Résonances MENSUEL DE L'ECOLE VALAISANNE - Compréhension de la lecture - Résonances
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Résonances M E N S U E L D E L’ E C O L E V A L A I S A N N E Compréhension de la lecture N°1 • Septembre 2015
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ÉDITO L’aventure du texte Le lecteur a souvent tendance à croire que les messages écrits sont transparents «Entre et que l’intention de l’auteur peut aisément être décodée par le destinataire. Ce que je pense Douce illusion! Ce que je veux dire Quiconque a fait des études littéraires et donc régulièrement trituré des textes Ce que je crois dire pour en percevoir les sens cachés sait parfaitement que l’interprétation a ses Ce que je dis limites, car les signes langagiers peuvent être délicats à décoder et il n’est pas Ce que vous avez envie toujours simple de replacer le message dans son contexte, d’autant que le d'entendre glissement interprétatif n’est jamais loin. Malgré de bons réflexes d’analyse en Ce que vous entendez situation d’études de texte, l’on reste souvent démuni avec la communication Ce que vous comprenez dans d’autres situations, aussi bien à l’écrit qu’à l’oral. Dans une conversation, Il y a dix possibilités on ne peut guère réécouter, mais à la lecture d’un texte que l’on peut relire, il qu'on ait des difficultés n’est pas possible d’interagir au fil des mots avec l’émetteur du message, pour à communiquer. construire le sens. Bref, dans tous les cas, la compréhension est une aventure Mais essayons quand complexe et passionnante, car laissant un espace de liberté interprétative. Même même...» la loi est sujette à une lecture à niveaux multiples. Bernard Werber Pour prendre conscience de l’importance de l’effort de compréhension en situation de lecture et intégrer la notion de coopération textuelle, l’une des meilleures tactiques consiste probablement à écrire, en ayant des destinataires réels. Les réactions des lecteurs permettent vite d’avoir davantage conscience des distorsions de la compréhension. Parfois, le commentaire est vexant, car il démontre une expression insuffisante de ses intentions, par manque de clarté énonciative ou par confusion mentale dans l’expression de ses idées. Un mot à double sens, le flou d’un adjectif, une ponctuation erronée, une métaphore opaque, un paradoxe non élucidé et hop, le sens échappe à tout contrôle. Il arrive aussi que l’on peste contre le lecteur, car il n’a rien compris ou comprend selon son ressenti, alors que c’était pourtant clair ou du moins le croit-on, car entre ce que l’on veut exprimer et ce que l’on exprime, le message peut s’obscurcir. Seule certitude, c’est que la compréhension de lecture est un processus complexe qui nécessite un questionnement permanent. A noter que les mots ne sont pas les seuls à pouvoir subir des dérapages interprétatifs entre émission et réception: c’est également le cas des images, qu’il s’agisse de photographies, de dessins de presse ou de vidéos. Pour percevoir l’étendue des incompréhensions de la lecture de textes et d’images, il suffit de lire les multiples commentaires suite aux articles sur les sites internet des grands médias. Souvent, la bataille devient interprétative, chacun étant persuadé d’avoir tout capté, quelquefois même sans avoir pris le temps de la lecture et encore moins de la relecture. Tandis que certaines interprétations sont cohérentes, d’autres sont carrément farfelues, en grande partie parce que Nadia le lecteur manque de vocabulaire, omet le contexte, n’a pas les outils pour tenir R compte de l’implicite… ev az Toutes ces difficultés rencontrées par des adultes en situation de lecture suffisent à se convaincre de l’absolue nécessité d’un apprentissage plus systématique des principaux mécanismes qui la régissent, tant du point de vue de l’auteur que du lecteur. Bonne lecture de ce dossier sur la compréhension de la lecture. Résonances • Septembre 2015 Mensuel de l’Ecole valaisanne 1
Sommaire ÉDITO DOSSIER L’aventure du texte 1 N. Revaz Compréhension de la lecture 4 – 13 RUBRIQUES Du côté de la HEP-VS 18 Comment réussir à faire aujourd’hui ce qui pourrait être fait demain? - P. Gay Sciences de la nature 20 «Ah… L’EAU, c’est fini!» - C. Keim Réseau de la formation 22 Chantal Tièche Christinat, à la tête d’un Labo sur l’accrochage scolaire - N. Revaz Ecole-culture 24 Valais composé – Ein Kanton im Werden: le DVD - A. Rey Ecole-culture 25 Journées expérimentales au Musée de la nature du Valais - B. Murisier Vielle Ecole-culture 26 Passez à l’Acte! - N. Grieve Education musicale 27 Nouveauté pour favoriser le chant à l’école - B. Oberholzer & J.-M. Delasoie AC&M 28 Construire un phare - D. Salamin Muller Version courte 29 Au fil de l’actualité - N. Revaz Education physique 30 Matériel tip-top en ordre - Team animation EP Echo de la rédactrice 31 De la contradiction - N. Revaz Langues 32 Deuxième langue et technologies - A. Bourban Luy / R. Wyssen CPVAL 34 Retraits dans le cadre du 2e pilier à travers une fable de La Fontaine - P. Vernier / T. Adler Livres 36 La sélection du mois - Résonances Revue de presse 38 D’un numéro à l’autre - Résonances Rencontre du mois 40 Solenne Berthod Borcard, nouvelle enseignante - N. Revaz INFOS Infos DFS 42 Les infos de la rentrée - N. Revaz Infos SE 45 Répartition des arrondissements et des commissions de branches - Service de l’enseignement Infos SE 46 Mise en œuvre de l’Ordonnance sur l’évaluation - P. Antille Infos SE / OES 48 Liste des personnes ressources - Office de l’enseignement spécialisé Infos SE 49 «Planète Religions»: nouveau moyen d’enseignement en 9H (1CO) - Service de l’enseignement Infos / visages du SE 50 Laura Vouardoux, collaboratrice administrative au SE - N. Revaz Les dossiers 52 Les dossiers de Résonances Résonances • Septembre 2015 2 Mensuel de l’Ecole valaisanne
Compréhension de la lecture Lire. Encore faut-il 4 Lire, c’est comprendre… Eveline Charmeux 12 Effet enseignant et enseignement explicite comprendre les textes Steve Bissonnette et les images qu’on lit! Lire, … une Et pour comprendre, il faut 6 pluridisciplinarité 14 Des stratégies éducatives apprendre. Ce dossier de compétences pour un monde d'images Jasmine Purnode Bruno Devauchelle de rentrée propose quelques réflexions et pistes pratiques pour 9 Et si on décortiquait une phrase 16 La compréhension de la lecture en «idées»? à hauteur d’élèves améliorer la compréhension Stéphane Hoeben Nadia Revaz de la lecture des élèves, petits ou grands. Et nous sommes tous apprenants. Résonances • Septembre 2015 Mensuel de l’Ecole valaisanne 3
Lire, c’est comprendre… Eveline Charmeux MOTS-CLÉS : RELATIONS, OPÉRATIONS MENTALES Savoir lire et savoir écrire sont des savoirs subver- sifs, potentiellement dangereux pour le Pouvoir, car ils rendent libres ceux qui les maîtrisent. Durant des siècles, seuls quelques privilégiés, au sommet de l’échelle sociale, y avaient accès. Avec l’arrivée de l’Ecole, dont la mission est de les en- seigner à tous les enfants, la Société a pris grand soin de se protéger contre ce danger. Et le premier moyen C’est aussi comprendre le message. pour cela a été d’installer des pratiques d’enseigne- ment limitées au déchiffrage oralisé pour la lecture et, Si, avec un peu de sérieux, on analyse l’acte de lire et pour l’écriture, aux non-textes que sont les rédactions si l’on cherche ce qui se passe quand on prétend «com- scolaires. Pour être plus efficace encore, il suffisait de prendre ce qu’on lit», on découvre rapidement tout focaliser toute l’attention sur la lecture dite d’évasion, ce que cette tradition feint d’oublier. qualifiant d’ennuyeuses les lectures de réflexion, qui constituent toujours une menace pour l’ordre établi. Lire n’est pas vraiment un «savoir», mais plutôt un C’est ainsi que, depuis que l’école existe, on pose «outil pour savoir». Différence capitale, car, si c’est comme évident un appren- un outil, le but visé n’est pas sa connaissance, mais «Lire, c’est tissage qui commence par les unités minimales de l’écrit, la capacité à s’en servir. Quand on achète une per- ceuse, ce n’est pas pour la connaître, mais pour pou- comprendre, donc pourtant abstraites et diffi- voir l’utiliser! Or, apprendre à utiliser un outil, cela apprendre à lire, ciles: les lettres et leurs rela- se fait au cours d’une situation précise, dont dépend tions avec les sons de la pa- le mode d’emploi. Il est impossible d’apprendre à se c’est apprendre à role orale, pour identifier servir «à vide» d’un outil. comprendre. Oui, les mots du texte. Certes, De la même manière, on peut dire que, si com- mais comment?» on admet que cette identi- prendre ce qu’on lit, c’est être capable de se servir fication ne suffit pas à sa- de ce qu’on a lu pour réaliser un projet (que ce projet voir lire, qu’il faut aussi soit la confection d’un gâteau, la connaissance des apprendre à comprendre ce qu’on a identifié, mais intentions d’un ami, la confirmation d’une opinion, ceci correspond à une seconde étape, dont les détails ou le plaisir de rêver avec un récit d’aventures ima- stagnent dans un flou savamment entretenu. ginaire), il est impossible d’apprendre à lire ailleurs qu’en situation de lecture effective. On sait l’importance des débuts d’un apprentissage pour la maîtrise ultérieure: cette tradition des appren- Exactement comme la perceuse qui exige des em- tissages premiers est largement responsable des dif- bouts et des mandrins différents selon les matériaux ficultés rencontrées par les enfants plus tard, car elle concernés, les situations de lecture s’effectuent à installe des habitudes totalement contraires au com- l’aide d’«objets à lire», différents selon les projets: portement de lecteur efficace, ce qui compromet gra- livres, ouvrages documentaires, catalogues, bro- vement l’acquisition des stratégies de compréhension. chures, journaux, magazines, affiches, etc. dont le Ces pratiques, en effet, prennent pour argent comp- fonctionnement est différent. Si bien que la conduite tant la célèbre définition du Littré de jadis: «Lire, c’est de lecture varie à la fois selon les objets à lire et assembler des lettres pour former des sons». Une défi- selon les projets visés: celle-ci n’est pas la même, si nition qui fait bien sourire les lecteurs d’aujourd’hui, le projet est de «pouvoir faire», d’«apprendre» ce qui savent bien qu’ils ne font pas ça du tout quand qu’on lit, ou de «s’évader» dans le rêve. ils lisent. Il est clair que la connaissance de ces différences Résonances • Septembre 2015 4 Mensuel de l’Ecole valaisanne
DOSSIER est indispensable à la compréhension, et qu’un tra- que je sais de ce que je reconnais? Mon hypothèse vail sur elles devrait être présent dès le début des de signification est-elle logique? apprentissages premiers, et donc être repris, si cela n’a pas eu lieu. Ce sont des activités de raisonnement déductif et par On sait, notamment par les travaux des chercheurs inférence. en pédagogie de l’EPS (P. Parlebas, R. Mérand, J. Ei- Or, la lecture linéaire, immédiate, apprise au CP, et senbeis et bien d’autres), que l’apprentissage d’une qui doit comprendre au fur et à mesure que les mots activité est indissociable de la situation où elle s’ef- sont identifiés empêche complètement ce travail, qui fectue, dans la complexité de tous ses paramètres. implique d’aller chercher des indices un peu partout On n’apprend pas les choses les unes après les autres, dans le texte. mais les choses dans les relations qui les unissent. Il faut donc modifier ces habitudes nocives chez les enfants et leur apprendre à commencer toujours par D’autres aspects importants sont oubliés également, une exploration de l’ensemble du texte afin d’installer à propos de l’écrit. un «horizon d’attentes» et permettre la formulation D’abord, les problèmes relatifs à la langue ne se li- d’hypothèses de signification que la lecture linéaire mitent pas à la relation lettres-sons, le «code». En viendra ensuite valider ou infirmer. fait, c’est tout le fonctionnement de la langue qui est Il faut aussi les habituer à justifier ce qu’ils pensent différent de celui de l’oral, vocabulaire et syntaxe; avoir compris, pour prendre conscience que leur com- le travail sur «le code» est loin d’être primordial. préhension est leur interprétation, que l’on peut tou- Ensuite, comprendre ne se limite pas aux mots du jours discuter, et sur laquelle il importe d’argumenter. texte; il faut toujours comprendre plus que ce qui est Loin d’être ce «machin» ânonnant, qu’est la fausse écrit. Si je vois écrit: «Sortie» au-dessus d’une porte, «lecture à haute voix», trop souvent installée par ce n’est pas un mot à identifier, c’est un message à l’école, lire met en jeu, outre l’intelligence, le célèbre interpréter, dont l’essentiel n’est pas écrit. Aucun «doute méthodique» cher à Descartes, la clé de l’esprit message n’est compréhensible uniquement avec scientifique et de l’honnêteté. l’identification des mots qui le constituent. On mesure le danger qu’il y a à faire croire que la Où l’on voit qu’une pédagogie intelligente est tou- compréhension d’un message arrive toute seule, dès jours, en même temps, instruction et éducation. qu’on en a identifié les mots: au collège, beaucoup d’enfants en sont encore là. Il importe donc de faire découvrir que rien, ni dans L'AUTEURE la lecture, ni dans le foot, n’est mécanique. Tout ap- Eveline Charmeux prentissage se fait dans l’intelligence et la conscience Ancienne élève de l’Ecole Normale (sinon, ce n’est pas de l’apprentissage, c’est du condi- Supérieure de Sèvres, agrégée de grammaire classique, a enseigné la tionnement). Même pour lire un panneau dans la didactique du français, durant trente-cinq ans, rue, il faut réfléchir. d’abord à l’Ecole Normale d’Instituteurs d’Amiens, puis à celle de Toulouse, ainsi qu’à l’IUFM de cette ville. Elle fut aussi enseignant-chercheur associé à Réfléchir comment, et par quelles opérations l’Institut National de Recherche Pédagogique (INRP) mentales? de Paris, travaillant sur tous les problèmes relatifs à l’apprentissage de la langue orale et écrite. En fait, ces opérations mentales (automatisées, certes, mais non mécaniques) sont des mises en relation de trois sortes de données, débouchant sur une prise de LE DOSSIER EN CITATIONS décision dûment justifiée: le projet de lecture: qu’est-ce que je cherche? Compréhension et interprétation «Dans un mouvement itératif, le lecteur s’éloigne les détails perçus dans l’ensemble du texte et dans les du texte (compréhension) et s’en rapproche mots: les lettres qui composent ces derniers (surtout (interprétation) pour constamment changer sa celles qui ne correspondent à aucune prononciation, perspective et l’adapter à la fois à ses connaissances car ce sont les plus importantes pour le sens: dans et aux signes tirés du texte.» le mot «poids», la lettre à repérer, c’est le «d»!), la Erick Falardeau in Compréhension et interprétation: mise en page, la ponctuation, la présence ou non deux composantes complémentaires de la lecture d’images ou de graphiques, etc. littéraire (Revue des sciences de l’éducation, 2003) www.erudit.org/revue/rse/2003/v29/n3/ les connaissances antérieures du lecteur et son es- 011409ar.html prit critique: qu’est-ce que je reconnais? Qu’est-ce Résonances • Septembre 2015 Mensuel de l’Ecole valaisanne 5
Lire, … une pluridisciplinarité de compétences Jasmine Purnode cueillis par la vision et qui implique à la fois des traitements MOTS-CLÉS : DÉCHIFFRER, COMPRENDRE, perceptifs et cognitifs. L’efficacité de la lecture dépend princi- OBSTACLES palement de deux éléments: les capacités d’identification des mots écrits et l’accès au sens de ces éléments. Ces deux facteurs étant essentiels à la lecture, si l’un des deux mécanismes est Des définitions autour du «savoir-lire», il y en a beaucoup. En déficient, un trouble de la lecture s’ensuivra: dyslexie, hyper- voici une, recueillie auprès d’enfants de 6 à 11 ans, à propos lexie; trouble de la compréhension.» de leur conception de la lecture, qui me plaît davantage et qui a accroché ma curiosité: En effet la lecture demande de traiter à la fois le COMMENT «Lire, c’est déchiffrer, comprendre, s’évader, prendre du plai- et le POURQUOI, c’est une activité qui requiert simultanément sir, répondre à la demande de l’école, se trouver face à des une pluralité de connaissances ET d’habiletés intellectuelles. textes, des images.» Savoir lire, c’est pouvoir traiter de manière autonome les écrits Pour décoder, s’approprier un lexique de sa langue (ou d’une autre qu’on maîtrise suffisamment) en et comprendre un enfant doit pouvoir: vue de les comprendre: la compréhension est le but, le traite- ment de l’écrit est le moyen, l’écrit est la «matière première». Identifier les sons dans les mots: c’est la phonologie Connaître la relation phonème/graphème Maîtriser la lecture directe et indirecte Mais encore? Constituer un lexique orthographique «La lecture peut être définie comme une activité psychosen- Posséder un stock lexical précis et étendu sorielle qui vise à donner un sens à des signes graphiques re- Comprendre la signification d’un mot grâce au contexte Résonances • Septembre 2015 6 Mensuel de l’Ecole valaisanne
DOSSIER Savoir catégoriser les mots car il nous manque le lexique, les concepts inhérents à la lec- Avoir conscience qu’un mot peut appartenir à plusieurs ca- ture de ces textes. tégories Avoir des représentations mentales L’enfant comprend toujours quelque chose car comprendre Avoir une conscience syntaxique et savoir sur qui, quand, est transitif. comment, où, pourquoi? Le produit est spécifique dans la mesure où il est attaché à une Comprendre la chronologie (notion qui se termine à 12 ans) phrase ou un texte, les processus sont communs à toute lecture. Comprendre le système de pronoms et d’anaphores Savoir utiliser le langage d’évocation Dispositif proposé par Luc Maisonneuve S’appuyer sur ses connaissances culturelles en vue de pos- pour apprendre à comprendre séder une culture littéraire, scientifique, sociale Comprendre l’implicite SE POSER les 6 questions: Qui? Où? Quand? Quoi? Comment? Pourquoi? Pour les enfants, «savoir-lire» c’est principalement déchiffrer. En les interrogeant, on s’aperçoit qu’il y a peu de références sur la compréhension. Les enfants pensent que progresser en Le produit: 3 axes servent d’orientation lecture c’est lire plus vite, de manière plus fluide, mais peu se aux objectifs: demandent comment faire pour mieux comprendre. L’axe narratif: l’histoire, les personnages L’axe figuratif: le monde représenté Qu’est-ce que comprendre, au fait? L’axe idéologique: situations, problèmes et systèmes Lire, c’est chercher du sens. Personne ne lit pour lire, nous de valeurs lisons pour un objectif qui se trouve en dehors de l’activité elle-même, mais cet objectif final passe par la compréhen- sion du texte lu. LE DOSSIER EN CITATIONS «Comprendre, c’est une démarche active par laquelle l’esprit Objectifs affectifs, culturels s’approprie, fait sienne une connaissance. Mais comprendre, et interculturels c’est aussi développer la faculté de construire des liens lo- «Un enseignement efficace de la compréhension est giques, de mettre ensemble des éléments dans une constel- celui qui permet à l’élève d’apprendre à partir du lation d’éléments disparates dans une recherche globale et texte mais aussi, et surtout, qui lui donne accès à cohérente de sens, selon Michel Fayol. d’importants domaines de connaissances ainsi qu’un Pour Cèbe et Goigoux, comprendre se définit comme la capa- moyen d’atteindre des objectifs affectifs, culturels et cité à construire à partir des données d’un texte et des connais- intellectuels.» sances antérieures, une représentation mentale cohérente de Marie Gaussel in Lire pour apprendre, lire pour la situation évoquée par le texte. comprendre (Dossier de veille de l’IFÉ, n° 101, mai. Pour Joseph Stordeur, cela se résume à donner de la place à Lyon: ENS de Lyon) la réflexion, permettre à l’enfant d’élaborer dans le temps ses outils mentaux nécessaires à l’apprentissage et accéder à la http://ife.ens-lyon.fr/vst/DA/detailsDossier. compréhension. Il est important de lui donner du temps pour php?parent=accu eil&dossier=101&lang=fr souvent répéter ainsi et l’aider ensuite à favoriser les évoca- tions personnelles La compréhension, dixit le PER «Aider les élèves à mieux comprendre en les incitant à: Comment apprend-on à comprendre? ralentir, poursuivre la lecture, relire un mot, une L’enfant doit être capable de décoder une phrase, un texte, phrase, un paragraphe d’en dégager les informations explicites et implicites de type effectuer des liens avec leurs propres connaissances «présupposé», informations partagées = compréhension, puis gérer la perte éventuelle de compréhension d’inférer de ces informations des informations plus person- faire des inférences nelles, implicites de type «sous-entendu» = interprétation. utiliser les stratégies de lecture recourir au décodage lors de la rencontre de mots L’ensemble de ce travail doit produire une lecture cohérente. inconnus confronter des interprétations entre pairs Il est possible de lire dans sa propre langue, de décoder un lire à haute voix de manière expressive.» texte en philosophie ou un texte scientifique, d’en connaître www.plandetudes.ch/web/guest/L1_21 tous les mots, mais assemblés ils ne nous amènent pas au sens, Résonances • Septembre 2015 Mensuel de l’Ecole valaisanne 7
Le processus: il s’appuie sur 5 types Il a du mal à mettre en relation les éléments sémantiques. de transactions: Il oublie au fur et à mesure ce qu’il vient de lire. Textuelles et iconiques, stratégies de compréhension; d’in- «Le verbe ‘’lire’’ ne supporte pas l’impératif. Aversion qu’il terprétation: précisions, clarifications; révisions explicites- aime partager avec quelques autres: le verbe ‘’aimer’’, le verbe implicites = présupposé ‘’rêver’’.» Daniel Pennac dans Comme un roman. Intertextuelles: scénarios déjà rencontrés dans des livres, des films, etc. Le premier objectif face à un enfant qui présente une difficulté Personnelles, appel au «vécu», à l’environnement familier à entrer dans la lecture est de lui amener le goût, le plaisir, des enfants l’envie, la curiosité de lire, afin qu’il se place comme acteur Critiques et réflexives, évaluation, rapport au système de de sa propre lecture. valeurs personnel Expressives, créatives, les représentations, les projections La lecture est un phénomène qui n’épargne pas la phase de l’apprentissage du décodage qui, pour certains enfants, reste Afin d’aider l’enfant à apprendre à comprendre, toutes sortes une tâche pénible, longue et semée de contraintes liées à plu- de jeux, de livres, de textes interactifs sont à sa portée. sieurs facteurs intrinsèques et contextuels de l’enfant. L’adulte, tant enseignant que parent, a un rôle de «question- neur» et doit rendre sa pensée «réflexive», en lui suggérant MAIS LIRE c’est découvrir le monde, alors belle découverte! les questions ad hoc à ses hypothèses de compréhension. Références Déjà auprès de l’enfant petit, les Sylvie Cèbe et Roland Goigoux, Apprendre à lire à parents apportent cette lecture ré- l’école, Retz, 2006 «Lire, flexive quand ils leur lisent un livre, Sylvie Cèbe et Roland Goigoux, Lector et Lectrix, c’est chercher ce sont eux qui l’amènent à se poser Apprendre à comprendre des textes narratifs, Retz, du sens.» des questions, c’est toujours dans 2009 l’échange autour de ce qui est lu que Gérard Chauveau, Comment l’enfant devient lecteur, la curiosité de l’enfant est interpelée. Retz, 2004 André Giordan et Jérôme Saltet, Apprendre à A l’heure où l’iPad ou iPhone est à l’honneur et devient le jeu apprendre, Librio, 2007 (réédition 2015) numéro 1 des familles, choisi souvent par un contenu attrac- Joseph Stordeur, Comprendre, apprendre, tif, le feedback nécessaire à l’échange relationnel est inexis- mémoriser - Les neurosciences au service de la pédagogie, Editions de Boeck, «outils à enseigner», tant. C’est de cet échange que naît la réflexion, les questions- 2014 réponses nécessaires au développement cognitif de l’enfant. Luc Maisonneuve et Sylvain Brégardis, «Je lis et j’écris avec Tyl et ses amis», Belin C’est ce qu’on appelle en systémique la co-construction, tant Marie Lallouet, «Mon enfant n’aime pas lire, dans l’apprentissage du langage oral que de l’écrit, l’enfant comment faire?», Bayard Jeunesse, les petits guides a besoin de l’adulte pour lui donner un retour sur ce qu’il dit, J’aime lire, 2007 lit, comprend du monde. «Patati: Une histoire pour apprendre à comprendre» www.declickids.fr, histoire numérique Quels sont les freins à la compréhension? www.lireplus.ch Yak Rivais, 140 jeux pour lire vite (Je m'amuse en Les causes possibles des difficultés de la lecture: lisant avec mes parents), Retz, 1990 L’enfant «attaque» le texte écrit sans avoir identifié le type d’écrit. Il commence le travail d’identification des mots et le traite- L'AUTEURE ment des phrases sans s’interroger sur le contenu (pas d’évo- cation) sans la volonté de savoir ce que l’histoire raconte. Jasmine Purnode Il traite chaque mot écrit, l’un après l’autre, séparément, est logopédiste, responsable sans regarder et sans jamais parcourir des yeux l’ensemble du CDTEA de Monthey de la phrase. Il a du mal à déchiffrer-décoder de nombreux mots. Son stock lexical est si restreint qu’il ne trouve plus au début que des petits mots ou des mots familiers (niveau des ap- Pour aller plus loin prentissages fondamentaux). Pearltree Résonances en lien avec le dossier Il essaie de traiter chaque mot sans tenir compte du contexte http://goo.gl/NY7CZ3 et des contraintes syntaxiques et sémantiques. Résonances • Septembre 2015 8 Mensuel de l’Ecole valaisanne
DOSSIER Et si on décortiquait une phrase en «idées»? Stéphane Hoeben de communiquer un ensemble d’informations au lec- MOTS-CLÉS: SENS, ORGANISATION, teur. Voici quelques définitions pour soutenir cette CONSCIENTISATION idée d’agglomérat sémantique à segmenter pour comprendre le sens de chacun ainsi que le sens de leur mise en liaison. Depuis une dizaine d’années, beaucoup d’écrits abordent la lecture de l’inférence et/ou de l’impli- «La phrase est un mot ou un groupe de mots por- cite. Tout en reconnaissant l’intérêt de ces apports, teurs d’un sens suffisant pour la communication.» les enseignants rencontrés ont attiré mon attention (Houziaux) sur ce que j’appellerais un «niveau plus basique» de la compréhension: la compréhension de l’explicite, «C’est par phrases que nous pensons et que nous soit des infos énoncées dans une phrase. parlons; la phrase est un assemblage logiquement et grammaticalement organisé en vue d’exprimer un Aujourd’hui, je pense que dans les classes, un travail sens complet: elle est la véritable unité linguistique.» spécifique, très fréquent et sur une longue période, (Grevisse. Le bon usage, 8e éd., 1964) devrait être proposé sur la reconnaissance de l’expli- cite dans une phrase. «La phrase est l’unité de communication linguis- tique: c’est la suite phonique minimale par laquelle En effet, une phrase est souvent un ensemble de un locuteur adresse un message à un auditeur.» mots organisés grammaticalement qui permettent (Goosse-Grevisse. Le bon usage, 12e éd., 1986) Résonances • Septembre 2015 Mensuel de l’Ecole valaisanne 9
«La phrase est le plus petit énoncé offrant un sens ou à l’étranger, afin de conscientiser les enseignants complet.» (Deloffre) à cette double nécessité, je propose la consigne sui- vante: «Merci de décomposer cette phrase en 8 idées Ce qui caractérise ces 4 définitions c’est le critère de (8 propositions)» complétude. Comme le souligne l’auteur de l’ouvrage cité «Deloffre et Grevisse font référence à la notion de Hier matin, la grand-mère de Julie est partie "sens complet" tandis que les deux autres définitions à la mer du Nord en train. invoquent ce critère, en postulant l’existence d’une li- mite inférieure en deçà de laquelle, même si des mots Bien entendu, j’accueille toutes les réponses ci-contre sont juxtaposés, ils n’en forment pas une phrase.» car les adultes/enseignants se trouvent eux aussi en ap- Ce passage par des réfé- prentissage… sur le concept d’idée et sur la conscien- rents théoriques confirme tisation de leur niveau de langue dans l’expression de «Un travail le principe qu’une phrase l’idée. Je propose de commenter des réponses obtenues spécifique devrait (sauf si elle ne comporte (cf. tableau ci-contre). être proposé sur qu’un mot, et encore!) est composé d’unités séman- Vous constatez par vous-même la diversité dans l’expli- la reconnaissance tiques «constituantes» citation de la compréhension. Ainsi, des enseignants de l’explicite dans d’une unité plus complexe. amenés à apprendre à lire (comprendre) un texte, for- Ainsi donc, chaque phrase mulent eux-mêmes toutes ces assertions. une phrase.» lue ou entendue est consti- Pourquoi? Parce qu’aucun d’entre nous n’a bénéficié de tuée d’un certain nombre cet apprentissage: le «passage» de la phrase aux idées d’idées. Celles-ci peuvent être reconnues séparément et la «conscientisation» de ses niveaux de langue dans mais également former, selon leur ajustement gram- l’explicitation de la compréhension. matical ou intonatif, des sens supplémentaires. Ces propos ouvrent des perspectives didactiques: En d’autres mots: «Une phrase, c’est comme un mur formé de briques distinctes. Chaque brique a son uti- Celle de distinguer infos explicites et implicites lité et la manière de les agencer forme une colonne, un muret,…» Celle de reconnaître quand on propose une hypo- Je viens simplement d’exprimer ce que chacun a vécu thèse (qui ne peut être confirmée) dans sa scolarité de façon «sauvage» à travers des «lec- tures silencieuses» ou des «questionnaires de lecture». Celle d’être conscient que l’on projette ses sentiments En effet, j’ai le souvenir de ces textes que nous rece- plutôt que de lire vraiment vions à lire et à propos desquels nous devions répondre à diverses questions. Celle de distinguer «inférence pragmatique» et «in- Il s’agissait pour nous d’effectuer un lien entre «l’idée férence logique» exprimée par la question» et «l’idée exprimée dans le texte». Sous cette activité traditionnelle, le lecteur de- Faut-il un enseignement formel de chaque «niveau» vait montrer sa double compétence: de verbalisation? la reformulation identique, la pa- raphrase ou la synonymie, l’usage d’un terme géné- celle de retrouver une idée dans une phrase (dans un rique… texte) N’hésitez pas à demander une information plus com- celle de comprendre la paraphrase entre les mots de plète (8 pages), via stephane.hoeben@skynet.be la question et les mots du texte car à juste titre, pour éviter une simple discrimination visuelle, l’auteur du Note questionnaire n’utilisait pas les mots du texte. 1 Extraites de l’ouvrage «De la phrase aux énoncés: grammaire scolaire et descriptions linguistiques, De Boeck/Duculot Quand apprenions-nous cela de façon organisée? Jamais. Certains voyaient leurs compétences existantes perfec- tionnées par l’effet de répétition chaque lundi matin, L'AUTEUR d’autres apprenaient de façon intuitive et enfin d’autres Stéphane Hoeben encore obtenaient chaque semaine la confirmation de est consultant en éducation leur incompétence en lecture. Aussi, lors de chaque formation en lecture en Belgique Résonances • Septembre 2015 10 Mensuel de l’Ecole valaisanne
DOSSIER Réponses d’enseignants Commentaires de ma part Idée formulée en utilisant les mots de la phrase. C’est facile pour l’élève Il s’agit d’une grand-mère. de s’y retrouver. On ne le dit pas dans le texte. Bien sûr, l’inférence pragmatique (liée au Elle est malade. vécu) peut amener cette idée mais il s’agit plus d’une hypothèse créée par le lecteur que d’une information fournie par l’auteur. En fait il y a deux idées: c’était hier et précisément au matin. Le lecteur Cela se passe hier matin. doit apprendre cette distinction. L’explicitation des idées est systématiquement paraphrasée par un On sait «C’est qui? lexique interrogatif. Il s’agit d’un autre niveau de langue qui demande C’est où? C’est quand?» un apprentissage explicite pour certains apprenants. L’idée est exprimée par un synonyme ou un autre ensemble de mots C’était avant midi. (paraphrase) construit sur la définition du mot «matin». On ne le dit pas dans le texte. Bien sûr, l’inférence pragmatique (liée au Il devait faire beau. vécu) peut amener cette idée mais il s’agit plus d’une hypothèse créée par le lecteur que d’une information fournie par l’auteur. Le texte ne le dit pas explicitement mais l’inférence logique (ici basée sur Julie n’est pas du voyage. la grammaire) amène à affirmer que Julie n’est pas du voyage. Sinon, on aurait eu tendance à dire: «Julie et sa grand-mère…» A nouveau, deux idées sont exprimées: Il s’agit d’une mer (lieu) et son Elle se rend à la mer du Nord nom c’est «du Nord». Ici, le lecteur exprime un retentissement personnel (émotionnel) face au message. Ce n’est pas ce qu’on lui demande. Un certain nombre d’indivi- Moi, je n’aime pas la mer. dus doivent apprendre à quitter leur rapport «égocentrique» au monde pour comprendre l’extérieur. L’idée est exprimée par un autre ensemble de mots. Il s’agit de l’usage Son moyen de locomotion, d’un terme générique. Le lecteur qui s’exprime ainsi change de niveau c’est le train. de langue pour une certaine généralisation. Certains élèves ont besoin d’apprendre cela. On ne le dit pas dans le texte. Cette idée est créée par l’inférence prag- Elle ne sait plus conduire. matique ou un retentissement émotionnel face à une personne âgée. Résonances • Septembre 2015 Mensuel de l’Ecole valaisanne 11
DOSSIER Effet enseignant et enseignement explicite Steve Bissonnette MOTS-CLÉS : MODELAGE, PRATIQUE GUIDÉE, PRATIQUE AUTONOME Il y a de cela une quarantaine d’années, on considé- rait encore que l’enseignant représentait une variable négligeable dans la réussite scolaire des élèves. On attribuait à des facteurs périphériques à l’école, tel le milieu socio-économique, un rôle primordial. Or, à la suite de nombreuses études réalisées depuis, on a maintenant pu mettre en évidence ce qui est désormais appelé l’effet enseignant. En effet, des recherches empiriques utilisant la méta- analyse et d’autres études mesurant la «valeur ajoutée» de l’enseignant ont réussi à comparer et à mesurer de manière fine l’impact de différents facteurs sur la per- formance scolaire des élèves (Gauthier, Bissonnette et Richard, 2013). Ces recherches ont montré que l’ensei- gnant jouait un rôle important pour favoriser l’appren- Lors d’épreuves de compréhension de lecture, l’enseignement explicite tissage des élèves, et ce, particulièrement auprès de a montré des effets positifs sur les jeunes lecteurs à risque d’échecs. ceux pour qui l’école doit faire une différence, soit les élèves en difficulté et ceux à risque d’échecs. cite sont ceux qui produisent les gains d’apprentissage les plus élevés auprès des élèves qui leur sont confiés. Une méga-analyse ayant synthétisé les résultats prove- Effet enseignant nant de 362 recherches, publiées entre 1963 et 2006, im- Dans une publication récente, Hattie (2012) présente pliquant au-delà de 30 000 élèves a également montré une synthèse de plus de 900 méta-analyses ayant étu- l’efficacité supérieure de l’enseignement explicite sur dié l’impact de différents facteurs sur le rendement des les apprentissages en lecture, en écriture et en mathé- élèves. Cette étude représente la recherche la plus im- matiques auprès des élèves en difficulté et de ceux à posante publiée en éducation ayant analysé rigoureu- risque d’échecs (Bissonnette, Richard, Gauthier et Bou- sement l’effet de différents facteurs sur le rendement chard, 2010). De même, une étude québécoise récente des élèves. Hattie (2012) a identifié et classé, selon les (Turcotte, Giguère et Godbout, 2015) a montré les effets effets mesurés, une centaine de facteurs ayant un im- très positifs de l’enseignement explicite des stratégies pact sur le rendement des élèves. Ces différents facteurs de compréhension de lecture auprès de jeunes lecteurs ont ensuite été regroupés en six grandes catégories: 1- à risque d’échecs. «Ce projet de recherche mené en mi- les facteurs reliés à l’élève, 2- les facteurs liés au milieu lieu défavorisé a impliqué 20 enseignants de la 4e à la familial, 3- les facteurs associés à l’école, 4- les facteurs 6e année du primaire. Ces derniers se sont engagés à reliés à l’enseignant, 5- les facteurs liés au curriculum, enseigner des stratégies de compréhension de lecture 6- les facteurs associés aux méthodes d’enseignement. de façon explicite aux élèves à partir de textes courants Or, ce sont les facteurs reliés à l’enseignant qui arrivent venant de diverses sources. En septembre 2012 et en bons premiers. avril 2013, leurs élèves (n=273) ainsi que des élèves ve- nant de classes ne recevant pas l’intervention (n=101) De plus, des études récentes ayant mesuré la valeur ont répondu à une épreuve de compréhension de lec- ajoutée de l’enseignant (Grossman et al., 2010, 2011) ture. Les résultats suggèrent que les élèves des classes ont montré que ceux qui utilisent l’enseignement expli- avec intervention [enseignement explicite], beaucoup Résonances • Septembre 2015 12 Mensuel de l’Ecole valaisanne
DOSSIER plus faibles en début d’année, rattrapent l’écart qui les que cette modification des pratiques d’enseignement sépare des élèves des classes sans intervention en fin favorise la mise en œuvre de stratégies dont l’efficacité d’année » (Turcotte et al., 2015, p. 106). sur le rendement des élèves a été montrée rigoureuse- ment comme c’est le cas pour l’enseignement explicite! Enseignement explicite L’enseignant qui enseigne explicitement évite l’impli- cite et le flou qui pourraient nuire à l’apprentissage. Références Pour y arriver, il ou elle met en place un ensemble de Bissonnette, S., Richard, M., Gauthier, C. et Bouchard, C. mesures de soutien aidant les élèves dans leur processus (2010). Quelles sont les stratégies d’enseignement efficaces d’apprentissage. Ces mesures de soutien ou d’étayage favorisant les apprentissages fondamentaux auprès des passent par les actions de dire, de montrer et de gui- élèves en difficulté de niveau élémentaire? Résultats d’une der les élèves dans leur apprentissage. Dire, au sens de méga-analyse. Revue de recherche appliquée sur l’appren- tissage, 3(1), 1-35. rendre explicites pour les élèves les intentions et les ob- jectifs visés par la leçon. Dire, aussi au sens de rendre Gauthier, C., Bissonnette, S., et Richard, M. (2013). Ensei- explicites et disponibles pour les élèves les connaissances gnement explicite et la réussite des élèves. La gestion des antérieures dont ils auront besoin. Montrer, au sens de apprentissages. Québec: Éditions du Renouveau Pédago- rendre explicite pour les élèves l’accomplissement d’une gique Inc. tâche en l’exécutant devant eux et en énonçant le rai- sonnement suivi à voix haute. Guider, au sens d’ame- Grossman, P. (2011). Protocol for Language Arts Teaching ner les élèves à rendre explicite leur raisonnement im- Observations. Document téléaccessible à l’URL: www.gse.har- vard.edu/ncte/news/NCTE_Conference_PLATO_Grossman.pdf plicite en situation de pratique. Guider, aussi au sens de leur fournir une rétroaction appropriée, afin qu’ils Grossman, P., Loeb, S., Cohen, J., Hammerness, K., Wyc- construisent des connaissances adéquates avant que les koff, J., Boyd, D., et Lankford, H. (2010). Measure for mea- erreurs ne se cristallisent dans leur esprit. La fonction sure: The relationship between measures of instructional principale de ces mesures de soutien est d’éviter de sur- practice in middle school english language arts and tea- charger la mémoire de travail des élèves. chers’ value-added scores. Working paper 16015. Document téléaccessible à l’URL: www.caldercenter.org/upload/CAL- L’enseignement explicite se divise en trois étapes sub- DERWorkPaper_45.pdf séquentes: le modelage, la pratique guidée ou dirigée Hattie, J. A. (2012) Visible learning for teachers. Maximi- et la pratique autonome ou indépendante. L’étape du zing impact on learning. New York: Routledge. modelage a pour but de favoriser, auprès des élèves, la compréhension de l’objectif d’apprentissage; celle de Turcotte, C., Giguère, M.H. et Godbout, M.J. (2015). Une la pratique dirigée leur permet d’ajuster et de conso- approche d’enseignement des stratégies de compréhension lider leur compréhension dans l’action; finalement, la de lecture de textes courants auprès de jeunes lecteurs à dernière étape, la pratique autonome, fournit de mul- risque d’échouer. Language and literacy, 17(1), 1–20. tiples occasions d’apprentissage nécessaires à la maîtrise et à l’automatisation de connaissances. Ainsi, l’ensei- gnant modèlera au départ, devant les élèves, ce qu’il L'AUTEUR faut faire, pour ensuite les accompagner en pratique Steve Bissonnette dirigée afin qu’ils s’exercent à leur tour, de façon à ce enseigne au niveau universitaire qu’ils soient capables, en bout de course, d’accomplir depuis 2008. Il a commencé sa seuls la tâche en pratique autonome. Le questionne- carrière à l’Université du Québec ment ainsi que la rétroaction devront être constants en Outaouais, au département de tout au long de la démarche pour s’assurer que les ac- psychoéducation. Depuis juin 2012, il tions effectuées par les élèves seront adéquates. est professeur à l’unité d’enseignement et de recherche en éducation de la Télé-Université. Conclusion Son domaine de spécialisation est l’intervention en Les résultats provenant de diverses études montrent milieu scolaire. Pendant plus de 25 ans, il a travaillé l’effet déterminant de l’enseignant sur l’apprentis- auprès des élèves en difficulté et du personnel sage des élèves, particulièrement auprès de ceux qui scolaire dans les écoles des niveaux primaire et secondaire ainsi qu’en centre jeunesse. Il s’intéresse éprouvent des difficultés. Ainsi lorsque l’objectif d’un aux travaux sur l’efficacité de l’enseignement et système éducatif est la réussite du plus grand nombre des écoles, à l’enseignement explicite, à la gestion d’élèves, nous pensons qu’une modification des pra- efficace des comportements ainsi qu’aux approches tiques d’enseignement est une condition sine qua non et moyens pédagogiques favorisant la réussite des pour l’atteinte d’un tel objectif. Cependant, afin de élèves en difficulté. permettre au plus grand nombre de réussir, il importe Résonances • Septembre 2015 Mensuel de l’Ecole valaisanne 13
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