises de toute nature (vrac, et HAROPA, avec le soutien de conteneurs, produits à haute valeur nombreux partenaires, ont pris l’initia- ajoutée, colis lourds, matières dange- tive d’organiser ce premier colloque reuses…). Le transport fluvial sait national afin de fédérer l’ensemble des s’adapter aux besoins du marché, acteurs de l’écosystème fluvial (trans- notamment pour la desserte des porteurs, chargeurs, gestionnaires d’in- grandes agglomérations au service de frastructures, acteurs portuaires, four- la logistique urbaine. nisseurs d’énergie, équipementiers…) autour des enjeux de verdissement de Pour autant, un défi se dresse devant la flotte. 260 participants ont répondu nous pour les années à venir : rendre le à l’appel. Les échanges et débats ont transport fluvial encore plus propre. permis d’aborder les enjeux d’innovation Le changement climatique et la dégra- dans la filière et la problématique de son dation de la qualité de l’air dans de financement, mais aussi de comprendre nombreuses agglomérations imposent les solutions qui s’offrent aux profes- en effet des exigences environnemen- sionnels et les freins à leur mise en tales toujours plus fortes. La France veut œuvre. À cette occasion, plusieurs atteindre la neutralité carbone de la annonces ont été faites qui confirment mobilité à l’horizon 2050, la Ville de la dynamique d’évolution engagée vers Paris ambitionne une sortie de la mobi- l’utilisation de bateaux plus propres. lité diesel en 2024 et essence à horizon Rendez-vous est pris en 2020 pour 2030. Le secteur de la navigation fluviale faire le bilan des engagements. 6 7
Ouverture du colloque Marc PAPINUTTI, directeur général Thierry GUIMBAUD, des Infrastructures, des Transports directeur général de et de la Mer au ministère de la Voies navigables de France (VNF) Transition écologique et solidaire « Le fluvial a une forte « Le vrai défi est de se mettre ensemble réalité environnementale, pour avancer. » il faut qu’il la préserve. » Marc PAPINUTTI a rappelé les cinq défis Thierry GUIMBAUD s’est félicité du succès devant être relevés dans le transport rencontré par le colloque, qui a suscité fluvial. Celui de la fiabilité des infrastruc- près de 300 inscriptions et nécessité l’ou- tures en premier lieu, pour lequel il note avec satisfaction l’aug- verture d’une salle annexe raccordée par visioconférence. mentation du soutien de l’État à la régénération du réseau et à VNF souhaite ainsi impulser un travail de groupe sur un sujet la réalisation des grands projets. Deuxième défi : celui de la extrêmement important pour la filière. Exploitant d’infrastruc- construction d’une vraie stratégie logistique et portuaire, tures, l’Établissement est aussi un fédérateur des acteurs autour comme préconisée par Éric HEMAR, président d’ID Logistics, et des sujets du fluvial, comme le montre le large partenariat tissé Patrick DAHER, président du groupe Daher, dans leur rapport. à l’occasion de ce colloque. Le directeur général de VNF a souligné Une stratégie qui permette la construction d’une véritable filière que si le transport fluvial a une image et une réalité d’un transport et le transfert de nouveaux trafics à la voie d’eau. En troisième plus écologique que les autres, il faut faire attention à ce que lieu, la France doit rattraper son retard en matière de transition cette réalité ne se dérobe pas, et qu’il ne reste au final que l’image. numérique, qui a avancé très vite sur le Rhin. Qu’il s’agisse de Pour cela, le secteur doit travailler d’arrache-pied. dématérialisation des procédures documentaires et des systèmes Il bénéficie aujourd’hui d’un intérêt de plus en plus marqué des de navigation ou de développement des systèmes d’informations chargeurs. Les touristes aussi exigent de pouvoir se tourner vers fluviales, le vrai défi est de se mettre ensemble pour avancer, le slow tourisme ; tout cela conduit à une floraison d’expérimen- notamment sur la Seine. Le quatrième défi est social : comme tations. Ainsi le secteur bouge beaucoup, mais il aura des diffi- c’est le cas dans tout le secteur des transports, le fluvial doit cultés à massifier ses innovations. Thierry GUIMBAUD a rappelé davantage attirer les jeunes, mais aussi les cadres supérieurs. les dispositifs financiers mis en place pour aider les entreprises Enfin, il doit relever le défi de la performance environnementale, (propriétaires de bateaux). Depuis 2008, ils ont permis le rempla- au travers des engagements pour la croissance verte qui cement de 200 moteurs. 36 % de la flotte française a ainsi pu être devraient se concrétiser rapidement. Dans la traversée des agglo- modernisée. Ces instruments sont désormais renforcés par l’im- mérations en particulier, la voie d’eau doit être exemplaire, alors plication de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de que la sensibilité environnementale sera probablement un enjeu l’énergie (Ademe), des Régions Île-de-France et Provence-Alpes- des prochaines élections municipales. En conclusion, M. PAPI- Côte d’Azur, pour financer le dispositif. NUTTI a salué la capacité des acteurs de la filière à se fédérer pour aboutir à la mise en place d’une interprofession fluviale. 8 9
Arnaud LEROY, président de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) Régine BRÉHIER, directrice générale « Plus le secteur fluvial tardera, plus d’HAROPA-Ports de Paris ce sera cher et compliqué. » « Le travail partenarial est indispensable en matière de transition énergétique. » Arnaud LEROY n’a pas hésité à faire un parallèle entre transport fluvial et trans- port maritime. Ce dernier est aujourd’hui Régine BRÉHIER est revenue deux ans en attaqué sur la question environnementale, alors que ses acteurs arrière, quand les annonces de la mairie annoncent toujours être de bons élèves en la matière. Le même de Paris sur la fin du diesel ont mis la raisonnement s’applique au transport fluvial. Pour le président de question de la motorisation verte sur le devant de la scène. l’Ademe, il est indispensable de réagir dès à présent, alors que La première idée a été de mettre en place un groupe de travail les choses bougent très vite. Plus le secteur fluvial tardera, plus réunissant l’ensemble des acteurs du secteur et l’ensemble des ce sera cher et compliqué. L’Agence va abonder le Programme enjeux, techniques et financiers, de ces projets ensemble. Si les d’aide à la modernisation et à l’innovation (PAMI), géré par VNF, premières réunions donnaient le vertige tant le champ d’action à hauteur de plus de 4 M€, sur un total de 16 M€. Elle travaille est varié, la directrice générale d’HAROPA-Ports de Paris recon- aussi sur la question des ports et des façades maritimes, en pilo- naît que le travail partenarial est indispensable sur le sujet de tant une étude sur la transition écologique, et soutient les terri- la transition énergétique. toires dans leur préparation à l’adaptation climatique. Dans ce domaine, un port a deux possibilités : attendre que des Arnaud LEROY a rappelé que dans le cadre des ambitions fran- solutions techniques se dégagent et investir dans l’infrastructure çaises d’être dans le top 5 en matière logistique, l’utilisation du d’avitaillement, ou être en amont et participer à la conduite de transport fluvial est un avantage. Mais assurer la transition écolo- cette transition. C’est cette dernière option qu’a choisie Ports de gique impose d’éviter les stop and go. Paris. Avec une particularité cependant, celle de disposer d’ins- tallations au cœur de la métropole, marquée par un plan climat aux échéances très rapprochées et par la perspective des Jeux L’Ademe s’engage avec VNF par la signature d’une convention olympiques de Paris 2024. Techniquement, l’avitaillement en plein cœur de la capitale, en puissance électrique, en gaz ou en hydro- Le Plan d’aide à la modernisation et à l’innovation en cours (2018-2022) gène, ne va pas de soi. Régine BRÉHIER a conclu que si le fluvial est désormais soutenu financièrement par l’Ademe à hauteur d’un montant est le plus vert des modes de transport, cette performance ne prévisionnel total de 4,26 M€ et abondé par plusieurs régions (dont l’Île- se suffit à elle-même. Le meilleur de la classe doit faire des efforts de-France pour 1,5 M€). pour conserver et faire progresser son avantage. Approuvé par la Commission européenne, ce plan vise à soutenir les exploitants de bateaux de transport de marchandises dans leurs efforts d’adaptation de leur flotte fluviale aux exigences environnementales. Depuis 2008, ce sont près de 2 000 projets qui ont été aidés à hauteur de 25 M€ environ. 10 11
Table ronde Transport fluvial et transition énergétique : quels constats, quels enjeux et quelles perspectives ? Didier LÉANDRI, président délégué général du Comité des armateurs fluviaux (CAF) Erik SCHULTZ, secrétaire de la commission « infrastructure » de la Plateforme européenne des transporteurs fluviaux Yann TRÉMÉAC, adjoint au chef du Service Transports et Mobilité de l’Ademe En matière de bilan environnemental, le fluvial ne doit pas se reposer sur ses lauriers. Mais pour progresser, les acteurs du secteur doivent développer une vision écosystémique, d’autant que le respect des nouvelles normes d’émission représente un sacré défi pour la filière. Il n’existe pas aujourd’hui de solution standard, mais chaque option technologique correspond à des besoins bien précis. Le cycle de vie des énergies impose par ailleurs de garder une vision d’ensemble de cette empreinte carbone. aire connaître les aides F une vingtaine de personnes présentes à l’investissement connaissaient leur existence. Autre outil, Pour Yann TRÉMÉAC, l’essentiel est de le PAMI que l’Ademe abonde sur deux développer une vision globale de la volets : l’installation de nouvelles moto- transition énergétique du secteur. risations et de solutions de post-traite- Plusieurs outils existent pour faciliter ment des fumées et le financement cette dernière, comme le dispositif des d’études de faisabilité et de projets de certificats d’économies d’énergie recherche et d’innovation. Enfin l’Ademe (CEE) qui permet de financer certains est opérateur du programme des inves- investissements. La pose d’une hélice tissements d’avenir, avec deux outils sous tuyère peut par exemple être intéressants le fluvial : les écosystèmes subventionnée à hauteur de 15 000 d’innovation performants et le concours à 20 000 €, sur un budget total de d’innovations destiné aux PME. 50 000 à 60 000 €. Mais les CEE n’ont Là encore, peu de projets fluviaux ont pas été utilisés en 2018. Un rapide été déposés, ce qui fait dire à Yann Bateau Ducasse sur Seine sondage dans la salle a révélé que seule TRÉMÉAC qu’il serait nécessaire de Chevron-double-right 12 13
Table ronde Transport fluvial et transition énergétique : quels constats, quels enjeux et quelles perspectives ? CHEVRON-DOUBLE-LEFT travailler à de nouveaux dispositifs ments, les gestionnaires d’infrastruc- Des bornes interconnectées d’accompagnement. tures, les énergéticiens, les chargeurs pour la fourniture d’eau es carburants de synthèse : L et plus globalement les territoires, pour et d’électricité sur l’axe Seine une solution immédiate Il ne s’agit pas de préconiser telle faire évoluer les manières de travailler. Le président du CAF a rappelé que Depuis 2018, VNF et Haropa ont technique plutôt que telle autre, l’évolution des normes d’émission imiter la pollution des bateaux L installé 13 bornes de distribution mais de mettre les différentes solu- est un sacré défi pour le secteur en stationnement d’eau et d’électricité à destination t i o n s a u re g a rd d e s u s a g e s à fluvial, alors que le cadre réglemen- des transporteurs fluviaux de remplir. Cette vision écosystémique Selon Didier LÉANDRI, il est indispen- taire actuel ne lui permet pas d’innover marchandises au Havre, à Rouen, implique, au-delà des opérateurs de sable d’objectiver le débat pour ne pas en recourant à de nouvelles sources Conflans-Sainte-Honorine (photo), transport, les fournisseurs d’équipe- s’éloigner de la réalité. Un des d’énergie, notamment l’hydrogène. Poses-Amfreville et Paris. problèmes du secteur est notamment De fait, les projets en cours d’utilisa- Ce nouveau service permet de que les bateaux polluent même lors- tion de technologies de rupture ne réduire les pollutions atmosphé- qu’ils sont à quai. De nombreux peuvent se développer que dans des riques (émissions de CO2 et de segments du transport fluvial sont cadres géographiques restreints. particules fines) et on estime une concernés, en particulier les paquebots La vision du secteur est cependant économie de 68 tonnes d’équiva- fluviaux qui ne naviguent que 35 % plus claire qu’il y a deux ans. lent carbone par an et par borne. PAMI 2018-2022 du temps. Il y a pourtant un moyen Il s’agit en premier lieu de passer à Leur utilisation engendre égale- 16 M€ d’éviter, dès aujourd’hui, les émissions la motorisation électrique avec à plus ment moins de nuisances sonores polluantes, c’est le courant de quai. long terme le développement de et olfactives pour les riverains et les Longtemps, ce sujet n’était pas consi- solutions hydrogène. À court terme, 2 000 projets aidés et bateliers. La compétitivité des déré comme une priorité, mais cette les solutions de transition ont pour nom 200 moteurs remplacés depuis 2008 transporteurs est enfin renforcée façon de voir les choses est révolue. GNL (gaz naturel liquéfié), grâce aux économies de carburant HVO (Hydrotreated Vegetable Oil) ou et d’entretien liées à l’utilisation des GTL (Gas To Liquid). Didier LÉANDRI groupes électrogènes. estime qu’il ne faut pas opposer ces Ademe : une nouvelle étude sur la performance environnementale technologies entre elles. La transition du transport fluvial énergétique se fera bien en deux temps « La transition énergétique n’est pas avec l’objectif d’atteindre le zéro émis- Une trentaine d’opérateurs ont été interviewés et 92 trajets passés à la loupe. Il en un mal nécessaire, c’est une exigence sion dans 30 ans. La première solution ressort des chiffres moyens de 8,8 à 35,2 g CO2 / t-km, de 0,003 à 0,002g / t-km que nous devons à nos clients, consiste à recourir à des carburants de pour les particules et de 0,1 – 0,66g / t-km pour les NOx. Le bilan en termes de c’est bien plus puissant que synthèse. En juin 2019, un certain gaz à effet de serre s’est amélioré par rapport à 2006, date de la précédente étude. toute législation internationale. » nombre de compagnies parisiennes de Pour autant, il n’est pas évident de faire des comparaisons entre les modes. Didier Léandri, promenade sont ainsi passées au GTL. Si, globalement, la capacité de massification du fluvial aboutit à une meilleure Comité des armateurs fluviaux (CAF) La généralisation de ce carburant efficacité énergétique, la performance exacte varie en fonction de l’âge du moteur. impose une évolution collective, Chevron-double-right 14 15
Table ronde Transport fluvial et transition énergétique : quels constats, quels enjeux et quelles perspectives ? CHEVRON-DOUBLE-LEFT avec la mise en place d’une organi- monté sur le système de propulsion, sation d’avitaillement industrielle. fonctionnant en zone urbaine à l’aide Sur tous ces sujets, la profession ne d’un moteur magnétique permanent peut pas continuer à travailler seule. Le ou de batteries. Mais une telle remo- 18 juin, le CAF a signé un accord de torisation coûte cher (entre 100 000 partenariat avec le Groupement des et 400 000 €) et peut poser un industries de construction et activités problème de place dans la salle navales (GICAN) et le syndicat de la des machines. construction fluviale SNCRB pour créer une dynamique maritimo-fluviale sur tous ces sujets. GTL : une transition en douceur De gauche à droite Frédéric Denhez, Erik Schultz, Didier Léandri et Yann Tréméac Pour Erik SCHULTZ, le calcul du bilan La Compagnie des bateaux pari- environnemental de la voie d’eau pose siens, le service de navettes fluviales deux problèmes : l’impact CO 2 est Batobus et la compagnie de croi- toujours calculé en fonction de la puis- sières fluviales CroisiEurope ’autre solution est de passer L « Il ne faut pas attendre d’avoir sance maximale installée sur les bateaux, passent leur flotte de Seine au GTL au tout électrique toutes les réponses avant de se lancer, très rarement utilisée ; par ailleurs, très (gas-toliquid). Cette opération ne Aux Pays-Bas, un premier bateau mais au contraire aller vite peu de mesures d’émissions ont été nécessitant pas de changement de porte-conteneurs de ce type est sorti et apprendre en marchant. » réalisées en conditions réelles. moteur permettra de réduire de de chantier cette année, et d’autres François Lefebvre, 20% l’émission des particules sans devraient suivre. Il est équipé de conte- Groupe Europe technologies Ciam Le transporteur néerlandais a rappelé produire d’odeur. neurs de batteries qui sont échangés qu’il n’existe pas aujourd’hui de moteur tous les 150 km. Le consortium à l’ori- respectant les nouvelles normes en gine du projet, qui associe Engie, vigueur. Ce que les transporteurs Wärtsilä, ING, Damen et d’autres parte- peuvent faire dans l’immédiat, naires cherche encore des solutions transport de long terme. Or les logis- c’est changer de carburant. Depuis pour pouvoir recharger ces batteries à ticiens paient toujours le prix le plus bas plus d’un an, Erik SCHULTZ utilise ainsi un prix intéressant. Erik SCHULTZ pour leurs transports, sans considéra- du GTL ; une solution – à son avis – a également cité l’opérateur de termi- tion du type de propulsion, ce qui rend parfaite et d’un coût à peine plus élevé naux BCTN de Hasselt qui a en la transition énergétique du secteur (+0,03€ / litre) que le GNR. Une alter- commande un bateau de 110 m fluvial difficile. La réglementation doit, native consiste à installer un système équipé d’une pile à combustible. elle aussi, évoluer pour permettre le hybride associant un moteur diesel Mais pour financer ce type de bateau, développement de ces technologies, (pour les longues distances) et une Avitaillement en GTL du Botticelli les opé r ateurs fluviaux doivent mais ce changement demandera au génératrice ou un moteur d’assistance de CroisiEurope le 28 juin 2019 à Paris pouvoir disposer de contrats de moins 10 ans pour aboutir. Chevron-double-right 16 17
Table ronde Transport fluvial et transition énergétique : quels constats, quels enjeux et quelles perspectives ? Table ronde Quelles solutions techniques et quelles évolutions réglementaires pour accompagner le changement ? CHEVRON-DOUBLE-LEFT Dans la salle, François LEFEBVRE, Communauté portuaire de Paris, a clos directeur développement hydrogène le débat en soulignant que ce ne sont du groupe Europe technologies Ciam, pas forcément les technologies que l’on Matthieu BLANC, directeur métier fluvial Sogestran Group a estimé qu’il ne faut pas attendre connaît aujourd’hui qui nous apporte- Arnaud DANIEL, directeur des Bateaux parisiens d’avoir toutes les réponses avant de se ront la solution, mais que de nouveaux Olivier JAMEY, président de la Communauté portuaire de Paris (CPP) lancer, mais au contraire aller vite et process sont susceptibles d’émerger Jean-Charles NAHON, président du comité technique du Groupement apprendre en marchant, sous peine de ces prochaines années, qui peuvent des industries de construction et activités navales (GICAN) voir le fluvial de l’hydrogène nous totalement rebattre les cartes, notam- Frédéric STORCK, directeur transition énergétique et innovation passer à côté. Alain GIACOSA, directeur ment dans l’utilisation de l’hydrogène. de la Compagnie nationale du Rhône (CNR) de la plate-forme GNL carburant marin et fluvial, a souligné quant à lui l’impor- tance d’envisager le cycle de vie des Pour accompagner le changement, le fluvial peut s’appuyer sur l’effort de recherche énergies. Rien ne sert de réduire la réalisé par la filière maritime. D’autres solutions sont à chercher du côté du secteur routier 1 030 pollution locale si c’est pour la reporter ou encore du secteur agricole. L’hybridation permet dès aujourd’hui de profiter des plus loin. La production des batteries avantages d’une propulsion électrique, en se gardant la possibilité d’adapter le mode de par exemple émet beaucoup de CO2, production de cette électricité aux technologies du moment. Des solutions hydrogènes qu’il est ensuite difficile de compenser. bateaux de marchandises sont aussi à l’étude, qui auront d’autant plus de sens à mesure qu’émergera une véritable Aujourd’hui, le gaz est la seule solu- composent la flotte fluviale française, filière de production. Mais la transition énergétique du secteur implique un effort collectif tion de long terme qui soit disponible. d’une capacité moyenne supérieure et un soutien tous azimuts des différents acteurs. Didier SPADE, représentant de la à 1 000 tonnes S’inspirer du monde maritime tème autour d’eux. La propulsion Jean-Charles NAHON a introduit électrique est une option intéressante cette table ronde en dressant une parce qu’elle permet d’investir dès à passerelle entre les milieux maritime présent tout en se laissant la possibi- et fluvial. Si les capacités d’investis- lité d’adapter le mode de production sement du maritime sont supérieures de cette électricité à la réglementa- à celles du fluvial, les probléma- tion et aux possibilités techniques du tiques rencontrées sont les mêmes moment. La durée de vie des bateaux et des synergies peuvent être trou- oblige en effet à concevoir des Le porte-conteneur électrique néerlandais Sendo vées. La diversité des solutions systèmes de propulsion suffisamment i m p o s e q u e l e s o p é ra te u r s s e souples pour pouvoir passer d’une regroupent et réunissent un écosys- énergie à l’autre. Dans la salle, Chevron-double-right 18 19
Table ronde Quelles solutions techniques et quelles évolutions réglementaires pour accompagner le changement ? CHEVRON-DOUBLE-LEFT Éloi FLIPO, responsable du service nisés. Ce programme comprend égale- Développement du transport de VNF, a ment la mise en place d’une procédure mentionné une autre solution de transi- d’homologation au niveau européen. tion consistant à « mariniser » un moteur L’enjeu est de pouvoir disposer d’une Batobus, qui circulent en continu d’occupation temporaire dont la durée de camion ou un moteur non routier solution sur étagère à relativement court 14 heures par jour. Ces derniers vont soit en phase avec leurs investissements. (NRE). L’établissement public a lui-même terme et à un prix acceptable pour la fonctionner dès le mois de juin au Un guichet unique va être mis en place décidé d’équiper un ponton de service profession. carburant GTL avant de bénéficier pour les aider à avoir une vision globale d’un moteur John Deere de 150 kW. L’ho- d’une hybridation pour la saison 2020. des dispositifs d’aide disponibles. mologation de l’installation est en cours. ODEXO investit dans le GTL S La moitié des groupes électrogènes Une autre expérience existe aux Pays-Bas, et l’électrique équipant les unités sera remplacée par Olivier JAMEY a évoqué sa propre où des bateaux de toutes tailles sont Le coût est en effet un enjeu essentiel des batteries. Cet effort concernera à expérience de propulsion électrique, équipés de moteurs de 250 kW mari- pour les opérateurs, a confirmé Arnaud terme l’ensemble de la flotte Sodexo. mise en œuvre il y a 12 ans sur une DANIEL. Après avoir parcouru le monde Au port de la Bourdonnais, tous les prestation de transport de passagers à la recherche de solutions de verdisse- bateaux-restaurant sont d’ores et déjà entre la porte de la Villette et la porte ment de ses bateaux, le directeur branchés au courant de quai. d’Aubervilliers. Ce service, qui transporte « Il nous faudrait aussi un général des Bateaux parisiens a présenté 1,5 million de passagers par an, a été soutien de l’État, car les ses propositions à son groupe. Elles ont a communauté portuaire L financé par Icade, filiale de la Banque réglementations vont moins beaucoup fait tousser les dirigeants, du de Paris lance une étude des territoires. L’avantage de la sur la flotte parisienne vite que les innovations. » fait des montants pharaoniques en jeu propulsion électrique est qu’elle Arnaud Daniel, les Bateaux Parisiens et de l’incertitude pesant sur certaines Olivier JAMEY a évoqué la démarche de permet une évolutivité dans l’énergie technologies. Le groupe a finalement transition énergétique engagée par utilisée. Dans le cas d’Icade, celle-ci choisi d’investir dans la flotte de cette dernière. Alors que les moteurs était fournie au départ par des batteries diesel seront bannis de la métropole nickel-cadmium, puis lithium-ion ; on d’ici 2024, et les moteurs thermiques peut imaginer intégrer la pile à d’ici 2030, on peut difficilement combustible dans les évolutions futures. imaginer que les bateaux soient les L’électronique permet par ailleurs seuls véhicules à fumer à cette date. de rendre cette énergie intelligente, Il y a un an, la CPP a réuni tout une délé- pour fournir juste ce qu’il faut de gation pour travailler sur le sujet. puissance, au moment où il le faut. Chevron-double-right Une étude a été engagée pour trouver comment assurer la transition énergé- De gauche à droite, Frédéric Denhez, Mathieu Blanc, Jean-Charles tique du fluvial et définir des scénarios par type d’usage. 147 bateaux ont été passés au crible. Reste pour les porteurs 11,3 millions de passagers Nahon, Arnaud Daniel, Frédéric Storck et Olivier Jamey de projet à obtenir des conventions sur le réseau français en 2018 20 21
Table ronde Quelles solutions techniques et quelles évolutions réglementaires pour accompagner le changement ? « L’objectif est de fabriquer de l’énergie à un coût marginal réduit. es outils financiers pour aider D l’hydrogène vert et pas cher. » Compte tenu du développement des les industriels Frédéric Storck, énergies renouvelables en France, les Didier LÉANDRI a précisé les outils Compagnie nationale du Rhône (CNR) besoins en la matière sont très importants. pouvant être mis en œuvre pour faciliter Selon une étude de l’Ademe, les excé- Porte-conteneurs Oural de la CFT l’investissement dans le fluvial. La loi de dents se chiffrent à plusieurs fois la finances 2019 comporte un dispositif de production du Rhône à l’horizon 2050. suramortissement pour lequel on peut CHEVRON-DOUBLE-LEFT La propulsion électrique change Grâce à la prolongation de sa concession à présent. En ville, la priorité numéro un cependant regretter que le fluvial ait été ainsi le comportement des pilotes – en cours de discussion – la CNR peut s’en- pour le fluvial est d’émettre moins de assimilé au maritime. Le crédit d’impôt et donne une image plus high tech gager dans ce type de projet financière- particules. Sur les trajets longue recherche (CIR) cible, lui aussi, davan- au métier. ment et réglementairement compliqué. distance, il s’agit davantage d’émettre tage les gros industriels. Plus efficace Une soixantaine de bateaux électriques moins de CO2 en consommant moins de dans le fluvial, l’exonération des plus-va- professionnels naviguent aujourd’hui en Une première installation est prévue à carburant. Pour cela, il serait nécessaire lues de cession en cas d’investissement France, a précisé Xavier DE MONTGROS, Pierre-Bénite. Le projet s’appuie sur des de disposer d’indicateurs spécifiques au est cependant assimilée par Bercy à une président de l’Association française pour besoins immédiats en hydrogène. transport de conteneurs. En dernier lieu, niche fiscale. Le PAMI, piloté par VNF, le bateau électrique, essentiellement Le projet « Zero emission valley » mené le courant de quai doit s’imposer dès a quant à lui un effet levier très limité en dans le transport de passagers. en Auvergne-Rhône-Alpes implique maintenant, par la voie réglementaire termes fiscaux. Tout un travail de sensi- Le surcoût à l’achat, d’environ 30 %, est en effet la mise en service de 20 stations si nécessaire. bilisation et d’argumentaire technique amorti en dix ans. L’analyse du cycle de à hydrogène et de 1000 véhicules à l’ho- Quant à l’hydrogène, la CFT y travaille reste à faire. Dans le cadre de la prépa- vie pour des bateaux naviguant plus de rizon 2021. À celui-ci s’ajoutent d’autres sur le Rhône depuis quasiment 8 ans. ration de la loi de finances, le secteur 8 heures par jour montre que la rentabi- projets industriels. De son côté, la CNR Le premier projet, Promovan, a consisté a ainsi travaillé avec le ministère de lité carbone est là. prévoit l’ouverture, fin 2019, d’une station à mesurer la consommation réelle des l’Écologie à la mise en place d’un multi-énergies (hydrogène, recharge pousseurs. Il a révélé que la motorisation système d’engagement volontaire. La CNR mise sur l’hydrogène électrique rapide, bio-GNC) au port de ces derniers était surdimensionnée. Les discussions devraient aboutir avant Fréderic STORCK a présenté le projet de Lyon. Destinée à l’approvisionnement La remotorisation de l’un d’entre eux a la fin de l’année à la formulation Jupiter 1000, qui vise à produire et à de la flotte routière, elle pourrait égale- ainsi permis de diminuer la consomma- d’« engagements pour la croissance injecter dans le réseau gaz de l’hydro- ment servir, à terme, à l’avitaillement du tion de gazole de 10 à 12 %. Par la suite, verte », avec pour premier objectif d’ali- gène et du méthane de synthèse. futur pousseur à hydrogène qui servira la CFT a monté des dossiers pour passer gner la vision des acteurs du secteur. L’hydrogène est utilisé comme un vecteur au déplacement de la déchetterie à une motorisation hydrogène-élec- Pour Emmanuel BARAT, directeur permettant un stockage de masse de fluviale lyonnaise. trique, mais rien n’a été simple. général du groupe Energy, le fluvial l’électricité renouvelable, produite à un Le groupe a finalement intégré un peut représenter un véritable labora- moment où le réseau n’en a pas besoin. ogestran teste des moteurs S consortium européen et décidé, non pas toire en termes de transition énergé- Pour cela, il est nécessaire de massifier les hybrides de remotoriser un pousseur, mais d’en tique, mais il doit pour cela être aidé ; installations de production, qui coûtent Matthieu BLANC a rappelé que trois construire un neuf. La concrétisation de ce n’est pas au secteur fluvial de porter très cher mais permettent de stocker batailles doivent être menées dès cette nouvelle unité est en marche. à lui seul l’effort de R&D. 22 23
Intervention Les leçons du futur Jean-Robert MAZAUD, architecte de l’agence S’PACE « Pour développer le fluvial, il faut travailler sa périphérie. » Téléphérique Citallios à Clichy (93) Si tous les véhicules routiers étaient élec- triques, est-ce que cela résoudrait nos problèmes de mobilité ? La réponse est bien évidemment non. Le seul mode de transport disposant de marges de manœuvre, c’est le fluvial. Ce qui est crucial dans tous les terri- toires, c’est ce qui est déjà là. La géographie donne ainsi un avantage considérable à la voie d’eau. Mais que peut-on réactiver en partant de là ? La solution passe en partie par l’art et la culture, qui façonnent notre mode de vie. « Depuis quand n’a-t-on plus vu de film sur le fluvial ? » se demande Jean-Robert MAZAUD. Cette absence traduit un manque d’au- dace, notamment en matière d’infrastructures. La solution : créer, en même temps que l’infrastructure, les revenus qui vont permettre de la financer. Le développement du fluvial passe ainsi par la promotion de tout ce qui se passe sur les quais, et pas seulement sur le fleuve. Il faut travailler la périphérie, l’environnement du squelette, parler de génie fluvial comme on parle de génie urbain et militaire. Le fluvial a de la chance parce que les gens sont favorables à cette infrastructure, ils sont prêts à manifester pour un canal (ici le projet de canal Seine-Nord Europe). Il faut profiter de ce soutien et cultiver ce qui fait l’identité du fluvial : slow is fast. 24 25
Intervention Vers un nouveau modèle énergétique dans le milieu maritime Exemples de navires fonctionnant avec des carburants Méthanol alternatifs au fioul Paul TOURRET, directeur de l’Institut supérieur d’économie maritime (Isemar) Hydrogène « Passer de l’efficacité à l’efficience. » Si l’innovation en matière d’empreinte en œuvre sur les grandes unités. carbone de la navigation maritime a été Les nouvelles technologies liées à quasi-inexistante durant les 30 dernières la digitalisation doivent permettre années, la moitié des interventions à Isemar porte désormais à la navigation maritime de passer Vélique sur les problématiques environnementales. Les choses ont de l’efficacité à l’efficience. changé à partir du moment où l’Organisation maritime inter- Dans les ports, la question du nationale (OMI) s’est transformée en instrument proactif de la courant de quai pose problème. transition écologique après avoir été un frein. Le calendrier Pour que l’investissement ait du s’est accéléré avec l’entrée en vigueur de la réglementation low sens, il faut que l’électricité fournie sulphur dès 2020 et, à plus longue échéance, la probable mise soit produite grâce à des énergies en place d’une zone de réglementation des émissions de vertes : éolien, solaire, biomasse ou polluants (ECA) en mer Méditerranée et d’objectifs de réduc- encore récupération d’énergie tion du CO2 à l’horizon 2050. fatale. Côté recherche enfin, la Batteries structure capitalistique des entre- Aujourd’hui, le fioul désulfuré coûte 37 % plus cher que le fioul prises françaises conduit à un mix lourd classique. L’installation d’un scrubber représente un inves- difficile : faire porter l’innovation tissement de 6 à 8 M€ par navire et ne résout pas tout parce par les politiques publiques, en se qu’elle modifie l’équilibre de ce dernier et génère des déchets reposant sur l’initiative privée. qu’il faut bien gérer. L’utilisation de nouveaux carburants Le schéma conduit souvent à une (GNL, méthanol, GTL, hydrogène) peut s’envisager pour des sur-ambition qui nuit à la concréti- tailles de navires limitées mais est plus difficile à mettre sation d’une véritable transition. 26 27
Intervention Table ronde Quel accompagnement de la Région Quels financements innovants Île-de-France pour soutenir pour accompagner le verdissement le transport fluvial ? du secteur fluvial ? Quel modèle économique du fluvial demain ? Grégoire DE LASTEYRIE, Gautier CHATELUS, directeur investissement, infrastructures conseiller régional d’Île-de-France et transports de la Banque des territoires en charge des nouvelles mobilités Frédéric HAUWEN, directeur du marché maritime et fluvial du Crédit maritime - Banque populaire du Nord Jimmy HUMBERT, marinier, gérant de la société Trans fluvial négoce « L’Île-de-France est la première région Gilles MANUELLE, président de Fludis, agence mobile de messagerie éconologique à s’engager dans les dispositifs d’aide Aurélie PAVAGEAU, directrice de l’agence Rhône Ain Nord Isère de Suez de VNF. » Recyclage et valorisation Les mesures de soutien au transport En matière d’innovations dans le fluvial, la recherche de financements est souvent fluvial mises en œuvre par la Région compliquée, tant pour les grandes entreprises que pour les artisans. Ces derniers souffrent répondent à un triple objectif de dévelop- de l’imposition de la plus-value en cas de vente de leur bateau, qui constitue un vrai frein pement économique, de transition écologique et d’accompagne- à l’investissement. De nouvelles formes de financement de la flotte doivent être imaginées. ment des opérateurs sur le territoire. La stratégie logistique La Banque des territoires peut, elle aussi, intervenir pour des projets qui impliquent souvent adoptée par la Région le 15 mars 2019 intègre le fluvial pour une durée de retour sur investissement plus longue que la moyenne. permettre à ce mode de monter en puissance. L’Île-de-France est notamment la première région à s’engager dans les dispositifs du PARM et du PAMI à hauteur, respectivement, de 1 et 1,5 M€. Le CPIER comprend par ailleurs 30 M€ d’investissements dans la voie d’eau et les ports. Pour lever les obstacles à la modernisation et à la transition éner- es coûts D gétique du secteur, il faut changer les mentalités et faire en sorte d’investissement élevés que les logisticiens fassent l’expérience du fluvial. La Région Aurélie PAVAGEAU est revenue sur la Île-de-France participe à l’étude lancée par la Communauté genèse de la déchetterie fluviale de portuaire de Paris et elle y a trouvé deux vertus : le travail en Lyon. Le projet est parti d’un double commun et le sens du pragmatisme. La démarche de transition constat : la saturation des déchetteries écologique se fera pas à pas et pour cela, la Région sera aux côtés existantes et la pénurie de foncier, de la profession. qui excluaient de pouvoir ouvrir une installation supplémentaire à terre. En décembre 2014, un consortium a été créé avec CFT, CNR et VNF. Chevron-double-right Déchetterie urbaine de Lyon 28 29
Table ronde Quels financements innovants pour accompagner le verdissement du secteur fluvial ? Quel modèle économique du fluvial demain ? CHEVRON-DOUBLE-LEFT La recherche de financements pour « On veut accompagner la mutation ers des coopératives V a par exemple été inscrit au fonds ce projet inédit et innovant a été du fluvial : la construction de de bateliers « littoral normand » de la Région compliquée. L’expérimentation de la nouveaux bateaux coûte très cher. Un frein confirmé par Frédéric Normandie. déchetterie fluviale a nécessité un Il faudra avoir les reins solides ! HAUWEN. L’économie fluviale souffre budget total de 2,456 M€, dont 1,6 M€ Cela aura sans doute une aujourd’hui de l’âge moyen très élevé Comment rajeunir la flotte ? de subventions (Région Auvergne-Rhô- conséquence : une recapitalisation de sa flotte : le bateau le plus ancien Pour travailler au renouvellement du ne-Alpes, VNF, Ademe, Union euro- des entreprises sous la forme dans le portefeuille du Crédit maritime secteur, Frédéric HAUWEN a estimé péenne). Depuis un an et demi, la barge de coopératives, d’armements date de 1927. Il faut imaginer d’autres qu’il faut fonctionner en réseau, faire s’amarre tous les samedis matins. de plusieurs bateliers, peut-être modes de financement, notamment le point sur ce qui doit être renouvelé, Un appel d’offres devrait prochaine- même avec des affréteurs en contrat. sous forme de coopérative ou encore et apporter des perspectives aux ment être lancé pour pérenniser le Cela va contre le sens de la propriété de création d’un fonds d’investisse- banquiers si on veut qu’ils participent concept. L’objectif est d’ouvrir un des bateliers, mais face à des coûts ment qui interviendrait au capital de au financement. La transition énergé- second quai sur la Saône pour croissants… qu’est-ce qu’il vaudra sociétés de transport fluvial. Le fluvial tique se fera par un rajeunisse- Chevron-double-right augmenter la population ciblée. mieux, demain ? Avoir chacun, à quatre bateliers réunis, 25 % Autre exemple d’investissement, celui de quatre bateaux ou 100 % d’un en gagé p a r le mari ni e r J i mmy bateau très cher tout seul qu’on aura HUMBERT. Après 14 ans passés dans du mal à amortir ? » la profession, ce dernier a décidé de Frédéric Hauwen, Crédit maritime changer de bateau pour exploiter une - Banque populaire du Nord unité plus récente et mieux adaptée au marché du Grand Paris. Il lui a fallu pour cela lever 2 M€ auprès de la Banque populaire. Son nouveau bateau est pourvu des technologies embarquées permettant une réduction de la consommation de carburant, Autre difficulté : l’imposition de la plus- mais il reste équipé d’une motorisation value en cas de vente d’un bateau. classique. Jimmy Humbert ne le cache En 20 ans, la valeur d’une unité peut pas : sans norme pour l’obliger, il ne être multipliée par 10, mais parallèle- changera pas de motorisation, parce ment le batelier est lui aussi amené que les chargeurs ne valorisent pas ce à débourser davantage s’il veut changer type d’effort et qu’il n’existe pas de bateau. Le dispositif fiscal actuel aujourd’hui de solution de verdisse- réduit la capacité des mariniers De gauche à droite, Frédéric Denhez, Gilles Manuelle, Jimmy Humbert, ment exploitable et abordable. à investir. Frédéric Hauwen, Gautier Chatelus et Aurélie Pavageau 30 31
Table ronde Quels financements innovants pour accompagner le verdissement du secteur fluvial ? Quel modèle économique du fluvial demain ? CHEVRON-DOUBLE-LEFT ment de la flotte qui permettra récente. Si cette dernière a jusqu’ici aussi de rendre le métier attractif et surtout travaillé sur la mobilité routière, de faire en sorte que les jeunes la transition écologique et énergétique puissent s’y projeter. Le Crédit mari- est une ligne directrice de son action. La première agence Fludis est opérationnelle depuis le 23 octobre 2019 time gère beaucoup de dossiers de Elle vient de lancer Mobiprêt, un prêt financement concernant le fluvial, à très long terme destiné à la transi- mais peu d’entre eux impliquent des tion écologique, et investit en fonds le seul cadre du fluvial avec une visi- Le service va démarrer en septembre j e u n e s . Tra d i t i o n n e l l e m e n t , ce s propres pour accompagner, dans la bilité assurée grâce aux engagements 2019 avec trois belles signatures, et derniers démarraient leur carrière sur durée, des projets de transition en de plusieurs chargeurs. Fludis, c’est sera notamment alimenté par un un Freycinet, mais aujourd’hui, il leur prenant en compte l’ensemble de l’éco- aussi un bateau innovant mais camion venant directement du Mans faut aller très vite vers un matériel plus système, par exemple les bornes d’avi- crédible, avec des technologies prou- sans passer par un entrepôt. Cibles : grand pour être rentables. Le Crédit taillement en hydrogène et les bateaux vées et un business plan sérieux. les flux en porte-à-porte, la messa- maritime les aide avec des réflexions eux-mêmes. Elle ne peut, dans la struc- Il reste pas mal d’aléas, c’est pourquoi gerie et la livraison de fournitures de particulières plus poussées. Sa respon- ture actuelle, aider directement un la Banque des territoires est inter- bureau. Au retour, le bateau prendra sabilité est de n’envoyer personne batelier à acquérir son premier bateau venue en fonds propres. des déchets électriques et électro- dans le mur et de s’inscrire dans le mais elle peut investir dans une société niques, qu’il ramènera à Gennevilliers. secteur dans la durée. de portage d’un projet. ludis : un projet innovant F Gilles MANUELLE a choisi de faire et décarboné construire une unité de gabarit Gautier CHATELUS a rappelé que l’ex- En matière de verdissement de la flotte Gilles MANUELLE a rappelé que ce Freycinet sur trois ponts, équipée périence de la Banque des territoires fluviale, ce n’est pas tant la visibilité projet est la concrétisation des travaux d’une grue permettant de décharger dans le secteur fluvial est bien plus technique qui est importante que l’ar- de recherche menés il y a quelques marchandises et véhicules. ticulation des différents acteurs et années par le consortium « Vert chez L’investissement total se monte à porteurs de projets entre eux et la visi- vous ». Face à l’explosion du nombre 3,4 M€, dont 2,5 M€ pour le bateau. bilité assurée quant à l’activité du de livraisons due au développement L’intervention de la Banque des terri- bateau. La Banque des territoires peut du e-commerce et à l’éloignement des toires a permis au porteur de projet Chevron-double-right apporter le capital pour que ce entrepôts du centre de Paris, Fludis « C’est inadmissible que l’on ait dernier ne soit pas en totalité à la constitue une rupture en termes d’or- demain de grosses émissions dans charge du porteur de projet et lui ganisation. Plutôt que d’avoir des véhi- le centre de Paris, avec des barges qui donner la visibilité la plus longue pour cules bloqués dans les bouchons, n’auraient pas évolué. La profession que le coût de ce capital soit le plus la préparation des tournées se fait en est à risque, si elle ne commence pas Projet Fludis 3,4 M€ faible possible. effet sur le bateau lors des temps à s’adapter aujourd’hui … » Elle est ainsi intervenue dans la struc- de navigation. Les vélos-cargo, d’une Gautier Chatelus, turation du projet Fludis. Ce projet capacité de chargement de 350 kg, Banque des Territoires intéressait la Banque des territoires de effectuent trois boucles, soit l’équiva- d’investissement par son aspect innovant qui dépasse lent d’une tournée de camionnette. dont 2,5 M€ pour le bateau 32 33
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