COLLOQUE Le transport fluvial à l'heure de la transition énergétique - Synthèse des débats - VNF

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COLLOQUE Le transport fluvial à l'heure de la transition énergétique - Synthèse des débats - VNF
VIAL
                                                    FLU
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       COLLOQUE
   Le transport fluvial à l’heure
   de la transition énergétique

   thèse des débats
Syn

                                       19
                          Le 29 maiP2a0ris
                                 à
COLLOQUE Le transport fluvial à l'heure de la transition énergétique - Synthèse des débats - VNF
Le point de vue
                                                                                                       de Frédéric Denhez, journaliste
                                                                                                       et animateur du colloque
                                                                                                       On le sait, la France, pays du tout-camion, a délaissé son fer et
                                                                                                       ses fleuves. La part modale du wagon et de la péniche reste
                                                                                                       désespérément faible, avec respectivement 9,6 % et 1,92 % d’un
                                                                                                       marché qui a atteint en 2017, 348,1 milliards de tonnes-kilomètres.
                                                                                                       Des statistiques à prendre avec des pincettes, cela dit, car ce
                                                                                                       sont des moyennes qui masquent une disparité impressionnante :
                                                                                                       dans certains ports, la part modale du fluvial monte à 15 %.
                                                                                                       Tout le monde s’en plaint, les professionnels ont beau dire qu’une
                                                                                                       péniche évite tant de camions, autant de CO2, qu’elle est ponc-
                                                                                                       tuelle et sûre, que le réseau peut sans aucun investissement parti-
                                                                                                       culier absorber un triplement voire un quadruplement des
                                                                                                       volumes, rien n’y fait : le fluvial reste le grand malade de la France
                                                                                                       du transport et de la logistique.
                                                                                                       Le constat ne doit pourtant pas masquer la réalité d’un renouveau
                                                                                                       en cours. Celle d’un monde qui investit à nouveau, qui se rajeunit
                                                                                                       et se modernise en vitesse. Alors que les villes vont se fermer de
                                                                                                       plus en plus aux camions à moteur à combustion interne, en dépit
                                                                                                       de contraintes réglementaires et financières particulières,
                                                                                                       les barges fluviales sont en train de verdir leur motorisation.
                                                                                                       L’horizon semble enfin s’ouvrir, c’est ce qu’a montré le dense
                                                                                                       et optimiste colloque que VNF a consacré le 29 mai 2019 au
                                                                                                       « transport fluvial à l’heure de la transition énergétique ».

Ce colloque s’est tenu à la Fédération nationale des travaux publics au 3, rue de Berri, 75008 Paris

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COLLOQUE Le transport fluvial à l'heure de la transition énergétique - Synthèse des débats - VNF
Sommaire
                                                                p.26   Intervention
                                                                       Vers un nouveau modèle énergétique
                                                                       dans le milieu maritime
p.6    Préambule
       Relever le défi de la transition énergétique             p.28   Intervention
                                                                       Quel accompagnement de la Région Île-de-France
p.8    Ouverture du colloque                                           pour soutenir le transport fluvial ?

p.13   Table ronde                                              p. 29 Table ronde
       Transport fluvial et transition énergétique :                   Quels financements innovants pour accompagner
       quels constats, quels enjeux et quelles perspectives ?          le verdissement du secteur fluvial ?
                                                                       Quel modèle économique du fluvial demain ?
p.19   Table ronde
       Quelles solutions techniques et quelles évolutions       p. 35 Table ronde
       réglementaires pour accompagner le changement ?                 Quel accompagnement des collectivités locales
                                                                       pour soutenir le transport fluvial dans son adaptation ?
p.24   Intervention
       Les leçons du futur                                      p. 40 Conclusions
4                                                                                                                             5
COLLOQUE Le transport fluvial à l'heure de la transition énergétique - Synthèse des débats - VNF
Préambule
     Relever le défi de la transition énergétique
Avec l’accélération du réchauffement         entend aller de l’avant pour renforcer sa
climatique, le transport fluvial est un      performance environnementale.
des leviers d’avenir de l’indispensable      Des solutions techniques innovantes
transition écologique et énergétique.        sont développées et doivent se multi-
De par son empreinte environnementale        plier, afin de permettre aux transpor-
largement inférieure au transport routier    teurs de réduire les émissions polluantes
compte tenu de la massification qu’il        de leurs moteurs et de disposer ainsi
permet, le mode fluvial répond signifi-      de nouveaux leviers de compétitivité.
cativement aux impératifs de réduction
des émissions carbone et de polluants        Face à ces défis environnementaux et
atmosphériques, pour acheminer les           climatiques, Voies navigables de France
marchandises de toute nature (vrac,          et HAROPA, avec le soutien de
conteneurs, produits à haute valeur          nombreux partenaires, ont pris l’initia-
ajoutée, colis lourds, matières dange-       tive d’organiser ce premier colloque
reuses…). Le transport fluvial sait          national afin de fédérer l’ensemble des
s’adapter aux besoins du marché,             acteurs de l’écosystème fluvial (trans-
notamment pour la desserte des               porteurs, chargeurs, gestionnaires d’in-
grandes agglomérations au service de         frastructures, acteurs portuaires, four-
la logistique urbaine.                       nisseurs d’énergie, équipementiers…)
                                             autour des enjeux de verdissement de
Pour autant, un défi se dresse devant        la flotte. 260 participants ont répondu
nous pour les années à venir : rendre le     à l’appel. Les échanges et débats ont
transport fluvial encore plus propre.        permis d’aborder les enjeux d’innovation
Le changement climatique et la dégra-        dans la filière et la problématique de son
dation de la qualité de l’air dans de        financement, mais aussi de comprendre
nombreuses agglomérations imposent           les solutions qui s’offrent aux profes-
en effet des exigences environnemen-         sionnels et les freins à leur mise en
tales toujours plus fortes. La France veut   œuvre. À cette occasion, plusieurs
atteindre la neutralité carbone de la        annonces ont été faites qui confirment
mobilité à l’horizon 2050, la Ville de       la dynamique d’évolution engagée vers
Paris ambitionne une sortie de la mobi-      l’utilisation de bateaux plus propres.
lité diesel en 2024 et essence à horizon     Rendez-vous est pris en 2020 pour
2030. Le secteur de la navigation fluviale   faire le bilan des engagements.

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COLLOQUE Le transport fluvial à l'heure de la transition énergétique - Synthèse des débats - VNF
Ouverture du colloque

                              Marc PAPINUTTI, directeur général                                          Thierry GUIMBAUD,
                              des Infrastructures, des Transports                                        directeur général de
                              et de la Mer au ministère de la                                            Voies navigables de France (VNF)
                              Transition écologique et solidaire
                                                                                                         « Le fluvial a une forte
                              « Le vrai défi est de se mettre ensemble                                   réalité environnementale,
                              pour avancer. »                                                            il faut qu’il la préserve. »

                               Marc PAPINUTTI a rappelé les cinq défis                                    Thierry GUIMBAUD s’est félicité du succès
                               devant être relevés dans le transport                                      rencontré par le colloque, qui a suscité
                               fluvial. Celui de la fiabilité des infrastruc-                             près de 300 inscriptions et nécessité l’ou-
    tures en premier lieu, pour lequel il note avec satisfaction l’aug-         verture d’une salle annexe raccordée par visioconférence.
    mentation du soutien de l’État à la régénération du réseau et à             VNF souhaite ainsi impulser un travail de groupe sur un sujet
    la réalisation des grands projets. Deuxième défi : celui de la              extrêmement important pour la filière. Exploitant d’infrastruc-
    construction d’une vraie stratégie logistique et portuaire,                 tures, l’Établissement est aussi un fédérateur des acteurs autour
    comme préconisée par Éric HEMAR, président d’ID Logistics, et               des sujets du fluvial, comme le montre le large partenariat tissé
    Patrick DAHER, président du groupe Daher, dans leur rapport.                à l’occasion de ce colloque. Le directeur général de VNF a souligné
    Une stratégie qui permette la construction d’une véritable filière          que si le transport fluvial a une image et une réalité d’un transport
    et le transfert de nouveaux trafics à la voie d’eau. En troisième           plus écologique que les autres, il faut faire attention à ce que
    lieu, la France doit rattraper son retard en matière de transition          cette réalité ne se dérobe pas, et qu’il ne reste au final que l’image.
    numérique, qui a avancé très vite sur le Rhin. Qu’il s’agisse de            Pour cela, le secteur doit travailler d’arrache-pied.
    dématérialisation des procédures documentaires et des systèmes              Il bénéficie aujourd’hui d’un intérêt de plus en plus marqué des
    de navigation ou de développement des systèmes d’informations               chargeurs. Les touristes aussi exigent de pouvoir se tourner vers
    fluviales, le vrai défi est de se mettre ensemble pour avancer,             le slow tourisme ; tout cela conduit à une floraison d’expérimen-
    notamment sur la Seine. Le quatrième défi est social : comme                tations. Ainsi le secteur bouge beaucoup, mais il aura des diffi-
    c’est le cas dans tout le secteur des transports, le fluvial doit           cultés à massifier ses innovations. Thierry GUIMBAUD a rappelé
    davantage attirer les jeunes, mais aussi les cadres supérieurs.             les dispositifs financiers mis en place pour aider les entreprises
    Enfin, il doit relever le défi de la performance environnementale,          (propriétaires de bateaux). Depuis 2008, ils ont permis le rempla-
    au travers des engagements pour la croissance verte qui                     cement de 200 moteurs. 36 % de la flotte française a ainsi pu être
    devraient se concrétiser rapidement. Dans la traversée des agglo-           modernisée. Ces instruments sont désormais renforcés par l’im-
    mérations en particulier, la voie d’eau doit être exemplaire, alors         plication de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de
    que la sensibilité environnementale sera probablement un enjeu              l’énergie (Ademe), des Régions Île-de-France et Provence-Alpes-
    des prochaines élections municipales. En conclusion, M. PAPI-               Côte d’Azur, pour financer le dispositif.
    NUTTI a salué la capacité des acteurs de la filière à se fédérer
    pour aboutir à la mise en place d’une interprofession fluviale.

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COLLOQUE Le transport fluvial à l'heure de la transition énergétique - Synthèse des débats - VNF
Arnaud LEROY, président
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                                                                                                           de la maîtrise de l’énergie (Ademe)
                              Régine BRÉHIER,
                              directrice générale                                                          « Plus le secteur fluvial tardera, plus
                              d’HAROPA-Ports de Paris                                                      ce sera cher et compliqué. »

                              « Le travail partenarial est
                              indispensable en matière de transition
                              énergétique. »
                                                                                                            Arnaud LEROY n’a pas hésité à faire un
                                                                                                            parallèle entre transport fluvial et trans-
                                                                                                            port maritime. Ce dernier est aujourd’hui
                               Régine BRÉHIER est revenue deux ans en              attaqué sur la question environnementale, alors que ses acteurs
                               arrière, quand les annonces de la mairie            annoncent toujours être de bons élèves en la matière. Le même
                               de Paris sur la fin du diesel ont mis la            raisonnement s’applique au transport fluvial. Pour le président de
     question de la motorisation verte sur le devant de la scène.                  l’Ademe, il est indispensable de réagir dès à présent, alors que
     La première idée a été de mettre en place un groupe de travail                les choses bougent très vite. Plus le secteur fluvial tardera, plus
     réunissant l’ensemble des acteurs du secteur et l’ensemble des                ce sera cher et compliqué. L’Agence va abonder le Programme
     enjeux, techniques et financiers, de ces projets ensemble. Si les             d’aide à la modernisation et à l’innovation (PAMI), géré par VNF,
     premières réunions donnaient le vertige tant le champ d’action                à hauteur de plus de 4 M€, sur un total de 16 M€. Elle travaille
     est varié, la directrice générale d’HAROPA-Ports de Paris recon-              aussi sur la question des ports et des façades maritimes, en pilo-
     naît que le travail partenarial est indispensable sur le sujet de             tant une étude sur la transition écologique, et soutient les terri-
     la transition énergétique.                                                    toires dans leur préparation à l’adaptation climatique.
     Dans ce domaine, un port a deux possibilités : attendre que des               Arnaud LEROY a rappelé que dans le cadre des ambitions fran-
     solutions techniques se dégagent et investir dans l’infrastructure            çaises d’être dans le top 5 en matière logistique, l’utilisation du
     d’avitaillement, ou être en amont et participer à la conduite de              transport fluvial est un avantage. Mais assurer la transition écolo-
     cette transition. C’est cette dernière option qu’a choisie Ports de           gique impose d’éviter les stop and go.
     Paris. Avec une particularité cependant, celle de disposer d’ins-
     tallations au cœur de la métropole, marquée par un plan climat
     aux échéances très rapprochées et par la perspective des Jeux
                                                                              L’Ademe s’engage avec VNF par la signature d’une convention
     olympiques de Paris 2024. Techniquement, l’avitaillement en plein
     cœur de la capitale, en puissance électrique, en gaz ou en hydro-        Le Plan d’aide à la modernisation et à l’innovation en cours (2018-2022)
     gène, ne va pas de soi. Régine BRÉHIER a conclu que si le fluvial        est désormais soutenu financièrement par l’Ademe à hauteur d’un montant
     est le plus vert des modes de transport, cette performance ne            prévisionnel total de 4,26 M€ et abondé par plusieurs régions (dont l’Île-
     se suffit à elle-même. Le meilleur de la classe doit faire des efforts   de-France pour 1,5 M€).
     pour conserver et faire progresser son avantage.                         Approuvé par la Commission européenne, ce plan vise à soutenir
                                                                              les exploitants de bateaux de transport de marchandises dans leurs efforts
                                                                              d’adaptation de leur flotte fluviale aux exigences environnementales.
                                                                              Depuis 2008, ce sont près de 2 000 projets qui ont été aidés à hauteur
                                                                              de 25 M€ environ.

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COLLOQUE Le transport fluvial à l'heure de la transition énergétique - Synthèse des débats - VNF
Table ronde
                                                     Transport fluvial et transition
                                                     énergétique : quels constats, quels
                                                     enjeux et quelles perspectives ?

                                Didier LÉANDRI, président délégué général du Comité des armateurs fluviaux (CAF)
                                Erik SCHULTZ, secrétaire de la commission « infrastructure » de la Plateforme
                                européenne des transporteurs fluviaux
                                Yann TRÉMÉAC, adjoint au chef du Service Transports et Mobilité de l’Ademe

                                En matière de bilan environnemental, le fluvial ne doit pas se reposer sur ses lauriers.
                                Mais pour progresser, les acteurs du secteur doivent développer une vision écosystémique,
                                d’autant que le respect des nouvelles normes d’émission représente un sacré défi pour la
                                filière. Il n’existe pas aujourd’hui de solution standard, mais chaque option technologique
                                correspond à des besoins bien précis. Le cycle de vie des énergies impose par ailleurs de
                                garder une vision d’ensemble de cette empreinte carbone.

                                   aire connaître les aides
                                  F                                           une vingtaine de personnes présentes
                                  à l’investissement                          connaissaient leur existence. Autre outil,
                                Pour Yann TRÉMÉAC, l’essentiel est de         le PAMI que l’Ademe abonde sur deux
                                développer une vision globale de la           volets : ­l’installation de nouvelles moto-
                                transition énergétique du secteur.            risations et de solutions de post-traite-
                                Plusieurs outils existent pour faciliter      ment des fumées et le financement
                                cette dernière, comme le dispositif des       d’études de faisabilité et de projets de
                                certificats d’économies d’énergie             recherche et d’innovation. Enfin l’Ademe
                                (CEE) qui permet de financer certains         est opérateur du programme des inves-
                                investissements. La pose d’une hélice         tissements d’avenir, avec deux outils
                                sous tuyère peut par exemple être             intéressants le fluvial : les écosystèmes
                                subventionnée à hauteur de 15 000             d’innovation performants et le concours
                                à 20 000 €, sur un budget total de            d’innovations destiné aux PME.
                                50 000 à 60 000 €. Mais les CEE n’ont         Là encore, peu de projets fluviaux ont
                                pas été utilisés en 2018. Un rapide           été déposés, ce qui fait dire à Yann
     Bateau Ducasse sur Seine   sondage dans la salle a révélé que seule      TRÉMÉAC qu’il serait nécessaire de Chevron-double-right

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COLLOQUE Le transport fluvial à l'heure de la transition énergétique - Synthèse des débats - VNF
Table ronde                              Transport fluvial et transition énergétique :
                                         quels constats, quels enjeux et quelles perspectives ?

CHEVRON-DOUBLE-LEFT travailler à de nouveaux dispositifs   ments, les gestionnaires d’infrastruc-        Des bornes interconnectées
d’accompagnement.                                          tures, les énergéticiens, les chargeurs       pour la fourniture d’eau                       es carburants de synthèse :
                                                                                                                                                       L
                                                           et plus globalement les territoires, pour     et d’électricité sur l’axe Seine              une solution immédiate
Il ne s’agit pas de préconiser telle                       faire évoluer les manières de travailler.                                                Le président du CAF a rappelé que
                                                                                                         Depuis 2018, VNF et Haropa ont
technique plutôt que telle autre,                                                                                                                   l’évolution des normes d’émission
                                                              imiter la pollution des bateaux
                                                             L                                           installé 13 bornes de distribution
mais de mettre les différentes solu-                                                                                                                est un sacré défi pour le secteur
                                                             en stationnement                            d’eau et d’électricité à destination
t i o n s a u re g a rd d e s u s a g e s à                                                                                                         fluvial, alors que le cadre réglemen-
                                                                                                         des transporteurs fluviaux de
remplir. Cette vision écosystémique                        Selon Didier LÉANDRI, il est indispen-                                                   taire actuel ne lui permet pas d’innover
                                                                                                         marchandises au Havre, à Rouen,
implique, au-delà des opérateurs de                        sable d’objectiver le débat pour ne pas                                                  en recourant à de nouvelles sources
                                                                                                         Conflans-Sainte-Honorine (photo),
transport, les fournisseurs d’équipe-                      s’éloigner de la réalité. Un des                                                         d’énergie, notamment l’hydrogène.
                                                                                                         Poses-Amfreville et Paris.
                                                           problèmes du secteur est notamment                                                       De fait, les projets en cours d’utilisa-
                                                                                                         Ce nouveau service permet de
                                                           que les bateaux polluent même lors-                                                      tion de technologies de rupture ne
                                                                                                         réduire les pollutions atmosphé-
                                                           qu’ils sont à quai. De nombreux                                                          peuvent se développer que dans des
                                                                                                         riques (émissions de CO2 et de
                                                           segments du transport fluvial sont                                                       cadres géographiques restreints.
                                                                                                         particules fines) et on estime une
                                                           concernés, en particulier les paquebots                                                  La vision du secteur est cependant
                                                                                                         économie de 68 tonnes d’équiva-
                                                           fluviaux qui ne naviguent que 35 %                                                       plus claire qu’il y a deux ans.
                                                                                                         lent carbone par an et par borne.
                PAMI 2018-2022                             du temps. Il y a pourtant un moyen                                                       Il s’agit en premier lieu de passer à
                                                                                                         Leur utilisation engendre égale-

             16 M€
                                                           d’éviter, dès aujourd’hui, les émissions                                                 la motorisation électrique avec à plus
                                                                                                         ment moins de nuisances sonores
                                                           polluantes, c’est le courant de quai.                                                    long terme le développement de
                                                                                                         et olfactives pour les riverains et les
                                                           Longtemps, ce sujet n’était pas consi-                                                   solutions hydrogène. À court terme,
           2 000 projets aidés et                                                                        bateliers. La compétitivité des
                                                           déré comme une priorité, mais cette                                                      les solutions de transition ont pour nom
     200 moteurs remplacés depuis 2008                                                                   transporteurs est enfin renforcée
                                                           façon de voir les choses est révolue.                                                    GNL (gaz naturel liquéfié),
                                                                                                         grâce aux économies de carburant
                                                                                                                                                    HVO (Hydrotreated Vegetable Oil) ou
                                                                                                         et d’entretien liées à l’utilisation des
                                                                                                                                                    GTL (Gas To Liquid). Didier LÉANDRI
                                                                                                         groupes électrogènes.
                                                                                                                                                    estime qu’il ne faut pas opposer ces
     Ademe : une nouvelle étude sur la performance environnementale                                                                                 technologies entre elles. La transition
     du transport fluvial                                                                                                                           énergétique se fera bien en deux temps
                                                                                                       « La transition énergétique n’est pas        avec l’objectif d’atteindre le zéro émis-
     Une trentaine d’opérateurs ont été interviewés et 92 trajets passés à la loupe. Il en
                                                                                                       un mal nécessaire, c’est une exigence        sion dans 30 ans. La première solution
     ressort des chiffres moyens de 8,8 à 35,2 g CO2 / t-km, de 0,003 à 0,002g / t-km
                                                                                                       que nous devons à nos clients,               consiste à recourir à des carburants de
     pour les particules et de 0,1 – 0,66g / t-km pour les NOx. Le bilan en termes de
                                                                                                       c’est bien plus puissant que                 synthèse. En juin 2019, un certain
     gaz à effet de serre s’est amélioré par rapport à 2006, date de la précédente étude.
                                                                                                       toute législation internationale. »          nombre de compagnies parisiennes de
     Pour autant, il n’est pas évident de faire des comparaisons entre les modes.
                                                                                                       Didier Léandri,                              promenade sont ainsi passées au GTL.
     Si, globalement, la capacité de massification du fluvial aboutit à une meilleure
                                                                                                       Comité des armateurs fluviaux (CAF)          La généralisation de ce carburant
     efficacité énergétique, la performance exacte varie en fonction de l’âge du moteur.
                                                                                                                                                    impose une évolution collective, Chevron-double-right

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COLLOQUE Le transport fluvial à l'heure de la transition énergétique - Synthèse des débats - VNF
Table ronde                             Transport fluvial et transition énergétique :
                                        quels constats, quels enjeux et quelles perspectives ?

CHEVRON-DOUBLE-LEFT avec la mise en place d’une organi-   monté sur le système de propulsion,
sation d’avitaillement industrielle.                      fonctionnant en zone urbaine à l’aide
Sur tous ces sujets, la profession ne                     d’un moteur magnétique permanent
peut pas continuer à travailler seule. Le                 ou de batteries. Mais une telle remo-
18 juin, le CAF a signé un accord de                      torisation coûte cher (entre 100 000
partenariat avec le Groupement des                        et 400 000 €) et peut poser un
industries de construction et activités                   problème de place dans la salle
navales (GICAN) et le syndicat de la                      des machines.
construction fluviale SNCRB pour créer
une dynamique maritimo-fluviale sur
tous ces sujets.
                                                            GTL : une transition en douceur                   De gauche à droite Frédéric Denhez, Erik Schultz, Didier Léandri et Yann Tréméac
Pour Erik SCHULTZ, le calcul du bilan                       La Compagnie des bateaux pari-
environnemental de la voie d’eau pose                       siens, le service de navettes fluviales
deux problèmes : l’impact CO 2 est                          Batobus et la compagnie de croi-
toujours calculé en fonction de la puis-                    sières fluviales CroisiEurope                 ’autre solution est de passer
                                                                                                         L                                             « Il ne faut pas attendre d’avoir
sance maximale installée sur les bateaux,                   passent leur flotte de Seine au GTL          au tout électrique
                                                                                                                                                       toutes les réponses avant de se lancer,
très rarement utilisée ; par ailleurs, très                 (gas-toliquid). Cette opération ne         Aux Pays-Bas, un premier bateau                 mais au contraire aller vite
peu de mesures d’émissions ont été                          nécessitant pas de changement de           porte-conteneurs de ce type est sorti           et apprendre en marchant. »
réalisées en conditions réelles.                            moteur permettra de réduire de             de chantier cette année, et d’autres            François Lefebvre,
                                                            20% l’émission des particules sans         devraient suivre. Il est équipé de conte-       Groupe Europe technologies Ciam
Le transporteur néerlandais a rappelé                       produire d’odeur.                          neurs de batteries qui sont échangés
qu’il n’existe pas aujourd’hui de moteur                                                               tous les 150 km. Le consortium à l’ori-
respectant les nouvelles normes en                                                                     gine du projet, qui associe Engie,
vigueur. Ce que les transporteurs                                                                      ­Wärtsilä, ING, Damen et d’autres parte-
peuvent faire dans l’immédiat,                                                                          naires cherche encore des solutions            transport de long terme. Or les logis-
c’est changer de carburant. Depuis                                                                      pour pouvoir recharger ces batteries à         ticiens paient toujours le prix le plus bas
plus d’un an, Erik SCHULTZ utilise ainsi                                                                un prix intéressant. Erik SCHULTZ              pour leurs transports, sans considéra-
du GTL ; une solution – à son avis –                                                                    a également cité l’opérateur de termi-         tion du type de propulsion, ce qui rend
parfaite et d’un coût à peine plus élevé                                                                naux BCTN de Hasselt qui a en                  la transition énergétique du secteur
(+0,03€ / litre) que le GNR. Une alter-                                                                 commande un bateau de 110 m                    fluvial difficile. La réglementation doit,
native consiste à installer un système                                                                  équipé d’une pile à combustible.               elle aussi, évoluer pour permettre le
hybride associant un moteur diesel                                                                      Mais pour financer ce type de bateau,          déve­loppement de ces technologies,
(pour les longues distances) et une                            Avitaillement en GTL du Botticelli       les opé­  r ateurs fluviaux doivent            mais ce changement demandera au
génératrice ou un moteur d’assistance                        de CroisiEurope le 28 juin 2019 à Paris    pouvoir disposer de contrats de                moins 10 ans pour aboutir.               Chevron-double-right

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COLLOQUE Le transport fluvial à l'heure de la transition énergétique - Synthèse des débats - VNF
Table ronde                            Transport fluvial et transition énergétique :
                                       quels constats, quels enjeux et quelles perspectives ?
                                                                                                                         Table ronde
                                                                                                                         Quelles solutions techniques et
                                                                                                                         quelles évolutions réglementaires
                                                                                                                         pour accompagner le changement ?

CHEVRON-DOUBLE-LEFT Dans la salle, François LEFEBVRE,   Communauté portuaire de Paris, a clos
directeur développement hydrogène                       le débat en soulignant que ce ne sont
du groupe Europe technologies Ciam,                     pas forcément les technologies que l’on    Matthieu BLANC, directeur métier fluvial Sogestran Group
a estimé qu’il ne faut pas attendre                     connaît aujourd’hui qui nous apporte-      Arnaud DANIEL, directeur des Bateaux parisiens
d’avoir toutes les réponses avant de se                 ront la solution, mais que de nouveaux     Olivier JAMEY, président de la Communauté portuaire de Paris (CPP)
lancer, mais au contraire aller vite et                 process sont susceptibles d’émerger        Jean-Charles NAHON, président du comité technique du Groupement
apprendre en marchant, sous peine de                    ces prochaines années, qui peuvent         des industries de construction et activités navales (GICAN)
voir le fluvial de l’hydrogène nous                     totalement rebattre les cartes, notam-     Frédéric STORCK, directeur transition énergétique et innovation
passer à côté. Alain GIACOSA, directeur                 ment dans l’utilisation de l’hydrogène.    de la Compagnie nationale du Rhône (CNR)
de la plate-forme GNL carburant marin
et fluvial, a souligné quant à lui l’impor-
tance d’envisager le cycle de vie des                                                              Pour accompagner le changement, le fluvial peut s’appuyer sur l’effort de recherche
énergies. Rien ne sert de réduire la                                                               réalisé par la filière maritime. D’autres solutions sont à chercher du côté du secteur routier

                                                                  1 030
pollution locale si c’est pour la reporter                                                         ou encore du secteur agricole. L’hybridation permet dès aujourd’hui de profiter des
plus loin. La production des batteries                                                             avantages d’une propulsion électrique, en se gardant la possibilité d’adapter le mode de
par exemple émet beaucoup de CO2,                                                                  production de cette électricité aux technologies du moment. Des solutions hydrogènes
qu’il est ensuite difficile de compenser.                       bateaux de marchandises
                                                                                                   sont aussi à l’étude, qui auront d’autant plus de sens à mesure qu’émergera une véritable
Aujourd’hui, le gaz est la seule solu-                   composent la flotte fluviale française,
                                                                                                   filière de production. Mais la transition énergétique du secteur implique un effort collectif
tion de long terme qui soit disponible.                   d’une capacité moyenne supérieure
                                                                                                   et un soutien tous azimuts des différents acteurs.
Didier SPADE, représentant de la                                    à 1 000 tonnes

                                                                                                     S’inspirer du monde maritime                 tème autour d’eux. La propulsion
                                                                                                   Jean-Charles NAHON a introduit                  électrique est une option intéressante
                                                                                                   cette table ronde en dressant une               parce qu’elle permet d’investir dès à
                                                                                                   passerelle entre les milieux maritime           présent tout en se laissant la possibi-
                                                                                                   et fluvial. Si les capacités d’investis-        lité d’adapter le mode de production
                                                                                                   sement du maritime sont supérieures             de cette électricité à la réglementa-
                                                                                                   à celles du fluvial, les probléma-              tion et aux possibilités techniques du
                                                                                                   tiques rencontrées sont les mêmes               moment. La durée de vie des bateaux
                                                                                                   et des synergies peuvent être trou-             oblige en effet à concevoir des
                           Le porte-conteneur électrique néerlandais Sendo
                                                                                                   vées. La diversité des solutions                systèmes de propulsion suffisamment
                                                                                                   i m p o s e q u e l e s o p é ra te u r s s e   souples pour pouvoir passer d’une
                                                                                                   regroupent et réunissent un écosys-             énergie à l’autre. Dans la salle, Chevron-double-right

18                                                                                                                                                                                                   19
Table ronde                             Quelles solutions techniques et quelles évolutions
                                        réglementaires pour accompagner le changement ?

CHEVRON-DOUBLE-LEFT Éloi FLIPO, responsable du service   nisés. Ce programme comprend égale-
Développement du transport de VNF, a                     ment la mise en place d’une procédure
mentionné une autre solution de transi-                  d’homologation au niveau européen.
tion consistant à « mariniser » un moteur                L’enjeu est de pouvoir disposer d’une       Batobus, qui circulent en continu             d’occupation temporaire dont la durée
de camion ou un moteur non routier                       solution sur étagère à relativement court   14 heures par jour. Ces derniers vont         soit en phase avec leurs investissements.
(NRE). L’établissement public a lui-même                 terme et à un prix acceptable pour la       fonctionner dès le mois de juin au            Un guichet unique va être mis en place
décidé d’équiper un ponton de service                    profession.                                 carburant GTL avant de bénéficier             pour les aider à avoir une vision globale
d’un moteur John Deere de 150 kW. L’ho-                                                              d’une hybridation pour la saison 2020.        des dispositifs d’aide disponibles.
mologation de l’installation est en cours.                  ODEXO investit dans le GTL
                                                           S                                         La moitié des groupes électrogènes
Une autre expérience existe aux Pays-Bas,                  et l’électrique                           équipant les unités sera remplacée par        Olivier JAMEY a évoqué sa propre
où des bateaux de toutes tailles sont                    Le coût est en effet un enjeu essentiel     des batteries. Cet effort concernera à        expérience de propulsion électrique,
équipés de moteurs de 250 kW mari-                       pour les opérateurs, a confirmé Arnaud      terme l’ensemble de la flotte Sodexo.         mise en œuvre il y a 12 ans sur une
                                                         DANIEL. Après avoir parcouru le monde       Au port de la Bourdonnais, tous les           prestation de transport de passagers
                                                         à la recherche de solutions de verdisse-    bateaux-restaurant sont d’ores et déjà        entre la porte de la Villette et la porte
                                                         ment de ses bateaux, le directeur           branchés au courant de quai.                  d’Aubervilliers. Ce service, qui transporte
« Il nous faudrait aussi un                              général des Bateaux parisiens a présenté                                                  1,5 million de passagers par an, a été
soutien de l’État, car les                               ses propositions à son groupe. Elles ont       a communauté portuaire
                                                                                                       L                                           financé par Icade, filiale de la Banque
réglementations vont moins                               beaucoup fait tousser les dirigeants, du      de Paris lance une étude                    des territoires. L’avantage de la
                                                                                                       sur la flotte parisienne
vite que les innovations. »                              fait des montants pharaoniques en jeu                                                     propulsion électrique est qu’elle
Arnaud Daniel, les Bateaux Parisiens                     et de l’incertitude pesant sur certaines    Olivier JAMEY a évoqué la démarche de         permet une évolutivité dans l’énergie
                                                         technologies. Le groupe a finalement        transition énergétique engagée par            utilisée. Dans le cas d’Icade, celle-ci
                                                         choisi d’investir dans la flotte de         cette dernière. Alors que les moteurs         était fournie au départ par des batteries
                                                                                                     diesel seront bannis de la métropole          nickel-cadmium, puis lithium-ion ; on
                                                                                                     d’ici 2024, et les moteurs thermiques         peut imaginer intégrer la pile à
                                                                                                     d’ici 2030, on peut difficilement             combustible dans les évolutions futures.
                                                                                                     imaginer que les bateaux soient les           L’électronique permet par ailleurs
                                                                                                     seuls véhicules à fumer à cette date.         de rendre cette énergie intelligente,
                                                                                                     Il y a un an, la CPP a réuni tout une délé-   pour fournir juste ce qu’il faut de
                                                                                                     gation pour travailler sur le sujet.          puissance, au moment où il le faut. Chevron-double-right
                                                                                                     Une étude a été engagée pour trouver
                                                                                                     comment assurer la transition énergé-

                  De gauche à droite, Frédéric Denhez, Mathieu Blanc, Jean-Charles
                                                                                                     tique du fluvial et définir des scénarios
                                                                                                     par type d’usage. 147 bateaux ont été
                                                                                                     passés au crible. Reste pour les porteurs
                                                                                                                                                                    11,3
                                                                                                                                                                 millions de passagers
                       Nahon, Arnaud Daniel, Frédéric Storck et Olivier Jamey                        de projet à obtenir des conventions                   sur le réseau français en 2018

20                                                                                                                                                                                                     21
Table ronde                          Quelles solutions techniques et quelles évolutions
                                     réglementaires pour accompagner le changement ?

« L’objectif est de fabriquer de                      l’énergie à un coût marginal réduit.                                                           es outils financiers pour aider
                                                                                                                                                    D
l’hydrogène vert et pas cher. »                       Compte tenu du développement des                                                              les industriels
Frédéric Storck,                                      énergies renouvelables en France, les                                                       Didier LÉANDRI a précisé les outils
Compagnie nationale du Rhône (CNR)                    besoins en la matière sont très importants.                                                 pouvant être mis en œuvre pour faciliter
                                                      Selon une étude de l’Ademe, les excé-               Porte-conteneurs Oural de la CFT        l’investissement dans le fluvial. La loi de
                                                      dents se chiffrent à plusieurs fois la                                                      finances 2019 comporte un dispositif de
                                                      production du Rhône à l’horizon 2050.                                                       suramortissement pour lequel on peut
CHEVRON-DOUBLE-LEFT La propulsion électrique change   Grâce à la prolongation de sa concession       à présent. En ville, la priorité numéro un   cependant regretter que le fluvial ait été
ainsi le comportement des pilotes                     – en cours de discussion – la CNR peut s’en-   pour le fluvial est d’émettre moins de       assimilé au maritime. Le crédit d’impôt
et donne une image plus high tech                     gager dans ce type de projet financière-       particules. Sur les trajets longue           recherche (CIR) cible, lui aussi, davan-
au métier.                                            ment et réglementairement compliqué.           distance, il s’agit davantage d’émettre      tage les gros industriels. Plus efficace
Une soixantaine de bateaux électriques                                                               moins de CO2 en consommant moins de          dans le fluvial, l’exonération des plus-va-
professionnels naviguent aujourd’hui en               Une première installation est prévue à         carburant. Pour cela, il serait nécessaire   lues de cession en cas d’investissement
France, a précisé Xavier DE MONTGROS,                 Pierre-Bénite. Le projet s’appuie sur des      de disposer d’indicateurs spécifiques au     est cependant assimilée par Bercy à une
président de l’Association française pour             besoins immédiats en hydrogène.                transport de conteneurs. En dernier lieu,    niche fiscale. Le PAMI, piloté par VNF,
le bateau électrique, essentiellement                 Le projet « Zero emission valley » mené        le courant de quai doit s’imposer dès        a quant à lui un effet levier très limité en
dans le transport de passagers.                       en Auvergne-Rhône-Alpes implique               maintenant, par la voie réglementaire        termes fiscaux. Tout un travail de sensi-
Le surcoût à l’achat, d’environ 30 %, est             en effet la mise en service de 20 stations     si nécessaire.                               bilisation et d’argumentaire technique
amorti en dix ans. L’analyse du cycle de              à hydrogène et de 1000 véhicules à l’ho-       Quant à l’hydrogène, la CFT y travaille      reste à faire. Dans le cadre de la prépa-
vie pour des bateaux naviguant plus de                rizon 2021. À celui-ci s’ajoutent d’autres     sur le Rhône depuis quasiment 8 ans.         ration de la loi de finances, le secteur
8 heures par jour montre que la rentabi-              projets industriels. De son côté, la CNR       Le premier projet, Promovan, a consisté      a ainsi travaillé avec le ministère de
lité carbone est là.                                  prévoit l’ouverture, fin 2019, d’une station   à mesurer la consommation réelle des         l’Écologie à la mise en place d’un
                                                      multi-énergies (hydrogène, recharge            pousseurs. Il a révélé que la motorisation   système d’engagement volontaire.
   La CNR mise sur l’hydrogène                       électrique rapide, bio-GNC) au port            de ces derniers était surdimensionnée.       Les discussions devraient aboutir avant
Fréderic STORCK a présenté le projet                  de Lyon. Destinée à l’approvisionnement        La remotorisation de l’un d’entre eux a      la fin de l’année à la formulation
Jupiter 1000, qui vise à produire et à                de la flotte routière, elle pourrait égale-    ainsi permis de diminuer la consomma-        d’« engagements pour la croissance
injecter dans le réseau gaz de l’hydro-               ment servir, à terme, à l’avitaillement du     tion de gazole de 10 à 12 %. Par la suite,   verte », avec pour premier objectif d’ali-
gène et du méthane de synthèse.                       futur pousseur à hydrogène qui servira         la CFT a monté des dossiers pour passer      gner la vision des acteurs du secteur.
­L’hydrogène est utilisé comme un vecteur             au déplacement de la déchetterie               à une motorisation hydrogène-élec-           Pour Emmanuel BARAT, directeur
 permettant un stockage de masse de                   fluviale lyonnaise.                            trique, mais rien n’a été simple.            général du groupe Energy, le fluvial
 l’électricité renouvelable, produite à un                                                           Le groupe a finalement intégré un            peut représenter un véritable labora-
 moment où le réseau n’en a pas besoin.                  ogestran teste des moteurs
                                                        S                                            consortium européen et décidé, non pas       toire en termes de transition énergé-
 Pour cela, il est nécessaire de massifier les          hybrides                                     de remotoriser un pousseur, mais d’en        tique, mais il doit pour cela être aidé ;
 installations de production, qui coûtent             Matthieu BLANC a rappelé que trois             construire un neuf. La concrétisation de     ce n’est pas au secteur fluvial de porter
 très cher mais permettent de stocker                 batailles doivent être menées dès              cette nouvelle unité est en marche.          à lui seul l’effort de R&D.

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Intervention
                 Les leçons du futur

                              Jean-Robert MAZAUD,
                              architecte de l’agence S’PACE

                              « Pour développer le fluvial,
                              il faut travailler sa périphérie. »              Téléphérique Citallios à Clichy (93)

                               Si tous les véhicules routiers étaient élec-
                               triques, est-ce que cela résoudrait nos
                               problèmes de mobilité ? La réponse est
                               bien évidemment non. Le seul mode de
                               transport disposant de marges de
     manœuvre, c’est le fluvial. Ce qui est crucial dans tous les terri-
     toires, c’est ce qui est déjà là. La géographie donne ainsi un
     avantage considérable à la voie d’eau. Mais que peut-on réactiver
     en partant de là ? La solution passe en partie par l’art et la culture,
     qui façonnent notre mode de vie.
     « Depuis quand n’a-t-on plus vu de film sur le fluvial ? » se demande
     Jean-Robert MAZAUD. Cette absence traduit un manque d’au-
     dace, notamment en matière d’infrastructures. La solution : créer,
     en même temps que l’infrastructure, les revenus qui vont permettre
     de la financer. Le développement du fluvial passe ainsi par la
     promotion de tout ce qui se passe sur les quais, et pas seulement
     sur le fleuve. Il faut travailler la périphérie, l’environnement du
     squelette, parler de génie fluvial comme on parle de génie
     urbain et militaire. Le fluvial a de la chance parce que les gens
     sont favorables à cette infrastructure, ils sont prêts à manifester
     pour un canal (ici le projet de canal Seine-Nord Europe). Il faut
     profiter de ce soutien et cultiver ce qui fait l’identité du fluvial :
     slow is fast.

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Intervention
                Vers un nouveau modèle
                énergétique dans le milieu maritime
                                                                                              Exemples de navires
                                                                                                fonctionnant avec
                                                                                                   des carburants
                                                                                                                       Méthanol
                                                                                               alternatifs au fioul

                            Paul TOURRET,
                            directeur de l’Institut supérieur
                            d’économie maritime (Isemar)

                                                                                                                      Hydrogène
                            « Passer de l’efficacité à l’efficience. »

                             Si l’innovation en matière d’empreinte       en œuvre sur les grandes unités.
                             carbone de la navigation maritime a été      Les nouvelles technologies liées à
                             quasi-inexistante durant les 30 dernières    la digitalisation doivent permettre
     années, la moitié des interventions à Isemar porte désormais         à la navigation maritime de passer             Vélique
     sur les problématiques environnementales. Les choses ont             de l’efficacité à l’efficience.
     changé à partir du moment où l’Organisation maritime inter-          Dans les ports, la question du
     nationale (OMI) s’est transformée en instrument proactif de la       courant de quai pose problème.
     transition écologique après avoir été un frein. Le calendrier        Pour que l’investissement ait du
     s’est accéléré avec l’entrée en vigueur de la réglementation low     sens, il faut que l’électricité fournie
     sulphur dès 2020 et, à plus longue échéance, la probable mise        soit produite grâce à des énergies
     en place d’une zone de réglementation des émissions de               vertes : éolien, solaire, biomasse ou
     polluants (ECA) en mer Méditerranée et d’objectifs de réduc-         encore récupération d’énergie
     tion du CO2 à l’horizon 2050.                                        fatale. Côté recherche enfin, la             Batteries
                                                                          structure capitalistique des entre-
     Aujourd’hui, le fioul désulfuré coûte 37 % plus cher que le fioul    prises françaises conduit à un mix
     lourd classique. L’installation d’un scrubber représente un inves-   difficile : faire porter l’innovation
     tissement de 6 à 8 M€ par navire et ne résout pas tout parce         par les politiques publiques, en se
     qu’elle modifie l’équilibre de ce dernier et génère des déchets      reposant sur l’initiative privée.
     qu’il faut bien gérer. L’utilisation de nouveaux carburants          Le schéma conduit souvent à une
     (GNL, méthanol, GTL, hydrogène) peut s’envisager pour des            sur-ambition qui nuit à la concréti-
     tailles de navires limitées mais est plus difficile à mettre         sation d’une véritable transition.

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Intervention                                                                       Table ronde
                Quel accompagnement de la Région                                                   Quels financements innovants
                Île-de-France pour soutenir                                                        pour accompagner le verdissement
                le transport fluvial ?                                                             du secteur fluvial ? Quel modèle
                                                                                                   économique du fluvial demain ?

                             Grégoire DE LASTEYRIE,                         Gautier CHATELUS, directeur investissement, infrastructures
                             conseiller régional d’Île-de-France            et transports de la Banque des territoires
                             en charge des nouvelles mobilités              Frédéric HAUWEN, directeur du marché maritime et fluvial
                                                                            du Crédit maritime - Banque populaire du Nord
                                                                            Jimmy HUMBERT, marinier, gérant de la société Trans fluvial négoce
                             « L’Île-de-France est la première région
                                                                            Gilles MANUELLE, président de Fludis, agence mobile de messagerie éconologique
                             à s’engager dans les dispositifs d’aide
                                                                            Aurélie PAVAGEAU, directrice de l’agence Rhône Ain Nord Isère de Suez
                             de VNF. »
                                                                            Recyclage et valorisation

                              Les mesures de soutien au transport           En matière d’innovations dans le fluvial, la recherche de financements est souvent
                              fluvial mises en œuvre par la Région          compliquée, tant pour les grandes entreprises que pour les artisans. Ces derniers souffrent
                              répondent à un triple objectif de dévelop-    de l’imposition de la plus-value en cas de vente de leur bateau, qui constitue un vrai frein
     pement économique, de transition écologique et d’accompagne-           à l’investissement. De nouvelles formes de financement de la flotte doivent être imaginées.
     ment des opérateurs sur le territoire. La stratégie logistique         La Banque des territoires peut, elle aussi, intervenir pour des projets qui impliquent souvent
     adoptée par la Région le 15 mars 2019 intègre le fluvial pour          une durée de retour sur investissement plus longue que la moyenne.
     permettre à ce mode de monter en puissance. L’Île-de-France est
     notamment la première région à s’engager dans les dispositifs
     du PARM et du PAMI à hauteur, respectivement, de 1 et 1,5 M€.
     Le CPIER comprend par ailleurs 30 M€ d’investissements dans la
     voie d’eau et les ports.
     Pour lever les obstacles à la modernisation et à la transition éner-      es coûts
                                                                              D
     gétique du secteur, il faut changer les mentalités et faire en sorte     d’investissement élevés
     que les logisticiens fassent l’expérience du fluvial. La Région        Aurélie PAVAGEAU est revenue sur la
     Île-de-France participe à l’étude lancée par la Communauté             genèse de la déchetterie fluviale de
     portuaire de Paris et elle y a trouvé deux vertus : le travail en      Lyon. Le projet est parti d’un double
     commun et le sens du pragmatisme. La démarche de transition            constat : la saturation des déchetteries
     écologique se fera pas à pas et pour cela, la Région sera aux côtés    existantes et la pénurie de foncier,
     de la profession.                                                      qui excluaient de pouvoir ouvrir une
                                                                            installation supplémentaire à terre.
                                                                            En décembre 2014, un consortium a été
                                                                            créé avec CFT, CNR et VNF. Chevron-double-right          Déchetterie urbaine de Lyon

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Table ronde                            Quels financements innovants pour accompagner
                                       le verdissement du secteur fluvial ?
                                       Quel modèle économique du fluvial demain ?

CHEVRON-DOUBLE-LEFT La recherche de financements pour       « On veut accompagner la mutation            ers des coopératives
                                                                                                        V                                           a par exemple été inscrit au fonds
ce projet inédit et innovant a été                          du fluvial : la construction de             de bateliers                                « littoral normand » de la Région
compliquée. ­L’expérimentation de la                        nouveaux bateaux coûte très cher.         Un frein confirmé par Frédéric                Normandie.
déchetterie fluviale a nécessité un                         Il faudra avoir les reins solides !       HAUWEN. L’économie fluviale souffre
budget total de 2,456 M€, dont 1,6 M€                       Cela aura sans doute une                  aujourd’hui de l’âge moyen très élevé            Comment rajeunir la flotte ?
de subventions (Région Auvergne-Rhô-                        conséquence : une recapitalisation        de sa flotte : le bateau le plus ancien       Pour travailler au renouvellement du
ne-Alpes, VNF, Ademe, Union euro-                           des entreprises sous la forme             dans le portefeuille du Crédit maritime       secteur, Frédéric HAUWEN a estimé
péenne). Depuis un an et demi, la barge                     de coopératives, d’armements              date de 1927. Il faut imaginer d’autres       qu’il faut fonctionner en réseau, faire
s’amarre tous les samedis matins.                           de plusieurs bateliers, peut-être         modes de financement, notamment               le point sur ce qui doit être renouvelé,
Un appel d’offres devrait prochaine-                        même avec des affréteurs en contrat.      sous forme de coopérative ou encore           et apporter des perspectives aux
ment être lancé pour pérenniser le                          Cela va contre le sens de la propriété    de création d’un fonds d’investisse-          banquiers si on veut qu’ils participent
concept. L’objectif est d’ouvrir un                         des bateliers, mais face à des coûts      ment qui interviendrait au capital de         au financement. La transition énergé-
second quai sur la Saône pour                               croissants… qu’est-ce qu’il vaudra        sociétés de transport fluvial. Le fluvial     tique se fera par un rajeunisse- Chevron-double-right
augmenter la population ciblée.                             mieux, demain ? Avoir chacun,
                                                            à quatre bateliers réunis, 25 %
Autre exemple d’investissement, celui                       de quatre bateaux ou 100 % d’un
en gagé p a r le mari ni e r J i mmy                        bateau très cher tout seul qu’on aura
HUMBERT. Après 14 ans passés dans                           du mal à amortir ? »
la profession, ce dernier a décidé de                       Frédéric Hauwen, Crédit maritime
changer de bateau pour exploiter une                        - Banque populaire du Nord
unité plus récente et mieux adaptée au
marché du Grand Paris. Il lui a fallu
pour cela lever 2 M€ auprès de la
Banque populaire. Son nouveau
bateau est pourvu des technologies
embarquées permettant une réduction
de la consommation de carburant,                        Autre difficulté : l’imposition de la plus-
mais il reste équipé d’une motorisation                 value en cas de vente d’un bateau.
classique. Jimmy Humbert ne le cache                    En 20 ans, la valeur d’une unité peut
pas : sans norme pour l’obliger, il ne                  être multipliée par 10, mais parallèle-
changera pas de motorisation, parce                     ment le batelier est lui aussi amené
que les chargeurs ne valorisent pas ce                  à débourser davantage s’il veut changer
type d’effort et qu’il n’existe pas                     de bateau. Le dispositif fiscal actuel
aujourd’hui de solution de verdisse-                    réduit la capacité des mariniers                         De gauche à droite, Frédéric Denhez, Gilles Manuelle, Jimmy Humbert,
ment exploitable et abordable.                          à investir.                                                    Frédéric Hauwen, Gautier Chatelus et Aurélie Pavageau

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Table ronde                             Quels financements innovants pour accompagner
                                        le verdissement du secteur fluvial ?
                                        Quel modèle économique du fluvial demain ?

CHEVRON-DOUBLE-LEFT ment de la flotte qui permettra      récente. Si cette dernière a jusqu’ici
aussi de rendre le métier attractif et                   surtout travaillé sur la mobilité routière,
de faire en sorte que les jeunes                         la transition écologique et énergétique
puissent s’y projeter. Le Crédit mari-                   est une ligne directrice de son action.
                                                                                                                  La première agence Fludis est opérationnelle depuis le 23 octobre 2019
time gère beaucoup de dossiers de                        Elle vient de lancer Mobiprêt, un prêt
financement concernant le fluvial,                       à très long terme destiné à la transi-
mais peu d’entre eux impliquent des                      tion écologique, et investit en fonds         le seul cadre du fluvial avec une visi-        Le service va démarrer en septembre
j e u n e s . Tra d i t i o n n e l l e m e n t , ce s   propres pour accompagner, dans la             bilité assurée grâce aux engagements           2019 avec trois belles signatures, et
derniers démarraient leur carrière sur                   durée, des projets de transition en           de plusieurs chargeurs. Fludis, c’est          sera notamment alimenté par un
un Freycinet, mais aujourd’hui, il leur                  prenant en compte l’ensemble de l’éco-        aussi un bateau innovant mais                  camion venant directement du Mans
faut aller très vite vers un matériel plus               système, par exemple les bornes d’avi-        crédible, avec des technologies prou-          sans passer par un entrepôt. Cibles :
grand pour être rentables. Le Crédit                     taillement en hydrogène et les bateaux        vées et un business plan sérieux.              les flux en porte-à-porte, la messa-
maritime les aide avec des réflexions                    eux-mêmes. Elle ne peut, dans la struc-       Il reste pas mal d’aléas, c’est pourquoi       gerie et la livraison de fournitures de
particulières plus poussées. Sa respon-                  ture actuelle, aider directement un           la Banque des territoires est inter-           bureau. Au retour, le bateau prendra
sabilité est de n’envoyer personne                       batelier à acquérir son premier bateau        venue en fonds propres.                        des déchets électriques et électro-
dans le mur et de s’inscrire dans le                     mais elle peut investir dans une société                                                     niques, qu’il ramènera à Gennevilliers.
secteur dans la durée.                                   de portage d’un projet.                          ludis : un projet innovant
                                                                                                         F                                            Gilles MANUELLE a choisi de faire
                                                                                                         et décarboné                                 construire une unité de gabarit
Gautier CHATELUS a rappelé que l’ex-                     En matière de verdissement de la flotte       Gilles MANUELLE a rappelé que ce               Freycinet sur trois ponts, équipée
périence de la Banque des territoires                    fluviale, ce n’est pas tant la visibilité     projet est la concrétisation des travaux       d’une grue permettant de décharger
dans le secteur fluvial est bien plus                    technique qui est importante que l’ar-        de recherche menés il y a quelques             marchandises et véhicules.
                                                         ticulation des différents acteurs et          années par le consortium « Vert chez           L’investissement total se monte à
                                                                                                                                                      ­
                                                         porteurs de projets entre eux et la visi-     vous ». Face à l’explosion du nombre           3,4 M€, dont 2,5 M€ pour le bateau.
                                                         bilité assurée quant à l’activité du          de livraisons due au développement             L’intervention de la Banque des terri-
                                                         bateau. La Banque des territoires peut        du e-commerce et à l’éloignement des           toires a permis au porteur de projet Chevron-double-right
                                                         apporter le capital pour que ce               entrepôts du centre de Paris, Fludis
« C’est inadmissible que l’on ait                        dernier ne soit pas en totalité à la          constitue une rupture en termes d’or-
demain de grosses émissions dans                         charge du porteur de projet et lui            ganisation. Plutôt que d’avoir des véhi-
le centre de Paris, avec des barges qui                  donner la visibilité la plus longue pour      cules bloqués dans les bouchons,
n’auraient pas évolué. La profession                     que le coût de ce capital soit le plus        la préparation des tournées se fait en
est à risque, si elle ne commence pas                                                                                                                                    Projet Fludis

                                                                                                                                                                  3,4 M€
                                                         faible possible.                              effet sur le bateau lors des temps
à s’adapter aujourd’hui … »                              Elle est ainsi intervenue dans la struc-      de navigation. Les vélos-cargo, d’une
Gautier Chatelus,                                        turation du projet Fludis. Ce projet          capacité de chargement de 350 kg,
Banque des Territoires                                   intéressait la Banque des territoires de      effectuent trois boucles, soit l’équiva-                     d’investissement
                                                         par son aspect innovant qui dépasse           lent d’une tournée de camionnette.                       dont 2,5 M€ pour le bateau

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